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6ième Dimanche de Pâques – Claude WON FAH HIN

« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ». Pour savoir si j’aime le Christ, je dois donc me demander si j’obéis à ses commandements. Commandements d’aimer essentiellement. Thérèse d’Avila [1], nous dit : Il  importe beaucoup que nous comprenions l’étroite obligation où nous sommes de nous conformer à trois points pour posséder la paix intérieure et extérieure: l’amour, le détachement de toutes les créatures, et la véritable humilité, vertu qui, bien que nommée la dernière, est cependant la principale et embrasse toutes les autres.

Saint Bernard distingue quatre degrés  de l’amour[2] :

  1. Au premier, l’homme s’aime lui-même

  2. Au second, il aime Dieu…pour

  3. Au troisième, il aime Dieu pour Lui

  4. Au quatrième, il ne s’aime plus soi-même que pour Dieu

Et il ne suffit de dire : « j’aime Dieu et j’aime mon prochain ». Dire c’est facile, le faire c’est autre chose. Difficile aussi d’avancer si on le fait par « force ». Sainte Baouardy nous rapporte ces paroles de la Vierge Marie : « l’âme ne doit pas dire : « je voudrais…Je désirerais …parce que la volonté propre gâche tout. L’essentiel est d’accepter, avec amour … tout ce qu’il plaira au Seigneur de nous envoyer ».  Bien sûr, chacun peut demander, dans toutes ses prières, la grâce d’aimer davantage, aimer Dieu et son prochain, mais toujours en passant par la prière, les sacrements, la méditation, les bonnes actions… Aimer, cela demande de passer par Dieu lui-même qui est Amour. Dans le cas contraire, Saint Bernard aura raison de dire que l’homme aime Dieu pour qu’il en tire profit pour sa propre personne. Il va se servir de Dieu pour son intérêt propre. Il ne pense qu’à lui-même. On tombe alors dans l’orgueil et dans la recherche d’une sorte de gloire, caché peut-être, mais gloire recherché en secret malgré tout. Ce que Padre Pio dénonce quand il dit[3] : « Attention à l’orgueil!…Gardez-vous aussi de l’amour de la vaine gloire, défaut propre aux personnes dévotes. Celui-ci nous pousse,  sans nous en apercevoir, à paraître toujours plus que les autres, à conquérir pour nous l’estime de tous. Contre ce maudit vice, véritable ver, véritable teigne de l’âme pieuse, opposez le mépris de cette vaine gloire. N’acceptez pas que l’on parle beaucoup de vous ; la piètre opinion de soi-même, en croyant tout le monde supérieur à soi, est l’unique remède pour nous protéger de ce vice. Sans compter que c’est là la source  et le germe de toute division. L’humilité, au contraire, nous rendra semblables au Seigneur qui, dans son Incarnation, s’est abaissé et s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave ».

Et l’abbé Pierre Descouvemont  complète en disant[4]: « Il arrive que Dieu accorde – c’est Dieu qui accorde – parfois à ses enfants  ce que Thérèse d’Avila appelle une grâce d’ « humilité infuse » : « Quand l’Esprit de Dieu agit en nous, il n’est pas nécessaire de rechercher péniblement des considérations  pour nous exciter à l’humilité et à la confusion de nous-mêmes. Le Seigneur met en nous une humilité bien différente de celle que nous pouvons nous procurer par nos faibles pensées. La nôtre, en effet, n’est rien en comparaison de cette humilité vraie et éclairée que Notre Seigneur enseigne alors, et qui produit en nous une confusion capable de nous anéantir…Plus ses faveurs sont élevées, plus cette connaissance est profonde». Aimer demande de l’humilité. Et c’est parce que l’humilité est présente, en se plaçant au bas de l’échelle, en restant très simple, quasi anonyme, sans aucune prétention, avec en soi une prière continuelle pour que le Christ nous tienne compagnie,  que l’on peut aimer tout le monde sans jamais avoir le sentiment d’être supérieur à tous.

Si nous gardons ses commandements, c’est-à-dire si nous les appliquons, en aimant réellement en pratique et non pas du bout des lèvres, le Christ priera son Père pour nous envoyer un autre Paraclet, l’Esprit Saint, l’Esprit de Vérité, pour qu’il soit avec nous à jamais. Et L’Esprit de Vérité nous permettra de vivre dans le vrai personnellement et envers les autres et non pas dans le faux, dans le mensonge envers soi-même. 

