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Audience Générale du Mercredi 7 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 7 Octobre 2020


Catéchèse – 9. La prière d’Elie

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous reprenons aujourd’hui les catéchèses sur la prière, que nous avons interrompues pour passer à la catéchèse sur la sauvegarde de la création, et maintenant nous reprenons ; et nous rencontrons l’un des personnages les plus passionnants de toute l’Ecriture Sainte : le prophète Elie. Il transcende les frontières de son époque et nous pouvons déceler sa présence également dans certains épisodes de l’Evangile. Il apparaît aux côtés de Jésus, avec Moïse, au moment de la Transfiguration (cf. Mt 17, 3). Jésus lui-même fait référence à sa figure pour accréditer le témoignage de Jean-Baptiste (cf. Mr 17, 10-13).

 

Dans la Bible, Elie apparaît à l’improviste, de façon mystérieuse, provenant d’un petit village tout à fait marginal (cf. 1 R 17, 1) ; et à la fin, il sortira de scène, sous les yeux du disciple Elisée, sur un char de feu qui le conduit au ciel (cf 2 R 2, 11-12). Il s’agit donc d’un homme sans origine précise, et surtout sans but, enlevé au ciel : c’est pourquoi son retour était attendu avant l’avènement du Messie, comme un précurseur. Ainsi l’on attendait le retour d’Elie.

L’Ecriture nous présente Elie comme un homme à la foi limpide : dans son nom même, qui pourrait signifier « Yahvé est Dieu », est contenu le secret de sa mission. Il en sera ainsi tout au long de sa vie : homme intègre, incapable de compromis mesquins. Son symbole est le feu, image de la puissance purificatrice de Dieu. Il sera le premier à être mis à dure épreuve, et demeurera fidèle. Il est l’exemple de toutes les personnes de foi qui connaissent les tentations et les souffrances, mais qui ne trahissent pas l’idéal pour lequel elles sont nées.

La prière est la sève qui alimente constamment son existence. C’est pourquoi c’est l’un des personnages les plus chers à la tradition monastique, au point que certains l’ont élu comme père spirituel de la vie consacrée à Dieu. Elie est l’homme de Dieu, qui s’élève au rang de défenseur du primat du Très Haut. Et pourtant, lui aussi est contraint à se mesurer avec sa propre fragilité. Il est difficile de dire quelles expériences lui furent les plus utiles : avoir vaincu les faux prophètes sur le mont Carmel (cf. 1 R 18, 20-40), ou bien l’égarement au cours duquel il constate « n’être pas meilleurs que ses pères » (1 R 19, 4). Dans l’âme de celui qui prie, la conscience de sa faiblesse est plus précieuse que les moments d’exaltation, quand il semble que la vie est une chevauchée de victoires et de succès. Dans la prière il arrive toujours ceci : des moments de prière qui nous élèvent, nous donnent de l’enthousiasme, et des moments de prière ou nous ressentons de la douleur, de l’aridité, de l’épreuve. La prière est ainsi : se laisser porter par Dieu et se laisser frapper aussi par de mauvaises situations et également par les tentations. C’est l’une des réalités que l’on retrouve dans de nombreuses autres vocations bibliques, également dans le Nouveau Testament, pensons par exemple à saint Pierre et à saint Paul. Même leur vie était ainsi : des moments d’exaltation et des moments d’abattements, de souffrance.

Elie est l’homme de la vie contemplative et, dans le même temps, de la vie active, préoccupé par les événements de son temps, capable de se dresser contre le roi et la reine  après qu’ils ont fait tué Nabot pour s’emparer de sa vigne (cf. 1 R 21, 1-24). Combien avons-nous besoin de croyants, de chrétiens zélés, qui agissent face à des personnes qui ont des responsabilités de direction avec le courage d’Elie, pour dire : « Cela ne va pas ! Cela est un assassinat ! ». Nous avons besoin de l’esprit d’Elie. Il nous montre qu’il ne doit pas y avoir de séparation dans la vie de celui qui prie : on se tient devant le Seigneur et l’on va à la rencontre de ses frères auxquels Il nous envoie. La prière ce n’est pas se renfermer avec le Seigneur pour se maquiller l’âme : non, cela n’est pas la prière, c’est une fausse prière. La prière est une confrontation avec Dieu et se laisser envoyer pour servir nos frères. Le banc d’essai de la prière est l’amour concret pour le prochain. Inversement, les croyants agissent dans le monde après s’être tus et avoir prié ; autrement, leur action est impulsive, elle est privée de discernement, c’est une course effrénée sans but. Les croyants se comportent ainsi, ils commettent de nombreuses injustices, parce qu’ils ne se sont pas présentés devant le Seigneur pour prier, pour discerner ce qu’ils doivent faire.

Les pages de la Bible laissent supposer que la foi d’Elie a elle aussi connu un progrès : lui aussi a grandi dans la prière, il l’a affinée peu à peu. Le visage de Dieu est devenu pour lui plus clair au cours du chemin. Jusqu’à atteindre son point culminant dans cette expérience extraordinaire, quand Dieu se manifeste à Elie sur le mont (cf. 1 R 19 ; 9-13). Il se manifeste non pas dans la tempête impétueuse, non pas dans le tremblement de terre ou dans le feu dévorant, mais dans « le bruit d’une brise légère » (v. 12). Ou mieux encore, une traduction qui reflète bien cette expérience : dans un courant de silence sonore. Ainsi se manifeste Dieu à Elie. C’est à travers ce signe humble que Dieu communique avec Elie, qui à ce moment est un prophète en fuite qui a égaré la paix. Dieu va à la rencontre d’un homme fatigué, un homme qui pensait avoir échoué sur tous les fronts, et avec cette brise légère, avec ce courant de silence sonore, il fait revenir le calme et la paix dans son cœur.

Telle est l’histoire d’Elie, mais elle semble écrite pour nous tous. Certains soirs, nous pouvons nous sentir inutiles et seuls. C’est alors que la prière  viendra frapper à la porte de notre cœur. Nous pouvons tous saisir un pan du manteau d’Elie, comme son disciple Elisée a saisi la moitié du manteau  Et même si nous avions commis des erreurs, ou si nous nous sentions menacés et effrayés, en revenant devant Dieu avec la prière, la sérénité et la paix reviendront aussi comme par miracle. C’est ce que nous enseigne l’exemple d’Elie.


Je suis heureux de saluer les personnes de langue française. Demandons par l’intercession de Notre-Dame du Rosaire la grâce d’être des hommes et des femmes intègres et dignes de foi, afin que, dans la prière, le Seigneur rejoigne chacun de nous dans sa vie et lui donne la paix et la sérénité.

Que Dieu vous bénisse !




Octobre, le mois de la prière du Rosaire par Fr. Manuel Rivero O.P.

« N’abandonnez jamais la prière du Rosaire », conseillait le pape François lors de la clôture du centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima en 2017.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Invisible, mais, proche et agissant, Dieu est invoqué particulièrement dans les épreuves. Alors que d’aucuns demandent « où est Dieu dans nos souffrances ? », la prière s’avère source de grâces. La Bible révèle un Dieu caché qui déploie sa puissance dans l’effacement. Maître Eckhart, le grand mystique dominicain du XIVe siècle, enseignait que « le Fonds de la Déité se trouve dans la puissance d’effacement de soi »[1]. Le mystère de l’Incarnation, fondement du christianisme, manifeste l’humilité et l’abaissement du Fils de Dieu, qui, par amour envers l’humanité, est devenu l’un de nous. La Vierge Marie l’a accueilli dans la foi en notre nom. D’où l’attachement des chrétiens à la figure de la Mère du Messie.

 

 

Prière face à la pandémie

En ces temps difficiles de pandémie et de crise économique, l’Église se tourne vers la Mère de Dieu, comme elle le fit en 1571 lors de la bataille de Lépante. Le saint pape Pie V, O.P. confia alors l’Église à l’intercession des confréries du Rosaire. La victoire obtenue fut saluée comme une grâce de Dieu à travers la prière de la Mère de Jésus. D’où la célébration de la fête de Notre-Dame de la Victoire, le 7 octobre, connue sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Dans le rayonnement de cette fête mariale, tout le mois d’octobre porte la marque du Rosaire.

L’Église se tourne vers Jésus qui est venu pour les malades. Les catholiques se confient à l’intercession de la Mère de Dieu. L’une des prières mariales les plus anciennes évoque la confiance des chrétiens dans la miséricorde de la Vierge Marie : « Sous ta miséricorde, nous cherchons refuge, sainte Mère de Dieu ».

Prière contemplative, le Rosaire consiste à prier Jésus, le seul Sauveur et le seul Médiateur entre Dieu et les hommes pour la foi chrétienne, avec la foi de Marie, qui est la foi de l’Église. Le fidèle regarde Jésus avec les yeux et le cœur de sa Mère, la Vierge Marie.

La prière du Rosaire a pour centre et pour but Jésus le Christ. Ceux qui égrènent le chapelet rejoignent le cœur de Marie pour y méditer les événements et les paroles de Jésus. L’évangéliste saint Luc précise que Marie gardait dans son cœur tout ce qu’elle découvrait du mystère de son Fils.

