1

Fiche N° 2 : Le Prologue de l’Evangile selon St Jean (1,1-18) Deuxième partie

1  – La notion de témoignage est très importante pour St Jean :

  • « Témoigner » intervient 33 fois (1 fois en St Matthieu et en St Luc, jamais en St Marc),

  • « Témoignage » 14 fois (3 fois en St Matthieu, 6 en St Marc, 4 en St Luc).

Rechercher dans un dictionnaire la définition du mot « témoignage ». Quelles en sont les bases (Voir Jn 3,31-32) ? Qui est, d’après ce dernier texte, le premier « témoin » (Voir Ap 1,2 ; 1,5 ; 3,14) ? Et à quoi rend-il témoignage (Voir Jn 18,37) ?

Noter dans tous les textes suivants ceux qui témoignent en faveur du Christ (préciser, lorsqu’il est indiqué, le contenu du témoignage) :

  1. a) Jn 1,6-8 ; 1,15 ; 1,19-34 ; 3,26 ; 5,33.

  2. b) Jn 19,33-35 ; 21,24 ; puis Jn 4,39 ; puis Jn 12,17 ; puis Jn 15,27 ; 1Jn 1,1-3.

  3. c) Jn 5,39.

  4. d) Jn 5,37 ; 8,18 ; puis 5,36-37 ; 10,25 ; 10,32 ; 10,37-38 ; 14,10-11.

  5. e) Jn 15,26 ; 1Jn 5,6, un témoignage qui est de l’ordre de la Vie (1Jn 5,11).

Quel est, en régime chrétien, le but de tout témoignage (Jn 1,7 ; 3,11-12 ; 4,39-42 ; 10,24-26 ; 5,36-39 ; 19,35) ? Et si ce but est atteint, qu’en sera-t-il pour tous ceux et celles qui auront accueilli ce témoignage (Jn 20,30-31 ; 14,27 ; 15,9-11 ; Lc 6,20-23 ; 1Jn 1,3…) ? Et tout ceci s’accomplira par « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; Ga 5,25)…

2- Jn 1,10-13. Le mot « monde » a quatre nuances différentes en St Jean ; les préciser à l’aide des versets suivants :

  1. a) Jn 17,5 ; 17,24 (Synonyme en Mc 10,6 ; 16,15 ; Rm 1,20 ; 8,19).

  2. b) Jn 8,26 ; 12,19 ; 18,20 (Expression synonyme en Jn 12,32; Rm 11,32 ; 1Tm 2,4).

  3. c) Ce point reprend le précédent en y ajoutant une nuance : Jn 1,29 ; et indirectement en 3,16-17 ; 4,42 ; 12,47 (Voir le début de Rm 3,23).

  4. d) Jn 15,18-19 ; 16,11 ; en fin de 16,33 ; 17,14 ; 17,16 (Voir Ap 12,9).

Préciser à chaque fois le sens du mot « monde » en Jn 1,9-10.

A qui renvoient les expressions « chez lui » et « les siens » en Jn 1,11 (Voir la fin de Mt 2,6 et de Lc 2,32) ? Comment le Verbe est-il venu « chez lui » sans être accueilli (Voir Mt 23,29-31 ; 23,37 ; Mc 12,1-12) ?

Préciser en chacun des versets suivants le mode de Présence de Dieu parmi les hommes :

1 – Jn 1,9-10

2 – Jn 1,11

3 – Jn 1,14

4 – Fin de Mt 28,20 avec 1Co 1,9 ; 1Jn 1,3 ; Jn 17,20-23 ; 1Co 6,17 ; et tout cela conduira à 1Co 12,27 ; 1Co 12,12-13 ; Ep 1,22-23.

Quelle progression notez-vous ?

Les versets 1,10-13 constituent le cœur du prologue, avec tout d’abord l’aspect négatif (10-11), puis l’aspect positif (12-13). Préciser à nouveau les destinataires évoqués en 1,9-10 puis en 1,11. Dans les deux cas, que s’est-il passé vis-à-vis de Dieu ? Nous pressentons une donnée fondamentale de l’existence : Dieu nous a créés libres… Certes, il désire entrer en relation avec chacun d’entre nous, pour notre bien, mais il ne s’imposera jamais… Quelle est donc l’attitude de base que Dieu espère de tout homme (Voir le début de Jn 1,12) ? Et quelle est, d’après ce même verset, la vocation universelle à laquelle nous sommes tous appelés… Tous les mots sont importants : bien prendre le temps de les lire… Et ce projet s’accomplira si nous acceptons de coopérer librement avec Dieu en nous abandonnant, jour après jour, en son Amour de Père pour chacun d’entre nous…

St Jean fait allusion à l’Incarnation du Fils en Jn 1,14 ; en 1,12-13, nous sommes donc avant. Bien noter en 1,9‑10 la Présence Universelle de Dieu à tout homme. Sa « vraie lumière » « illumine tout homme » au plus profond de son cœur, en ce domaine que nous appelons « la conscience »… Si l’homme suit sa conscience, même s’il ne parle jamais de Dieu, à travers elle, c’est Dieu qu’il suit, Lui qui n’est que Justice, Droiture et Vérité… Et ce Dieu est « notre Père » à tous, un Père qui désire plus que nous-mêmes que « tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4) et trouvent dans le Don librement reçu de son Esprit la Plénitude de la Vie. Sachons donc reconnaître autour de nous tous les hommes de bonne volonté pour travailler avec eux à un monde plus beau, plus juste et plus fraternel… Quels que soient leurs origines, leur chemin religieux… nul doute que Dieu les accueillera tous avec joie lorsque l’heure viendra…

3 – Jn 1,14-18. Littéralement, St Jean a écrit : « Et le Verbe s’est fait chair, et il a dressé sa tente parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire ».

A quoi veut-il faire allusion avec ce verbe « dresser sa tente » (cf. Ex 25,8-9 ; 29,42-46) ? Quel regard sommes-nous donc invités à porter sur le Christ (Jn 2,18-22 ; 14,8-11 ; 17,20-21) ?

L’expression « plein de grâce et de vérité » renvoie à la fin d’Ex 34,6 où Dieu révèle son Nom à Moïse. Relire Ex 20,1-6 ; que se passe-t-il en Ex 32,1-6 ? Quelle est la réaction de Moïse (Ex 32,15-19) ? Puis celle de Dieu (34,1-10) ? Dans quel contexte intervient alors la Révélation du Nom divin en Ex 34,6 ? En faisant allusion à ce verset, dans quel contexte St Jean place-t-il à son tour l’Incarnation du Fils Unique ? Retrouver ce contexte général en Lc 1,76-79 (où il faut traduire le début du v. 78 par « grâce aux entrailles de miséricorde de notre Dieu dans lesquelles nous a visités l’Astre d’En Haut »).

« Plein d’amour-miséricordieux et de vérité » pourrait être une traduction littérale de la fin d’Ex 34,6. En hébreu, la langue de l’Ancien Testament, le premier terme rendu ici par « amour miséricordieux » se prononce « hésed ». Il apparaît souvent dans les Psaumes. Il y est traduit « amour » par la Bible de Jérusalem, et « fidélité » par la TOB. Le retrouver dans les Psaumes suivants, avec éventuellement la notion de « vérité » à laquelle il est associé en Ex 34,6, et noter à chaque fois le contexte général de salut, d’alliance, de pardon, etc… où il intervient : Ps 25(24),5-14 ; 40(39),11-12 ; 57(56),2-4 ; 69(68),14-17 ; 85(84) ; 86(85) ; 89(88),1-6 puis 14-19 puis 20-38.

Le Père Boismard accorde une telle importance à ce parallèle entre Jn 1,14 et Ex 34,6 qu’il propose de traduire Jn 1,14 par « plein d’amour miséricordieux et de fidélité ». Le P. Raymond Brown propose aussi de son côté : « filled with enduring love, rempli d’amour durable, patient ». Néanmoins, St Jean a délibérément choisi le mot « grâce », un mot qu’il utilise à nouveau dans la même expression reprise en Jn 1,17 : mais dans ce dernier verset, qui est cette fois appelé à être « plein de grâce et de vérité » ? Or, en Jn 1,14, cette expression « plein de grâce et de vérité » décrivait le mystère du Fils : conclusions pour tous ceux et celles qui accepteront d’accueillir le Christ avec foi dans leur cœur et dans leur vie ? Et n’oublions jamais les nuances apportées à ce mot « grâce » à la lumière d’Ex 34,6 : il est le Don que la Miséricorde de Dieu ne cesse de proposer aux blessés et aux malades que nous sommes (cf. Lc 5,31-32). « Il n’y a qu’un mouvement au cœur du Christ : pardonner le péché et emmener l’âme à Dieu » (Bienheureuse Elisabeth de la Trinité)… C’est donc dans ce contexte permanent d’une Miséricorde inlassablement bienveillante que nous sommes invités à avancer jour après jour à la suite du Christ…

Et de quoi les hommes sont-ils « pleins » en Lc 1,15 ; 1,67 ; Ac 4,8 ; 6,5 ; 9,17 ; 11,24… En comparant la réponse obtenue à l’expression de St Jean, à quel don de Dieu renvoie en fait le couple « grâce et vérité » ?

En hébreu, la langue de l’Ancien Testament, le mot « gloire » vient d’un verbe qui signifie « peser, être lourd ». La gloire d’un homme se mesure ainsi au « poids » de ses richesses, au nombre de ses bêtes… Pour Dieu, la notion de « gloire » renvoie directement à ce qu’Il Est (cf Ex 3,13-15 : « Je Suis »), au mystère de sa nature divine. « La gloire de Dieu » n’est alors que la manifestation de sa nature divine, soit par un acte de puissance (Jn 2,11), soit par « quelque chose » que les hommes perçoivent et décrivent en termes de lumière (Lc 9,28-29 ; 9,32 ; Mc 9,2-3 ; Mt 17,1-2). Il n’existe donc pas de « gloire de Dieu » sans « la nature divine » qui lui correspond. Que sous-entend alors l’expression « gloire qu’il tient de son Père comme Fils Unique » en Jn 1,14 ? Souvenons-nous de ce que nous proclamons chaque Dimanche dans notre Crédo : « Il est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vraie Dieu né du vrai Dieu. Engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait »… Or, que nous dit St Jean de la nature divine en Jn 4,24 ? Et qu’est-ce que le Fils est venu nous communiquer (Jn 7,37-39 ; Ac 2,38 ; 1Th 4,8) ? Conclusion : à quoi sommes-nous donc tous appelés (cf 2P 1,3-4) ? Retrouvez la réponse par l’intermédiaire du mot « gloire » employé en Jn 17,22-23 pour décrire le Don que Dieu le Père veut nous communiquer par son Fils. Or, d’après Rm 3,23, nous en étions tous privés par suite de nos fautes… Mais tel est le « pur » amour de Dieu : chercher envers et contre tout le bien de tous ceux qu’il aime… Aussi est-il venu nous proposer avec et par son Fils de nous donner gratuitement tout ce que nous avions perdu par suite de nos fautes… Heureux alors tous ceux et celles qui accepteront de se repentir de tout cœur en lui offrant instant après instant toute la misère qui peut encore habiter leur vie… « L’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) aura vite fait d’accomplir son œuvre et de leur communiquer cette Vie éternelle qu’il est venu nous offrir en surabondance (Jn 10,10). « Le salaire du péché, c’est la mort. Mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23).

Quelle est enfin la grande œuvre que le Christ accomplira d’après Jn 1,18 (Voir aussi Mt 11,27) ? Et comment tout ceci s’accomplira-t-il (Voir 1Co 2,9-12 ; Ep 1,17-21).

Ci dessous la correction de la seconde fiche :

corrige fiche2

Diacre Jacques Fournier




Audience Générale du Mercredi 11 Mars 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 11 Mars 2020


Frères et sœurs, continuant notre méditation sur la voie lumineuse du bonheur, nous arrivons aujourd’hui à la quatrième Béatitudes : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » (Mt 5, 6). Après les thèmes de la pauvreté dans l’esprit et des pleurs, nous affrontons le thème de la faim et de la soif. Il s’agit ici d’une exigence vitale et quotidienne. La faim et la soif de justice dont le Seigneur parle sont encore plus profondes que le besoin légitime de justice humaine que tout homme porte dans son cœur. La soif que les Saintes Ecritures nous révèlent est un désir qui se trouve à la racine de notre être. En chacun, il y a toujours la soif de la vérité et du bien, qui est la soif de Dieu suscitée par l’Esprit Saint. C’est pourquoi l’Eglise est envoyée annoncer la Parole de Dieu qui est la plus grande justice offerte au cœur de l’humanité qui en a un besoin vital. Toute personne est appelée à redécouvrir ce qui compte vraiment, de quoi elle a vraiment besoin, ce qui fait bien vivre et ce dont elle peut se passer.

Je salue cordialement les fidèles de langue française.

Chers frères et sœurs, nous avons une soif qui ne sera pas déçue, une soif qui sera comblée car elle vient du cœur même de Dieu, de l’Esprit Saint qui est amour. Demandons au Seigneur la grâce de la faim et de la soif de plus de justice, d’amour et de fraternité dans notre monde.

Que Dieu vous bénisse !

 

 

 

 




Fiche n°3 : Evangile selon St Jean Présentation du Christ et de son œuvre (Jn 1,19-51)

– Lire Jn 1,19-51 et relever tous les titres ou expressions (Jn 1,29.45[1]) donnés à Jésus. Conclusion : nous avons ici une vraie « carte de visite » de Jésus…

2 – Lire Jn 1,6-8.15.19.32.34 et repérer toutes les fois où intervient la notion de témoignage ; qui en est l’unique acteur ? Un témoin est celui qui a vu et entendu… Quel est le contenu de ce témoignage ?

3D’après Lc 3,15, quel était le grand danger vis-à-vis de Jean-Baptiste ? Ce danger apparaît-il en Jn 1,20 ?

Quelle était, à l’époque du Christ, une des grandes attentes du Peuple d’Israël (cf. Dt 18,15‑19) ? Jésus l’a-t-il accomplie (cf. Jn 4,19.44 ; 6,14 ; 7,40.52 ; 9,17) ?

Comment le prophète Elie a-t-il quitté cette terre (cf. 2R 2,11-13) ? Et qu’annonçait le prophète Malachie (Ml 3,22-24) ? Ces deux derniers textes permettent de mieux comprendre la question des prêtres et des lévites en Jn 1,21 : ils attendaient le retour d’Elie comme un signe de la venue du Jour du Seigneur, ce Jour où il agirait avec éclat… Et c’est bien ce qu’il fera par Jésus, le Messie promis… En ce Jour-là, « il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères » (Ml 3,24). Grande œuvre de réconciliation entre les hommes qu’accomplira Jésus en réconciliant les hommes avec Dieu (cf. Rm 5,10-11 ; 2Co 5,16-21 ; Ep 2,14-18 ; Col 1,15-23 ; Mt 5,21-26).

Que répond Jean‑Baptiste à la première question posée en Jn 1,21 ? St Jean insiste donc sur le fait que Jean‑Baptiste n’est pas Elie. Telle est sa perspective, mais les autres Evangélistes auront à cœur de montrer que la prophétie de Malachie s’est malgré tout accomplie avec Jean-Baptiste. En effet, que dit Jésus à son sujet en Mt 11,14 ? Et de fait, à quoi pouvait faire penser le parallèle entre Mt 3,4 et 2R1,8 ? Mais pour bien comprendre ce parallèle entre Jean-Baptiste et Elie, quelle est d’après Lc 1,15 et Lc 1,17 la réalité qui les unit et qui nous permet de dire que la prophétie du retour d’Elie s’est malgré tout accomplie « quelque part » avec Jean-Baptiste ?

4 – Lire Is 40,1-11 : quelle nouvelle ère commence d’après les deux premiers mots de ce texte, qui la mettra en œuvre (Is 40,9) et comment (Is 40,10-11)? Dans le contexte de l’Ancien Testament, qui est le personnage principal évoqué en Is 40,3 ? Mais dans l’Evangile selon St Jean, qui est en Jn 1,23 « la voix » et qui est « le Seigneur » dont il faut « aplanir le chemin » ? Conclusion : avec le Christ, la venue de Dieu parmi les hommes, promise en Is 40,9, s’accomplit… En effet, si le Fils n’est pas le Père, si le Père n’est pas le Fils, les deux sont unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit. Alors, là où est le Fils, là est le Père (Jn 8,29)… Qui voit le Mystère du Fils voit celui du Père (Jn 14,9)… Qui écoute le Fils écoute le Père (Jn 12,50 ; 17,8)… Qui constate les miracles qui se font par les mains du Fils voit le Père à l’œuvre (Jn 5,19-20 ; 10,37-38 ; 14,10-11)…

Peut-on déjà, avec cette citation d’Isaïe qui renvoie notamment à Is 40,1 et Is 40,11, décrire ce que sera la mission principale de Jésus (cf. pour Is 40,1 : 2Co 1,5 ; 7,4 ; 2Th 2,16-17 ;  et pour Is 40,11 : Jn 10,11.14 ; Lc 15,4-7)?

