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La Sainte Famille- Homélie du Père Louis DATTIN

   SAINTE  FAMILLE   A 

Matthieu 2, (13-15 ; 19-23)

  

                    Même   si elle n’a que 120 ans (1892), la fête de la Sainte Famille fait partie du paysage liturgique de Noël‘’. La Sainte Famille ‘’, comme on l’appelle, est proposée aux chrétiens comme un modèle à vivre, à leur tour, dans leurs familles.

La famille, c’est, comme dit le dictionnaire, le Père, la Mère, les enfants mais c’est aussi, dans nos mentalités modernes, la structure sociale, l’institution, la cellule de base de la société et c’est ce second sens qui apparait le plus souvent dans les médias où l’on parle de politique de la famille, de la famille éclatée, de famille recomposée, de famille monoparentale. Et alors, dans ce cas-là, la Ste-Famille ne saurait me servir de référence : difficile de présenter comme modèle, un foyer où l’homme n’est pas le père, où la mère est vierge et où l’enfant prétend venir d’ailleurs.

Dans l’Evangile lui-même, il est dit à Joseph : non pas « ‘’Prends ton fils et ton épouse’’ » mais « ‘’ Prends l’enfant et sa mère ‘’ ».   Que de gens anticléricaux ou mécréants, (mécréants= mal-croyants), ont moucaté le couple Joseph-Marie : cela blesse notre sensibilité religieuse mais, c’est vrai, nous sommes ici, en présence d’un mystère de foi et c’est, comme tel, qu’il faut le prendre.  On peut penser, vu le silence des Evangiles sur le sujet, que les relations étaient harmonieuses dans la maison de   Nazareth : ce qui ne veut pas dire, tout comme dans nos familles, qu’elles aient été toujours faciles.  Une imagerie pieusarde et mièvre a trop présenté la Sainte Famille comme des extra-terrestres à cent lieues des difficultés de la vie de tous les jours.

Comme dans toute famille, il y a eu, à Nazareth, des moments de tension, d’incompréhension, (rappelez-vous l’épisode de Jésus au temple, sa fugue, le désarroi des parents, l’explication, la réconciliation).

La sainteté n’est pas la perfection.  Mais on n’imagine pas Jésus, Marie et Joseph autrement que recherchant inlassablement à répondre, au mieux, à ce que  Dieu  attendait  d’eux.  En  cela, ils  sont  nos  maîtres  pour nos familles.

                    Faute de pouvoir s’établir à Bethléem, le pays originaire de Joseph, ils se réfugient, à cause d’Hérode, non pas en Judée mais en Galilée , région cosmopolite où toutes les races étaient mélangées, à Nazareth, le pays de Marie où ils peuvent être à l’abri du pouvoir.

Vie ‘’ cachée ‘’, selon la formule traditionnelle, ‘’ cachée ‘’ parce que menacée dès le départ : rappelez-vous le massacre des innocents.

                    Et pendant plus ou moins 30 ans, Jésus se tait.  Plus ou moins 30 ans de silence pour, plus ou moins 30 mois de parole, le temps de préparer sa mission, d’en mesurer l’enjeu, d’en définir le projet… Le temps surtout de ‘’ VIVRE AVANT ‘’ ce que l’on ‘’ DIRA APRES ‘’.

Dieu n’est pas bavard et ça nous gêne.  Parce que nous parlons beaucoup, nous aimerions que Dieu en fasse autant !  Mais le silence des Évangiles sur la vie cachée de Jésus en dit beaucoup plus que les récits qu’ils auraient pu en faire.

  • Si  nous  savons  écouter  ce  silence  et  l’écouter  dans  la  foi, ce silence, il en dit long sur le sérieux de l’Incarnation.

S’il n’y a rien à dire sur la vie privée de Jésus, c’est qu’elle fut vraiment une vie privée, marquée comme la nôtre par la simplicité et la monotonie du quotidien : un garçon comme les autres, dans une famille sans histoire, dans un trou perdu de Palestine occupée (Nathanaël dira plus tard en apprenant que Jésus est de ‘’ Nazareth ‘’ : « ‘’Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? ’’ »)  Jésus apprend à marcher, manger, parler, lire, écrire, prier, faire la fête, travailler, rendre service, participer à la vie communautaire, respecter les coutumes, les lois, les règlements.

On serait tenté de conclure: « Circulez, y’a rien à voir».  Et quand Jésus, à plus  de  30 ans, commencera  à  connaitre  la  renommée, une certaine réputation ; qui seront les plus étonnés, les plus surpris ? Les habitants de Nazareth : « ‘’ N’est-il pas le fils de Joseph, le charpentier  de Nazareth, le fils de Marie, nous connaissons sa famille’’. »

Il faudrait se dire, et c’est vrai, à propos de nos expériences humaines : « Dieu a connu ça, Dieu a vécu ça, Dieu aussi est passé par là. »  Gommer de nos esprits le mauvais réflexe de nous dire : « Oui, mais il était Dieu ! » pour ne pas vider de son contenu l’expression de notre foi : « ‘’Et il s’est fait homme ‘’».  Il en dit long, ce silence, sur la valeur du quotidien, pour Jésus et pour nous !

Pendant  30  ans, le salut  du monde  s’est  réalisé  dans un enfant qui grandit, dans un adolescent qui s’épanouit, dans un adulte qui prend sa place dans une communauté de famille, de village… autant que dans le prophète qui parle, guérit, fait  ses  miracles, avant  d’être  crucifié et de ressusciter.  C’est  toute la vie de Jésus ‘’ de la crèche au crucifiement’’ = 30 ans et 30 mois qui nous livrent le profond mystère de Dieu-Sauveur.

                     A la lumière de cette vie de Nazareth, mon quotidien à moi, mon ‘’jour le jour’’, prend toute sa valeur.  Dans la foi, rien de ce qui fait ma vie, aussi minime soit-il, aussi insignifiant soit-il, n’est nul, indifférent ou neutre par rapport au Royaume.   St-Paul vient de nous le rappeler : « ‘’Tout ce que vous dîtes, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus’’ ». Un beau cantique nous le rappelle :  « c’est Noël chaque fois qu’on essuie une larme dans les yeux d’un enfant, qu’on dépose les armes, chaque fois qu’on s’entend, qu’on arrête une guerre et qu’on ouvre ses mains, qu’on force la misère à reculer plus loin, dans les yeux du pauvre qu’on visite, sur un lit d’hôpital, dans le cœur de tous ceux qu’on invite pour un bonheur normal ! » Et pas seulement dans l’extraordinaire ou l’exceptionnel ! Mais dans le banal, le monotone, le quotidien ; si bien sûr, j’ai en moi « ‘’les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus’’ », à commencer, bien sûr, par ce lieu privilégié du quotidien : la famille.

L’Evangile  d’aujourd’hui  nous crie  que cette famille,  contemplée avec attendrissement dans la crèche ou à Nazareth, est une vraie famille et non pas je ne sais quelle famille irréelle. Très vite, elle fut jetée sur les chemins des réfugiés de l’exil par la violence de ce temps-là qui était pire que le nôtre.  Je vous l’assure, jeunes foyers ou foyers moins jeunes, vous  qui  vous  battez  contre  des  conditions    difficiles  de vie

( santé, budget, difficultés d’orientation, chômage, dialogues difficiles, conflits de générations), vous pouvez regarder la famille de Joseph et de Marie : comme toutes les familles, un jour ou l’autre, elle a connu des déchirements, des angoisses ; elle a été ballotée dans les tourbillons de l’histoire et nous revient en mémoire le mot célèbre de Péguy : « ‘’Les pères et mères de famille sont les grands aventuriers du monde moderne ‘’ ».

  • Pour nous, comme pour Joseph, quelle responsabilité ! Il lui est dit : « ‘’Lève-toi ! ‘’ » Dieu veut des hommes debout. Dieu suscite, comme en Joseph, des hommes actifs.  Dans cette page d’Evangile où Joseph, chef de famille a tant d’importance, il est à l’avant-scène, en gros plan ; tous les messages du ciel lui parlent. Mais lui, ne parle pas : il agit, il est responsable. On n’a pas une seule parole de Joseph dans l’Evangile : « ’’Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère ‘’ ».

Dieu veut la vie, Dieu veut l’action dans la responsabilité et il nous a confié, à nous, pères et mères de famille, cette tâche de famille, nous, les parents, en première ligne.  Oh ! Pères et mères de la terre, voyez comme Dieu vous désire debout et responsables, même au sein des situations les plus difficiles à vivre.

Prions, pendant cette messe pour que nous puissions, dans nos familles, apprendre à vivre en responsables, au milieu même des difficultés, comme ‘’ la Sainte Famille’’ !

                                                               AMEN




Rencontre autour de l’Évangile – Fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph

« Tu as voulu, Seigneur, que la Sainte Famille nous soit donnée en exemple…»

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons  (Mt 2, 13-15 ; 19-23)

Dans l’évangile de Matthieu, nous est rapporté que le roi Hérode, apprenant par les Mages que le roi des juifs annoncé par les prophètes vient de naître, décide de faire tuer tous les petits enfants de Bethléem. C’est pour échapper au massacre que la sainte Famille fuit en Egypte.

Faisons bien attention à tous les personnages du récit.

 

Et soulignons les mots importants 

L’Ange du Seigneur : Qui est ce personnage cité en deux fois ? Combien de fois il intervient ? Que veut nous faire comprendre Mathieu ?

Apparaît en songe : Combien de fois cette expression est employée ? Quel est le sens du songe dans ce récit évangélique ?

Lève-toi, prends l’enfant et sa mère …: Combien de fois l’ordre est donné ? Que fait Joseph à chaque fois ? Qu’est-ce que ce récit nous apprend de la personnalité de Joseph ?

Fuis en Egypte : Que symbolise l’Egypte dans l’histoire d’Israël ?

