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Porté par la ferveur ou luttant contre l’inertie (P. Matta el-Maskîne)…

Quand l’homme est fervent, embrasé par l’Esprit, la prière de méditation lui devient facile, spontanée, sans besoin d’effort de concentration ou de sentiments forcés ; on l’appelle dans ce cas, la prière simple ou spontanée ; elle est confidence intime, chaleureuse et aimante de l’âme à son créateur, de ce qu’elle ressent intérieurement, que ce soit pour le glorifier pour ses œuvres, ses qualités, sa sagesse, ou le remercier pour sa miséricorde et son immense et discrète sollicitude. L’âme peut alors s’embraser durant cette méditation silencieuse, ne plus supporter de se taire et commencer à prier avec les mots qui partent sans frein, exprimant l’amour, l’adoration et la soumission comme l’enfant exprime avec ses faibles mots ses immenses sentiments ; le cœur est alors ouvert devant Dieu, sentant tout ce que remue en lui l’indicible toucher de la main divine.

Mais si l’homme veut entrer en méditation sans avoir une ardeur préalable qui l’incite d’emblée à la prière du cœur, il a besoin d’un certain effort intérieur et d’une concentration mentale qui permettent à l’âme de vaincre son inertie, et à l’intellect de se libérer de ses préoccupations extérieures, pour entrer dans une lecture spirituelle consciente qui l’élève au niveau de la prière. Il est alors appelé à se secouer intérieurement, et la conscience doit s’opposer volontairement à toutes les préoccupations psychologiques et mentales qui l’ont portée à se dessécher et à négliger l’adoration, la prière et le contact avec Dieu.

L’effort de la conscience s’appuie sur l’amour pour vaincre l’inertie et les préoccupations extérieures. L’homme qui avance volontairement et de tout cœur vers l’amour de Dieu, même s’il s’y contraint au début, sent soudain l’amour divin l’envahir, car l’action divine épaule toujours l’effort humain et s’unit finalement à lui.

La volonté doit donc rester active et patiente, attendant qu’arrive la force divine, qui l’envahira de chaleur spirituelle, pour que la personne puisse enfin s’élancer vers les profondeurs et commencer sa prière et sa méditation dans l’aisance et la joie.

Cette démarche de l’esprit durant la lecture spirituelle conduit l’homme de la sécheresse intérieure et de la préoccupation mentale pour les choses de ce monde, à la concentration intérieure, à l’ardeur spirituelle et à la prière. Elle est considérée, en vérité, comme la démarche spirituelle la plus importante et la plus délicate de toute vie de prière, la seule porte qui ouvre sur les secrets de la vie spirituelle, la première marche de l’échelle céleste qui relie l’âme à son Créateur.

Dans ces instants-là, l’homme peut rencontrer une certaine résistance de l’âme, alors dispersée dans des soucis et des préoccupations multiples qui n’ont ni valeur ni sens ; il peut affronter aussi la rouerie d’un intellect passant d’une représentation à une autre, d’une pensée à une autre, distrait par des sujets tout à fait insignifiants. Alors, c’est à la volonté, armée d’une intention intérieure sincère, de maintenir le cap avec ténacité, accrochée à l’amour, polarisée sur le Visage du Christ, dans l’attente et la supplication, jusqu’à ce que la grâce divine la retrouve, la libère et lui rende amour pour amour.

P. Matta el-Maskîne, « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »




Audience Générale du Mercredi 16 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 16 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour!

Pour sortir d’une pandémie, il est nécessaire de se soigner et de nous soigner mutuellement. Et il faut soutenir ceux qui prennent soin des plus pauvres, des malades et des personnes âgées. On a l’habitude de laisser de côté les personnes âgées, de les abandonner: cela n’est pas bien. Ces personnes – bien définies par le terme espagnol “cuidadores”, ceux qui prennent soin des malades – exercent un rôle essentiel dans la société d’aujourd’hui, même si souvent elles ne reçoivent pas la reconnaissance et la rémunération qu’elles méritent. Prendre soin est une règle d’or de notre condition d’êtres humains, et cela apporte en soi la santé et l’espérance  (cf.  Enc. Laudato si’ [LS], n. 70). Prendre soin de celui qui est malade, de celui qui a besoin, de celui qui est laissé de côté: c’est une richesse humaine et également chrétienne.

Ce soin, nous devons également l’apporter à notre maison commune: à la terre et à chaque créature. Toutes les formes de vie sont liées (cf. ibid., nn. 137-138), et notre santé dépend des écosystèmes que Dieu a créés et dont il nous a chargé de prendre soin (cf. Gn 2, 15). En abuser, en revanche, est un grave péché qui crée des dommages, qui fait mal et qui rend malade (cf. LS, n. 8; n. 66). Le meilleur antidote contre cette usage impropre de notre maison commune est la contemplation (cf. ibid., n. 85; 214). Mais comment cela se fait-il? N’y a-t-il pas un vaccin pour cela, pour le soin de la maison commune, pour ne pas la laisser de côté? Quel est l’antidote contre la maladie de ne pas prendre soin de la maison commune? C’est la contemplation.  «Quand quelqu’un n’apprend pas à s’arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour lui objet d’usage et d’abus sans scrupule» (ibid., n. 215). Toutefois, notre maison commune, la création, n’est pas une simple “ressource”. Les créatures ont une valeur en elles-mêmes et «reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et bonté infinies de Dieu» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 339). Cette valeur et ce rayon de lumière divine doit être découvert et, pour le découvrir, nous avons besoin de rester en silence, nous avons besoin d’écouter, et nous avons besoin de contempler. Même la contemplation guérit l’âme.

Sans contemplation, il est facile de tomber dans un anthropocentrisme déséquilibré et orgueilleux, le “moi” au centre de tout, qui surdimensionne notre rôle d’êtres humains, en nous plaçant comme les dominateurs absolus de toutes les autres créatures. Une interprétation déformée des textes bibliques sur la création a contribué à cette vision erronée, qui conduit à exploiter la terre jusqu’à l’étouffer. Exploiter la création: voilà quel est le péché. Nous croyons être au centre, en prétendant occuper la place de Dieu et, ainsi, nous détruisons l’harmonie de la création, l’harmonie du  dessein de Dieu. Nous devenons des prédateurs, nous oublions notre vocation de gardiens de la vie. Certes, nous pouvons et nous devons travailler la terre pour vivre et nous développer. Mais le travail n’est pas synonyme d’exploitation, et il est toujours accompagné par le soin: labourer et protéger, travailler et prendre soin… Telle est notre mission (cf. Gn 2, 15). Nous ne pouvons pas prétendre continuer à grandir au niveau matériel, sans prendre soin de la maison commune qui nous accueille. Nos frères les plus pauvres et notre mère la terre gémissent à cause des dommages et de l’injustice que nous avons provoqués et ils réclament une autre route. Ils réclament de nous une conversion, un changement de route: prendre soin également de la terre, de la création.

