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Baptême du Seigneur (Luc 3, 15-16.21-22) : « Toi, tu es mon fils bien-aimé … » (Francis Cousin)

 

« Toi, tu es mon fils bien-aimé … »

 

La lecture de l’évangile de ce dimanche, courte (4 versets), est composée de deux passages accolés qui ont semblés suffisamment importants par l’Église pour qu’ils ne soient pas dilués dans un texte plus long.

Dès le début, Jean-Baptiste montre qu’il n’est pas le Messie. Lui-même ne baptise que dans l’eau. Mais pas n’importe quelle eau : celle du Jourdain, et à un lieu qui semble proche de celui utilisé par les hébreux pour quitter les errances de quarante années dans le désert pour entrer en terre promise ; utilisant ainsi le symbole du passage d’une vie d’esclave en Égypte à une vie nouvelle, comme celle qu’il annonce avec la venue du Messie. Ce n’est qu’un baptême de purification, comme d’autres le faisaient ailleurs, notamment les esséniens de Qumran, comme le font les musulmans avant d’entrer dans la mosquée, comme le faisaient les juifs avant le repas reprochant à Jésus de ne pas le faire : « Le pharisien fut étonné en voyant qu’il n’avait pas fait d’abord les ablutions précédant le repas. Le Seigneur lui dit : ’’Bien sûr, vous les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur de vous-mêmes vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté.’’ » (Lc 11,38-39).

Jean-Baptiste annonce un baptême par Jésus « dans l’Esprit Saint et le feu ». Le feu est aussi un élément de purification, tout comme l’eau : « L’or, l’argent, le bronze, le fer, l’étain, le plomb, bref toute chose qui supporte le feu, vous la passerez par le feu, et elle sera pure (…) Mais toute chose qui ne supporte pas le feu, vous la passerez par l’eau. » (Nb 31,22-23). Mais Jésus dit aussi : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12,49), parce que ce feu, c’est justement le feu de l’Esprit qu’il enverra après sa montée auprès de son Père. Mais à Nicodème, il dit : « Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » (Jn 3,5), et cette eau dont il parle c’est l’eau vive, que Jésus propose à la Samaritaine (cf Jn 4,10), eau symbolique qui représente la Parole de Jésus rappelée par l’Esprit (cf Jn 14,26).

Finalement, le baptême proposé par Jésus n’est pas obligatoirement un baptême physique (même si, pour marquer le passage vers la vie de Dieu, il semble important de mettre en place des rites comme le baptême que nous connaissons) mais avant tout un baptême spirituel. C’est sans doute pourquoi dans les évangiles on ne voit jamais Jésus ou les apôtres baptiser. Pour Jésus, l’important est de croire en sa Parole, qui est Parole de Dieu, et de la mettre en pratique : « celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. » (Mt 7, 24), manière de vivre beaucoup plus importante que de respecter les lois sans les comprendre, ainsi que nous le dit saint Paul : « Vous qui cherchez la justification par la Loi, vous vous êtes séparés du Christ, vous êtes déchus de la grâce. Nous, c’est par l’Esprit, en effet, que de la foi nous attendons la justice espérée. Car, dans le Christ Jésus, ce qui a de la valeur, ce n’est pas que l’on soit circoncis ou non, mais c’est la foi, qui agit par la charité. » (Gal 5,4-6).

Dans la deuxième partie de l’évangile d’aujourd’hui, nous voyons la manifestation de la Trinité : l’Esprit qui descend sur Jésus, alors qu’il priait, et surtout la voix du Père qui vient du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. », comme une réponse à la prière de Jésus que nous ne connaissons pas. Quelle joie pour Jésus de se savoir reconnu comme le fils bien-aimé de son père du ciel et de ressentir la présence discrète mais efficace de l’Esprit de Dieu auprès de lui.

« Je t’aime, tu es tout mon amour. ». Qui peut rester insensible à une telle déclaration, que l’on soit homme ou femme ? Si en plus, elle vient de Dieu, alors, tout est possible ! Et pour Jésus c’est important ; la joie ressentie ce jour-là restera gravée en lui pour toute sa vie terrestre, même aux pires moments, sur la croix : Dieu son Père ne peut l’abandonner, même s’il en a l’impression, car aussitôt il se reprend : « Entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23,46).

Et cette joie nous concerne nous aussi : cette joie reçue au baptême de Jésus sera aussi la nôtre quand Jésus dira à saint Jean, en parlant de sa mère : « Voici ta mère. » (Jn 19,27) : nous devenons frère de Jésus, et nous pouvons, nous aussi, nous adresser à Dieu en disant : « Notre Père ». Ainsi, à notre baptême, à nous aussi Dieu nous dit : « Toi, tu es mon fils (fille) bien-aimé(e) ; en toi, je trouve ma joie. ».

Avons-nous vraiment conscience de l’amour que Dieu notre Père a pour nous ? Saint Jean nous le disait il y a quinze jours : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. » (1 Jn 3,1). Mais depuis, est-ce que cela a changé quelque chose en nous ?

Notre baptême nous a rapproché de Jésus, mais pensons-nous vraiment que nous sommes proches de Jésus ? Ou sans nous en rendre compte, peut-être pensons-nous que c’est une position immuable et que nous n’avons rien à faire pour rester proche de Jésus ?

Notre baptême nous engage, vis-à-vis de Dieu, vis-à-vis des autres, vis-à-vis de l’Église …

Avons-nous l’impression d’être frère de Jésus ? Quelle est notre relation vis-à-vis de lui ?

C’est peut-être le moment de se rappeler ce que saint Jean-Paul II nous disait, à nous qui sommes français, au début de son pontificat : « Il n’y a qu’un seul problème qui existe toujours et partout : le problème de notre présence auprès du Christ. De notre permanence dans le Christ. De notre intimité avec la vérité authentique de ses paroles et avec la puissance de son amour. Il n’existe qu’un problème, celui de notre fidélité à l’alliance avec la sagesse éternelle, qui est source d’une vraie culture, c’est-à-dire de la croissance de l’homme, et celui de la fidélité aux promesses de notre baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit !

Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger :

France, Fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » (Jean-Paul II au Bourget, le 1 juin 1980).

