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« Aide-toi et le ciel t’aidera » (Interview de Mgr Gilbert Aubry).

1) Comment réagit l’Eglise de la Réunion face à la crise sanitaire, alors que les structures religieuses sont fermées au public et que les rassemblements sont interdits ? De quelle manière, les prêtres et autres représentants religieux continuent de venir en aide et en soutien à la population ? 

L’Eglise à La Réunion est très mobilisée face à la crise sanitaire mais du fait du confinement, le soutien par la présence physique n’est pas possible. Nous utilisons les outils numériques pour rester en contact avec la population via le site « eglisealareunion.org », la page Facebook « Diocèse de La Réunion », la chaîne YouTube « Eglise à La Réunion ». Notre Centre Diocésain d’Information est joignable par mail « diocesereunion@gmail.com ». Radio Arc-en-ciel fait un énorme travail de communication et propose aux auditeurs un site « radioarcenciel.re » et une page Facebook « Radio Arc-en-Ciel Réunion ». De plus en plus de paroisses ont adopté Facebook comme moyen pour rester en lien avec les paroissiens. Eglise 2.0, qui retransmet les messes des dimanches de 10 H à 11 H sur Réunion la 1ère, touche beaucoup de monde dont une bonne proportion de jeunes. Le Secours catholique (0693 46 74 07) répond aux demandes urgentes concernant les situations les plus précaires et les situations d’isolement.

2) Dans les difficultés, beaucoup de personnes vont habituellement chercher du réconfort auprès de l’église. Or, pour les raisons de sécurité sanitaire que l’on connaît, elles ne peuvent plus se rendre dans les établissements religieux. Que leur conseillez-vous pour les aider à surmonter les épreuves et leur peine ? Où et comment prier ? 

La prière n’est pas d’abord de réciter les mots d’une prière dans un lieu déterminé. La prière est d’abord un élan du cœur vers l’infini, vers Dieu. Cela peut-être une prière de louange, une prière de demande, une prière de demande de pardon à Dieu et aux autres. La meilleure prière nous est donnée par Jésus lui-même. C’est le Notre Père. La prière comme élan du cœur peut être dite en tout lieu. Quand nous prions dans une église, nous sommes dans un lieu qui invite au recueillement, où il y a un tabernacle avec la présence réelle et sacramentelle de Jésus Eucharistie. Ce lieu est le lieu de convocation de l’assemblée pour écouter la Parole de Dieu, pour célébrer la messe et les sacrements, pour l’envoi en mission surtout le dimanche, jour de la résurrection du Christ. Nous y venons avec nos joies et nos peines, nos besoins, nos désirs. Avec la foi et dans l’adoration nous venons y puiser l’Espérance. Et il ne faut pas oublier que la première église, le premier temple c’est le corps de chacun de nous en relation avec Dieu et avec les autres. Nous pouvons donc prier partout.

Aujourd’hui, pour aider à surmonter les épreuves et les peines, il y a la possibilité d’avoir des accompagnements spirituels personnalisés en s’adressant aux pères jésuites (0693 85 44 09) du lundi au samedi de 8h30 à 11h00, aux pères dominicains (www.lacathedrale.reou www.dominicains.re) , aux sœurs moniales dominicaines à Saint-Denis (0262 21 44 30), aux sœurs carmélites aux Avirons (0262 38 04 67).

3) Sans que ce ne soit lié au coronavirus, beaucoup de fidèles ont perdu des proches et n’ont pas pu faire leurs adieux comme ils l’auraient voulu en raison des nombreuses restrictions décidées par le Gouvernement. Certains ont même été privés de veillées et d’obsèques. Comment réussir à faire son deuil sans ces rituels ô combien importants ? 

Normalement les églises sont fermées. Elles ne sont ouvertes que pour les obsèques. Les prêtres ont reçu de ma part un protocole à cet effet. L’assemblée ne doit pas dépasser une petite vingtaine et les personnes doivent être disséminées dans l’église. En aucun cas, l’on ne doit toucher le cercueil. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de respecter les restrictions décidées par le Gouvernement. C’est ainsi que nous contribuerons à enrayer la propagation de ce virus de la mort. Oui, les rituels sont importants, surtout pour ceux qui restent. Mais si nous ne pouvons pas aller à l’église, en restant chez nous, nous confierons au Seigneur notre Dieu l’être cher qui nous  a quittés. Demandons lui de le délivrer de tout mal, de le conduire au paradis où il n’y a plus ni deuil, ni larme, ni douleur mais la paix et la joie.  Nous implorerons aussi son aide pour nous qui sommes encore sur cette terre.  Que nous puissions prendre le chemin de l’espérance !

Et puis consolons-nous en sachant que, dans une messe que le prêtre célèbrera en privé, sans public, il priera plus spécialement pour notre défunt. Nous pourrons ainsi nous associer spirituellement à cette messe. Et à la fin de la période de confinement, une messe sera célébrée dans chaque paroisse pour tous les défunts décédés durant cette période. Les noms des défunts seront alors cités au memento des morts.