5 – En Jn 1,19, commence, dans l’Evangile de Jean, ce que l’on pourrait appeler un récit de type historique sur Jésus… Et Jésus lui-même apparaît pour la première fois dans ce récit en Jn 1,29. Dans quelle attitude est‑il présenté au début de ce verset ? Remarquer que cela correspond à l’invitation d’Isaïe reprise par Jean-Baptiste : « Rendez droit le chemin du Seigneur » pour que Jn 1,29 puisse s’accomplir pour chacun d’entre nous… Nous retrouvons ainsi indirectement l’invitation première de Jésus à être non pas parfaits, car nous sommes tous pécheurs, blessés, « malades », mais « droits » et « vrais ». Alors, si nous osons nous présenter en vérité au Seigneur tels que nous sommes, lui agira envers nous dans la vérité de ce qu’Il Est : Vérité de sa Tendresse, de sa Douceur, de son infinie Miséricorde… « Celui qui fait la vérité » dans sa vie « vient à la Lumière » (Jn 3,21) de la Miséricorde qui veut que nous soyons avec lui, dans sa Maison, dès maintenant et pour toujours (Jn 17,24)… Alors, heureux les cœurs droits !

Nous venons de voir comment le Jésus « historique » apparaît pour la première fois dans l’Evangile de Jean en Jn 1,29. Retrouver cette présentation dans la parole de Nicodème Jn 3,2, puis en Jn 3,31 ; 5,43 ; 6,32.46 ; 7,28-29… Quelle est l’attitude correspondante que devraient avoir tous les hommes à son égard (cf. Jn 1,11-12) ? Telle est la base de la vie chrétienne… Quelle sera d’ailleurs la grande promesse que fera Jésus à ses disciples peu avant sa Passion (cf. Jn 14,3.18) ? Bien noter ce qu’il fera en Jn 14,3 : il nous prendra près de lui, afin que là où il est, nous soyons nous aussi… Or Jésus vit uni à son Père dans la communion d’un même Esprit… Voilà où il veut nous entraîner, et cette perspective s’accomplit dès maintenant dans la foi si, de tout cœur, nous le laissons faire… Alors nous vivrons au plus profond de nous-mêmes Jn 14,27…

6 – Jean-Baptiste proposait un « baptême d’eau » (ce baptême s’inscrivait dans la lignée des nombreux rites de purification qu’accomplissaient les Juifs à cette époque (cf. Mc 7,1-7 ; Jn 2,6)). Quel était le but premier d’une telle démarche (cf. la fin de Mt 3,5-6) ? Et quelle sera la mission principale de Jésus (cf. Jn 3,16-17 ; 4,42 ; il accomplira ainsi la volonté du Père : Jn 4,34 et 1Tm 2,4) ? Quel est donc le tout premier grand cadeau qu’il est venu offrir aux hommes (cf. Mc 2,5 ; Lc 1,77 ; Jn 1,29) ? Et ce cadeau sera très concrètement mis en œuvre par le don de l’Esprit Saint (1Co 6,9‑11) dans les cœurs de ceux et celles qui accepteront de le recevoir en « faisant la vérité dans leur vie ». Jésus donnera en surabondance cet Esprit « Eau Vive » (Jn 4,10 ; 7,37-39) qui, jour après jour, lavera les cœurs de toute trace de péché (Jn 1,29 ; Ez 36,24-28) et leur communiquera la vie de Dieu (cf. Ga 5,25)…

En Jn 1,29 Jean-Baptiste « voit » le Christ venir vers lui ; retrouver ce verbe « voir » en Jn 1,32.33 ; que s’agit-il de « voir » en ces deux derniers versets ? Mais cette réalité peut-elle se voir avec nos yeux de chair ? A quel type de regard St Jean fait-il donc allusion ici ?

Pourquoi Jean-Baptiste est-il d’ailleurs venu baptiser dans l’eau (cf. Jn 1,31) ? Et pourquoi le Fils de Dieu est-il venu en ce monde (cf. Jn 17,6 ; 1,18) ? A la suite de Jean‑Baptiste, à quel type de regard sommes-nous donc tous appelés nous aussi (cf. Jn 6,40) ?

7 – Le symbolisme de « l’agneau » renvoie notamment à la fête de Pâque (cf. Ex 12,1‑14). La veille s’appelait « le Jour de la Préparation ». Ce jour-là, on immolait au Temple de Jérusalem tous les agneaux qui devaient être mangés en famille lors de la célébration de la Pâque. D’après Jn 19,14.31, quand Jésus sera-t-il crucifié ? Quel sens prend alors sa mort à la lumière :

  1. a) de la libération de l’oppression d’Egypte rapportée dans le Livre de l’Exode (cf. Jn 8,31-36) ?

  2. b) de Lv 4,32-35 ; Hb 7,26-27 ; 9,26 ; 10,3-14 ?

  3. c) de Is 53,7 (cf. 52,13-53,12 ; texte repris en Mt 8,17), un texte qui renvoie à une mystérieuse figure qui intervient aussi en Is 42,1-7 (noter le terme employé au début de 42,1 ; texte repris en Mt 12,15-21) et Is 49,1-6 (noter le terme employé en 49,3 et 49,6). Jésus accomplit tous ces textes…

8 – Noter l’importance du regard en 1,35-51. Les figuiers, dans les vignes ou au bord des champs, donnaient non seulement des figues mais aussi de l’ombre ! Après le travail, c’est là qu’on mangeait et qu’on se reposait. On y priait aussi, et c’est très vraisemblablement ce qu’avait fait Nathanaël. Et dans sa prière, il avait rejoint ce Dieu Père, Fils et Saint Esprit, Trinité de personnes divines en communion dans l’unité d’un même Esprit. Jésus, le Fils, l’Unique Engendré, l’avait mystérieusement perçu au plus profond de lui-même (cf. Jn 1,48). On retrouve en ce verset le verbe « voir », avec son sens de « foi » caractéristique en St Jean, mais aussi le verbe « connaître » qui, très souvent, doit aussi être compris à la Lumière de ce Mystère de Communion dans lequel Jésus veut nous introduire. Le croyant « connaît » alors Dieu en tant qu’il lui est uni de cœur dans l’unité d’un même Esprit (cf. 1Co 6,17). « Connaître » renvoie alors à cette perception de foi qui est avant tout un « vivre de cœur » (cf. Jn 17,1-3 ; 10,14-15 à comparer avec 17,20-23). Ste Thérèse de Lisieux a une belle expression pour l’évoquer : un « je ne sais quoi », qui est de l’ordre de la vie… « La vie est bien mystérieuse. Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme »…

En Jn 1,36, Jean-Baptiste rend témoignage à Jésus. Quel effet a ce témoignage sur ses deux disciples ? D’après Jn 6,44.65, qui est à la source de leur démarche ? Et d’après Jn 15,26, qui joint son témoignage à celui de Jean-Baptiste ? Et par ce dernier, qui rend témoignage à nouveau au Fils (1Jn 5,6-9) ? Repérer ainsi l’action de Dieu en ces deux disciples…

En Jn 1,38, qui a l’initiative de la rencontre et du dialogue ? Dans la Bible, la notion de « face de Dieu » ou de « visage de Dieu », renvoie très souvent à Dieu Lui‑même en tant qu’il révèle à l’homme « quelque chose » de son Mystère dans la Lumière de l’Esprit Saint (cf. Ps 4,7 ; 13,2 ; 16,11 ; 27,8-9 ; 30,8 ; 31,16-17 ; 42,3 ; 44,4.25 ; 56,14 ; 67,2 ; 80,4.8 ; 89,16 ; 90,8 ; 105,4 ; 119,135). Avant que Jésus ne se retourne, que voyaient les deux disciples ? Et lorsqu’il se retourne, que voient-ils ? A la lumière de la remarque précédente, que fut cet instant pour eux (« Quelque chose » de semblable à Lc 9,28-36) ? A la question de Jésus, qui porte sur la nature même de la relation de ces deux disciples avec lui, ces derniers répondent par une autre question qui permettra à Jésus de lancer son invitation : « Venez et voyez ». En St Jean, le verbe « venir » prend très souvent le sens de « croire » : le retrouver grâce au parallèle employé en Jn 6,35. Nous avons vu aussi précédemment que, très souvent, le verbe « voir » a lui aussi un double sens en St Jean. A la lumière de ces constatations retrouver le double sens que l’on peut aussi donner au verbe « demeurer » en Jn 1,38-39 ( cf. 1° sens : Mc 1,29 ; 2° sens : Jn 14,10-11 ; 15,9-10) ? Où se retrouvera donc finalement celui qui répondra à l’invitation de Jésus : « Viens et vois » (cf. Jn 17,20‑21 ; 12,26) ? Ainsi, pour St Jean, cette petite partie toute simple au début de son Evangile est un clin d’œil lancé à toute l’œuvre de salut que Jésus désire accomplir pour que nous soyons tous là où le Père nous attend (cf. Lc 15,20), où le Fils lui-même veut que nous soyons (cf. Jn 17,24), et c’est Lui et Lui seul qui nous permettra d’atteindre ce but (Jn 14,1-3 ; 1Tm 2,3-7) grâce à sa Miséricorde Toute Puissante (Lc 1,46-50 ; 1Tm 1,12-17) et à l’action de l’Esprit Saint (cf. Ep 2,18)… St Jean le redira en 1Jn 1,1-4, et tout spécialement au verset 3 (cf. 1Co 1,9 ; 2Co 13,13 ; Ph 2,1 ; 1Jn 1,5-2,2).

Remarquer ensuite le jeu des rencontres et noter à chaque fois qui rencontre qui pour ensuite, peut-être rencontrer qui ? Conclusion : comment, dans notre vie quotidienne, la rencontre avec le Christ peut-elle également avoir lieu ?                      DJF

[1] Cette manière d’écrire renvoie aux versets 29 et 45 du chapitre 1° de l’Evangile selon St Jean.

Correction fiche N°3 :

corrige fiche 3




Fiche n°4 : Le passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance (Jn 2,1-11)

1 – Relire Jn 1,19-2,1 et repérer toutes les fois où l’on rencontre l’expression « le lendemain ». La première intervient au début de Jn 1,29. Ce qui précède, Jn 1,19-28, devra donc être considéré comme « la veille », c’est-à-dire « le premier jour ». Et à partir de Jn 1,29 commence « le lendemain », le jour suivant, « le deuxième jour ». Ce point de départ étant établi, combien y-a-t-il de jours en Jn 1,19-51 ? Or, les « trois jours » mentionnés en Jn 2,1 – et nous en sommes « au troisième » – doivent se rajouter à ceux évoqués en Jn 1,19-51. Cette petite addition faite, en quel jour interviendra donc le miracle des Noces de Cana ? Comme au tout début de Jn 1,1, à quel texte de l’Ancien Testament St Jean nous renvoie-t-il une nouvelle fois ? Or, ce texte nous présente lui aussi une succession de jours… L’homme est créé « à l’image et ressemblance de Dieu » le sixième jour. Sa première journée complète sera donc « le septième jour ». Or ce « septième jour » est le jour de Dieu par excellence : il est mentionné trois fois (Gn 2,1‑4a). Et le chiffre « trois » dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit. Certes, Dieu « chôma » en ce jour, il « arrêta toute l’œuvre qu’il faisait », mais il ne reste pas inactif, loin de là ! Il fait ce qu’il ne cesse de faire de toute éternité : « il bénit », il donne l’Esprit, la Lumière et la Vie, il se donne… Et l’homme en ce jour est invité à cesser temporairement ses activités habituelles pour poser lui aussi « l’action par excellence » que Dieu attend de lui : qu’il se tourne de tout cœur vers son Dieu et Père pour recevoir cette bénédiction divine qui sera en lui Esprit, Lumière, Vie, Plénitude, Paix, Joie profonde, vrai Bonheur… Voilà la réalité dont nous avons vraiment besoin… « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8,3). L’image est belle… Elle évoque le Mystère de Dieu par le biais des réalités humaines. Qu’est-ce qui sort de la bouche d’un homme ? La parole et en même temps un souffle qui, faisant vibrer ses cordes vocales, permet à la parole d’être entendue. Il en est de même pour Dieu. A sa Parole se joint toujours son Souffle, son Esprit… Ecouter la Parole de Dieu de tout cœur c’est au même moment s’ouvrir au Souffle de l’Esprit (cf. Jn 20,22), un Esprit qui est Lumière et Vie. Ainsi, celui qui lit la Parole de Dieu dans un contexte de prière, d’accueil de l’Esprit, ne pourra que faire l’expérience d’une Lumière qui l’introduira dans les Mystères de Dieu (cf. Ep 1,17-21) et d’une vie qui sera synonyme pour lui de bonheur profond… Ainsi, lorsque Dieu invite l’homme à se tourner vers lui le jour du Sabbat, c’est pour le combler de sa bénédiction, c’est-à-dire de son Esprit de Lumière et de Vie et cela se fait notamment par l’intermédiaire de sa Parole. Heureux alors celui ou celle qui consentira à cette invitation… Et Dieu Lui-même en sera le plus heureux, car notre joie fait toute sa joie… Mais quel dommage pour ceux qui passent à côté…

Le jour du sabbat correspond en Israël à notre samedi. Jésus a été crucifié la veille, vendredi, et ce n’est qu’à la fin du sabbat que l’on pouvait reprendre ses activités. Les femmes, aux premières lueurs de l’aube, se précipiteront au tombeau pour s’occuper du corps de Jésus que l’on avait déposé avec hâte… Mais elles découvriront, stupéfaite, qu’il est ressuscité… Et ce jour deviendra notre Dimanche, célébration de la Résurrection du Christ et jour de sabbat, de repos, pour l’homme que Dieu veut combler de sa vie… Ainsi le Dimanche est non seulement le jour où nous pouvons nous reposer physiquement, nous détendre, mais il est aussi ce jour où Dieu veut nous communiquer le repos du cœur et la paix, un repos qui est dès ici-bas, dans la foi, un avant-goût, du ciel (Jn 14,27 ; Ph 4,4-7 ; Col 3,15)… Nous voyons bien que cette prescription du repos dominical n’a d’autre but que le bien de l’homme tout entier, corps et âme : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Mc 2,27). Heureux alors ceux et celles qui accepteront de se laisser ainsi « gâter » par Dieu… Ils repartiront ensuite de plus belle dans la vie et seront plus forts pour affronter ses inévitables épreuves… Jésus nous le dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos » (Mt 11,28-30).