Il est donc important de retrouver cette dimension contemplative, c’est-à-dire de regarder la terre, la création comme un don, pas comme quelque chose à exploiter pour le profit. Quand nous contemplons, nous découvrons chez les autres et dans la nature quelque chose de beaucoup plus grand que leur utilité. Le coeur du problème est là: contempler c’est aller au-delà de l’utilité d’une chose. Contempler la beauté ne veut pas dire l’exploiter: contempler est gratuité. Nous découvrons la valeur intrinsèque des choses que Dieu leur a conférée. Comme l’ont enseigné de nombreux maîtres spirituels, le ciel, la terre et la mer, chaque créature possède cette capacité iconique, cette capacité mystique de nous reconduire au Créateur et à la communion avec la création. Par exemple, saint Ignace de Loyola, à la fin de ses exercices spirituels, invite à se mettre en “contemplation pour parvenir à l’amour”, c’est-à-dire à considérer comment Dieu regarde ses créatures et à se réjouir avec elles; à découvrir la présence de Dieu dans ses créatures et, avec liberté et grâce, les aimer et en prendre soin.

La contemplation, qui nous conduit à une attitude de soin, n’est pas le fait de regarder la nature de l’extérieur, comme si nous n’y étions pas plongés. Mais nous sommes à l’intérieur de la nature, nous faisons partie de la nature. Elle se fait plutôt à partir de l’intérieur, en nous reconnaissant comme une partie de la création, en devenant des protagonistes et non de simples observateurs d’une réalité amorphe qui s’agirait seulement d’exploiter. Celui qui contemple de cette manière éprouve de l’émerveillement non seulement pour ce qu’il voit, mais également parce qu’il se sent faire partie intégrante de cette beauté; et il se sent également appelé à la préserver, à la protéger. Et il y a une chose que nous ne devons pas oublier: celui qui ne sait pas contempler la nature, la création, ne sait pas contempler les personnes dans leur richesse. Et celui qui vit pour exploiter la nature, finit par exploiter les personnes et les traiter comme des esclaves. C’est une loi universelle: si tu ne sais pas contempler la nature, il sera très difficile que tu saches contempler les gens, la beauté des personnes, ton frère, ta soeur.

Celui qui sait contempler se mettra plus facilement à l’œuvre pour changer ce qui cause la dégradation et des dommages à la santé. Il s’engagera à éduquer et à promouvoir de nouvelles habitudes de production et de consommation, à contribuer à un nouveau modèle de croissance économique qui garantisse le respect de la maison commune et le respect pour les personnes.  Le contemplatif en action tend à devenir un gardien de l’environnement: cela est beau! Chacun de nous doit être un gardien de l’environnement, de la pureté de l’environnement, en cherchant à conjuguer les savoirs ancestraux de cultures millénaires avec les nouvelles connaissances techniques, afin que notre style de vie soit toujours durable.

Enfin, Contempler et prendre soin: voilà deux attitudes qui montrent la voie pour corriger et rééquilibrer notre relation d’êtres humains avec la création. Très souvent, notre relation avec la création semble être une relation entre ennemis: détruire la création à mon avantage; exploiter la création à mon avantage. N’oublions pas que cela se paye cher; n’oublions pas ce dicton espagnol: “Dieu pardonne toujours; nous pardonnons parfois; la nature ne pardonne jamais”. Aujourd’hui, je lisais dans le journal une nouvelle sur ces deux grands glaciers de l’Antarctique, près de la Mer d’Amundsen: il vont tomber. Ce sera terrible, parce que le niveau de la mer montera et cela provoquera de nombreuses, nombreuses difficultés et beaucoup de mal. Et pourquoi? A cause du réchauffement, du manque de soin de l’environnement, du manque de soin de la maison commune. En revanche, si nous avons cette relation – je me permets le mot – “fraternelle” au sens figuré avec la création, nous deviendons les gardiens de la maison commune, les gardiens de la vie et les gardiens de l’espérance, nous sauvegarderons le patrimoine que Dieu nous a confié afin que les générations futures puissent en jouir. Et certains peuvent dire: “Mais moi, je m’en tire bien comme ça”. Mais le problème n’est pas comment tu t’en tires aujourd’hui – c’était ce que disait un théologien allemand, protestant, compétent: Bonhoeffer – le problème n’est pas comment tu t’en tires toi, aujourd’hui; le problème est: quel sera l’héritage, la vie de la génération future. Pensons aux enfants, aux petits-enfants: que leur laisserons-nous si nous exploitons la création. Sauvegardons ce chemin, ainsi nous deviendrons des “gardiens” de la maison commune, des gardiens de la vie et de l’espérance. Sauvegardons le patrimoine que Dieu nous a confié, afin que les générations futures puissent en profiter. Je pense de manière particulière aux peuples autochtones, envers lesquels nous avons tous une dette de reconnaissance – et même de pénitence, pour réparer tout le mal que nous leur avons fait. Mais je pense également à ces mouvements, associations, groupes populaires, qui s’engagent pour protéger leur territoire avec ses valeurs naturelles et culturelles. Ces réalités sociales ne sont pas toujours appréciées, on leur fait même parfois obstacle, parce qu’elles ne produisent pas d’argent; mais en réalité, elles contribuent à une révolution pacifique, nous pourrions l’appeler la “révolution du soin”. Contempler pour prendre soin, contempler pour sauvegarder, nous sauvegarder, ainsi que la création, nos enfants, nos petits enfants et sauvegarder l’avenir. Contempler pour prendre soin et pour sauvegarder et pour laisser un héritage à la génération future.

Il ne faut cependant pas déléguer à certaines personnes ce qui est la tâche de chaque être humain. Chacun de nous peut et doit devenir un “gardien de la maison commune”, capable de louer Dieu pour ses créatures, de contempler les créatures et de les protéger.