Le Rosaire conduit les disciples de Jésus jusqu’au cœur de sa Mère pour le contempler dans la lumière de la foi juive accomplie dans le mystère de la mort et de la résurrection du Messie.

Sans la Vierge Marie, « l’Église devient un orphelinat », s’exclame le pape François. Mais les chrétiens ne sont pas orphelins. Ils reçoivent l’Esprit-Saint promis par Jésus. Ils reçoivent aussi la Mère de Jésus pour Mère spirituelle. C’est elle qui veille sur les disciples de son Fils, comme elle a collaboré à sa naissance et à sa croissance en tant qu’homme. Éducatrice de Jésus, Marie joue aussi son rôle de Mère spirituelle, par son exemple de foi et par son intercession, auprès de son Fils Jésus.

Cela ne relève pas d’une dévotion inventée, mais d’une volonté du Sauveur lui-même manifestée sur le Calvaire quand il a dit à sa mère « Voici ton fils » (Jn 19) tout en orientant son regard vers l’apôtre bien-aimé, Jean. À celui-ci, le saint crucifié a déclaré : « Voici ta Mère ». Et l’apôtre fidèle la prit chez lui, c’est-à-dire dans sa maison et dans son cœur.

 

Précisions de vocabulaire

Le mot chapelet provient du mot « chapeau » ou « couronne » de roses que les amoureux offraient à leurs bien-aimées, et, que les dévots de la Vierge Marie plaçaient sur la tête des statues de la Mère de Jésus.

 

Le mot Rosaire rappelle le choix de cette fleur offerte en signe de foi à la Vierge Marie

 

 

Le bienheureux Alain de La Roche O.P. (1428-1475) préférait appeler cette prière « Le psautier de Notre-Dame » plutôt que Rosaire, en lien avec les 150 Psaumes qui trouvaient leur équivalent dans les 150 Ave Maria du Rosaire quand les trois séries du Rosaire (5 joyeux, 5 douloureux et 5 glorieux) comportaient 150 grains en tout. L’arrivée des mystères lumineux, décidée par le saint pape Jean-Paul II, a élevé à 20 mystères le cycle de la prière qui inclue ainsi la vie publique de Jésus, outre l’Enfant, la Passion et la Gloire de la vie de Jésus.

 

Voyage intérieur

En égrenant le chapelet, le croyant voyage en esprit vers Nazareth, Bethléem, Jérusalem …

Une marseillaise avait déclaré un jour à Mgr Roger Etchegaray : « Avec le chapelet, je fais le tour du monde à l’œil et sans bouger ».

Quand nous visitons un pays nous tenons à bénéficier d’un bon guide local qui connaisse l’histoire, non seulement par l’étude, mais aussi par expérience. Qui mieux que la Vierge Marie peut nous introduire dans la connaissance de son Fils Jésus ?

Nous pouvons l’appeler Notre-Dame des commencements, car Marie apparaît dans les Évangiles lors des événements fondateurs : l’Incarnation, la Visitation, Noël, Calvaire, Pentecôte …

 

Silence intérieur

Certaines personnes s’interrogent sur le sens de la répétition des Ave Maria. Mais le but de cette reprise des paroles de l’archange Gabriel à Marie n’est rien d’autre que le silence intérieur. Pour calmer, voire effacer le bruit intérieur, les discours et les films, toujours les mêmes dans la tête, il convient de se laisser purifier et habiter par la Parole de Dieu. En reprenant les Notre Père et les Ave Maria, le fidèle parvient à faire silence en soi pour faire de la place dans son cœur à Jésus le Christ.

À l’image du vol des oiseaux qui en refaisant toujours le même mouvement de leurs ailes s’élèvent vers le ciel, ceux qui prient reprennent les mêmes prières, mais jamais au même endroit, car leurs âmes se déplacent vers Dieu et vers leurs frères en humanité.

 

Plasticité de cette prière

Le chapelet permet l’intégration de toute la Bible par le moyen des clausules, c’est-à-dire des citations de l’Écriture sainte, à la suite du nom de Jésus dans la première partie de l’Ave Maria : « Je vous salue Marie … et Jésus, qui sauve les malades, est béni », par exemple.

Dans la deuxième partie de l’Ave Maria, il est possible d’actualiser la prière « et à l’heure de notre mort », en la remplaçant par « et à l’heure de la maladie », « et à l’heure de la recherche d’emploi », « et à l’heure de l’examen » …

Prière qui rassemble

La prière du chapelet facilite l’union à Dieu dans la solitude. Elle rassemble aussi les chrétiens comme le prouve l’existence séculière des Confréries du Rosaire, des Équipes du Rosaire ou de la Légion de Marie.

Au Japon, des communautés chrétiennes ont gardé la foi en l’absence de prêtres pendant deux siècles grâce à la prière du Rosaire. À partir de 1614, des missionnaires dominicains connurent le martyre. Au XIXe siècle, lors de la reprise de l’évangélisation, les missionnaires découvrirent, avec émerveillement, que les chrétiens continuaient de célébrer le Christ Jésus au Japon en priant ensemble les mystères du Rosaire.

 

Le chapelet des enfants

Élément matériel, en bois ou en plastique, le chapelet aide à prier. Nombreux sont les enfants qui entrent dans la paix du cœur par cette prière.

Les systèmes éducatifs font rarement de la place à l’intériorité. Des méthodes de méditation, pour les enfants, deviennent à la mode dans le souci de les calmer au milieu d’une multitude d’activités et de sollicitations. La prière du chapelet offre une paix habitée par Jésus. Plutôt que de dire « om », les enfants chrétiens prient le nom de Jésus, source de l’Esprit Saint.

Enfant, à l’âge de sept ans, j’ai reçu comme cadeau pour ma Première communion un chapelet en argent. Il est beau. La date de cet événement heureux fut gravée sur la croix. C’est avec joie et gratitude que j’aime le reprendre et le prier bien des années après.

Pourquoi ne pas penser à offrir comme cadeau, pour la Première communion et la Confirmation, un beau chapelet que l’enfant gardera peut-être toute sa vie ?

 

Prière qui illumine

La foi est lumière dans les ténèbres de la maladie et de la mort. En tant que prêtre, je demeure admiratif devant la puissance pédagogique et spirituelle du chapelet lors de la maladie et du deuil.

Aux malades et aux personnes détenues en prison, je leur rappelle leur mission de prier pour l’Église et pour le monde. Ils deviennent ainsi acteurs de l’histoire car les événements relèvent aussi de la Providence qui répond à la prière.

Lors des veillées funéraires, la méditation des mystères douloureux et glorieux fait passer les familles de la tristesse à la lumière de la foi, de la fatigue à la force de la grâce, du désespoir à la communion avec Dieu et avec les proches qui partent.

Loin d’être « la dégringolade finale » d’une vie, la mort représente le sommet de l’existence et le passage, la « pâque », de ce monde au Père.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem, fervent de la prière du Rosaire, « Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère »[2], même au cours de sa Passion.

Ce fut le cas sur le Calvaire, lors de la mort de Jésus, cela l’est aussi pour ceux qui se confient à l’intercession de la Mère de Jésus en devenant « fils et filles de Marie ».

 

Saint-Denis/ La Réunion, le 1er octobre 2020.
[1] Cité par François Varillon, L’humilité de Dieu, Bayard, 2017, p. 31.
[2] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.




28ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 22, 1-14) – Francis COUSIN)

« Le vêtement de noce. »

 

Après les paraboles sur la vigne, la parabole de ce jour reprend en partie celle de dimanche dernier, mais en élargissant les personnes concernées, qui ne sont plus seulement les pharisiens mais tout le monde, et aussi en ajoutant une perspective sur le Royaume de Dieu.

Le début du passage nous indique tout de suite le but de Jésus : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. », et on fait le rapport entre la venue de Jésus sur terre et son but ultime : donner le Salut aux humains et les inviter au festin des « noces de l’Agneau » (Ap 19,7).