Certes, l’application de ce principe du repos dominical doit être modulé en fonction des impératifs de notre vie en société. Heureusement que les médecins, les infirmières, les pompiers, etc… travaillent en ce jour au service de leurs frères. Ils seront invités à vivre leur dimanche pendant leur jour de repos. Mais une activité qui n’aurait d’autre but que le commerce et l’argent ne saurait supplanter le repos dominical (cf. Lc 16,13)…

Le miracle des noces de Cana a donc lieu « le septième jour »… Le Don du Christ en cette circonstance, « le bon vin », sera donc le signe visible du Don invisible, spirituel, que Dieu veut communiquer à l’homme pour lui donner d’entrer dans son repos, sa vie, sa joie… Il est le Don qui lui permettra au projet créateur de s’accomplir : vivre avec Dieu dans la communion à la Plénitude de sa Vie… Cette réalité qui s’offre dès maintenant à notre foi, mystérieusement mais bien réellement, se manifestera pleinement par-delà notre mort, telle est notre espérance (cf. Col 3,1-4 ; 1Jn 2,8 ; 3,1-2). Telle est « la création nouvelle » que le Christ est venu nous offrir (2Co 5,17-20 ; Tt 3,4-7) : une création renouvelée par le Don de l’Esprit, et enfin rendue capable d’atteindre la Plénitude de Vie que Dieu a toujours voulu pour elle… Le miracle des Noces de Cana en est le signe…

– « Le troisième jour » de Jn 2,1, pris en lui-même, renvoie également à un événement fondateur de notre foi, lequel (cf. Ac 10,40 ; 1Co 15,3-8 ; Mt 16,21 ; 17,23 ; 20,19 ; Lc 24,1-8 ; 24,44-48) ? A cette occasion, ce qui est dit en Jn 2,11, « il manifesta sa Gloire et ses disciples crurent en lui », s’accomplira alors pleinement…

De plus, la Vierge Marie n’intervient que deux fois dans l’Evangile de Jean : ici, et en Jn 19,25-27. Dans les deux cas, comment Jésus l’appelle-t-il ? Nous constatons que le miracle des noces de Cana, le premier en St Jean, au tout début du ministère public de Jésus, ne cesse de faire allusion à la fin de ce ministère, lorsqu’il mourra sur une Croix pour notre salut et ressuscitera d’entre les morts « le troisième jour »… Pour bien comprendre le symbolisme du « bon vin », nous sommes donc invités à nous tourner vers le Christ mort et ressuscité pour nous… Or, si le Christ donne du « bon vin » à Cana, que donne-t-il à ses disciples une fois ressuscité d’entre les morts (cf. Jn 20,22) ? Conclusion : à quelle réalité le « bon vin » renvoie-t-il ? Un deuxième élément va renforcer cette conclusion : quelle eau particulière Jésus a-t-il utilisée à Cana, à quoi servait-elle (Voir aussi Mc 7,1-7) ? Et juste après Jn 20,22, que lisons-nous ? Tous les rites de purification accomplis en Israël avant le Christ, dans le cadre de l’obéissance à la Loi de Moïse, ne faisaient donc qu’annoncer la purification des cœurs accomplie par l’offrande du Christ et le don de l’Esprit Saint (cf. Ez 36,24-28 ; puis Jn 19,33-34 ; 1Co 6,9-11 ; Ep 5,25‑27 ; Hb 9,14 et 10,22) …

Cette perspective globale présentée par le miracle des noces de Cana sera ensuite mise en œuvre très concrètement dans nos vies par l’intermédiaire des sacrements proposés au libre assentiment de notre foi : le baptême, le sacrement de réconciliation, l’eucharistie, etc… Dans ce dernier, nous retrouvons d’ailleurs le symbolisme du vin qui renvoie au sang du Christ, « le sang de l’Alliance versé pour une multitude en rémission des péchés » (cf. Mt 26,26-29). Là encore, la réconciliation avec Dieu par le pardon des péchés est centrale. « Le sang du Christ purifiera notre conscience des œuvres mortes que nous avons pu accomplir » (Hb 9,14). Cette purification va de pair avec une vivification, car tel est le but poursuivi par Dieu. En effet, nous dit Jésus, ceux et celles qui accepteront de recevoir son corps et son sang dans le sacrement de l’eucharistie goûteront dès maintenant à la vie nouvelle et éternelle qu’il est venu nous offrir en surabondance au Nom de son Père (cf. Jn 6,53-58 ; 10,10 ; 5,43). Certains comprenaient ces paroles au sens littéral de « boire du sang humain » et « manger de la viande humaine », comme dans certains sacrifices païens, et bien sûr, ils en étaient horrifiés : « Elle est dure cette parole ! Qui peut l’écouter ? ». Mais Jésus leur répond : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont vie » (Jn 6,63). Nous retrouvons ainsi, appliquée à l’Eucharistie, l’interprétation du miracle des noces de Cana : c’est l’Esprit Saint, le grand Don de Dieu, qui accomplit la purification des cœurs et leur communique dès maintenant, dans la foi, la vie nouvelle et éternelle… Heureux alors ceux qui croient et acceptent de se lancer dans cette magnifique aventure de la foi… Ils découvriront toute l’intensité de cette vie nouvelle en la vivant…

3 – Toute la période avant le Christ est habituellement désignée comme étant celle de l’Ancienne Alliance (« L’Ancien Testament »), et à partir du Christ, nous parlons de Nouvelle Alliance (« Le Nouveau Testament »). Nous venons d’évoquer l’eucharistie et « le sang de l’Alliance ». Le Christ est en effet venu établir « une nouvelle Alliance » entre Dieu et les hommes (Lc 22,20 ; 1Co 11,25 ; 2Co 3,5-6), permettant à toutes les perspectives évoquées dans l’Ancienne d’atteindre enfin leur but… C’est pourquoi Jésus déclare en Mt 5,17 : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir ».

Ce thème de l’Alliance est très souvent présent dans le récit des noces de Cana de telle sorte que ce miracle n’est rien de moins que le signe de cette Alliance Nouvelle instituée par le Christ. Toute la suite de l’Evangile ne sera qu’approfondissement, explication, conséquences de ce qui est révélé ici, à Cana…

Commençons par regarder le verset qui précède immédiatement notre récit : Jn 1,51 fait allusion à Gn 28,10-17 où Dieu renouvelle avec Jacob l’Alliance qu’il avait autrefois conclue avec Abraham : constater comment Dieu se nomme en Gn 28,13, puis comparer Gn 28,13-14 avec Gn 13,14-17 ; 15,18 et 17,4-8 ; puis la fin de Gn 28,14 avec Gn 12,1-3. Appliquer Gn 28,12 au Christ suggère donc que tous ces textes s’accompliront avec lui. Et St Jean va plus loin : sur quoi les Anges de Dieu montent-ils et descendent-ils en Gn 28,12 ? Même question en Jn 1,51. A quoi Jésus est‑il donc indirectement comparé ? Or, qu’unit cette réalité en Gn 28,12 ? Conclusion : quel est le rôle premier de Jésus, sa mission (cf. Jn 14,6 ; 1Tm 2,5-6 ; Ac 4,12 ; 2Co 5,18-20) ?

Dans la Bible, Dieu se présente comme vivant en Alliance avec tous les hommes présents sur la terre, et cela depuis le commencement du monde (cf. Gn 9,8-17 en se souvenant, dans la poésie biblique, que Noé est devenu après le déluge le second grand ancêtre de toute l’humanité après Adam ; compter d’ailleurs combien de fois intervient le mot « alliance » en ce texte, sept étant dans la Bible un symbole de perfection). Et pour que les hommes prennent conscience et accueillent cette Présence de Dieu offerte à tous, Dieu se choisira un homme Abraham, et il entreprendra avec lui et avec sa descendance, un lent et patient travail de révélation. Cette œuvre atteindra son sommet avec l’incarnation du Fils, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), fils d’Abraham par Marie… « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils Unique qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,18). Jésus est donc venu nous révéler une réalité qui existe depuis que les hommes existent sur cette terre : Dieu est tout proche de chacun d’entre eux. Ses premières paroles dans l’Evangile selon St Marc sont d’ailleurs : « Le Royaume de Dieu est tout proche » (Mc 1,15). Ainsi, Dieu vit en Alliance avec tout homme, imperturbablement fidèle, travaillant de tout son cœur, dans le respect de sa liberté, à la Plénitude de sa vie et donc à son bonheur… Mais encore faut-il qu’il soit accueilli, écouté, suivi…

Répétons-nous : l’Alliance avec Abraham, renouvelée avec son fils Isaac, puis avec Jacob, le roi David, etc… est l’application particulière à un Peuple d’une réalité universelle. Et la vocation d’Israël est d’être « au service » de Dieu (Is 44,1-3 ; 44,21‑22 ; 49,3) pour que ce mystère d’Alliance soit annoncé, reconnu, accueilli par tous les hommes. Comme Dieu ne cesse de bénir ses créatures (Gn 1,28 ; Ep 1,3 ; Ps 84(83),12-13), si ces dernières l’accueillent, alors « seront bénies toutes les familles des nations » (Parole de Dieu à Abraham lors de son appel, Gn 12,3). La volonté de Dieu sera accomplie. Or, tel était le but premier poursuivi par le Christ : « Ma nourriture est d’accomplir la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre », l’humanité, « à bonne fin », à la vie éternelle (Jn 4,34). « Dieu veut en effet que tous les hommes soient sauvés » (cf. 1Tm 2,3-5). C’est pour cela que le Christ s’est offert totalement sur la Croix, donnant sa vie, versant son sang, pour révéler à quel point Dieu veut notre salut, à en mourir… « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le trône, et par l’Agneau » (Ap 7,10)… Il nous reste maintenant à prendre conscience de tous ces trésors offerts, et à les accueillir… « Tout est achevé » du côté de Dieu (Jn 19,35)… De génération en génération, tout reste à faire de notre côté…

Le sang versé de Jésus est ainsi « le sang de l’Alliance » versé pour que « la multitude » des hommes puisse s’ouvrir à cette Alliance qui existe depuis toujours, et trouver en elle ces trésors de Vie et de Paix que Dieu veut voir régner dans tous les cœurs… Le miracle de Cana est ainsi en St Jean le signe de cette Alliance que Dieu vit avec tout homme, offrant sans cesse à sa liberté le Don de ce « bon vin », l’Esprit Saint, pour qu’il puisse trouver avec lui cette intensité de vie, la vie même de Dieu, à laquelle nous sommes tous appelés.

Les prophètes ont souvent évoqué ce Mystère d’Alliance avec l’image des noces, Dieu étant l’époux, et Israël son épouse (Osée 2,16-25 ; Jérémie 2,1-2 ; 3,1.6-12 ; Ezéchiel 16 ; Isaïe 50,1 ; 54,4-8 ; 62,4-5). Et ici, nous sommes bien dans une noce… De plus, « Cana », en hébreu, signifie « jaloux ». Les noces de Cana sont donc « les noces du Jaloux », un Nom que Dieu se donne dans le Livre de l’Exode (Ex 34,14) pour évoquer son « Amour Jaloux » (Is 9,6), « sa grande jalousie » (Za 1,14) à l’égard de son Peuple. Si, pour les hommes, cette notion de jalousie est souvent négative, il ne peut en être ainsi pour ce Dieu qui n’est qu’Amour (1Jn 4,8 et 4,16) et qui ne cherche que le bien de ses créatures. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre à tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14).

De plus, il revenait à l’époux de fournir le vin pour la fête des noces qui durait à l’époque une semaine entière… Le maître du repas ne s’y trompe pas : vers qui se tourne-t-il en Jn 2,9-10 lorsqu’il goûte au « bon vin » ? Mais est-ce bien lui qui a donné ce vin ? Qui donc est ainsi présenté indirectement comme étant « l’époux » véritable ? Jean-Baptiste ne s’y est pas trompé (cf. Jn 3,29), et il est « ravi de joie », la joie de l’Esprit, « à la voix de l’époux », Jésus. En effet, « celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu » et avec elles et par elles « il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34), un Esprit dont « le fruit » dans les cœurs est « amour, paix, joie » (Ga 5,22)…

Lire maintenant ce que la Vierge Marie dit aux servants en Jn 2,5, puis lire Ex 24,1-11 en faisant tout particulièrement attention aux versets 3 et 7 : que constatons-nous ? Or Ex 24,1-11 nous décrit le rite solennel par lequel Israël accepta autrefois d’entrer dans ce Mystère d’Alliance avec Dieu. En transposant, comme St Jean nous le suggère, le contexte général de ce passage à la Vierge Marie, en déduire le rôle qui est le sien dans la cadre de cette Alliance Nouvelle que son Fils est venu instaurer. Dans le Livre de l’Exode, la référence proposée aux hommes était « le livre de l’Alliance » avec notamment ces « Dix Paroles » données par Dieu à Moïse au sommet du mont Sinaï (Ex 20,1-17). Mais dorénavant, quelle est la référence que Dieu propose à notre liberté (même logique en Mt 5,21-22 ; 5,27-28 ; 5,31-32 ; 5,33-35 ; 5,38-39 ; 5,43-45) ? Mais d’après Jn 17,8, que retrouvons-nous en fait ? Notons enfin que l’expression « le sang de l’Alliance » que Jésus reprendra dans l’institution de l’Eucharistie (Mc 14,24 ; Mt 26,28) n’intervient qu’en Ex 24,8 dans tout l’Ancien Testament…

Allusion au renouvellement de l’Alliance avec Jacob, image des noces, Cana « le Jaloux », conclusion de l’Alliance dans le Livre de l’Exode, tout concourt dans le récit des noces de Cana à diriger notre regard vers l’Alliance que Dieu vit déjà avec tout homme dans l’attente d’être enfin accueilli… Ce miracle est ainsi le signe de l’Alliance nouvelle et éternelle que le Christ est venu offrir à tout homme… Et le grand cadeau de Dieu dans le cadre de cette Alliance est le Don de l’Esprit Saint qui fait toutes choses nouvelles…

4 – Qu’apprenons-nous en lisant Jn 2,1-3 sur l’attitude de la Vierge Marie à l’égard des hommes ? Sa remarque est le point de départ de tout ce qui suivra… Mais nous dit-on que les jeunes mariés avaient foi en Jésus, qu’ils lui ont demandé quelque chose, qu’ils ont reconnu le don qui leur a été fait… ? Que nous apprennent donc toutes les circonstances de ce récit sur la manière d’agir de Dieu à notre égard ?

Très concrètement, nous avons ici « six jarres de pierre contenant chacune deux ou trois mesures ». Prenons le maximum de « trois mesures ». Une mesure valait 45 litres. Chaque cuve étant « remplie à ras bord », combien avons-nous ici de litres de vin ? Que suggère ce résultat sur la manière avec laquelle Dieu se comporte vis-à-vis des hommes (cf. Jn 10,10 ; Rm 5,20 ; 2Co 1,5 ; 1Th 1,5 ; 1Tm 1,14) ? Mais pour qu’il en soit ainsi, « remplissez d’eau ces jarres », quelle attitude de cœur le Christ attend-il de ses disciples (cf. Rm 1,5 ; 15,18 ; 16,19 ; 16,26) ?

Marie prend donc l’initiative d’intervenir, comme toute maman qui demande un service à son fils. Or la réponse de Jésus peut paraître surprenante. En effet, il lui dit littéralement « Quoi à moi et à toi, Femme ? », une expression unique en St Jean et qui n’intervient dans les autres évangiles que dans le cadre des relations entre Jésus et les démons (cf. Mt 8,29 ; Mc 1,24 ; Lc 4,34 ; 8,28) ! Le P. Vanhoye propose de traduire : « Quelle relation y a-t-il entre moi et toi ? » De plus, Jésus ne l’appelle plus « Mère » mais « Femme » ; il remet donc en question la relation qu’il vivait jusqu’à présent avec elle. Et de fait, à partir des Noces de Cana, Jésus va vraiment commencer son ministère public, et pour cela, il va quitter la maison familiale… Et Marie va l’accepter de tout cœur, tout comme elle acceptera, au pied de la Croix, la mort de son Fils pour le plein accomplissement de son œuvre de salut… Désormais, il ne sera donc plus sous l’autorité directe de Marie (cf. Lc 2,51). Ce sera plutôt l’inverse : Marie le suivra, en disciple de son Fils, avec tous les autres disciples… Un détail le suggère : noter le premier personnage qui intervient dans le récit en Jn 2,1. Jésus n’apparaît qu’après… Or, à la fin du récit, l’ordre est bouleversé : Jésus est en premier, il prend l’initiative, et tous le suivent (Jn 2,12)…

Mais Marie aura toujours une place toute particulière parmi les disciples de Jésus. A l’invitation de son Fils (Jn 19,25-27), elle sera leur Mère, les invitant sans cesse « à faire tout ce qu’il dira », pour qu’ils puissent dans l’obéissance à sa Parole la Plénitude de la Vie… Marie apparaît alors comme étant vraiment « Femme » : elle a donné la Vie au monde en enfantant Jésus, « le Prince de la Vie ». Et en invitant tous les hommes à accueillir son Fils, elle contribue encore pour sa part à les engendrer à la Vie nouvelle de l’Esprit… Marie, « Femme » « bénie entre toutes les femmes » (Lc 1,42), Mère de Jésus et Mère de tous les hommes appelés à croire en Lui, est ainsi « la Nouvelle Eve » de « la Nouvelle Alliance », « Eve » signifiant en hébreu « la mère de tous les vivants » (Gn 3,20)…

Correction de la fiche N°4

corrige fiche 4




Seconde session Cycle Long à Cilaos (7/03/2020)

Eglise et cure de Cilaos

Un tang dans le jardin de la cure…

Alain, cuisinier à la retraite, et Jonathan aux fourneaux, admiré par Yoland…

Au menu : en entrée, beignets de carottes et salade russe ; puis canard fumé et camarons…

avec un bon petit extra ouvert par P. Séraphin…

P. Victor, Curé de Cilaos, et Noéline…

Les Soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie avaient une journée détente à Cilaos,

et elles ont partagé leur repas sous la véranda, derrière la cure…

Puis vint le temps du travail en carrefours…

Et à 17h 00, nous nous sommes retrouvés à l’Eglise pour la célébration de l’Eucharistie…

 




Fiche n° 5 : La purification du Temple (Jn 2, 13-22)

La purification du Temple (Jn 2,13-22)

            La fête de « la Pâque des Juifs » apparaît pour la première fois dans notre Evangile en Jn 2,13. Elle y intervient en tout dix fois : Jn 2,13.23 ; 6,4 ; 11,55 (2x) ; 12,1 ; 13,1 ; 18,28.39 ; 19,14. Remettons-nous dans le contexte de cette fête.

