3e dimanche ordinaire B par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 

Commentaires des Lectures du dimanche 25 janvier 2015

Jonas 3, 1-5.10  (Á l’appel du prophète, les païens se convertissent)

 Dieu avait ordonné à Jonas d’annoncer à Ninive sa destruction. « Jonas », en hébreu, signifie *« pigeon » (ou « colombe »), avec la dose de naïveté que nous conférons en français à ce mot. Jonas a voulu fuir sa mission pour ne pas être « pigeonné ». En vrai prophète, il a compris d’avance qu’il perdrait la face, puisque Dieu n’exécuterait pas sa sentence : « Je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux… renonçant au châtiment » (4, 2). Mais un prophète n’échappe pas au Seigneur. Un poisson l’a miraculeusement ramené au point de départ de sa mission.

  Effectivement, Jonas prononce un oracle de condamnation : « Ninive sera détruite. » Effectivement, les Ninivites se sont convertis, et Dieu revient sur sa décision. Le lecteur de ce conte prophétique apprend ainsi qu’il n’y a plus de condamnation inconditionnelle : Dieu n’est pas tenu de donner raison à ses envoyés (comparer la plainte de Jérémie 20, 7-9). Il n’est tenu qu’à sa propre parole, qui est tendresse et miséricorde.

  Jonas a prononcé « un kérygme », un slogan résumant le message dont Dieu charge ses envoyés. Tout kérygme invite à la conversion. Jésus prononce le kérygme du règne de Dieu : « convertissez-vous et croyez à l’Évangile. Il parlera du « signe de Jonas » (Luc 11, 29-30). Les Ninivites n’ont eu pour signe que la parole de Jonas ; de même, Jésus n’a à donner que sa parole qui nous invite à la conversion.

 * Jonas, « le pigeon ». Dans l’histoire de Jonas, tous les païens sont sympathiques, les marins dans la tempête, qui s’excusent auprès du Seigneur de se débarrasser de leur passager néfaste, et les Ninivites, qui font même jeûner les animaux (3, 7). Seul Jonas reste grincheux de bout en bout. Avec un humour digne du récit biblique, les commentateurs juifs ont ajouté ce nouveau trait : en vrai prophète, Jonas savait que les Ninivites allaient se convertir au premier appel et que Dieu reviendrait sur sa menace pourtant catégorique. Ce qui faisait injure au peuple d’Israël qui, comme chacun le sait, a rarement répondu aux appels au repentir lancés par les prophètes. Or, un vrai prophète doit livrer sa vie pour son peuple. Voilà pourquoi, afin de ne pas faire honte à Israël, Jonas avait voulu fuir sa mission.

  1 Corinthiens 7, 29-31 (Le monde passe : vivons ce temps pour le Seigneur)

Depuis 1 Corinthiens 7, 1, Paul répond à des questions concrètes qu’on lui a posées par courrier. Il s’agissait notamment de savoir si, dans l’attente de la venue glorieuse du Christ au terme de notre histoire, le célibat était préférable au mariage. Sans cacher son estime pour le célibat qu’il pratique, l’Apôtre invitait à une prudence qui considère le mariage comme la règle générale. à présent, il élargit les perspectives en suggérant l’attitude fondamentale qui doit gouverner la vie chrétienne, quel que soit le genre de vie adopté.

  *Le temps est, littéralement, « cargué » (limité), comme la voile du navire rentrant au port. Le texte s’achève par la même idée : la forme de ce monde-ci s’effrite parce que la puissance du Christ ressuscité illumine déjà l’horizon de l’histoire. Cette catéchèse reviendra dans la 1ère lettre de Jean : « Le monde avec ses désirs est en train de disparaître. Mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure pour toujours » (1 Jean 2, 17).

  Paul illustre le motif par des sentences finement ciselées : le mariage est un état transitoire (cf. Romains 7, 2-3 et Luc 20, 34-36). Les événements qui procurent du chagrin ou du bonheur doivent être relativisés, de même les opérations économiques. L’Apôtre ne prêche nullement une indifférence cynique. Il invite à la liberté et à un juste discernement quiconque comprend que la vie chrétienne est un court trajet vers la rencontre avec le Seigneur ressuscité.

 * Le temps. « Le monde du temps n’est pas l’unique réalité dont nous soyons conscients. Une autre Réalité se laisse entrevoir, elle frémit et s’agite, elle nous ébranle, et cherche à nous éveiller, elle nous envahit enfin et, dans son amour, elle nous embrasse – avec toutes choses – en Elle-même. Et cette réalité est Dieu. Désormais, nous vivons à la fois sur deux plans, celui du temps et celui de l’Éternité. Ils forment un tout, et la frontière entre les deux varie » (T. Kelly).