Et nous, sincèrement, sommes-nous fidèles aux promesses de notre baptême ?

Seigneur Jésus,

Toi qui es sans péché,

tu as voulu, comme les autres humains,

recevoir le baptême de Jean-Baptiste …

et tu as reçu l’Esprit de Dieu,

et l’assurance de l’amour de Dieu ton Père.

À notre baptême,

nous avons reçu la même chose,

mais nous n’en avons pas toujours conscience.

Et pourtant,

Dieu nous aime comme un Père…

 

Francis Cousin

 

 

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Prière dim Baptême de Jésus C A6

 




Épiphanie du Seigneur (Mt 2,1-12; Jacques Fournier)

La Loi est claire : « On ne trouvera chez toi personne qui pratique la divination, l’incantation ou la magie » (Dt 18,10). En effet, « idolâtrie et magie, voilà ce que produit le péché » (Ga 5,20), car ces réalités prennent la place de Dieu. En effet, à travers elles, l’homme cherche à maîtriser son destin… Dieu et ses imprévus n’y ont plus leur place…

Ces mages païens qui viennent d’Orient sont peut-être dans l’erreur, mais ils n’en ont pas encore conscience… Ils cherchent la vérité, ils sont de bonne volonté, et c’est cela que Dieu regarde. Aussi va-t-Il leur parler, dans un premier temps, ce langage des astres qu’ils connaissent si bien : « Nous avons vu se lever une étoile »… Et Il les guidera avec elle jusqu’à Jérusalem… Merveille de la Miséricorde de Dieu…

Mais l’étoile ne peut donner le lieu précis de la naissance du Messie. Seule la Parole de Dieu, avec ses prophéties, pourra le leur dire. Mais eux ne l’ont jamais lue ! Les scribes de Jérusalem, par contre, la connaissent par cœur. Le roi Hérode, brutalement inquiet pour son pouvoir à l’annonce de la naissance d’un possible rival, va les convoquer pour « leur demander en quel lieu devait naître le Messie ». Et ils vont bien répondre en citant le prophète Michée (vers 750 av JC) : « Et toi, Bethléem en Judée, c’est de toi que sortira un chef, qui sera le berger d’Israël mon peuple » (Mi 5,1). Et les mages partiront aussitôt à Bethléem. Les scribes, eux, ne bougeront pas…

Avec toute leur bonne volonté, ils avaient obéi à ce qu’ils avaient compris grâce à l’étoile. Avec la même bonne volonté, ils vont obéir maintenant à la Parole de Dieu… Et l’étoile la confirmera en « s’arrêtant au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant ». Ils en éprouvèrent « une très grande joie », comme plus tard celles et ceux qui « accueilleront la Parole de Jésus avec la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6).

« Ils virent l’étoile »… « Ils virent l’enfant avec Marie sa Mère »… Et grâce à la Lumière de ce même Esprit que Dieu donne à ceux qui lui obéissent, ils virent aussi, de cœur, « l’Astre d’en Haut venu nous visiter dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu pour nous donner de connaître le salut par la rémission de nos péchés. Il est apparu à ceux qui demeuraient dans les ténèbres et l’ombre de la mort, pour guider nos pas sur le chemin de la paix. » Ils étaient autrefois dans les ténèbres, mais ils n’en avaient pas conscience. Maintenant, ils vont rentrer chez eux « par un autre chemin », non plus en suivant une étoile mais guidés par leur foi en Jésus « Lumière du monde »…

D. Jacques Fournier




LE PASTEUR D’HERMAS

Composé probablement à la fin du Iersiècle ou au début du IIèsiècle à Rome en grec, l’ouvrage intitulé Le Pasteurest un texte particulièrement intéressant – voire déroutant – illustrant avec force la spiritualité ésotérique des premiers chrétiens. Son auteur, Hermas, demeure une énigme, bien que certains en fassent un proche de Clément de Rome. Il est à signaler qu’une mention de ce nom est aussi faite par Paul enRomains16,14, lorsqu’il salue les croyants de la communauté de la capitale de l’Empire ; Origène semble confirmer cette identification. Le Pasteurest considéré comme « Ecriture » par Irénée de Lyon et Clément d’Alexandrie ; il faut ajouter à cela qu’il est incorporé au Nouveau Testament contenu dans le Codex Sinaiticus (IVèsiècle).

Divisée en cinq Visions, douze Préceptes et dix Similitudes, l’œuvre propose un récit de tendance apocalyptique dont la théologie est relativement proche de l’Apocalypse de Jean, ce qui conforterait une datation basse, à l’aube du IIèsiècle. Les thèmes abordés tournent essentiellement autour de conceptions morales telles que la continence, la repentance et le devoir de maintenir ses proches dans la voie droite du Seigneur. On notera notamment au début du livre la mention de la tentation d’adultère. De cette situation initiale, un enseignement mystique adressé par une vieille femme représentant l’Eglise, un ange (l’Ange de la repentance) et finalement le Pasteur (figure du Christ) a pour objectif de nous exposer la spiritualité et les attentes présentes au sein de la communauté primitive. On notera également une mise en garde contre les faux prophètes, renvoyant certainement aux multiples tendances déviantes apparaissant à l’époque (notamment les enseignements de Marcion, l’une des figures les plus emblématiques de l’hétérodoxie). Le texte est globalement une éloquente allégorie de la période assez mal connue de la construction de l’institution ecclésiastique, réponse aux questionnements spirituels des fidèles.

Il est important de lire Le Pasteur, à la fois pour les renseignements précieux qu’il contient quant à la foi des premiers chrétiens de Rome, pour ses enseignements moraux riches et intemporels, mais surtout pour la tonalité magnifiquement optimiste qu’il manifeste, ancrée dans une espérance sans faille.

Bibliographie élémentaire

  • Hermas, Le Pasteur, R. Joly (éd. et trad.), Sources Chrétiennes, Le Cerf, Paris, 1997.

  • E. NORELLI – C. MORESCHINI, Histoire de la littérature chrétienne ancienne grecque et latine. I, Labor et Fides, Genève, 2000.