            D’après le tableau chronologique situé au dos de nos Bibles, Abraham est situé vers 1850 avant Jésus-Christ. D’après Gn 11,28.31 ; 15,7, il est originaire de la ville d’Ur, au sud est de Babylone. Voilà celui que Dieu appellera pour se constituer un Peuple, Israël. Sa vocation sera d’être au service de Dieu (Is 41,8-9 ; 44,1-2 ; 49,3) pour que sa bénédiction puisse être révélée et accueillie par la terre tout entière (cf. Gn 12,1-4). Abraham aura pour fils Isaac (Gn 17,19 ; 21,3-5), Isaac engendrera Jacob (Gn 25,26), et Jacob aura douze fils qui deviendront les douze ancêtres des douze tribus d’Israël (Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon, Joseph, Benjamin, Dan, Nephtali, Gad, Asher). A la suite d’une famine, tous allèrent s’installer dans le delta du Nil, en Egypte. Là, ils prospérèrent jusqu’à devenir un peuple nombreux. Les Pharaons se succédèrent… Si les premiers étaient accueillants, Ramsès II, vers 1250 av JC, verra en ce peuple une menace pour son Royaume (Ex 1,9-10). Il leur imposera des travaux épuisants (Ex 1,11-14) et ira même jusqu’à ordonner la mort de tous les nouveaux-nés de sexe masculin (Ex 1,15-22). Alors, un jour, Dieu se manifestera à Moïse et lui dira : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel », la Terre Promise (Ex 2,7-8)… A l’invitation de Dieu, Moïse ira voir plusieurs fois le Pharaon oppresseur pour lui demander de les laisser partir… Mais celui-là refusera à chaque fois… Toute une série de catastrophes naturelles contribueront alors à ce que Pharaon lâche enfin prise : eau imbuvable, invasions de grenouilles, de moustiques, de taons et de sauterelles, grêle, épidémies… L’auteur du Livre de l’Exode présente « dix plaies », un chiffre symbolique qui renvoie aux « Dix Paroles » de la Loi de Moïse (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6-22). Or, « tout ce que Dieu dit, il le fait » (Ps 115(113b),3 ; 135(134),6). Cette conviction s’exprimera de façon poétique dans le récit de la création du monde, lui aussi en Dix Paroles (Gn 1,1‑2,4) : « Dieu dit : « Que la lumière soit », et la lumière fut… Dieu dit : … et il en fut ainsi »… Le chiffre « dix » renvoie donc symboliquement dans la Bible à la Parole de ce Dieu qui fait toujours ce qu’il dit. Il avait dit à Moïse qu’un jour il délivrerait son Peuple de la main de ses oppresseurs… Il l’a dit, il a fait en sorte qu’il en soit ainsi à travers de multiples circonstances naturelles (« les dix plaies ») et c’est arrivé…

            Avec la fête de Pâque, Israël sera invité par la suite à se souvenir, chaque année, de cette libération d’Egypte dans la certitude qu’il est toujours en relation avec le même Dieu. Autrement dit, ce que Dieu a fait autrefois pour la génération de Moïse, il peut toujours le refaire dans les circonstances différentes de « l’aujourd’hui » de l’histoire. C’est ainsi que chaque génération est invitée à dire : « Nous étions esclaves de Pharaon en Egypte » (Dt 6,20-25)… La libération est à chaque fois réactualisée…

Le mot « pâque », en hébreu, est expliqué par un verbe qui veut dire « passer » : Dieu est « passé » en Egypte pour que son Peuple puisse « passer » avec Lui de « la misère » au bonheur, des « cris » de souffrance aux cris de joie, des « angoisses » à la paix, de l’esclavage à la liberté… Pour célébrer cette fête, on sacrifiait un agneau et on le mangeait tous ensemble en famille (Ex 12,1-14 ; Dt 16,1-8).

            En évoquant en Jn 2,13 « la pâque des Juifs », c’est à tout ce contexte que St Jean fait allusion. En effet, comment a-t-il déjà présenté Jésus en Jn 1,29 et 1,36 ? Et il mourra sur la Croix la veille de cette grande fête de Pâque qui tombait, cette année-là, un jour de Sabbat. Parmi les dates possibles (les années 27, 30 et 33), les spécialistes retiennent le plus souvent le vendredi 7 avril 30. Jésus sera donc crucifié en ce « jour de la Préparation » de la fête (Jn 19,14.31.42) où l’on immolait dans le Temple de Jérusalem tous les agneaux qui allaient ensuite être mangés en famille… En relisant cet événement tragique à la lumière de leur foi, les disciples de Jésus comprendront plus tard qu’il est le vrai Agneau pascal immolé pour que nous « passions » avec lui de « la misère » du péché au bonheur, des « cris » de souffrance aux cris de joie, des « angoisses » à la paix, de nos multiples esclavages à la liberté, de la privation de la Plénitude de la Vie par suite de nos fautes à l’expérience de cette Plénitude… « Le salaire du péché, c’est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus » (Rm 6,23). Heureux alors ceux et celles qui acceptent de faire la vérité dans leur vie pour offrir au Christ, en vérité, leurs multiples misères. Avec « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », l’Agneau immolé pour nos péchés, ils feront l’expérience de la vraie Lumière et de la vraie Vie, dès maintenant, dans la foi… « Heureux ceux qui ont cru », dira alors Jésus (Jn 20,29)…

            La fête de Pâque était donc une des trois grandes fêtes de pèlerinage où Ies Israélites étaient invités à monter au Temple de Jérusalem. C’est ce que fait ici Jésus… Et en entrant dans la grande cour du Temple (400m x 300m), il y trouve tous les animaux qui étaient utilisés dans les différents sacrifices pratiqués à cette époque, et notamment « les sacrifices pour le péché » (Lv 4-5). En signe de résistance vis-à-vis de l’occupant romain, toutes les transactions devaient s’effectuer non pas avec la monnaie romaine, mais avec celle utilisée à Tyr, au Nord d’Israël. Pour acheter un animal en vue de l’offrir en sacrifice, il fallait donc commencer par changer ses sesterces en monnaie tyrienne… Mais Jésus chasse ici tous ces animaux et renverse les tables des changeurs… « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce », déclare-t-il. Tous faisaient en effet beaucoup de profit sur le dos des pèlerins : les marchands bien-sûr, mais aussi les changeurs et le grand-Prêtre responsable du Temple qui percevait un pourcentage sur toutes ces activités… Or, nous dit Jésus, « nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent » (Mt 6,24). La logique de l’argent est en effet trop souvent : accumuler pour soi au détriment des autres. Et parfois tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins : vols, mensonges, injustices… Autant d’attitudes contraires à celles que Dieu attend de nous… Dieu en effet est Amour (1Jn 4,8.16), et « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même », disait Ste Thérèse de Lisieux… « Aimer » n’est donc pas un « pour soi » mais un « pour l’autre ». Toute l’œuvre du Christ consistera, petit à petit, à nous arracher aux ténèbres du repli sur soi, pour nous ouvrir à l’Autre et au même moment aux autres… « L’amour du Christ nous presse », écrit St Paul, « à la pensée que, si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts. Et il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,14-15). Ainsi, « nul d’entre nous ne vit pour soi-même… si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur » (Rm 14,17-18). Et ce « vivre pour le Christ » se traduira par un « vivre pour les autres », leur bien, leur vie, leur Plénitude… En effet, nous dit Jésus, « si vous m’aimez, vous garderez mes commandements »… « Et voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Et nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 14,15 ; 15,12-13)…

Par son geste prophétique, Jésus cherche donc à secouer les consciences pour les réorienter vers une recherche authentique de Dieu qui ne pourra que se concrétiser dans une recherche effective de ce qui est bien pour autrui… Mais au même moment, en chassant tous ces animaux du Temple, il devient impossible d’offrir un sacrifice… Mais souvenons-nous, qui est celui qui accomplit ce geste (Jn 1,29.36) ? Que faisait-on au Temple au moment où il mourût sur la Croix ? Quel sens aura son offrande sur la Croix d’après Hb 9,26b ; Hb 10,5-14 ? Et à l’invitation de son Seigneur, l’Eglise fait mémoire de cette offrande unique chaque fois qu’elle célèbre l’Eucharistie (cf. Lc 22,19‑20 ; 1Co 11,23-25). Elle s’approprie pour elle-même, et elle propose au même moment au monde entier, les bienfaits de l’unique Passion du Christ vécue pour le salut de tous les hommes (Jn 3,16-17)… St Jean suggère encore cet événement central pour notre foi par la citation du Ps 69(68),10 ; noter que dans l’Ancien Testament, le verbe « dévorer » est traduit ou bien par un présent (Bible de Jérusalem), ou bien par un passé (TOB), les deux exprimant les nuances possibles du temps hébreu utilisé. Or St Jean l’a remplacé par un futur qui renvoie à la Passion du Seigneur… C’est là en effet que « le zèle de la maison de Dieu dévorera » le Christ jusqu’au bout (Jn 13,1), jusqu’à la mort sur une croix. Et sa Résurrection manifestera à quel point « son amour envers nous s’est montré le plus fort » (Ps 117(116)) : plus fort que tous nos péchés, nos trahisons, nos injustices, nos méchancetés, notre cruauté… « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Et il offrira sa vie pour ceux-là même qui le tuent (Ac 3,26)… Désormais, un seul sacrifice sera pleinement efficace pour tous les hommes de tous les temps : celui de « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde »… Car c’est « le sang du Christ », et lui seul, qui peut « purifier notre conscience des œuvres mortes » que nous avons pu accomplir « pour que nous rendions un culte au Dieu vivant » par toute notre vie, une vie de charité (Hb 9,14)… Tel est « le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle versé pour la multitude en rémission des péchés »…

            En chassant les animaux, Jésus supprime par un geste prophétique le culte du Temple, avec tous ses sacrifices. Ses interlocuteurs ne s’y trompe pas, et ils lui demandent un signe venant du ciel qui authentifierait sa mission… Mais cette demande prouve qu’ils sont « aveugles de cœur » (cf. Mt 13,10-17). En effet, ils ont sous les yeux « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), « le Fils Unique de Dieu, de même nature que le Père », disons-nous dans notre Crédo. « Il est Dieu né de Dieu »… Son humanité est donc le signe visible de la Présence de Dieu au milieu des hommes… « Il est l’image du Dieu invisible » dit St Paul (Col 1,15), là, sous leurs yeux, tout près, tout proche, offert à leurs regards, mais ils ne le reconnaissent pas !

Noter alors ce que Jésus leur déclare en Jn 2,19. Comment comprennent-ils cette Parole ? La mention des « 46 ans » permet de dater la scène : Hérode le Grand avait entrepris les travaux de restauration et d’agrandissement du Temple en 20-19 avant Jésus-Christ. Nous sommes donc en 27-28 après Jésus-Christ. Souvenons-nous qu’une des trois dates où la Pâque tombait un jour de sabbat était justement l’an 27 après Jésus-Christ. Nous constatons ici qu’elle ne peut correspondre à l’année de la mort de Jésus…

            La réponse est dans la question, mais noter quel terme St Jean a employé jusqu’à maintenant pour parler du Temple de Jérusalem (cf. Jn 2,14-15 ; « iéron », en grec). Puis relever celui qui intervient dans la Parole de Jésus et le commentaire qui suit immédiatement en Jn 2,19-21 (« naos », en grec). Combien de fois apparaît-il (le chiffre « trois » renvoie à Dieu en tant qu’il agit…) ? Or le mot employé désignait l’édifice central du Temple, là où se trouvait la pièce appelée « le Saint des saints », là où, croyait-on, Dieu habitait… Dans le régime de la Nouvelle Alliance, quel sera donc le Temple nouveau (cf. Jn 2,21) ? Et de fait, où « habite » Dieu le Père d’après Jn 10,38 ? Conclusion : à qui doit aller celui ou celle qui désire rencontrer Dieu ? 

Par rapport au régime de l’Ancienne Alliance et de ses multiples sacrifices, nous voyions à quel point Jésus « n’est pas venu pour abolir la Loi ou les prophètes : il n’est pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5,17). La Loi de Moïse, avec ses multiples commandements et préceptes, est désormais remplacée par « le bon vin de l’Esprit Saint » (Message du Miracle des Noces de Cana, Jn 2,1-12). Et le Temple de Jérusalem laisse la place à Jésus Lui-même, le Temple de Dieu, au sens où il vit en parfaite communion avec le Père dans l’unité d’un même Esprit (Jn 10,30). Plus tard, cette notion de Temple sera élargie à tous les disciples de Jésus rassemblés en son Nom pour célébrer et vivre leur foi. En effet, « lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20), uni à chacun d’eux dans ce même mystère de communion. Jésus est ainsi la « pierre vivante » sur laquelle repose tout l’édifice constitué des multiples « pierres vivantes » que sont les croyants (1P 2,4-5)… Le Temple Nouveau de la Nouvelle Alliance est donc tout à la fois Jésus et la communauté des croyants réunie en son nom : l’Eglise « Corps du Christ » dira St Paul… Nous voyons que l’élément qui lie de ces deux points de vue complémentaires est le Mystère de Communion dans l’unité d’un même Esprit. C’est ce que Jésus vit depuis toujours et pour toujours avec le Père, c’est ce qu’il est venu partager avec tous ceux et celles qui accepteront de le recevoir dès maintenant, par leur foi et dans la foi… Et ce mystère d’union avec Dieu en un seul Esprit (cf. 1Co 6,17 ; 1Th 5,9-10 ; Ep 4,3) s’accomplira pleinement par-delà notre mort, en cet état de « ressuscités avec le Christ » où nous verrons enfin ce que nous ne pouvons pour l’instant que pressentir dans la foi (cf. 1Co 13,12 ; Col 3,1-4 ; 1Jn 3,1-2 ; 1P 1,6-9)…

Admirons la beauté du plan de St Jean. Après l’introduction générale du Prologue (Jn 1,1-18), il présente rapidement Jésus par l’intermédiaire de tous ses titres (Jn 1,19‑51). Puis il montre ce que sont devenus les deux piliers de la foi juive accomplie par le Christ : la Loi laisse la place à l’Esprit, le Temple à Jésus Lui-même en tant qu’il est venu nous révéler que Dieu est un Mystère de Communion. En effet, le Père, le Fils et le Saint Esprit vivent unis l’un à l’autre dans la communion d’une même nature divine qui est tout à la fois Amour (1Jn 4,8.16), Esprit (Jn 4,24), Lumière (1Jn 1,5)… Et c’est ce Mystère de Communion que le Christ est venu révéler et offrir à tous les hommes, pourvu qu’ils acceptent de renoncer à tout ce qui lui est contraire… Alors, « ce n’est plus à Jérusalem ou sur telle ou telle montagne » qu’il faudra se rendre désormais pour adorer Dieu… Il suffira de retrouver le chemin de son cœur pour « l’adorer en Esprit et en vérité » (Jn 4,24)…

Ci-dessous la correction :

Correction Fiche n° 5 Evangile de Jean

 

 




3ième Dimanche de Carême – par Francis COUSIN (St Jean 4, 5-42)

La Samaritaine,

missionnaire sans le savoir.

 

Traversant la Samarie, Jésus s’arrête au puits de Jacob, près de Sykar, fatigué par la voyage. Il envoie ses apôtres jusqu’à la ville pour aller chercher des victuailles. C’est leur mission du jour.

Arrive une samaritaine, en plein midi, pour puiser de l’eau. Suite à la discussion avec Jésus, toute bouleversée, elle retourne à la ville en s’interrogeant : « Serait-ce le Messie ? », et elle en parle à tout le monde. Elle s’est faite missionnaire, sans la savoir.

Les deux parties vont à la ville, mais pas pour les mêmes raisons. Les premiers, pour satisfaire leurs besoins ; la seconde, pour partager avec les gens une bonne nouvelle, ou une interrogation.

A priori, ce n’est pas ce qu’on attend d’eux : on attend des apôtres qu’ils annoncent la Bonne Nouvelle, et de la femme qu’elle s’occupe de sa maison, fasse ses courses … même si au départ elle était partie pour chercher de l’eau au puits …

On a une inversion des attentes.

On peut trouver des raisons à cela. Si l’on s’en tient à la chronologie de l’apôtre Jean, les apôtres en sont au tout début de leur enseignement par Jésus, et ils ne sont pas encore ’’affûté’’ pour annoncer la Parole de Dieu. Il leur faudra encore pas mal de temps pour qu’ils soient au point, après la Pentecôte.

La femme, elle, commence par s’insurger de l’attitude de Jésus : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? », puis s’étonne des réponses de Jésus : « D’où as-tu donc cette eau vive ? », puis elle va l’appeler Seigneur, Prophète, puis poser une question sur le Messie qui doit venir … « Je le suis, moi qui te parle » répond Jésus. C’en est trop pour elle : Déjà ce que Jésus avait dit de sa situation matrimoniale l’avait déstabilisée, … il faut qu’elle parle, qu’elle fasse connaître cet homme à ceux qu’elle connaît … et qui la connaissent, elle, connue comme une femme de mauvaise vie …

Alors, quand ils l’entendent leur parler, elle qui s’était isolée du groupe, pour dire : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? », ils accourent auprès de Jésus. La Samaritaine a pu être missionnaire parce qu’elle connaissait les gens de la ville, et qu’elle était connue d’eux.