Reviens au pays d’Israël : Joseph ne reste pas en Judée au retour d’Egypte : Pourquoi ?

Il ira dans la lointaine « Gallilée » : Quelle sera l’importance de la Galilée plus tard dans la vie de Jésus ?

Nazareth: Quelle fut la vie de Jésus à Nazareth ?

 

 

Pour l’animateur  

L’Ange du Seigneur intervient souvent dans les évangiles de l’enfance : Luc le nomme « l’Ange Gabriel ». Matthieu ne le nomme pas. Dans les récits d’annonciation, l’expression « l’Ange du Seigneur » veut dire « le Seigneur lui-même », car par respect, on le fait intervenir dans la vie des hommes par un intermédiaire.

L’Ange du Seigneur fait connaître la volonté de Dieu dans le songe de Joseph : c’est un procédé littéraire pour montrer que c’est Dieu qui dirige les événements, et que Joseph ne fait que répondre à la volonté de Dieu. Joseph se montre à la fois docile à la volonté de Dieu  dans ces événements qui se présentent et un père pleinement responsable de la vie de l’enfant qui lui est confié. C’est vraiment « l’homme juste », c’est à dire en accord parfait avec la volonté de Dieu, qu’il découvre dans les événements.

Dans l’histoire d’Israël, l’Egypte symbolise l’oppression et l’esclavage. C’est le point de départ de l’Exode, du chemin de libération vers la Terre promise. Mathieu veut nous faire comprendre que Jésus devient solidaire de son peuple, assumant l’histoire de ses épreuves. Il cite une parole du prophète Osée qui commence ainsi : « Quand Israël était enfant, je l’aimai, et d’Egypte j’ai appelé mon fils. » L’enfant Jésus, c’est l’enfant d’Israël ; il résume en sa personne la vocation et le destin du Peuple élu.

En notant que Joseph par peur d’Arkélaüs ne reste pas en Judée, Mathieu, en fait, nous laisse entendre que le vrai « pays d’Israël », là où se trouve Jérusalem, n’accueille pas le  Messie.

Par contre, la Galilée, qui est le carrefour des nations, annonce déjà la mission universelle de Jésus. Jésus, le Fils du Père,  va vivre une trentaine d’années à Nazareth, un village sans renom, de la Galilée. Il sera un garçonnet, puis un adolescent, et un jeune homme comme tous les garçons de Nazareth. Il sera connu comme le fils de Joseph le charpentier.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, Fils éternel du Père, tu t’es fait solidaire de ton peuple, le peuple d’Israël, le peuple élu pour accueillir et révéler le projet d’amour de ton Père. Tu  as voulu naître et grandir dans une famille humaine. Tu t’es fait ainsi solidaire de chaque être humain, pour lui révéler sa véritable vocation : devenir avec toi fils ou filles du Père des Cieux et entrer ainsi dans la grande famille où il veut rassembler tous les hommes pour leur partager sa vie et son amour. Donne à tous les hommes de découvrir le vrai visage de Dieu ton Père.

TA PAROLE DANS NOS MAINS

La Parole aujourd’hui dans notre vie 

Qu’est-ce qui fait la sainteté de la famille de Joseph, Marie et Jésus ? Famille ?

En quoi la Sainte Famille peut-elle être un modèle pour nos familles d’aujourd’hui ? Et pour nos communautés ?

Comment Joseph se comporte-t-il en véritable « père » dans cette page d’évangile ?

La famille telle que le Créateur l’a voulue c’est : un papa et une maman formant avec les enfants une communauté de vie et d’amour. C’est la cellule de base de la société. La famille chrétienne c’est la « communauté de base »  de la grande Communauté Eglise.

Qu’est-ce que cela nous inspire comme réflexions ? Quels visages nos familles présentent-elles ?

En quoi, chrétiens, nous nous sentons interpellés ? Que pouvons-nous et devons-nous faire concrètement, dans notre paroisse, là où nous sommes, pour que nos familles répondent à la volonté du Père des cieux ?

 

 

ENSEMBLE PRIONS 

Refrain : Seigneur, ton amour soit sur nous comme notre espoir est en toi.

Pour tous les enfants, partout dans le monde, afin qu’ils trouvent,

comme l’enfant Jésus, l’amour d’un père et d’une mère pour les accueillir, prions.

 Pour les enfants qui souffrent de la méchanceté des hommes,

qui sont blessés par leur haine ou tués dans leurs guerres, prions.

 

Pour les enfants qui naissent infirmes, avec un corps difforme ou une intelligence diminuée, afin qu’ils trouvent une famille généreuse pour les accueillir et les aimer comme le Père du ciel les aime, prions.

 

Pour les enfants qui ne sont ni désirés, ni aimés : afin qu’ils découvrent que Dieu leur Père les aime comme personne ne peut les aimer sur la terre, prions.

 

Pour les enfants qui vivent dans une famille où l’on s’aime et qui sont heureux

en ce temps de Noël, afin qu’ils apprennent à partager leur bonheur, prions.

 

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Ste Famille

 




La Sainte Famille– par Claude WON FAH HIN

Sainte Famille & Siracide 3 2–6, 12–14 ; & Colossiens 3 12–21 ; & Matthieu 2 13–15, 19–23

 

Juste après la naissance de Jésus, Hérode a eu peur car il a su qu’«un roi des Juifs vient de naître » (Mt 2,2). Pour lui c’est un concurrent sérieux. Son désir est donc d’éliminer ce concurrent. Il veut le faire mourir. Joseph a alors un songe où l’Ange du Seigneur lui annonce qu’il faut fuir en Egypte avec sa famille et y rester jusqu’à ce que Hérode soit mort afin que s’accomplisse la prophétie qu’on peut retrouver en Ex 44,22 : « D’Egypte j’ai appelé mon fils »…

Aujourd’hui, c’est la sainte Famille. Elle est composée de Joseph, Marie et l’enfant Jésus. Dans cette famille, tout le monde est saint. Jésus est Dieu prenant le corps d’un homme, Il est la source même de toute sainteté; Marie est l’Immaculée Conception, née toute pure sans le péché originel et comblée de grâces, par la grâce de Dieu et par les mérites de Jésus-Christ. Joseph, descendant de la lignée du roi David, homme juste, nous dit Mt 1,19, est certainement un très grand saint, par le fait même d’être de la Sainte Famille. Il est cependant le seul de la sainte Famille à être né comme tout le monde, avec le péché originel. Il gagnait sa vie en travaillant comme charpentier. Et c’est à lui, Joseph, que l’Ange du Seigneur s’adresse comme à un chef de famille pour lui dire qu’il faut fuir en Egypte. A l’époque, le chef de famille n’est pas forcément celui qui est le plus pur, le plus saint de la famille, mais celui qui représente l’autorité. Et pour dire que Dieu a de l’autorité – l’autorité suprême, au-dessus de tout – on dit que Dieu est Père. Mais Dieu le Père n’est ni homme, ni femme, Il est Pur Esprit. Si bien qu’on peut dire que Dieu est à la fois Père et Mère. Si vous lisez le livre du prophète Osée, dans l’Ancien Testament, vous verrez que Dieu s’adresse à son épouse infidèle, c’est-à-dire au peuple que Dieu a choisi pour se révéler comme étant l’Unique Dieu, mais ce peuple, épouse de Dieu, est devenu une épouse infidèle et ingrate qui se tourne encore vers d’autres soi-disant dieux, en réalité des idoles. Dieu parle alors à cette épouse infidèle avec une telle tendresse et une telle délicatesse, comme seule une mère sait le faire. Ainsi Dieu est Père, plein de tendresse et d’amour comme une mère.

Si l’Ange du Seigneur s’adresse à Joseph c’est pour qu’il se mette au service de toute la famille, qu’il la conduise, la dirige et surtout la protège. Autrement dit, il est considéré comme le chef, et le chef c’est justement celui qui sert, qui se met au service des autres. Mc 10,42-45 : 42 « Les ayant appelés près de lui, Jésus leur dit : « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. 43 Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, 44 et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. 45 Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Le chef de famille n’est pas celui qui commande, qui réprime, qui fait marcher la famille au doigt et à l’œil, il n’est pas celui qui est autoritaire, mais celui qui aime et qui se met au service des autres.

Col 3,18 : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». C’est l’un des versets qui résonne rapidement aux oreilles des hommes dont certains prennent un plaisir certain à l’entendre, mais il est totalement incompris par bon nombre de personnes. Vous avez là un exemple où la formation à la lecture biblique est vraiment nécessaire. N’hésitez pas à vous former, par exemple au Sedifop dont les affiches sont fixées à l’entrée de l’église. Comment comprendre l’expression : « Femmes soyez soumises à vos maris ? ». On retrouve cette expression non seulement en Col 3,18 mais aussi en Ep 5,23-24 : « 23 … le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l’Église, lui le sauveur du Corps; 24 or l’Église se soumet au Christ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris »… Entendre cela aujourd’hui, c’est même dégradant pour la femme, mais pas à l’époque de Jésus. Bien au contraire.

1 – Le mot « soumission », placé dans son contexte, n’a rien d’humiliant et c’est ainsi que nous avons en 1 Co 15,28 : « Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous ». Nous voyons bien ici que le Fils est soumis au Père, et pourtant le Fils est l’égal du Père (Ph 2,6) « : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. », ou encore Jn 1,1-3 : 1 Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. 2 Il était au commencement auprès de Dieu. 3 Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut ». Le Fils soumis au Père est pourtant l’égal de Dieu. Dieu le Père n’est pas un tyran vis-à-vis de son Fils, de même que le Fils n’est pas un tyran face à l’être humain, ainsi de même l’homme ne doit pas être un tyran vis-à-vis de la femme. Bien au contraire.

