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L’ultime ministère de Jésus à Jérusalem (Luc 19,28 – 21,38)

 

            En Luc 9,51, Jésus avait « pris résolument le chemin de Jérusalem » alors qu’il connaissait le sort qui l’attendait…  Maintenant, il arrive à ses portes, et se prépare à entrer dans la ville, assis sur un ânon, accomplissant ainsi la prophétie de Zacharie d’un Messie « juste, victorieux et humble » (Zacharie 9,9-10)…

jérusalemem au temps de Jésus

« Jérusalem », dans l’Evangile selon St Luc 

Pour St Luc, la ville de Jérusalem a une importance toute particulière. C’est d’ailleurs au cœur du Temple, dans « le Sanctuaire du Seigneur », que le récit commence avec la rencontre de Zacharie et de « l’Ange du Seigneur » dans la pièce appelée « le Saint », juste devant le rideau qui masquait l’unique entrée dans « le Saint des Saints », là où, croyait-on, Dieu siégeait en Roi de son Peuple Israël (Luc 1,5-25 ; Exode 26,31-34 ; Hébreux 9,1-5). Et c’est toujours à Jérusalem, « au lieu appelé Crâne », que Jésus mourra, offrant sa vie pour le salut du monde : « Père, pardonne-leur » (Luc 23,33-34). Ressuscité, il apparaîtra ensuite à Simon Pierre (Luc 24,33-34) et il invitera tous ses disciples à demeurer dans la ville jusqu’à ce qu’ils soient « revêtus de la force d’en-haut » en vue de leur mission future (Luc 24,49). Et le récit des Actes des Apôtres commencera à Jérusalem pour se terminer à Rome, considéré à cette époque comme la capitale du monde. La Bonne Nouvelle a alors accompli symboliquement sa course, elle qui devait être portée par les témoins du Christ mort et ressuscité, dans la force de l’Esprit, « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1,8 ; 28,11-31)…

jésus enseignant 2

Après sa naissance à Bethléem, Jésus sera tout de suite porté par Marie et Joseph à Jérusalem pour être présenté au Seigneur, « premier acte cultuel de Jésus dans la Ville Sainte » comme le fait remarquer une note de la Bible de Jérusalem. Et c’est bien à Jérusalem qu’il accomplira le dernier : il suivra « la voie de l’amour » et « se livrera pour nous en s’offrant en sacrifice d’agréable odeur » pour notre salut à tous (Ephésiens 5,1-2)… Syméon, dans le Temple, en recevant cet enfant dans ses bras, avait déjà reconnu en lui ce « salut » que Dieu a « préparé pour tous les peuples,  lumière pour éclairer les nations et gloire de son peuple Israël » (Luc 2,25-32). St Luc placera ensuite, juste avant le ministère de Jean-Baptiste et le début de celui de Jésus, l’épisode où le Christ, échappant à la vigilance de ses parents, restera « trois jours » dans le Temple de Jérusalem, « la maison de son Père ». Et à la fin de l’Evangile, Jésus, échappant par sa mort au regard de tous ses proches et de tous ses disciples, leur apparaîtra « trois jours » plus tard dans la splendeur de sa Résurrection… Et entre le début et la fin de l’Evangile, Jérusalem apparaît souvent comme le siège de la haine et du rejet de Dieu, elle qui « tue et lapide ceux qui lui sont envoyés » (Luc 13,33). C’est en effet à Jérusalem, au point le plus haut du Temple, que Jésus sera tenté par le diable de se détourner de son Père et de sa mission d’humble Serviteur souffrant (Luc 4,9-12). Moïse et Elie, au jour de sa Transfiguration, annonceront « son départ, qu’il allait accomplir à Jérusalem » (Luc 9,31). Et juste après, par amour de son Père et de tous les hommes, ses frères, « il prendra résolument le chemin de Jérusalem » (Luc 9,51), bien conscient du sort qui l’attend, mais aussi de l’extraordinaire fruit de salut qu’il offrira à l’humanité tout entière par l’offrande de sa vie (Luc 9,22). On retrouve cette détermination et ce courage au début de notre passage, lorsque St Luc nous présente Jésus « partant en tête, et marchant vers Jérusalem » (Luc 19,28) en Maître de cette Histoire où il apparaîtra pourtant très bientôt avec le visage de la faiblesse humaine ballottée et finalement écrasée par les puissants de ce monde… Mais « la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » (1Corinthiens 1,25), car, dans cette apparente faiblesse, « son amour envers nous s’est montré le plus fort » (Psaume 117(116))… Et aujourd’hui, grâce à ce sacrifice librement consenti, notre faiblesse peut se découvrir, avec joie, toute remplie de sa force (2Corinthiens 12,7‑9).

« Jésus approcha de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont dit des Oliviers »…

MontOliviers

            « Bethpahgé » signifie  « la maison des figues non mûres »[1]. On peut alors penser à ce figuier sans fruit qui, dans les épisodes parallèles de Marc et de Matthieu (Marc 11,12-14.20-24 ; Matthieu 21,18-22), renvoie à tous ceux qui, parmi les Juifs, refuseront de « porter ce fruit digne du repentir » (Matthieu 3,8) qui leur aurait permis de reconnaître et d’accueillir en Jésus « le Fils Unique de Dieu venu dans le monde non pas pour le condamner mais pour le sauver » (Jean 3,16-17). Hélas pour eux, ils ont préféré leurs ténèbres à Sa Lumière… Pourtant, Jérusalem, « maison des figues non parvenues à maturité » par manque de foi, sera aussi cette « Béthanie » que l’on peut interpréter soit par « maison des pauvres » ou par « maison d’Ananie ». Or « Ananie » signifie en hébreu « Yahvé a pitié », « le Seigneur fait miséricorde »… Et bientôt mourra à Jérusalem Celui qui, « de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » (2Corinthiens 8,9), une richesse que « les pauvres de cœur » (Matthieu 5,3) recevront du « Père des Miséricordes » (2Corinthiens 1,3) qui, par le sacrifice unique de son Fils, fera jaillir une surabondance de grâce là où le péché avait abondé (Romains 5,20)… Et des Fleuves d’Eau vive jailliront de son côté ouvert pour se répandre sur ceux-là mêmes qui, par leur violence, venaient de le mettre à mort (Jean 19,33-35 ; 7,37-39). Jérusalem devient ainsi la « Béthanie », le lieu où le Seigneur a fait Miséricorde, une Miséricorde destinée ensuite à se répandre sur le monde entier… Et c’est toujours à ascension du christBéthanie que l’Evangile se terminera avec l’Ascension du Christ qui « fut emporté au ciel alors qu’il bénissait » ses disciples (Luc 24,50‑53). Il passe ainsi du temps à l’éternité en bénissant, une attitude qui est le signe de cette bénédiction continuelle que le Dieu de Tendresse et de Miséricorde ne cesse de répandre depuis toujours et pour toujours sur tous les hommes, ses enfants, par Jésus, le Fils Unique (Jean 1,4-5 ; 1,9)… Il est bien celui qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Matthieu 5,45). Et en réponse à toute cette violence dont le Christ fut, hélas, l’objet, Dieu ressuscitera son Serviteur avant tout pour ceux-là mêmes qui viennent de le mettre à mort, et il l’enverra les bénir (Actes 3,26) ! Heureux alors celui qui saura « se détourner de ses perversités », du mal et des ténèbres, pour se tourner vers l’Amour… Il sera alors accueilli à « Béthanie », « la Maison du Père » (Jean 14,1-4), dans la Demeure de ce Dieu où nous pouvons « entrer grâce à son Amour » (Psaume 5,8), sa Tendresse, sa Miséricorde et sa Bienveillance.

Et la mention du « mont des Oliviers » (Luc 19,29) ne peut que renvoyer à cette huile d’olive pure qui était utilisée en « huile d’onction » lors de l’intronisation des Rois (1Samuel 16,1-13) et de la consécration des prêtres (Exode 29,4-9). L’image de l’onction était aussi utilisée pour évoquer la grâce de l’Esprit reçue par les prophètes en vue de la mission à laquelle Dieu les avait appelés (Isaïe 61,1-2 cité en Luc 4,18-19; et plus largement Isaïe 61-62). Et Jésus, « le Christ », « le Messie », « l’Oint du Seigneur » par excellence[2], s’offrira en sacrifice au pressoir de la croix (Isaïe 63,1-3a) pour que nous puissions tous avoir part à son Onction, l’Esprit Saint, qui sera pour chacun d’entre nous « une huile de joie au lieu d’un vêtement de deuil » (Isaïe 61,3). Lumière2Si, en effet, « le salaire du péché, c’est la mort, le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus » (Romains 6,23). Cette Vie, qui a jailli en Fleuves du côté ouvert du Christ en Croix, nous est transmise, dans l’aujourd’hui de notre foi, par l’Esprit « Eau Vive » qui vivifie (Jean 19,33-35 ; 7,37-39 ; 4,10-14 ; 6,63 TOB) et qui est tout en même temps pour chacun d’entre nous pardon, purification, renouvellement, salut (Ezéchiel 36,24-30; Isaïe 12,3), force, paix, joie (Galates 5,22-23 ; 1Thessaloniciens 1,6) et bonheur profond (Isaïe 66,12-13) reçu avec d’autant plus de reconnaissance qu’il est avant tout destiné à ceux qui n’en sont pas dignes (Luc 5,8.31-32)…

 

L’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem

l'entré de Jésus à Jérusalem

 

            Jésus, Roi (Jean 1,49 ; 18,37), Prêtre (Hébreux 4,14-16 ; 5,5-10) et Prophète (Jean 4,19.44) manifestera d’ailleurs très vite sa qualité de Prophète par cette Parole de Science qui lui vient de l’Esprit : « Allez au village qui est en face et, en y pénétrant, vous trouverez, à l’attache, un ânon que personne au monde n’a jamais monté; détachez-le et amenez-le. Et si quelqu’un vous demande : “ Pourquoi le détachez-vous ? ” Vous direz ceci : “ C’est que le Seigneur en a besoin ” » (Luc 19,30-31). Et tout se passera exactement selon sa Parole… L’obéissance des disciples aura permis son plein accomplissement…

            En montant sur cet ânon et en entrant ainsi à Jérusalem, Jésus se présente sans un mot comme celui qui accomplit la prophétie de Zacharie : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. Il retranchera d’Éphraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux ; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre » (Zacharie 9,9-10). Or, à l’époque de Jésus, cette prophétie était lue à la lumière de l’attente de ce Messie Roi qui devait venir. Jésus se déclare donc indirectement, en silence, comme étant ce Roi promis… Tout le récit le souligne.  L’âne, en effet, était « l’ancienne monture des princes » (Note Bible de Jérusalem pour Zacharie 9,9 ; cf. Genèse 49,11 ; Juges 5,10 ; 10,4 ; 12,14. Comparer aussi 1Rois 1,38 à 1Rois 1,5). De plus, « l’ânon que personne au monde n’a jamais monté » suggère la dignité unique de celui qui, pour la première fois, s’assoira sur lui (cf. Jean 19,38-42), tout comme ces manteaux étendus sur son chemin comme autrefois pour le roi Jéhu (2Rois 9,13 ; 841-814 av JC), et bien sûr les acclamations : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » La foule des disciples reprend alors le verset 26 du Psaume 118 (117) en y rajoutant le titre de Roi…ChristRoi2

Et Jésus est bien ce Roi qui vient au nom du Seigneur et apporte « le salut » et « la victoire » données par Dieu, dans « la joie et l’allégresse », car « éternelle est sa Miséricorde » (cf. Psaume 118(117),22-29, Traduction grecque de la Septante)… Il luttera dans la douceur mais avec force pour extirper toute trace de violence parmi les hommes, invitant ses disciples à agir comme lui-même a agi (1Pierre 2,21-25). Frappés sur la joue droite, ils s’efforceront de tendre l’autre joue, ou de ranger l’épée lorsqu’ils seraient tentés de s’en servir (Matthieu 26,51-52 ; 5,39)… C’est ainsi que « charrerie, chevaux et arcs de guerre seront retranchés ». Et « il annoncera la paix aux nations » en répandant sa Paix (Psaume 29(28),11), un terme qui est synonyme de Plénitude, la Plénitude même de Dieu[3]… Cette Paix, c’est celle que Dieu veut donner depuis toujours à tous les hommes qu’il aime (Luc 2,14). Aussi, puisque l’humanité a perdu le chemin de sa connaissance, et avec elle la clef du seul vrai bonheur, le Père, par amour, va-t-il envoyer dans le monde son Fils, « l’Astre d’en haut », pour nous permettre de retrouver « le chemin de la paix » par « la rémission de nos péchés ». Grâce à ce pardon, expression d’un Amour qui ne s’arrête pas à la multitude de nos fautes mais ne cesse de vouloir le bien de l’être aimé, nous pourrons petit à petit « faire l’expérience du salut », c’est-à-dire de cette Lumière de Dieu qui est tout en même temps Vie (Jean 1,4 ; 8,12), et qu’il veut voir régner dans nos cœurs pour nous permettre de participer à la Plénitude de sa Vie.