François a ensuite salué les pèlerins francophones:

Je suis heureux de saluer les personnes de langue française. Demandons la grâce de savoir contempler les merveilles de Dieu, afin que se développe une responsabilité individuelle et communautaire vis-à-vis de la protection et de la sauvegarde de la création.

Que Dieu vous bénisse !




« A quoi sert le baptême ? »

Question : « A quoi sert le baptême puisque nous sommes tous les enfants de Dieu et d’autant plus que dès notre conception humaine, nous avons déjà l’Esprit-Saint ? »

 

Dieu nous a tous créés en « soufflant » en nous (Gn 2,4b-7) ce « souffle de vie » qui, dans la Bible, renvoie à l’Esprit Saint. Isaïe fait ainsi le parallèle entre ces deux notions, en un très beau verset à portée universelle (Is 42,5) : « Ainsi parle Dieu, Yahvé, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit à ceux qui la parcourent. »

Ainsi, ce « Dieu » qui « est Esprit » (Jn 4,24) a créé tout homme en se donnant en tout son Être, et donc en lui donnant, en tant que créature, d’être lui aussi ce qu’il est. Ainsi, tout homme est « esprit, âme et corps » : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ » (1Th 5,23).

« Dieu est Esprit » ? Nous sommes nous aussi « esprit » ? Nous participons donc déjà à ce que Dieu est en lui-même par le simple fait que nous avons été créés et lancés dans l’aventure de la vie…

« Dieu est Saint » ? « Dieu est Esprit Saint » ? Nous aussi, nous sommes, au plus profond de notre être « esprit saint », ce qui fait que tout homme a, en lui, un sens inné de la justice, de la vérité, de la droiture, de la loyauté, du ‘bien’, etc… A ce titre, nous avons en nous comme « une loi » dira St Paul, une « loi » qui n’est que l’expression de notre « être » profond : « Quand des païens privés de la Loi accomplissent naturellement les prescriptions de la Loi, ces hommes, sans posséder de Loi, se tiennent à eux-mêmes lieu de Loi ; ils montrent la réalité de cette loi inscrite en leur cœur, à preuve le témoignage de leur conscience, ainsi que les jugements intérieurs de blâme ou d’éloge qu’ils portent les uns sur les autres » (Rm 2,14-15)…

Maintenant, notre être « esprit » doit s’accomplir ; nous avons tous été créés pour vivre en relation avec Dieu dans l’Amour, l’entendre, le comprendre, lui répondre, vivre en communion avec lui…

Tout est donc dans « l’ouverture de cœur » à Dieu qui, de son côté, étant Amour, est toujours éternellement Don de tout ce qu’il est en lui-même… Le Pape François déclarait ainsi lors d’une audience à Rome : « Le premier pas que Dieu accomplit vers nous est celui d’un amour donné à l’avance et inconditionnel. Dieu nous aime parce qu’il est amour, et l’amour tend de nature à se répandre, à se donner » (14/06/2017). Lui ouvrir son cœur, c’est donc accueillir ce Don de l’Esprit. Refuser la relation avec lui, lui fermer son cœur, c’est toujours « vivre », mais sans connaître cette Plénitude que seul le Don de Dieu peut nous communiquer. En tant « qu’être créé pour la relation », nous pourrions prendre l’image d’une maison : notre esprit, notre cœur, est un maison, avec une porte qui peut être ouverte ou fermée. Et Dieu de son côté est un « soleil » : « Le Seigneur Dieu est un soleil… Il donne la grâce, il donne la Gloire » (Ps 84(83),12, et il le fait en donnant ce qu’il est en lui-même, c’est-à-dire en donnant l’Esprit. « Il donne la grâce » en donnant « l’Esprit de la grâce » (Hb 10,29). Il donne la gloire en donnant « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). Et ce Don est gratuit, universel, offert à tout homme, quel qu’il soit, où qu’il soit : « Votre Père qui est aux cieux fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45), l’eau étant encore dans la Bible un symbole de l’Esprit Saint (Jn 7,37-39; cf. Jn 4,10-14; Ez 36,24-28) : « Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi ! selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui » (Jn 7,37-39).

St Luc emploie alors l’expression « être rempli d’Esprit Saint » : au jour de la Pentecôte, « tous furent remplis de l’Esprit Saint » (Ac 2,4), « le Don de Dieu » (Ac 8,18-20)… Le projet de Dieu commençait donc à s’accomplir pour eux… Tel est le but du baptême et de tous les sacrements que nous vivons : ouvrir nos cœurs au Don de Dieu, que notre « esprit » soit « rempli par l’Esprit Saint », une image qui évoque la Plénitude, le Bonheur que l’on éprouve lorsqu’on ouvre son cœur à Dieu… On peut aussi dire que l’Esprit de Dieu s’unit à notre esprit pour lui permettre ainsi de vivre une Plénitude que lui seul peut nous communiquer : « Tu mets dans mon coeur plus de joie, que toutes leurs vendanges et leurs moissons » (Ps 4,8). Alors, « heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3) car « votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32), et il le fait en donnant l’Esprit Saint puisque « le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17)… Jésus accomplit ainsi le projet créateur de Dieu en nous donnant l’Esprit Saint : Dieu nous a créés « esprit » pour que nous soyons comblés par le Don de son Esprit ? Ressuscité, il apparaît à ses disciples, puis « il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22)…

La démarche du baptême que Jésus nous propose est donc une démarche pédagogique par laquelle nous allons découvrir où se cache notre vrai accomplissement… Et puisque Dieu, en créateur et Père de tous les hommes, « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,3-6), il frappe donc à la porte de tous les cœurs (Ap 3,20) par le Don de son Esprit… Heureux alors les hommes de bonne volonté qui n’ont peut être pas encore entendu la Bonne Nouvelle de l’Evangile ou qui marchent depuis leur plus tendre enfance sur un autre chemin religieux… Par leur bonne volonté, par leur recherche sincère de tout cœur, ils s’ouvrent eux aussi à cette Unique vérité et reçoivent, même s’ils n’en sont pas encore pleinement conscient, le Don de l’Esprit, et avec lui, la vraie joie, le vrai bonheur… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre à tous les hommes de bonne volonté » (Lc 2,14 ; traduction en latin de St Jérôme : « Gloria in altissimis Deo et in terra pax in hominibus bonae voluntatis. »). Mais ce sera encore mieux bien sûr lorsqu’ils pourront mettre les mots justes sur ce qu’ils vivent, et ces mots justes sont ceux que Dieu Lui-même nous a donnés avec et par son Fils, d’où l’importance d’annoncer le plus largement possible la Bonne Nouvelle de ce Dieu Amour qui s’est révélé avec et par le Fils Unique, l’éternel engendré, « le Sauveur du monde » (Jn 4,42)…

                                                                                                    D. Jacques Fournier




25ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 20,1-16) – Francis COUSIN)

« … afin d’embaucher des ouvriers

pour sa vigne. »

 

Au départ de cette parabole, il y a un appel par le maître du domaine auprès d’ouvriers pour travailler à sa vigne. Et il le fait plusieurs fois dans la journée. Son domaine, c’est l’Église.

