7ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 17 Mai 2015

 

Actes 1, 15-17.20a.20c-26 (« Il faut que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de la résurrection de Jésus »)

L’assemblée, après l’Ascension, prépare la Pentecôte. Le nombre « cent vingt » suppose une répartition de dix personnes autour de chacun des apôtres. Dans le judaïsme, ce groupe de dix (de sexe masculin) est le nombre minimal requis pour constituer une réunion synagogale (voir déjà Zacharie 8, 23).

La défection de Judas entraîne la nécessité de reconstituer le collège des Douze, selon la symbolique des douze tribus d’Israël (cf. Matthieu 19, 28). Pierre relit la démarche du traître à la lumière du livre des psaumes que l’on attribuait à David. Mais, aux yeux du croyant, ce livre est une prophétie de l’Esprit Saint concernant la destinée du Christ (cf. Luc 24, 44).

Puis, par la bouche de Pierre, Luc livre sa conception de l’apostolat. Sont apôtres ceux qui ont accompagné Jésus durant tout son ministère terrestre en « témoins oculaires » (Luc 1, 2) et qui, par leur prédication, deviennent « témoins de sa résurrection ». Cette définition insiste sur la continuité entre la mission terrestre de Jésus et la mission de l’Église. Elle ne concerne donc que les Douze et quelques autres, dont Matthias. Dans ce cadre et aux yeux de Luc Paul n’est pas un apôtre. Il est celui qui rejoint notre temps, de l’ère apostolique à l’ère post-apostolique. Mais ce dernier, pour légitimer sa fonction, a une conception de l’apostolat plus large (cf. Romains 1, 1-5 ; 1 Corinthiens 9, 1-2). L’Esprit Saint n’ayant pas encore été répandu, l’élection de Matthias procède par tirage au sort. Mais elle s’accompagne d’une prière, pour que le choix des hommes corresponde* à la volonté de Dieu. Il est plaisant de s’arrêter sur le nom du candidat évincé : Barsabbas signifie « fils du sabbat ». En effet, les pharisiens souhaitaient que le sabbat soit un jour de fête et que la nuit du sabbat, on fasse l’amour. Et si, par conjecture, les parents pensaient que le garçon avait été conçu un jour de sabbat, ils l’appelaient volontiers de ce nom. Un autre Basabbas (ou le même ?) est mieux honoré en Actes 15, 22.

* La volonté de Dieu. « Tous ensemble se mettent en prière : « Toi qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous. » C’était le moment de l’invoquer comme celui qui connaît les cœurs, car c’était à lui de faire l’élection, pas à eux. Ils parlaient avec confiance car il fallait absolument en élire un. Ils ne disent pas : Choisis, mais : Montre-nous l’élu, car ils savent que Dieu a tout décidé à l’avance. On tira au sort. Ils ne se jugeaient pas encore dignes de choisir eux-mêmes ; aussi veulent-ils être éclairés par un signe » (Jean Chrysostome).

 

1 Jean 4, 11-16 (« Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui »)

Dimanche dernier, l’Apôtre évoquait l’amour de Dieu que manifeste la Croix. « Puisque Dieu nous a tellement aimés », vivons dans l’amour fraternel. De nouveau, L’auteur de la lettre souligne le lien entre croire et aimer.

« Voir Dieu » est impossible à l’homme, même à Moïse (Exode 33, 20). Nous voyons Dieu à travers ce que Jésus nous révèle de lui (Jean 1, 18). Cette connaissance de Dieu n’est pas un ensemble de notions, mais une expérience que l’Apôtre envisage ainsi : quand nous aimons nos frères, nous réalisons ce que Dieu attend de nous. Alors il est en nous, comme l’hôte en sa demeure, avec tout son amour et avec son Esprit.

Comme en 1 Corinthiens 12, 3, l’Esprit Saint est ici celui qui «atteste» en nous la vraie foi et nous donne d’en témoigner. Certains considéraient Jésus comme un maître ou un prophète. Mais le vrai croyant doit voir en lui le Fils de Dieu et le Sauveur du monde (cf. Jean 4, 42).

Ce texte distingue et unit deux groupes. L’expression «nous qui avons vu» évoque les apôtres qui nous ont conduits à la foi. L’expression «nous qui avons reconnu» englobe la communauté qui partage la foi des premiers témoins.

Croire vraiment, c’est aimer, nous découvrir une certaine connivence entre l’amour de Dieu et nos efforts pour aimer.