  • S. GIET, Hermas et les Pasteurs. Les trois auteurs du Pasteur d’Hermas, Paris, PUF, 1963.

Extraits

 

Mon maître m’avait vendu à une certaine Rhodè à Rome. Bien des années après, je la revis et me mis à l’aimer comme une sœur. Quelque temps après, je la vis se baignant dans le Tibre, je lui tendis la main et la sortis du fleuve. Voyant sa beauté, je réfléchissais, me disant en mon cœur : je serais bien heureux si j’avais une femme de cette beauté et de ce caractère. Voilà uniquement ce que je pensai, sans aller plus loin. Quelque temps après, je marchais vers Cumes et je réfléchissais que les œuvres de Dieu sont grandes, remarquables et fortes : tout en marchant, je m’endormis : l’esprit me saisit et m’emmena par une route non frayée, où l’homme ne pouvait marcher. L’endroit était escarpé, tout déchiqueté par les eaux. Je traversai le fleuve qui était là et arrivé dans la plaine, je m’agenouille et me mets à prier Dieu et à lui faire l’aveu de mes péchés. Pendant ma prière, le ciel s’ouvrit et je vois cette femme que j’avais désirée : elle me salue du ciel et me dit : « Bonjour, Hermas. » Je la regarde et lui dit : « Maîtresse, que faites-vous là ? » Et elle me répond: « J’ai été transportée (au ciel) pour dénoncer tes péchés au Seigneur. » Je lui dis: « Vous êtes maintenant ma dénonciatrice ? – Non, dit-elle, écoute les paroles que je vais te dire : Dieu, qui habite dans les cieux qui du néant, a créé les êtres, les a multipliés et les a fait croître en vue de sa sainte Église, est irrité contre toi parce que tu as commis une faute à mon égard. » Je lui réponds en ces termes : « J’ai commis une faute à votre égard ? En quel endroit, quand vous ai-je jamais dit une parole déplacée ? Ne vous ai-je pas toujours tenue pour une déesse ? Ne me suis-je pas toujours comporté envers vous comme envers une sœur ? Pourquoi, femme, m’accuser faussement de vice et d’impureté ? » Elle rit et me dit : «  Le désir du vice est monté à ton cœur. Et ne te semble-t-il pas que pour un homme juste, c’est chose vicieuse que le désir du vice monte à son cœur ? C’est une faute, et une grande, dit-elle, car l’homme juste pense juste. C’est par ses justes pensées qu’il accroît sa réputation dans les cieux et qu’il se rend le Seigneur indulgent pour tous ses actes. Mais ceux dont les pensées sont mauvaises en leur cœur ne s’attirent que mort et captivité, surtout ceux qui jouissent de cette vie-ci, s’enorgueillissent de leurs richesses et ne s’attachent pas aux biens futurs. Elles connaîtront le repentir, les âmes de ceux qui n’ont pas d’espérance, qui ont renoncé à eux-mêmes et à leur vie. Mais toi, prie Dieu : il guérira tes péchés et ceux de toute ta maison et de tous les saints. »

                                                                               Le Pasteur, Vision I, 1, 1-9.

 

« Et toi, Hermas, ne garde plus rancune à tes enfants, ne renvoie pas ta sœur : ainsi, ils se purifieront de leurs péchés antérieurs. Ils recevront une éducation convenable, si tu abandonnes ta rancune à leur égard. La rancune provoque la mort. Toi, Hermas, tu as subi de grandes tribulations personnelles à cause des errements de ta maison : c’est que tu ne te souciais pas d’elle, tu l’as négligée et tu t’es enlisé dans tes mauvaises affaires. Ce qui te sauve, c’est de n’avoir pas abandonné le Dieu vivant et aussi ta simplicité et ta grande continence. Voilà ce qui te sauve si tu persévères ; voilà ce qui sauve tous ceux qui agissent ainsi et marchent dans la voie de l’innocence et de la simplicité. Ceux-là l’emporteront sur toute méchanceté et tiendront bon jusqu’à la vie éternelle. Bienheureux, tous ceux qui pratiquent la justice ; ils ne périront pas, de toute éternité. Tu diras à Maxime :  » Vois, une épreuve arrive : si bon te semble, renie de nouveau. Le Seigneur est tout près de ceux qui se convertissent, comme il est dit dans le livre d’Eldad et Modat, qui ont prophétisé pour le peuple dans le désert. »

                                                                                  Le Pasteur, Vision II, 3, 1-4.

« Éloigne de toi, dit-il, la tristesse, car elle est sœur du doute et de la colère. – Comment, Seigneur, dis-je, est-elle leur sœur ? Il me semble que la colère est une chose, le doute, une autre chose, et la tristesse, une autre encore. – Tu n’es pas un homme intelligent, dit-il ; ne comprends-tu pas que la tristesse est le plus méchant de tous les esprits et le plus redoutable pour les serviteurs de Dieu et que plus que tous les esprits, elle ruine l’homme, chasse l’Esprit-Saint et puis le sauve ? – Il est vrai, Seigneur, dis-je, je ne suis pas intelligent et je ne comprends pas ces paraboles. Je ne vois pas comment elle peut chasser, puis sauver. – Écoute, dit-il. Ceux qui n’ont jamais fait de recherche au sujet de la vérité, de la divinité, qui se sont bornés à croire, enfoncés dans les affaires, la richesse, les amitiés païennes et dans de nombreuses autres occupations de ce monde, tous ceux qui ne vivent que pour cela ne peuvent comprendre les paraboles concernant la divinité. Ces divertissements les obscurcissent, les perdent, et ils se dessèchent. Les bons vignobles, s’ils viennent à manquer de soins, sont desséchés par les chardons et les herbes de toute espèce : de même, les hommes qui ont embrassé la foi et qui se perdent dans ces multiples activités dont j’ai parlé, s’égarent loin de leur bon sens et ne comprennent plus rien à la justice : même lorsqu’on leur parle de la divinité et de la vérité, leur esprit est tout à leurs affaires et ils ne comprennent rien. Mais ceux qui craignent Dieu, qui s’inquiètent de la divinité et de la vérité, qui tiennent leur cœur vers le Seigneur, ceux-là saisissent et comprennent plus vite tout ce qu’on leur dit, car ils ont en eux la crainte du Seigneur ; là où habite le Seigneur, se trouve aussi la complète intelligence. Attache-toi donc fermement au Seigneur et tu saisiras et comprendras tout. »

                                                                                  Le Pasteur, Précepte X, 1-6.