Le début est semblable : invitation d’un roi au repas de noces de son fils, refus de la part des personnes invitées (les membres du peuple élu, du peuple d’Israël), pour diverses raisons, mais qui montrent toutes un désintérêt pour le royaume de Dieu, pour la vie éternelle, et une préoccupation pour les biens de ce monde … qui semblent vitaux pour eux : leurs champs, leur commerce, la vie économique … allant même pour certains jusqu’à molester ou tuer ceux qui les invitaient à participer au repas royal … comme les vignerons de dimanche dernier …

Alors le roi se fâche ; et sa réaction est terrible : il fait tuer et incendier …

Bien sûr, c’est une image ; Dieu qui est bon, plein d’amour, ne fait pas cela … mais c’est pour montrer que, par leur refus d’assister aux noces de son fils, ils s’excluent définitivement du Royaume des Cieux …

Par contre, il envoie ses serviteurs vers les autres personnes, ceux qui n’avaient pas été choisis au départ, c’est-à-dire vers les autres nations qu’Israël, et là on invite tout le monde, « les mauvais comme les bons », les pécheurs comme les vertueux … et ils répondent présents …

La salle est remplie …

On voit bien dans ce passage la dimension universelle de l’annonce du Salut, qui n’est plus réservée aux seuls juifs, mais à tous. Le monde entier est invité au repas de noces, au festin messianique : « Heureux les invités aux repas du Seigneur ! »

Mais si tout le monde est invité, … tout le monde n’est pas accepté …

Il y a une condition : revêtir « le vêtement de noce » …

C’est quoi « le vêtement de noce » ? On ne sait pas précisément …

Dieu, ni Jésus, n’a donné aucun ’’dress code’’ comme on dit maintenant, et ce n’est certainement pas un ’’vêtement’’ particulier, mais plutôt un vêtement spirituel, une manière de vivre …

Il faut d’abord pratiquer la justice, être considéré comme ’’juste’’ devant Dieu : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtu des vêtements du salut, il m’a couvert du manteau de la justice. » (Is 61,10).

Mais c’est saint Paul qui nous en parle le plus.

Bien entendu, il faut croire en Jésus, avoir la foi, mais aussi être baptisé. C’est le baptême qui concrétise notre foi : « Tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. » (Ga 3,26-27).

Mais le baptême n’est pas une condition suffisante. Il faut tous les jours renouveler cet acte de foi en vivant comme le Christ nous a demandé de le faire dans son évangile, et ne pas se laisser aller à vivre comme les gens du monde : « revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ ; ne vous abandonnez pas aux préoccupations de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (Rm 13,14).

Et il précise : « Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité. » (Ep 4,22-24).

Et on peut terminer avec les trois vertus théologales : « Mettons la cuirasse de la foi et de l’amour et le casque de l’espérance du salut. » (1 Th 5,8).

On remarquera que la plupart du temps, Paul utilise l’impératif, insistant sur les différentes manières de revêtir le vêtement de noce.

Et effectivement, nous sommes tous concernés, par le vêtement de noce, mais surtout par le salut qui nous est donné par Jésus, par l’entrée dans le royaume de Dieu.

Et il faut le reconnaître, qui véritablement se soucie de son avenir après la mort ?

C’est trop loin … On y pense peu ! … ou on ne veut pas y penser … peut-être par superstition …

Et pourtant, quant à la mort, Jésus nous dit : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » (Mt 25, 13) … et cela peut être : « cette nuit même ton âme te sera redemandée. » (Lc 12,20).

Par contre, on se préoccupe de notre bien-être matériel … des mesures sanitaires … qui nous empêchent de faire ce qu’on voudrait !

Mais, en même temps, on fustige celles qui facilite l’entrée des voyageurs à l’entrée à La Réunion en n’obligeant pas un strict contrôle de la ’’septaine’’ … parce qu’on a peur de la maladie du Covid-19 et de la mort possible …

On voit de moins en moins de monde à la messe dominicale, non pas parce que les gens refusent la messe, mais parce qu’ils préfèrent suivre la messe à la télévision ou sur les réseaux sociaux, chez eux, sans bouger, bien confortablement assis dans le canapé … Certains prétextent que le port du masque les gène, … disent qu’ils ont peur d’être contaminés … qu’ils ne sont pas sûr d’avoir une place dans l’église … Mais ils oublient l’essentiel : la messe est l’assemblée des fidèles qui prient ensemble, qui écoutent ensemble la parole de Dieu et son explication, et qui communient au corps du Christ.

Question : Sommes-nous des chrétiens de la peur ? … ou des chrétiens qui vivent dans l’espérance du royaume des cieux ? … dans l’espérance de la rencontre avec Dieu … ?

Père éternel,

tu nous invites à partager

le repas de noce de l’Agneau, ton Fils,

avec son Église,

mais bien souvent, nous ne faisons pas

un compte avec cette demande.

Et nous ne nous préparons pas à cette rencontre.

Nous pensons que c’est automatique,

alors que cela demande de notre part

un effort de conversion !

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 28°




28ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Invités aux noces

Mt 22, 1-14

L’Évangile est un grand livre d’images : quand on voit le succès des retransmissions télévisées des mariages princiers d’aujourd’hui, que ce soit à Londres ou à Monaco, l’image employée par Jésus n’a pas tellement vieillie : un roi qui célébrait les noces de son fils.

Essayons d’en retenir l’essentiel : lisons cette parabole en transparence. Jésus, là encore, veut nous parler du Royaume des cieux et nous pensons tout de suite à ce que le prêtre nous rappelle au moment de la communion : « Heureux les invités au repas du Seigneur ».

La réalité, c’est que Dieu rêve d’une fête éternelle pour l’humanité. C’est la plus belle histoire du monde, c’est la plus belle histoire d’amour. Il était une fois un Dieu heureux, tellement heureux qu’il voulut faire partager son bonheur. Ce Dieu là vit d’amour : « 3 personnes » qui s’aiment, qui se donnent les uns aux autres, une joie infinie, dans une totale transparence, dans un partage absolu, un bonheur sans mélange, durable, éternel.

Quand on éprouve tant de bonheur, comment ne pas avoir envie de partager encore plus ce bonheur ? Alors, Dieu décide de créer l’humanité pour l’introduire dans sa famille, dans sa vie, dans son amour et ce fut l’incarnation du Fils.

« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils ».

Oui, Dieu marie son Fils : Jésus est amoureux de l’humanité, il nous aime passionnément. Cette image des noces court comme un fil d’or tout au long de la Bible : Osée, Isaïe, Ezéchiel proclament cette union de Dieu avec les hommes : le Cantique des Cantiques, les évangélistes, l’Apocalypse, …

Oui, Dieu, d’un bout à l’autre de la révélation, nous déclare son amour et ses relations avec les hommes ne sont qu’alliance et épousailles.

Entre nous, qu’est-ce-qui changerait dans ma religion ? Beaucoup, sans doute, si j’arrivais à la considérer comme une belle histoire d’amour ?

Cette parabole nous révèle tout d’abord que Dieu invite, que Dieu appelle et que l’homme est libre de répondre  ̏oui  ̋ou  ̏non ̋.

 

« Heureux les invités au repas du Seigneur » : la messe n’est pas une bonne petite dinette entre copains. C’est Dieu qui invite tel jour, telle heure : le prince héritier célébrera ses noces. Vous êtes cordialement invités au festin qui suivra, sans engagement avec les hommes,  » Répondre SVP « .

 

 

L’événement est de taille ! Pourtant, ici, la parabole devient tragique, comme tant de paraboles de la fin de la vie de Jésus : on va se heurter à la liberté de l’homme.

« Mon repas est prêt. Venez, venez à mon repas d’amour ».

« Mais les invités n’en tiennent aucun compte. Ils n’ont pas le temps ! »

La description de l’inconscience de ces invités est d’une brûlante actualité.

« Comment voulez-vous que j’aille au repas de Jésus ? Je n’ai que mes dimanches pour faire du foot ou du tennis », dit l’un.

« Quand j’ai dansé toute la nuit du samedi au dimanche, comment voulez-vous que je participe au repas de Jésus ? ».

« Moi, mon père, je vais à la messe le mardi au Chaudron, le dimanche, c’est le jour où nous allons à la plage ».

Comment se fait-il qu’il nous arrive ainsi de préférer nos petites affaires à l’invitation de Dieu ?

« Eux, sans en tenir compte, s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ».

On essaie si naturellement de placer les moments de rencontre avec Dieu, dans les temps morts, dans les heures ou les jours où l’on n’a rien à faire, après le travail, les occupations quotidiennes, les loisirs même. Et, très vite, il ne reste plus de temps libre. On commence par avoir mauvaise conscience et puis on trouve des excuses :  » travailler, c’est prier « .

Petit à petit, on ne prie plus : « Mon père, je n’ai plus le temps de prier ». Jésus-Christ dérange : « J’avais mes petits projets et voici qu’il m’invite ». Mais le repas de noces ne peut rester en souffrance et Dieu continue d’inviter.

« Ces serviteurs s’en allèrent par les chemins et rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent : mauvais et bons ».

L’appel de Dieu est universel : il s’adresse à tous, à chacun de nous et surtout aux pécheurs. Il faut que la salle de noces soit remplie. L’entrée est gratuite : tous peuvent y accéder.

Mais Dieu nous respecte trop pour nous y forcer : il faut s’engager positivement. Il ne veut pas faire de nous des mendiants, des assistés. Nous devons être responsables pour une part, de notre participation à la vie éternelle. Le Salut n’est pas automatique. Il faut correspondre librement à l’invitation de Dieu.

Allons-nous répondre à l’invitation ? C’est une histoire d’amour. Nous avons parfois une conception élitiste de l’Église : le sentiment qu’elle devrait éliminer de son sein tous ceux qui ne mènent pas une vie évangélique !… Mais ne serais-je pas alors le premier à devoir en sortir ?

C’est vrai que l’Église, n’étant pas une secte, accueille plutôt largement et que cela ne satisfait pas ceux qui voudraient qu’elle donne une image sans bavure.

