11ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 4, 26-34) par D. Alexandre ROGALA (M.E.P.)

« Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier ». (Mc 4, 33-34)

Je ne sais pas si vous ressentez la même chose, mais en lisant cela, je ne peux pas m’empêcher de ressentir une certaine frustration. Dans ces versets qui concluent le texte d’évangile de ce jour, saint Marc nous dit que la possibilité d’entendre les paraboles de Jésus n’est pas synonyme de les comprendre.

La possibilité d’entendre les paraboles rend seulement possible l’explication que Jésus offre à ces disciples. Et malheureusement, saint Marc n’a pas écrit dans son évangile cet enseignement privé que Jésus a donné à ses disciples sur les deux paraboles que nous venons d’entendre. Nous ne pouvons donc pas profiter nous aussi de l’enseignement du Maître.

Il nous faut donc nous mettre au travail si nous voulons déchiffrer ce que Jésus veut nous dire du Règne de Dieu.

Dans la parabole de « l’homme qui jette la semence », nous lisons que « qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit » (Mc 4, 27). Autrement dit, nous devons comprendre que le Règne de Dieu n’est pas le produit des efforts humains, mais d’une Parole jetée au cœur du monde qui germe mystérieusement.

Nous trouvons une idée proche dans la Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens. Alors que les Corinthiens s’égarent en s’attachant à des personnalités éminentes de l’Église du Ier siècle : lui-même, Pierre ou encore Apollos, Paul leur rappelle que les apôtres et des missionnaires de l’évangile ne sont que de simples serviteurs. C’est Dieu qui fait le plus gros travail en donnant la croissance à l’Église, et que par conséquent, c’est à Dieu qu’il faut s’attacher :

 « Mais qui donc est Apollos ? qui est Paul ? Des serviteurs par qui vous êtes devenus croyants, et qui ont agi selon les dons du Seigneur à chacun d’eux. Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. Donc celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu ». (1 Co 3, 5-7)

Il me semble que la parabole de la « graine de moutarde » s’adresse à l’Église fragile et petite. Même si aujourd’hui elle est fragilisée par toute sorte de scandales, l’Église détient une annonce de salut qui concerne le monde entier, et Jésus nous dit qu’une simple graine d’Évangile semée peut, avec le temps changer le monde :

« Quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » (Mc 4, 31-32).

Ces paroles de Jésus que nous venons de relire font écho au texte du Prophète Ézéchiel que nous avons entendu en première lecture. Au 6ème siècle avant notre ère, les hébreux exilés à Babylone avaient l’impression de n’avoir plus aucune valeur. Il se sentaient comme des arbres plantés en terre étrangère.

Par le prophète Ézéchiel, Dieu leur a fait la promesse que de ces arbres, il prendrait un rameau qu’il planterait en Israël :

« Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront » (Ez 17, 23).

De fait, nous savons que cette promesse du Seigneur s’est réalisée, puisqu’en 538 av. notre ère, les hébreux déportés purent retourner en Terre Promise.

En faisant référence à cette « promesse réalisée » dans sa parabole, Jésus invite ses auditeurs à l’espérance : même si au début, l’annonce de l’Évangile peut paraître ridicule et insignifiante, l’Évangile finira par remporter un succès inespéré, qui sera bénéfique à beaucoup. La seule condition à ce succès est que la semence de l’Évangile soit jetée en terre…et cela relève de notre responsabilité.

Dans la seconde lecture tirée de la Deuxième Lettre aux Corinthiens, nous avons entendu une partie de la réflexion de saint Paul sur sa condition d’apôtre de l’Évangile, condition qui devrait être aussi la nôtre.

L’extrait que nous avons entendu témoigne de la confiance de l’Apôtre dans la grâce de Dieu qui nous a déjà donné les arrhes de l’Esprit (cf. 2 Co 5, 5) :

« Frères, nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur, tant que nous demeurons dans ce corps ; en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. Oui, nous avons confiance et nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur » (2 Co 5, 6-8)

L’espérance du missionnaire de l’Évangile ouvre le présent au courage et à la confiance, au-delà des difficultés qu’il rencontre.

Loin de nous conduire à la fuite hors du monde, l’espérance de demeurer éternellement auprès du Seigneur nous donne le courage pour affronter les difficultés que peut entrainer l’annonce de l’Évangile.

Pour saint Paul, travailler pour l’Évangile n’est pas une option.  Il évoque même un jugement quand il écrit : « Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait » (2 Co 5, 10).

Selon saint Paul, ce qui sera jugé ce sont les œuvres de chacun. Dans la Première Lettre aux Corinthiens, il nous explique que le jugement sera comme un feu qui éprouvera les œuvres de chacun pour ne laisser subsister que ce que chacun aura fait de meilleur dans sa vie :

« L’ouvrage de chacun sera mis en pleine lumière. En effet, le jour du jugement le manifestera, car cette révélation se fera par le feu, et c’est le feu qui permettra d’apprécier la qualité de l’ouvrage de chacun. Si quelqu’un a construit un ouvrage qui résiste, il recevra un salaire ; si l’ouvrage est entièrement brûlé, il en subira le préjudice. Lui-même sera sauvé, mais comme au travers du feu » (1 Co 3, 13-15).

Ce matin saint Paul me dit que dans l’éternité, mes mauvaises actions ne subsisteront pas. Elles seront oubliées.  Seul ce qu’il y a de meilleur dans mon histoire demeurera.

C’est une bonne nouvelle !

Alors réjouissons-nous, et que plaire au Seigneur soit notre seule ambition (2 Co 5, 9) ! Amen !

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