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5 ième Dimanche du Temps Ordinaire : Tous appelés, par la Miséricorde de Dieu, à être Lumière (D. Jacques FOURNIER ; Mt 5,13-16 ; Is 58,7-10).

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :

« Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.

Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.

De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5,13-15).

Cet évangile de Matthieu est centré sur les croyants : « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde… Que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux »…

Mais lorsque St Matthieu a écrit son Evangile, il avait St Marc sous les yeux : « En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Est-ce que la lampe est apportée pour être mise sous le boisseau ou sous le lit ? N’est-ce pas pour être mise sur le lampadaire ? Car rien n’est caché, sinon pour être manifesté ; rien n’a été gardé secret, sinon pour venir à la clarté. Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » Et il leur disait encore : « Faites attention à ce que vous entendez ! » (Mc 4,21-24).

 

St Marc lance donc un appel à écouter de tout cœur Celui qui parle, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), Celui qui ne fait que dire en sa chair les Paroles qu’il a lui-même entendues du Père : « Je dis la vérité que j’ai entendue de Dieu » (Jn 8,40). « Ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis » (Jn 12,50). « Père, les Paroles que tu m’as données, je les leur ai données » (Jn 17,8).

En effet, Jésus est la Révélation, dans la chair, du Mystère de Dieu : « Qui m’a vu a vu le Père », dit-il à Philippe (Jn 14,9). St Paul écrit à la fin de sa Lettre aux Romains : « Jésus Christ : révélation d’un Mystère gardé depuis toujours dans le silence, Mystère maintenant manifesté au moyen des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, mystère porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi » (Rm 16,25-27).

« Qui m’a vu a vu le Père »… En effet, il est « Lumière née de la Lumière » en tant que « né du Père avant tous les siècles ». En effet, depuis toujours et pour toujours, « le Père aime le Fils et il a tout donné, il donne tout, en sa main », « tout ce qu’il a », tout ce qu’il est (Jn 3,35 ; 16,15 ; 17,10), de telle sorte que le Fils est l’éternel « engendré non pas créé, consubstantiel au Père », c’est-à-dire de même nature que le Père (Crédo)… Le Père « est Amour » ? Le Fils « est Amour » (1Jn 4,8.16). Le Père « est Lumière » ? Le Fils « est Lumière » (1Jn 1,5) en tant qu’il reçoit du Père de toute éternité d’être Lumière, comme le Père… Qui voit la Lumière du Fils voit donc la Lumière du Père, puisque c’est la même ! « Qui m’a vu a vu le Père »…

Voilà ce qui « a été manifesté », ce qui « est venu à la clarté ». « Je Suis la Lumière du monde » (Jn 8,12), et cette Lumière est celle de l’Amour qui ne cesse de toute éternité d’être Amour… Dieu ne peut pas ne pas Être ce qu’il Est. Nous sommes fidèles ? « Dieu est Amour »… Nous sommes infidèles ? « Dieu est Amour »… C’est ce qu’affirme St Paul lorsqu’il écrit : « Si nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste à jamais fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Tm 2,13), il ne peut pas ne pas être ce qu’il Est, et il « Est Amour » (1Jn 4,8.16)…

Or l’Amour, par nature, est Don de tout ce qu’il Est en Lui-même… « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35)… Ce Don est souvent évoqué dans la Bible avec l’image du Soleil, ou de la Lumière : « Le Seigneur Dieu est un Soleil… Il donne la grâce, il donne la gloire » (Ps 84(83),12) en donnant « l’Esprit de la grâce » (Hb 10,29), « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14), l’Esprit Saint (1Th 4,8 ; Jn 4,10-14 ; Ac 8,19-20), c’est-à-dire en donnant ce qu’il Est en Lui-même, car « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24) et Dieu est Saint… Ce Don gratuit de l’Amour, ce Don de l’Esprit Saint, ce Don que le Père fait au Fils de toute éternité, Don par lequel il l’engendre en Fils, voilà ce que le Fils est venu nous communiquer pour que nous aussi nous soyons engendrés comme Lui à la Plénitude même de Dieu (Jn 1,12 ; 3,1‑8 ; Rm 8,28-30). Ce Don est aussi souvent évoqué avec l’image de l’Eau Vive : « Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’Eau Vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en Lui » (Jn 7,37-39).

Tel est le Don de Dieu, ce Don de l’Esprit Lumière, l’Esprit Eau Vive, qui est offert gratuitement à tout homme, quel qu’il soit, où qu’il soit : « Votre Père, qui est aux cieux, fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45). « Le Verbe était la Lumière véritable, qui éclaire tout homme venant dans le monde » (Jn 1,9). Or, « la Lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn1,5), les ténèbres ne l’ont pas empêchée de briller…

Autrement dit, le pécheur, qui « habite les ténèbres et l’ombre de la mort », s’il consent à recevoir le Don gratuit de l’Amour, cette Lumière de « l’Astre d’en Haut » (Lc 1,76-79), ce « Soleil de justice qui apporte la guérison dans ses rayons » (Ml 3,20) en mettant en œuvre « le pardon des péchés » au cœur du pécheur, ce pécheur « ténèbres » devient par Elle « Lumière » ! Merveille de l’Amour que nous, dans notre misère, nous appelons « Miséricorde »… « Jadis vous étiez ténèbres », écrit St Paul aux chrétiens d’Ephèse, « mais à présent », par votre foi, par l’obéissance de votre foi, en consentant à recevoir le Don gratuit de l’Amour, « vous êtes Lumière dans le Seigneur » (Ep 5,8), c’est-à-dire « Lumière » en tant qu’ils sont unis au Christ « Lumière du monde » (Jn 1,8) dans la Communion d’un même Esprit (2Co 13,13), dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), un Esprit donné gratuitement par l’Amour, un Esprit reçu gratuitement dans l’Amour…

