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5ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 

 

 Commentaires des Lectures du dimanche 3 Mai 2015

 

Actes 9, 26-31 («Barnabé leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur»)

Traditionnellement, après le 4e dimanche de Pâques orienté par la prière pour les vocations, le 5e dimanche, dans la première lecture tirée des Actes des Apôtres, dirige l’attention sur les ministères dans l’Église et ce, en l’année B, à travers la figure de Paul.
Actes 9, 1-25 racontait la vocation de Paul et sa première mission à Damas. Chassé de cette ville, le converti rejoint l’Église de Jérusalem qui l’accueille mal. Pudiquement, Luc voit dans cette hostilité une méfiance envers celui qui était naguère un persécuteur. Les confidences personnelles de Paul donnent un autre son de cloche : il s’agit de divergences avec les Douze au sujet du style de l’apostolat (voir Galates 2 ; 1 Corinthiens 9, 1-7).
Étienne (Actes 6–7) a payé de sa vie sa prédication missionnaire auprès des « Juifs de langue grecque » dans les synagogues de Jérusalem et les Douze n’ont guère soutenu ses positions. Paul (encore appelé « Saul ») avait participé à la persécution des amis d’Étienne qu’on appelle les « Hellénistes » (Actes 6, 1) et qui ont fondé l’Église d’Antioche (Actes 11, 19-21). Maintenant « retourné » par le Christ, il prend la relève de la mission d’Étienne auprès de ces mêmes Grecs. « Les frères » de Jérusalem, ne tenant pas à se trouver devant une seconde lapidation, expédient donc Paul à Tarse, sa patrie.
Paul n’a pas pu ou pas su s’intégrer à la communauté chrétienne de Jérusalem, malgré les efforts de *Barnabé. Bientôt, ce dernier comprendra que c’est dans l’Église d’Antioche que Paul pourra donner sa pleine mesure (Actes 11, 19-26). Car, dès les origines, la mise en place des ministères chrétiens, l’apparition de personnages hors pair, s’accompagne de conflits qui obligent l’Église à se remettre en question. En attendant, puisque Paul est devenu disciple, Luc conclut que la persécution est terminée. Donc, «l’Église était en paix».
* Barnabé (Actes 4, 36-37; 11, 19-26; 13, 1 – 15, 40) est un Juif chypriote qui s’est intégré à l’Église de Jérusalem, mais qui, sans doute ami d’Étienne, est allé jusqu’à Antioche. Cet homme généreux, conciliant, cousin de Marc (selon Colossiens 4, 10), fait le pont entre l’Église de Jérusalem et celle d’Antioche. C’est lui qui introduira Paul à Antioche. C’est lui qui, dans son sillage, fera de Paul un vrai missionnaire. Mais une tension entre eux se dessine dès leur premier voyage (Actes 13, 13 ; 15, 36-40). Et ce sera la rupture. Dans les services de l’Église, il y aura toujours des Barnabé pour lancer des Paul et se trouver dépassé par eux.

1 Jean 3, 18-24 (« Voici mon commandement : mettre notre foi dans le nom de Jésus Christ et nous aimer les uns les autres »)

En 1 Jean 3, 10-17, l’Apôtre rappelait le devoir de l’amour fraternel. Si nous remplissons ce devoir, prenons maintenant conscience de notre belle relation avec Dieu :
1. Aimons vraiment. L’amour fraternel n’est pas affaire de paroles ou de sentiment, mais d’actes et de vérité – vérité, c’est-à-dire à la manière de Jésus : (lire 3, 16). En aimant ainsi, nous savons que « nous appartenons à la vérité », à la vraie foi, laquelle n’est rien d’autre que l’amour qui retraduit l’amour de Jésus.
2. Alors, « devant Dieu nous apaiserons notre cœur ». Deux éventualités : Notre cœur nous dit que nous sommes pécheurs ; mais, en sa miséricorde, Dieu est plus grand que nos craintes. Il « connaît toutes choses », notre désir d’aimer selon sa volonté. Second cas, nous nous voyons fidèles aux commandements. Nous n’en tirons pas orgueil. Nous savons simplement que Dieu écoute notre prière, puisque nous lui demandons ce qui nous permet de faire ce qui lui plaît.
3. Ces commandements se résument en un seul : croire en Jésus comme au Fils qui a donné sa vie, et traduire cette foi par l’amour mutuel. Celui qui agit ainsi connaît une parfaite communion avec Dieu, traduite par le verbe « demeurer » qui, dans l’évangile, implique la communion avec le Christ. Cette communion relève pas du sentiment. Elle est une révélation de l’Esprit qui suscite notre foi et notre amour.

 

Jean 15, 1-8 (« Celui qui demeuire en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit »)

Chez Jean, les Adieux de Jésus après la Cène juxtaposent plusieurs discours d’origines diverses, de relectures successives, mises par la tradition sous l’unique nom de l’évangéliste Jean. Le second discours (15, 1 – 16, 4a) s’ouvre par l’image de la vigne et des sarments. Il s’adresse sans doute à des chrétiens rejetés par les synagogues juives, menacés dans la persévérance de leur foi en Jésus.
La vigne et le vigneron
Dans l’Ancien Testament, la vigne est un symbole fréquent pour désigner Israël, choyé par Dieu pour produire une belle récolte (ainsi Isaïe 5, 1-7 ; 27, 2-5 ; Jérémie 2, 21 ; Ézékiel 10 ; Psaume 79 (80), 9-12). Mais l’évangéliste enrichit l’image : si les croyants forment le peuple de Dieu, c’est en tant que sarments qui tirent leur vie de la vigne, ici identifiée à Jésus. Celui-ci est la vraie vigne, comme il est le vrai pain (6, 32) et le vrai berger (10, 11), c’est-à-dire le seul qui accomplisse pleinement cette fonction. Il y a beaucoup à méditer dans ces titres… À travers Jésus, c’est le Père qui déploie toute son œuvre pour la fécondité de la plante. D’emblée, le but est annoncé : donner du fruit.
Demeurez en moi
L’émondage en vue d’un fruit fécond est déjà accompli, puisque nous avons reçu la parole de Jésus, comme le rappelait l’épisode du lavement des pieds (Jean 13, 10). Il s’agit maintenant de persévérer dans le don reçu que traduit le verbe *demeurer employé en une relation de réciprocité (celui qui demeure en moi et en qui je demeure). Celui qui aime se repose sur l’autre, veut rester et durer avec lui, sans pour autant perdre son identité. De même, le croyant n’existe et n’est pleinement lui-même qu’en persévérant dans sa foi en Jésus, en son amour pour lui.
La vigne et les sarments
Revenant à l’image de la vigne, Jésus insiste : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (cf. Jean 1, 3) ni porter aucun fruit. La suite, dimanche prochain, aidera à préciser de quel « fruit » il s’agit. Disons que ce fruit consiste précisément à montrer, par notre amour (cf. 2e lecture, du même rédacteur), que le Christ habite en nous et se révèle au monde d’aujourd’hui à travers nous. La menace contre le sarment desséché, jeté dehors comme « le Prince de ce monde », le diable (Jean 12, 31), ne vise pas les flammes de l’enfer. Simplement, les chrétiens tentés par l’apostasie, par la perte de la foi, doivent savoir qu’en perdant leur relation au Christ, ils deviennent stériles et comme morts. L’avertissement valait d’abord pour des chrétiens sollicités par leurs frères juifs de rompre avec l’Église.
La gloire du Père
Demeurer en Jésus, c’est garder en nous ses paroles qui culminent dans le commandement de l’amour. Alors nous obtiendrons de Dieu tout ce que nous demanderons (cf. Jean 14, 12-13). Car ce que nous demanderons, c’est de donner le fruit que le Père attend de nous. Par là, nous témoignerons de celui dont nous voulons être les disciples. Par là, Dieu pourra être fier (ce qui fait la gloire de mon Père) de son œuvre à lui et de notre conduite fructueuse.
* Demeurer (celui qui demeure en moi et en qui je demeure). Curieuse image, si l’on prend le verbe «demeurer», comme il convient, au sens d’ «habiter» ! Qui habite chez ou en l’autre ? Mais, chez Jean, il faut aussi songer, chez lui, au verbe «rester» désignant ce qui est stable, apaisant, permanent, contre ce qui est provisoire et ne tient pas. C’est le langage de l’amour : en Jésus, Dieu est présent à jamais. Jésus nous envahit comme sa résidence privilégiée et amène Dieu chez nous, et nous trouvons en Jésus le havre espéré au milieu de nos errances. C’est, encore plus simplement, le langage des amoureux : «à chaque instant de la journée, tu habites mes pensées ; et toi, est-ce que j’habite aussi ta vie ?»