Épiphanie du Seigneur (Mt 2,1-12) : « Une étoile… » (Francis Cousin)

 « Une étoile … »

 

Nous en avons tous vu, en vrai (même si elles nous paraissent de petites tailles), mais nous en avons vu aussi au figuré : de personnes qui nous parlent, des évènements qui nous interrogent, des textes qui appellent à la réflexion …

Et devant ces ’’étoiles’’, nous pouvons avoir plusieurs réactions …

Comme dans la parabole du semeur, hormis le chemin puisque nous sommes interpellés. Nous pouvons être tout feu tout flamme sur l’instant, mais cela ne dure pas … Nous pouvons commencer notre réflexion, chercher un peu …, mais sans suite, pris par les activités du monde …

Enfin, nous pouvons nous faire interpeller plus profondément, au tréfonds de nous, dans nos entrailles …, et nous mettre en route, comme les mages …

Sans trop savoir où nous allons …

Mais nous suivons ’’l’étoile’’ qui nous guide … et qui a un allié puissant : l’Esprit Saint qui nous fait nous mouvoir comme les apôtres pour annoncer l’évangile de Jésus-Christ (cf 2° lecture).

Oh, bien sûr, il peut y avoir des ratés.

On peut prendre un raccourci qui s’avère être mauvais.

On peut perdre le but que nous suivons …

Mais l’Esprit Saint est là pour nous remettre sur le droit chemin, nous faire rencontrer des personnes qui pourront nous aider, même si elles sont hostiles ou que leurs motivations ne soient pas claires … Comme Hérode …

Et ces rencontres nous remettent en forme et en force, nous retrouvons ’’l’étoile’’, même si elle n’est pas tout à fait la même, plus brillante, plus grande …, ou plus petite …

Peut-être faudra-t-il plusieurs ’’étoiles’’successives pour atteindre notre but …

Peut-être que le but que nous atteindrons ne sera pas tout-à-fait celui que nous pensions au départ …

Les chemins de Dieu sont impénétrables, ou plutôt ils se découvrent au fur et à mesure de notre avancée, sous l’action de l’Esprit Saint : « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. » (Jn 3,8).

Et au bout du chemin, quel que soit l’endroit, nous rencontrons Jésus-Christ. Pour de vrai, dans notre cœur …

Pas le « petit Jésus » gentillet de la crèche, mais Jésus, Fils de Dieu, mort sur la croix pour nous, ressuscité par Dieu son Père, et qui est à sa droite dans les cieux.

Alors on pourra lui dire : « De l’argent et de l’or,de l’encens, de la myrrhe, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne » (Ac 3,6), « Fais de moi ce qu’il te plaira ! » (Charles de Foucauld).

Le chemin peut être long, ou court. Cela dépend de chacun … et non pas de Dieu … et il faut aller jusqu’au bout !

Au bout … qui n’est qu’une étape. Ce n’est pas la mort !

Il faut revenir dans le monde, pour partager cette rencontre et tout ce qui va avec …

Comme les mages, qui « regagnèrent leur pays par un autre chemin. », non pas tellement par peur d’Hérode et de ses gardes, mais parce que la rencontre avec Jésus les avait illuminés, avaient changé leur cœur, et qu’ils ne pouvaient plus vivre comme avant.

Il s’agit plus d’un chemin spirituel que géographique.

On ne peut que penser à ce chant :

Ne rentrez pas chez vous comme avant,

Ne vivez pas chez vous comme avant,

Changez vos cœurs, chassez vos peurs,

Vivez en hommesnouveaux.

Seigneur Jésus,

tu as parsemé le monde

avec des étoiles de toutes sortes,

gens, faits, textes,

pour nous permettre de te rencontrer.

Et tu attends notre visite …

Encore faut-il que nous les observions,

et que nous les suivions …

 

Francis Cousin

 

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Prière pour l’Epiphanie

 




Fête de la Sainte Famille (Lc 2,41-52 ; Francis Cousin)

 « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »

 

La fête de la Sainte Famille, juste après Noël !

Peut-être parce que Noël est avant tout une fête de famille. Dans toutes les familles, on se réjouit de la naissance d’un enfant, et on fait la fête ! Et pour nous chrétiens, nous nous réjouissons de la naissance de Jésus, Fils de Dieu.

Et à Noël, on pense plutôt à Jésus. On pense bien sûr à Marie et Joseph, mais tout est plus ou moins brouillé par tous les évènements qui ont entouré la naissance de Jésus : le voyage, l’étable, la crèche, les bergers, le chant des anges …

Mais pour Marie et Joseph, ce n’était pas du folklore ! C’était la vie, faite de difficultés, de questionnements, d’angoisse, de peur. C’était aussi l’amour entre les parents, la prévenance l’un pour l’autre, tout en pensant à ce petit qui devait naître …

Une vie ordinaire de famille dans l’extraordinaire de la vie du monde chrétien …

Et l’évangile de ce jour nous montre un autre aspect de la vie de cette famille, avec la perte de Jésus lors d’un pèlerinage à Jérusalem. Une situation que sans doute beaucoup de parents ont connu : un moment d’inattention ou un évènement qui nous distrait, et l’enfant n’est plus là où il était. Et c’est l’angoisse, la panique, l’affolement … on cherche partout, on ne pose des questions, on voir l’avenir en noir, on se fait des reproches … jusqu’à ce qu’on retrouve l’enfant.

La plupart du temps, cela ne dure que quelques minutes, voire moins … mais, comme Marie, on « garde dans son cœur tous ces événements », ça reste en mémoire.

Et pour Marie et Joseph, ça a duré trois jours …

C’est le seul évènement que nous connaissons entre le retour d’Égypte, à une date inconnue, et le baptême de Jésus quand il avait environ trente ans.