Ainsi, grâce « aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu », « l’Astre d’en Haut est-il venu visiter ceux qui habitaient dans les ténèbres et l’ombre de la mort » afin de « redresser nos pas »[4] pour nous aider à quitter nos chemins de mort, de tristesse et de souffrances, et nous permettre ainsi de retrouver avec Lui et grâce à Lui « le chemin de la Paix » (Luc 1,76-79)miséricorde divine… Syméon en fera l’expérience lorsqu’il accueillera l’enfant Jésus dans ses bras. Maintenant qu’il a reçu « la Consolation d’Israël », le « Salut » de Dieu (Luc 2,29-32), il peut « s’en aller dans la Paix » (Luc 2,29) . Et cette femme qui, « dans la ville, était une pécheresse », saura accueillir elle aussi, avec Jésus, le pardon de Dieu pour toutes ses fautes. Elle lui en témoignera une énorme reconnaissance « en arrosant ses pieds de ses larmes, en les essuyant avec ses cheveux, en les couvrant de baisers, en répondant sur eux du parfum ». Et Jésus lui déclarera : « Ta foi t’a sauvée ; va en paix » (Luc 7,36-50). Et il dira la même chose à cette autre femme, « souffrant de pertes de sang depuis douze années » et qui sera guérie de son mal par sa foi en lui (Luc 8,43‑48)… Or la maladie à l’époque était comprise comme la conséquence d’un péché (cf. Jean 9,1-3), et l’on pensait que la vie d’un homme était dans son sang (Lévitique 17,11.14). Cette femme symbolise donc ici l’humanité blessée par ce péché qui lui fait perdre la Vie de Dieu… Mais elle pourra la retrouver avec le Christ, en acceptant de recevoir le pardon de toutes ses fautes. Avec Lui et par Lui, Dieu est en effet venu dans le monde pour le réconcilier avec Lui et l’introduire, par son Pardon, dans la Plénitude de son Mystère de Communion et de Vie… Accepterons-nous de nous laisser aimer tels que nous sommes, de nous laisser pardonner, d’aller à Lui avec « notre poids de péché » ? Nous ne pourrons alors que constater que, si « nos fautes ont dominé sur nous, Lui, il les pardonne » (Psaume 65(64),3-4). Et c’est grâce à ce pardon sans cesse offert et humblement reçu que nous pourrons envers et contre tout, demeurer fidèles à l’Amour malgré, hélas, toutes nos infidélités… « Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon, pour que l’homme te craigne. Oui, près du Seigneur est l’Amour » et puisque cet Amour n’est que Miséricorde[5], « près de Lui abonde le rachat » (Psaume 130(129)). Et de pardon en pardon, de nouveau départ en nouveau départ, nous grandirons petit à petit dans l’amour, la fidélité et la reconnaissance envers celui qui, par son Pardon, nous ouvre les portes de sa Vie, une Vie que nos péchés nous avaient fait perdre… Et nous louerons Celui qui « nous arrache sans cesse à nos ténèbres pour nous transférer dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Colossiens 1,13‑14) ? Nous découvrirons et redécouvrirons jour après jour à quel point « le Seigneur fait tout pour nous ! Seigneur, éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains » (Psaume 138(137),8)[6]. D’où l’appel pressant de St Paul : «  Laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (2Corinthiens 5,20-21)…

 Jésus tête de l'Eglise

Par amour, le Christ a voulu s’unir à nos ténèbres pour que nous puissions être unis à sa Lumière et à sa Vie ! Ainsi, grâce à Lui, grâce à son œuvre d’Amour, il nous est possible de devenir ce que nous n’aurions jamais pu être par nous-mêmes, « saints et immaculés en sa Présence dans l’Amour » (Ephésiens 1,4)… Il suffit de se laisser aimer… Et cette œuvre folle aux yeux des hommes (1Corinthiens 1,17-31) s’accomplira bientôt en cette ville où, pour l’instant, le Christ est accueilli dans la joie. Mais hélas, comme souvent dans les Evangiles, l’attente des foules est entièrement focalisée sur un roi terrestre qui saura rétablir, en cette période d’occupation par les Romains, l’indépendance et la souveraineté d’Israël. Terrible quiproquo que Jésus n’est pas arrivé à dissiper, même parmi ses disciples (cf. Luc 24,19-21 ; Marc 8,27-33 ; 9,34 ; 10,37 ; Actes 1,6) et qui conduira finalement ce Peuple déçu dans son attente à crier devant Pilate : « Crucifie-le ! Crucifie‑le ! » (Luc 23,21). Mais c’est justement à travers ce chemin d’incompréhension que Jésus manifestera avec le plus MGR123.inddd’intensité l’Amour du Père, en acceptant de mourir de la main des hommes pour leur permettre de recevoir le fruit de son offrande, leur salut à tous ! C’est ainsi que « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle » par son rejet même (Psaume 118(117),22), accepté, vécu et offert par amour (Jean 10,14‑18)… Et St Luc accentue ici ce rejet de la part de la majorité de la population de Jérusalem en précisant que seule « toute la multitude des disciples » l’acclamait… Les habitants de la ville ne sont donc pas venus l’accueillir… « Quelques pharisiens » semblent pourtant ne pas appartenir au groupe des disciples de Jésus qu’ils appellent « tes disciples » lorsqu’ils interviennent auprès de lui pour lui demander de « les réprimander »… Le climat hostile, qui se manifestera pleinement au moment de la Passion, apparaît donc déjà comme en filigranes…

            Jérusalem n’a donc pas su « reconnaître le temps où elle fut visitée ». Ce verbe « visiter » n’intervient qu’au tout début de l’Evangile, dans le cantique de Zacharie (Luc 1,68 et 1,78) qui présente l’œuvre de Dieu que le Christ accomplira par la suite, puis une fois en Luc 7,16 avec la ville de Naïn qui, elle, a su reconnaître qu’avec Jésus  « Dieu a visité son Peuple », et enfin ici, en Luc 19,44, juste avant la Passion. Malgré tout ce que Jésus a fait et dit depuis le début de son ministère, Jérusalem n’a donc pas reconnu en lui « les entrailles de miséricorde de notre Dieu » offrant « le salut » au monde « par la rémission de ses péchés ».  Elle s’est ainsi privée elle-même de cette Plénitude que Dieu veut nous communiquer : Paix, Joie, Lumière et Vie, Force et soutien dans les épreuves de toutes sortes … Elle ne pourra que connaître la tristesse, la désolation, la solitude, le sentiment d’abandon, la souffrance d’autant plus incompréhensible qu’elle sera vide de la Présence de Dieu… Aussi Jésus, qui ne désire et ne cherche que notre bien, sans jamais regarder l’offense qui lui est faite, ressent-il pour elle de la compassion, et il se désole de son malheur dont elle est pourtant la seule responsable … Alors que tout le monde est dans la joie d’une espérance illusoire, Lui pleure[7] sur cette ville qui souffrira bientôt des conséquences de son refus : en 70, les Romains la détruiront (Luc 21,5-7.20-24 ; 23,26-32)…

Jésus purifie le Temple (Luc 20,45-48) 

          Jésus en colère dans le temple  Jésus entre dans le Temple de Jérusalem et se met aussitôt à chasser « les vendeurs » d’animaux destinés aux sacrifices. Hélas, avec le temps, la finalité de ces pratiques n’était plus avant tout le culte divin et « la prière », mais l’appât du gain… Et le Temple, que Dieu voulait  » maison de prière pour tous les peuples «  (Isaïe 56,7), était devenu « un repaire de brigands » (Jérémie 7,11) dont les activités profitaient avant tout au Grand Prêtre, à sa famille, et aux notables. On comprend alors leur haine à l’égard de ce Jésus qui, si on le laissait faire, les conduirait tout droit à la ruine ! « Ils chercheront donc tout de suite à faire périr » celui qui met ainsi en péril leurs somptueux profits. Cette situation est un nouvel exemple de ce que Jésus posa en principe en Luc 16,13 : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent »…

Jésus purifie donc ici le Temple de Jérusalem en recentrant son activité sur la seule recherche de Dieu. Et il se mettra « journellement à enseigner dans le Temple » la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux, et « tout le peuple l’écoutait, suspendu à ses lèvres », comme autrefois dans la synagogue de Jérusalem où tous « étaient en admiration devant les Paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche » (Luc 4,22). Vraiment, « jamais homme n’avait jusqu’ici parlé comme cela » (Jean 7,46). Ses Paroles sont en effet des Paroles de Vie éternelle au sens où elles tournent notre regard et notre cœur vers ce Dieu qui, de toute éternité, est un Soleil de Lumière et de Vie (Psaume 84(83),12-13 ; 1Jean 1,5 ; Jean 1,4 ; 8,12 ; 6,68) par le don continuel qu’il nous fait de son « Esprit qui vivifie » (Jean 6,63 TOB). Et cet main de dieuEsprit reçu en écoutant la Parole du Christ rend témoignage, par sa seule Présence dans les cœurs, à cette Vie éternelle dont le Christ est venu nous parler. Ainsi, lorsque Jésus nous parle de la Vie de ce Dieu de Miséricorde qui ne désire qu’une seule chose, nous donner d’avoir part à sa Vie, l’Esprit, au même moment, communique cette Vie à ceux et celles qui écoutent le Christ de tout cœur. Ils se mettent alors à Vivre de la Vie dont Jésus leur parle, ils la reconnaissent, ils l’expérimentent avec joie et action de grâces, et ils expriment à Jésus toute leur reconnaissance par l’assentiment de leur foi… Oui, vraiment, « jamais homme jusqu’à présent n’avait parlé comme cela »…

Le prophète Malachie annonçait (Malachie 3,1-5) : « Soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ». Avec Jésus, cette prophétie s’accomplit, et le parallèle avec Malachie amène tout de suite cette question : mais qui donc est Jésus pour qu’avec Lui et par Lui, la venue de Dieu en personne s’accomplisse ? La réponse s’articule en deux volets. Jésus Lui-même est Dieu au sens où il partage la Plénitude de la Nature divine avec le Père et l’Esprit Saint. « Et le Verbe était Dieu », écrit St Jean au tout début de son Evangile, alors qu’à la fin St Thomas s’exclamera devant le Christ ressuscité : mon Seigneur et mon Dieu« Mon Seigneur et mon Dieu » (Jean 1,4 ; 20,28). Jésus est ainsi « de condition divine » (Philippiens 2,6-11), de telle sorte qu’il peut reprendre pour Lui-même ce Nom divin révélé autrefois à Moïse dans le Buisson ardent : « JE SUIS » (Exode 3,13-15). Or le Nom, dans la Bible, renvoie directement au mystère de la personne qui le porte, de telle sorte que Dieu seul peut dire en toute Plénitude : « JE SUIS ». En reprenant à son compte ce Nom divin, Jésus se présente discrètement mais avec force comme partageant le mystère de cette Plénitude divine. Il est Dieu comme son Père est Dieu de telle sorte qu’il peut dire en Jean 8,59 : « Avant qu’Abraham existât, JE SUIS » (cf. Jean 8,24.28 ; 13,19; l’expression apparaît également avec d’autres termes qui permettent d’en pressentir la richesse : 4,26 ; 6,20 ; 6,35.41.48.51 ; 8,12.18 ; 10,7.9.11.14 ; 11,25 ; 14,6 ; 15,1.5 ; 18,5.6.8). Le deuxième volet du mystère de la divinité du Christ apparaît en Jean 10,30: « Moi et le Père, nous sommes un ». Jésus est bien sûr différent du Père, mais il lui est profondément uni par cette Nature divine qu’il partage en Plénitude avec son Père et avec l’Esprit Saint. Et puisque qu’elle n’est qu’Amour, c’est cet Amour qui va assurer l’unité des volontés de ces Trois Personnes distinctes. Ainsi, tout ce que le Père veut, le Fils et l’Esprit saint le veulent eux aussi, et tout ce que le Père fait, le Fils et l’Esprit Saint le font eux aussi…

Ainsi, lorsque Jésus entre dans le Temple de Jérusalem, c’est bien Dieu qui, avec Lui, visite son Peuple :lumière1

1 – Dieu le Fils, car Jésus est Dieu,

2 – mais aussi Dieu le Père, car les deux sont indissociablement unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit qui est tout en même temps Amour, Lumière, Paix et Vie (Jean 4,24 ; 1Jean 1,5 ; 4,8.16)…

Et Jésus accomplit bien ici la prophétie de Malachie (Malachie 3,1-5) car il est cet « Ange -en son sens étymologique de « messager » – de l’Alliance » avec qui et par qui Dieu est venu annoncer et proposer « l’Alliance Nouvelle et éternelle » (Matthieu 26,26-28 ; Luc 22,20 ; 1Corinthiens 11,25) qui accomplit enfin l’Alliance universelle conclue avec tous les hommes depuis les origines (Genèse 9,8-17). Avec ce vocabulaire humain de l’Alliance, Dieu se révélait déjà, depuis les temps les plus anciens, comme étant un Dieu proche des hommes, quels qu’ils soient, attentif à leur vie et à leurs besoins, et cela depuis les origines du monde… Jésus est ainsi venu nous révéler une réalité qui existe depuis toujours et pour toujours : « Le Royaume des Cieux est tout proche » (Matthieu 3,1-2 ; 4,17 ; 10,1-7 en notant qui sont les acteurs qui annoncent le Royaume), Dieu est tout proche, se proposant sans cesse en Roi de nos cœurs et de nos vies. Et ce Dieu vit déjà en Alliance avec tout homme, essayant par tous les moyens possibles de le conduire sur ce qui sera, pour lui, le meilleur chemin… Heureux alors, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, « les hommes de bonne volonté » . Et plus heureux encore tous ceux et celles qui, par l’annonce de l’Evangile, peuvent prendre conscience de cette Présence de Dieu, Vivante et déjà agissante au cœur de leur existence… Ils ne pourront que mieux l’accueillir, mieux collaborer à Son Œuvre dans leur vie, et donc expérimenter avec plus d’intensité toutes les Grâces de Lumière et de Paix que ce Dieu, Amoureux de la vie, veut voir régner en nos cœurs…