À la fin, il y a la récompense du travail, le salaire … qui est le même pour tous : c’est la vie éternelle.

Souvent les commentaires se sont intéressés à la fin de la parabole, quand tout le monde touche le même salaire. C’est vrai qu’à nos yeux humains cela paraît inadmissible, avec notre droit du travail, nos mentalités païennes et intéressées … mais on ne peut pas multiplier la vie éternelle … cela n’a aucun sens.

Mais avant, tout au long de la journée, il y a le travail, … le développement de l’Église, … sa mission …

Et ce qui me semble intéressant, c’est de voir que le maître du domaine, c’est-à-dire Dieu, ne cesse de retourner au village pour embaucher de nouveaux ouvriers …

Faut-il donc que les besoins de son domaine soient immenses … que les besoins de l’Église soient immenses … ?

Sans nul doute ! Car non seulement Dieu lui-même ’’embauche’’, mais il demande, par Jésus, de participer à cette embauche : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » (Mt 9,37-38).

Dieu met dans le cœur de chacun l’amour envers lui, l’amour des autres, l’amour de l’annonce de l’évangile …

Mais est-ce suffisant ?

Il faut aussi des humains qui soient là pour inviter les gens à participer à la vie de l’Église …

Dans la parabole, le maître envoie les gens à sa vigne, … mais dans le travail de la vigne, il y a plusieurs façons de travailler, et c’est l’intendant qui va répartir les tâches : on peut couper le raisin (les vendangeurs), porter le raisin à la remorque (les porteurs), amener la remorque au pressoir (les cochets), presser le raisin (les fouleurs) … jusqu’à la mise en bouteilles. Tous participent à l’élaboration du vin. Et chacun, en fonction de ses capacités ou de ses goûts, se trouve associé à l’un ou l’autre poste.

Il doit en être de même dans notre Église … et dans chacune de nos paroisses…

Bien sûr, quand on parle d’ouvriers pour la moisson, on pense d’abord aux prêtres. Et comme ils ont répondu à l’appel de Dieu, on le laisse souvent faire !! … et on ne cherche pas à susciter des vocations … Mais il faut parfois un élément déclencheur pour qu’une vocation naisse … La rencontre avec un religieux, une religieuse, un prêtre, même un laïc … peut amener à penser à la vie religieuse … ou entretenir ou confirmer une vocation naissante … ou au contraire annihiler celle-ci !

C’est la question que tout chrétien devrait se poser : ais-je déjà parler à un jeune qu’il pourrait entrer dans la vie religieuse ? Et aux parents : Est-ce que j’ai déjà pensé qu’un de mes enfants pourrait entrer dans la vie religieuse, et quelle serait ma réaction ?

Il y a une quantité d’autres choses à faire dans l’Église auxquelles chacun peut participer : on pense à tout ce qui a trait à la liturgie : les fleurs, les chants, la musique, les lecteurs, les quêteurs, l’accueil, les donneurs de communion … ceux qu’on voit … et tous ceux qu’on ne voit pas : les balayeuses (et parfois des balayeurs), ceux qui rédige les prières universelles, qui font les photocopies, qui assurent le secrétariat ou la comptabilité, qui s’occupe de l’ordinateur ou du site internet de la paroisse … et puis les catéchistes, c’est le moment où on en cherche … et puis …

Cela fait beaucoup de monde …

Mais qui va chercher tous des gens ?

Dieu bien sûr, qui ne cesse d’inciter les gens à participer à la vie de son Église …

Mais pas que lui.

Il y a des paroisses où c’est le prêtre qui s’occupe de tout, d’autres où le prêtre demande aux laïcs de chercher, et d’autres où il y a une recherche partagée et discutée entre tous … la décision finale revenant au prêtre. C’est sans doute la meilleure solution.

Mais je crois qu’il faut nous mettre à l’image de Dieu, qui sans cesse va à la recherche de personnes pour que son Église soit vivante, du matin au soir, chaque jour …

Prier pour que le Père envoie des ouvriers à la moisson, c’est bien …mais ce n’est pas suffisant. Il faut que chacun se sente concerné par la mission de l’Église et y participe … avec ses moyens … avec ses charismes … avec son cœur …

Comme le disait saint Paul :

« Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit.

Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur.

Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous.

À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien.

À celui-ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné d’opérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à l’un, de parler diverses langues mystérieuses ; à l’autre, de les interpréter.

Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier. » (1 Co 12, 4-11)

Tous, nous avons à aider Dieu à trouver des ouvriers pour la mission de l’Église.

Seigneur Dieu,

tu es toujours à la recherche

de nouveaux ouvriers

pour que vive ton Église,

mais tu n’es pas seul.

Chacun de nous est invité

à participer à la vie de ton Église,

et à susciter de nouveaux ouvriers

pour la mission de celle-ci.

Aide-nous de ton Esprit.