À cette époque, Jésus avait douze ans, c’est-à-dire l’âge où le jeune juif devient adulte dans sa foi, l’âge où il peut lire la Torah en public dans la synagogue, et l’âge où il devient important pour lui de participer, comme tous les juifs, au pèlerinage au temple de Jérusalem.

Peut-être Jésus prend-il conscience à ce moment de son origine divine, de qui est son Père, … et qu’il a une mission à remplir sur terre.

Quelques remarques :

Au début de l’évangile, on dit qu’« ils montèrent » à Jérusalem, en chantant des psaumes, ceux qu’on dit « des montées », comme celui-ci que Jésus a dû être fier de chanter : « Quelle joie quand on m’a dit : ‘’Nous irons à la maison du Seigneur !’’, Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! (…) C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur, là qu’Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur. » (Ps 121,1-2.4). Le verbe est au pluriel, c’est toute la famille qui monte, ensemble. Par contre, à la fin, « Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth » ; On fait cette fois-ci une différence entre Jésus et ses parents, et le verbe s’applique d’abord à Jésus : c’est montrer qu’il y a eu un changement dans la vie de Jésus, c’est lui qui prime, parce qu’il s’est reconnu comme Fils du Père lors de son passage dans le temple de Jérusalem, et ses parents ne font que l’accompagner.

Quand on part quelque part, on revient souvent. Mais différent.

Pas besoin d’aller loin ! Quand on part à la messe, ce n’est pas loin. On va dans la maison de Dieu, on va rencontrer Dieu. Et quand on revient, on revient vers la vie de tous les jours, vers ceux qui nous entourent, vers les autres … Est-ce que nous revenons dans les mêmes dispositions qu’en partant ? Ou est-ce que nous avons pris auprès de Dieu la force pour vivre avec nos frères (qui peuvent être notre conjoint ou nos enfants) dans l’amitié de Dieu ? pour vivre notre mission de témoin de Jésus ?

Trois jours de recherche …

Trois jours, cela fait penser au nombre de jours pour que Jésus ressuscite …

Au bout de ces trois jours, quelle est la question qui est posée ? Par Jésus au temple : « Pourquoi donc me cherchiez –vous ? », et par les anges qui accueillent les femmes au tombeau : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (Lc 24,6).

Pourquoi cherchons-nous Jésus ? Parce que la question s’adresse plutôt à nous. Parce qu’on ne le voit plus ? parce qu’on pense l’avoir perdu ? Parce que nous voulons l’accaparer ? Pour nous rassurer ? Peut-être un peu de tout cela … Mais si nous avons vraiment la foi, nous savons que Jésus est toujours avec nous (cf Mt 28,20), c’est lui qui vient vers nous, il est même en nous (et dans tous les humains). Tout le temps ! Saint Augustin le dit bien : « Tu étais au-dedans de moi quand j’étais au-dehors, et c’est dehors que je te cherchais. ».

Que dit Jésus ensuite ? « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ?». Pour la première fois qu’on entend parler Jésus dans les évangiles, il fait référence à son Père ; Non pas Joseph, son père nourricier (qui a dû être un peu surpris d’entendre Jésus parler d’un Père qui n’est pas lui !), mais son Père des cieux. Et quel est la dernière phrase de Jésus dans l’évangile de Luc ? « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » (Lc 23,46). La première fois et la dernière fois que Jésus parle dans sa vie de Dieu fait homme, il parle de son Père (ou à son Père) qui est aux cieux. Cela veut dire que tout ce que Jésus a dit entre ces deux moments était orienté ou adressé à son Père des Cieux dont il était le représentant sur la terre : « le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. » (Jn 5,19).

Jésus ne pense qu’à son Père, à remplir la mission que le Père lui a donné sur la terre, au risque de sa vie. C’est peut-être le moment, en cette fin d‘année, de penser à toutes les personnes qui sont morts cette année à cause de leur foi en Dieu, notamment au Mexique, en Afrique ou en Inde … et de se souvenir des 19 martyrs chrétiens d’Algérie béatifiés il y a quinze jours.

Et prions aussi pour toutes les familles, quelles qu’elles soient, et aussi pour La Famille, « cellule de base de la société » qui est de plus en plus mise à mal par les décisions politiques.

Seigneur Jésus,

arrivé dans le temple de Jérusalem,

tu te sens tellement à l’aise

dans la maison de ton Père

que tu décides d’y rester,

au grand dam de Marie et de Joseph.

Par la suite, tu les suis à Nazareth, soumis.

Aide-nous à respecter

tous les membres de nos familles.

 

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée pour cette fête de la Sainte Famille, cliquer sur le titre suivant :

Prière dim Ste Famille

Et pour l’illustration du jour réalisée par Francis, cliquer sur le titre suivant :

Parole d’évangile Sainte Famille




Fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph – par le Diacre Jacques FOURNIER (Lc 2, 41-52).

« L’enfant Jésus dans le Temple de Jérusalem« 

(Lc 2,41-52) 

Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume.
À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents.
Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.
Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher.
C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions,
et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.
En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! »
Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.
Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.
Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

 

            Jésus a grandi, il a douze ans, l’âge où l’on devient un adulte en Israël, l’âge où il est permis de lire publiquement la Parole de Dieu dans la Maison de Dieu : le Temple de Jérusalem… C’est d’ailleurs là où il est resté alors que ses parents, pensant qu’il était avec le reste de la famille, ont déjà repris le chemin du retour à Nazareth… Mais Jésus, lui, discute avec les Docteurs de la Loi, les spécialistes des Ecritures. Et « tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. » La Plénitude de l’Esprit l’habite et l’inspire, « Esprit de Sagesse et d’Intelligence, Esprit de Conseil, de Force et de Connaissance » (Is 11,1-3)… Il parlait « non pas avec des discours enseignés par la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles » (1Co 2,13). Et « l’Esprit de vérité, qui vient du Père, lui rendait témoignage » dans les cœurs (Jn 15,26). Il en est déjà ici comme il en sera, quelques années plus tard, dans la synagogue de Nazareth : « Tous lui rendaient témoignage et ils étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche » (Lc 4,22). Même les soldats venus l’arrêter repartiront, dans un premier temps, sans mettre la main sur lui : « Jamais homme n’a parlé comme cela ! » diront-ils aux Grands Prêtres et aux Pharisiens qui les avaient envoyés (Jn 7,46).