3ième dimanche de l'avent (Luc 3,16 ; 12,49 avec Actes 2,1-4) et « Eau » (Jean 7,37-39). Il est « comme le feu du fondeur et comme la lessive des blanchisseurs. Il siègera comme fondeur et nettoyeur » (Malachie 3,2-3). Lui qui est venu purifier tous les hommes pour leur donner d’être pleinement des enfants de Dieu (Jean 1,11-13 ; Romains 8,14-17 ; Ephésiens 5,1-2 ; 5,8-11 ; Philippiens 2,12-16 ; 1Pierre 1,14-16 ; 2,1-3 ; 1Jean 3,1-3) comblés de sa Vie (Jean 10,10) et rayonnants de sa Lumière (Jean 8,12 puis 12,35‑36avec la note de la Bible de Jérusalem qui précise que Jésus « exhorte les Juifs à croire en Lui avant qu’il soit trop tard » ; Actes 26,17-18 ; Matthieu 5,14-16), « il purifiera » notamment « les fils de Lévi », ces serviteurs du Temple (Nombres 1,49-51 ; 3,6-8 ; Deutéronome 10,8-9), « et les affinera comme l’or et l’argent ». Et le minerai rempli d’impuretés de toutes sortes deviendra, dans la main du Seigneur (Jérémie 18,3-6 ; Isaïe 62,3), un métal resplendissant de beauté et brillant de mille feux… Et le culte du Seigneur sera enfin ce qu’il aurait dû toujours être. Les fils de Lévi purifiés « deviendront pour le Seigneur ceux qui présentent l’offrande selon la justice. Alors l’offrande de Juda et de Jérusalem sera agréée du Seigneur »… Et telle est bien l’œuvre de Dieu pour chacun d’entre nous. Par l’Esprit saint, il nous apprend à rejeter l’impiété de ce monde (Tite 2,11-14), il nous purifie de toutes nos fautes (1Jean 1,5-10 ; Ephésiens 5,25-27 ; Hébreux 1,1‑5 ; 9,13-14 ; 12,22-24) et nous permet de faire de toute notre vie un culte agréable à Dieu (Romains 12,1-2) en nous donnant de répondre à l’Amour par l’amour et le service de tous ceux et celles qui nous entourent…

 

 

La confrontation directe avec les autorités religieuses d’Israël (Luc 20,1-19)

 

Après avoir « chassé les vendeurs » du Temple, Jésus « enseignait donc le peuple et annonçait la Bonne Nouvelle »… Dans la Maison du Père, il était tout à sa mission première : faire connaître le Père (Jean 1,18), transmettre sa Parole (Jean 17,7-8), révéler sa Présence Vivante et agissante (Jean 14,8-11). Surviennent alors les plus hautes autorités du Temple, « les Grands Prêtres, les scribes et les anciens », qui lui demandent : « Dis-nous par quelle autorité tu fais cela, ou quel est celui qui t’a donné cette autorité ? » (Luc 20,1-2). L’affrontement est direct, et ils ont bien l’intention de lui faire comprendre qu’ici, dans le Temple de Jérusalem, ce sont eux qui commandent… Jésus aurait pu tout de suite leur répondre qu’il agit ainsi par l’autorité de son Père au sens où c’est Lui qui, avec son Fils et par son Fils, accomplit ses œuvres (Jean 14,10 ; 10,36‑38). Tout « pouvoir » ou toute « autorité » de Jésus lui vient en effet directement du Père, et Jésus ne désire qu’une seule chose : aimer le Père, c’est-à-dire garder sa Parole, faire toujours ce qui lui plaît, accomplir sa volonté, mener son œuvre à bonne fin (Jean 15,10 ; 14,31 ; 8,29 ; 4,34 ; 5,30 ; 6,37-40)… Il est, par amour, le Serviteur du Père (Matthieu 12,15-18 ; Actes 3,13.26 ; 4,27-31) et des hommes tant aimés par le Père (Matthieu 20,25-28 ; Luc 22,24-27 ; Jean 3,16‑17 ; 16,27). Si, comme ils le prétendent, ses interlocuteurs « n’avaient qu’un seul Père, Dieu » (Jean 8,41), ils devraient le reconnaître à l’œuvre avec Lui et par Lui. Mais recherchent-ils la vérité de tout cœur, avec une réelle bonne volonté ?

jésus synagogue

Pour le savoir, Jésus va leur poser une question sur Jean-Baptiste : « Dites-moi donc : le baptême de Jean était-il du Ciel ou des hommes ? » Mais ils refuseront de répondre à cette question, alors même que leur opinion est claire à ce sujet ! Leur calcul intérieur, retranscrit ici par St Luc, l’a manifesté : ils n’ont pas cru en Jean-Baptiste. Mais ils ne veulent pas le déclarer ouvertement par peur de la réaction du peuple qui « était persuadé que Jean était un prophète ».  S’ils ont refusé de croire en Jean-Baptiste, comment pourraient-ils croire aujourd’hui en Celui que Jean-Baptiste avait pour mission d’annoncer ? Et s’ils refusent de « faire la vérité » (Jean 3,19-21) en décidant de ne pas répondre à la question de Jésus, comment pourraient-ils accueillir Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie », Celui qui n’est venu dans le monde que pour « rendre témoignage à la vérité » par « l’Esprit de Vérité » (Jean 14,6 ; 18,37 ; 14,15-17 ; 15,26 ; 16,13‑15) ? Jésus ne peut donc rien leur dire car ils sont incapables, pour l’instant, d’accueillir son Mystère…

Et il ne se fait aucune illusion sur son sort… Par le passé, Dieu a envoyé quantité de prophètes à son peuple pour l’inviter à reconnaître en vérité ses erreurs et ses infidélités. Et à chaque fois, Dieu encourageait cette démarche humainement difficile par des promesses de pardon… amour du christ« Allons ! Discutons ! dit le Seigneur. Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront ».  Et le but recherché était toujours avant tout le bonheur du peuple lui-même… En acceptant de se détourner de ses idoles, ils ne pourraient que recevoir cette abondance de bénédictions et de bienfaits que Dieu ne cesse de leur envoyer. « Si vous voulez bien obéir, vous mangerez les produits du terroir », vous recevrez « la paix comme un fleuve, et comme un torrent débordant, la gloire des nations. Vous serez allaités, on vous portera sur la hanche, on vous caressera en vous tenant sur les genoux. Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai, à Jérusalem vous serez consolés, et votre cœur sera dans la joie » … « Mais si vous refusez et vous rebellez, c’est l’épée qui vous mangera », (Isaïe 1,18-20 ; 66,12‑14) cette épée que nous levons les uns contre les autres lorsque la haine nous aveugle, lorsque la soif de pouvoir et de domination l’emporte sur le service fraternel, lorsque la quête des biens matériels se fait aux dépens de la justice, lorsque la recherche de notre égoïsme nous empêche de penser au bien de ceux et celles qui nous entourent… Alors, le « pour soi » au mépris des autres prend le dessus, avec son cortège d’injustices, de duretés et de souffrances…

croix_tripleLes prophètes en firent la douloureuse expérience. Les uns furent « battus », les autres « couverts d’outrages », d’autres encore « blessés et jetés dehors » (Luc 19,10-12)… Et « l’épée mangera » le dernier envoyé, « le Fils Bien-aimé », lorsque « les Grands Prêtres, les scribes et les notables » décideront de le tuer. Et cette épée continuera son œuvre, « elle vous mangera », disait le prophète Isaïe, laissant ruines et désolation sur son passage. Et c’est bien ce qui arrivera en 70 après JC, lorsque Rome répondra à une tentative d’insurrection par la prise et la destruction de Jérusalem (cf. Luc 21,20). Quarante ans plus tôt, le Christ avait dit à ses disciples qui s’émerveillaient de la beauté du Temple : « De ce que vous contemplez, viendront des jours où il ne restera pas pierre sur pierre : tout sera jeté bas » (Luc 21,6). Et sur le chemin du calvaire, alors qu’il était en proie aux pires souffrances, il aura encore la force de compatir à celles qui attendaient les habitants de Jérusalem : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants !… Car si l’on traite ainsi le bois vert » – Jésus, le Fils, parfaitement uni à son Père dans la communion d’un même Esprit – « qu’adviendra-t-il du sec ? » – ceux qui en le refusant, ont refusé le Père et se sont coupés du même coup de l’Unique Source d’Eau Vive – (Luc 23,28-31). Mais « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle » (Psaume 118(117),22 ; Luc 20,17). Et puisqu’ils ont refusé le cadeau du salut, cette Bonne Nouvelle sera donnée « à d’autres », et notamment aux païens qui, eux, sauront lui faire porter son fruit (Matthieu 21,43)…

Notons que Jésus vient d’employer ici l’image de la vigne qui, dans l’Ancien Testament, renvoie souvent au peuple d’Israël (cf. Isaïe 5,1-7)[8]. Dieu avait planté « une vigne, sur un coteau fertile », toute de « raisin vermeil »… Il l’avait entourée de mille soins, « bêchée, épierrée »… Il en attendait de « beaux raisins » de droiture, de justice et de vérité, et « elle donna des raisins sauvages », « vénéneux, aux grappes amères »… « Leur vin est un venin de serpent, un violent poison de vipère » (Deutéronome 32,32-33). Pourquoi ? La Bible ne donne pas de réponse…

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Tel est le mystère du péché où l’homme créé « bon », « à l’image et ressemblance de Dieu », est néanmoins infidèle à Celui qui n’a jamais cessé de « prendre soin de lui », « le menant avec des attaches humaines, des liens d’amour ; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m’inclinais vers lui et le faisais manger » (Osée 11,1-4)… Dieu avait ainsi confié son Peuple, « sa vigne », aux vignerons qu’étaient notamment « les Grands Prêtres ». Et ces derniers auraient dû accomplir leur vocation en se mettant au service du seul et unique Vigneron, « le Père » (Jean 15,1-2)… Mais, ils lui ont été infidèles, une infidélité qui s’est aussitôt traduit dans l’exploitation du Peuple pour leur profit personnel (Ezéchiel 34,1-6). Aussi la vigne leur sera-t-elle enlevée et « donnée à d’autres » (Luc 20,16)… « Les scribes et les Grands Prêtres comprendront tout de suite que c’était pour eux que Jésus avait dit cette parabole », et plutôt que de se repentir, ils s’endurciront encore davantage, « cherchant à porter la main sur lui à cette heure même ». Mais comme précédemment pour Jean-Baptiste, ils seront à nouveau prisonniers de leur lâcheté et de leurs hypocrites calculs politiques et ils ne feront rien « par peur du Peuple » qui tenait Jésus en grande estime, « suspendu à ses lèvres »…

Le piège tendu par les autorités religieuses d’Israël (Luc 20,20-26)

Aussi, puisque l’attaque frontale vient de se solder par un échec, ils vont envoyer « des espions » pour « jouer les justes » et tenter ainsi de « prendre Jésus en défaut sur quelque parole, de manière à le livrer à l’autorité et au pouvoir du gouverneur » (Luc 20,20-26).

Leur arme sera la flatterie : « Maître, nous savons que tu parles et enseignes avec droiture et que tu ne tiens pas compte des personnes, mais que tu enseignes en toute vérité la voie de Dieu ». Nicodème, un notable, était également venu à la rencontre de Jésus, et il l’avait lui aussi honoré du titre de « maître », mais cette fois, c’était de tout cœur : « Rabbi, nous le savons, tu viens de la part de Dieu comme un Maître : personne ne peut faire les signes que tu fais, si Dieu n’est pas avec lui » (Jean 3,2)… Ainsi, des paroles quasiment identiques peuvent-elles donner la vie ou la mort selon l’intention du cœur qui les prononce…

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Le piège tendu à Jésus est le suivant : « Est-il permis ou non de payer le tribut à César ? » Si Jésus répond par l’affirmative, ils pourront le déconsidérer aux yeux du Peuple en le présentant comme un collaborateur des Romains. Et cela aurait d’autant plus d’impact que beaucoup pensaient que « c’était lui qui allait délivrer Israël » de leur emprise (Luc 24,21)… Si Jésus répond par la négative, alors ils auront un superbe motif d’accusation devant le gouverneur romain : Jésus prône la subversion et la révolte vis-à-vis de Rome ! Et c’est bien ce que de toute façon, ils diront à Pilate : « Nous avons trouvé cet homme mettant le trouble dans notre nation, empêchant de payer les impôts à César et se disant Christ Roi » (Luc 23,2) ; et « si tu le relâches, tu n’es pas ami de César : quiconque se fait roi, s’oppose à César » (Jean 19,12).  Le piège semble donc parfait… Mais Jésus connaît le cœur de l’homme (Jean 2,23-25). Il avait déjà perçu autrefois les murmures intérieurs des scribes et des Pharisiens lorsqu’il avait déclaré au paralytique : « Homme, tes péchés sont remis » (Luc 5,20‑22). Ici, Jésus « pénètre leur astuce », et il va les prendre lui-même à leur propre piège. En leur demandant un denier romain, demande aussitôt satisfaite, il démontre déjà à quel point ceux qui voudraient l’accuser de collaboration avec les romains sont les premiers à le faire en acceptant le système économique imposé par l’envahisseur… Ils en profitaient même pour s’enrichir, car, par un acte de soi-disant résistance, ils avaient imposé la monnaie tyrienne dans l’enceinte du Temple. Pour acheter un animal en vue d’un sacrifice, il fallait donc commencer par changer ses « deniers » romains au taux de change imposé, et c’étaient les Grands Prêtres, les notables et leurs familles qui contrôlaient tout ce trafic ! A nouveau une belle hypocrisie ! « Montrez-moi un denier », leur demande donc Jésus. « De qui porte-t-il l’effigie et l’inscription ? » Ils dirent : « De César. » Alors il leur dit : « Eh bien ! Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Manifestement, cette pièce frappée « à l’image et ressemblance de César » appartient à César… Or l’homme, de son côté, a été créé « à l’image et ressemblance de Dieu » (Genèse 1,26-27). Qu’ils reviennent donc à Celui à qui ils appartiennent, leur Créateur et Père qui ne désire que leur Bonheur et leur Vie ! Qu’ils cessent de mettre l’argent à la première place, qu’ils purifient leur cœur de toute « cupidité » (Marc 7,21‑22 ; Luc 12,15), « rapine » (Luc 11,39), « convoitise » (Marc 4,19)… Et qu’ils rendent « à Dieu ce qui est à Dieu », c’est-à-dire leur propre personne ! Qu’ils se tournent vers Lui de tout cœur, sans faux-semblants (Luc 20,45-47). Alors le Temple de Jérusalem cessera d’être « un repaire de brigands » qui « dévorent le bien des veuves » (Luc 20,47) pour devenir ce qu’il aurait dû être depuis toujours, « une maison de prière pour tous les peuples » …

