4ième Dimanche de Carême – Claude WON FAH HIN

 

L’évangile aujourd’hui traite du thème de celui qui voit (de celui qui a confiance en Dieu) et de celui qui ne voit pas (c’est-à-dire « des orgueilleux qui sont aveugles vis-à-vis de leurs propres défauts »).

En sortant du Temple, Jésus voit un aveugle de naissance. A l’époque, on pensait que le mal physique, tel cet aveugle de naissance, avait pour origine le péché. A ses disciples qui lui demandent si le péché venait de l’aveugle-né, ou de ses parents, Jésus répond que ni lui, ni ses parents n’ont péché, mais c’est tout simplement pour que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. En effet, en guérissant cet homme, Jésus accomplit ici un miracle, afin que l’on reconnaisse que l’œuvre de Dieu se manifeste en Jésus-Christ en notre faveur. « Tant que Jésus est dans le monde, Il est la lumière du monde » (v.5). Et l’aveugle de naissance voit la lumière parce qu’il a accepté de faire confiance totale à Jésus. Il s’est laissé prendre en main par Jésus et a fait tout ce que Jésus lui a demandé de faire. Jésus est venu « pour que ceux qui ne voient pas voient ». Cela ne s’adresse pas seulement à ceux qui ne voient pas de leurs yeux, mais aussi à ceux qui refusent de voir la vérité avec leur cœur. Beaucoup d’entre nous sont incapables de voir ou ne veulent pas voir leurs propres défauts et leurs propres péchés. Même s’ils savent qu’ils ont tel ou tel péché, rien n’y fait, ils ne sont pas prêts de changer, de se convertir, de se mettre à la suite du Christ, et ce n’est pas parce que l’on vient à la messe, que l’on prie, qu’on lit la parole de Dieu, que l’on doit se croire sauvés car tout cela on peut le faire tout en étant hypocrites. « La mondanité spirituelle (les chrétiens qui soignent leur apparence et veulent faire croire qu’ils sont de bons chrétiens), qui se cache derrière des apparences de religiosité et même d’amour de l’Église, consiste à rechercher, au lieu de la gloire du Seigneur, la gloire humaine et le bien-être personnel….Comment pouvez-vous croire (en Dieu), vous qui recevez la gloire les uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient du Seigneur ? Il s’agit d’une manière subtile, caché, de rechercher « ses propres intérêts, non ceux de Jésus Christ. Elle prend de nombreuses formes, suivant le type de personne et la circonstance dans laquelle elle s’insinue. Du moment qu’elle est liée à la recherche de l’apparence (ou un semblant de « sagesse »), elle ne s’accompagne pas toujours de péchés publics, et, extérieurement, tout semble correct. Mais si elle envahissait l’Eglise, elle serait infiniment plus désastreuse qu’une quelconque autre mondanité simplement morale ». Ce que je viens de dire sur la mondanité spirituelle est du Pape François (Joie de l’Évangile – §93). Et il ajoute (§94) : « ceux qui, en définitive, font confiance en leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées, ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un certain type catholique justement propre au passé…se croient…dans une présumée sécurité doctrinale ou dans une sécurité disciplinaire qui donne lieu à élitisme narcissique et où au lieu d’évangéliser, on observe les autres, on analyse et on les classifie, et où, au lieu de faciliter l’accès à la grâce, les énergies s’usent dans le contrôle. Et le Pape de conclure : « Il n’est pas possible d’imaginer que, de ces formes réductrices du christianisme, puisse surgir un authentique dynamisme évangélisateur ». Et ce sont là des attitudes telles que l’on peut observer chez les Pharisiens.

Les Pharisiens obéissent aveuglément à la Loi de Moïse. Ils se croient en sécurité et sauvés parce que justement ils appliquent à la lettre la loi de Moïse (sécurité doctrinale ou disciplinaire). Extérieurement, ils paraissent corrects. Mais ils sont incapables de voir la réalité en face, incapables de voir leurs propres défauts et donc incapables de se convertir au Christ.

D’abord, l’aveugle guéri est conduit devant les Pharisiens. La réalité de la guérison par Jésus ne leur suffit pas pour reconnaître en Jésus, l’envoyé de Dieu, ils se tournent vers Jésus pour le critiquer et lui trouver des fautes : il n’a pas observé le sabbat. Il ne peut donc pas venir de Dieu et encore moins faire un miracle. Les Pharisiens nient l’évidence. Jésus ne peut pas avoir guéri cet aveugle puisqu’il devient pécheur en n’ayant pas observé le jour du sabbat.