2 – Cahiers Evangile N°126 – P. 43 : « Lorsque Paul dit en Ga 3,27-28 : « Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : 28 il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus », Paul met fin aux privilèges religieux du Juif par rapport aux païens, fin aux privilèges du citoyen par rapport à l’esclave, fin aux privilèges de l’homme par rapport à la femme.  C’est là que réside la nouveauté de Paul : le baptême abolit les privilèges et les rôles fixés par…la société. L’humanité sauvée (par le sacrifice du Christ) se caractérise par une parfaite égalité de droits entre tous les hommes ». CEC 369 « L’homme et la femme sont créés, c’est-à-dire ils sont voulus par Dieu, dans une parfaite égalité en tant que personnes humaines…». La femme est l’égal de l’homme…depuis la Création. Le monde est bien en retard par rapport à ce que nous a dit Dieu depuis la Création.

3Le Cahier de l’Evangile n°82 – P.62 ajoute une autre explication : Le mot « soumettre » (dans le mot grec « Hypotassein » il y a « hupo » = sous, et « tasso » « τασσω » = placé dans un certain ordre) signifie « placer sous » (placer en dessous ; ranger en dessous), et c’est donc l’idée d’ordre, d’organisation, de rangement, de classement qui s’impose et non l’idée de domination. Bien plus, comme le Christ a donné sa vie pour son épouse qui est l’Eglise, l’homme doit aimer son épouse comme le Christ aime son Eglise ; et comme le Christ s’est sacrifié par amour pour son Eglise, l’homme doit aimer son épouse au point d’être capable de se sacrifier aussi pour elle, à l’exemple du Christ. En Col 3,19, 2ème texte d’aujourd’hui, l’expression « maris, aimez vos femmes » doit être comprise de la manière suivante : « Maris, aimez vos femmes » au point d’être prêts à vous sacrifier pour elles, à donner votre vie pour elle. Et quand on connaît le nombre de femmes assassinées par leurs maris – on parle de « féminicide » – , il est bon de rappeler que le chrétien doit se comporter en chrétien véritable. Le rôle de chef se fonde sur l’amour et le don de soi-même et non pas sur le fait de « commander » l’autre. C’est ce que Paul nous dit, à sa manière, en Col 3,12-14 : « 12 Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés (c’est-à-dire tous les fidèles), revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience; 13 supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour. 14 Et puis, par-dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection. ». Col 3,15-17 : « …Enfin vivez dans l’action de grâces! 16 Que la Parole du Christ réside chez vous en abondance …. 17 Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père! » C’est également ce que nous dit Saint Jean de la Croix (repris par la Pape François dans « Gaudete et Exultate » – P.99)  : « …efforcez-vous d’être constamment en oraison, ne la délaissant pas même au milieu de vos exercices corporels. Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous parliez, … ou que vous fassiez quelque autre chose, désirez Dieu sans cesse et dirigez vers lui l’amour de votre cœur, car c’est une chose très nécessaire pour la solitude intérieure. Celle-ci demande que l’âme ne s’arrête à aucune pensée qui ne soit dressée à Dieu (= « adressée à Dieu », donc ne pas arrêter sa pensée sur autre chose que Dieu), et qu’elle laisse dans l’oubli toutes les choses qui existent et qui passent en cette brève et misérable vie. En aucune ma­nière ne cherchez à savoir (autre) chose que ce soit, mais uniquement comment vous pourrez servir Dieu davantage et mieux obser­ver les devoirs de votre institut (ou encore » mieux observer les devoirs d’enfants de Dieu ») ». Et tout cela pour le bien de la famille comme le faisait probablement la sainte famille elle-même.

En Siracide, premier texte d’aujourd’hui, Dieu insiste sur le fait qu’il faut honorer le père et la mère. C’est aussi le 4ème commandement de Dieu dans la loi donnée à Moïse, placé juste après les premiers trois commandements concernant Dieu. C’est dire l’importance de ce 4ème commandement : « Honore ton père et ta mère ». Le chrétien doit honorer ses parents, c’est-à-dire prendre soin d’eux. Si 3,12 : « 12 Mon fils, viens en aide à ton père dans sa vieillesse, ne lui fais pas de peine pendant sa vie. 13 Même si son esprit faiblit, sois indulgent, ne lui manque pas de respect, toi qui es en pleine force. 14 Car une charité faite à un père ne sera pas oubliée, et, pour tes péchés, elle te vaudra réparation ». Ce qui est dit pour le père est aussi valable pour la mère et les grands parents. Nous savons tous qu’il faut beaucoup de courage, de patience et d’amour pour venir en aide aux personnes âgées. Ceux et celles qui honorent leur père et leur mère, avec amour et patience, forcent notre admiration. Père Bernard Sesbouë nous dit (« Croire » – P.286 : la croix du Chrétien) : « Porter sa croix apparaît ici comme la manière nécessaire de « suivre Jésus ». Le faire exige un renoncement à soi-même. Mt 10,39 : « qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera ». Et prendre soin de ses parents très âgés conduit, en quelque sorte, à « perdre sa vie » pour le Seigneur. Il n’y a pas de plus bel amour que de donner sa vie pour quelqu’un. Père Bernard Sesbouë nous le dit : « La croix est devenue inséparable de Jésus : on ne peut être avec Jésus sans être avec Jésus crucifié ». Prions Marie, notre Sainte Mère, pour qu’elle nous donne de pouvoir honorer nos parents chaque jour selon les recommandations du Seigneur et de nous donner le don, la patience et la force d’aimer nos pères et mères jusqu’à leur dernier souffle. Quelles que soient les responsabilités du chrétien laïc non-religieux au sein de l’Eglise, il est bon de rappeler que son 1er devoir est la famille, et après seulement, le service de l’Eglise. « Une charité faite à un père ou à une mère ne sera pas oubliée, et, pour tes péchés, elle te vaudra réparation ».

Saint Jean de la Croix – « Œuvres complètes » – Tome II – P.1018 et repris par le Pape François – « Gaudete et Exsultate » – §148 – P.99




Dimanche de la Sainte Famille – par Francis COUSIN (St Matthieu 2, 3-15 ; 19-23)

 « L’ange du Seigneur apparu en songe

à Joseph et lui dit : ‘Lève-toi …’ »

 

Dimanche dernier, nous avions vu Joseph qui se posait bien des questions sur son avenir avec Marie, et nous avions vu que Joseph s’en remettait à la parole d’un ange du Seigneur pour accepter Marie dans sa demeure.

Ce dimanche ci, on voit bien que Jésus est né (normal, puisque Noël était fêté mercredi), mais aussi que les Mages sont déjà passés avec leurs cadeaux puisque ce sont eux qui sont à l’origine de la fureur de Hérode qui veut faire périr l’enfant nouveau-né, Jésus, et pour être sûr de le tuer massacrer tous les enfants de moins de deux ans !

Et on retrouve encore ce lien particulier entre Dieu et Joseph, qui montre bien le lien étroit entre eux : Dieu parle à Joseph par l’intermédiaire d’un ange (un envoyé), et Joseph qui respecte la Parole de Dieu et qui obéit à sa Parole. Et ceci par trois fois !

La première fois pour partir en Égypte !

C’est pas rien : traverser tout le désert du Néguev, la bande de Gaza, la mer Rouge et enfin arriver en Égypte … Plusieurs jours de voyage … à pied, ou avec l’âne cité par saint Luc (mais Joseph était à pied …).

Joseph n’hésite pas : il prend la décision de partir sur le champ : « Joseph se leva : dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère et se retira en Égypte… ».

C’est à cet instant précisément qu’on peut dire que Joseph est le gardien de la sainte famille. Comme tout bon père, il prend la décision qui permet à sa famille et à tous ses membres de pouvoir rester en vie !

Ensuite, Joseph montre qu’il est sage : il attend (sans doute avec impatience) qu’on lui indique qu’il peut rentrer dans son pays. Combien de temps ? On ne le sait pas, mais sans doute quelques années …

Deuxième intervention de l’ange du Seigneur pour qu’ils retournent au « pays d’Israël. »

Mais quand il retourne au pays, mauvaise nouvelle : « Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père », et il était aussi méchant que lui. Fallait-il retourner à Bethléem ?

Troisième intervention de l’ange du Seigneur, qui lui conseille d’aller en Galilée dans le village de Nazareth.

En quoi cela nous concerne-t-il aujourd’hui ?

Écoutons le pape François : « Tout comme le don de la Sainte Famille a été confié à saint Joseph, le don de la famille et son rôle dans le dessein de Dieu nous incombe. Le don de la sainte Famille a été confié à saint Joseph pour qu’il participe à son développement. À chacun d’entre vous (…) est confiée la volonté de Dieu afin que nous l’aidions à avancer. L’ange du Seigneur a révélé à Joseph les dangers qui menaçaient Jésus et Marie, et qui les ont contraints à fuir en Égypte puis à s’établir à Nazareth. De la même manière, à notre époque, Dieu nous appelle à reconnaître les dangers qui menacent nos familles et à protéger celles-ci du mal. » (16 janvier 2015)

Et comment ne pas penser à la loi de Bioéthique actuellement en discussion au parlement, qui veut accorder à toutes les femmes la possibilité de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), notamment aux femmes homosexuelles, et donc la possibilité de naissance sans père !

Peut-être avez-vous vu samedi 21 décembre dernier lors de l’émission « La France a un incroyable talent ! » ce jeune qui a chanté « Papa où t’es ? » en l’interprétant à sa manière, très personnelle et émouvante, et qui a été félicité par le jury, l’un d’entre eux disant : « On ne peut pas vivre sans relation avec son père ».

Espérons que les membres du gouvernement aient écouté cette émission. La réaction spontanée de ce membre du jury vaut sans doute autant que toutes les manifestations auxquelles nous avons participé.