Cela pourrait être ainsi pour le monde, c’est-à-dire le monde qui semble ne pas avoir besoin de Dieu pour vivre, mais ce monde ne veut pas de l’Esprit de Vérité parce qu’il ne le voit pas, parce qu’il n’a pas la foi. Le monde désire voir pour croire, il veut des preuves scientifiques et historiques de l’existence de Dieu,  sans pour autant vouloir aller les chercher, ces preuves historiques car il y en a, bien sûr, alors que le disciple du Christ n’a pas besoin de voir pour croire : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Le monde dans lequel nous vivons est un monde difficile, qui tient Dieu pour rien, où seul compte la réussite sociale. Thérèse d’Avila[5] : « Il faut beaucoup de vertus pour traiter avec le monde, vivre au milieu du monde, s’occuper des affaires du monde, s’adapter à la conversation du monde, et demeurer intérieurement étranger au monde, ennemi du monde, se conduire comme si l’on vivait au fond d’un désert … pour être des anges bien plus que des hommes ». Et c’est ce défi là qu’il nous appartient de relever pour être disciples de Jésus et que ce dernier nous dise : « c’est celui-là qui m’aime ».

A nous donc de rester vrai dans cet amour de Dieu. Sans triche, sans faire semblant, sans honte, montrant ainsi que nous sommes témoins du Christ. Car si quelqu’un a l’Esprit en lui, il agira selon la vérité, pas de mensonge en lui, pas de fausseté, pas d’hypocrisie, ni de sournoiserie. Ainsi, nous agirons en chrétien aussi bien intérieurement qu’extérieurement. Restons ouverts à l’Esprit de Dieu pour que nous puissions nous abandonner totalement au Christ, et avoir en Lui une confiance totale, sans limite. C’est à cause de cette confiance en Jésus que ce dernier vient vers nous et en nous. Mais le chemin que nous propose Jésus n’est pas toujours facile. C’est ce que nous Pierre dans la deuxième lecture d’aujourd’hui : mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si telle était la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal. Padre Pio nous dit en plusieurs fois[6] : « Ce serait une grossière erreur de concevoir l’amour de Dieu sans la Croix, …car la Croix a été l’unique moyen choisi par Dieu pour réconcilier l’humanité avec Lui » ; «  La Croix, c’est toujours le chemin le plus sûr pour aller vers Dieu[7] » ; « Veillons à ne pas séparer la Croix de l’amour pour Jésus, cette Croix sans cet amour deviendrait un poids que notre faiblesse ne pourrait supporter »[8] ; « suivre Jésus n’a jamais été chose facile. Mais lorsque Dieu appelle une âme à le rejoindre, c’est toujours pour la fixer avec Lui sur la Croix[9]… ». Padre Pio nous fait comprendre  que Dieu ne se laisse chercher que par le dépouillement total, qu’il nous attire que par la souffrance purificatrice, qu’Il ne se laisse trouver que par la Crucifixion…Et le chrétien qui lutte à chaque instant de sa vie, pour contrer l’influence du malin tout en restant uni au Christ, vit une forme de calvaire et en même temps source de joie, qui le fait devenir à la ressemblance du Christ. Padre Pio nous dit[10] : « La lumière divine qui éclaire l’âme va le purifier et va le disposer à être unie le plus étroitement possible à elle. Le feu divin de l’amour avant de s’unir l’âme, avant de la transformer en soi, va tout d’abord les purifier de tous les éléments contraires. Cette flamme d’amour va détruire dans cette âme tout ce qui est humain. Au fur et à mesure qu’elle se dépouille et qu’elle se purifie, l’âme est transformée en Dieu, elle devient de plus ne plus divine ». « Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui ». Le chrétien, lié ainsi au Christ, a alors une autre vision du monde. Ce qui est grave pour lui, c’est la possibilité de s’éloigner du Christ, autrement dit la possibilité de pécher, de ne pas assez aimer le monde. Sa relation avec le monde qui l’entoure sera autre. S’il a les capacités, il rendra le maximum de service sans retirer aucun avantage, aucun intérêt, ne désirant aucune reconnaissance de qui que ce soit. A cause de son humilité, il restera incognito, et s’il a une mission à remplir, il le fera du mieux qu’il pourra et repartira sans bruit, sans rien demander, sans rien attendre. Il est juste pressé d’aller remercier le Seigneur et de le retrouver dans le silence de la prière, dans les textes bibliques, dans la méditation tout en étant toujours prêt à accueillir quiconque veut bien le rencontrer pour une raison ou pour une autre. Il ne fuira pas ses responsabilités, mais ne recherchera pas non plus à en avoir plus que tout le monde. Il s’effacera autant que possible, tout en étant présent quand on aura besoin de lui. Il n’aura besoin d’ailleurs que de peu de chose, mais il veillera surtout à rester en lien permanent avec le Christ Jésus. Le chrétien doit être en paix parce le Christ est en lui,  même si le corps peut souffrir à cause d’une mauvaise santé possible. Heureux le chrétien en paix.

[1] Chemin de la Perfection P.64

[2] Saint Bernard » – Philippe Barthelet – P.80

[3] Saint Pio de Pietrelcina – P.194

[4] Guide des difficultés de la foi catholique – P.483

[5]  Chemin de la Perfection – P.58

[6] Padre Pio de Pietrelcina, transparent de Dieu-  P.235

[7] ib. P.256

[8] ib. P. 256

[9] ib.P.303

[10] Padre Pio de Pietrelcina, transparent de Dieu – P.547-548