La question de la Résurrection des morts (Luc 20,27-40)

Contrairement aux Pharisiens, les Sadducéens, le parti des Grands Prêtres et de l’aristocratie, ne croyaient pas en la Résurrection des morts qu’ils comprenaient comme un retour à la vie, cette vie dans la chair que nous connaissons bien avec ses lois et ses exigences… Dans un tel contexte, bien malin serait celui qui pourrait dire, au jour de la Résurrection, « qui » serait le mari de cette femme qui, sur la terre, avait épousé successivement sept frères (Luc 20,27-33), conformément à la possibilité offerte par « la loi du lévirat » … Une veuve sans enfant pouvait en effet épouser un frère de son mari défunt pour lui donner malgré tout une descendance. Et le premier né qui naîtrait de cette union porterait le nom du frère défunt (Deutéronome 25,5‑10). Si une femme a donc épousé l’un après l’autre sept frères, « à la résurrection, de qui sera-t-elle donc l’épouse puisque les sept l’ont eu pour femme » (Luc 20,33) ? Le problème semble à première vue insoluble…

 résurrection de lazarreMais la Résurrection n’est pas un simple retour à la vie, comme ce fut le cas pour Lazare (Jean 11), la jeune fille de Jaïre (Luc 8,40-56), le fils de la veuve de Naïn (Luc 7,11‑17), la généreuse Tabitha (Actes 9,36-43), ou encore Eutyque, cet adolescent tombé du rebord d’une fenêtre du troisième étage sur lequel il s’était assis puis endormi en écoutant St Paul (Actes 20,7‑12)… Non, à la Résurrection, s’il s’agit toujours de la même personne, sa condition a radicalement changé… Le Christ en est le plus bel exemple. Sa chair est en effet semblable à celle qui était la sienne sur cette terre : le Ressuscité mangera du poisson sous les yeux de ses disciples et ces derniers pourront le toucher (Luc 24,36-43 ; Jean 20,24-29). Néanmoins, cette chair est « autre » au sens où elle est maintenant totalement assumée par l’Esprit et donc immortelle (1Corinthiens 15,42‑44)… Cette différence est suggérée dans les récits de Résurrection où Marie-Madeleine, Pierre et les disciples, qui ont pourtant bien connu le Christ sur cette terre, ne le reconnaissent pas tout de suite lorsqu’il se manifeste à eux (Jean 20,11-18 ; 21,1-14 ; Luc 24,13‑35). Les relations humaines, elles aussi, seront semblables (Luc 9,26-31) mais différentes… Ici-bas, Dieu continue son œuvre de création avec la collaboration des parents, et de nouvelles personnes humaines naissent chaque jour à l’existence. Mais lors de la Résurrection, il n’en sera plus ainsi… On ne prendra plus « ni femme ni mari », on sera « pareils aux Anges, fils de la Résurrection, fils de Dieu » (Luc 20,35-36), « semblables à Dieu car nous le verrons tel qu’il est » (1Jean 3,2). Nous participerons tous alors, selon notre condition de créature, à sa « nature divine » (2Pierre 1,4), c’est-à-dire à sa Vie, et donc à sa Lumière, à sa Beauté, à sa Gloire et à son éternité (Sagesse 2,23 ; 3,1-9)… Et c’est « par sa Lumière que nous verrons la Lumière » (Psaume 36(35),10)… Dieu nous a tous en effet « prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ». « Car si c’est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable » (Romains 8,28‑29 ; 6,5). Or cette « mort semblable à la sienne » est, pour St Paul, celle vécue lors de notre baptême, une mort au péché à renouveler chaque jour grâce à la fidélité de Dieu (2Timothée 2,13) et à la force de son Esprit Saint (Romains 8,13). « Et si la joiel’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Romains 8,11). Telle sera « la résurrection semblable à la sienne »… « Pour l’instant, nous voyons dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu » (1Corinthiens 13,12)…

Jésus donnera enfin un argument tout simple en faveur de la résurrection à partir d’une manière très fréquente de nommer Dieu dans les Ecritures : il est Celui qui s’est présenté à Moïse comme étant « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob » (Exode 3,6 ; 3,15-16 ; 4,5 ; 1Rois 18,36 ; 1Chroniques 29,18 ; 2Chroniques 30,6 ; Actes 3,13 ; 7,32). Or Abraham a précédé Moïse de plus de six siècles… Et comme Dieu n’est pas « un Dieu de morts, mais de vivants » (Luc 20,38), il s’ensuit qu’Abraham, Isaac et Jacob ne peuvent, comme Moïse et Elie apparus en gloire lors de la Transfiguration de Jésus (Luc 9,30), qu’être vivants à la Gloire de Celui qui, de toute éternité, est « le Vivant » par excellence[9]… Jésus, dans une de ses paraboles, avait d’ailleurs évoqué ce pauvre Lazare qui mourut de faim devant la porte d’un riche et se retrouva « dans le sein d’Abraham », une expression qui traduit « l’intimité et la proximité avec Abraham dans le banquet messianique » (note de la Bible de Jérusalem ; Luc 16,22). Le riche, replié sur ses richesses, fermé aux autres et donc à Dieu, s’était retrouvé après sa mort « en proie à des tortures »… La vie ne s’arrête donc pas avec la mort… Bien plus, la qualité de ce que nous vivrons par-delà notre mort dépend de nos choix d’ici-bas…

Si les Sadducéens ne croyaient pas en la résurrection des morts, les Pharisiens eux y croyaient. C’est pourquoi « quelques scribes » déclarèrent à Jésus : « Maître, tu as bien parlé » (Luc 20,39). Nous retrouvons ainsi indirectement le fait qu’à l’époque de Jésus, les scribes étaient pour la plupart des Pharisiens…

Le Christ, fils et Seigneur de David (Luc 20,41-44)

Christ-Roi_theme_imageL’épisode suivant, « le Messie, fils et Seigneur de David » (Luc 20,41-44) est pour nous bien mystérieux, d’autant plus qu’une question est posée sans y donner de réponse ! Et Jésus raisonne ici à la manière de son temps, en considérant comme acquis le fait que la moitié du Livre des Psaumes aurait été écrite par le Roi David. C’est du moins ce que l’on croyait à son époque… Alors, si David parle dans ce Psaume 110(109) du Messie, si ce Messie est lui-même son fils, pourquoi l’appelle-t-il « mon Seigneur » ?  Certes, un homme peut dire « mon Seigneur » à son roi pour lui témoigner son respect, comme David le fit autrefois pour Saül (1Samuel 24,11), ou Daniel et Holopherne pour Nabuchodonosor, Roi de Babylone (Daniel 4,21 ; Judith 11,4). Mais dans ce cas, c’est toujours le fils qui devrait s’adresser ainsi à son père, et non l’inverse…

Enfin, l’appellation « mon Seigneur » intervient très souvent dans l’Ancien Testament lorsque quelqu’un s’adresse à Dieu, « son Seigneur » (Abraham en Genèse 15,2.8 ; 18,27.30.31.32 ; Abimélek en 20,4 ; Moïse en Exode 4,10.13…). Mais pour les interlocuteurs de Jésus, il était inconcevable d’imaginer un seul instant que cet homme qu’ils avaient sous les yeux puisse partager la condition divine. Seule la Lumière de la Résurrection permettra aux disciples de comprendre que ce Jésus qu’ils croyaient si bien connaître était tout en même temps vrai homme et vrai Dieu. Le titre de « Seigneur », si souvent donné à Dieu dans l’Ancien Testament, leur servira alors à confesser la divinité et donc l’incomparable dignité du « Christ Seigneur »… « Mon Seigneur et mon Dieu » lui dira Thomas (Jean 20,28)… Et St Luc reprendra ce Psaume 110(109) dans le discours de Pierre à la foule, juste après la Pentecôte : « Dieu l’a ressuscité, ce Jésus ; nous en sommes tous témoins. Et maintenant, exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint, objet de la promesse, et l’a répandu. C’est là ce que vous voyez et entendez. Car David, lui, n’est pas monté aux cieux ; or il dit lui-même : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite, jusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis un escabeau pour tes pieds ». Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié » (Actes 2,32-36). Ainsi, en ressuscitant son Fils, « Dieu l’a exalté ; il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2,9-11). Mais encore une fois, la question que lance Jésus en Luc 20,41-44 ne peut pour l’instant que conduire ses interlocuteurs à se poser la question : « Qui donc sera le Christ ? », et peut-être pour certains : « Qui donc est ce Jésus ? ». Mais seule sa Résurrection et le don de l’Esprit Saint (1Corinthiens 12,3) pourront amener les disciples à confesser que vraiment « Jésus est Seigneur », à la gloire de Dieu le Père »…

L’évocation des derniers temps, l’appel à la vigilance et à la prière (Luc 21,5-38)

Jésus va ensuite terminer son enseignement par une large évocation des « derniers temps », c’est-à-dire ce temps qui s’étendra de sa Résurrection à la fin du monde… L’humanité y est entrée depuis plus de deux mille ans, et nul ne sait quand viendra la fin (Matthieu 24,36 ; Actes 1,7)…

Ils seront marqués par la venue de toutes sortes d’imposteurs qui prétendront être le Christ ! « Il en viendra beaucoup sous mon nom, qui diront : “ C’est moi ! ” et “ Le temps est tout proche ”. N’allez pas à leur suite » (Luc 21,8). « Alors si quelqu’un vous dit : “ Voici : le Christ est ici ! ”, “ Voici : il est là ! ”, n’en croyez rien. Il surgira, en effet, des faux Christs et des faux prophètes qui opéreront des signes et des prodiges pour abuser, s’il était possible, les élus. Pour vous, soyez en garde : je vous ai prévenus de tout » (Marc 13,21-23 ; cf. Actes 13,6-12). Et cette parole s’accomplira dès le tout début de l’Eglise puisque St Paul parlera « des faux apôtres, ces ouvriers trompeurs qui se déguisent en apôtres du Christ » ; ce sont en fait des « faux frères », des « menteurs hypocrites » (2Corinthiens 11,13.26 ; Galates 2,4-5 ; 1Timothée 4,1-7). St Pierre évoquera de son côté des « faux prophètes » qui ont jeté le trouble dans la communauté chrétienne, et il ajoute : « Il y aura aussi parmi vous des faux docteurs, qui introduiront des sectes pernicieuses et qui, reniant le Maître qui les a rachetés, attireront sur eux‑mêmes une prompte perdition. Beaucoup suivront leurs débauches, et la voie de la vérité sera blasphémée, à cause d’eux.  Par cupidité, au moyen de paroles trompeuses, ils trafiqueront de vous » (2Pierre 2,1-3) comme le faisaient déjà, à l’époque de Jésus, « les Grands Prêtres, les notables et leurs familles »… Aussi, « mes bien-aimés », écrit St Jean, « ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les pour voir s’ils viennent de Dieu, car beaucoup de faux prophètes sont venus dans le monde. À ceci reconnaissez l’esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu ;  et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu; c’est là l’esprit de l’Antichrist. Vous avez entendu dire qu’il allait venir ; eh bien ! maintenant, il est déjà dans le monde ».

Mais St Jean, face à ce tableau qui peut nous apparaître bien sombre et désespérant, nous invite à la confiance car le Christ habite son Eglise. « Il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » et il ne permettra pas que les ténèbres l’emportent sur elle (Matthieu 28,20 ; 16,18). De plus, il a envoyé l’Esprit Saint, l’Esprit de Vérité, « pour qu’il soit avec vous à jamais ». C’est Lui qui introduira son Eglise dans la vérité tout entière et qui l’aidera à garder le bon dépôt de la foi (Jean 14,15-17 ; 16,13 ; 2Timothée 1,14). De plus, c’est toujours Lui qui main de dieul’aidera à faire la Vérité et à discerner entre ce qui vient de Dieu et ce qui est le fruit du « père des mensonges », le diable (1Thessaloniciens 5,19-22 ; Jean 8,44 ; Matthieu 7,15-16). Cet Esprit Saint ne lui manquera jamais. Qu’ils ne craignent donc pas : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi »… « Je ne vous laisserai pas orphelins »… « Je viendrai vers vous », je serai avec vous par l’Esprit Saint, et « sur moi, le Prince de ce monde n’a aucun pouvoir » (Jean 14,1.18.30).  « Vous donc, petits enfants, vous êtes de Dieu » et tous ces faux prophètes, « vous les avez vaincus. Car Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde » (1Jean 4,1-4)…

Dans les « derniers temps » surviendront aussi toutes sortes de « guerres et de désordres, de grands tremblements de terre, des pestes et des famines » (Luc 21,11)… Et nous le constatons bien chaque jour… D’où l’importance des « artisans de paix » (Matthieu 5,9), à tous les niveaux de la société, des gestes de solidarité entre les peuples, et de la recherche scientifique qui permettra de prévoir toujours mieux les catastrophes naturelles …

Les « derniers temps » verront aussi de grandes persécutions contre tous ceux et celles qui invoqueront « le Nom » de Jésus… « Vous serez livrés même par vos père et mère, vos frères, vos proches et vos amis »… Mais dans ces situations de souffrance, la grâce offerte par le Seigneur n’en sera que plus forte, et, paradoxalement, ils ne pourront que constater à quel point « ceux qui sont persécutés pour la justice sont heureux », car « le Royaume des Cieux est à eux » (Matthieu 5,10)… Jésus emploie ici le verbe « être » au présent, car dans cette épreuve survenue à cause de leur foi, ils recevront en abondance, par cette même foi et dans la foi, les grâces du Royaume. « Or le Royaume des cieux est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14,17). Ils souffriront, mais ils connaîtront aussi la joie incomparable de l’Esprit (cf. 2Corinthiens 1,3-7 avec les notes de la Bible de Jérusalem)… C’est ainsi « après avoir été battus de verges »  parce qu’ils « parlaient au Nom de Jésus », les Apôtres repartirent « tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom » (Actes 5,40-42).