Le pape François nous le dit aussi : « L’absence de figure paternelle dans la vie des petits et des jeunes engendre des lacunes et des blessures qui peuvent se révéler très graves. En effet, nous pouvons imputer une grande partie des déviances des enfants et des adolescents à cette absence, au manque d’exemple et d’autorité dans la vie quotidienne, au défaut de présence et d’amour de la part du père. » (audience générale, 21 janvier 2015)

Et il ajoutera un peu plus tard : « Les enfants ont besoin de trouver un père qui les attende quand ils viennent d’essuyer un échec. Ils feront tout pour ne pas l’admettre, pour ne pas le montrer, mais ils en ont besoin. Et l’absence de ce père ouvre en eux des blessures difficiles à soigner. » (audience générale, 4 février 2015)

Que tous les papas prennent conscience de leur rôle de père, indispensable (et toutes les mamans aussi, dans un autre domaine).

Prenons exemple sur Joseph et sur Marie pour que la vie de nos familles s’apparente le plus possible à celle de la sainte Famille.

Saint Joseph,

tu continues à veiller sur nos familles,

discrètement, comme à ton habitude,

et tu es toujours prêt à nous aider,

si nous sollicitons ton aide,

toi qui a veillé sur Marie et Jésus,

avec attention et promptement.

 

Francis Cousin

 

  

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Image Ste Famille A




Rencontre de fête pour les étudiants en grec…

Joëlle Gaud et son mari Roger ont accueilli chez eux tous les étudiants en grec pour un bon dîner de fin d’année… Etaient présents les premières années, Richard et Damien, initiés au grec par Maya Fauché, ainsi que le groupe des deuxième, troisième et quatrième années qui poursuivent avec Joëlle l’approfondissement de la syntaxe grecque et la traduction de l’Evangile selon St Jean… Les quelques photos ci-après vous donneront une idée de ce bon moment, simple et fraternel…

 




Audience Générale du Mercredi 18 décembre 2019

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 18 décembre 2019


Chers frères et sœurs, dans une semaine nous célèbrerons Noël et nous pouvons nous demander comment nous préparer à cette fête. Une façon simple et efficace est de faire la crèche. Moi aussi cette année j’ai suivi ce chemin. Je suis allé à Greccio où saint François a fait la première crèche, avec les gens de la région ; et j’ai écrit une lettre pour rappeler la signification de cette tradition. La crèche est comme un Evangile vivant. Elle porte la Bonne Nouvelle là où nous vivons. Faire la crèche c’est célébrer la proximité de Dieu, redécouvrir que Dieu est un Amour humble, descendu jusqu’à nous. L’Enfant dans la crèche nous transmet sa tendresse, il nous dit que Dieu est venu embrasser notre humanité. Près de Jésus, nous voyons Marie et Joseph. Nous aussi nous pouvons inviter la Sainte Famille chez nous. La crèche de nos maisons nous rappelle que Jésus est celui qui nourrit notre amour, qui donne à nos familles la force d’aller de l’avant et de nous pardonner mutuellement. Dans le rythme frénétique de nos vies, la crèche est aussi une invitation à la contemplation, pour nous ouvrir à l’écoute de Dieu qui parle dans le silence. Dans un monde qui fabrique tant d’armes et tant d’images de violence, la crèche est une image artisanale de paix. Autour du Prince de la paix, nous retrouvons l’harmonie, entre les personnes et avec la création. Les scènes de la vie quotidienne, souvent représentées dans la crèche, nous montrent que Jésus vient dans notre vie concrète. Elles nous disent que nous ne sommes plus seuls dans nos vies de tous les jours. Jésus habite avec nous. Si nous l’accueillons tout peut changer. Je souhaite que faire la crèche soit pour vous l’occasion d’inviter Jésus dans votre vie.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes venus de France et les fidèles de Côte d’Ivoire. Chers frères et sœurs, je vous invite vous aussi à suivre cette belle tradition de la crèche. Vous y trouverez le rappel de la présence aimante de Jésus dans vos familles et dans toute votre vie. A tous je souhaite un joyeux Noël et je remercie tous ceux qui ces jours-ci, de nombreuses parties du monde, m’ont envoyé des messages de vœux pour mon 50ème anniversaire d’ordination sacerdotale et pour mon anniversaire. Merci surtout pour le don de la prière.

 

 




Joseph assume la paternité légale de Jésus (Mt 1,18-25)

Le texte (traduction liturgique officielle – cf. aelf.org)

 

(18) « Or, voici comment fut engendré Jésus Christ :

Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ;

avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.

(19) Joseph, son époux,

qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement,

décida de la renvoyer en secret.

(20) Comme il avait formé ce projet,

voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit :

« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse,

puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ;

(21) elle enfantera un fils,

et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve),

car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

(22) Tout cela est arrivé

pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :

(23) Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ;

on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».

(24) Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit :

il prit chez lui son épouse,

(25) mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils,

auquel il donna le nom de Jésus. »

 

Commentaire

 

Juste avant notre passage, St Matthieu s’était attaché à nous présenter les racines juives de Joseph, l’époux de Marie. Après être parti d’Abraham, le Père fondateur d’Israël (vers 1850 av JC), il avait mentionné le roi David (1010 – 970 av JC), qui avait reçu du Seigneur la promesse que sa royauté durerait pour toujours… Puis, rompant avec la formule habituelle « untel engendra untel », arrivé à Josias, il avait écrit : « Josias engendra Jéchonias et ses frères ; ce fut alors la déportation à Babylone. Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salathiel »… Pourquoi une telle insistance sur cette déportation à Babylone provoquée par le roi Nabuchodonosor en 587 av JC ? Israël, en fait, ne s’en remettra jamais… A l’exception de quelques années chaotiques, il n’y aura plus de rois en Israël… Qu’en était-il alors de la promesse faite à David ? Etait-il possible que la promesse de Dieu ne s’accomplisse pas ? Non… « En toi ils espéraient et n’étaient pas déçus » (Ps 22(21),5-6). Aussi, attendaient-ils le moment où elle se réaliserait, le moment où un envoyé de Dieu donnerait l’onction au nouveau roi, le « Messie » (de l’hébreu « Mashach, oindre »), le Christ (du grec « khriô, oindre »), « l’Oint » du Seigneur.

La porte est maintenant ouverte : en conclusion de sa généalogie, St Matthieu présentera Jésus, ce Messie tant attendu, qui recevra l’onction de Jean Baptiste dans les eaux du Jourdain (Mt 3,13-17)… Mais avec lui, il n’écrira plus « un tel engendra untel », mais avec « Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. » Que se cache-t-il donc derrière cette soudaine forme passive du verbe « engendrer » ? Qui en est le sujet ‘actif’ ? St Matthieu nous donne la réponse dans notre passage…

C’est pourquoi, après avoir commencé par…

       Βίβλος γενέσεως Ἰησοῦ Χριστοῦ υἱοῦ Δαυὶδ υἱοῦ Ἀβραάμ.

       Biblos   genéseôs   Iêsou Khristou uiou David uiou Abraam

       Livre de la genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham. 

… il repart ici avec :

       Τοῦ δὲ Ἰησοῦ χριστοῦ ἡ γένεσις οὕτως ἦν.

       Tou dé   Iêsou Khristou ê génesis outôs   ên.

Litt. :         La   et   de Jésus Christ     genèse celle-ci était.

       « Or telle fut la genèse de Jésus Christ ».

Nous avons vu que parler de « genèse » renvoie au premier chapitre de la Bible, avec le récit de la création du monde où « L’Esprit » (« le souffle, ruah, j’Wr’ en hébreu, un mot qui renvoie toujours au « souffle de Dieu ») « planait sur les eaux » (Gn 1,2).

Ainsi parler de « la genèse de Jésus Christ » laisse donc entendre un nouvel acte créateur à son égard, avec encore et toujours la Présence de l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu, le Souffle de Dieu (cf. Ps 33,6 ; 104,30)… Et c’est bien ce qui arrivera : « l’Esprit Saint », « Puissance du Très Haut », viendra, non pas « sur les eaux », mais sur Marie et créera en elle, avec sa collaboration, l’humanité de Jésus, le Fils éternel du Père (cf. Lc 1,35)… Et Matthieu écrit : « Marie, sa mère, était fiancée à Joseph : or, avant qu’ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint. » Mais contrairement à St Luc, un homme de culture grecque qui écrit pour des païens, St Matthieu, Juif, va tout raconter du point de vue de Joseph qui sera le père légal de l’enfant, car dans la société juive, c’est l’homme qui était au centre de tout… Et pour un fils premier né, il était de tradition que celui-ci porte le prénom de son père et qu’ainsi la lignée se poursuive de génération en génération… Mais ce ne sera pas le cas ici. Néanmoins, la décision viendra de Joseph, qui obéira à l’invitation de l’Ange…

« Avant qu’ils eussent mené vie commune »… Marie habitait à l’époque à Nazareth, dans la maison de ses parents, Anne et Joachim, selon la tradition… Elle était toute jeune : douze, treize ans…. Un jour, un homme du nom de Joseph, de la maison de David, était venu demander la main de Marie à ses parents, et tous avaient accepté… Une petite fête avait suivi, celle des fiançailles, et depuis, tous les proches de Marie, ses amis, ses voisins, l’appelaient déjà « la femme de Joseph », même si la grande cérémonie du mariage n’avait pas encore eu lieu… La Bible de Jérusalem précise ainsi en note : « Les fiançailles juives étaient un engagement si réel que le fiancé était déjà appelé “mari” et ne pouvait se dégager que par une “répudiation” (v. 19). » En général, le mariage avait lieu un an après ! Pendant tout ce temps, la jeune fiancée demeurait avec ses parents, et ce n’est qu’au jour de son mariage que son mari l’emportait dans ce qui allait être désormais leur maison…

Pour l’instant, Marie n’habite donc pas encore avec Joseph… Elle vit chez elle, et comme elle le dira elle-même, « elle ne connaît pas d’homme » (Lc 1,34), c’est à dire, elle est toujours vierge…