            Ces derniers l’avaient pourtant bien accueilli au tout début, mais beaucoup, jaloux de son succès, chercheront ensuite à le faire périr : « Alors les Pharisiens se dirent entre eux : Vous voyez que vous ne gagnez rien ; voilà le monde parti après lui ! » (Jn 12,19). Même Pilate « savait bien que c’était par jalousie qu’on le lui avait livré » (Mt 27,18). Jésus ne leur opposera que son silence, car il le sait, ils ne veulent pas entendre… Ils le tueront, et un « glaive transpercera le cœur de Marie », présente à ses côtés jusqu’au pied de la Croix. Et puis, ce sera à nouveau le silence… Et « c’est au bout de trois jours » qu’ils le retrouveront, lorsqu’il leur apparaîtra, Ressuscité, dans la splendeur de sa Gloire. « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant », dit ici Marie. Mais « comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être », car « c’est de Lui que je viens » et c’est « là où Je Suis »… Nous le constatons : cet épisode, juste avant le récit du ministère de Jésus, annonce déjà ses souffrances futures et la victoire de sa Résurrection.

                                                     DJF




Accompagnement des personnes malades : dernière rencontre d’année au Carmel (22/12/08)

Ce samedi 22 décembre, les participants au parcours « Accompagnement des personnes malades » qui se retrouvaient un samedi par mois de 14h à 17h 00 au Carmel des Avirons se sont retrouvés avec leur intervenante Noéline Fournier pour un repas partage suivi d’un dernier cours. Rendez-vous avait été donné à 11h 30 au Carmel. Le groupe a ainsi pu prier à la chapelle avec les soeurs la Prière du Milieu du Jour (Sexte). A la fin, toutes les soeurs les ont accueillis…

Puis le repas fut partagé dans la salle à manger de l’hôtellerie du Carmel…

Sr Monique et Noéline Fournier

Une dernière rencontre eut lieu ensuite, sur la question des dons d’organes, à favoriser absolument lorsque la question, hélas, se pose… Cela rejoint bien toute la dynamique de Dieu : se donner pour le bien et la vie des autres, un Don qui, en Jésus Christ, est allé jusqu’à son offrande totale sur la Croix, et cela pour la vie du monde…

Puis la soeur Prieure du Carmel, Sr Marguerite, accompagnée de Sr Alix, sont venues répondre aux questions du groupe…

 Sr Alix et Sr Marguerite

Et tout le monde s’est ensuite souhaité un bon et joyeux Noël par un petit échange de cadeaux… Rendez-vous pour celles et ceux qui le désirent l’année prochaine, où le thème sera cette fois : « L’Accompagnement des personnes en deuil » (cf. programme FAC).




Solennité de la Nativité du Seigneur (messe du jour) – Homélie du Père Louis DATTIN

NOËL 

Grande joie pour tout le peuple

Jn 1, 1-18

            « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». Pendant l’Avent, frères et sœurs, nous avons chanté « Peuple qui marchez dans la longue nuit, le jour va bientôt se lever ». Aujourd’hui, nous pourrions chanter « Peuple qui marchez dans la longue nuit, aujourd’hui, Jésus vous est né« .

Oui, c’est Jésus, notre lumière. C’est précisément la raison qui a fait choisir le 25 décembre comme date de sa naissance. L’Eglise, depuis le 2e siècle, a choisi ce solstice : ce moment où le soleil est vainqueur des ténèbres, pour fixer la date de l’Incarnation. Noël est une fête de lumière que l’on célèbre le soir ou dans la nuit, comme Pâques. D’ailleurs, tout l’Evangile de St-Luc semble construit pour nous donner cette sensation. Ce récit est composé de trois parties égales :

1 – Tout d’abord, au début, il y a le monde des ténèbres.

« En ces jours-là, parut un édit de César Auguste ordonnant de recenser toute la terre lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie ». Luc a voulu évoquer ce monde dur où Jésus est né, dans les premières années de notre ère.

C’est un pays occupé par une puissance étrangère : Rome qui a asservi tout le monde connu, le monde méditerranéen.

La 1ère lecture, en Isaïe, parlait déjà de ce peuple qui marchait dans les ténèbres, sous le joug et le fouet du chef de corvée et qui subissait le bruyant et pénible piétinement des bottes des soldats occupants. L’occupation romaine est sans pitié : elle impose ce recensement qui provoque bien des tracas, des déplacements.

Quelle naissance difficile pour ce jeune couple qui n’a pas pu trouver de place dans la salle commune des réfugiés et qui doit se contenter d’une étable, dans le fumier et la paille pour mettre au monde son petit enfant fragile !

C’est vraiment tout le symbole de notre monde d’aujourd’hui avec tous les sans-abri du monde, ces Kurdes, ces sans-pays habitants de Calais, ces Somaliens, tous les laissés pour compte, les pauvres qui ne savent pas se faire une place ou que l’on repousse.

Oui, le récit « commence mal » pour ainsi dire : il est aussi le récit et le symbole de tous les moments durs de notre vie : moments difficiles où l’on a envie de dire : « S’il y avait un Bon Dieu, cela n’existerait pas, cela n’arriverait pas ».

Oui, très souvent, en nous, autour de nous, nous sommes comme Marie et Joseph, comme les bergers dans la nuit ….

2 – Et puis, « l’Ange du Seigneur s’approche et la gloire du Seigneur enveloppa les bergers de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple ! Aujourd’hui, vous est né un SAUVEUR. Il est le Messie-Seigneur et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». « Et soudain, il y eut avec l’ange, une troupe céleste innombrable qui louait Dieu en disant « gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ».

Il faudrait écrire en rouge ces six versets car voilà que, soudain le récit, d’une banalité terre à terre, s’ouvre véritablement sur du céleste. Oui, soudain, on a l’impression de décrocher du réel, comme disait un homme plein de bon sens : « Ça me gêne, disait-il, tout ce merveilleux, soudain, comme dans les contes de fées pour enfants… avec des anges, des lumières dans le ciel, des voix, des visions, des musiques célestes ! »

Faudrait-il donc, dans notre monde détraqué et souvent mal à l’aise, abîmé par les dominations et les guerres qui font les immigrés, les mamans désolées, les enfants qui pleurent… faudrait-il donc refuser le bonheur de Noël qui nous offre une trêve au milieu de nos difficultés, nos malheurs, notre nuit. Faudrait-il donc refuser la lumière dans notre nuit ?

Si nous le faisions, ce serait renoncer au message de ce jour. Sans ces six lignes du texte, le récit de Noël est incompréhensible!

Si on les supprime de l’Evangile, on ne peut plus s’expliquer, pourquoi cet enfant, né dans le fumier d’une étable a pu dépasser les siècles et remuer aujourd’hui, vingt siècles plus tard, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

Tout  le merveilleux de ce récit est là pour nous crier : « Attention, attention, ne vous y trompez pas. Cet enfant sur la paille, emmailloté, signe plutôt minable évidemment, c’est le Sauveur, le Messie, le Seigneur ! », ces trois titres prestigieux écrits dans le ciel.

Il n’y a vraiment pas trop d’anges ni de lumières pour annoncer la bonne nouvelle car c’est vraiment une merveille : Dieu nous donne son Fils pour nous sortir de nos mortelles ténèbres.

Ce Jésus, c’est le Verbe de Dieu, la Parole vivante de Dieu qui est venu habiter parmi nous. Pourquoi avons-nous du mal à y croire ? Parce que nous avons toujours tendance à nous représenter Dieu à l’image des grands de ce monde : personnages lointains, absorbés dans leurs préoccupations lointaines, si loin au-dessus de nous ! Mais la grandeur  de Dieu :

c’est  au contraire  d’avoir voulu  se faire  si proche de nous au point de se passionner pour sa création,

c’est d’aimer éperdument cette Humanité qu’il a créé et dont il ne peut pas se désintéresser.

Dieu avait bien envoyé les prophètes pour nous parler, mais il ne pouvait pas se contenter de cette approche. Il a voulu s’insérer dans la vie de son peuple, s’y incarner, s’y naturaliser. Tant il est vrai que, quand on aime, on veut toujours aller plus loin dans l’amour. Désormais, par son Fils Jésus, Dieu est entré dans le déroulement de l’Histoire humaine et il en fait partie…

3 – « Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître ». Ils se hâtèrent d’y aller et ils découvrirent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une mangeoire. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant et tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait ces évènements et les méditait dans son cœur. Les bergers repartirent, ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient vu et entendu selon ce qui leur avait été annoncé ».

Oui, le ciel ne s’est ouvert qu’un instant. Maintenant, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, ils se retrouvèrent dans la condition normale, sans merveilleux et le récit reprend, de manière réaliste, sur notre terre. Mais tout, désormais, est transfiguré, illuminé par la parole qu’ils ont entendue.

A partir de ce moment-là, c’est le régime de la Foi et donc le nôtre qui commence et nous constatons toute une circulation de paroles, une « nouvelle circule de bouche à oreille avec ces mots  importants répétés : « parole » (trois  fois), « dire »  (quatre fois), « connaître » (deux fois), » voir » (trois fois) et puis « retenir dans son cœur », » méditer », « glorifier », « louer ».

 

Si on ne lit pas cette finale du récit, on peut passer à côté du message de Noël, message essentiel. Noël,

–  c’est une « communication », une bonne nouvelle que Dieu a lancée,

– c’est le thème central des anges messagers et qui se communique à la terre par des pauvres, des évangélisateurs qui l’ont reçue d’en-haut et qui la répète avec émerveillement.

Quelle est donc cette nouvelle ? L’enfant est Sauveur, Messie, Seigneur. Les guirlandes lumineuses de nos rues, les petites flammes que nous allumons dans nos crèches la disent à leur manière. Certains ne la savent même plus.

Dieu est amour : il est venu dans notre monde pour que brillent les lumières de l’amour au sein de notre pauvre monde dans la nuit.  AMEN




4ième Dimanche de l’Avent (Francis Cousin)

Dimanche 23 décembre 2018 – 4° dimanche de l’Avent – Année C

 

Évangile selon saint Luc 1, 39-45

 

 « Marie Christophore ! »

 

Rencontre extraordinaire que celle dont nous parle l’évangile : celle d’une jeune fille tout juste nubile, à peine couverte de l’Esprit Saint, choisie pour être la mère du Fils de Dieu, avec sa parente, elle aussi enceinte alors qu’elle n’a plus l’âge pour enfanter.

Marie se soumet à l’annonce de l’ange : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » et se retrouve mère du Fils de Dieu. Dès lors, elle n’a plus qu’une obsession, faire savoir qu’elle porte l’espoir du peuple de Dieu, l’espoir de tous les hommes. Et elle ne tergiverse pas, elle part en hâte pour faire connaître cette grande nouvelle.

Marie qui porte en elle le Christ.

Marie qui emporte le Christ.

Marie qui apporte le Christ … à Élisabeth, mais aussi à tout le monde …

Marie Christophore …

Marie, qu’on pourrait appelée Marie-Christophe …

Et quand elle arrive chez Élisabeth, celle-ci est « remplie d’Esprit Saint ».

L’Esprit Saint, c’est-à-dire Dieu, est un autre lien entre les deux femmes : elles se laissent aller à l’action de l’Esprit, elles se laissent aller à l’action de Dieu en elles …

Et aussitôt, « l’enfant tressaillit » en Élisabeth. Mais on peut aussi tressaillir de peur, c’est pourquoi certains traducteurs préfèrent dire « l’enfant bondit de joie dans son sein », ce qui est plus proche du texte grec.

Quand Jésus, même encore fœtus, s’approche des gens, il apporte la joie … parce qu’il ne sait pas faire autre chose que de donner du bonheur aux personnes.

De même, quand l’arche d’alliance arriva à Jérusalem, l’oint de Dieu de l’époque, le roi David, tout à la joie d’accueillir Dieu au milieu de son peuple, l’accueilli en bondissant de joie, en dansant devant l’arche d’alliance : « Or, comme l’arche du Seigneur entrait dans la Cité de David, Mikal, fille de Saül, se pencha par la fenêtre : elle vit le roi David qui sautait et tournoyait devant le Seigneur. » (2 S 6,16).