Ensuite, les juifs (les pharisiens, et en général les opposants à Jésus) ne croient pas que la personne guérie ait été aveugle de naissance. Ils questionnent donc les parents qui ne veulent pas non plus reconnaitre la guérison faite par Jésus. Tout simplement parce qu’ils avaient peur des Juifs : reconnaitre Jésus comme étant le Christ, capable de nous libérer de nos malheurs et de nos péchés,  les aurait exclus de la synagogue. Parfois on n’a pas le courage de se dire chrétien, ou de se comporter en vrai chrétien. On devient des hypocrites vis-à-vis des hommes et de Dieu. Devant les menaces, on recule, on trahit sa foi. S’intéresser à Dieu ne suffit pas et ne signifie pas forcément s’engager véritablement à  sa suite. Sœur Emmanuelle Maillard nous dit (« Délivrances et guérisons par le jeûne » – P.76) : « Tout est question de profondeur ou des différents degrés de notre engagement. Dans la vie spirituelle, il y a ceux qui se prêtent quelques heures, de temps en temps, pour remplir un devoir extérieur à eux, sans y mettre réellement de leur âme. Et il y a ceux qui prennent à cœur le sort de l’Église dans son intégralité, qui s’investissent à fond pour que le Christ soit connu et aimé (il s’agit de faire connaître et aimer le Christ) ….quelle que soit leur position au sein de l’Église. Ceux-là se donnent sans compter, ce sont les saints, cachés ou connus, sans lesquels on peut se demander ce que deviendrait l’Église ». Or dans l’Évangile, les parents qui ont peur des Juifs ne font pas ici connaître le Christ par leur témoignage de vie. Au sein d’une paroisse, c’est la même chose : l’essentiel est de faire connaître et aimer le Christ. C’est votre témoignage et votre cohérence de vie, c’est-à-dire  la qualité de votre union réelle au Christ qui vous permettra de faire connaître et aimer Jésus, parce que de votre conduite au milieu du monde reflétera l’image du Christ dans la vie de tous les jours. Mais si vous communiez tous les jours, et que vous dites du mal des autres, vous n’avez pas de cohérence de vie et vous devenez hypocrites et vous faites du mal au Christ. Voici ce que Jésus dit à Marguerite Marie à l’égard de ceux qui communient mal à l’hostie (« Les divines paroles » – Père Auguste Saudreau ) : « Un jour que sainte Marguerite-Marie se préparait à la sainte communion, elle entendit une voix qui disait : « Regarde, ma fille, le mauvais traitement que je reçois dans cette âme qui vient de me recevoir. Elle a renouvelé toutes les douleurs de ma passion… Je veux que, lorsque je te ferai connaître le mauvais traitement que je reçois de cette âme, tu te prosternes à mes pieds après m’avoir reçu, pour faire amende honorable à mon Cœur, offrant à mon Père le sacrifice sanglant de la croix à cet effet, et tout ton être pour rendre hommage au mien et réparer les indignités que je reçois dans ce cœur. ». Voilà ce qui arrive au Christ lorsque quelqu’un va communier alors que son cœur n’est pas pur.

A cause de la peur, ou bien pour faire plaisir aux amis, on n’ose pas témoigner de la vérité. Pourtant, Jésus n’a pas eu peur de heurter la susceptibilité de Pierre quand il lui a dit en Mc 18,33 : « …Passe derrière moi, Satan! car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes! ». Si vous recevez cette parole de Jésus, vous ne diriez absolument rien, aucune réplique.  Pourtant,  ce même verset pourrait être dit pour bon nombre d’entre nous. Le chrétien qui se met véritablement à la suite de Jésus doit reconnaître ses faiblesses, ses incapacités, ne pas vouloir absolument se mettre en valeur, arrêter de mettre l’accent sur les apparences et  accepter plutôt de mettre les autres en valeur tout en s’effaçant. Il n’a pas peur non plus de dire la vérité. Et la vérité forcément blesse. 2ème texte d’aujourd’hui, v.11 : « ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres; dénoncez-les plutôt. 12 …ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même de le dire ».  Dt 13,6 : « Tu feras disparaître le mal du milieu de toi ».

            Jésus en guérissant l’aveugle de naissance lui a ouvert non seulement les yeux mais aussi le cœur de la foi. Non seulement, il renaît à une vie nouvelle à cause de cette lumière qu’est Jésus, mais il devient surtout  un croyant en Jésus-Christ. Il finira par dire (v.38) : «  Je crois Seigneur, et il se prosterne devant Lui ».  Se prosterner devant Jésus, c’est signe d’adoration, c’est le reconnaitre comme Dieu. Jésus vient de voir aboutir ce pourquoi il est venu : « (v.39) : C’est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient. Il ne peut devenir que témoin du Christ et de la vérité. Il ira même jusqu’à vouloir évangéliser les juifs : « Est-ce que, vous aussi, vous voudriez devenir ses disciples? » devenant ainsi apôtres de la Bonne Nouvelle.  Puisqu’il connaît Jésus, il connaît aussi son Père bien mieux que les juifs y compris les pharisiens qui, malgré leurs études, ne peuvent pas connaître Dieu car Jésus nous dit (Jn 8,19) : « si vous me connaissez, vous connaîtriez aussi mon Père ». Connaître le Christ c’est connaître le Père. Connaître Jésus nous permet d’avoir la grâce du discernement, et si nous ne sommes pas capables de discerner  ce qui est bien et ce qui est mal en nous, dans nos attitudes, dans nos relations, si nous sommes incapables de « discerner ce qui plait au Seigneur » (v.10 du 2ème texte d’aujourd’hui)  c’est que nous ne connaissons pas le Christ, nous n’avons pas la lumière du Christ en nous et nous ne sommes pas en union avec le Christ. Or Jésus est venu pour nous donner la capacité de discerner le bien du mal qui se trouve en chacun de nous : « C’est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient (les orgueilleux) deviennent aveugles ». Ne soyons pas des aveugles et encore moins des aveugles volontaires. Nous sommes des disciples du Christ est en nous. Et Saint Paul nous dit alors en Rm 12,2 : « … ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait ».

 

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