Serait-ce bon d’ailleurs que l’Église veuille donner une telle image ?

Ne serait-ce pas la route ouverte à l’hypocrisie, comme pour les pharisiens ?

Il est vrai que la fin de la parabole parle d’un tri qui doit se faire. Mais attention ! Pas tout de suite ! Mais « à la fin des temps  » « lorsque le roi viendra pour regarder les convives ».

C’est également ce que disaient les paraboles de l’ivraie et du bon grain : « Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges surviendront et sépareront les mauvais d’avec les justes ». Qui veut entrer au festin doit porter le vêtement de noces !

L’entrée au festin du Royaume ne dépend pas de la race, de l’appartenance à un peuple mais de la conversion, du changement de vie, des œuvres bonnes, …

En recevant le vêtement blanc du Baptême : nous avons été invités à « garder intacte la dignité des fils de Dieu « .

Le vêtement du peuple nouveau, le vêtement de noce :

  • C’est le Christ que nous avons revêtu,

  • C’est notre dignité de chrétiens,

  • C’est la grâce de Dieu,

  • C’est une invitation à mener une vie à la hauteur de ce que nous avons reçu.

Dieu ne conçoit pas l’Église de son Fils comme une communauté parfaite tout de suite, mais comme une collectivité extrêmement mélangée où se rencontrent toutes les races et toutes les conditions sociales.

Tous les hommes sont invités, blancs ou noirs, riches ou pauvres, israéliens, palestiniens, bien portants autant que les malades, et même les mauvais autant que les bons : c’est un festin universel ! Et le Seigneur est là qui attend et qui veille.

D’où vient alors que certains risquent d’être rejetés ? Ils n’ont pas le « vêtement de noce » : ils ont cru qu’il suffisait d’être appelés, mais ils n’ont pas répondu à l’offre de Dieu, ils n’ont pas revêtu le « manteau de la grâce ».

Les « noces de l’agneau » sont un pur chant de fête. Une seule exigence : « Oui, Seigneur, tu m’invites ; j’arrive tout de suite… » AMEN




Audience Générale du Mercredi 30 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 30 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour!

Ces dernières semaines, nous avons réfléchi ensemble, à la lumière de l’Evangile, sur la façon de guérir le monde qui souffre d’un malaise que la pandémie a souligné et accentué. Il y avait un malaise: la pandémie l’a souligné davantage, l’a accentué. Nous avons parcouru les voies de la dignité, de la solidarité et de la subsidiarité, des voies indispensables pour promouvoir la dignité humaine et le bien commun. Et en tant que disciples de Jésus, nous nous sommes proposés de suivre ses pas en optant pour les pauvres, en repensant l’usage des biens et en prenant soin de la maison commune. Au milieu de la pandémie qui nous frappe, nous nous sommes ancrés aux principes de la doctrine sociale de l’Eglise, en nous laissant guider par la foi, par l’espérance et par la charité. Nous avons trouvé là une aide solide pour être des agents de transformation qui rêvent en grand, qui ne s’arrêtent pas aux mesquineries qui divisent et blessent, mais qui encouragent à engendrer un monde nouveau et meilleur.

Je voudrais que ce chemin ne finisse pas avec mes catéchèses, mais que nous puissions continuer à avancer ensemble, «en gardant le regard fixé sur Jésus» (He 12, 2), comme nous avons entendu au début; le regard sur Jésus qui sauve et guérit le monde. Comme nous le montre l’Evangile, Jésus a guéri des malades de tous les types (cf. Mt 9, 35), il a rendu la vue aux aveugles, la parole aux muets, l’ouïe aux sourds. Et quand il guérissait les maladies et les infirmités physiques, il guérissait aussi l’esprit en pardonnant les péchés, parce que Jésus pardonne toujours, ainsi que les “douleur sociales” en incluant les exclus (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1421). Jésus, qui renouvelle et réconcilie chaque créature (cf. 2 Co 5, 17; Col 1, 19-20), nous offre les dons nécessaires pour aimer et guérir comme Il savait le faire (cf. Lc 10, 1-9; Jn 15, 9-17), pour prendre soin de tous sans distinctions de race, de langue ou de nation.

Afin que cela arrive réellement, nous avons besoin de contempler et d’apprécier la beauté de chaque être humain et de chaque créature. Nous avons été conçus dans le cœur de Dieu (cf. Ep 1, 3-5). «Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun de nous est aimé, chacun est nécessaire» (Benoît XVI, Homélie pour le début du ministère pétrinien,  24 avril 2005); cf. Enc. Laudato si’, n. 65). En outre, chaque créature a quelque chose à nous dire du Dieu créateur (cf. Enc. Laudato si’, nn. 69. 239). Reconnaître cette vérité et rendre grâce pour les liens intimes de communion universelle avec toutes les personnes et avec toute les créatures, met en œuvre «une protection généreuse et pleine de tendresse» (ibid., n. 220). Et nous aide également à reconnaître le Christ présent dans nos frères et sœurs pauvres et qui souffrent, à les rencontrer et à écouter leur cri et le cri de la terre qui s’en fait l’écho (cf. ibid., n. 49).

Intérieurement mobilisés par ces cris qui réclament que nous prenions une autre route (cf.  ibid., n. 53), qui réclament que nous changieons, nous pourrons contribuer à la guérison des relations avec nos dons et nos capacités (cf. ibid., n. 19). Nous pourrons régénérer la société et ne pas revenir à la soi-disant “normalité”, qui est une normalité malade, et d’ailleurs malade depuis même avant la pandémie: la pandémie l’a soulignée! «A présent revenons à la normalité»: non, cela ne va pas, car cette normalité était malade d’injustices, d’inégalités et de dégradation environnementale. La normalité à laquelle nous sommes appelés est celle du Royaume de Dieu, où «les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres» (Mt 11, 5). Et que personne ne fasse l’innocent en regardant d’un autre côté. C’est ce que nous devons faire, pour changer. Dans la normalité du Royaume de Dieu, le pain arrive à tous et il en reste, l’organisation sociale se base sur la contribution, le partage et la distribution, pas sur la possession, l’exclusion et l’accumulation (cf. Mt 14, 13-21). Le geste qui fait avancer une société, une famille, un quartier, une ville, tout le monde, est celui de se donner, de donner; ce n’est pas faire l’aumône, mais c’est une manière de se donner qui vient du cœur. Un geste qui éloigne l’égoïsme et l’angoisse de posséder. Mais la manière chrétienne de faire cela n’est pas une manière mécanique: c’est une manière humaine. Nous ne pourrons jamais sortir de la crise que la pandémie a soulignée, mécaniquement, avec de nouveaux instruments – qui sont très importants, qui nous font aller de l’avant et dont il ne faut pas avoir peur –  en sachant que pas même les moyens les plus sophistiqués pourront faire beaucoup de choses, mais il y a une chose qu’ils ne pourront pas faire: donner de la tendresse. Et la tendresse est le signal propre de la présence de Jésus. Cette manière de s’approcher de son prochain pour marcher, pour guérir, pour aider, pour se sacrifier pour l’autre.

Cette normalité du Royaume de Dieu est donc importante: que le pain arrive à tous, que l’organisation sociale se base sur la contribution, le partage, la distribution, avec tendresse, pas sur la possession, l’exclusion et l’accumulation. Car à la fin de notre vie nous n’emporterons rien dans l’autre vie!

Un petit virus continue à causer des blessures profondes et démasque nos vulnérabilités physiques, sociales et spirituelles. Il a mis à nu la grande inégalité qui règne dans le monde: l’inégalité des opportunités, des biens, de l’accès à la santé, à la technologie, à l’éducation : des millions d’enfants ne peuvent pas aller à l’école, et la liste continue ainsi. Ces injustices ne sont pas naturelles ni inévitables. Elles sont l’œuvre de l’homme, elles proviennent d’un modèle de croissance détaché des valeurs plus profondes. Le gaspillage des restes d’un repas: avec ce gaspillage on peut donner à manger à tous. Et cela a fait perdre l’espérance à de nombreuses personnes et a augmenté l’incertitude et l’angoisse. C’est pourquoi, pour sortir de la pandémie, nous devons trouver le remède non seulement pour le coronavirus – qui est important! –  mais également pour les grands virus humains et socio-économiques. Il ne faut pas les cacher, en passant un coup de peinture pour qu’ils ne se voient pas. Et assurément nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le modèle économique qui est à la base d’un développement inique et non durable résolve nos problèmes. Il ne l’a pas fait et il ne le fera pas, parce qu’il ne peut pas le faire, même si certains faux prophètes continuent à promettre  “l’effet en cascade” qui n’arrive jamais (“Trickle-down effect” en anglais, “derrame” en espagnol; cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 54) ). Peut-être avez-vous entendu parler du théorème du verre: l’important est que le verre se remplisse et ainsi le contenu se répand sur les pauvres et sur les autres, et ils reçoivent des richesses. Mais il se produit un phénomène : le verre commence à se remplir et quand il est presque plein, il grandit, il grandit et grandit encore, et la cascade n’a jamais lieu. Il faut faire attention.