Et « lorsqu’on vous livrera » « devant des rois et des gouverneurs à cause du Nom de Jésus », « ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre lumièrePère qui parlera en vous » (Matthieu 10,19-20 ; Luc 21,12), ce même Esprit de Vie et de Joie qui constitue les arrhes du Royaume (Ephésiens 1,13-14). C’est donc toujours Lui qui remplira de force les Apôtres (2Timothée 1,7-8), leur donnera les mots de leur témoignage (1Corinthiens 2,13; Jean 15,26-27) de telle sorte que c’est le Père Lui-même qui parlera en eux…

Après l’évocation des « guerres, désordres, grands tremblements de terre, pestes, famines, phénomènes terribles, persécutions, dévastation de Jérusalem », le Christ conclue par ce qui semble être « la fin du monde », avec « des signes dans le soleil, la lune et les étoiles », « le  fracas de la mer et des flots », ce jour où « les puissances des cieux seront ébranlées ». « L’ordre cosmique vacillera, comme pour un retour au chaos originel marquant la fin de l’Histoire »[10]… Alors, « le Fils de l’Homme apparaîtra, venant dans une nuée avec grande Gloire »… Son unique préoccupation sera alors que nous puissions nous « redresser », « relever la tête » dans la confiance, sans être accablés par le poids de nos misères, et de nous « tenir debout devant lui ». Nous le pourrons si nous sommes sûrs de son Amour et du seul désir qui l’habite : notre Bonheur, notre Plénitude et notre Joie… Nous oserons alors nous abandonner en toute confiance entre les mains de l’Amour (1Jean 4,14-19) qui de son côté trouvera toute sa joie à notre « délivrance », notre « rédemption » (Luc 21,28), en un mot, notre salut… Et déjà, en ce moment, il intercède pour nous auprès du Père pour qu’il en soit bien ainsi (Romains 8,34 ; 1Jean 2,1-2)…

tiens-ma-lampe-allumeeD’ici là, les croyants sont invités à « veiller », à garder allumée la lampe de leur foi, à ne pas éteindre l’Esprit Saint qui les habite (1Thessaloniciens 5,19) en tombant dans « la débauche, l’ivrognerie » ou en se laissant accaparer par « les soucis de la vie » (Luc 21,34 ; 8,14). Qu’ils guettent « les signes des temps » qui manifestent que « le Royaume de Dieu est proche », car au-delà de toute préoccupation vis-à-vis du dernier Jour du monde, Dieu est déjà là, présent, invisible mais agissant par son Esprit au cœur de nos vies. Tel est le Trésor auquel nous sommes sans cesse invités à revenir, une Présence qui nous cherche, nous accompagne, nous entoure de sa Tendresse, nous guide dans le quotidien le plus simple de nos existences… « Veillez donc et priez en tout temps » (Luc 21,36), « dans l’Esprit. Apportez-y une vigilance inlassable » (Ephésiens 6,18). « Alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ Jésus » (Philippiens 4,7)…

D. Jacques Fournier

 

 

Fiche n20 – Lc 1928-2138 : en cliquant sur le titre précédent, vous accédez au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.

 

[1] GERARD A.-M., « Dictionnaire de la Bible » (Ed. Robert Laffont ; Paris 1989) p. 163.

[2] « Christ » vient du grec « Khristos », « Messie » de l’hébreu « masîha », et dans les deux langues « Khriô » aussi bien que « masah » signifient « oindre ».

[3] Xavier LEON-DUFOUR écrit ainsi dans le Vocabulaire de Théologie Biblique (Ed. du Cerf ; Paris 1995 ; « Paix », col. 879) : « Le mot hébreu salôm dérive d’une racine qui, selon ses emplois, désigne le fait d’être intact, complet (Job 9,4)… Aussi la paix biblique n’est-elle pas seulement le « pacte » qui permet une vie tranquille, ni « le temps de la paix » par opposition au « temps de la guerre » (Quohélet 3,8 ; Apocalypse 6,4) ; elle désigne le bien-être de l’existence quotidienne, l’état de l’homme qui vit en harmonie avec la nature, avec lui-même, avec Dieu ; concrètement, elle est bénédiction, repos, gloire, richesse, salut, vie »… « Loin donc d’être seulement une absence de guerre, la paix est plénitude du bonheur »…

[4] Sens premier du verbe grec « kateuthunô » employé par St Luc en 1,79 : « redresser, mettre droit » et donc « diriger, conduire ».

[5] La traduction grecque de la Septante a : « Près du Seigneur est la Miséricorde »…

[6] La traduction grecque de la Septante a de nouveau : « Le Seigneur se montrera généreux à mon égard ; Seigneur, ta miséricorde est pour toujours »…

[7] Dans les Evangiles de Marc, Matthieu et Luc, C’est la seule et unique fois où Jésus pleure

[8] Et la note de la Bible de Jérusalem précise : « Le thème de la vigne Israël, choisie puis rejetée, déjà amorcé par Osée 10,1, sera repris par Jérémie (2,21 ; 5,10 ; 6,9 ; 12,10) et par Ezéchiel (15,1-8 ; 17,3-10 ; 19,10-14). Voir aussi le Psaume 80(79),9-19 et Isaïe 27, 2-5. Jésus le transposera dans la parabole des vignerons homicides (Matthieu 21,33-44 et parallèles). Et en Jean 15,1-2, il révélera le mystère de la “ vraie ” vigne »…

[9] L’expression « Dieu vivant » intervient 33 fois dans la Bible : Dt 4,33 ; 5,26 ; Jos 3,10 ; 1s 17,26.36 ; 2r 19,4.16 ; Is 37,4.17 ; Jr 10,10 ; 23,36 ; Os 2,1 ; Ps 42,3.9 ; Ps 84,3 ; Jb 27,2 ; Est 8,12 ; Dn 6,21.27 ; Mt 16,16 ; 26,63 ; Ac 14,15 ; Rm 9,26 ; 2co 3,3 ; 6,16 ; 1th 1,9 ; 1tm 3,15 ; 4,10 ; Hb 3,12 ; 9,14 ; 10,31 ; 12,22 ; Ap 7,2.

[10] COUSIN Hugues, « LES EVANGILES, textes et commentaires » (Bayard Compact, 2001) p. 800.




Les deux disciples d’Emmaüs (Lc 24,12-35)

Après les évènements de la Passion, de la mort de Jésus et de sa mise au tombeau, Cléophas et un autre disciple quittent Jérusalem déçus, tristes et découragés… Mais le Christ Ressuscité les rejoint dans leur marche et, petit à petit, se révèle à eux…

Pour des raisons pratiques d’affichage, nous vous invitons à cliquer sur le titre ci-après. Il vous donnera accès à cet article sous format PDF. Bonne lecture à vous…

Luc 24,12-35




Toussaint (Matth 5, 1-12) – Francis COUSIN)

« Appelés à la Sainteté. »

 

La fête de la Toussaint que nous célébrons ce jour est l’occasion de penser à tous ceux qui sont auprès de Dieu dans le Paradis, et ils sont nombreux : il y a ceux qui sont connus et reconnus comme saints par les hommes … et il y a tous ceux qui ont été reconnus par Dieu comme saintes ou saints, mais que nous ne connaissons pas …

Mais si on peut se réjouir de la sainteté de ceux qui sont déjà auprès de Dieu, c’est aussi pour nous tous un appel à prendre le même chemin, celui de la sainteté … non pas en essayant d’imiter tel saint ou telle sainte, car « il ne s’agit pas d’appliquer des recettes ni de répéter le passé, puisque les mêmes solutions ne sont pas valables en toutes circonstances, et ce qui sera utile dans un certain contexte peut ne pas l’être dans un autre. » (Pape François, GE n° 173), mais en vivant l’évangile que Jésus nous a enseigné, lui qui est « le chemin, la vérité et la vie. » (Jn 14,6).

Et tous les textes de ce jour nous invitent à regarder vers l’avenir, vers après la mort, tout en nous donnant des conseils pour arriver au bout du « chemin », pour « gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint. » (Psaume).

La première lecture nous offre la vision de ce monde futur : « une foule immense, (…) de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. (…) Et ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! ». Et la robe blanche, le vêtement de noce leur a été donné « par le sang de l’Agneau », par le don de Jésus s’offrant en sacrifice pour nous sur la croix.

Qui peut être auprès de Dieu, « sur la montagne du Seigneur » ? l’humain « au cœur pur, aux mains innocentes » : avoir la pureté dans son cœur, et dans ses actes, et ainsi être béni de Dieu, être reconnu comme juste par Dieu.

La deuxième lecture nous dit que nous sommes dès à présent « enfants de Dieu » par notre adhésion à sa personne, mais que plus tard, à la parousie de Jésus, « quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. ». Ayons en nous cette espérance de la rencontre avec Jésus.

Le passage de l’évangile, qui est bien connu et que nous appelons les Béatitudes, commence ce qu’on appelle le sermon sur la montagne. C’est un chemin de vie, de manière de vivre, mais qui est loin des dix paroles données par Dieu à Moïse sur la montagne du Sinaï : c’était alors des commandements qu’il fallait respecter, alors que les béatitudes sont des indications pour une vie nouvelle, qui nous semblent parfois impossible à vivre, et dont les bienfaits nous semblent bien lointains pour nous-mêmes, dans la vie éternelle ; Mais c’est oublier tous les bienfaits que cela peut procurer à notre entourage, proche ou lointain, dans ce monde même. Il est donc important que nous essayons, chacun à notre manière, de les vivre du mieux que nous pouvons, avec l’aide de l’Esprit Saint. « Les béatitudes ne sont nullement quelque chose de léger ou de superficiel, bien au contraire ; car nous ne pouvons les vivre que si l’Esprit Saint nous envahit avec toute sa puissance et nous libère de la faiblesse de l’égoïsme, du confort, de l’orgueil. » (Pape François, GE n° 65).

Ce dimanche pourrait être l’occasion de nous inciter à relire le troisième chapitre de l’exhortation apostolique ’’Gaudete et Exsultate’’ du pape François, notamment les numéros 67 à 94. Vivre selon l’esprit des Béatitudes est quelque chose de difficile, d’ardu, est qui est tout à l’opposé de ce que le monde dans lequel nous vivons nous incite à faire.

Dieu veut nous rendre heureux, il veut notre bonheur. Pas seulement maintenant, mais surtout pour la vie éternelle, que nous soyons auprès de lui, pour le louer, avec tous les saints qui sont déjà près de lui.

Il est sûr que c’est un bonheur parfois à l’opposé du bonheur immédiat que nous propose, voire parfois veut nous imposer la société dans laquelle nous vivons.

C’est un choix à faire …

Seigneur Jésus,

Les béatitudes que tu nous as proposées

comme chemin d’accès à la vie éternelle

sont très exigeantes

et nous semblent impossibles

 à réaliser par nous-mêmes,

sauf à se laisser aller

à l’action de l’Esprit Saint.

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Image dim Toussaint A




Solennité de la Toussaint par le Diacre Jacques FOURNIER

Heureux ceux qui croient à l’Amour
(Mt 5,1-12)…

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

 

        

            Autrefois, dans le cadre de l’Alliance conclue avec son Peuple, Dieu donna sa Loi à Moïse sur une montagne (Ex 19-20). Ici, Jésus « gravit la montagne » et donne aux « grandes foules qui le suivirent, venues de la Galilée (Juifs), de la Décapole (païens), de Jérusalem (Juifs), de la Judée (Juifs), et de la Transjordanie (païens) » (Mt 4,25), la Loi Nouvelle de « l’Alliance nouvelle » (Lc 22,20 ; 1Co 11,25 ; 2Co 3,6) et éternelle, une Alliance qui existe de fait depuis la création du monde  entre Dieu et tous les hommes (Gn 9,8-17). Avec Jésus et par Lui (Hb 9,15 ; 12,24), ce Mystère est dorénavant pleinement révélé (Rm 16,25-27)…

            Cette Loi nouvelle est un appel au bonheur ! Dieu a créé l’homme pour qu’il soit heureux (Gn 2,8). Il veut son bonheur (Dt 4,40 ; 5,16.29.33 ; 6,3…), il ne cesse de le désirer, d’y travailler… Pourquoi ? Car « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), et l’Amour « ne cesse de nous suivre pour nous faire du bien » (Jr 32,40). Et comment s’y prend-t-il ? Jésus, le Fils éternel, en est le parfait exemple : « Le Père aime le Fils et il a tout donné, il donne tout, en sa main » (Jn 3,35). Gratuitement, par Pur Amour, le Père ne cesse de se donner tout entier à son Fils pour le combler de tout ce qu’Il Est en Lui-même, lui donnant ainsi, de toute éternité, « avant tous les siècles », d’avoir part à sa vie (Jn 5,26) en « Unique-Engendré » (Jn 1,14.18 ; 3,16.18), « non pas créé », « Lumière » (Jn 1,9 ; 3,19 ; 8,12 ; 9,5 ; 12,46) « née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ».

            Voilà le Mystère que le Fils est venu nous révéler : il se reçoit tout entier de l’Amour du Père, dans un acte éternel, totalement pur et gratuit, que le Père pose à son égard, dans la seule recherche du Bien de son Fils… Le Fils n’est donc rien par lui-même, et cela jusques dans les Paroles (Jn 8,26-29 ; 12,49-50 ; 17,8) et les Actions qu’il pose pour révéler ce Mystère du Père : « Je ne peux rien faire de moi-même » (Jn 5,19-20.30 ; 7,28 ; 8,28.42).