Elle a été missionnaire sans le savoir, puisque les gens de la ville, après avoir entendu Jésus, crurent en lui.

On pourrait penser qu’il y a en gros deux dimensions dans la mission des baptisés :

– Une dimension intellectuelle et spirituelle : connaissance des écritures, de la Parole de Dieu, animation de la prière, célébrations et liturgie des sacrements, établissement de projet pastoraux, répartition des rôles …

– Une dimension matérielle : construire et entretenir les églises, les salles d’accueil diverses, prévoir le logement, la nourriture, le nettoyage, le lavage etc …

Ces deux dimensions étaient auparavant assurées par le clergé, surtout dans les ’’pays de mission’’ ou dans les paroisses pauvres de campagne.

Avec le concile Vatican II, et le rôle plus important donné aux ’’fidèles laïcs’’, et dans nos pays avec la raréfaction des vocations sacerdotales, on constate une redistribution des rôles entre les deux dimensions : on voit de plus en plus de ’’fidèles laïcs’’ qui s’engagent dans l’animation liturgique, qui lisent la bible, qui suivent des formations exégétiques, théologiques, sur l’histoire de l’Église, etc, données par divers organismes, qui font le catéchisme, qui animent des mouvements religieux … on voit la mise en place des Conseils Paroissiaux d’Animation Pastorale et des Conseils Économiques Paroissiaux dans les différentes paroisses … et qui aident dans la dimension matérielle …

Quant au clergé, s’il garde bien évidemment la responsabilité des sacrements, l’animation de la paroisse, et est le garant de la catholicité des différents mouvements, il n’oublie pas les tâches ménagères, comme l’on fait les apôtres à Sykar.

Cependant, en fait, s’il y a plusieurs manières de vivre notre mission de baptisés, quelle qu’elle soit, il y a toujours des moments plus spirituels et d’autres plus matériels.

Reprenons ce que disait le pape François au n° 14 de ’’La joie de l’Évangile’’ : « Remarquons que l’évangélisation est essentiellement liée à la proclamation de l’Évangile à ceux qui ne connaissent pas Jésus Christ ou l’ont toujours refusé. Beaucoup d’entre eux cherchent Dieu secrètement, poussés par la nostalgie de son visage, même dans les pays d’ancienne tradition chrétienne. Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais ’’par attraction’’. »

C’est ce qu’a fait, sans le savoir, la Samaritaine.

Puissions-nous le faire, nous aussi, mais en le sachant, et ’’par attraction’’.

Seigneur Jésus,

cette samaritaine,

qui était pourtant assez hostile au départ,

a su t’écouter,

et elle a compris qui tu étais.

Grâce à elle,

les gens de la ville sont venus à toi,

ils t’ont entendu,

et ils ont cru à ta Parole.

Que nous ayons la joie et l’enthousiasme

de cette femme

quand nous parlons de toi.

Francis Cousin

  

 Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre suivant :

Prière dim carême A 3°




Fiche n°6 : Renaître de l’Esprit Saint par Jésus Sauveur et recevoir ainsi la Vie éternelle (Jn 2,23-3,8)

En Jn 1,19-51 St Jean nous a présenté le Christ et tous les titres qu’on peut lui donner. Puis nous l’avons vu accomplir à Cana (Jn 2,1-12) son premier signe qui renvoie au mystère de l’Alliance Nouvelle : au don de la Loi par Moïse succède maintenant celui de l’Esprit Saint par Jésus-Christ. Et puisque la Loi et le Temple de Jérusalem étaient les deux grands piliers de la vie religieuse en Israël, le Christ révèlera aussitôt qu’il est désormais l’unique Temple Véritable du Dieu vivant (Jn 2,13-22). Puis St Jean abordera, sans le nommer explicitement, le thème du Baptême et la Révélation se poursuivra par l’intermédiaire de personnes concrètes qui auront toutes une portée symbolique :

  1. a) Relever en Jn 3,1-10 ; 7,45-52 ; 19,38-42 les informations sur Nicodème qui nous permettent de préciser « qui » il est. Puis, quel autre personnage intervient en Jn 3,22‑27 ? A quel peuple renvoient ces deux personnages ?

  2. b) Qui apparaît ensuite en Jn 4 ? Quel peuple est alors évoqué ? Voir les précisions données en fin de fiche.

  3. c) Enfin, qui intervient en Jn 4,46 ? A l’époque où la Palestine était envahie par les Romains, à quel ensemble de l’humanité renvoie ce dernier personnage ?

Noter la progression qui apparaît ainsi avec (a), puis (b), puis (c). Retrouver cette dynamique d’ensemble en Ac 1,8 (voir aussi Jn 4,22 ; Mt 28,16-20 ; Mc 16,14-18).

1 – La nouvelle naissance de l’eau et de l’Esprit (Jn 3,1-8)

Comment d’après Jn 2,23-25 qualifier une foi qui ne se baserait que sur les signes, les miracles, et qui ne ferait que courir après le merveilleux : est-elle solide, forte, parfaite ? Noter que Jésus le sait : « lui-même connaissait ce qu’il y avait dans l’homme » (Jn 2,25). Or cette connaissance, dans la Bible, est le propre de Dieu : « Lui seul en effet sonde les cœurs et les reins » (Ps 7,10). Jésus est donc déjà présenté ici comme étant « un prophète » (Jn 4,19.44[1] ; 6,14 ; 7,40.52 ; 9,17). Mais ce prophète n’est pas « une personne humaine créée », comme chacun d’entre nous. Il est « le Fils Unique », cette Personne divine engendrée par le Père de toute éternité, vrai Dieu mais aussi vrai homme au sens où il a voulu, par le Mystère de l’Incarnation, assumer pleinement notre nature humaine…

D’après ce que nous venons de constater d’une foi qui ne serait basée que sur des signes, que peut-on dire de la foi de Nicodème (cf. Jn 3,1-2) ? Pourquoi est-il d’ailleurs venu trouver Jésus « de nuit » (cf. Jn 19,38 ; noter que le mot « Juif » ne renvoie pas ici, comme c’est très souvent le cas dans l’Evangile de Jean, à l’ensemble du Peuple Juif mais seulement à ses responsables) ? Mais que fait-il en Jn 7,45-52 et Jn 19,38-42 ? De plus, que symbolisent en St Jean les notions de « nuit » et de « ténèbres » (cf. Jn 3,19-21 ; 13,21-30 et tout spécialement le verset 30) et comment Jésus est‑il présenté (cf. Jn 1,4-5.9 ; 8,12 ; 9,4-5 ; 12,35-36.46) ? Quel a donc été le cheminement de Nicodème entre le début et la fin de l’Evangile ?

En Jn 3,2, qu’a noté Nicodème vis-à-vis de Jésus et de sa relation à Dieu ? A la lumière de Jr 1,8.19, qui est-il prêt à reconnaître en lui (Se souvenir de Jn 4,19 ; 7,40 ; 9,17…) ?

Quel est le premier verbe employé par Nicodème en 3,2 ? Que suggère-t-il, vis-à-vis de Jésus : une connaissance plutôt de cœur ou plutôt intellectuelle ? Quel est le danger d’une telle affirmation (cf. Jn 9,41 ; Jr 13,15-17 ; Ez 16,49-50 ; Os 5,5 ; 7,10). Mais Nicodème est un homme de bonne volonté, ouvert à la vérité, en marche vers la lumière… Or, comment est-il possible de connaître le Christ et les réalités spirituelles du Royaume des Cieux (Jn 16,12-15 ; 1Co 2,9‑15 ; associer Jn 4,24 avec 1Jn 1,5 puis lire Ps 36(35),10) ? Or, quel est justement le Don que le Père veut offrir à tous les hommes par son Fils (cf. Ac 2,38 ; 10,45 ; 1Th 4,8) ? Mais Dieu ne veut forcer personne… Mais nous pouvons déjà le deviner : à quelle démarche le Christ va-t-il inviter Nicodème par la suite (Voir aussi Lc 11,9‑13) ? Et cette démarche, à renouveler chaque jour dans la prière, s’accomplit par excellence lors du sacrement du baptême (cf. Ac 2,38 ; Mt 3,11 ; Jn 1,33 ; Ac 1,5 ; 9,17-18) auquel Jésus fera allusion par la suite…

L’expression « Royaume de Dieu » n’apparaît que deux fois en St Jean (3,3.5) ; St Matthieu, de son côté, parle 55 fois du « Royaume » ! D’après St Paul, « le Royaume des Cieux n’est pas une affaire de nourriture ou de boisson : il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ; Dieu est Saint (Is 6,3 ; Ps 99(98),9 ; Lc 1,49). Nous parlons donc ici de ce que Dieu est en Lui-même, de sa nature divine « Esprit Saint »… Voilà ce que le Fils est venu communiquer à toute l’humanité (2P 1,4) et que notre « esprit » est appelé à accueillir. Si nous disons « Oui ! » au Christ, « l’Esprit Saint » nature divine viendra s’unir à notre esprit : « Celui qui s’unit au Seigneur » par sa foi, c’est-à-dire en se laissant en fait unir au Seigneur par le Seigneur lui-même, « n’est avec lui qu’un seul Esprit » (1Co 6,17). Telle est l’aventure de foi, qui commence dès maintenant sur cette terre, « en énigme » (1Co 13,12) et que nous espérons découvrir en Plénitude par-delà notre mort (cf. 1Jn 3,1-2)… Cet Esprit de Dieu qui vient s’unir à notre esprit nous entraîne dans un Mystère de Communion avec Dieu, et avec tous ceux et celles qui ont accepté eux aussi de l’accueillir. Cette Communion, si mystérieuse ici-bas, est de l’ordre de la Vie, la Vie éternelle, la Vie de Dieu. En effet, « l’Esprit vivifie » (Jn 6,63), il communique ce « je ne sais quoi »[2] qui est de l’ordre de la Vie de Dieu et que nous sommes appelés à reconnaître dans notre « vivre » même… « Si l’Esprit est votre Vie », écrit St Paul, « que l’Esprit vous fasse agir ! » (Ga 5,25).

Résumons-nous : le Royaume des Cieux est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint », un Mystère de Communion avec Dieu par son Esprit offert à tous, mais pour le recevoir il faut accepter de se repentir en renonçant à tout ce qui lui est contraire (cf. Ac 5,32). Son premier fruit en nos cœurs est de l’ordre de la Vie, la Vie éternelle, la Vie de Dieu qui se déploie dans sa Paix (cf. Ga 5,22-23 ; Ac 9,31 ; Ep 4,3)… Nous avons dit que St Jean, à la différence de St Matthieu (55 fois), n’utilise que très rarement (2 fois) la notion de « Royaume ». En effet, ce Mystère de Communion est évoqué chez lui avec le vocabulaire de « la Vie »… C’est ainsi que le mot « vie » intervient chez lui 35 fois, alors qu’on ne le retrouve que 7 fois en St Matthieu… Nous l’avons remarqué : les proportions sont cette fois inversées… Ainsi, pour St Jean, le Fils est venu en ce monde pour que « nous ayons la Vie en surabondance » (Jn 10,10), une Vie qui nous est communiquée par « l’Eau Vive » (Jn 4,10-14) de l’Esprit Saint (Jn 7,37-39), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)… Participer à cet Esprit grâce à la Miséricorde de Dieu, tel est « le Royaume de Dieu » qui commence dès maintenant, dans la foi…

Tout dépend bien sûr de nos traductions, mais quel est le mot qui apparaît le plus souvent en Jn 3,3-8 ? Et le chiffre « huit » dans la Bible est symbole de perfection (« sept ») infinie (« sept + un »)… Par cette nouvelle naissance évoquée ici notre vocation commune à tous  commencera à s’accomplir pleinement : devenir des enfants de Dieu (Jn 1,12) vivants du Souffle de son Esprit (Gn 2,4b-7 ; Jn 20,22) pour être « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27). C’est donc dans cet Esprit que nous trouverons notre Plénitude. D’où l’appel de St Paul : « Cherchez votre Plénitude dans l’Esprit » (Ep 5,18)…

Le baptême comme naissance nouvelle est aussi évoqué en Tt 3,4-7 ; 1P 1,22-23 ; 1Jn 2,29 ; 3,9 ; 4,7 ; 5,1… Et le fruit de cette naissance nouvelle est une créature nouvelle, un « être nouveau » (2Co 5,17) qu’il s’agira de faire passer par la suite dans toute notre vie, petit à petit, de conversion en conversion…

En Jn 3,3 et Jn 3,4, St Jean joue sur le double sens possible du mot grec « anôthen, d’en haut ou de nouveau ». Nicodème comprend « naître de nouveau » au sens matériel « d’entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître » ! Mais Jésus évoque, lui, la nouvelle naissance « d’en-haut », celle réalisée par Dieu le Père Lui-même et mise en œuvre par le don de l’Esprit Saint. Cela ne vient pas de l’homme, mais de Dieu… D’où l’invitation : « Il vous faut naître d’en haut » (Jn 3,7)… Et cela se fera dans la mesure où nous accepterons de laisser Dieu agir en nous abandonnant avec confiance entre ses mains. « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 24,46), ma vie, tout ce que je suis… Une fois de plus, nous constatons à quel point Jésus est Lui-même le chemin qui nous mène vers le Père… « Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira… Je remets mon âme entre tes mains… sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père » (Charles de Foucauld).

Noter les deux verbes associés au Royaume de Dieu en Jn 3,3 et 3,5. Retrouver le deuxième en Mt 18,8 et 19,17 ; en comparant l’expression employée dans ces deux derniers versets avec Jn 3,5, retrouver la notion équivalente en St Jean à celle de « Royaume »… Prendre maintenant le verbe de Jn 3,3 et le retrouver en Jn 3,36 : en comparant les deux expressions, retrouver la réponse précédente…

Enfin, au verset 6, Jésus évoque l’œuvre spécifique de l’Esprit au cœur de ceux et celles qui acceptent de le recevoir, une œuvre qui apparaît avoir la même stabilité, la même permanence que « ce qui est né de la chair ». Cette conclusion apparaît du parallèle entre la chair et l’Esprit, et de la forme verbale employée en grec qui renvoie à une action passée dont les conséquences se font toujours sentir dans le présent du texte… Ainsi, les conséquences du baptême (le don de l’Esprit Saint) ne feront jamais défaut à ceux et celles qui l’ont reçu. L’Esprit donné sera toujours là, offert, pour un de ces nombreux « nouveaux départs » dont notre vie est remplie…

En Jn 3,8, St Jean joue à nouveau sur les deux sens possibles du mot grec « pneuma : ‘vent, souffle’ ou ‘Esprit’ », un mot qui intervient en Gn 1,2 dans la traduction grecque de l’Ancien Testament réalisée à Alexandrie au 3° siècle avant JC, « la Septante ». « Le souffle de Dieu », « l’Esprit de Dieu » en « planant sur les eaux » inaugurait la création et c’est toujours lui, offert par le Christ, qui permet son plein accomplissement… Mais comme le vent, il est discret, invisible, insaisissable, ce qui ne veut pas dire qu’il est impossible « d’entendre sa voix », bien au contraire… Il en est donc de même pour l’Esprit : il est possible « d’entendre sa voix » en nos cœurs, de reconnaître sa Présence, aussi mystérieuse soit-elle… Voilà « l’aventure » par excellence que Jésus nous propose… Mais cette perception « de foi » n’est pas du tout synonyme de « tout savoir », bien au contraire… « Mais tu ne sais pas ni d’où il vient, ni où il va »…

Concluons avec Rudolf  Schnackenburg et le Catéchisme de l’Eglise Catholique (& 725) : « Avant tout effort humain pour entrer dans le Royaume de Dieu, Dieu doit poser le fondement d’un nouvel « être » de l’homme, qui lui rendra aussi possible un comportement nouveau ». Ce nouvel « être » est Mystère de Communion dans l’unique Esprit… La prophétie d’Ezéchiel commence alors à s’accomplir :

Ez 36,24-29 : Ainsi parle le Seigneur Dieu :

« Je vous prendrai parmi les nations,

je vous rassemblerai de tous les pays étrangers

et je vous ramènerai vers votre sol.

(25)    Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ;

de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.

(26)    Et je vous donnerai un cœur nouveau,

je mettrai en vous un esprit nouveau,

j’ôterai de votre chair le cœur de pierre

et je vous donnerai un cœur de chair.

(27)    Je mettrai mon Esprit en vous

et je ferai que vous marchiez selon mes lois

et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes.

(28)    Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères.

Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu.