Nous devons nous mettre à travailler urgemment pour générer de bonnes politiques, définir des systèmes d’organisation sociale où soient récompensés la participation, le soin et la générosité, plutôt que l’indifférence, l’exploitation et les intérêts particuliers. Nous devons avancer avec tendresse. Une société solidaire et équitable est une société plus saine. Une société participative – où les “derniers” sont tenus en considération comme les “premiers” – renforce la communion. Une société où l’on respecte la diversité est beaucoup plus résistante à tout type de virus.

Plaçons ce chemin de guérison sous la protection de  la Vierge Marie, Mère de la Santé. Que Celle qui porta Jésus dans son sein nous aide à être confiants. Animés par l’Esprit Saint, nous pourrons travailler ensemble pour le Royaume de Dieu que le Christ a inauguré dans ce monde, en venant parmi nous. C’est un Royaume de lumière au milieu de l’obscurité, de justice au milieu des nombreux outrages, de joie au milieu des multiples douleurs, de guérison et de salut au milieu des maladies et de la mort, de tendresse au milieu de la haine. Que Dieu nous accorde de “viraliser” l’amour et de mondialiser l’espérance à la lumière de la  foi.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Frères et sœurs, sous la protection de la Vierge Marie, mettons-nous à l’œuvre, chacun selon nos moyens, pour réaliser autour de nous une société où les derniers sont pris en considération au même titre que les premiers. Que Dieu vous bénisse !


 

 




Ste Thérèse de Lisieux, le Pape François et la Vierge Marie (Noéline Fournier)

Si quelqu’un connaît bien Thérèse et son Enseignement, c’est le Père Carme François-Marie LÉTHEL.

Ce spécialiste de la théologie des saints et Consulteur à la Congrégation pour les causes des Saints, a participé, entre autres travaux, à la préparation du Doctorat de Thérèse, déclaré trente-troisième Docteur de l’Eglise par Jean-Paul II en 1997 (et que le Père LÉTHEL appelle affectueusement pour cette raison « la grande trente-troisième »).

Cet accompagnateur spirituel et prédicateur de retraite recherché, a également prêché, en 2011, les exercices spirituels de carême au Pape Benoît XVI et aux cardinaux de la Curie. Il a consacré à la Sainte de Lisieux quatre des dix-sept méditations de cette retraite.

La « grande petite » Carmélite est placée au même niveau que Saint Thomas d’Aquin, et même encore plus haut, comme l’a affirmé le Pape émérite dans son allocution finale de cette retraite.

Selon le Père François-Marie, le rayonnement de Thérèse, déjà si grand, ne fait que commencer et il n’hésite pas à affirmer que « le troisième millénaire sera thérésien ou ne sera pas » !

Pour le Père François-Marie, derrière le récit à la première personne se cache un livre éminemment centré sur le Christ :

« Histoire d’une âme est l’œuvre d’une femme qui ne craint pas de parler continuellement d’elle-même, en racontant sa vie, son expérience la plus objective.

Mais, en réalité, ce n’est pas tant d’elle-même qu’elle parle, mais continuellement de Lui, Jésus, qui remplit toute sa vie. »

Le prêtre et religieux Carme voit « Histoire d’une âme », comme « un catéchisme ou un manuel de combat spirituel ». Pour lui, ce « chant d’amour » est un chef d’œuvre d’une richesse immense et qui touche tout le monde : « Il contient tous les grands thèmes de la vie chrétienne et fait entrer dans le cœur de tout le monde les grands contenus de la Foi Catholique : l’Amour de Jésus, de la Trinité, de la Sainte Vierge ».

 

« Il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses Saints », dit un proverbe.

De son côté, l’Eglise affirme que le Christ est l’unique intercesseur auprès du Père en faveur des hommes. Mais, en vertu du mystère de la Communion des saints, Dieu permet aux Saints du Ciel de participer à l’intercession du Christ et aux hommes de passer par eux pour toucher son Cœur de Père.

En effet, le Pape François voit et aime Marie comme Thérèse la voit et l’aime.

Pour le Pape, Marie est « normale » et donc « imitable ». Il l’a confié à un prêtre et journaliste : Don Marco Pozza, en insistant sur la « normalité » de la Mère de Dieu :

« La Vierge Marie est une jeune fille normale (…) éduquée normalement, ouverte au mariage, à fonder une famille (…). Toutes les femmes dans le monde peuvent dire : « Mais je peux imiter Marie parce qu’elle est normale ! » Même son mariage virginal, chaste, a été un mariage normal : travailler, faire les courses, faire les choses de la maison, éduquer son fils, aider son mari. »

 

Pour Thérèse, également, Marie est normale et imitable. La Religieuse s’en est elle-même expliquée à ses sœurs quelques semaines avant sa mort dans une longue confidence, dont voici un extrait :

 

« Pour qu’un sermon sur la Sainte Vierge me plaise et me fasse du bien, il faut que je voie sa vie réelle, pas sa vie supposée, et je suis sûre que sa vie réelle devait être toute simple. On nous la montre inabordable, il faut la montrer imitable (…) dire qu’elle vivait sa Foi comme nous, en donner des preuves par l’Evangile ».

 

Quelle convergence de vue entre la Carmélite Docteur de l’Eglise et le Pape Jésuite !

La convergence ne s’arrête pas là et elle culmine même dans la relation qu’ils ont l’un et l’autre avec la Mère de Dieu : une Relation Filiale.

Pour Thérèse, « la Sainte Vierge est la Reine du Ciel et de la terre, mais elle est plus Mère que Reine ». Elle, qui fit l’expérience de la tendresse maternelle de Marie à travers son « ravissant sourire ». Elle le raconte dans ses manuscrits :

« Ne trouvant aucun secours sur la terre, la pauvre petite Thérèse s’était aussi tournée vers sa Mère du Ciel, elle la priait de tout son cœur d’avoir enfin pitié d’elle (…) Tout à coup la Sainte Vierge me parut belle, si belle que jamais je n’avais rien vu de si beau, son visage respirait une bonté et une tendresse ineffable, mais ce qui me pénétra jusqu’au fond de l’âme ce fut le « ravissant sourire de la Sainte Vierge ».

 

 

Elle revivra cette expérience quatre ans plus tard à Paris, devant la statue de Notre-Dame-des-Victoires :

« Ah ! ce que j’ai senti à ses pieds, je ne pourrais le dire (…)

La Sainte Vierge m’a fait sentir que c’était vraiment elle qui m’avait souri et qui m’avait guérie.

J’ai compris qu’elle veillait sur moi, que j’étais son enfant, aussi je ne pouvais plus lui donner que le nom de « maman » car il me semblait encore plus tendre que celui de Mère ».

Comme en écho à sa chère petite Thérèse, le Pape François, chez qui la tendresse est un leitmotiv et même presque comme une seconde nature, n’a pas craint d’affirmer récemment :

« Marie est ma Maman. »

En novembre 2016, face aux Supérieurs majeurs des Ordres et Congrégations Religieuses, il avait précisé :

« La vraie Sainte Vierge n’est pas un chef de bureau de poste qui envoie chaque jour une lettre différente disant : « Mes enfants, faites ceci et puis le jour suivant, faites cela ». Non, la vraie Sainte Vierge, est celle qui fait naitre Jésus dans notre cœur, celle qui est Mère. Cette mode de la Vierge Superstar, comme protagoniste qui se met elle-même au centre, n’est pas catholique ».

Le Pape François a invité les croyants à adopter trois attitudes vis-à-vis de Marie :

« Se laisser regarder par elle, dont les yeux réfléchissent sur nous le paradis ; elle qui, quand elle nous regarde ne voit pas des pécheurs mais des fils et qui nous dit : « Chers enfants, courage ; je suis là, votre mère ». »

« Le regard maternel de Marie », a-t-il ajouté, « donne Confiance, aide à grandir dans la Foi, à nous aimer entre nous et nous rappelle que la tendresse, qui remédie à la tiédeur, est essentiel pour la Foi.

Se laisser embrasser par elle, qui embrassait tout, c’est-à-dire retenait tout, méditait tout et portait tout, et qui aujourd’hui, désire embrasser toutes nos situations pour les présenter à Dieu.

Marie dont l’étreinte est essentielle, a-t-il ajouté, est la Mère de la Consolation : qui console, c’est-à-dire qui est avec celui qui est seul.

Se laisser prendre par la main par elle, qui aide à passer les virages les plus difficiles de l’histoire, pour ne pas perdre la direction et rester sur le Chemin de la Vie, de la Liberté et de l’Unité.

Dieu ne s’est pas passé de sa mère, à plus forte raison en avons-nous besoin », a-t-il conclu.

Le Pape François a une grande Confiance en Marie, comme autrefois Thérèse :

« Jamais la sainte Vierge ne manque de me protéger aussitôt que je l’invoque. S’il me survient une inquiétude, un embarras, bien vite, je me tourne vers elle et toujours, comme la plus tendre des mères, elle se charge de mes intérêts », a-t-elle confié dans ses manuscrits.