Danger mortel

4) C’est difficile de rester confiné à la maison. Que souhaitez-vous dire aux fidèles pour les aider à garder patience ? 

Tout d’abord, il faut prendre conscience du danger mortel véhiculé par le COVID-19. Le virus ne marche pas tout seul. Ce sont les personnes qui marchent et qui se rencontrent, qui font marcher le virus. Ces personnes se mettent et mettent les autres en danger de mort. Vous voulez vivre ou mourir ? Ne vous laissez pas aller. Occupez-vous. Réveillez votre instinct vital. Téléphoner à vos proches, à vos amis, aux personnes âgées. Soutenez-vous humainement, spirituellement. Branchez-vous sur radio Arc-en-ciel ou KTO. Repérez aussi les personnes âgées et isolées, les sans toit, les SDF et signalez-les aux CCAS, au Secours Catholique, à Saint-Vincent de Paul, à d’autres associations d’entraide.

5) Vous-même, êtes-vous déjà sorti ? Si oui, pour quelles raisons ? Et comment occupez-vous vos journées ?

Non. Je respecte le confinement et même si je ne me déplace pas, je travaille à mon bureau. Le téléphone et Internet fonctionnent plus que jamais.

6) Le président Macron parle de « guerre ». C’en est une, selon vous ? 

D’une certaine manière oui. Mais là, il s’agit d’un ennemi invisible où la victoire dépend toujours d’un élan commun capable de générer un sursaut du moral pour sortir de l’angoisse et de la déprime, être capable de positiver et engendrer une réelle solidarité de tous les jours qui préparera l’avenir. Après le confinement, il faudra, et le Gouvernement et chacun à sa place, faire un débriefing pour tirer les leçons et mieux nous armer contre les différentes formes d’adversité. Il y a une formule américaine qui dit : « Si tu cours ils marchent. Si tu marches ils piétinent. Si tu piétines ils s’asseyent. Si tu t’assieds ils se couchent. Si tu te couches ils s’endorment. Si tu t’endors ils sont morts ». Il nous faut choisir la vie et non la mort. Haut les cœurs !

7) Les hommes vont mal, mais la planète ne s’est jamais aussi bien portée que depuis que le virus est apparu. Selon vous, le coronavirus pourrait-il être un message, voire une punition de Dieu, et dans quel but ? 

Ne pensons pas Dieu comme un père fouettard ou un commandeur esclavagiste qui tomberait sur notre dos pour nous accabler de malheurs. Dieu ne veut jamais le mal, il ne désire pas le mal. Quand nous piétinons la biodiversité, quand nous pillons la planète, quand nous la polluons, quand les rythmes que nous nous imposons détruisent les rythmes qui harmonisent le végétal, le minéral, l’animal… et les humains… alors surgissent les virus mortels comme le COVID-19. En ce sens, nous sommes punis par là où nous avons péché. Nous nous punissons nous-mêmes. Mais la punition devient pédagogie parce qu’elle appelle à la prise de conscience et à la nécessité de développer une écologie intégrale dans laquelle doit s’inscrire chaque être humain, chaque peuple, tous les peuples. Si ce que nous vivons maintenant peut convaincre le plus grand nombre qu’il ne faut plus différer les changements qui s’imposent, alors ce drame porteur d’angoisse n’aura pas été traversé en vain. Dieu remet le monde entre nos mains. Avec Lui. « Aide-toi et le ciel t’aidera ».

8) Les gens ont peur. Pour eux-mêmes ou pour leurs proches. Que souhaitez-vous leur dire pour les aider à traverser cette épreuve ? 

De repenser à la veillée de prière avec le pape François seul, « confiné » sur la place Saint Pierre, le soir du vendredi 27 mars. Il nous a aidés à méditer l’évangile de la tempête apaisée (Marc chapitre 4, 35 à 41). Les disciples et Jésus sont pris dans la tempête. La barque est prête à couler. Jésus dort sur un coussin à l’arrière. Les disciples réveillent Jésus « cela ne te fait rien ? – Silence, tais-toi » dit Jésus à la mer. « Il se fit un grand calme » et Jésus de leur dire « Pourquoi avez-vous si peur ? » Le pape a comparé l’humanité qui a peur, qui est désemparée à ce groupe d’hommes rassemblés dans la barque et qui lance un SOS à Jésus. A la lumière de l’Evangile, soyons sûrs que Jésus est le Maître du navire et des flots. Nous traverserons cette épreuve, ensemble. La vie prendra une autre couleur parce que nous nous souviendrons. Mais nous ne ferons pas demain comme avant. Ce sera autrement. Avec le Maître du navire et des flots nous arriverons à bon port. C’est mon espérance pour moi, pour vous et tous les vôtres.

                                                                                    Monseigneur Gilbert AUBRY