            Jésus est ainsi le parfait « pauvre de cœur » et il nous invite tous à la même attitude : accepter de reconnaître notre misère, l’offrir à l’Amour infini, et nous tourner de tout cœur vers Lui pour recevoir, avec le Fils et comme le Fils, ce que le Fils reçoit Lui-même du Père de toute éternité. Et que reçoit-il ? La Plénitude de l’Esprit, donnée gratuitement, par Amour, une Plénitude qui l’engendre en Fils « doux et humble de cœur » (Mt 11,29), comblé par « la joie de l’Esprit » (Lc 10,21 ; Jn 15,11 ; Ga 5,22 ; 1Th 1,6). « Le fruit de l’Esprit est douceur » (Ga 5,23) ? « Heureux les doux » ! « Le fruit de l’Esprit est Amour Miséricordieux » (Ga 5,22) ? « Heureux les miséricordieux » ! « Le fruit de l’Esprit est Paix » (Ga 5,22) ? « Heureux les artisans de paix » ! L’Esprit lave et purifie les cœurs blessés par le péché (Ez 36,24-28 ; 1Co 6,11) ? « Heureux les cœurs purs » ! Oui, vraiment, « heureux ceux qui croient » (Jn 20,29) que « Dieu est Amour », Pur Amour, car ils seront comblés pour l’éternité par le Don de l’Amour ! Là est la source du seul vrai Bonheur…

      DJF




Audience Générale du Mercredi 21 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 21 Octobre 2020


Catéchèse – 11. La prière des Psaumes. 2

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, nous devrons changer un peu la manière d’organiser cette audience en raison du coronavirus. Vous êtes séparés, également avec la protection du masque, et je suis un peu éloigné et je ne peux pas faire ce que je fais toujours, m’approcher de vous, car il arrive que chaque fois que je m’approche, vous venez tous ensemble et on perd la distance, le danger de la contagion existe alors pour vous. Je suis désolé de faire cela, mais c’est pour votre sécurité. Au lieu de venir près de vous et de serrer les mains et saluer, nous nous saluerons de loin, mais sachez que je suis proche de vous avec le cœur. J’espère que vous comprenez pourquoi je fais cela. Ensuite, alors que les lecteurs lisaient le passage biblique, mon attention a été attirée par ce petit garçon ou cette petite fille qui pleurait.

Et je voyais sa mère qui caressait et allaitait l’enfant et j’ai pensé: «Dieu fait ainsi avec nous, comme cette mère». Avec combien de tendresse elle cherchait à déplacer l’enfant, à allaiter. Ce sont de très belles images. Et quand cela arrive à l’église, quand un enfant pleure, on sait que là, il y a la tendresse d’une mère, comme aujourd’hui, il y a la tendresse d’une mère qui est le symbole de la tendresse de Dieu avec nous. Il ne faut jamais faire taire un enfant qui pleure à l’église, jamais, car c’est la voix qui attire la tendresse de Dieu. Merci pour ton témoignage.

 

 

Nous complétons aujourd’hui la catéchèse sur la prière des Psaumes. Nous remarquons tout d’abord que dans les Psaumes apparaît souvent une figure négative, celle de l’“impie”, c’est-à-dire celui ou celle qui vit comme si Dieu n’existait pas. C’est la personne sans aucune référence au transcendant, sans aucun frein à son arrogance, qui ne craint pas les jugements sur ce qu’elle pense et ce qu’elle fait.

C’est pour cette raison que le Psautier présente la prière comme la réalité fondamentale de la vie. La référence à l’absolu et au transcendant – que les maîtres d’ascétique appellent la “sainte crainte de Dieu” – est ce qui nous rend pleinement humains, c’est la limite qui nous sauve de nous-mêmes, en empêchant que nous nous jetions sur cette vie de manière prédatrice et vorace. La prière est le salut de l’être humain.

Assurément, il existe également une prière fausse, une prière faite seulement pour être admirée par les autres. Celle de celui ou de ceux qui vont à la Messe uniquement pour faire voir qu’ils sont catholiques ou pour faire voir le dernier modèle qu’ils ont acheté, ou pour faire bonne figure socialement. Ils récitent une fausse prière. Jésus a admonesté avec force à cet égard (cf.  Mt 6, 5-6; Lc 9, 14). Mais quand le vrai esprit de la prière est accueilli avec sincérité et descend dans le cœur, alors celle-ci nous fait contempler la réalité avec les yeux mêmes  de Dieu.

Quand on prie, chaque chose acquiert de l’“épaisseur”. Cela est curieux dans la prière, nous commençons peut-être par une chose imperceptible, mais dans la prière cette chose acquiert de l’épaisseur, acquiert du poids, comme si Dieu la prenait par la main et la transformait. Le pire service que l’on puisse rendre à Dieu et également à l’homme, est de prier avec lassitude, de manière routinière. Prier comme des perroquets. Non, on prie avec le cœur. La prière est le centre de la vie. S’il y a la prière, notre frère, notre sœur, également notre ennemi,  deviennent eux aussi importants. Un antique dicton des premiers moines chrétiens dit ainsi: «Bienheureux le moine qui, après Dieu, considère tous les hommes comme Dieu» (Evagrio Pontico, Traité sur la prière, n. 123). Celui qui adore Dieu aime ses enfants. Celui qui respecte Dieu, respecte les êtres humains.

C’est pourquoi la prière n’est pas un calmant pour atténuer l’anxiété de la vie; de toutes façons, une prière de ce genre n’est sûrement pas chrétienne. La prière responsabilise plutôt chacun de nous. Nous le voyons clairement dans le «Notre Père», que Jésus a enseigné à ses disciples.

Pour apprendre cette manière de prier, le Psautier est une grande école. Nous avons vu que les Psaumes n’utilisent pas toujours des paroles raffinées et gentilles, et ils portent souvent imprimées les cicatrices de l’existence. Pourtant, toutes ces prières ont été utilisées auparavant dans le Temple de Jérusalem et ensuite dans les synagogues; même celles plus intimes et personnelles. Le Catéchisme de l’Eglise catholique s’exprime ainsi: «Les expressions multiformes de la prière des Psaumes prennent forme à la fois dans la liturgie du temple et dans le cœur de l’homme» (n. 2588). Et ainsi, la prière personnelle puise et se nourrit tout d’abord à celle du peuple d’Israël, et ensuite à  celle du peuple de l’Eglise.

Même les psaumes à la première personne du singulier, qui confient les pensées et les problèmes les plus intimes d’un individu, sont un patrimoine collectif, jusqu’à être priés par tous et pour tous. La prière des chrétiens a ce «souffle», cette «tension» spirituelle qui garde ensemble le temple et le monde. La prière peut commencer dans la pénombre d’une nef, mais ensuite elle termine sa course dans les rues de la ville. Et vice versa, elle peut germer pendant les occupations quotidiennes et arriver à son accomplissement dans la liturgie. Les portes des églises ne sont pas des barrières, mais des «membranes» perméables, disponibles à recueillir le cri de tous.

Dans la prière du Psautier, le monde est toujours présent. Les psaumes, par exemple, donnent voix à la promesse divine de salut des plus faibles: «A cause du malheureux qu’on dépouille, du pauvre qui gémit, maintenant je me lève, déclare Yahvé, j’assurerai le salut à ceux qui en ont soif» (12, 6). Ou bien, ils avertissent du danger des richesses mondaines, car «l’homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail qu’on abat» (48, 21). Ou bien encore, ils ouvrent l’horizon au regard de Dieu sur l’histoire: «Yahvé déjoue les plans des nations, il empêche les pensées des peuples; mais le plan de Yahvé subsiste à jamais, les pensées de son cœur, d’âge en âge» (33, 10-11).

En somme, là où Dieu est présent, l’homme doit aussi être présent. L’Ecriture Sainte est catégorique: «Quant à nous, aimons, puisque Lui nous a aimés le premier. Mais Lui va toujours avant nous. Il nous attend toujours, parce qu’Il nous aime le premier, Il nous regarde le premier, Il nous comprend le premier. Il nous attend toujours. Si quelqu’un dit: ‘J’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur: celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Si tu pries de nombreux chapelets chaque jour, mais qu’ensuite tu fais des commérages sur les autres et que tu as de la rancœur en toi, tu as de la haine contre les autres, c’est de l’artifice pur, ce n’est pas la vérité. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de Lui: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère» (1 Jn 4, 19-21). L’Ecriture admet le cas d’une personne qui, bien que cherchant sincèrement Dieu, ne réussit jamais à le rencontrer; mais elle affirme également que l’on ne peut jamais nier les larmes des pauvres, sous peine de ne pas rencontrer Dieu. Dieu ne supporte pas l’ «athéisme» de celui qui nie l’image divine qui est imprimée dans chaque être humain. Cet athéisme de tous les jours: je crois en Dieu, mais avec les autres je garde la distance et je me permets de haïr les autres. C’est de l’athéïsme pratique. Ne pas reconnaître la personne humaine comme image de Dieu est un sacrilège, c’est une abomination, c’est la pire offense que l’on peut faire au temple et à l’autel.

Chers frères et sœurs, que la prière des psaumes nous aide à ne pas tomber dans la tentation de l’«impiété», c’est-à-dire de vivre, et peut-être également de prier, comme si Dieu n’existait pas, et comme si les pauvres n’existaient pas.


Je suis heureux de saluer les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Toulouse, avec l’Archevêque Mgr Le Gall. La prière des psaumes est l’école de la vie avec Dieu et de la responsabilité vis-à-vis des personnes pauvres et vulnérables. Demandons la grâce de mettre Dieu et la personne humaine au centre de notre prière.

A tous, je donne ma bénédiction !


 




L’étreinte de Dieu avec l’humanité en Jésus Christ – Enseignement du père Lagrange O.P. et du cardinal Tauran par Fr. Manuel Rivero O.P.

Au terme et au sommet spirituel de son livre de vulgarisation sur l’exégèse des quatre évangiles, le père Lagrange écrit : « Il y a là un envahissement des choses divines, qui étonne la raison. C’est l’insertion de la divinité dans l’humanité, la nature humaine participant par la grâce à la nature divine, une telle prodigalité de dons, des exigences si hautes qu’une raison trop courte en est écrasée plutôt qu’attirée. On est tenté de dire que c’est trop beau !

Mais en dehors, il n’y a rien, rien qui compte pour nous, rien qui porte la marque de l’infini. Nous voilà en face du néant. Où aller, Seigneur ? Il ne reste qu’à se renfermer dans un doute fastueux – ou désespéré. Ou plutôt à se serrer autour de Pierre qui dit toujours : « Vous avez les paroles de la vie éternelle« , et à s’abandonner à l’étreinte de Dieu en Jésus Christ. [3]»

De son côté, le cardinal Tauran partage la même expression « étreinte de Dieu » pour exprimer l’union du Fils de Dieu avec l’humanité dans le mystère de l’Incarnation et de la Croix : « Pour le grand apôtre (saint Paul), le centre de l’unité, vers laquelle l’humanité doit nécessairement converger, est la personne du Christ. Souvent, il se plaît à souligner le rôle non seulement cosmique, mais salutaire de la Croix et de la Pâque qui ont fait du Christ le Kyrios, Seigneur de l’humanité et de l’Histoire. En outre, c’est dans le « mystère«  de la Croix que Paul voit l’étreinte de l’humanité tout entière, réconciliée après les déchirements et les divisions qui, de son vivant, étaient représentées par la double réalité du monde religieux hébraïque et du monde religieux gréco-romain [4]».

 

C’est ainsi que Jésus le Christ s’unit à tout homme accomplissant le mystère de la Rédemption par l’Incarnation et la Croix. Ce mystère commencé dans le sein de la Vierge Marie s’accomplit dans l’élévation de la croix et dans la mort de Jésus. En partageant la condition humaine jusqu’à la mort, le Fils de Dieu, qui a pris sur lui le mal et le malheur de l’humanité entière, partage la gloire de sa divinité à ceux qui mettent leur confiance en Lui.

 

L’humanité de Jésus le Christ semblable à celle de tous les hommes, excepté le péché, constitue le commun dénominateur de Dieu avec le genre humain : « Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » (Concile Vatican II, Gaudium et spes, n°22).

La Croix et la mort de Jésus représentent le sommet de l’amour de Dieu plus fort que la mort.

Ressuscité d’entre les morts le matin de Pâques, Jésus accomplit sa prière sacerdotale à la veille de sa Passion : « Père, qu’ils soient un comme nous » (Jn 17, 11) ; « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux. » (Jn 17,26).

Religion par excellence du corps, le christianisme célèbre l’étreinte de Dieu avec l’humanité réalisé dans le corps de Jésus, corps douloureux dans la Passion, lumineux dans sa résurrection, avec l’énergie de l’Esprit Saint envoyé par le Père.

Le corps glorieux de Jésus intègre les croyants en son nom qui en deviennent ses membres, le Christ total, formé de la Tête et des membres : les fidèles.

Si pour certaines religions, il est impensable que Dieu assume un corps humain dans sa vulnérabilité, et encore moins qu’il subisse la douleur ou la mort, le christianisme accueille la révélation déployée par Jésus le Christ. Dieu s’unit à la nature humaine pour que la nature humaine s’unisse à Dieu. Fruit de la grâce et de la miséricorde divine, Jésus ressuscité le manifeste à Marie-Madeleine dans le jardin de Jérusalem : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17).

Renversé sur le chemin de Damas par la lumière éblouissante de Jésus ressuscité, Paul de Tarse vit l’expérience de la présence aimante de Jésus vivant qui s’identifie aux chrétiens persécutés (cf. Ac 9).

Pharisien, formé à Jérusalem par le grand maître Gamaliel, Paul commente ainsi les versets de la Genèse : « ‘L’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair’ : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église » (Eph 5,31-32).

Dans le Cantique des Cantiques, la bien-aimée s’exclamait : « Son bras est sous ma tête et sa droite l’étreint » (Ct 2,6). Par l’amour du Christ Jésus, l’Église célèbre l’étreinte avec Dieu. Les paroles de la prière eucharistique au cours de la messe mettent en lumière cette union humaine et divine : « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Église, et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton alliance ; quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Prière eucharistique III).