(29)    Je vous sauverai de toutes vos souillures »…

Nous l’avons noté : « Je »…, « Je »…, « Je »… Le premier à agir, c’est Dieu. Et la possibilité d’une vie nouvelle sera le résultat de cette action : « Je ferai que vous marchiez selon mes lois », des lois de vie, pour le vrai épanouissement de la vie… Dieu se propose d’agir ?… A nous de le laisser faire, de tout cœur, de nous laisser faire, de tout cœur, en lui offrant en vérité et le plus simplement possible toute notre vie… Et c’est ce qui se passe notamment en ce jour du baptême où l’Eglise, par ses serviteurs, verse « au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint » (Mt 28,19) de l’eau sur les nouveaux baptisés. Cette eau est le signe visible d’une réalité invisible, l’Esprit Saint, qui vient faire toutes choses nouvelles au cœur de la personne qui le reçoit… Mystérieusement, il lave, il purifie et ce faisant, il enlève ce « cœur de pierre », dur, froid et inhumain… De son action naît alors « un cœur nouveau », « un esprit nouveau », « un cœur de chair ». Cette dernière expression est très belle car elle souligne à quel point le fruit de l’Esprit est une humanité réussie, vraiment de chair et de sang, sensible et généreuse… « Le vrai mystique est l’épanouissement suprême du véritable humanisme. La seule façon de réaliser sa plénitude humaine est de vivre à part entière dans l’Esprit de Dieu » (Maurice Morillon).

Nous n’y arriverons jamais parfaitement ici-bas… Mais l’important est de garder cet horizon devant nos yeux et de marcher, jour après jour, de miséricorde en miséricorde, vers ce plein épanouissement qui ne peut que venir de cet Esprit donné et réellement accueilli. En effet, les trois expressions « cœur nouveau », « esprit nouveau », « cœur de chair » renvoient toutes les trois à l’homme et au renouvellement de son être. Il commencera à se mettre en œuvre dans l’invisible et le secret de son cœur. Alors, petit à petit, son comportement changera : les fruits, eux, seront visibles… Et tout ceci ne sera que la conséquence d’une seule action divine : « Je mettrai mon Esprit en vous »… Nous l’avons noté, pour la première et unique fois dans notre texte le mot « esprit » renvoie cette fois à « l’Esprit de Dieu »… Dieu fait ainsi toutes choses nouvelles en nous donnant d’avoir part à son Esprit qui vient s’unir à notre esprit blessé, malade, enténébré… Et de cette union nait une créature nouvelle, un esprit nouveau, un cœur nouveau…

« Dieu est Esprit » (Jn 4,24)… « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5)… L’Esprit est donc Lumière… Si notre « cœur inintelligent s’est enténébré » par suite de nos fautes (Rm 1,21), la Lumière vient briller dans nos ténèbres par le Don de « l’Esprit–Lumière » « et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Rien, absolument rien ne peut l’empêcher d’accomplir son œuvre pourvu que nous le laissions faire… St Paul évoque alors le résultat en Ep 5,5-9 :

« Sachez-le bien, ni le fornicateur, ni le débauché,

ni le cupide – qui est un idolâtre –

n’ont droit à l’héritage dans le Royaume du Christ et de Dieu…

N’ayez donc rien de commun avec eux.

Jadis vous étiez ténèbres,

mais à présent vous êtes Lumière dans le Seigneur ;

conduisez-vous en enfants de Lumière;

et le fruit de la Lumière consiste en toute bonté, justice et vérité »…

« Jadis vous étiez ténèbres » : tels sont « les cœurs de pierre »… Mais lavés, purifiés, sanctifiés par le sacrement du baptême et le don de l’Esprit Saint, l’Esprit de Lumière, « ils sont maintenant Lumière dans le Seigneur »… Souvenons-nous : celui qui se laisse unir au Seigneur par sa foi n’est avec lui qu’un seul Esprit (1Co 6,17)… Le pécheur qui, dans un mouvement de conversion, accepte de laisser l’Esprit s’unir à son esprit, va bénéficier de toutes les propriétés de l’Esprit « Lumière et Vie »… Seul, il n’est que ténèbres… « Dans le Seigneur », c’est-à-dire uni au Seigneur dans la Communion d’un même Esprit, il participe à ces richesses qui n’appartiennent qu’à Dieu et à Dieu seul…

Tout ceci nous est communiqué gratuitement par Celui qui en Jésus Christ et par lui s’est révélé comme un Dieu de Miséricorde, « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3), qui ne supporte pas que ses créatures soient privées de cette Plénitude de Vie, la sienne, pour laquelle il nous a tous créés… Mais accepterons-nous de croire en Lui ? Accepterons-nous d’aller à Lui en vérité et de tout lui offrir ? Cela suppose l’humble reconnaissance de ce mal qui habite encore notre vie… Mais si répondons à son invitation, nous vivrons, dans la foi, la rencontre avec le Ressuscité, Celui qui nous a promis « d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20), Lui qui ne cesse d’être « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,19) et toutes ses conséquences… Alors, heureux serons-nous, car le Christ accomplira en nos cœurs son œuvre de Sauveur… Nous expérimenterons dès maintenant « le salut par la rémission de nos péchés » (Lc 1,76-79), et nous recevrons avec ce pardon de Dieu « quelque chose » de sa Lumière et de sa Vie qui nous comblera dès maintenant, au‑delà de toute attente…

Diacre Jacques Fournier

Les Samaritains

D’après le Livre de la Genèse, Dieu s’est constitué un Peuple en appelant Abraham, originaire d’Ur en basse Mésopotamie, (Gn 12,1-5). Son fils Isaac engendra Jacob qui eut lui-même douze fils, les douze ancêtres des douze tribus d’Israël. Suite à une famine, ils partirent s’installer en Egypte. Mais sous le Pharaon oppresseur Ramsès II, Dieu appela Moïse pour libérer son peuple et le faire sortir du pays d’Egypte. Nous sommes dans les années 1250 avant JC. Cinquante ans plus tard, Josué et tous les fils d’Israël entreront en Terre Promise. Chacune des douze tribus recevra alors son territoire, et s’organisera autour de grandes figures, « les Juges ». Mais en 1030 avant JC, il faut faire face à des ennemis venus de l’extérieur, et donc unir ses forces. Saül deviendra le premier roi d’Israël (1030 – 1010 av JC), mais il sera plus un chef militaire qu’un homme politique. Son successeur David (1010 – 970 av JC) exercera vraiment la royauté au sens fort du terme. Il fera de Jérusalem sa capitale et pratiquera une politique d’extension territoriale. Le Royaume d’Israël ne sera plus jamais aussi grand par la suite … Son fils Salomon (970 – 931 av JC) lui succéda sur le trône. Il bâtira le Temple de Jérusalem, mettra en place les institutions fondamentales d’un état, se lancera dans une politique de grandes constructions ce qui l’amènera à lever des impôts de plus en plus lourds. Très impopulaire au nord, le Royaume d’Israël se divisera en deux dès sa mort : le Royaume du Nord (Attention : il est parfois appelé dans les textes « le Royaume d’Israël »), et le Royaume du Sud (« le Royaume de Juda ») avec Jérusalem comme capitale.

On peut imaginer sans peine les tensions qui devaient exister entre ces deux royaumes. Omri, roi d’Israël (Royaume du Nord) de 881 à 841, acheta pour 68 Kg d’argent une colline située à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Sichem à un certain Chémer qui devait donner son nom à la nouvelle capitale qu’Omri y construisit : Samarie (Elle est située à environ 50 kilomètres à vol d’oiseau au nord de Jérusalem). En 722 av JC, Sargon II, roi d’Assyrie, prend Samarie et transforme le royaume du nord en une province assyrienne qui prit le nom de sa capitale : la Samarie. Toute cette zone ne cessera de s’appeler ainsi par la suite, et ses habitants, les Samaritains.

Juifs et Samaritains, issus d’un même peuple, seront comme des « frères ennemis ». Une des étapes marquantes qui scellera leur division fut la construction d’un Temple sur le Mont Garizim, sans doute vers 330 av JC, Temple qui faisait donc concurrence à celui de Jérusalem. Vers 180 av JC, le Livre du Siracide (ou de Ben Sira, ou encore « l’Ecclésiastique ») parle des Samaritains en terme de « peuple stupide qui habite à Sichem »… La destruction par Jean Hyrcan en 129/128 de Sichem, du Temple du Mont Garizim, puis de Samarie peu de temps après, achèvera de consommer la rupture entre Juifs et Samaritains.

Au temps du Christ, Jn 4,9 nous rapporte que « les Juifs n’ont pas de relations avec les Samaritains », explication donnée par St Jean lui-même pour expliquer l’étonnement de la femme samaritaine (Jn 4,9) : « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ? »

Jn 8,48 nous montre aussi que, pour un Juif, traiter quelqu’un de « Samaritain » équivalait à le déclarer possédé par un démon : « Les Juifs dirent à Jésus : « N’avons‑nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon ? » Jésus répondit : « Je n’ai pas un démon mais j’honore mon Père »… »

A l’époque de Jésus, la Palestine avait comme province, tout au nord, « la Galilée », habitée essentiellement par des Juifs. Puis juste au dessous, au sud, se trouvait « la Samarie ». Et enfin, plus au sud encore, « la Judée », habitée comme la Galilée par des Juifs, avec sa capitale « Jérusalem ». Pour se rendre de la Galilée à Jérusalem, les Juifs évitaient de traverser la Samarie. Ils passaient soit par la mer, soit par la vallée du Jourdain. Jésus, lui, n’hésitera pas à traverser la Samarie. N’est-il pas venu pour réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux ? Mais un jour, il se verra refuser l’hospitalité par un village samaritain, et cela d’autant plus qu’il se dirigeait vers Jérusalem :

Lc 9,51-53 : « Or il advint, comme s’accomplissait le temps où il devait être enlevé, qu’il prit résolument le chemin de Jérusalem (52) et envoya des messagers en avant de lui. S’étant mis en route, ils entrèrent dans un village samaritain pour tout lui préparer. (53) Mais on ne le reçut pas, parce qu’il faisait route vers Jérusalem ».

A l’époque de Jésus, la question de la concurrence entre les deux Temples est encore sous-jacente. En effet, les Samaritains continuaient en effet à adorer Dieu sur le Mont Garizim :

Jn 4,19-23 : « La femme (samaritaine) dit à Jésus : « Seigneur, je vois que tu es un prophète… (20) Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : C’est à Jérusalem qu’est le lieu où il faut adorer. » (21) Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père… (23) L’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. »

Les Samaritains célèbrent encore de nos jours la Pâque sur le Mont Garizim, immolant l’agneau pascal selon le rituel d’Exode 12. Notons aussi que les Samaritains ne reconnaissent comme Ecriture que le Pentateuque (Les cinq premiers livres de la Bible : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome). Leurs écrits révèlent un monothéisme intransigeant, une exaltation de la figure de Moïse et du sanctuaire de Garizim sur lequel sont transférées systématiquement toutes les traditions que les Juifs reportent à Jérusalem.

Ils attendent eux aussi un « Messie » mais, à la différence des Juifs, il n’est pas « l’Oint fils de David », mais plutôt un prophète (Jn 4,19 : La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète… ») qui révèlera la vérité (Jn 4,25 : « Je sais que le Messie doit venir, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout. »), le prophète « comme Moïse » que le Livre du Deutéronome annonçait :

Dt 18,18 : « Dieu dit à Moïse : « Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. »

Dans les Evangiles, nous trouvons aussi des Samaritains, comme un de ces dix  lépreux guéris par Jésus qui, seul, revient lui rendre grâce (Lc 17,16), ou encore le héros de la parabole appelée justement du « bon Samaritain » (Lc 10,29-35). Et si, dans un premier temps, Jésus ordonne à ses Apôtres « d’aller plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël » sans « prendre le chemin des païens ni entrer dans une ville de Samaritains » (Lc 10,5-6), il leur ordonnera après sa résurrection d’entre les morts, de s’adresser à eux comme au monde entier (Ac 1,8). Le salut est pour tous, et il les avait préparé à avoir un regard bienveillant à leur égard notamment par cette parabole du « bon Samaritain » où il leur donnait en exemple, le comportement d’un Samaritain…

Ac 1,8 : « Vous allez recevoir une force,

celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous.

Vous serez alors mes témoins

à Jérusalem,

dans toute la Judée et la Samarie,

et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Et de fait…

Ac 8,5 : « Philippe, qui était descendu dans une ville de la Samarie,

y proclamait le Christ »…

Ac 8,14-17 : « Apprenant que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu,

les apôtres qui étaient à Jérusalem y envoyèrent Pierre et Jean.

(15)     Ceux-ci descendirent donc chez les Samaritains et prièrent pour eux,

afin que l’Esprit Saint leur fût donné.

(16)     Car il n’était encore tombé sur aucun d’eux…

(17)     Alors Pierre et Jean se mirent à leur imposer les mains,

et ils recevaient l’Esprit Saint »…

____________________________

[1] Rappel : Jn 4,19.44 renvoie aux versets 19 et 44 du chapitre 4 de l’Evangile de Jean.

[2] « La vie est bien mystérieuse. Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme » (Ste Thérèse de Lisieux).

Correction de la fiche N°6 :

CV – 6 – Jn 2,23-3,8 correction




Fiche n°7 : Le Salut du monde et son Jugement (Jn 3,11-21)

  • Noter comment apparaît Jésus en Jn 3,11-13 et noter son activité principale (cf. Ap 1,5 et 3,14) ? L’emploi du « nous » en 3,11 suggère que d’autres se joignent à lui : qui sont-ils (1– Jn 5,37 ; 15,26 ; 2– 15,27) ?

  • Lire Nb 21,4-9. Quel est ici le péché du Peuple d’Israël ? Comme souvent dans l’Ancien Testament, les conséquences du péché sont directement attribuées à Dieu : comment sont-elles évoquées ici ? Comment St Paul en parle-t-il (cf. Rm 2,9) ?

Le peuple a péché… Les conséquences sont douloureuses… Moïse intercède pour lui… Dieu va lui répondre et reprendre l’initiative :

Qu’est-ce qui doit être fait ? Bien noter l’expression employée au v. 8 : à quoi renvoie la notion de « brûlure », que décrit-elle en fait (Bible de Jérusalem : « un Brûlant » ; TOB : « un serpent brûlant ») ?

2 – Où doit-être placé le résultat de ce travail et pourquoi ?

3 – Quels sont ceux qui, ensuite, seront concernés par tout cela (fin du v.8) ?

Dans un premier temps, qu’avaient-ils fait (cf. Ba 1,18) ? Et maintenant, que doivent-ils faire (cf Dt 28,2 ; Jr 42,6) ? Que suppose ce changement d’attitude (cf. première moitié de Nb 21,7 ; Jr 2,23 ; 3,13) ?

5 – Cela sous-entend que Dieu respecte infiniment une dimension fondamentale de notre aventure humaine, laquelle (cf. 2Co 3,17) ? Et si cette valeur est bafouée ou blessée, il sera le premier à tout mettre en œuvre pour la rétablir (cf. Is 35,10 ; Jn 8,31-36 ; Ga 5,1 ; Jc 1,25)…

6 – Quel est donc le but poursuivi à travers ce « serpent d’airain » (cf. le v.6 de Sg 16,5-12) ?

7 – Et qui finalement agit avec lui et par lui pour qu’il en soit ainsi (cf. les v. 7-8, le v. 10 et le v. 12 de Sg 16,5-12 ; Is 45,22 ; Ps 34(33),6) ?

St Jean fait donc allusion en Jn 3,14-15 à ce passage du Livre des Nombres. Nous allons reprendre pas à pas les étapes précédentes pour essayer de percevoir toutes les richesses de ce parallèle :

1 – A quoi le Christ est-il directement comparé en Jn 3,14 ? Or, souvenons-nous de l’expression employée en Nb 21,8 et de ce qu’elle évoquait… Cette expression maintenant s’applique au Christ (Lire Ac 3,14 ; 1P 1,19 ; 2,22) ! Que suggère-t-elle ? Retrouver la réponse avec le v. 24 de 1P 2,21-25… Mais cette perspective peut-être comprise de deux façons… En silence, sans rien dire, le Christ a supporté tout le mal que nous, les hommes, avons pu lui faire… Et il l’a offert, par amour, pour la guérison de ceux-là mêmes qui lui faisaient tout ce mal. Ainsi, en se faisant homme, le Fils a voulu vivre toutes les difficultés et les souffrances que nous pouvons rencontrer sur cette terre… Il s’est vraiment fait l’un de nous… Et lui, l’innocent, a été écrasé par la méchanceté, la violence, la soif de pouvoir et la jalousie des hommes (cf. Lc 23,41)…

Mais le Christ a aussi voulu vivre tout cela pour rejoindre tous les souffrants quels qu’ils soient… St Paul parle ainsi de la communauté humaine qu’est l’Eglise en termes de « Corps du Christ » (1Co 12,27). Autrement dit, tout ce que vivent les femmes et les hommes qui forment cette communauté est aussi, quelque part, vécu par le Christ… Ce qui les caractérise ? Ils sont comme tout le monde, blessés comme tout le monde, fragiles comme tout le monde… Mais ils ont simplement dit « Oui ! » au Christ, tels qu’ils sont, avec leurs fragilités, leurs failles, leurs blessures… Et ce qu’ils vivent avec le Christ n’est simplement que ce que le Christ veut vivre avec tout homme de bonne volonté… Ils souffrent ? Le Christ est là, présent à leur souffrance, la portant avec eux, souffrant avec eux et en eux. Tel est l’Amour face à la souffrance de l’être aimé : sa « folie » l’a poussé jusqu’à prendre sur lui cette souffrance, pour la porter avec nous, pour nous soulager de son poids, ne pas permettre qu’il nous écrase, nous donner d’en triompher… Et cette souffrance peut être le résultat non seulement de la « méchanceté » des hommes, de leurs péchés, mais aussi de notre propre « méchanceté », de notre propre péché… Même si nous sommes responsables, par notre attitude, d’une souffrance qui nous accable, le Christ est toujours là, offert, pour vivre cette souffrance avec nous et nous permettre ainsi de la surmonter… Telle est l’infinie Miséricorde qui, envers et contre tout, poursuit le bien de tous les hommes qu’Il aime. Il suffit de lui dire « Oui ! ».