C’est cet Esprit qui est « Lumière » et « Vie » (Jn 8,12 ; cf. Rm 6,23) qui « brille » dans le Fils, le Fils le recevant du Père de toute éternité, ce même Esprit qui « brille » dans le croyant, ce pécheur qui consent à le recevoir du « Père des Lumières » (Jc 1,17), ce « Père des Miséricordes » (2Co 1,3) qui s’est manifesté avec le Fils et par le Fils, Lui qui « nous a visités dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,76-79)…

Or cet « Esprit » est « Amour » (Jn 4,24 et 1Jn 4,8.16), et « le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner » (Pape François, audience du 14 juin 2017). Reçu, il ne peut donc que pousser à donner… Il s’agit donc de recevoir, de donner et de continuer à donner en continuant à recevoir, et cela sur la base même de ce que l’on reçoit…

Telle est toute la dynamique évoquée en Is 58,7-10 : « Partage ton pain avec celui qui a faim,… Donne à celui qui a faim ce que toi, tu désires »… Donne de ton pain… « Couvre celui que tu verras sans vêtement », comme St Martin de Tours qui, légionnaire dans l’armée romaine, coupa sa cape de soldat en deux pour couvrir un pauvre qu’il croisait sur le chemin… Alors, « ta Lumière jaillira comme l’aurore »… Il ne peut pas en être autrement puisqu’elle est déjà là, Lumière de l’Amour qui pousse à donner… Et c’est vraiment cette Lumière gratuite de l’Amour qui est évoquée en Isaïe, puisqu’elle est donnée au pécheur au cœur même de ses ténèbres : « Ta Lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera Lumière de midi », Lumière resplendissante, la Lumière même de ce « Dieu » qui « Est lumière » (1Jn 1,5), « splendeur et majesté, puissance et beauté » (Ps 96(95),6)…

« Le péché m’a fait perdre mes forces » (Ps 31(30),11) ? « Tes forces », écrit Isaïe, que tu avais perdues par suite de tes fautes, « reviendront vite », car cette « Lumière » est celle de « l’Esprit » (1Jn 1,5 ; Jn 4,24), « l’Esprit de Puissance » (Lc 1,35 ; 4,14) et de « Force » (Ac 1,8 ; 1Tm 1,7)…

« Devant toi marchera ta justice » écrit encore Isaïe… Mais dans le Livre de l’Exode, c’était le Seigneur Lui-même qui marchait devant son Peuple : « Le Seigneur lui-même marchait à leur tête : colonne de nuée le jour, pour leur ouvrir la route – colonne de feu la nuit pour les éclairer ; ils pouvaient ainsi marcher jour et nuit » (Ex 13,21 TOB). Mais le prophète Jérémie l’appelle par deux fois : « Le Seigneur est notre justice » (Jr 23,5-6 ; 33,16). Il est, en effet, Celui qui justifie l’injuste, gratuitement, par amour (Rm 3,21-26 ; 5,1-11), et cela par le Don de l’Esprit qui justifie (1Co 6,11), « l’Esprit qui sanctifie » (2Th 2,13)…

Et si « le Seigneur marche devant », il est aussi Celui qui, dans le Livre de l’Exode, se tient « derrière » Israël, le protégeant ainsi de ses ennemis, les Egyptiens, qui s’étaient lancés à leur poursuite : « L’Ange de Dieu », Dieu Lui-même (cf. Ex 3,1‑6), « qui marchait en avant du camp d’Israël se déplaça et marcha derrière eux, et la colonne de nuée se déplaça de devant eux et se tint derrière eux » (Ex 14,19). Et c’est bien ce qu’écrit encore Isaïe : « Et la gloire du Seigneur fermera la marche »… « Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries », dans les souffrances, les détresses et les épreuves de la vie, « il dira : « Me voici » » car cela fait longtemps qu’il était déjà là ! « Je Suis, je Suis celui qui vous console » (Is 51,12) « car les montagnes peuvent s’écarter et les collines chanceler, mon amour ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas, dit le Seigneur qui te console » (Is 54,10)… Telle est la Bonne Nouvelle de cet « Amour Inconditionnel » (Pape François, audience du mercredi 14 juin 2017) que le Christ est venu nous révéler par tout son Être, toutes ses Paroles, toutes ses actions… « Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes… car je suis descendu du Ciel non pas pour faire ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or, c’est la volonté de Celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné » (Jn 12,32 ; 6,38‑40)… Or, le Père a donné le monde entier à son Fils pour qu’il les sauve : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16-17). Telle est sa volonté (cf. 1Tm 2,3-6), la volonté que le Christ a voulu accomplir en se donnant « jusqu’à l’extrême de l’Amour » (Jn 13,1) pour chacun d’entre nous… Puissions-nous tous consentir à le recevoir, quelle que soit la gravité et l’étendue de notre misère, car « si pour les hommes, c’est impossible, cela ne l’est pas pour Dieu : car tout est possible pour Dieu » (Mc 10,27)… Sa Miséricorde est à son échelle : infinie et Toute Puissante…

                                                   D. Jacques Fournier