Saint-Denis/ La Réunion, le 21 octobre 2020.

 

 

 

 

[1] Frère Marie-Joseph Lagrange O.P. (1855-1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem. Site de l’Association des amis du père Lagrange : http://www.mj-lagrange.org/ ; Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain.
[2] Cardinal Jean-Louis Tauran (1948-2018), président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (2007-2018).
[3] Marie-Joseph LAGRANGE O.P., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, traduite par le père Ceslas Lavergne O.P. Préface de Jean-Michel Poffet O.P. ; présentation de Manuel Rivero O.P. Paris. Éditions Artège Lethielleux. 2017. P. 675.
[4] Cardinal Jean-Louis Tauran, Je crois en l’homme, « Les religions font partie de la solution, pas du problème ». Paris. Bayard. 2016. P. 37 Présentation du « Codex Paoli », Rome, le 18 juin 2008.

 




30ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 22, 34-40) – Francis COUSIN)

« Le grand commandement. »

 

Le grand commandement … et non pas le plus grand commandement, comme on le dit parfois à tort et même comme le traduisent quelques bibles.

Le grand commandement … parce qu’il est le seul à être grand, il est unique.

Ce grand commandement, c’est celui qui a été donné par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Dt 6,5).

Toutes les religions ont été créées par les hommes pour répondre aux grandes questions de la vie, principalement sur ce qu’il y a avant et après la vie …

C’est le besoin de transcendance entre les hommes et Dieu ou les dieux …, entre la terre et le ciel …

Pour les Juifs et ensuite les Chrétiens, c’est différent : la relation est inversée, c’est le ciel qui s’adresse à la terre. C’est Dieu qui s’adresse aux hommes, d’abord dans des songes (Noé, Abraham …), puis directement aux hommes, par l’intermédiaire de Moïse (Ex 3,3-4), puis en Ex 20, 22 : « Le Seigneur dit à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Vous avez vu que je vous ai parlé du haut des cieux … »

Et ce Dieu d’amour demande aux hommes une réciprocité d’amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur ».

On est toujours dans la dimension verticale, mais celle-ci prend naissance en Dieu, et surtout, elle est basée sur l’amour, et non sur la peur !

L’envoi de Jésus sur la terre va modifier cette relation, en l’élargissant, suivant la parole de Jésus : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » (Mt 5,17), et cet accomplissement va se traduire par un amour qui s’étend à tous les hommes : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. ».

On reste cette fois-ci au niveau des hommes : c’est la dimension horizontale de l’amour …

Cette dimension n’est pas moindre que la première. D’ailleurs Jésus lui-même le dit : « Le second [commandement] lui est semblable ». Il est au même niveau.

D’ailleurs, pour bien montrer que les deux dimensions sont de même niveau, saint Jean nous dit, dans sa première épitre : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère» (1Jn 4,20-21)

Jésus, fils de Dieu, vrai Dieu et vrai homme, à la charnière des deux dimensions, a accompli ces deux dimensions verticale et horizontale de l’amour en donnant sa vie pour les hommes sur la croix, pour leur permettre de se rapprocher de Dieu … pour l’éternité.

À chaque fois que nous faisons le signe de la croix, nous devrions penser à cette dimension de l’amour, à ces deux commandements semblables de l’amour entre Dieu et les hommes (dimension verticale) et entre les hommes (dimension horizontale) …

Et ce qui fait le lien entre les deux dimensions, c’est Jésus-Christ qui est venu accomplir la dimension verticale de l’Ancien Testament pour y ajouter la dimension horizontale, magnifiée par son sacrifice sur la croix : « Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. » (…) Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. » (Jn 19,28.30).

Seigneur Jésus,

tu es venu accomplir la relation d’amour

entre Dieu et les hommes

en l’élargissant à tous les hommes entre eux.

C’est bien difficile,

car nous nous pensons souvent

meilleurs que les autres.

Aide-nous à suivre ton commandement.

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 30°




Audience Générale du Mercredi 14 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 14 Octobre 2020


Catéchèse – 10. La prière des Psaumes. 1

Chers frères et sœurs, bonjour!

En lisant la Bible, on trouve sans cesse des prières de divers genres. Mais on trouve également un livre composé seulement de prières, un livre qui est devenu la patrie, le terrain d’exercice et la maison d’innombrables orants. Il s’agit du Livre des Psaumes. Il y a 150 psaumes pour prier.

Il fait partie des livres sapientiels, car il communique le “savoir prier” à travers l’expérience du dialogue avec Dieu. Dans les psaumes, nous trouvons tous les sentiments humains: les joies, les douleurs, les doutes, les espérances, les amertumes qui colorent notre vie. Le Catéchisme affirme que chaque psaume  «est d’une sobriété telle qu’il peut être prié en vérité par les hommes de toute condition et de tout temps» (CEC, n. 2588). En lisant et en relisant les psaumes, nous apprenons le langage de la prière. Dieu le Père, en effet, les a inspirés avec son Esprit dans le cœur du roi David et d’autres orants, pour enseigner à chaque homme et femme comment le louer, comment le remercier et le supplier, comment l’invoquer dans la joie et dans la douleur, comment raconter les merveilles de ses œuvres et de sa Loi. En synthèse, les psaumes sont la parole de Dieu que nous, les humains, nous utilisons pour parler avec Lui.

Dans ce livre, nous ne rencontrons pas de personnes éthérées, des personnes abstraites, des gens qui confondent la prière avec une expérience esthétique ou aliénante. Les psaumes ne sont pas des textes nés à un bureau ; ce sont des invocations, souvent dramatiques, qui jaillissent du vif de l’existence. Pour les prier, il suffit d’être ce que nous sommes. Nous ne devons pas oublier que pour bien prier, nous devons prier tels que nous sommes, sans maquillage. Il ne faut pas maquiller son âme pour prier. «Seigneur, je suis ainsi», et se présenter devant le Seigneur tels que nous sommes, avec les belles choses et aussi avec les choses laides que personne ne connaît, mais que nous, à l’intérieur, nous connaissons. Dans les psaumes, nous entendons les voix d’orants en chair et en os, dont la vie, comme celle de tous, est remplie de problèmes, de difficultés, d’incertitudes. Le psalmiste ne conteste pas de manière radicale cette souffrance: il sait qu’elle appartient à la vie. Dans les psaumes, cependant, la souffrance se transforme en question. De la souffrance à la question.

Et parmi les nombreuses questions, il y en a une qui reste suspendue, comme un cri incessant qui traverse le livre entier de part en part. Une question, que nous répétons tant de fois: “Jusqu’à quand, Seigneur? Jusqu’à quand?”. Chaque douleur réclame une libération, chaque larme invoque une consolation, chaque blessure attend une guérison, chaque calomnie une sentence d’absolution. «Jusqu’à quand, Seigneur, devrais-je endurer cela? Ecoute-moi, Seigneur !»: combien de fois avons-nous prié ainsi, avec «Jusqu’à quand ?», cela suffit Seigneur!

En posant sans cesse des questions de ce genre, les psaumes nous enseignent à ne pas nous habituer à la douleur, et ils nous rappellent que la vie n’est pas sauvée si elle n’est pas guérie. L’existence de l’homme est un souffle, son histoire est fugace, mais l’orant sait qu’il est précieux aux yeux de Dieu, c’est pourquoi crier a un sens. Et cela est important. Quand nous prions, nous le faisons parce que nous savons que nous sommes précieux aux yeux de Dieu. C’est la grâce de l’Esprit Saint qui, de l’intérieur, suscite en nous cette conscience: d’être précieux aux yeux de Dieu. Et pour cette raison, nous sommes poussés à prier.

La prière des psaumes est le témoignage de ce cri: un cri multiple, car dans la vie la douleur a mille forme, et prend le nom de maladie, haine, guerre, persécution, méfiance… Jusqu’au “scandale” suprême, celui de la mort. La mort apparaît dans le Psautier comme l’ennemie la plus déraisonnable de l’homme: quel délit mérite une punition aussi cruelle, qui comporte l’anéantissement et la fin? L’orant des psaumes demande à Dieu d’intervenir là où tous les efforts humains sont vains. Voilà pourquoi la prière, déjà en elle-même, est une chemin de salut et un début de salut.

Tous souffrent dans ce monde: aussi bien celui qui croit en Dieu que celui qui le repousse. Mais dans le Psautier, la douleur devient relation, rapport: un cri d’aide qui attend d’intercepter une oreille attentive. Elle ne peut pas rester sans sens, sans but. Même les douleurs que nous subissons ne peuvent pas être seulement des cas spécifiques d’une loi universelle: ce sont toujours “mes” larmes. Pensez à cela: les larmes ne sont pas universelles, ce sont «mes» larmes. Chacun a les siennes. «Mes» larmes et «ma» douleur me poussent à aller de l’avant avec la prière. Ce sont «mes» larmes, que personne n’a jamais versées avant moi. Oui, beaucoup de personnes ont pleuré, beaucoup. Mais «mes» larmes sont les miennes, «ma» douleur est la mienne, «ma» souffrance est la mienne.

Avant d’entrer dans la salle, j’ai rencontré les parents de ce prêtre du diocèse de Côme qui a été tué; il a précisément été tué dans son service pour aider. Les larmes de ces parents sont «leurs» larmes et chacun d’eux sait combien il a souffert en voyant ce fils qui a donné sa vie dans le service aux pauvres. Quand nous voulons consoler quelqu’un, nous ne trouvons pas les mots. Pourquoi? Parce que nous ne pouvons pas arriver à sa douleur, parce que «sa» douleur est la sienne, «ses» larmes sont les siennes. C’est la même chose pour nous: les larmes, «ma» douleur est la mienne, les larmes sont «les miennes» et avec ces larmes, avec cette douleur, je m’adresse au Seigneur.

Pour Dieu, toutes les douleurs des hommes sont sacrées. C’est ainsi que prie l’orant du psaume 56: «Toi, tu tiens le compte de chacun des pas de ma vie errante, et mes larmes même tu les gardes dans ton outre. Leur compte est inscrit dans ton livre» (v. 9). Devant Dieu, nous ne sommes pas des inconnus, ou des numéros. Nous sommes des visages et des cœurs, connus un par un, par leur nom.

Dans les psaumes, le croyant trouve une réponse, Il sait que, même si toutes les portes humaines étaient fermées, la porte de Dieu est ouverte. Même si tout le monde avait prononcé un verdict de condamnation, en Dieu se trouve le salut.

“Le Seigneur écoute”: quelquefois dans le prière, il suffit de savoir. Les problèmes ne se résolvent pas toujours. Celui qui prie n’est pas un naïf: il sait que de nombreuses questions de la vie d’ici-bas restent sans solution, sans issue; la souffrance nous accompagnera et après une bataille gagnée, il y en aura d’autres qui nous attendent. Mais si nous sommes écoutés, tout devient plus  supportable.

La pire chose qui puisse arriver est de souffrir dans l’abandon, sans qu’on se souvienne de nous. La prière nous sauve de cela. Car il peut arriver, et même souvent, de ne pas comprendre les desseins de Dieu. Mais nos cris ne stagnent pas ici-bas: ils montent jusqu’à Lui, qui a un cœur de Père, et qui pleure Lui-même pour chaque fils et fille qui souffre et qui meurt. Je vais vous dire quelque chose: cela me fait du bien, dans les mauvais moments, de penser aux pleurs de Jésus, quand il pleura en regardant Jérusalem, quand il pleura devant la tombe de Lazare. Dieu a pleuré pour moi, Dieu pleure, il pleure pour nos douleurs. Car Dieu a voulu se faire homme – disait un auteur spirituel – pour pouvoir pleurer. Penser que Jésus pleure avec moi dans la douleur est une consolation: il nous aide à aller de l’avant. Si nous restons dans la relation avec Lui, la vie ne nous épargne pas les souffrances, mais elle s’ouvre à un grand horizon de bien et se met en marche vers son accomplissement. Courage, allons de l’avant avec la prière. Jésus est toujours à nos côtés.


Je salue cordialement les personnes de langue française. Alors que l’humanité souffre encore de la pandémie, je vous invite à lire et à prier les psaumes, assurés que Dieu nous écoute et qu’il n’abandonne jamais ceux qui mettent leur confiance en lui. En ce mois du Rosaire, que la Vierge Marie vous garde et vous protège !


Résumé de la catéchèse du Saint-Père :

Frères et sœurs, dans les Psaumes nous trouvons tous les sentiments humains : les joies, les souffrances, les doutes, les espérances, les amertumes qui colorent notre vie. En lisant les psaumes nous apprenons le langage de la prière. Ils sont la parole de Dieu que nous utilisons pour parler avec lui. Ils sont des invocations, souvent dramatiques, qui surgissent du vif de l’existence. Pour les prier, il suffit d’être ce que nous sommes. En eux la souffrance se transforme en demande. Celui qui prie sait qu’il est précieux aux yeux de Dieu, pour qui crier a un sens. La prière des psaumes est le témoignage de ce cri. Celui qui prie les psaumes demande à Dieu d’intervenir là où tous les efforts humains sont vains. Et alors la souffrance devient relation : c’est l’appel à l’aide qui attend d’être intercepté par une oreille qui entende. Pour Dieu, toutes les douleurs des hommes sont sacrées. Devant lui nous ne sommes pas des inconnus ou des numéros. Nous sommes connus chacun par notre nom. Sa porte est toujours ouverte. Parfois, il suffit de savoir qu’il écoute. Celui qui prie sait que bien des questions de la vie demeurent sans solution. Mais si nous sommes écoutés, tout devient plus supportable. Le pire c’est de souffrir abandonnés. La prière nous sauve de cela. La vie ne nous épargne pas les souffrances, mais si nous demeurons en relation avec Dieu, elle s’ouvre à un large horizon de bien et s’achemine vers son accomplissement.