Le prophète Isaïe avait déjà, quelque part, perçu tout cela à travers la figure du Serviteur souffrant… Ce serviteur est tour à tour dans son Livre « Israël » (Is 41,8-9 ; 42,19 ; 43,10 ; 44,1-2), ce peuple appelé par Dieu et qui symbolise quelque part tout ce que Dieu veut vivre avec tous les hommes, et une mystérieuse figure individuelle qui sera pleinement accomplie par le Christ… Lire Is 52,13-53,12 et faire tout spécialement attention à la première moitié du v. 4, et à la deuxième des v. 6, 11 et 12… St Paul aura une phrase très forte : « Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait « péché » pour nous afin qu’en lui nous devenions « justice de Dieu » » (2Co 5,21). Dans la culture hébraïque, le mot « péché » renvoie aussi bien à l’acte commis qu’à ses conséquences : « Mon péché est trop lourd à porter », dit Caïn en Gn 4,13 après avoir tué son frère Abel. Par amour, le Christ a donc voulu être « péché » pour nous : il a pris sur lui toutes les conséquences de nos fautes, il a voulu les vivre lui-même en son âme et en son corps, pour nous en libérer et nous donner d’en triompher. Il a ainsi pris sur lui notre « péché » pour nous donner à la place « la justice de Dieu », « la justice qui vient de Dieu et donne au pécheur qui accepte de la recevoir de devenir juste »… Par amour, il est ainsi mort de notre mort pour que, tous, nous puissions vivre de sa vie…

Voilà ce que St Jean suggère également ici par le parallèle qu’il fait entre le Christ et le serpent d’airain. Le Christ est ce « Brûlant » qui, par amour pour tous les hommes, a voulu vivre en son âme et en son corps toutes leurs « brûlures », c’est-à-dire toutes les conséquences de leurs fautes… Envers et contre tout, il a ainsi poursuivi notre bien à tous… Alors, « si le salaire du péché, c’est la mort, le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23), lui qui a voulu mourir des conséquences mêmes du péché pour sauver tous ceux et celles qui l’avaient commis !

Et si le Fils peut agir ainsi, il le doit au Père qui lui donne de pouvoir se donner pour le salut de tous (cf. début de Jn 5,30)… Dieu donne ainsi son Fils au monde : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique » (Jn 3,16), Celui qui est tout pour lui, Celui vers lequel il est tourné de toute éternité, Celui à qui il se donne depuis toujours et pour toujours, Celui qui est « plus de prix » à ses yeux que lui-même (Is 43,4)… En St Jean, le Fils est ainsi le grand cadeau du Père… Si Jésus est en effet « le pain de vie » qui « descend du ciel » pour « donner la vie au monde », « c’est mon Père qui vous le donne, le pain qui vient du ciel, le vrai » (Jn 6,32).

2 – Où le Christ sera-t-il élevé et pourquoi (cf. Jn 19,37) ?

3 – Qui sera tout spécialement concerné par son offrande (cf. Lc 5,31-32) ? A quelle démarche sont-ils donc invités (cf. le 1° appel de Mc 1,15) ?

4 – Quelle attitude de cœur Dieu attend-il de chacun d’entre nous pour pouvoir accomplir son œuvre (cf. le 2° appel de Mc 1,15) ? Combien de fois intervient ce verbe en Jn 3,11‑18 ? Et le chiffre 7 dans la Bible est symbole de perfection : voilà donc « l’attitude parfaite » que Dieu attend tout spécialement de chacun d’entre nous… Noter l’expression que St Paul emploie en Rm 1,5 et 16,26 pour la décrire : qu’est-ce donc avant tout que la foi ? Et que signifie en fait une telle attitude face à Celui qui ne sait que donner, et donner encore (cf. le premier verbe de Jn 1,12) ? Et si nous consentons de tout cœur à une telle démarche, quel en sera pour nous le résultat final (cf. Jn 6,47 ; 3,16) ? Voilà ce que Dieu veut par dessus tout (cf. 1Jn 4,9)… Et pour cela, il est prêt à tout, prêt à mourir sur une Croix pour chacun d’entre nous…

5 – Retrouver la valeur évoquée précédemment au point 5 dans les versets suivants : Jn 6,67 ; 7,37-38 ; Ap 3,20 ; et hélas, en négatif, Jn 5,40 ; Mt 19,21-22…

6 – Quel est le but que le Père poursuit avec et par son Fils (cf. Jn 3,17 ; Jn 4,42 ; 1Jn 4,14) ? Noter combien de fois intervient le mot « monde » en Jn 3,14-18. Ce petit clin d’œil renforce l’universalité de la perspective, le chiffre 4 étant justement symbole d’universalité (Il renvoie aux quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest).

Noter également les autres expressions employées en ce sens au début du v. 15 et dans la seconde moitié du v. 16…

Ce désir de Dieu, cette volonté de Dieu, St Paul l’affirme lui aussi explicitement en 1Tm 2,4.

7 – Et qui, finalement, agit avec le Christ et par le Christ pour qu’il en soit effectivement ainsi (cf. Jn 5,17 ; 5,19 ; 6,44 ; 6,65) ?

Le thème qui intervient par la suite est celui du « jugement ». D’après Jn 3,17 ; 8,10-11 ; 8,15 ; 12,47, Dieu juge-t-il le pécheur au sens de « condamner » ? Nous allons donc regarder avec St Jean ce que signifie « juger » pour Dieu :

– La première étape est celle de la Présence de Dieu au monde. Depuis que le monde existe, sa « Lumière Véritable » (Bible de Jérusalem), sa « Vraie Lumière » (TOB)   « éclaire tout homme » (Bible de Jérusalem), « illumine tout homme » (TOB). Cette Présence de Dieu a été manifestée en Jésus Christ avec une intensité inégalée. Il est « la Lumière » car « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) : « Je suis la Lumière du monde », dit-il (Jn 8,12 ; 9,5 ; 12,46). Mais il est aussi en même temps « Vérité » car Dieu est « le Véritable » par excellence (cf. Jn 17,3) : « Je suis (…) la Vérité (…) » (Jn 14,6).

2 – Cette Lumière qui environne tout homme et qui est en même temps Vérité, l’appelle, par sa simple Présence, à se déterminer par rapport à elle…L’acceptera-t-il ?

  1. a) Si « oui ! », puisqu’elle est en même temps Vérité, il ne pourra, avec elle, que « faire la vérité » dans sa vie… Et la vérité est que tout homme a péché : « Tous sont soumis a péché, comme il est écrit : Il n’est pas de juste, pas un seul… Tous, ils sont dévoyés, ensemble pervertis » (Rm 3,10-11). Ainsi, « celui qui fait la vérité vient à la Lumière» (Jn 3,21). Il accepte dans sa vie la Présence de cette Lumière et il consent à tout ce que cette Lumière met en lumière : en vérité, il est pécheur, injuste, malade, blessé… Mais si « Dieu est Lumière », il est aussi « Amour» (1Jn 4,8.16). Cette Lumière est celle de la Vérité de l’Amour… En Dieu, « Amour et Vérité se rencontrent » (Ps 85,11), ils sont indissociables… Et cet Amour pur de Dieu, qui ne se recherche jamais en rien, mais qui ne cesse de poursuive le bien de celles et ceux qu’il aime, prend, face au péché, le visage de la Miséricorde. Amour toujours… « Dieu des Pères, et Seigneur de Miséricorde », toi qui « gouvernes l’univers avec Miséricorde », « ta Miséricorde vint en aide » à ceux qui avaient péché « et les guérit » (Sg 9,1 ; 15,1 ; 16,10). Autrement dit, la vérité de notre misère, reconnue et acceptée à la Lumière Véritable de ce Dieu qui n’est qu’Amour, ne peut que rencontrer la Vérité de la Miséricorde et donc le pardon, le salut, la surabondance de Paix, de Vie et de Joie…

Ainsi, la notion de « jugement » pour Dieu renvoie à sa simple Présence qui est Lumière et Vérité pour tout homme. Quiconque l’accepte de tout cœur reconnaîtra avec elle sa misère, son péché… Mais cette Lumière est aussi celle de l’Amour, de la Miséricorde qui ne désire que le bien du pécheur. Aussi, « le Père des Miséricordes » nous offre-t-il largement son pardon et avec lui la Plénitude de Vie dont nous étions privés par suite de nos fautes. Le résultat final est le salut de l’homme… Ainsi, pour Dieu, juger c’est faire la vérité pour pardonner et donc sauver… Pour lui, juger, c’est sauver… Quiconque accueille cette démarche que Dieu lui-même nous supplie d’accepter en Jésus Christ ne pourra que connaître avec Lui le salut, le bonheur, la Plénitude de Vie et de paix…

 

  1. b) Si « Non ! », l’homme pécheur, en refusant de faire la vérité dans sa vie à la Lumière de la Miséricorde, se condamne lui-même… Il se prive du pardon que Dieu veut lui offrir pour son bien… Il se prive de la Plénitude de Vie et de Joie que Dieu désire lui communiquer depuis toujours… Ainsi, Dieu ne condamne jamais qui que ce soit ! Bien au contraire, il ne cesse de désirer, d’attendre et d’espérer le retour du pécheur, comme le père dans la parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32)… C’est l’homme qui, en refusant Dieu, se condamne lui-même… En refusant de croire au Christ, il refuse l’Unique Sauveur du monde, celui qui, jour après jour, marche à ses côtés, main tendue, pour l’arracher à ses ténèbres, à sa tristesse, à sa mort… Malheur, malheur, malheur pour lui, et Dieu est le premier à s’en désoler ! Mais par contre, quelle joie au ciel s’il accepte enfin cette main toujours tendue : « C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir » (Lc 15,7 ; 15,10).… Oui, dès maintenant, dans la foi, « le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, en héros sauveur ! » Si tu consent à sa Présence, si tu acceptes d’accueillir tous ses bienfaits, « il exultera pour toi de joie, il tressaillira dans son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie » (So 3,17), heureux de ton bonheur…

            Telle est donc la notion de « jugement » en St Jean. C’est pourquoi, « celui qui croit en lui n’est pas jugé » au sens de condamner, car Dieu ne désire que son salut. Mais « celui qui ne croit pas est déjà jugé » par le simple fait « qu’il n’a pas cru au Nom du Fils Unique de Dieu », qui n’est qu’Amour, Miséricorde et Pardon… Ce n’est donc pas Dieu qui juge au sens de condamner… C’est l’homme qui, en refusant Dieu, se condamne lui-même…

Ce thème revient en Jn 5,26-27 où le Christ déclare : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même, et il lui a donné »… ‑ la suite logique serait : « de donner la vie » à « toute chair », comme il le déclare en Jn 17,2. Mais non ; la suite est : « il lui a donné pourvoir d’exercer le jugement ». On le voit bien : pour Dieu, « exercer le jugement », c’est « donner la vie » et triompher ainsi de cette « mort » qui « est entrée dans le monde » par notre liberté mal employée (cf. Rm 5,12). Pour Dieu, juger, c’est sauver… Le prophète Ezéchiel l’avait écrit depuis longtemps (vers 600 av JC) : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu – et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? (…) Je ne prends pas plaisir à la mort de qui que ce soit, oracle du Seigneur Dieu. Convertissez-vous et vivez ! Dis-leur : Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. Pourquoi mourir, maison d’Israël ? » (Ez 18,23.32 ; 33,11). Voilà la prière que Dieu ne cesse d’adresser jour après jour à tous les hommes…

En choisissant le Christ, l’homme choisit donc son Créateur qui n’a pour lui qu’un seul désir : qu’il participe à la Plénitude de sa Vie. Mais si, dans sa liberté de choisir mal employée, il « préfère » d’autres réalités, il se prive lui-même de tous ces bienfaits… C’est ce que St Jean déclare par la suite : « Et tel est le jugement : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière » (Jn 3,19)… De plus, le péché étant mise à l’écart de Dieu, volonté de tout décider par soi-même, prétention de se réaliser tout seul, il est donc « orgueil ». Et bien sûr, celui qui est dans une telle logique ne peut envisager de reconnaître une seule seconde qu’il pourrait avoir tort… « Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables » (Jn 3,20)… Terrible prison de laquelle Dieu seul peut nous faire sortir, notamment lors de ces multiples épreuves que la vie nous réserve au moment où nous nous y attendons le moins. Nous nous découvrons alors dans la vérité de notre être : profondément démunis… Démunis ? Oui, par nous-mêmes… Mais riches alors du secours de Dieu, si nous l’acceptons…

Jacques Fesch, un des derniers condamnés à mort en France, écrivait peu de temps avant son exécution : « Au bout d’un an de détention, il m’est arrivé une douleur affective très forte qui m’a fait beaucoup souffrir et brutalement, en quelques heures, j’ai possédé la Foi, une certitude absolue. J’ai cru et ne comprenais plus comment je faisais pour ne pas croire. La grâce m’a visité, une grande joie s’est emparée de moi et surtout une grande paix. Tout est devenu clair en quelques instants. C’était une joie sensible très forte que j’ai peut-être trop tendance à rechercher maintenant alors que l’essentiel n’est pas l’émotion, mais la foi »…

« Je m’aperçois que la foi est vraiment un don de Dieu. On croit par le cœur, sans savoir pourquoi, et sans même chercher à savoir. La certitude intime qui vous emplit suffit. L’amour est le plus fort »…

Jacques Fournier

 

Correction de la fiche N° 7 :

CV – 7 – Jn 3,11-21




Fiche n°8 : L’ultime témoignage de Jean-Baptiste (Jn 3,22-36)

Comment les interlocuteurs de Jean-Baptiste lui présentent-ils le Christ en 3,26, comme un allié ou comme un concurrent ? Le regard des Pharisiens en 12,19 est-il différent ? Jean-Baptiste adhère-t-il à cette vision des choses ? Quelle attitude adopte-t-il (cf. tout particulièrement 3,28 et 3,30) ?

A qui Jésus est-il comparé en 3,29 ? Avons-nous déjà rencontré ce thème en St Jean ? A quelle réalité renvoie-t-il (cf. Is 54,1-10 avec une attention particulière aux versets 5 et 10 ; lire, pour le plaisir, Is 61,10-62,5) ? Comment Jean-Baptiste se situe-t-il par rapport à Jésus en 3,29 ? Est-il heureux ainsi ? Quelle réalité est à la source de sa joie ? A la lumière de Jn 3,34 ; Jn 3,8 et 1Th 1,6, peut-on préciser la portée de l’expression « voix de l’époux » et ce qui est à la racine de la joie de Jean-Baptiste ? Et comment tout disciple de Jésus est-il invité à se situer par rapport à lui (cf. Jn 15,14-15) ? A quoi sommes-nous donc tous appelés (cf. Mt 25,21.23 ; Jn 3,29 ; 15,11) ? Et comment notre amour pour le Christ se manifestera-t-il par la suite (cf. Jn 15,27 ; Mt 10,18) ? Et qui nous épaulera (cf. Mt 10,19-20 et Ac 4,29-31) ?

Quelle portée a l’expression de Jean-Baptiste sur Jésus : « il est au dessus de tous (ou de tout) » ; que signifie-t-elle pour le Christ (cf. Jn 20,28) ? Retrouver la réponse avec les trois derniers versets de Ph 2,6-11. Même idée en Ep 1,19-23 ; comment St Paul appelle-t-il le Christ dans ce dernier texte ?

Lorsque Jésus « témoigne de ce qu’il a vu et entendu », que fait le Père à son égard (cf. Jn 5,37) ? Et par qui le fait-il (cf. Jn 15,26 ; et la fin de 1Jn 5,6 avec 1Jn 5,9) ? Conclusion : que fait celui qui accueille le témoignage du Fils (cf. Jn 3,33 ; le cas contraire est évoqué en 1Jn 5,10) ? Et de quel ordre est ce témoignage au cœur de celui qui l’accueille (cf. 1Jn 5,11-12) ?