 

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 25°




25ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER

« La logique de l’Amour »

(Mt 20,1-16)

  En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « En effet, le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne.
Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire.
Et à ceux-là, il dit : “Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.”
Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même.
Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : “Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?”
Ils lui répondirent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Il leur dit : “Allez à ma vigne, vous aussi.”
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : “Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.”
Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier.
Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier.
En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine :
“Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !”
Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : “Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ?
Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi :
n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?”
C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

                    

             Deux logiques s’affrontent dans notre parabole : celle du mérite, et celle de la bonté.    Dans la première, l’homme est au centre, avec ses froids critères de justice qui ne laissent aucune place à la bonté, à la générosité. « Je travaille, je fais des efforts et des sacrifices : je mérite donc de recevoir le salaire qui correspond à ma peine. » Dans cette logique, l’homme est seul : il se contemple dans un miroir, lui et son œuvre, et il juge, il se juge, il apprécie, il s’apprécie. Dieu n’a rien à dire sinon à lui donner ce qu’il mérite, ce qui est juste à ses yeux… En fait, ici, c’est l’homme qui décide de tout : Dieu n’a plus qu’une seule chose à faire, obéir…

         Cette recherche de « soi », ne peut que déboucher sur l’autosatisfaction, l’amour propre, l’orgueil et le jugement des autres, sur la base des mêmes critères, des jugements rarement élogieux, souvent méprisants (Lc 18,11-12 ; Jn 7,49)… Loin de rassembler, ils ne font que creuser le fossé et marquer la distance : « Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure », et ils reçoivent le même salaire, disent, scandalisés, ceux qui avaient été « embauchés dès le matin ». En fait, ils sont jaloux… « Ils ont travaillé moins que moi, et ils reçoivent autant que moi ! Ce n’est pas juste ! » Ce qui revient à dire à Dieu : « Tu n’es pas juste ! » Et voilà l’homme qui se place au-dessus de Dieu…

          La logique de la bonté ne recherche, elle, que le bien, le bonheur, la joie de l’autre (Jr 32,37-41). Les derniers embauchés n’étaient pas responsables de leur inactivité : « Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?… Parce que personne ne nous a embauchés ! » Leur bonne volonté est bien là, ils n’ont pas cherché à s’esquiver… Et lorsque vient l’heure de la paye, ils ne réclament rien car ils savent qu’ils ne méritent rien ! Mais voilà qu’ils reçoivent comme les premiers ! Bonté du Maître ! Joie !

          Voilà comment agit ce Dieu et Père qui est Amour (1Jn 4,8) en tout son être, et qui ne recherche que le bien le plus profond de tous ceux et celles qu’il aime, envers et contre tout (Mt 5,43-48) et il aime tous les hommes qu’il a créés (Sg 11,24 ; Jn 3,16-17 ; 1Tm 2,3-6) ! Heureux celui qui se tournera de tout cœur, et le plus tôt possible, vers Lui : il ne pourra qu’être comblé et comblé encore (Lc 19,26). Et dans cette logique de l’amour, où nul ne mérite rien, où tout se reçoit gratuitement (Ep 2,4-10 ; Rm 6,23), où chacun ne recherche pas son propre intérêt mais celui de l’autre (1Co 10,24), il se réjouira lui aussi du bonheur de ceux qui, peut-être après lui, à la dernière heure, ont enfin dit « Oui ! » à l’Amour !  DJF




Fête de la Croix Glorieuse (14 septembre) : « Les sept paroles du Christ en Croix » (Fr Manuel Rivero O.P.)

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Les sept paroles du Christ en croix – Fête de la Croix Glorieuse – Fr Manuel Rivero O P




Mgr Gilbert Aubry : messe de rentrée scolaire à St André (5/09/2020)

Pour accéder à l’homélie, il vous suffit de cliquer sur le lien ci-après… Bonne lecture à vous…

Mgr Gilbert Aubry – DDEC Messe de rentrée (09:2020)

 




Audience Générale du Mercredi 9 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 9 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour!

La crise que nous vivons à cause de la pandémie frappe tout le monde; nous pouvons en sortir meilleurs si nous cherchons tous ensemble le bien commun; dans le cas contraire, nous en sortirons pires.  Malheureusement, nous assistons à l’apparition d’intérêts partisans. Par exemple, certains voudraient s’approprier de solutions possibles, comme dans le cas des vaccins et ensuite les vendre aux autres. D’autres profitent de la situation pour fomenter des divisions: pour chercher des avantages économiques ou politiques, en engendrant ou en accroissant les conflits. D’autres ne s’intéressent tout simplement pas à la souffrance d’autrui, passent outre  et poursuivent leur chemin (cf. Lc 10, 30-32). Ce sont les fidèles de Ponce Pilate, ils s’en lavent les mains.

La réponse chrétienne à la pandémie et aux conséquentes crises socio-économiques se base sur l’amour, tout d’abord l’amour de Dieu qui nous précède toujours (cf. 1 Jn 4, 19). Il nous aime le premier, Il nous précède toujours dans l’amour et dans les solutions. Il nous aime de manière inconditionnée, et quand nous accueillons cet amour divin, alors nous pouvons répondre de manière semblable. Je n’aime pas seulement ceux qui m’aiment: ma famille, mes amis, mon groupe, mais aussi ceux qui ne m’aiment pas, j’aime aussi ceux qui ne me connaissent pas, j’aime aussi ceux qui sont des étrangers, et aussi ceux qui me font souffrir ou que je considère comme des ennemis (cf. Mt 5, 44). C’est la sagesse chrétienne, c’est l’attitude de Jésus. Et le point le plus élevé de la sainteté, disons ainsi, est d’aimer ses ennemis, et ce n’est pas facile. Certes, aimer tout le monde, y compris ses ennemis, est difficile – je dirais que c’est un art! Mais un art qu’on peut apprendre et améliorer. L’amour vrai, qui nous rend féconds et libres, est toujours expansif et inclusif. Cet amour soigne, guérit et fait du bien. Bien souvent, une caresse fait plus de bien que beaucoup d’arguments, une caresse de pardon et pas tant d’arguments pour se défendre. C’est l’amour inclusif qui guérit.

L’amour ne se limite donc pas aux relations entre deux ou trois personnes, ou aux amis, ou à la famille, il va au-delà. Il comprend les rapports civiques et politiques (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique [CEC], nn. 1907-1912), y compris le rapport avec la nature (Enc. Laudato si’ [LS], n. 231). Etant donné que nous sommes des êtres sociaux et politiques, l’une des plus hautes expressions de l’amour est précisément celle sociale et politique, décisive  pour le développement humain et pour affronter chaque type de crise (ibid., n. 231). Nous savons que l’amour féconde les familles et les amitiés; mais il est bon de rappeler qu’il féconde également les relations sociales, culturelles, économiques et politiques, en nous permettant de construire une “civilisation de l’amour”, comme aimait le dire saint Paul VI[1] et, dans son sillage, saint Jean-Paul II. Sans cette inspiration prévaut la culture de l’égoïsme, de l’indifférence, du rebut, c’est-à-dire mettre au rebut celui que je n’aime pas, celui que je ne peux pas aimer ou ceux qui me semblent inutiles dans la société. Aujourd’hui, à l’entrée, un couple m’a dit: “Priez pour nous, parce que nous avons un fils porteur de handicap”. J’ai demandé: “Quel âge a-t-il? – Il est grand – Et qu’est-ce que vous faites? – Nous l’accompagnons, nous l’aidons”. Toute la vie des parents donnée à ce fils porteur de handicap.  C’est de l’amour. Et les ennemis, les adversaires politiques, selon notre opinion, semblent être des porteurs de handicap politiques et sociaux, mais ils semblent. Dieu seul sait s’ils le sont ou pas. Mais nous devons les aimer, nous devons dialoguer, nous devons construire cette civilisation de l’amour, cette civilisation politique, sociale, de l’unité de toute l’humanité. Tout cela est l’opposé des guerres, des divisions, des envies, également des guerres en famille. L’amour inclusif est social, il est familial, il est politique: l’amour envahit tout!