Mais, « elle se trouva enceinte »… Comment Joseph l’apprit-il ? Le texte ne le précise pas. Seule sa réaction nous est racontée : «  Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. » Au fil des siècles, plusieurs possibilités d’interprétation sont apparues…

St Justin († 165 ap JC), St Ambroise († 397 ap JC), St Jean Chrysostome († 407 ap JC) et St Augustin († 430 ap JC) ont compris que « Joseph est juste » en tant que fidèle à la Loi. Mais si Marie avait commis un adultère, même s’il aurait aimé continuer avec elle, il se devait de rompre en obéissance à la Loi. Cette hypothèse suppose « la suspicion », c’est-à-dire le « fait de supposer, à partir de quelques indices, l’existence d’un délit » (Dictionnaire Larousse). Joseph aurait donc perdu confiance en Marie…

Clément d’Alexandrie († 215 ap JC) interprétera de son côté le fait que Joseph était « juste » en termes de « bonté », sa « justice » se manifestant dans son désir que Marie ne connaisse pas la peine prévue par la Loi en cas d’adultère : la lapidation (Lv 20,10 ; Dt 22,22-24). Mais cette hypothèse suppose aussi « la suspicion », la perte de confiance…

St Eusèbe de Césarée († 339 ap JC), Saint Ephrem († 373 ap JC), Saint Théophylacte († 1107 ap JC) pensaient de leur côté que St Joseph savait que cet enfant venait de Dieu. Il décida alors de se retirer, laissant ainsi Dieu accomplir son œuvre avec et par Marie. Mais l’Ange lui apparut alors en songe pour lui révéler que Dieu comptait aussi sur lui : son mariage avec Marie appartient bien à son projet car c’est par lui que l’enfant sera « fils de David ». Et l’Ange l’indique de suite au tout début de la Parole qu’il lui transmet de la part de Dieu : « Alors qu’il avait formé ce dessein, voici que l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Comme souvent dans la culture biblique, le nom dit quelque chose du Mystère et donc de la mission de celui qui le porte. Le prénom « Jésus », « Ἰησοῦς, Iêsous, en grec », vient en effet de l’hébreu Yeshoua (יֵשׁוּעַ, yēšūă‘) qui lui-même est une contraction de Yehoshuah (יְהוֹשֻׁעַ, d’où vient aussi « Josué »). L’hébreu se lit de droite à gauche : le son « ă‘» final pour nous, qui sera donc le premier en hébreu, renvoie à la première syllabe de « Yahvé », יהוח, le tétragramme (YHWH) révélé à Moïse lors de l’épisode du buisson ardent (Ex 3,13-15), et ce qui, pour nous, précède ce « ah » vient quant à lui du verbe « עשי, yaša, sauver ». « Yeshoua » signifie donc « Yahvé sauve », « le Seigneur sauve », « Dieu sauve ». Et telle sera bien sa mission première : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) dira Jean Baptiste. Et il l’enlève en le prenant sur lui : « C’étaient nos péchés qu’en son propre corps, il portait sur le bois, afin que morts à nos péchés, nous vivions pour la justice » (1P 2,24). En effet, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique‑Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise » (Jn 3,16-17). « Ce n’est plus sur tes dires que nous croyons », diront à la Samaritaine ses amis et ses voisins ; « nous l’avons nous-mêmes entendu et nous savons que c’est vraiment lui le sauveur du monde » (Jn 4,42).

Jésus, d’après le grec, Josué d’après l’hébreu, était donc un prénom courant à l’époque. Pensons ainsi à « Josué fils de Noun » (Nb 11,28 ; 13,16 ; 14,6.30.38… ; Si 1,2 ; 50,27 ; 51,30)… Tous étaient des hommes, bien sûr, et Jésus, fils de Marie, est homme lui aussi. Mais la citation que St Matthieu va ensuite lui appliquer ouvre la porte à la compréhension d’un Mystère plus profond :

Mt 1,22-23 : « Tout ceci advint pour que s’accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous. »

Matthieu cite alors Is 7,14 (Is 7,10-14) : « Yahvé parla à Achaz en disant : Demande un signe à Yahvé ton Dieu, au fond, dans le shéol, ou vers les hauteurs, au‑dessus. Et Achaz dit : Je ne demanderai rien, je ne tenterai pas Yahvé. Il dit alors : Écoutez donc, maison de David ! Est-ce trop peu pour vous de lasser les hommes, que vous lassiez aussi mon Dieu ? C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. »

Dans le contexte du prophète Isaïe, cette parole s’adresse au roi Achaz (736 – 716 av JC). Le fils en question, « en dépit des incertitudes de la chronologie », précise en note la Bible de Jérusalem, est « probablement » Ezéchias (716 – 687 av JC). Mais il sera décevant… Les générations suivantes reprendront donc cette prophétie d’Isaïe et l’appliqueront au Messie à venir. Et c’est bien le Christ qui accomplira cette parole…

En hébreu, « la jeune femme » se dit « hm;l][‘, ‘almâh ». Elle peut ou non être vierge, bien que selon les coutumes et les lois juives, la grande majorité des femmes appelées ainsi étaient de fait vierges. Or, à partir du troisième siècle avant Jésus Christ, la communauté juive d’Alexandrie, qui, dans sa vie de tous les jours, parlait grec, traduisit en grec tous les textes hébreux de l’Ancien Testament (la Septante), ce qui donna pour Is 7,14 :

« ἰδοὺ ἡ παρθένος ἐν γαστρὶ ἕξει καὶ τέξεται υἱόν,

   idou ê parthénos en   gastri   exei kai texetai uion,

   Voici    la vierge en (son) sein aura et elle enfantera un fils,

καὶ καλέσεις τὸ ὄνομα αὐτοῦ Εμμανουηλ· »

kai   kaleseis   to onoma autou   Emmanouêl ; »

et tu appeleras     son nom           Emmanuel. »

« hm;l][‘, ‘almâh, jeune femme » aurait du se traduire en grec par « neçniw, néanis ». Mais le traducteur a choisi « pary°now, parthénos, vierge » qui, en hébreu, traduirait plutôt « betûlâ, hl;WtB] ». On le comprend : toutes les « jeunes femmes » fiancées se devaient d’être vierges. Il ne faisait qu’exprimer ainsi un état de fait pour l’époque. Il n’empêche : ce glissement de « jeune femme » à cette précision « vierge » était en lui-même prophétique, inspiré par l’Esprit Saint. Et de fait, dans le grec des Evangiles, il exprimera parfaitement le Mystère qui s’est mis en œuvre en Marie : une jeune fille explicitement « vierge » (voir aussi Lc 1,27) mettra au monde un Fils sans « connaître d’homme » (cf. Lc 1,34)…

Et si le nom d’ « Emmanuel », qui, en hébreu, signifie « Dieu avec nous » pouvait être appliqué au Fils d’Achaz pour dire que « Dieu allait protéger et bénir Juda » (cf. la note de la Bible de Jérusalem), il prend avec Jésus un tout autre sens : Jésus est en effet « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), ce Verbe qui, de toute éternité, avant tout commencement « θεὸς ἦν, théos ên, était Dieu ». Il est en effet « μονογενὴς θεός, monogevês théos, Dieu Unique Engendré » (Jn 1,18), « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père » (Crédo). A ce titre, il est Dieu au sens où, « né du Père avant tous les siècles », ce dernier « l’engendre » en lui donnant de toute éternité d’être ce qu’il est : « de condition divine » (Ph 2,6). Alors, si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « le Père des lumières » (Jc 1,17), « le Père de la Gloire » (Ep 1,17), par le Don de l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), « l’Esprit de Gloire » (1P 4,14), l’Esprit Saint, lui donne d’être « Lumière née de la Lumière », « Lumière du monde » (Jn 8,12 ; 12,46) et « Seigneur de la Gloire » (1Co 2,8). Et c’est par ce même Don de l’Esprit Saint, agissant avec Puissance en Marie avec son consentement (Lc 1,35-38), qu’il recevra aussi du Père sa nature humaine… Nous constatons ainsi à quel point ce Fils éternel du Père se reçoit du Père en tout ce qu’il est, vrai Dieu et vrai homme, et cela par cet unique Don de l’Esprit Saint que le Père ne cesse de lui faire en Plénitude…

Et c’est toujours en déployant en lui la Puissance de ce même Esprit qu’il le ressuscitera d’entre les morts et lui donnera, en sa chair glorifiée, ce Nom qui est au dessus de tout nom, et qui donc ne peut qu’être que « le Nom de Dieu », expression qui renvoie dans ce contexte à tout ce que Dieu est en lui-même, à la Plénitude de sa nature divine : « Jésus Christ notre Seigneur », « issu de la lignée de David selon la chair, établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts » (Rm 1,3-4). « Dieu l’a alors exalté, et il lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux sur la terre et sous la terre et que toute langue proclame que le Seigneur c’est Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,9-11). Or, toute l’œuvre du Christ consiste à faire en sorte que nous puissions nous aussi être capables d’accueillir ce même Don qu’il reçoit du Père de toute éternité, le Don de l’Esprit Saint par lequel le Père l’engendre en Fils, Don par lequel Dieu veut nous aussi nous engendrer à la même Plénitude… « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22). « En lui », le Christ, « habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité, et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude » (Col 2,9-10). « Cherchez donc dans l’Esprit votre plénitude » (Ep 5,18). En effet, « si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11). « Vous entrerez alors par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu. À Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir, à Lui la gloire, dans l’Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles ! Amen » (Ep 3,19-21).