 

Jean 17, 11b-19 (« Qu’ils soient un, comme nous-mêmes »)

Cette prière solennelle conclut le testament de Jésus selon saint Jean. Chronologiquement, elle précède la Passion. Mais, chez Jean, il faut souvent dépasser le cadre temporel. Le Christ qui prie ici est déjà le Fils de Dieu conversant, dans l’intimité céleste, avec son Père. Et, dès cette 2e partie du chapitre de ce discours, il intercède pour ses disciples de tous les temps.

Père saint !

Cette invocation (Père saint, garde mes disciples) et la phrase qu’elle introduit résument ce qui va suivre. Si Dieu est saint, il exige la sainteté des siens : «Soyez saints parce que je suis saint», disait le Lévitique 19, 2. Jésus a révélé Dieu comme le Père, mais aussi comme le Saint : tel est le «Nom» que Dieu a donné à son envoyé pour qu’il le fasse connaître. Ainsi, le Père et le Fils sont «un» et c’est dans la révélation de cette unité que les disciples trouveront leur propre unité. Car, avec la Croix et la glorification du Christ, voici le temps de l’absence (que comblera la présence de l’Esprit, inséparable du Ressuscité [cf. Jean 16, 7]) en laquelle Dieu devra continuer l’œuvre qu’il avait confiée à Jésus.

Garde-les !

Pour que le Père garde les disciples de Jésus «dans son Nom», c’est-à-dire en sa propre personne qui est aussi celle du Christ, il faudra aussi qu’il les garde «du Mauvais» (ou du Mal, selon la traduction liturgique du Notre Père) qui influence «le monde». Chez Jean, souvent, «le monde» est cette partie de l’humanité qui a mis et met en échec la parole de Jésus. Les disciples, eux, ont accueilli sa parole. En ce sens, «ils n’appartiennent pas au monde». Ils sont pourtant «envoyés dans le monde» pour y poursuivre la mission du Christ.

Parmi eux, au temps de Jésus, un seul est allé «à sa perte», lui-même, sous l’influence du diable (Jean 13, 2) et c’était pour que le plan de Dieu se réalise (Jean 13, 18). Mais le Père devra les garder du Tentateur qui cherchera sans cesse à les replonger dans «le monde» de l’incroyance.

La prière de Jésus est confiante. Il se réjouit parce que, par la croix, il va vers le Père. Les disciples doivent partager sa joie, en être «comblés». Sachant ce que Jésus demande au Père pour eux, les croyants de tous les temps pourront prier par lui pour s’assurer dans leur mission de sanctification (cf. Jean 16, 24).

Sanctifie-les !

* Sanctifie-les, ou : «consacre-les.» Dieu, le «Père saint» demande et donne à la fois aux siens la sainteté, surtout s’il leur confie une mission. Or, il s’agit de l’envoi des croyants dans le monde, à la suite du Christ envoyé en ce monde. Cette sanctification s’opérera «par la vérité». La vérité est ce à quoi il faut se fier pour ne pas s’égarer. Elle se définit ici comme la parole du Père offerte aux hommes par Jésus.

La sanctification attendue se nourrit donc de la fidélité à cette parole. Mais elle est stimulée par l’exemple de Jésus. Dieu l’a sanctifié,/consacré en vue de sa mission dans le monde (Jean 10, 36). Mais Jésus peut déclarer : «Je me sanctifie moi-même», puisqu’il persévère dans sa fidélité au Père jusqu’à la Croix. Entraînés par lui, nous irons aussi jusqu’au bout sur le chemin de la sainteté.

Le chrétien d’aujourd’hui veut être pleinement «dans le monde» pour contribuer à le sauver, selon l’autre sens que l’évangéliste confère à ce mot : «Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique» ‘(Jean 3, 16). Néanmoins, cette vocation implique bel et bien, une mise à part, un regard critique sur le monde, au nom des valeurs de la Bonne Nouvelle.

Sanctifie-les. Ce verbe biblique a un sens très riche. Il signifie que Dieu consacre quelqu’un à son service, le met à part, en le distinguant pour une mission. Ainsi Jérémie (1, 5) est-il «sanctifié» dès le sein maternel. Mais, fondamentalement, quand Dieu sanctifie quelqu’un, il l’appelle à partager sa propre sainteté, à se transformer, à s’écarter de tout mal, et de toute impureté. C’est là l’honneur du peuple de Dieu, qui s’entend dire : «Vous serez saints, parce que je suis Saint» (Lévitique 19, 2).

 

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