Le coronavirus nous montre que le vrai bien pour chacun est un bien commun pas seulement individuel et, vice-versa, le bien commun est un vrai bien pour la personne (cf.  CEC, nn. 1905-1906). Si une personne cherche seulement son propre bien, elle est égoïste. En revanche, la personne est davantage une personne quand elle ouvre son propre bien à tous, qu’elle le partage. La santé, outre qu’un bien individuel, est également un bien public. Une société saine est celle qui prend soin de la santé de tous.

Un virus qui ne connaît pas de barrières, de frontières ou de distinctions culturelles et politiques doit être affronté avec un amour sans barrières, frontières ou distinctions. Cet amour peur engendrer des structures sociales qui nous encouragent à partager plutôt qu’à entrer en compétition, qui nous permettent d’inclure les plus vulnérables et de ne pas les exclure, et qui nous aident à exprimer le meilleur de notre nature humaine et non le pire. Le véritable amour ne connaît pas la culture du rebut, il ne sait pas ce que c’est. En effet, quand nous aimons et que nous engendrons la créativité, quand nous engendrons la confiance et la solidarité, c’est là qu’apparaissent des initiatives concrètes pour le bien commun.[2] Et cela vaut aussi bien au niveau des petites et des grandes communautés, qu’au niveau international. Ce que l’on fait en famille, ce que l’on fait dans le quartier, ce que l’on fait dans le village, ce que l’on fait dans la grande ville et au niveau international est la même chose: c’est la même semence qui grandit et porte du fruit. Si dans ta famille, dans ton quartier, tu commences avec l’envie, avec la lutte, à la fin il y aura la “guerre”. En revanche, si tu commences avec l’amour, à partager l’amour, le pardon, alors, il y aura l’amour et le pardon pour tous.

Au contraire, si les solutions à la pandémie portent l’empreinte de l’égoïsme, qu’il soit de personnes, d’entreprises ou de pays, nous pouvons peut-être sortir du coronavirus, mais certainement pas de la crise humaine et sociale que le virus a soulignée et accentuée. Faites donc attention à ne pas construire sur le sable (cf. Mt 7, 21-27)! Pour construire une société saine, inclusive, juste et pacifique, nous devons le faire sur le roc du bien commun.[3] Le bien commun est un roc. Et c’est la tâche de tous, pas seulement de quelques spécialistes. Saint Thomas d’Aquin disait que la promotion du bien  commun est un devoir de justice qui incombe à chaque citoyen. Chaque citoyen est responsable du bien commun. Et pour les chrétiens c’est aussi une mission. Comme l’enseigne saint Ignace de Loyola, orienter nos efforts quotidiens vers le bien commun est une manière de recevoir et de diffuser la gloire de Dieu.

Malheureusement, la politique ne jouit pas souvent d’une bonne réputation, et nous savons pourquoi. Cela ne veut pas dire que les politiciens soient tous mauvais, non, je ne veux pas dire cela. Je dis seulement que, malheureusement, la politique ne jouit pas souvent d’une bonne réputation. Il ne faut cependant pas se résigner à cette vision négative, mais réagir en démontrant par les faits qu’une bonne politique est possible, et même un devoir,[4] celle qui met au centre la personne humaine et le bien commun. Si vous lisez l’histoire de l’humanité, vous trouverez beaucoup d’hommes politiques saints, qui sont allés sur cette voie. Cela est possible dans la mesure ou chaque citoyen et, en particulier qui assume des engagements et des responsabilités sociales et politiques, enracine sa propre action dans les principes éthiques et l’anime avec l’amour social et politique. Les chrétiens, en particulier les fidèles laïcs, sont appelés à donner un bon témoignage de cela et ils peuvent le faire grâce à la vertu de la charité, en cultivant sa dimension sociale intrinsèque.

Il est donc temps d’accroître notre amour social – je veux souligner cela: notre amour social –, en contribuant tous, à partir de notre petitesse. Le bien commun demande la participation de tous. Si chacun y met du sien, et si personne n’est laissé de côté, nous pourrons régénérer de bonnes relations au niveau communautaire, national, international et également en harmonie avec l’environnement (cf.  LS, n. 236). Ainsi dans nos gestes, même les plus humbles, deviendra visible quelque chose de l’image de Dieu que nous portons en nous, parce que Dieu est Trinité, Dieu est amour. C’est la plus belle définition de Dieu de la Bible. Elle nous est donnée par l’apôtre Jean, qui aimait tant Jésus: Dieu est amour. Avec son aide, nous pouvons guérir le monde en travaillant tous ensemble pour le bien commun, pas seulement pour notre propre bien, mais pour le bien commun, de tous.


[1] Message pour la Xe Journée mondiale de la paix 1er janvier 1977AAS 68 (1976), 709.

[2] Cf. S. Jean-Paul II, Enc. Sollicitudo rei socialis, 38.

[3]  Ibid., 10.

[4] Cf. Message pour la Journée mondiale de la paix 1er janvier 2019 (8 décembre 2018).


François a ensuite salué les pèlerins francophones:

Je salue cordialement les personnes de langue française.

La recherche du bien commun, dont nos sociétés ont tant besoin, demande la participation de chacun. Faisons grandir en nos cœurs l’amour pour la société dans laquelle nous vivons. Agissons dans le souci du bien de nos frères dans nos gestes quotidiens, et rendons ainsi témoignage de l’amour de Dieu qui nous habite.

Que Dieu vous bénisse.




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 18, 21-35) – Francis COUSIN)

« C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur.»

 

Attention à ne pas nous tromper dans l’interprétation de cette phrase.