« Chez Thérèse, le Christ est au cœur et au centre, comme en témoigne sa devise au Carmel :

« Aimer Jésus et le faire aimer ».

Dans ses écrits, elle parle de lui partout, quand elle ne s’adresse pas directement à lui. Pour elle, « Jésus est tout » et « Qui a Jésus, a tout ».

Comment se traduit le ‘Christocentrisme’ du Pape et de la Carmélite ?

Notamment par la place que l’un et l’autre, chacun selon sa vocation et sa place dans l’Eglise, donne à l’Evangile : ce livre qui rapporte, en quatre manuscrits différents et complémentaires, les Faits, Gestes et Paroles du Christ, durant sa vie terrestre. Ce choix n’est pas venue d’emblée mais s’est imposé peu à peu.

C’est d’abord l’Imitation de Jésus Christ qui a la préférence de Thérèse quand elle a 14 ans. Elle connaît par cœur tous les chapitres de sa « chère Imitation » et ce livre ne la quitte jamais. Puis elle découvre d’autres nourritures mais petit à petit l’Evangile élimine tous les concurrents, comme elle l’explique elle-même :

« Ah ! Que de lumières n’ai-je pas puisées dans les œuvres de Notre Père St Jean de la Croix ! À l’âge de 17 et 18 ans je n’avais pas d’autre nourriture spirituelle, mais plus tard tous les livres me laissèrent dans l’aridité et je suis encore dans cet état. Si j’ouvre un livre composé par un auteur spirituel (même le plus beau, le plus touchant), je sens aussitôt mon cœur se serrer et je lis sans pour ainsi dire comprendre, ou si je comprends, mon esprit s’arrête sans pouvoir méditer (…)

Dans cette impuissance, l’Ecriture Sainte et l’Imitation viennent à mon secours ; en elles je trouve une nourriture solide et toute pure.

Mais c’est par-dessus tout l’Evangile qui m’entretient pendant mes oraisons, en lui je trouve tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelle Lumières, des sens cachés et mystérieux ».

L’Evangile est donc son livre de référence numéro un. Elle le porte constamment sur elle. Dans sa cellule, elle recopie de nombreux passages. Elle y fait sans cesse référence auprès de ses novices et dans ses récits.

« Puisque Jésus est remonté au Ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’Il a laissées, mais que ces traces sont lumineuses, qu’elles sont embaumées !

Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le Saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la Vie de Jésus et je sais de quel côté courir…

Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance ; au lieu de m’avancer avec le pharisien, je répète, remplie de Confiance, l’humble prière du publicain ; mais surtout j’imite la conduite de Madeleine, son étonnante ou plutôt son amoureuse audace qui charme le Cœur de Jésus, séduit le mien ».

 

Le Pape François aussi insiste à temps et à contretemps sur l’importance du livre du Maître. Ainsi, le mercredi 17 septembre 2014, lors d’une de ses catéchèses sur l’Eglise, il a donné ce conseils aux fidèles présents place saint-Pierre :

« Il est toujours bon d’avoir avec nous un petit Évangile, pour l’emporter dans sa poche, dans son sac, et d’en lire un passage au cours de la journée. Cela nous fait du bien ».

 

 

 

 

CHANT A MARIE

La première en chemin, Marie tu nous entraines

A risquer notre ‘oui’ aux imprévus de Dieu.

Et voici qu’est semé en l’argile incertaine

De notre humanité, Jésus-Christ, Fils de Dieu.

R : Marche avec nous Marie, sur nos chemins de Foi,

     Ils sont chemins vers Dieu, ils sont chemins vers Dieu.

 

« Thérèse de Lisieux ou La saga d’une Petite Sœur »

Bernard GOULEY, Rémi MAUGER, Emmanuelle CHEVALIER.

Ed. Fayard 1997.

 

Noéline FOURNIER

                  Carmel des Avirons – Ile de la Réunion

 




27ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 3 Octobre et dimanche 4 Octobre 2020

27e dimanche ordinaire :
Isaïe 5 1–7 ; Philippiens 4 6–9 ; Matthieu 21 33–43

 

A l’époque d’Isaïe, les propriétaires avaient une préférence pour la culture de la vigne. Isaïe, en partant de la réalité de la vie quotidienne, nous explique, de manière allégorique, comment Dieu se conduit envers son peuple. Mon « Bien-aimé, c’est Dieu, et la vigne est le peuple choisi par Dieu. Dieu prend soin de sa vigne : Il bêche, il enlève les pierres, il plante du raisin vermeil, il bâtît une tour à la place d’une hutte faite de branchages, creuse un pressoir. Il attendait de beaux raisins de cette vigne, mais elle donna des raisins sauvages. Ce peuple choisi par Dieu n’a pas tenu compte de toutes ces petites attentions de Dieu à son égard. Dieu en attendait la pratique du droit et de la justice, il récolte l’iniquité, l’injustice. Ce thème se retrouve dans l’Evangile selon Matthieu. Comme d’habitude, Jésus évoque une parabole, qui est construit également comme une allégorie, en partant de la réalité de l’époque. Les propriétaires des vignes les confiaient à des vignerons contre une rémunération. Et pendant qu’ils travaillaient la vigne, les propriétaires partaient au loin, parfois à l’étranger. Mais ces propriétaires avaient également des émissaires, c’est-à-dire des personnes chargées d’une mission plus ou moins secrète qu’ils envoyaient auprès des vignerons. Selon le droit juif de l’époque, si le propriétaire d’un terrain mourait sans héritier ce terrain appartenait à celui qui l’occupait le premier. D’où cette réflexion des vignerons : « Celui-ci est l’héritier : venez ! tuons-le, que nous ayons son héritage ». Dans une allégorie, chaque mot important a une signification propre : Le propriétaire de la vigne c’est Dieu, et la vigne est le peuple de Dieu, Israël. V.34 : « Quand approcha le moment des fruits, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour en recevoir les fruits ». Les serviteurs sont les prophètes envoyés auprès des vignerons (homicides), c’est-à-dire des Juifs qui ne croient pas en Dieu afin de les convertir. « 35 Mais les vignerons se saisirent de ses serviteurs (les prophètes), battirent l’un, tuèrent l’autre, en lapidèrent un troisième. 36 De nouveau Dieu envoya d’autres prophètes, plus nombreux que les premiers, et ils les traitèrent de même ». C’est ici l’histoire de l’Ancien Testament, où Dieu envoie ses prophètes pour conduire son peuple selon ses commandements, mais le peuple n’est pas fidèle à Dieu et préfère se tourner vers les idoles, comme c’était le cas pour le veau d’or. Les prophètes sont maltraités.

« 37 Finalement Dieu leur envoya son fils, en se disant : Ils respecteront mon fils. 38 Mais les vignerons homicides (ceux qui ne croient pas en J.C.), en voyant le fils, se dirent par-devers eux : Celui-ci est l’héritier : venez ! tuons-le, que nous ayons son héritage. 39 Et, le saisissant, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent ». Et voilà le Fils de Dieu, cloué sur la croix par tous les juifs incrédules. Disons toute de suite que ce ne sont pas les Juifs, en tant que Juifs, qui ont tué le Christ, mais plutôt les pécheurs du monde entier. CEC 598 : « L’Église… n’a jamais oublié que  » les pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les peines qu’endura le divin Rédempteur  » (Catech. R. 1, 5, 11 ; cf. He 12, 3). Tenant compte du fait que nos péchés atteignent le Christ Lui-même (cf. Mt 25, 45 ; Ac 9, 4-5), l’Église n’hésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus…: « Nous devons regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la croix, à coup sûr ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal  » crucifient de nouveau dans leur cœur, autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés et le couvrent de confusion  » (He 6, 6). Et il faut le reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’apôtre,  » s’ils avaient connu le Roi de gloire, ils ne l’auraient jamais crucifié  » (1 Co 2, 8). Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. Et lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains meurtrières (Catech. R. 1, 5, 11). S. François d’Assise ajoute : « Et les démons, ce ne sont pas eux qui L’ont crucifié ; c’est toi qui, avec eux, L’as crucifié et Le crucifies encore, en te délectant dans les vices et les péchés (S. François d’Assise, admon. 5, 3).