Tel est l’Amour (1Jn 4,8.16) qui ne poursuite que la Plénitude, le vrai Bonheur de tous les hommes qu’il aime (Lc 2,14 ; 1Tm 2,3-6). Lui obéir, c’est trouver avec lui le chemin de la vie. C’est ce que va faire ici Joseph, et cela parfaitement… « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna le nom de Jésus. » « Et en nommant l’enfant, rôle réservé au père, il l’adoptera. Dans ce monde ancien, toute paternité est un acte d’adoption et toute adoption confère les pleins droits de fils à celui qui la reçoit. Ainsi, l’authentique filiation davidique de l’enfant dépend de l’obéissance de Joseph » (P. Claude Tassin)…

« Le texte confirme donc simplement la conception virginale de l’enfant ; il ne dit rien des relations ultérieures de Marie te de Joseph, ni dans un sens ni dans l’autre. La mention des « frères de Jésus » (Mc 6,3) peut, dans le contexte sémitique, évoquer de vrais frères ou de simples cousins (cf. en fin de document). Lorsqu’on examine l’ensemble du dossier, on aboutit à ceci que la virginité perpétuelle de Marie relève de la tradition des Eglises : les textes évangéliques ne la contredisent pas mais n’apportent pas de preuves » (Claude Tassin).

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Les différents sens possibles de l’expression : « Les frères de Jésus ».

 

Jésus, n’est-il pas « le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs, ne sont-elles pas ici chez nous ? » (Mc 6,3).

Le mot « frère, ἀδελφός » peut avoir de multiples sens selon le contexte :

1 – Frères de sang comme Simon et André, Jacques et Jean (Mc 1,16.19) : « Comme (Jésus) passait sur le bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, qui jetaient l’épervier dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs… Et avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, eux aussi dans leur barque en train d’arranger les filets »

2 – Demi-frères comme Philippe et Hérode Antipas, avec un même père, le roi Hérode le Grand, mais avec deux mères différentes, Cléopâtre et Malthacé (Mc 6,17) : « C’était lui, Hérode, qui avait envoyé arrêter Jean et l’enchaîner en prison, à cause d’Hérodiade, la femme de Philippe son frère qu’il avait épousée ».

3 – Cousins, parents éloignés comme « Joset et Jacques » (Mc 6,3) qui sont les fils d’une autre Marie qui sera présente elle aussi lors des évènements tragiques de la Passion (Mc 15,40.47) : « Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé… Or, Marie de Magdala et Marie, mère de Joset, regardaient où on l’avait mis…

4 – Disciples de Jésus, recevant par leur foi la même Vie éternelle que celle que le Fils Unique reçoit du Père de toute éternité. « «  Qui est ma mère ? Et mes frères ? » Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère » » (Mc 3,31‑35). Et une fois ressuscité d’entre les morts, il dira à Marie de Magdala : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20,17). Cette parole, adressée aux disciples, est valable à travers eux pour tous les hommes de tous les temps…

                                                                                                         D. Jacques Fournier

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Fiche SI – 2 – Mt 1,18-25




4ieme Dimanche de l’Avent – par Francis COUSIN (St Matthieu 1, 18-24)

« Joseph, ô vrai modèle

de tous les cœurs aimants … »*

 

Joseph est en plein désarroi : la jeune fille avec laquelle il doit se marier, Marie, est enceinte ! Il l’a vu dès son retour de chez sa cousine Élisabeth. Marie a donc connu un autre homme, alors qu’elle lui était promise ! Il ne peut croire cela. Ce n’est pas possible, il a trop confiance en elle.

Il ne sait plus quoi faire.

Selon la loi de Moïse, Joseph devait la dénoncer pour adultère, avec les conséquences vis-à-vis de lui : être la risée de ses connaissances, mais aussi les conséquences pour Marie : elle devrait être lapidée jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Mais Joseph est un homme juste. Juste au niveau humain, sans aucun doute. Mais surtout juste devant Dieu : quelqu’un qui aime Dieu, qui respecte la loi de Moïse, et qui cherche toujours à faire le bien.

Et cela le met devant un dilemme : respecter Dieu et la loi, ou respecter Marie, celle qu’il aime et qu’il respecte.

Alors il choisit de la répudier en secret ! Chose qui semble bien difficile à réaliser, tant on sait combien sur le sujet les langues sont rapides à parler : « Tu as vu la promise de Joseph ? Avec son petit ventre ! Pas encore mariés et déjà cocu ! ». Là aussi Joseph aurait été la risée de tout Nazareth, et on l’aurait traité de pleutre …

Mais Dieu vient au secours de celui qu’il estime juste, « L’homme au cœur pur et aux mains innocentes » (Psaume). D’autant qu‘il a besoin de Joseph pour que la mission de Jésus puisse se réaliser. Il envoie donc un messager pour parler à Joseph dans son sommeil : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. », et pour donner plus de crédit à ses paroles, il ajoute une référence à la prophétie d’Isaïe faite au roi Acaz : « Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Première lecture). Cette phrase, Joseph la connaissait … et un songe qui fait référence à « Dieu avec nous. » ne peut pas être contre Dieu !

Il décide donc d’accepter les explications de l’ange, d’accepter la grossesse de Marie. De dire lui aussi : « Je suis le serviteur de Dieu, je ferai comme tu as dit. ».

« Joseph, l’homme fidèle et juste qui a préféré croire au Seigneur plutôt que d’écouter les voix du doute et de l’orgueil humain. » (Pape François, 22/12/2013)

Il prit donc Marie chez lui de manière que l’enfant apparaisse comme son fils.

Combien de fois dans notre vie, nous nous trouvons dans la même situation que Joseph, dans des situations où nous ne comprenons pas ce qui arrive : les événements nous disent quelque chose, mais nous ne pouvons pas y croire, cela nous semble impossible.

Le doute, la rancœur, la haine peut-être, peuvent empoisonner notre cœur.

Nous risquons fort alors de prendre des décisions que nous pourrions regretter par la suite.

Que faire alors ?

Faire comme saint Joseph : s’en remettre à Dieu !

Bien sûr, il ne faut pas s’attendre à ce que Dieu nous envoie un ange dans notre sommeil … mais il nous faut nous mettre face à Dieu, lui demander conseil … laisser Dieu parler dans notre cœur …

Et comme Joseph, accepter les conseils donnés par Dieu … même si cela nous coûte …

« Joseph est le gardien [de la Sainte Famille] parce qu’il sait écouter Dieu, il se laisse guider par sa volonté, et justement pour cela il est encore plus sensible aux êtres qui lui sont confiés, il sait lire les événements avec réalisme, il est attentif à ce qui l’entoure, et il sait prendre les décisions les plus sages. » (Pape François 19/03/2013)

Puissions-nous faire de même …

avec l’aide de saint Joseph !

Saint Joseph,

Tu es toujours très discret,

On ne connaît aucune parole de toi,

mais tu es toujours à l’écoute de Dieu

qui te parle en songe,

et tu lui obéis.

Tu es le modèle de tous les pères.

Aide-nous à être de bons parents.

 

* Début du refrain d’un ancien chant à St Joseph.

Francis Cousin

 

  

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Image dim Avent A 4°




Préparer la 4ième semaine de l’Avent avec les fiches du diocèse de la Réunion

BAPTISÉS ET ENVOYÉS :

TOUS MISSIONNAIRES !

 

Quatrième semaine

 

Évangile (Mt 1, 18-24)

Voici comment fut engendré Jésus Christ :
Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.
Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ;
on lui donnera le nom d’Emmanuel , qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse

Réflexions

Joseph a peur face au mystère de Marie…

Nous aussi nous pouvons avoir peur face à l’avenir, peur pour nous, peur pour les enfants, peur d’accepter des engagements…

Mais Joseph est un homme juste, qui demeure fidèle à la lignée des fils de David.

En accueillant Marie, Joseph accueille Jésus, l’Emmanuel, Dieu avec nous, comme Abraham a accueilli Dieu lui-même en accueillant trois voyageurs…

Avec Marie nous sommes sûrs d’être en présence de Dieu… Laissons-nous prendre par sa main.

 

Prières

Seigneur,

Tu es lumière du monde, permets-nous de l’accueillir et de la transmettre, Fais de nous, à notre tour, des porteurs de lumière sur cette Terre.

Merci pour Ta lumière, Seigneur, et que du haut du ciel, elle éclaire la Terre.

Que ta grâce, Seigneur notre Père, se répande en nos cœurs ; par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé, conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par Jésus-Christ…

Amen

 

Fiche préparée avec la Communauté des Frères à Sainte-Marie

 




La généalogie de Jésus Christ (Mt 1,1-17)

Le texte (traduction liturgique officielle – cf. aelf.org)

 

 » GENEALOGIE DE JESUS, CHRIST, fils de David, fils d’Abraham.

 

(2) Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, (3) Juda, de son union avec Thamar, engendra Pharès et Zara, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram, (4) Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naassone, Naassone engendra Salmone, (5) Salmone, de son union avec Rahab, engendra Booz, Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé, (6) Jessé engendra le roi David.

David, de son union avec la femme d’Ourias, engendra Salomon, (7) Salomon engendra Roboam, Roboam engendra Abia, Abia engendra Asa, (8) Asa engendra Josaphat, Josaphat engendra Joram, Joram engendra Ozias, (9) Ozias engendra Joatham, Joatham engendra Acaz, Acaz engendra Ézékias, (10) Ézékias engendra Manassé, Manassé engendra Amone, Amone engendra Josias, (11) Josias engendra Jékonias et ses frères à l’époque de l’exil à Babylone.

(12) Après l’exil à Babylone, Jékonias engendra Salathiel, Salathiel engendra Zorobabel, (13) Zorobabel engendra Abioud, Abioud engendra Éliakim, Éliakim engendra Azor, (14) Azor engendra Sadok, Sadok engendra Akim, Akim engendra Élioud, (15) Élioud engendra Éléazar, Éléazar engendra Mattane, Mattane engendra Jacob, (16) Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ.

 

(17) Le nombre total des générations est donc : depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations ; depuis David jusqu’à l’exil à Babylone, quatorze générations ; depuis l’exil à Babylone jusqu’au Christ, quatorze générations.