Elle ne veut pas dire, comme on pourrait le croire au premier abord, que, si nous voulons être pardonné par Dieu, il faut que nous pardonnions nous aussi, et donc que le pardon que nous donnons est prioritaire (en ce sens qu’il est le premier) pour nous permettre d’être pardonné, et donc d’être sauvé.

Ce n’est pas ce que nous dit l’évangile.

Le pardon, celui que nous donnons, ne peut pas être une obligation nécessaire.

Dieu, qui est amour, nous laisse toujours libre !

Et puis, cette obligation nous donnerait comme une sorte d’avantage sur Dieu : « J’ai pardonné, donc tu dois me pardonner ».

Cela n’est pas possible … nous ne pouvons pas avoir ’’la main’’ sur Dieu.

Cela ressemblerait à un marchandage que nous ferions avec Dieu … ce qui ne peut se faire.

C’est une mauvaise interprétation de la parabole, car il ne faut pas oublier le début : le roi, c’est-à-dire Dieu, a commencé par donner son pardon, à remettre sa dette, une dette énorme, à son serviteur (qu’il nommera par la suite le serviteur méchant) … et ce qui est reproché à celui-ci est de ne pas avoir remis à son compagnon une dette de beaucoup inférieure à la sienne.

Ce serviteur n’a regardé que les faits : mon compagnon a une dette envers moi, donc il doit me rembourser ! Mais il ne l’a pas mise en relation avec sa propre dette annulée …

Comme toujours, Dieu est le premier à agir, et il nous demande de faire comme lui.

Il aime tout le monde, et comme il aime, il pardonne les fautes que ceux qui se reconnaissent pécheurs.

Cela demande de l’humilité de reconnaître ses fautes !

Et l’humilité nous permet de reconnaître que nous ne sommes pas meilleurs que les autres, ou que les autres ne sont pas moins bons que nous !

Se reconnaître pécheurs nous permet aussi de reconnaître que les autres peuvent aussi être pécheurs, tout comme nous, … et à leur pardonner.

Mais le pardon est une chose qui peut être difficile à faire.

Dans la vie courante, il arrive souvent, quand on bouscule quelqu’un, quand malencontreusement on lui marche sur les pieds, ou quand on passe devant lui, qu’on utilise simplement le mot « pardon ! », sans qu’on sache exactement si c’est une excuse ou une demande de pardon … D’ailleurs, on ne demande pas de réponse et la personne à laquelle on s’adresse n’en donne généralement pas non plus. C’est un pardon qui n’en est pas vraiment un, et qui ne ’’coûte’’ rien.

La plupart du temps, il faut se forcer pour demander (ou pour donner son) pardon … et il faut mettre une croix sur son orgueil … et se reconnaître humble …

Mais il arrive parfois (et c’est peut-être le plus souvent) que certains faits soient très difficiles à pardonner … et qu’ils soient même parfois qualifiés d’« impardonnables », comme les meurtres, les atteintes à la vie (physique, sociale, spirituelle …) par ceux qui les subissent, directement ou indirectement, … et même par le droit international, la presse, et tous ceux qui en ont connaissance …

Et pourtant, à la demande de Pierre de savoir s’il faut pardonner jusqu’à sept fois, Jésus nous dit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. ».

Or le nombre sept, dans la Bible, représente la plénitude, la perfection. Pierre demandait donc s’il faut aller jusqu’à la perfection dans le pardon. Jésus lui, demande d’aller au-delà de la perfection, au-delà de la limite humaine, ce qui n’est possible que dans le surnaturel, dans ce qui est divin, donc seulement avec la grâce de Dieu. Le véritable pardon ne peut se faire qu’avec l’aide de Dieu.

Jésus, lui, est allé jusqu’au bout et il a demandé le pardon quand, humilié, bafoué, calomnié, outragé, « obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2, 8), il demande à son Père : « Pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34).

Pour nous, quand le pardon devient difficile, on ne peut le demander (ou l‘accorder) qu’en demandant l’aide de Jésus.

Certains ont réussi à le faire … Pourquoi pas nous ?

Et si Jésus a pu dire : « C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. » (Lc 15,7), on pourrait aussi ajouter, car cela me semble aussi vrai : « Et qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui est pardonné par celui à qui il a fait du tort … »

Seigneur Jésus,

tu nous invites à toujours pardonner …

mais bien souvent,

c’est au-dessus de nos forces,

car nous sommes humains,

trop fiers, pas assez humbles.

Donne-nous la grâce du pardon !

 

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 24°




Audience Générale du Mercredi 2 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour !

Après tant de mois, nous reprenons notre rencontre face à face et non devant un écran. Face à face. C’est beau ! L’actuelle pandémie a mis en évidence notre interdépendance : nous sommes tous liés, les uns aux autres, tant dans le mal que dans le bien. C’est pourquoi, pour sortir meilleurs de cette crise, nous devons le faire ensemble. Ensemble, pas tout seuls, ensemble. Seuls non, parce que l’on ne peut pas ! Ou on le fait ensemble, ou on ne le fait pas. Nous devons le faire ensemble,  tous, dans la solidarité. Je voudrais souligner ce mot aujourd’hui : solidarité.

En tant que famille humaine, nous avons notre origine commune en Dieu ; nous habitons dans une maison commune, la planète-jardin, la terre dans laquelle Dieu nous a placés ; et nous avons une destination commune dans le Christ. Mais quand nous oublions tout cela, notre interdépendance devient dépendance de certains à l’égard d’autres – nous perdons cette harmonie de l’interdépendance dans la solidarité – qui accroît l’inégalité et la marginalisation ; le tissu social s’affaiblit et l’environnement se dégrade. Toujours la même chose. La même façon d’ agir.

C’est pourquoi, le principe de solidarité est aujourd’hui plus que jamais nécessaire, comme l’a enseigné saint Jean-Paul II (cf. Enc. Sollicitudo rei socialis, nn. 38-40). Dans un monde interconnecté, nous faisons l’expérience de ce que signifie vivre dans le même « village global ». Cette expression est belle : le grand monde n’est autre qu’un village global, parce que tout est lié. Mais nous ne transformons pas toujours cette interdépendance en solidarité.  Il y a un long chemin entre l’interdépendance et la solidarité. Les égoïsmes – individuels, nationaux et des groupes de pouvoir – ainsi que les rigidités idéologiques alimentent au contraire des « structures de péché » (ibid., n. 36).

« Le mot “solidarité” est un peu usé et, parfois, on l’interprète mal, mais il désigne beaucoup plus que quelques actes sporadiques de générosité. C’est plus que cela ! Il demande de créer une nouvelle mentalité qui pense en termes de communauté, de priorité de la vie de tous sur l’appropriation des biens par quelques-uns » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 188). Cela signifie solidarité. Il ne s’agit pas seulement d’aider les autres – c’est bien de le faire, mais c’est plus que cela –  il s’agit de justice (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, nn. 1938-1940). L’interdépendance, pour être solidaire et porter des fruits, a besoin de fortes racines dans l’humain et dans la nature créée par Dieu, elle a besoin du respect des visages et de la terre.

Dès le début, la Bible nous avertit. Pensons au récit de la Tour de Babel (cf. Gn 11, 1-9), qui décrit ce qui se produit quand nous cherchons à atteindre le ciel – notre objectif – en ignorant le lien avec l’humain, avec la création et avec le Créateur. C’est une façon de dire : cela arrive chaque fois que l’on veut monter, monter, sans tenir compte des autres. Moi seulement ! Pensons  à la tour. Nous construisons des tours et des gratte-ciels, mais nous détruisons la communauté. Nous unifions les édifices et les langues, mais nous mortifions la richesse culturelle. Nous voulons être les maîtres de la Terre, mais nous détruisons la biodiversité et l’équilibre écologique. Je vous ai raconté au cours d’une autre audience l’histoire de ces pêcheurs de  San Benedetto del Tronto qui sont venus cette année et qui m’ont dit : « Nous avons récupéré de la mer 24 tonnes de déchets, dont la moitié était du plastique ». Imaginez ! Ces hommes capturent des poissons, oui, mais ils ont aussi l’idée de capturer les déchets et de les extraire pour nettoyer la mer. Mais cette [pollution] signifie détruire la terre, ne pas avoir de solidarité avec la terre qui est un don et l’équilibre écologique.

Je me souviens d’un récit médiéval qui décrit ce « syndrome de Babel », qui se produit quand il n’y a pas de solidarité. Ce récit médiéval  dit que, lors de la construction de la tour, quand un homme tombait – c’étaient des esclaves – et mourait, personne ne disait rien, au mieux : « Le pauvre, il s’est trompé et est tombé ». Mais si une brique tombait, tous se plaignaient. Et si quelqu’un était coupable, il était puni ! Pourquoi ? Parce qu’une brique coûtait cher à fabriquer, à préparer, à cuire. Il fallait du temps et du travail pour fabriquer une  brique. Une brique valait plus que la vie humaine. Que chacun de nous pense à ce qui se produit aujourd’hui. Malheureusement, aujourd’hui aussi, quelque chose de ce genre peut se produire. Le marché financier perd quelques points – nous l’avons vu sur les journaux ces jours-ci – et la nouvelle est rapportée par toutes les agences. Des milliers de personnes tombent à cause de la faim, de la misère, et personne n’en parle.

En opposition totale à Babel, nous trouvons la Pentecôte, nous l’avons entendu au début de l’audience (cf. Ac 2, 1-3). L’Esprit Saint, en descendant d’en haut comme le vent et le feu, investit la communauté enfermée au cénacle, lui insuffle la force de Dieu, la pousse à sortir et à annoncer à tous le Seigneur Jésus. L’Esprit crée l’unité dans la diversité, il crée l’harmonie. Dans le récit de la Tour de Babel, il n’y avait pas l’harmonie : il y avait le fait d’aller de l’avant pour gagner de l’argent. Là, l’homme n’était qu’un simple instrument, une simple « force de travail », mais ici, avec la Pentecôte, chacun de nous est un instrument, mais un instrument communautaire qui participe de tout son être à l’édification de la communauté. Saint François d’Assise le savait bien et, animé par l’Esprit, il donnait à toutes les personnes, et même aux créatures, le nom de frère ou sœur (cf. LS, n. 11; cf. Saint Bonaventure, Legenda maior, VIII, 6: FF 1145). Même le frère loup, rappelons-nous.

Avec la Pentecôte, Dieu se fait présent et inspire la foi de la communauté unie dans la diversité et dans la solidarité. Diversité et solidarité unies dans l’harmonie, telle est la voie. Une diversité solidaire possède les « anticorps » afin que la particularité de chacun – qui est un don, unique et irrépétible – ne tombe pas malade à cause de l’individualisme, de l’égoïsme. La diversité solidaire possède également les anticorps pour guérir les structures et les processus sociaux qui ont dégénéré en systèmes d’injustice, en systèmes d’oppression (cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n. 192). La solidarité est donc aujourd’hui la voie à parcourir vers un monde après la pandémie, vers la guérison de nos maladies interpersonnelles et sociales. Il n’y en a pas d’autre. Ou nous allons de l’avant sur la voie de la solidarité ou les choses seront pires. Je veux le répéter : on ne sort pas pareils qu’avant d’une crise. La pandémie est une crise. On sort d’une crise meilleurs ou pires. Nous devons choisir. Et la solidarité est précisément une voie pour sortir meilleurs de la crise, pas avec des changements superficiels, avec un coup de peinture comme ça tout va bien. Non ! Meilleurs !

Au milieu de la crise, une solidarité guidée par la foi nous permet de traduire l’amour de Dieu dans notre culture mondialisée, non pas en construisant des tours ou des murs – et combien de murs se construisent  aujourd’hui – qui divisent mais ensuite s’écroulent, mais en tissant des communautés et en soutenant des processus de croissance véritablement humaine et solide. C’est pour cela que la solidarité peut aider. Je pose une question : est-ce que je pense aux besoins des autres ? Que chacun réponde dans son cœur.

Au milieu des crises et des tempêtes, le Seigneur nous interpelle et nous invite à réveiller et à rendre active cette solidarité capable de donner une solidité, un soutien et un sens à ces heures où tout semble sombrer. Puisse la créativité de l’Esprit Saint nous encourager à engendrer de nouvelles formes d’accueil familial, de fraternité féconde et de solidarité universelle. Merci.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

En ces temps difficiles que nous traversons je vous encourage à répondre dans la foi aux appels que l’Esprit-Saint nous adresse à faire preuve de solidarité envers les personnes que nous rencontrons et qui comptent sur notre soutien fraternel.

Que Dieu vous bénisse !