Jésus dit à Padre Pio : P.85 : « Mon fils, ne crois pas que mon agonie n’ait duré que trois heures, non, à cause des âmes que j’ai le plus comblées, je serai en agonie jusqu’à la fin du monde. Pendant le temps de mon agonie, mon fils, il ne faut pas dormir. Mon âme va à la recherche de quelques gouttes de piété humaine; mais hélas, je suis seul sous le poids de l’indifférence. L’ingratitude et la somnolence de mes ministres (c’est-à-dire de tous ceux qui sont au service de l’Eglise) me rendent plus pénible mon agonie. Hélas, comme ils répondent mal à mon amour ! Ce qui m’afflige le plus, c’est que ceux-ci ajoutent à leur indifférence le mépris et l’incrédulité »… « v.40 Que fera donc le maître de la vigne à ces vignerons-là ? 41 Ils lui disent : Il fera misérablement périr ces misérables, et il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en livreront les fruits en leur temps ». Le Maître de la vigne, Dieu, dit l’Évangile de Matthieu, « fera périr ces misérables ». Rappelons que Dieu est Amour, et s’Il est Amour, de Lui ne sortira que de l’amour. Dieu est Vie et ne donne que la Vie, jamais de mort. Il est venu sur terre pour nous sauver. Ceux qui, volontairement, de manière consciente, ne veulent pas suivre le Christ vont eux-mêmes à leur perte par le fait même de leur éloignement par rapport au Christ. Et comme Dieu est Miséricordieux, il faut vraiment le vouloir pour aller en Enfer. Dieu compte sur « d’autres vignerons pour avoir des fruits de la vigne ». « Le Royaume de Dieu vous sera retiré pour être confié à un peuple qui lui fera produire ses fruits ». Le peuple juif de l’époque ayant condamné le Christ à mort, c’est vers les païens que Paul se tourne pour les convertir au Christ. Et aujourd’hui, ces vignerons nouvelle génération sont ceux qui, à la suite du Christ, et avec l’aide de l’Esprit Saint, font leur maximum pour emmener avec eux tous les êtres humains, sans exception, au Royaume de Dieu. Il est vrai que la tâche du chrétien ne sera jamais facile, mais à Dieu rien n’est impossible. Le Christ, étant devenu la pierre d’angle, pierre de faîte, nous devons nous centrer sur le Christ. Le Pape François nous dit (« Amour, Service et Humilité » – P.84) : « Il nous faut toujours guerroyer sans cesse pour suivre notre Seigneur de toujours plus près.… Il y a un lien très étroit entre le fait de suivre le Seigneur, et la connaissance que nous avons de Lui. Mieux nous le connaissons, mieux nous connaissons le timbre de sa voix. P.90 : « Celui qui est disposé à recevoir le Seigneur de tout son cœur pourra Le connaître et Le suivre. En revanche, les cœurs inattentifs, dispersés, superficiels, centrés sur toute autre chose que sur l’essentiel, tuent le désir de Dieu et de communion à son Mystère…Il y a dans l’Eglise des hommes et des femmes brûlants de « grands désirs » qui, tout au long de leur vie, cherchent à suivre le meilleur des guides ». – Sainte Thérèse d’Avila nous aide dans le choix du chemin à suivre (Chemin de la Perfection – P.138) : « Le chemin qu’il s’agit de suivre est le chemin royal qui conduit au ciel. Dès lors qu’en le parcourant, on gagne un grand trésor, rien d’étonnant à ce qu’il nous semble coûter cher. Un temps viendra où vous comprendrez le peu de valeur de toutes les choses d’ici-bas, en comparaison d’un bien si précieux…A ceux qui veulent suivre ce chemin…il est pour eux d’une importance extrême, et même capitale, de prendre la résolution ferme et énergique de ne point cesser de marcher (tant) qu’ils ne soient (pas) arrivés à la source de vie. Ainsi donc, qu’ils avancent malgré toutes les difficultés, malgré tous les obstacles, malgré tous les travaux et malgré tous les murmures; que leur ambition soit d’atteindre le but ». Dieu ne conduit pas toutes les âmes par le même chemin. Pour Grignion de Monfort rien de mieux pour attirer Dieu en nous que de joindre l’oraison vocale et l’oraison mentale, en récitant le saint Rosaire et en méditant les 20 mystères qu’il renferme.

Pour Thérèse d’Avila, Le « Notre Père » et l’Ave Maria peuvent suffire à ceux et celles qui prient : « Si vous vous attachez avec zèle au Pater et si vous demeurez dans l’humilité, vous n’avez pas besoin d’autre chose…car la valeur de la prière est fonction, dans une âme, de la qualité de son comportement moral. Impossible de concevoir l’oraison comme une activité autonome qui pourrait coexister avec une vie chaotique. Les conseils ascétiques préliminaires se ramènent à trois chefs principaux: amour fraternel, détachement à l’égard des créatures, humilité veritable…(P.142) suivez seulement ceux que vous verrez imiter fidèlement la vie du Christ. Veillez à garder la pureté de la conscience, l’humilité et le mépris de tous les biens d’ici-bas. Croyez fermement ce qu’enseigne notre Mère, la sainte Eglise; et soyez assurés que vous suivez le bon chemin ».

A ceux qui auront fait un bout de chemin pour suivre le Christ, peu importe qu’il ait fait un an, deux ans, dix ans, soixante ans ou quatre-vingts ans pour certains, ou même pendant quelques secondes comme pour les derniers ouvriers de la vigne ou comme pour le bon larron, et bien qu’ils aient été imparfaits, découragés, même si à un certain moment de leur vie ils se sont éloignés du Christ, ce dernier pourra leur dire comme il l’a dit à Sœur Faustine : « §86 – Ce n’est pas la réussite que Je récompense, mais la patience et la peine prises pour Moi ». Et de manière plus personnelle, plus intime, au plus profond du cœur de chaque chrétien, il chuchotera comme il l’a fait à un moine Chartreux :« N’aie crainte ! Ce n’est pas un idéal haut, ni une morale élevée que je te propose et que tu te sais bien incapable de réaliser. Je ne te sermonne pas. Je te connais trop bien. D’accord, tu es pécheur, tu ne vaux rien, tu ne sais pas aimer ni faire de grands actes. Mais ne comprends-tu pas ? Cela n’a aucune importance. Je t’ai aimé exactement comme tu es. J’ai pris sur moi-même tes faiblesses, je les ai partagées, toutes sauf ton péché. N’en parlons plus. Tout cela est vaincu, fini. ». C’est pourquoi, Paul nous dit à son tour : « 6 N’entretenez aucun souci; mais en tout besoin recourez à l’oraison et à la prière, pénétrées d’action de grâces, pour présenter vos requêtes à Dieu. 7 Alors la paix de Dieu…prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ Jésus ». Nous devons nous préoccuper de « tout ce qu’il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines ». Autrement dit, ayons un moral tourné vers tout ce qui est divin, car c’est l’Esprit de Dieu qui nous guide en ce sens. Ph 4,9 : « Ce que vous avez appris, reçu, entendu de moi et constaté en moi, voilà ce que vous devez pratiquer. A nous de mettre en pratique les commandements de Dieu et les enseignements du Christ. A cause de nos faiblesses, demandons à Marie de nous accompagner à la suite du Christ.




27ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 21, 33-43) – Francis COUSIN)

« La vi(gn)e et la mort. »

 

Troisième dimanche de suite où Jésus nous parle de la vigne.

Rappelons-nous que « la vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël » (Is 5,7, première lecture), et ce qui suit maintenant : l’Église.

Il y a quinze jours, le propriétaire, Dieu, ne cessait d’embaucher des ouvriers pour y travailler, et tous recevait le même salaire : la Vie Éternelle.

La semaine dernière, deux comportements contradictoires pour travailler à la vigne : l’un dit oui et fait non, l’autre dit non et répond oui.

Cette semaine on va encore plus loin dans la discussion entre Jésus et les grands prêtres et les anciens du peuple, c’est-à-dire pour la plupart des pharisiens.

Dieu est amour, et bien entendu, il montre de l’amour pour son peuple choisi : il fait tout pour qu’il puisse vivre correctement, en travaillant bien sûr, mais à l’abri et avec tout ce qu’il faut : « Il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde ». Et il la donne en location à son peuple.

Mais le peuple s’éloigne de Dieu. Des dix paroles de Dieu, ils en ont fait une loi avec 613 prescriptions, à cause de l’endurcissement de leur cœur, et certains mènent une vie contraire à cette loi. Échec de Dieu ?

Alors Dieu envoie des messagers, les prophètes, pour régler les comptes, mais ils ne sont pas écoutés par son peuple (mais parfois écoutés par les étrangers : Ninive !). Échec de Dieu ?

Dieu envoie son Fils : « Ils respecterons mon fils ! ». Mais son peuple le tue pour avoir « l’héritage ». Échec de Dieu ?

Les pharisiens, qui connaissent bien la bible, ont reconnu, en entendant Jésus, le passage d’Isaïe et le psaume de ce jour. Mais pas la mort du fils … ils ne le savaient pas encore … Alors, quand Jésus leur demande quelle sera la réaction du propriétaire de la vigne, ils répondent crânement : « Il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons. ».

Réponse à moitié fausse.

Car Dieu qui est amour ne va pas exterminer le peuple qu’il avait choisi !

Mais à moitié vraie, car il louera la vigne à ceux qui reconnaîtrons l’amour de Dieu dans le don de son Fils qui a donné sa vie pour nous, et par sa résurrection qui nous ouvre à la vie éternelle.

Échec de Dieu ? Pas vraiment, car c’est un échec apparent qui masque l’amour inconditionnel de Dieu pour les hommes, qui sans cesse se renouvelle.

Une chose sur laquelle il faut revenir : par deux fois on parle de louer la vigne. Dieu loue la vigne à des vignerons homicides, puis il l’a louera à d‘autres.