 

Commentaire

 

« Tel le générique d’un film, une généalogie ouvre l’Evangile, un rien fastidieuse pour le lecteur moderne. Pour les anciens Orientaux, en revanche, les généalogies comptaient beaucoup : elles tenaient lieu d’état civil et inséraient quelqu’un dans le tissu historique et social.

Par ailleurs, les généalogies remontent dans le temps jusqu’où on peut, mais aussi jusqu’où on veut » (Claude Tassin). Et ici, St Matthieu, Juif comme le Christ, nous offre dès le premier verset les deux grandes figures du Peuple d’Israël qu’il veut souligner : Abraham, avec qui et par qui Dieu se fit « un Peuple particulier parmi toutes les nations de la terre » (Dt 7,6), et le roi David à qui il fit la promesse que « son trône sera affermi à jamais » (2Sm 7,16), une promesse fondatrice pour Israël de l’attente du Messie. Toute l’histoire d’Israël est ainsi récapitulée. Le Christ est donc bien celui qui « accomplit » toutes les Ecritures et donne à Israël de réaliser pleinement sa vocation, nous y reviendrons.

L’Evangile de Matthieu commence donc par cette phrase :

     « Généalogie de Jésus, Christ, fils de David, fils d’Abraham ».

En grec :   Βίβλος γενέσεως Ἰησοῦ Χριστοῦ υἱοῦ Δαυὶδ υἱοῦ Ἀβραάμ.

                  Biblos   genéseôs   Iêsou Khristou uiou David uiou Abraam

                 Livre de la genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham. 

« Pour les premiers chrétiens de langue grecque, le « livre de la Genèse » était une expression familière, le titre du premier livre de la Bible qui raconte la création » (Claude Tassin). En effet, « GENÈSE » se dit en grec « ΓΕΝΕΣΙΣ, genésis ». St Matthieu y fait donc allusion et suggère ainsi que toute l’œuvre du Christ s’inscrit dans cette dynamique de « création » : avec lui et par lui, Dieu va porter son projet créateur à son terme. Il a créé l’homme « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27)? Il fera en sorte qu’il en soit vraiment ainsi… Dès qu’il a créé l’homme, il l’a béni (Gn 1,28) ? En réconciliant les hommes avec Dieu par le Don surabondant du « pardon des péchés », il fera en sorte qu’ils puissent vraiment accueillir cette bénédiction qui, depuis le tout début de leur existence, leur est déjà donnée…

St Marc et St Jean feront eux aussi allusion à ce Livre de la Genèse mais avec un moyen différent : le premier mot de leur Evangile est le premier mot de la Genèse dans la traduction grecque de la Septante réalisée par la communauté juive d’Alexandrie à partir du troisième siècle avant Jésus Christ :

Gn 1,1 : Ἐν ἀρχῇ ἐποίησεν ὁ θεὸς τὸν οὐρανὸν καὶ τὴν γῆν.

               En arkhê époiêsen o théos ton ouranon   kai tên gên.

              Au commencement  fit      Dieu     le       ciel       et   la   terre.

Mc 1,1 : Ἀρχὴ τοῦ εὐαγγελίου Ἰησοῦ Χριστοῦ υἱοῦ θεοῦ.

              Arkhê tou euangéliou   Iêsou   Khristou uiou théou

              Commencement de l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu.

Jn 1,1 : Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος…

              En arkhê ên o logos…

             Au commencement était le Verbe…

 

« Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut » (Jn 1,3), poursuivra St Jean, évoquant ainsi explicitement la création du monde… Tout a été créé par le Fils, tout sera sauvé par le Fils, ce salut consistant à faire en sorte que l’homme soit vraiment ce que Dieu voulait qu’il soit quand il l’a créé : un enfant vivement pleinement de sa vie… « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom » (Jn 1,12). « Pouvoir devenir » pleinement ce qu’ils sont déjà aux yeux de leur Dieu et Père… Pour que cela s’accomplisse vraiment, il suffit de consentir à mettre Dieu dans sa vie, Lui qui est Source de Vie éternelle depuis toujours et pour toujours… « En toi est la Source de vie, par ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36,10). En enlevant tous les obstacles qui peuvent exister entre Dieu et sa créature, en « enlevant le péché du monde » (Jn 1,29), le Christ rétablira une relation vivante entre Dieu et les hommes, ses enfants, permettant ainsi à ces derniers, dans leur libre consentement à recevoir le Don gratuit de l’Amour, d’être pleinement ce que Dieu voulait qu’ils soient…

« Genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham »… Les grandes étapes de la généalogie qui suivra sont données. Le point de départ sera Abraham, puis, en passant par David, St Matthieu montrera que Jésus est bien « le Christ », un mot qui vient du grec « Χριστός, khristos » qui dérive à son tour du verbe « Χρίω, khriô, oindre » : le Christ est l’Oint du Seigneur, celui qui a reçu l’onction. Le premier Livre de Samuel raconte ainsi l’onction de David : « Jessé envoya chercher » David, le plus jeune de ses fils : « il était roux, avec un beau regard et une belle tournure. Et Yahvé dit : Va, donne-lui l’onction : c’est lui ! Samuel prit la corne d’huile et l’oignit au milieu de ses frères. L’Esprit de Yahvé fondit sur David à partir de ce jour-là et dans la suite » (1Sm 16,12-13). Le nouveau roi était ainsi oint par un prophète : l’huile que l’on versait sur sa tête symbolisait le don de la grâce, le don de l’Esprit, qui allait dorénavant l’aider à régner au mieux sur son Peuple en serviteur du Seigneur…

Et c’est ce même David qui recevra du Seigneur cette promesse : « Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta descendance après toi, celui qui sera issu de tes entrailles, et j’affermirai sa royauté. C’est lui qui bâtira une maison pour mon Nom et j’affermirai pour toujours son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils… Ma fidélité ne s’écartera pas de lui… Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant toi ; ton trône sera affermi à jamais » (2Sm 7,12‑16). Or, après la destruction de Jérusalem en 587 av JC par Nabuchodonosor, roi de Babylone, Israël ne connaîtra quasiment plus de royauté stable. Les Juifs, à l’époque de Jésus, se basaient donc sur cette promesse faite à David pour espérer et espérer encore le retour d’une ère stable où, libérée de tous ses ennemis, et notamment à l’époque de l’occupant romain, Israël pourrait enfin prospérer avec un Roi issu de ses rangs qui appartiendrait à la lignée de David… Alors la promesse du Seigneur serait enfin accomplie…

C’est pourquoi St Matthieu s’attache ici à présenter Jésus comme étant non seulement descendant d’Abraham, et donc Juif, mais encore descendant de David…

L’allusion à Abraham permet aussi de placer tout de suite le Christ dans une perspective d’accomplissement de la vocation d’Israël telle qu’elle fut donnée à Abraham et à ses descendants : « Yahvé dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom ; sois une bénédiction ! Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront toutes les familles de la terre » (Gn 12,1-4). La mission d’Abraham avait donc une portée universelle : que « toutes les familles de la terre » puissent accueillir elles aussi la bénédiction qu’il avait lui-même reçue, « je te bénirai », et qui l’avait transformé en bénédiction pour les autres : « Sois une bénédiction »… Telle sera bien la mission du Christ que de révéler à tout homme qu’il est déjà béni : n’est-ce pas ce que Dieu a fait dès qu’il l’a créé (cf. Gn 1,28) ? Qu’il consente donc à l’amour de son Père à son égard et accepte de recevoir pleinement, de tout cœur, ce qui, du côté de Dieu lui est déjà donné… Et cette bénédiction se résume par le Don de l’Esprit Saint, « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), « l’Esprit qui est vie » (Ga 5,25) et qui, reçu, ne peut donc que « donner la vie » (Rm 8,2). Et avec cet Esprit, Dieu ne peut pas nous donner plus puisqu’il nous communique en fin de compte ce qu’il est lui-même de toute éternité : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Saint » (cf. Lv 19,2 ; 20,26 ; 21,8)… Commencé par une allusion à Abraham et donc à sa mission universelle, l’Evangile de Matthieu se terminera par la mission universelle donnée à l’Eglise, mission dont le premier acteur sera le Christ Ressuscité en Personne : « Jésus dit ces paroles » aux Onze disciples, et à travers eux, à tous ses disciples de tous les temps : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin de l’âge » (Mt 28,18-20).

Notons également que « le nombre total des générations est : depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations ; depuis David jusqu’à l’exil à Babylone, quatorze générations ; depuis l’exil à Babylone jusqu’au Christ, quatorze générations. » Nous avons donc en tout trois fois « quatorze générations ».

Or, le chiffre « trois » dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit. Ainsi, « Yahvé fit qu’il y eut un grand poisson pour engloutir Jonas. Jonas demeura dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits… Yahvé commanda alors au poisson, qui vomit Jonas sur le rivage » (Jon 2,1s). Jonas annonçait ainsi prophétiquement le Christ mis au tombeau, englouti dans les entrailles de la mort pour en sortir, ressuscité, le troisième jour : « Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1Co 15,3-4). St Pierre disait également à ses compatriotes qui avaient contribué, d’une manière ou d’une autre, à ce que Jésus soit crucifié : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères a glorifié son serviteur Jésus que vous, vous avez livré et que vous avez renié devant Pilate, alors qu’il était décidé à le relâcher. Mais vous, vous avez chargé le Saint et le Juste; vous avez réclamé la grâce d’un assassin, tandis que vous faisiez mourir le prince de la vie. Dieu l’a ressuscité des morts : nous en sommes témoins… Vous êtes, vous, les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a conclue avec nos pères quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre. C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,13-15.25-26). Et c’est par la puissance de l’Esprit Saint que le Père a ressuscité son Fils avec cette humanité qu’il avait assumée pour notre salut : « Paul, serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu, que d’avance il avait promis par ses prophètes dans les saintes Écritures, concernant son Fils, issu de la lignée de David selon la chair, établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts, Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 1,1-4). Alors, «  si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11). D’où l’invitation du Christ à la fin de l’Evangile selon St Matthieu à recevoir le baptême, et avec lui, le Don de cet Esprit qui est vie, Plénitude de vie…

Le Père a donc « ressuscité » son Fils « le troisième jour », agissant en lui avec la Toute Puissance de son Esprit… Ce chiffre « trois » renvoie donc à « Dieu en tant qu’il agit », et il le fait toujours avec et par le Don de l’Esprit… Que la généalogie de Jésus contienne « trois » fois « quatorze générations » souligne donc la Présence et l’Action de Dieu au cœur de l’histoire humaine… « Dieu a ainsi dirigé l’histoire en vie de l’avènement de son Christ » (Claude Tassin).

