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4ième Dimanche de Pâques – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Sans jeux de mots, et surtout sans malveillance, vous allez me dire que les disciples étaient bien bêtes puisqu’ils n’ont pas compris la parabole que Jésus leur expliquait, parabole selon laquelle Il était un berger et eux-mêmes étaient les membres du troupeau. Pourtant je ne suis pas sûr que cette parabole soit aussi évidente qu’on pourrait le croire au premier abord. En tout cas, je ne suis pas sûr qu’elle doive être interprétée dans ce sens spontané dans lequel nous orientons peut-être notre propre compréhension de la parabole, je veux dire cette atmosphère un peu feutrée, un peu laineuse dans laquelle les moutons sont rassemblés les uns contre les autres, au chaud, en sécurité autour de leur pasteur.

Car, si vous avez remarqué, il n’est pas du tout question d’un berger qui couverait son troupeau. Au contraire, la parabole, et je crois que c’est très important, porte précisément sur le fait que, au lieu de garder ses brebis dans une espèce de fausse sécurité un peu bêlante dans la bergerie, le pasteur vient, ouvre la porte et emmène le troupeau. Tout le mystère du bon pasteur, ce n’est pas un mystère de sécurité ou de fausse protection. La relation du bon pasteur avec les brebis, c’est une aventure. C’est que le Christ est là. Il vient dans la bergerie, mais pour faire sortir les brebis de la bergerie, et pour les emmener à l’aventure, « au plaisir de Dieu ». C’est très exactement cela le sens de la parabole du bon pasteur.

Le Christ explique bien que, au fond, si ses brebis peuvent prendre le goût de l’aventure, c’est précisément parce qu’elles peuvent avoir confiance, qu’elles reconnaissent la voix du berger, qu’elles peuvent avoir confiance en ce berger qui les guide et les conduit. En ceci Jésus reprend tout le thème de l’Ancien Testament, si admirablement évoqué par le psaume 22 : « Le Seigneur me conduit vers de gras pâturages. Près des eaux tranquilles, Il me fait reposer ». En tout ceci, le problème n’est pas celui de rester enfermé dans la bergerie et de ne pas bouger. Mais au contraire, le problème est celui de s’avancer et de partir à l’aventure. Etre du troupeau de Dieu, ce n’est pas avoir ce comportement de mouton de Panurge qui consiste simplement à s’assurer que le mouton qui est en tête du troupeau fait bien une chose et qu’ensuite, tous ensemble nous faisons la même chose. Non.

Le rapport qui existe entre nous et le berger est un rapport d’émancipation et de liberté. Et c’est en ceci que l’Église est le troupeau de Dieu. Non pas qu’elle bêle à la suite de ceux qui ont bêlé avant, mais parce qu’elle est ce peuple qui a été appelé à aller chercher les gras pâturages de la liberté des enfants de Dieu, parce qu’elle est ce peuple appelé à vivre selon le véritable appel de Dieu, à ne pas rester entre quatre murs, mais à entrer dans l’aventure de la Pâque. Et c’est pour cela que, ultimement, le Christ dit à la fin de cette parabole : « Je suis la porte ! » c’est-à-dire « Je suis Celui qui permet d’entrer et de sortir », « Je suis celui qui donne la véritable liberté de mouvement à mes brebis, qui leur permet de ne pas rester enfermées dans leur égoïsme ou dans les limites de l’horizon un tout petit peu borné de leur vie habituelle de moutons ». Et, à ce moment-là, le sens profond, c’est que le Christ étant la porte, nous permet d’entrer mais d’entrer dans le mystère même où Il est entré, c’est-à-dire le mystère de sa Pâque. C’est pour cela que tous ces jours-ci, nous allons méditer le mystère du bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Car le Christ est véritablement celui qui, dans sa chair, a ouvert la porte du ciel, la porte de la véritable aventure. Une aventure qui ne se déroule plus simplement dans la bergerie de nos quatre murs de la terre, mais une aventure qui est entre ciel et terre, car le Christ est désormais la porte entre le ciel et la terre. Il a ouvert le ciel pour nous. Et, en même temps, Il a ouvert notre cœur, notre liberté, pour être vraiment à Dieu, pour que nous ne soyons plus des moutons selon la compréhension humaine de ce terme, mais pour être vraiment les brebis du troupeau selon ce projet de liberté que Dieu, le seul et unique pasteur, a sur nous et qu’Il nous a révélé en Jésus-Christ. Amen.