Homélie de Mgr Aubry – REPONDRE A L’INVITATION AVEC « FRATELLI TUTTI »

Messe télévisée Le Jour du Seigneur 
prévue pour le 11 octobre 2020 et annulée le 25 septembre 2020

La messe du 11 octobre a été célébrée à 9 H 
en l’église Saint Camille de Lellis, paroisse de la Bretagne 
et radioffusée sur « Arc-en-ciel » et facebook de la radio

 

Mot d’accueil et préparation pénitentielle

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
Chers frères et sœurs en humanité,
Bonjour à vous tous en cette église Saint Camille de Lellis et à chacun de vous qui
priez avec nous grâce à Radio Arc-en-ciel et Facebook. Paix dans ton cœur de bien-
portant ou de malade. Paix dans les familles, paix dans le travail et les loisirs, paix
dans les hôpitaux et les prisons. N’ayons qu’un seul cœur et une seule âme. Aussi,
préparons-nous à la célébration de l’eucharistie en reconnaissant que nous sommes
pécheurs.

* * *

Homélie
(cf. Lc 22, 1 à 14)

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
Chers frères et sœurs en humanité,

Dieu Notre Père, le Roi du Royaume d’amour, a un grand projet d’amour pour
l’humanité. Mais au début, au commencement, au commencement avant le
commencement, il n’y a pas d’humanité. Il n’y a que Dieu, rien d’autre que Lui, Lui
Amour et Lumière incréés crée tous les univers par l’expansion de son amour. Mais
que serait un amour qui n’aurait pas un autre amour qui lui réponde ? Dieu qui est
hors du temps se soumet au temps dans le rythme d’évolution de sa création. Il dit et
il fait. Il dit et c’est fait. Il prépare la terre comme un grand jardin d’harmonie et de
paix pour une maison commune. Une maison commune pour qui ? Le Livre des
origines, les deux grands poèmes de la Genèse nous donnent la réponse : « Dieu
créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme…
et vit que cela était très bon » (Gn 1,27).

Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Nous les humains, les hommes et les femmes,
nous sommes interdépendants les uns des autres. Dans le Bien comme dans le Mal.
Aujourd’hui, il nous est facile de comprendre qu’un acte posé en 2020 aura des
conséquences dramatiques en 2050 et bien après… surtout s’il s’agit de décisions
qui concernent la vie elle-même, la transmission de la vie et l’avenir de la planète.
Ainsi en est-il du péché des origines et de ses conséquences. Avec Adam et Eve,
avec les premiers hommes et les premières femmes et jusqu’à nous… la conscience
de l’humanité s’est déchirée. Elle est blessée. Nous pourrions la croire cassée mais
nous portons en nous la nostalgie d’un paradis perdu. L’aspiration au bonheur est là.

Alors, est-ce que Dieu n’est plus Dieu ? Est-ce qu’Il a fait fausse route dans son
grand projet d’amour pour l’humanité ? Non. C’est nous qui nous nous détournons du
chemin qui peut nous reconduire nous-mêmes à nous-mêmes, à Dieu Lui-même, à
nos frères et à nos sœurs de la grande famille humaine si riche de nos multiples
diversités ethnoculturelles. Sans cesse, Dieu intervient dans l’Histoire de l’humanité
par des alliances successives, afin de relancer encore, et encore, et toujours, son
grand projet d’amour, pour un royaume d’amour, pour le royaume des cieux.
Souvenez-vous, souvenons-nous : Noé, Abraham, Moïse, les patriarches, les
prophètes… et Jésus.

Jésus, qui est-il ? Il est le Verbe fait chair de la chair de Marie par la puissance de
l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, Dieu le Père, le Roi du Royaume des cieux, fait tout exister
par son Verbe fait chair et rien ne pourrait exister sans Lui. Jésus – Verbe de vie
épouse donc la condition humaine. Jésus est amoureux de tous les hommes, de
toutes les femmes, de tous les temps. Jésus aime jusqu’au bout de l’amour, jusqu’au
bout de la croix, jusqu’à la gloire rayonnante de la résurrection. Et Jésus a voulu se
donner à nous en nourriture avec le fruit de la terre et du travail des hommes. « Ceci
est mon corps, ceci est mon sang ». Corps livré, sang versé dans la coupe de
l’alliance nouvelle et éternelle. Jésus, l’agneau immolé, efface le péché du monde :
« Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je
serai guéri ». A chaque messe, nous sommes invités à participer au festin des noces
de l’Agneau par le Roi, le Père qui se réjouit des épousailles de son Fils avec
l’humanité. C’est Lui le Père qui nous invite au festin. Alors, comment répondons-
nous concrètement à l’invitation de Dieu le Père qui nous invite à célébrer les noces
de son Fils avec l’humanité dans chaque liturgie dominicale ? Ne cherchons pas des
alibis… ou plutôt, dénichons-les pour les éliminer.

 

Pour une civilisation de l’amour et de la vie

« Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Dieu fait corps avec l’humanité qui est
appelée à s’intégrer à son Royaume. Et nous, chrétiens, par Jésus, avec Lui et en
Lui, nous sommes invités à relire les événements et à agir en conséquence pour
donner sens à notre vie. Donner sens à notre vie personnelle, familiale, collective,
culturelle, économique, politique. Pensons par exemple à ce que nous dit le pape
François dans sa dernière encyclique « Fratelli Tutti », Tous frères, au sujet de la
pandémie Covid-19 : « Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout
seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble. C’est pourquoi j’ai affirmé que
« la tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et
superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos
habitudes et priorités (…) A la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des
stéréotypes avec lequel nous cachions nos ego toujours préoccupés de leur image ;

et reste manifeste encore une fois cette heureuse appartenance commune à laquelle
nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères » (§ 32).

« Le fait d’être frères » dans une société donnée, c’est, nous dit le pape François,
« Faire partie d’un peuple, c’est faire partie d’une identité commune faite de liens
sociaux et culturels ». Et cela n’est pas quelque chose d’automatique, tout au
contraire : c’est un processus lent, difficile… vers un projet commun » (§ 132). A La
Réunion, comme en France, nous entrons dans une période de turbulences
électorales. J’estime qu’il nous faut tous méditer les paroles de sagesse de notre
pape : « En politique, il est aussi possible d’aimer avec tendresse. Qu’est-ce que la
tendresse ? C’est l’amour qui se fait proche et se concrétise. C’est un mouvement qui
part du cœur et arrive aux yeux, aux oreilles, aux mains. La tendresse est le chemin à
suivre par les femmes et les hommes les plus forts et les plus courageux. Dans
l’activité politique, les plus petits, les plus faibles, les plus pauvres doivent susciter
notre tendresse. Ils ont le droit de prendre possession de notre âme, de notre cœur.
Oui, ils sont nos frères et nous devons les traiter comme tels » (§ 192).

Cette réflexion du pape me fait penser aux plus petits, aux plus faibles, aux sans
défense que sont les fœtus et les bébés dans les seins maternels. Au moment où les
lois de bioéthique sont en révision et que, contrairement à une opinion publique
matraquée, la loi n’est pas encore votée, nous devons tous prendre en considération
les questions posées par le Conseil permanent de la Conférence des Evêques de
France. Voici ces questions :

‒ Une société peut-elle être fraternelle lorsqu’elle n’a rien de mieux à proposer
aux mères en difficulté que l’élimination de l’enfant qu’elles portent ?
‒ Une société peut-elle être fraternelle lorsqu’elle renonce à reconnaître le rôle
de la mère et du père,
‒ lorsqu’elle ne reconnaît plus que le lieu digne de l’engendrement d’un être
humain est l’union corporelle d’un homme et d’une femme qui ont choisi d’unir
leur vie pour créer un espace d’alliance et de paix au milieu de ce monde
magnifique et dangereux ?

Je ne doute pas de votre réponse à vous, chrétiens, catholiques. Je ne doute pas de
votre réponse à vous tous, citoyens de bons sens. Je ne doute pas de votre
engagement à respecter et à faire respecter la vie humaine depuis le sein maternel
jusqu’à la mort naturelle. Je compte aussi sur vous, vous nos sénateurs et nos
députés de La Réunion et de la Nation, pour défendre cette cause qui transcende les
partis politiques. Ne développons pas une culture de mort mais construisons les
conditions d’une civilisation de l’amour et de la vie.

Le pape François nous invite à concevoir et à réaliser une « bonne politique ». Il nous
dit : « La bonne politique unit l’amour, l’espérance, la confiance dans les réserves de
bien qui se trouvent dans le cœur du peuple en dépit de tout. C’est pourquoi la vie
politique authentique qui se fonde sur le droit et sur un dialogue loyal entre les
personnes se renouvelle avec la conviction que chaque femme, chaque homme et
chaque génération portent en eux une promesse qui peut libérer de nouvelles
énergies relationnelles, intellectuelles et spirituelles » (§ 196).

Et le pape François nous a dit précédemment « J’invite à l’Espérance qui nous parle
d’une réalité au plus profond de l’être humain, indépendamment des circonstances
concrètes et des conditionnements historiques dans lesquels il vit. L’Espérance nous
parle d’une soif, d’une aspiration, d’un désir de plénitude, de vie réussie, d’une
volonté de toucher ce qui est grand, ce qui remplit le cœur et élève l’esprit vers les
grandes choses, comme la vérité, la bonté et la beauté, la justice et l’amour.
L’Espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites
sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands
idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne (…) » (§ 55).

Que Dieu nous donne la joie de l’Evangile. Qu’avec l’aide de Dieu, disparaissent les
larmes de tous les visages pour que le désespoir cède la place à l’espérance, que
l’enfermement cède la place à l’ouverture aux autres, que nos égoïsmes cèdent la
place à la générosité et à la solidarité. Ainsi se réalisera pour nous ce que nous
chantons avec le psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent. Justice et paix
s’embrassent » tous les jours de notre vie, pour la durée de nos jours, pour les
siècles des siècles. Amen.

Monseigneur Gilbert AUBRY




29ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 22, 15-21) – Francis COUSIN)

« César et/ou Dieu ? »

 

Cet évangile est court, mais il entraîne des conséquences importantes pour chacun de nous.

Car ce passage nous invite à aller plus loin qu’une lecture superficielle qui s’arrêterait à la conclusion que Jésus a joué un bon tour à ses interlocuteurs, qui sont avant tout les pharisiens qui, pour l’occasion, amènent avec eux des hérodiens, pourtant leurs ’’ennemis’’, pour tendre un piège à Jésus.

Les pharisiens sont en effet des partisans de l’observation stricte de la Loi de Moïse, et bien souvent s’en orgueillissaient ; Ils ne pouvaient accepter que leur pays soit envahi par les romains. Par contre les hérodiens étaient prêts à collaborer avec les romains par opportunité bien souvent économique.

Les pharisiens avaient bien préparé leur coup : ils avaient trouvé une ‘bonne’ question, amené des hérodiens, et commencé par ’’passer de la pommade’’ à Jésus : « tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne » de manière à ce qu’il réponde en leur faveur.

« Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? ». Si Jésus dit ’oui’, il se met à dos les pharisiens et réjouit les hérodiens ; s’il dit ’non’, c’est l’inverse. Dans les deux cas, on arrive à une pagaille …

Jésus a bien compris l’hypocrisie de la phrase. Il demande à voir une pièce de l’impôt, donc romaine, sur laquelle il est inscrit « César », et dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Cette phrase est devenue comme un proverbe … et elle est souvent utilisée, à tort la plupart du temps, par certains hommes politiques, principalement ceux qui croient davantage en l’homme qu’en Dieu (ou qui ne croient pas du tout en Dieu …), et qui veulent, au nom d’une laïcité mal comprise, séparer totalement le domaine spirituel et le domaine temporel … Le domaine spirituel étant relégué dans la sphère privée, alors que le domaine temporel, le domaine politique, peut être mis sur la place publique …

Or, on sait bien que ce n’est pas possible : le temporel au sens large, la vie temporelle, avec toutes ses composantes, dépend de nos pensées, de ce que nous croyons, de notre foi. C’est ce que disait le père Yves de Montcheuil, sj : « Aucune opinion n’est imposée par l’Église aux chrétiens, mais bien l’obligation de s’en faire une à la lumière de leur foi. », position qui est toujours reprise par les responsables de l’Église, et pas seulement dans le domaine politique …

De tout temps les chrétiens ont été des moteurs de la vie publique, que ce soit au niveau éducatif, avec les écoles catholiques, les patronages … au niveau de la santé, avec les hospices, les maisons de retraites, les cliniques, tenus par des ordres religieux spécifiques … au niveau familial avec les Centres de Préparation au Mariage, les Associations Familiales Catholiques, les Équipes Notre-Dame … au niveau social, avec le Secours Catholique, les conférences Saint Vincent de Paul … au niveau économique, avec les différents groupes d’Action Catholique, des syndicats ou groupes chrétiens pour les salariés et les chefs d’entreprise …Tous ces mouvements qui ont été créés à partir de nos convictions religieuses pour être une aide aux personnes, mais aussi pour être une aide à la décision des responsables politiques (au sens de ceux qui s’occupent de la nation : maire, conseiller municipal, -départemental, -régional, député, sénateur, ministre … ).

Alors la question est de savoir si mes opinions, dans quelque domaine que ce soit, sont définies par la rumeur … par un journal, une radio, une chaîne de télévision, … par un parti ou un groupe de pression (internet …) … ou par la réflexion à partir de l’évangile de Jésus-Christ !

Et c’est la seule bonne question qu’on doit se poser !

Quant au titre de ce commentaire : « César et/ou Dieu ? », il est évident que maintenant il devient : « César et Dieu » … ou plutôt, par ordre de nos pensées : « Dieu et César », ou même « Dieu, puis César » !

Seigneur Jésus,

nos comportements sont souvent

influencés par l’opinion publique,

ou par des groupes d’amis, ou par la famille,

alors que nous devrions d’abord

les définir en fonction

de ce qui est rapporté dans les évangiles,

car ‘tu enseignes le chemin de Dieu en vérité’.

Aide-nous à faire ainsi.

 

Francis Cousin

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 29°