 

Marc 1, 14-20  (Jésus invite les hommes à la conversion, et appelle ses premiers disciples)

Après le baptême et la tentation au désert (Marc 1, 12-13), Marc montre maintenant Jésus à pied d’œuvre. Deux scènes illustrent l’inauguration de sa mission : d’abord, la proclamation de son kérygme ; puis, en réponse à ce message, le départ des premiers disciples à sa suite.

Le kérygme de Jésus

 Selon Matthieu, qui a sans doute raison, le Baptiste et Jésus proclamaient le même *kérygme : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux est tout proche » (comparer Matthieu 3, 2 et 4, 17). Mais Marc sait que les deux prédicateurs n’ont pas la même conception du « règne de Dieu ». Aussi en réserve-t-il la proclamation à Jésus seul. Car, tandis que Jean envisage la venue du règne de Dieu comme un terrible jugement (Matthieu 32, 3-7), Jésus annonce la venue de ce Règne comme une heureuse nouvelle pour ceux qui veulent bien changer de vie. Alors que Jean exerçait son ministère aux frontières du désert, Jésus enracine sa mission en Galilée, au cœur de son peuple.

  Matthieu et Marc s’accordent sur le fait que, littéralement, « le règne [ou Royaume] de Dieu [ou des Cieux] s’est fait proche », ou plus significativement encore : « .a fini son approche. » Marc précise : « Le temps est accompli », le temps que Dieu a fixé pour venir enfin régner sur l’humanité. C’est la frontière d’une nouvelle époque dont l’avènement est lié à l’accueil que lui fera l’homme par la foi et la conversion. Chaque fois que l’évangile retentit à nos oreilles et nous appelle à la conversion, nous sommes placés sur cette même frontière. L’évangéliste situe le commencement de la mission de Jésus « après l’arrestation de Jean », plus littéralement : « après que Jean eut été livré ». Derrière ce drame achevant la carrière du Baptiste se profile déjà le jour où « le Fils de l’homme sera livré aux mains des hommes » (Marc 9, 31). Car la Bonne Nouvelle de Dieu passera par la Passion de son messager et reportera la plénitude de ce règne divin dans l’ère de la résurrection, selon la parole même du Seigneur, la veille de sa mort : cf. Matthieu 26, 39 ; Marc 14, 25 ; Luc 22, 18.

L’appel des premiers disciples

Le départ des quatre premiers disciples à la suite de Jésus est une prompte réponse à sa proclamation du règne de Dieu. Le récit se subdivise en deux tableaux parallèles : l’appel de Simon et de son frère André, puis de Jacques et de son frère Jean. La seconde scène, plus simple, semble aussi la plus primitive. On y reconnaît le schéma de l’appel d’élisée par élie selon 1 Rois 19, 19-21. Puis, vu l’importance de Pierre dans l’église, la tradition a calqué sur ce modèle l’appel de Simon et d’André, en y intégrant l’écho d’un autre récit relatif à Pierre, celui de la pêche miraculeuse (cf. Luc 5, 10). Mais, à en croire Jean (évangile de dimanche dernier), la vocation de Pierre aurait eu en fait un autre cadre.

Ici, le premier appelé se nomme Simon. Il recevra le nom de Pierre lors de l’institution des Douze apôtres (cf. Marc 3, 13-19). L’expression « pêcheurs d’hommes » évoque le filet du pêcheur ou du chasseur. En Habacuc 1, 14-15 et Jérémie 16, 16, l’image illustre le jugement de Dieu capturant celui qui croyait lui échapper. Mais les évangiles interprètent Jérémie 16, 14-21 comme une prophétie du rassemblement des Juifs et de la conversion des païens. C’est donc une annonce de la mission chrétienne à venir. Mais, pour devenir apôtres, après la résurrection du Christ, missionnaires, les premiers appelés sont d’abord des disciples, des élèves. Comme tels, comme nous, « ils vont derrière Jésus », « ils suivent » celui qui incarne en sa personne le règne de Dieu.

* Le kérygme. Chez les Grecs, le kérygme (kèrugma) est le message de paix ou de guerre, proclamé (verbe grec kèrussô) par un héraut officiel (kèrux). Dans le Nouveau Testament, les théologiens parlent de « kérygme » lorsqu’ils rencontrent une formule brève, un slogan qui résume toute une prédication. Dans les évangiles, Jésus est le héraut de Dieu, le messager de l’avènement de son règne. Le kérygme des apôtres sera différent, se résumant souvent en ceci : Christ est mort pour nous ; Dieu l’a ressuscité. Bref, celui qui annonçait le règne de Dieu, c’est le Christ lui-même, objet lui-même du kérygme selon le message missionnaire (cf. 1 Co 15, 3-8 et Luc 24, 34), qui nous conduit vers la vie.

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