C’est pour nous les hommes un rappel : la vigne, le raisin, le produit de la terre n’est pas notre propriété. Nous n’en sommes que les bénéficiaires …

Certes, Dieu nous a confié la terre : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. » (Gn 1,28).

Et nous, avec la traduction « soumettez-la », on a compris que nous étions des « commandeurs » vis-à-vis de la terre, que nous pouvions en faire ce que nous voulions, que nous pouvions « en tirer le maximum » comme bon nous semblait …

Et ce faisant, nous nous sommes comportés comme si « nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. » (Laudato Si’ 2).

Or l’utilisation à plein, « et le gaspillage des ressources de la Création commence là où nous ne reconnaissons plus aucune instance au-dessus de nous, mais ne voyons plus que nous-mêmes » (Benoît XVI cité en LS 6).

Nous nous sommes coupés de Dieu.

Nous sommes comme les vignerons de la parabole qui n’ont pas seulement tué le fils, mais surtout l’héritier … pour prendre pour eux la propriété du père.

Nous nous comportons comme si nous étions Dieu … mais sans l’amour que lui a pour la création …

Non seulement nous utilisons et défigurons la nature, mais nous voulons (pas tout le monde, heureusement) défigurer l’homme, image de Dieu, en voulant imposer des lois iniques sur l’avortement, la PMA, la GPA, l’euthanasie et toutes sortes de choses contraires à la nature humaine, au nom du « progrès » ( ??? ) et parce que tout le monde le fait …

Bonjour les moutons de Panurge …

En ce jour, où nous fêtons saint François d’Assise et la fin de la Saison de la Création, gardons l’humilité de nous reconnaître tous comme des éléments de la création, parmi d’autres, doués de raison, certes, mais pas toujours raisonnables

Père éternel,

tu nous as confié la terre

 pour que nous en vivions … ,

mais nous avons coupé les ponts avec toi,

et maintenant nous nous la sommes appropriée,

et nous l’exploitons sans vergogne.

Aide-nous à reconnaître,

et à faire reconnaître par les autres,

le mal que nous lui faisons.

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 27°




26ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 21, 28-32) – Francis COUSIN)

« La parole et les actes. »

 

L’évangile de ce jour nous parle d’un père qui propose à ses deux enfants d’aller « travailler à la vigne ». L’un dit « oui » et n’y va pas, l’autre dit « non », puis se ravise et y va.

Deux comportements différents qu’il nous est arrivé à tous d’avoir eu … pour diverses raisons, parce que le temps entre la réponse à la question et la démarche de faire ou ne pas faire l’action, ce temps de discernement, nous a permis d’analyser la demande et de voir si celle-ci était bonne pour tout le monde, ou seulement pour nous et pas pour les autres.

Dans le passage d’évangile, la demande est plus large.

On remarquera que le père ne parle pas de « sa » vigne, ou de « notre » vigne, mais de « la » vigne … comme s’il n’y qu’une seule vigne …

Or, dans la littérature biblique, la vigne est celle du Seigneur : « La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël » (Is 5, 7), c’est le peuple élu, choisi par Dieu, … d’où les reproches fait par Jésus aux grands prêtres et aux anciens qui ne se sont « même pas repentis plus tard pour croire à la parole » de Jean-Baptiste.

C’est la vigne que ceux-ci ont voulu prendre pour eux en tuant le fils du propriétaire (parabole des vignerons homicides) … et qui sera donnée à d’autres …

… à ceux qui ont cru à la parole de Jean-Baptiste et à celle de Jésus … et à celle de ses disciples, c’est-à-dire à l’Église …

La demande du père est donc celle du Père de Jésus, celui que nous appelons « Notre Père », qui s’adresse à nous aussi : « Va travailler aujourd’hui à la vigne. », … dans mon Église …

Quelle réponse vais-je donner ?

D’abord, est-ce que j’ai envie de me mettre au service de l’Église ?

Pas nécessairement un service matériel. Ce peut être par l’exemple que je peux montrer ma foi … en répondant à des questions qu’on peut me poser sur ma foi, sur l’Église … en étant un exemple pour mes enfants …

Mais on peut me demander de rendre un service.

Ma réponse dépendra de ce qu’on me demande … de mes compétences, de ma disponibilité, … mais surtout de ce qu’il y a dans mon cœur …

Saint Paul nous donne quelques conseils pour que notre cœur corresponde à ce que veut Jésus : « Recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres. », comme l’a fait Jésus : « Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (deuxième lecture).

On peut refuser au départ, et on peut avoir de bonnes et justes raisons pour le faire, … mais il peut arriver que ce soit simplement parce qu’on veut être tranquille, qu’on ne veut pas être ennuyé, parce qu’en fait, on ne s’intéresse pas véritablement aux autres … et peut-être qu’après avoir réfléchi, analysé la situation, on revienne sur sa décision … à un moment ou à un autre …

Dieu est patient … et surtout il sera très heureux de vous voir revenir travailler à sa vigne …

Car n’oublions pas : « la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. » (Jc 2,17).

Écoutons, et faisons nôtre cette prière du père Christian Delorme :

Avec toi, Ô Christ,

je me découvre un des fils bien-aimés du Père Éternel.

Il m’appelle à me mettre à la tâche.

J’entends sa voix qui vient murmurer à mon cœur.

Ce n’est pas une voix qui ordonne brutalement.

C’est jeune voix qui suggère,

une voix amicale, presque une voix qui supplie :

« Prends soin de ma vigne, me chuchote le Père.

J’ai besoin de toi et je compte sur toi ! » (…)

Toi qui n’as jamais cessé de faire la volonté du Père,

aide-moi à me montrer enfin

un bon ouvrier et un bon fils.

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 26°




Porté par la ferveur ou luttant contre l’inertie (P. Matta el-Maskîne)…

Quand l’homme est fervent, embrasé par l’Esprit, la prière de méditation lui devient facile, spontanée, sans besoin d’effort de concentration ou de sentiments forcés ; on l’appelle dans ce cas, la prière simple ou spontanée ; elle est confidence intime, chaleureuse et aimante de l’âme à son créateur, de ce qu’elle ressent intérieurement, que ce soit pour le glorifier pour ses œuvres, ses qualités, sa sagesse, ou le remercier pour sa miséricorde et son immense et discrète sollicitude. L’âme peut alors s’embraser durant cette méditation silencieuse, ne plus supporter de se taire et commencer à prier avec les mots qui partent sans frein, exprimant l’amour, l’adoration et la soumission comme l’enfant exprime avec ses faibles mots ses immenses sentiments ; le cœur est alors ouvert devant Dieu, sentant tout ce que remue en lui l’indicible toucher de la main divine.

Mais si l’homme veut entrer en méditation sans avoir une ardeur préalable qui l’incite d’emblée à la prière du cœur, il a besoin d’un certain effort intérieur et d’une concentration mentale qui permettent à l’âme de vaincre son inertie, et à l’intellect de se libérer de ses préoccupations extérieures, pour entrer dans une lecture spirituelle consciente qui l’élève au niveau de la prière. Il est alors appelé à se secouer intérieurement, et la conscience doit s’opposer volontairement à toutes les préoccupations psychologiques et mentales qui l’ont portée à se dessécher et à négliger l’adoration, la prière et le contact avec Dieu.

L’effort de la conscience s’appuie sur l’amour pour vaincre l’inertie et les préoccupations extérieures. L’homme qui avance volontairement et de tout cœur vers l’amour de Dieu, même s’il s’y contraint au début, sent soudain l’amour divin l’envahir, car l’action divine épaule toujours l’effort humain et s’unit finalement à lui.

La volonté doit donc rester active et patiente, attendant qu’arrive la force divine, qui l’envahira de chaleur spirituelle, pour que la personne puisse enfin s’élancer vers les profondeurs et commencer sa prière et sa méditation dans l’aisance et la joie.

Cette démarche de l’esprit durant la lecture spirituelle conduit l’homme de la sécheresse intérieure et de la préoccupation mentale pour les choses de ce monde, à la concentration intérieure, à l’ardeur spirituelle et à la prière. Elle est considérée, en vérité, comme la démarche spirituelle la plus importante et la plus délicate de toute vie de prière, la seule porte qui ouvre sur les secrets de la vie spirituelle, la première marche de l’échelle céleste qui relie l’âme à son Créateur.

Dans ces instants-là, l’homme peut rencontrer une certaine résistance de l’âme, alors dispersée dans des soucis et des préoccupations multiples qui n’ont ni valeur ni sens ; il peut affronter aussi la rouerie d’un intellect passant d’une représentation à une autre, d’une pensée à une autre, distrait par des sujets tout à fait insignifiants. Alors, c’est à la volonté, armée d’une intention intérieure sincère, de maintenir le cap avec ténacité, accrochée à l’amour, polarisée sur le Visage du Christ, dans l’attente et la supplication, jusqu’à ce que la grâce divine la retrouve, la libère et lui rende amour pour amour.

P. Matta el-Maskîne, « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »