4ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 Commentaires des Lectures du dimanche 26 Avril 2015

 

Actes 4, 8-12 (En dehors du Christ, il n’y a pas de salut)

« Par quel Nom avez-vous fait cela » (Actes 4, 7) ? Cette question des grands prêtres renvoie à la guérison du paralytique opérée par Pierre au Temple (cf. Actes 3, 1-10) et met en avant le thème du *«Nom». Pour notre auteur, la comparution des témoins du Christ, «remplis de l’Esprit Saint», devant les tribunaux est moins l’occasion de se défendre que de donner à l’Évangile, c’est-à-dire au Christ ressuscité, toute la publicité qu’il mérite (cf. Luc 21, 12-15). Dans l’histoire ultérieure de l’Église, combien de témoins persécutés et traduits en justice ont fait de leur douloureuse expérience, involontairement sans doute, une digne tribune pour le message chrétien !

Dans le message de Pierre, les mots « salut » et « sauver » sont la clé de lecture. Dieu avait, littéralement, «relevé» Jésus (verset 10). De même, Pierre a «relevé» l’infirme (Actes 3, 7), en invoquant la puissance de Jésus, de son Nom. L’agir de Jésus en cet événement montre donc qu’il est vivant et qu’il sauve ceux que, par la maladie, la mort voudrait tenir en son pouvoir. Or, si le don de la vie est la prérogative de Dieu seul, c’est que, depuis Pâques, Dieu « a donné aux hommes » son Fils ressuscité pour qu’il les sauve de la mort.

Pierre en voit la prophétie dans l’image de la pierre qui, au Psaume 117 (118), 22, évoque le Messie. Celui-ci, selon le psaume en son sens premier, a failli périr au combat. Mais, Dieu lui ayant donné la victoire, il devient source de fête et de joie pour son peuple libéré.

* Le Nom. En certaines cultures, le nom, c’est la personne elle-même. Dans un pays d’Afrique, j’ai entendu sous ma fenêtre deux adolescents se battre. Au terme de la dispute, l’un a crié à l’autre : «Et maintenant, ne dis plus mon nom» Nous disons nous-mêmes : «Untel, c’est un nom !» Le nom que j’emploie («mon général» ou «mon ami»…) précise ma juste relation avec quelqu’un. Jésus (Ieshoua) signifie «Dieu sauve». En invoquant ce Nom, je m’adresse à celui par qui Dieu me sauve. Pour le judaïsme, on parle de Dieu en disant, entre autres termes : « le Nom», pour éviter, par respect, de prononcer directement le mot «Dieu». Pour le chrétien, Dieu se révèle dans le nom de Jésus, et il lui donne son propre nom, celui de «Seigneur», selon Philippiens 2, 9.

 

1 Jean 3, 1-2  (« Nous verrons Dieu tel qu’il est »)

Comment sauriez-vous que je ressemble à mon père si vous ne l’avez jamais rencontré ? Mais peut-être, en me voyant à côté de mon frère, découvrirez-vous que nous avons « un air de famille ». Dans la foi, le mystère est plus complexe encore. Je sais bien que, depuis mon baptême, le Christ me transforme à sa ressemblance, mais je ne l’ai pas encore vu face à face.

Les membres de la communauté de Jean se définissent comme « enfants de Dieu ». C’est le grand amour du Père qui, pour nous, a fait de cette dignité une vocation (« appelés ») et une réalité (« nous le sommes »), et c’est pour cette mission que Jésus est venu : « Ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jean 1, 12). Mais *« le monde » ne nous comprend pas, puisqu’il n’a pas découvert en Jésus le Dieu qui veut faire de nous ses enfants. Il reste qu’en cherchant à agir selon notre vocation filiale, nous étonnons le monde. En outre, les vrais croyants ne saisissent pas eux-mêmes combien ils ressemblent au Fils de Dieu.

Notre vocation comporte donc une ultime étape, lorsque paraîtra le Fils de Dieu, «quand cela sera manifesté». Nous serons alors transfigurés en sorte de le connaître tel qu’il est. Tel est le véritable aboutissement du temps pascal qu’est l’histoire des humains.

* Le monde. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jean 3, 14). Nous partageons donc son amour pour tous les humains. Cependant, chez Jean, le terme «monde» a souvent un sens négatif. Il représente ceux qui refusent le Fils de Dieu, la sphère de la non-foi. Au départ, il s’agit de ceux des Juifs qui refusent Jésus. En 1 Jean, «le monde» inclut même des chrétiens qui s’égarent, infidèles à l’esprit du fondateur de leur Église. La foi ne fait pas l’unanimité, rappelle l’Apôtre, et nous devons être lucides sur nos complicités possibles avec l’incrédulité.

 

Jean 10, 11-18 (« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »)

Chaque année liturgique, le quatrième dimanche de Pâques découpe en trois sections l’autoportrait de Jésus comme bon pasteur, selon l’évangile de Jean : année A : Jean 10, 1-10 ; B : 10, 11-18 ; C : 10, 27-30. À l’évidence, le rythme des lectures liturgiques ne permet pas de lire ce discours d’une seule traite. On peut le regretter. L’Église romaine fait de ce dimanche une journée de prière pour les «vocations». Le choix de ces textes évangéliques laisse entendre qu’il s’agit sans doute des vocations dites «pastorales» et que cette prière plaide pour un accroissement du nombre des séminaristes. En tout état de cause, on retiendra d’abord la dimension pascale du discours, selon la belle et concise demande de la prière d’ouverture du Missel «Que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux.»

Le roi pasteur

Dans la Bible, comme dans d’autres civilisations orientales, le berger est la figure du roi (ainsi en Ézékiel 34 ou Jérémie 23, 5) Dans ce chapitre 10 de Jean, Jésus a d’abord évoqué le rôle typique du berger (versets 1 à 6). À présent, il se présente comme ce vrai berger. Vrai berger parce que, sans poser de limites, il risque sa vie pour ses brebis. En fonction du génie de l’évangéliste, nous pouvons lire le texte deux fois : La première fois, on verra ce que fut la mission terrestre de Jésus allant vers sa Passion. La seconde fois, on entendra le Christ ressuscité nous disant qui il est aujourd’hui pour nous, si nous le suivons. Au cœur du temps pascal, c’est sur ce second aspect que nous devons insister.

Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis

Littéralement, selon l’esprit grec, Jésus est « le beau berger », c’est-à-dire l’idéal de ce qu’on attend d’un «vrai berger . Ce vrai berger «expose» sa vie (mieux que la traduction « donne sa vie »). Pensons au jeune David, figure du Messie, qui exposait sa vie pour les brebis de son père (1 Samuel 17, 34-35). La traduction « mercenaire » est excessive. Il s’agit plutôt de l’opposition entre le propriétaire du troupeau et le « salarié » qui n’a pas d’intérêt direct dans le cheptel. Mais la relation se complique. Celui qui connaît vraiment une personne, c’est celui qui aime cette personne. Jésus aime les brebis, non parce qu’il en est propriétaire, mais parce qu’il aime Dieu son Père et qu’il sait ce que ce Père attend de lui. En fait, la parabole rurale continue. Le berger qui a des moutons les connaît un par un, et ces moutons ont une réelle relation avec lui, en sorte qu’ils ne suivront pas un autre homme. La parabole s’estompe quand Jésus la fait passer à la relation entre lui et son Père, entre lui et les croyants, selon l’exigence de toute relation ministérielle et « pastorale ».

Que dire, en clair, quand Jean écrit son évangile, plus de cinquante ans après la Pâque ? Des « loups », pasteurs intéressés et cupides (cf. Matthieu 7, 15 ; Actes 20, 28-29), ne sont pas prêts à risquer leur vie pour défendre un visage du Christ qui suscite l’opposition des Juifs, la risée des Grecs, et l’irritation de certaines Églises à la foi ambiguë. Ils préfèrent abandonner leur troupeau…

Un seul troupeau, un seul pasteur

Quelles sont ces « autres brebis » qui ne connaissent pas encore leur vrai berger ? Pour maints commentateurs, il s’agit des païens, par rapport aux Juifs auxquels s’était adressé Jésus. Mais cette interprétation oublie que l’évangéliste écrit à la fin du 1er siècle.

L’Église à laquelle il s’adresse est, depuis longtemps, composée de Juifs et de Grecs. En Jean 21, 15-23, appendice de l’évangile, deux groupes se font face : ceux, d’une part, qui se réclament du « Disciple que Jésus aimait », l’auteur de cet évangile, et qui a maintenant disparu et, d’autre part, la grande Église qui suit Pierre. Mais tous peuvent à présent former un seul troupeau derrière Pierre, puisque celui-ci, par son martyre, a prouvé son amour de Jésus.

Le secret de la  « pastorale »

Le commandement particulier que Jésus a reçu de Dieu, c’est de donner sa vie librement pour la reprendre ensuite, comme le Maître « déposait » et « reprenait » son vêtement pour laver les pieds des siens, les servir jusqu’au bout (cf. Jean 13, 4.12). En Jésus qui dépose sa vie et la reprend, le Père montre son amour sans limites et le triomphe de cet amour qui donne la vie. Ce don de soi, que le Père aime, est le fondement même de la fonction pastorale.

 

 

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