De plus, « quatorze » est le résultat de la multiplication de « sept » par « deux ». Or le chiffre « sept » est symbole de plénitude… Avec le Christ et par le Christ, Dieu va donc agir en plénitude dans l’histoire pour tous les hommes de tous les temps… Avec lui et par lui sa volonté s’accomplira. Et quelle est-elle ? St Paul écrit : « Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). En effet, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16-17). Telle est la vocation du Christ Jésus : il est « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), et donc « le Sauveur du monde » (Jn 4,42). Avec Lui et par Lui se met en œuvre la Miséricorde infinie de Dieu : aucun mal, aucun péché, aussi énorme soit-il, ne pourra jamais la mettre en échec. Dieu aura toujours le dernier mot… « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent » (Ste Thérèse de Lisieux). Alors, « digne est l’Agneau égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange », car « il a remporté la victoire »… « En effet tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation » (Ap 5,5.9.12). Cette dernière expression insiste bien sur l’universalité du salut, et l’auteur le souligne encore en employant quatre mots, le chiffre quatre étant symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest)… Et il reprendra le tout un peu plus loin : « Après quoi, voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue ; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main, ils crient d’une voix puissante : Le salut est donné par notre Dieu, qui siège sur le trône, ainsi que par l’Agneau ! » (Ap 7,9-10). « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » ? « Alléluia ! Louez le nom du Seigneur… Louez la bonté du Seigneur, célébrez la douceur de son nom…. Car le Seigneur est grand… Tout ce que veut le Seigneur, il le fait au ciel et sur la terre, dans les mers et jusqu’au fond des abîmes » (Ps 135(134).

Remarquons également, avec Claude Tassin, « qu’outre Marie, quatre autres noms de femmes se glissent dans la généalogie : Thamar dut jouer les prostituées pour obtenir la postérité qui lui était due (Gn 38) ; selon certaines traditions juives, cette femme était une étrangère convertie au vrai Dieu. Rahab, une prostituée cananéenne, fut intégrée au peuple d’Israël (cf. Jos 2,1-21 ; 6,22-25). Ruth, ancêtre de David, était aussi une étrangère, une moabite, modèle de piété et de vertu (cf. Rt 1,16 ; 3,10). La « femme d’Ourias », Bethsabée, femme d’un étranger hittite, devint l’épouse de David » à la suite d’un péché d’adultère (2S 11-12). Le Christ, et avec Lui « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3), assument donc toute l’histoire d’Israël, avec ses fidélités et ses infidélités… Dieu aime le monde tel qu’il est pour l’inviter encore et toujours, avec une infinie patience, à partir de « là où il est » pour avancer, changer, se convertir, se repentir, et trouver enfin, grâce à l’Amour Miséricordieux, cette Plénitude de Vie et de Paix, stable, éternelle, solide, à laquelle nous sommes tous appelés…

De plus, écrit encore Claude Tassin, « Matthieu aurait pu choisir de « vraies » aïeules israélites, Sara ou Rébecca. En préférant ces femmes à demi étrangères », il montre ainsi que toute l’histoire d’Israël n’a pu que se déployer « avec » ces peuples étrangers qu’ils côtoyaient et qui appartenaient donc eux aussi, d’une certaine manière, à leur histoire… Qu’Israël ne se replie donc pas sur son élection, en croyant qu’eux seuls sont choisis, élus… Qu’ils n’oublient jamais leur vocation : « Par toi », Israël, « se béniront toutes les familles des nations » (Gn 12,4). Qu’il en soit ainsi, et ce sera l’éternelle fierté d’Israël d’avoir été l’instrument privilégié, en Serviteur du Seigneur, du bonheur éternel de l’humanité tout entière… Quelle vocation ! Alors, « debout ! », Israël, « resplendis ! Car voici ta lumière, et sur toi se lève la gloire du Seigneur. Tandis que les ténèbres s’étendent sur la terre et l’obscurité sur les peuples, sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire sur toi paraît. Les nations marcheront à ta lumière et les rois à ta clarté naissante. Lève les yeux aux alentours et regarde : tous sont rassemblés, ils viennent à toi… Alors les nations verront ta justice, et tous les rois ta gloire. Alors on t’appellera d’un nom nouveau que la bouche du Seigneur désignera. Tu seras une couronne de splendeur dans la main du Seigneur, un turban royal dans la main de ton Dieu. On ne te dira plus : Délaissée et de ta terre on ne dira plus : Désolation . Mais on t’appellera : Mon plaisir est en elle et ta terre : Épousée. Car le Seigneur trouvera en toi son plaisir, et ta terre sera épousée. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t’épousera. Et c’est la joie de l’époux au sujet de l’épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet » (Is 60,1-4 ; 62,2-5). Et avec le Christ, « ta terre » a la dimension de la terre tout entière…

Enfin, alors que toute la généalogie avance avec l’expression « untel engendra untel », reprise 39 fois, elle se conclut avec « Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. » La forme passive ne précise pas « qui » est à l’origine de cet engendrement. St Matthieu le dira plus tard à l’occasion de ce songe où Joseph sera confirmé dans sa vocation à être le père adoptif de Jésus, et en Israël, le fils adoptif avait les mêmes droits que le fils naturel. Jésus sera donc bien « fils de David » par Joseph : « Voici que l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,20-21). En effet, « Jésus » vient de l’hébreu « Yehochoua » ou « Yechoua » qui signifie « le Seigneur sauve »… C’est donc Dieu le Père qui est à l’origine de son engendrement dans le sein de Marie, et cela par la Puissance de l’Esprit Saint. Voilà ce que suggère déjà St Matthieu par cette forme passive « il fut engendré »… St Luc, de son côté, nous rapporte ce dialogue entre Marie et l’Ange Gabriel dans le récit de l’Annonciation : « Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus… Mais Marie dit à l’ange : Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? L’ange lui répondit : L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (cf. Lc 1,26-38)…

Et il en est en fait de l’engendrement du Fils dans l’histoire comme de son engendrement éternel par le Père… En effet, nous disons dans notre Crédo que le Fils est « né du Père avant tous les siècles », c’est-à-dire avant l’apparition du temps, avant ce que les scientifiques appellent le big-bang qui eut lieu entre 13,7 et 13,8 milliards d’années… Nous sommes donc « avant » le temps, et donc dans l’éternité… L’engendrement du Fils par le Père est un acte éternel… Et le Père engendre le Fils en se donnant à Lui, gratuitement, par amour, en tout ce qu’il est… Il est Dieu ? Il lui donne tout ce qui fait qu’il est Dieu, ce par quoi il vit et s’exprime, ce que nous appelons « sa nature divine ». Et le Fils est « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Il est « Lumière » (1Jn 1,5) ? Il lui donne tout ce qui fait qu’il est Lumière, et le Fils est ainsi « Lumière née de la Lumière », « engendré non pas créé, de même nature que le Père »… Or Jésus dit à la Samaritaine en St Jean : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Ce seul mot « Esprit » peut donc être employé pour évoquer tout ce que Dieu est en Lui-même, sa nature divine, son « insondable richesse » (Ep 3,8). Alors, si le Père est Esprit, il engendre éternellement le Fils en lui donnant la Plénitude de son Esprit… Et puisque Dieu est Saint, nous pouvons joindre cet adjectif au mot Esprit et parler du Don de l’Esprit Saint : le Père engendre le Fils en se donnant à Lui en tout ce qu’il est, et donc en lui communiquant le Don de l’Esprit Saint… Et c’est par ce même Don déployé dans le sein de la Vierge Marie qu’il engendrera également, avec la libre collaboration de Marie, bien sûr, l’humanité de son Fils… « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1,35) car « ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1,20).

Et puisque l’onction royale renvoyait à ce Don de l’Esprit Saint que le nouveau roi recevait de Dieu, le Fils est donc l’éternel « oint » du Père, l’éternel « Christ », et c’est par ce Don que le Père fait de son Fils « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » (Ap 19,16). Comme le dira Jésus lors de sa Passion, « sa royauté ne vient pas de ce monde » (Jn 18,36). Elle est une royauté spirituelle : le règne de la Lumière sur les ténèbres (Jn 1,5), de l’Amour sur la haine (1Jn 4,8.16), de la Paix sur toute forme de violence (Jn 14,27), de la Joie (Jn 15,10), de la Douceur (Mt 11,29)… Et le Fils s’est fait homme pour communiquer ce Don de l’Esprit à tous les hommes : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22)… Quiconque consent à recevoir ce Don gratuit de l’Amour (Rm 6,23) sera alors « Roi » lui aussi, car c’est ce Don accueilli en son cœur qui règnera en lui sur tout ce qui lui est contraire : « Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi » (Lc 22,29). Etre chrétien, c’est donc participer par sa foi à l’onction même du Christ. Tel est le grand cadeau qui, petit à petit, doit nous permettre de changer nos vies. « Vivez donc dans la prière, priez sans cesse en tout temps dans l’Esprit », pour accueillir sans cesse ce Don de l’Esprit car « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ep 6,18 ; 1Th 5,17-22 ; Ga 5,22).

                                                                                                               D. Jacques Fournier

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Fiche SI – 1 – Mt 1,1-17