Jn 3,34-36 redit tout ceci autrement ; d’après la traduction de la Bible de Jérusalem pour la fin de Jn 3,34[1], que donne Jésus en donnant les Paroles qu’il a reçues de son Père ? Que transmet à son tour ce don par sa simple Présence dans les cœurs (cf. Jn 6,63 ; Ga 5,25) ? Et par quelle Personne divine ce don nous rejoint-il très concrètement (cf. Jn 14,15-17) ? Conclusion (cf. début de Jn 3,36) ?

Enfin, d’après Jn 3,36, l’expression « colère de Dieu » renvoie-t-elle vraiment à Dieu en tant qu’il se mettrait en colère ? Que désigne-t-elle en fait (cf. Rm 2,4-11 ; 5,611 ; Ep 2,3-10 ; 5,1-11 ; 1Th 1,9-10 ; 5,9-10) ?

Ce dernier thème de « la colère de Dieu » est tout particulièrement important, et il mérite que nous nous y arrêtions un peu… Comme il nous est difficile en effet de lire tous ces textes, notamment dans l’Ancien Testament, où nous voyons un Dieu qui frappe, qui châtie, qui punit celui qui fait le mal… Disons-le tout de suite : tous ces passages appartiennent à ce qui, dans l’Ancien Testament, est, selon les termes du Concile Vatican II, « imparfait » et « caduc » (Dei Verbum, & 15) :

« L’Ancien Testament avait pour raison d’être majeure de préparer l’avènement du Christ Sauveur du monde, et de son royaume messianique, d’annoncer prophétiquement cet avènement (cf Luc 24,44 ; Jean 5,39 ; 1Pierre 1,10) et de le signifier par diverses figures (cf 1Cor 10,11). Compte tenu de la situation humaine qui précède le salut instauré par le Christ, les livres de l’Ancien Testament permettent à tous de connaître qui est Dieu et qui est l’homme, non moins que la manière dont Dieu dans sa justice et sa miséricorde agit avec les hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine. C’est pourquoi les chrétiens doivent les accepter avec vénération : en eux s’expriment un vif sens de Dieu ; en eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une bienfaisante sagesse sur la vie humaine, d’admirables trésors de prières; en eux enfin se tient caché le mystère de notre salut ».

Regardons rapidement ce qui a conduit les Auteurs de l’Ancien Testament à présenter Dieu comme se mettant « en colère » devant le mal, pour ensuite « punir, châtier » celui qui l’a commis, et non seulement lui, mais encore ses descendants… Cette conception se retrouve jusques dans le cœur de la Loi de Moïse, « le Décalogue », « les Dix Paroles » :

Ex 20,5-6 : « Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux », les idoles, « et tu ne les serviras pas, car moi Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent, mais qui fais grâce à des milliers pour ceux qui m’aiment et gardent mes commandements ».

Dans la traduction grecque de ce texte réalisé par la communauté juive d’Alexandrie vers le 3° siècle avant Jésus Christ, nous avons : « Tu ne te prosterneras pas devant eux et tu ne leur rendra pas un culte ; car moi, je suis le Seigneur ton Dieu, Dieu jaloux qui reporte les péchés des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération, pour ceux qui me haïssent, mais qui fait miséricorde sur des milliers, pour ceux qui m’aiment et pour ceux qui gardent mes prescriptions ».

Le poids de la miséricorde, « pour des milliers », apparaît déjà bien plus « lourd » que les « trois » ou « quatre générations » sur lesquelles le péché est « reporté »… Mais allez dire cela à ceux qui se croient punis par Dieu…

Remarquons simplement l’incohérence du texte : « faire miséricorde » suppose le pardon des fautes commises, la prise en compte de la faiblesse d’autrui, un regard de compréhension, de compassion… « Reporter le péché » sur les générations suivantes est une attitude contraire à celle de la miséricorde, d’autant plus qu’elle touche des personnes innocentes ! Le roi David s’insurgera face à une telle décision (2Sm 24,10-17). Comment Dieu peut-il donc se présenter comme un Dieu de Miséricorde, pour ensuite faire tout le contraire ?

De telles incohérences apparaissent ailleurs, par exemple :

Dt 32,39 : « Voyez maintenant que JE SUIS (cf. Ex 3,14) et qu’il n’est pas de Dieu excepté moi ! C’est moi qui fais mourir et qui fais vivre ; quand j’ai frappé, c’est moi qui guéris (et personne ne délivre de ma main) ».

Il frappe et il guérit ! Il vaudrait mieux ne pas frapper du tout…

Le pire est peut-être Dt 28,63, qui présente un Dieu qui prend plaisir à récompenser, mais qui prend aussi plaisir à punir ! Un Dieu sadique…

Dt 28,63 : « Autant Yahvé avait pris plaisir à vous rendre heureux et à vous multiplier, autant il prendra plaisir à vous perdre et à vous détruire. »

Nous le voyons à l’évidence, toutes ces paroles sont bien contraires à celles du Christ qui, lorsqu’il parle de son Père, le présente comme « Celui qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45). Il nous faut donc apprendre à lire l’Ancien Testament comme St Luc, soit en laissant de côté ces passages « imparfaits et dépassés », soit en les réinterprétant… En effet, quand Jésus commence son ministère à Nazareth, St Luc met dans sa bouche un texte du prophète Isaïe, mais il s’arrête au milieu d’un verset…

« L’Esprit du Seigneur est sur moi », lit Jésus, « parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4,18-19 citant Is 61,1-2a)

Et le prophète Isaïe poursuit : « et un jour de vengeance pour notre Dieu » (Is 61,2b), ce que St Luc n’a pas cité. Il a bien compris en Jésus Christ que Dieu n’était pas un Dieu vengeur…

Gérard Von Rad (Théologie de l’Ancien Testament) a bien mis en lumière le lent cheminement de l’Ancien Testament vers la « vérité tout entière », Jésus Christ.

Dans les temps les plus anciens, les peuples voisins d’Israël, croyaient en ce que l’on appelle souvent « Le Principe de Rétribution selon les actes ». Cette croyance était totalement païenne, au sens où les dieux n’intervenaient pas. Elle est très certainement née de l’expérience, mais la vision du monde qu’elle transmet est non seulement simpliste, mais encore erronée. Selon cette conception :

1 – Lorsque quelqu’un commet le mal,

2 – il déclenche une puissance malfaisante

3 – qui, tôt ou tard, retombera sur lui et sur son entourage.

Israël va accueillir cette croyance et l’intégrer dans sa foi encore toute jeune. Lors de la sortie d’Egypte, racontée dans le Livre de l’Exode, ils ont vu le Seigneur à l’œuvre avec une grande Puissance, et ils en ont déduit que cette Puissance ne pouvait qu’être celle du Dieu Créateur, ce Dieu Tout Puissant qui a fait surgir l’univers du néant. Et ils se faisaient une idée si grande de cette Toute Puissance de Dieu qu’ils pensaient que rien ne pouvait lui échapper, pas même le mal :

Am 3,6 : « Sonne-t-on du cor dans une ville sans que le peuple soit effrayé ?

                       Arrive-t-il un malheur dans une ville sans que Yahvé en soit l’auteur ? »

Réponse : « Non ! », Dieu en est toujours l’auteur !

Lm 3,38 : « N’est-ce pas de la bouche du Très Haut

                                                           que sortent les maux et les biens ? »

Réponse : « Oui ! », tout vient de Dieu, le bien comme le mal, le bonheur comme le malheur…

            Ces conséquences mauvaises qui, soi disant, retombent sur le pécheur ne pouvaient donc venir que de Dieu. « Le Principe de Rétribution selon les actes » a donc conduit Israël à s’imaginer que Dieu était un Juge qui, du haut du ciel, récompensait les justes et punissait ceux qui font le mal :

1R 8,32 : « Toi, écoute au ciel et agis ; juge entre tes serviteurs :

déclare coupable le méchant en faisant retomber sa conduite sur sa tête,

et justifie l’innocent en lui rendant selon sa justice ».

Ez 7,3 : « C’est maintenant la fin pour toi ;

                        je vais lâcher ma colère contre toi pour te juger selon ta conduite

                        et te demander compte de toutes tes abominations. »

Ez 22,31 : « Alors j’ai déversé sur eux ma fureur ;

                        dans le feu de mon emportement, je les ai exterminés.

                        J’ai fait retomber leur conduite sur leur tête, oracle du Seigneur Yahvé. »

Insistons bien sur le fait que cette conception appliquée à Dieu est fausse…

Ses grandes étapes sont donc :

1 – Un homme commet le mal

2 – Dieu, du haut du ciel, voit et juge…

3 – Et il châtie en envoyant sur le pécheur et sur son entourage

toutes sortes de maux…

Déjà, dans l’Ancien Testament, beaucoup réagissaient en trouvant injuste que Dieu fasse retomber sur la tête des enfants la conduite de leurs parents. Aussi, certains prophètes commencèrent à annoncer que seuls ceux qui ont commis une faute recevront le châtiment qui lui correspond :

Jr 31,29-30 : « En ces jours-là on ne dira plus :

            Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des fils sont agacées.

Mais chacun mourra pour sa propre faute.

Tout homme qui aura mangé des raisins verts, ses propres dents seront agacées. »

Ez 18,1-3 : « La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes :

Qu’avez-vous à répéter ce proverbe au pays d’Israël :

Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des fils ont été agacées ?

Par ma vie, oracle du Seigneur Yahvé,

            vous n’aurez plus à répéter ce proverbe en Israël. »

Ez 18,20 : « Celui qui a péché, c’est lui qui mourra !

            Un fils ne portera pas la faute de son père ni un père la faute de son fils :

                        au juste sera imputée sa justice et au méchant sa méchanceté. »

C’était déjà mieux, mais les croyances ont la vie dure : la question des disciples de Jésus cinq siècles plus tard le prouve ! Le Christ balaiera d’une phrase une telle conception de Dieu. Non, Dieu n’est pas un juge qui punit et nous fait du mal parce que nous-mêmes avons mal agi.

Jn 9,1-3 : « En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance.

            Ses disciples lui demandèrent : Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents,

                                                                                              pour qu’il soit né aveugle ?

            Jésus répondit : Ni lui ni ses parents n’ont péché,

                        mais c’est afin que soient manifestées en lui les œuvres de Dieu. »

Certes, Dieu est Juge en tant qu’il nous invite à faire la vérité dans notre vie. Cette première étape est identique à celle de la justice humaine. Mais si cette dernière condamne en cas de culpabilité, Dieu, Lui, pardonne et libère. La vérité est inséparable chez Lui de son Amour et de son infinie Miséricorde. Lorsque Dieu veut nous faire prendre conscience de notre péché, il nous révèle toujours en même temps son Amour :

Is 1,2-4 : « Cieux écoutez, terre prête l’oreille, car le Seigneur parle.

J’ai élevé des enfants, je les ai fait grandir,

mais ils se sont révoltés contre moi.

Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître,

Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas.

Malheur ! nation pécheresse ! peuple coupable !

race de malfaiteurs, fils pervertis !

Ils ont abandonné le Seigneur, ils ont méprisé le Saint d’Israël,

ils se sont détournés de lui. »

 

Is 1,15-18 : « Quand vous étendez les mains, je détourne les yeux ;

vous avez beau multiplier les prières, moi je n’écoute pas.

Vos mains sont pleines de sang : lavez-vous, purifiez-vous !

Otez de ma vue vos actions perverses !

Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien !

Recherchez le droit, redressez le violent !

Faites droit à l’orphelin, plaidez pour la veuve !

Allons! Discutons! dit le Seigneur.

Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront ;

quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront. »

Le Psalmiste commence donc par regarder la Miséricorde de Dieu, puis, à cette Lumière, il regarde son péché :

Ps 51,1-2 : « Pitié pour moi, Dieu, dans ton amour,

            Selon ta grande miséricorde, efface mon péché,

            Lave-moi tout entier de ma faute,

            Purifie-moi de mon offense ».

Jésus dira de même :

Jn 3,21 : « Celui qui fait la vérité vient à la Lumière »…

Or, « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) et il est aussi « Amour » (1Jn 4,8.16). Cette Lumière est donc celle de l’Amour qui veut notre bien plus que nous-mêmes et qui fait tout son possible pour nous libérer de tout ce qui sème du malheur dans notre vie, ce que nous appelons « le péché »… Mais pour qu’il puisse « enlever ce péché », il faut librement que nous acceptions de le lui donner. Et avant de le donner, il faudra bien le reconnaître… Ainsi est Dieu qui ne fait rien pour nous sans nous, dans le respect infini qu’il a de notre liberté… Alors, ce n’est que petit à petit qu’il va nous montrer ce qui ne va pas dans notre vie pour que nous puissions aller à lui sans peur et lui offrir toutes nos misères. Voilà ce qu’Il attend. Et il enlèvera bien vite tout ce qui nous empêche d’être pleinement en relation avec lui et avec nos frères…

Ps 103(102),11-12 : « Comme est la hauteur des cieux sur la terre,

            puissant est son amour pour qui le craint ;

            comme est loin l’orient de l’occident, il éloigne de nous nos péchés. »

Puis, il nous purifiera et il nous rétablira par le don de son Esprit dans cette Communion avec Lui pour laquelle il nous a créés !

Ez 36,24-28 : « Je vous prendrai parmi les nations,

            je vous rassemblerai de tous les pays étrangers

            et je vous ramènerai vers votre sol.

Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ;

de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.

Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau,

j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.

Je mettrai mon Esprit en vous

et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez

            et pratiquiez mes coutumes.

Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères.

Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu. »

Et c’est « là », « dans l’Esprit » (Ep 5,18), que nous trouverons la Plénitude du bonheur, de la vie et de la joie.

Ainsi, nous le voyons, cette conception d’un Dieu qui se met en colère, tape, frappe et punit le pécheur est né d’une foi encore balbutiante en Dieu influencée par les conceptions de l’époque face au bien ou au mal… Non, les réactions de Dieu face au mal ne sont pas celles des hommes, et surtout pas des hommes pécheurs…

Os 11,7-9 : « Mon peuple est cramponné à son infidélité.

On les appelle en haut, pas un qui se relève !

Comment t’abandonnerais-je, Éphraïm, te livrerais-je, Israël ?

Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent.

Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère,

je ne détruirai pas Éphraïm

car je suis Dieu et non pas homme,

au milieu de toi je suis le Saint,

et je ne viendrai pas avec fureur. »

Dieu ne répond jamais au mal par le mal… Bien au contraire : il comblera de ses bienfaits celui qui fait le mal pour l’inviter, petit à petit, à cesser de faire ce mal qui le détruit et blesse tous ceux et celles qui l’entourent…

Ainsi, le mal détruit celui qui le commet… Telle est l’interprétation qu’il nous faut donner à tous ces textes de l’Ancien Testament qui nous montrent un Dieu qui tape, qui frappe ou qui punit… Derrière le thème de « la colère de Dieu » se cache en fait celui des « conséquences du péché des hommes ». Non, ce n’est pas lui qui fait venir tous ces malheurs, mais les hommes eux-mêmes dès lors qu’ils vivent dans l’injustice… Et c’est justement pour éviter toutes ces guerres, ces destructions, ces violences que Dieu va envoyer ses prophètes pour inviter les sociétés où ils vivaient à retrouver ses chemins de vérité, de justice, de droiture, et d’amour… Car une société qui ne vit pas ces valeurs ne peut que s’auto-détruire… L’Histoire ne cesse de nous donner des exemples de ces empires qui n’ont laissé derrière eux qu’un champ de ruines…

Jr 2,17.19 : « N’as-tu pas provoqué cela pour avoir abandonné le Seigneur ton Dieu,

            alors qu’il te guidait sur ta route ?

Que ta méchanceté te châtie et que tes infidélités te punissent !

Comprends et vois

            comme il est mauvais et amer d’abandonner le Seigneur ton Dieu »…

Alors, « cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien »… Et c’est pour cela que le Père enverra son Fils dans le monde, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », non pas pour le condamner, mais pour le sauver, pour l’arracher à tout ce qui en fait le détruit… Et c’est pour cela que « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé », car c’est justement pas sa grâce que Dieu nous arrache à tous nos bourbiers… Et découvrir cette grâce de Miséricorde est le plus grand bonheur que nous pouvons nous souhaiter les uns aux autres…

« Tu mets dans mon cœur plus de joie,   

            que toutes leurs vendanges et leur moisson »…

Et Dieu sait si certaines vendanges sont bonnes !

D. Jacques Fournier

 

[1] Jn 3,34 (Bible de Jérusalem) : « Celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, car il ne mesure pas le don de l’Esprit ».

Correction de la Fiche N°8

CV – 8 – Jn 3,22-36 correction