Alors Élisabeth s’écria : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Voir Dieu entrer chez soi …Cela surprend ! On ne s’y attend pas !

C’est ce qui est arrivé à David, à l’arrivée de l’arche : « Comment l’arche du Seigneur pourrait-elle entrer chez moi ? » (2 S 6, 9), alors il la confia à Obed-Édom, le Guittite, où elle resta trois mois … la même durée que Marie resta chez Élisabeth …

Et le passage de l’évangile se termine par cette parole d’Élisabeth : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles … du Seigneur. ». C’est la première béatitude qui nous soit donnée dans les évangiles. Et la dernière est : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20,29). Tout l’évangile est compris entre ces deux paroles, ce qui montre l’importance de croire à la Parole de Jésus, même si on ne l’a pas vu. Parce que Dieu est invisible, nul ne l’a jamais vu. Mais il est toujours présent par son Esprit dont les actions sont parfois visibles.

Cette présence de l’Esprit Saint tout au long de ce qu’on a appelé la Visitation, qui se manifeste par la joie des personnes, va se terminer par la louange, par l’action de grâce, par le chant de remerciement de Marie à Dieu tout-puissant, par le Magnificat.

Que retenir pour nous ? Plusieurs choses.

À chaque fois que nous nous retrouvons à la messe, à l’Eucharistie, c’est-à-dire à l’action de grâce à Dieu pour la venue, la Parole, la mort et la résurrection de Jésus, et que nous communions, que nous recevons Jésus en nous, sommes-nous conscients que Jésus est vraiment présent en nous ? Que nous portons le Christ pour les autres, comme Marie portait le Christ à Élisabeth ? Que nous devenons Christophore ?

Est-ce que cela nous mets dans la joie, nous invite à la louange, à chanter la gloire de Dieu ?

Est-ce que nous sommes conscient de l’importance de l’Esprit Saint qui est avec nous comme il l’était avec Marie et Élisabeth ?* (voir GE 133).

Comme Marie qui part vers les autres, est-ce que nous aussi nous partons vers d’autres ? Ou restons-nous seul dans notre coin ? Comme l’adage le dit : « Un chrétien qui s’isole est un chrétien qui s’étiole ! ».*

Est-ce que nous avons l’impression, en paroisse, de faire communauté ? Nous y engageons-nous ? *

Comme le disait l’ange Gabriel à Marie, « rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37), et Dieu ne nous demande pas des choses impossibles, si du moins nous acceptons son aide, comme le dit sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « Ah ! Seigneur, je sais que vous ne commandez rien d’impossible, vous connaissez mieux que moi ma faiblesse, mon imperfection, vous savez bien que jamais je ne pourrais aimer mes sœurs comme vous les aimez, si vous-même, ô mon Jésus, ne les aimiez encore en moi. »

* voir fiche 4 de l’avent 2018 « Ma mission ? devenir saint ! », Diocèse de La Réunion.

Seigneur Jésus,

Ton avènement dans ce monde

a réjoui beaucoup de monde,

grâce à l’action du Saint Esprit.

Que maintenant encore nous puissions,

avec l’aide de l’Esprit Saint,

réjouir le cœur des hommes

que nous rencontrons.

Francis Cousin

 

 

 

 

 

Prière dim avent C 4° A6




« Ma mission ? Devenir saint ! » – Avent 2018 Diocèse de la Réunion

Quatrième semaine

 

Vivre en communauté

 

 

ECOUTONS LA PAROLE DE DIEU

Livre du prophète Michée 5,3-4

Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. Ils habiteront en sécurité, car désormais il sera grand jusqu’aux lointains de la terre, et lui-même, il sera la paix !

 

Lettre aux Hébreux 10,

Puis [le Christ] déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté … Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.

 

Evangile selon saint Luc 1,39-40

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

ECOUTONS LE PAPE FRANÇOIS

Nous avons besoin de l’impulsion de l’Esprit pour ne pas être paralysés par la peur et par le calcul, pour ne pas nous habituer à ne marcher que dans des périmètres sûrs. (Gautete et Exsultate 133)

La sanctification est un cheminement communautaire, à faire deux à deux.

(…) Saint Jean de la Croix disait à un disciple : tu ne vis avec d’autres  que pour être travaillé, exercé par tous. » (Gautete et Exsultate 141)

 

Partager la Parole et célébrer ensemble l’Eucharistie fait davantage de nous des frères et nous convertit progressivement en communauté sainte et missionnaire. Cela donne lieu aussi à d’authentiques expériences mystiques vécues en communauté. (Gautete et Exsultate 142)

La communauté qui préserve les petits détails de l’amour, où les membres se protègent les uns les autres et créent un lieu ouvert et d’évangélisation, est le lieu de la présence du Ressuscité qui la sanctifie selon le projet du Père.(Gautete et Exsultate 145)

 

REFLECHISSONS 

  • Est-ce que je suis assez réceptif à l’action de l’Esprit Saint pour oser partir, avec d’autres, annoncer le Royaume de Dieu ?

  • Est-ce que j’accepte les remarques des autres pour favoriser la venue du Règne de Dieu ?

  • Est-ce que je suis prêt à partager ma joie de chrétien avec d’autres pour le bien de la Mission ?

  • Quelle est la volonté de Dieu dans ma vie ?

  • Est-ce que je pense que ma paroisse est une communauté ? Que faire pour qu’elle le soit davantage ?

  • Quand ai-je l’impression que ma paroisse forme une communauté ? Pour la kermesse ? Dans la prière ?

  • Faut-il penser tous la même chose pour faire communauté ?

PRIONS AVEC SAINTE THERESE DE L’ENFANT JESUS 

            « Ah ! Seigneur, je sais que vous ne commandez rien d’impossible, vous connaissez mieux que moi ma faiblesse, mon imperfection, vous savez bien que jamais je ne pourrais aimer mes sœurs comme vous les aimez, si vous-même, ô mon Jésus, ne les aimiez encore en moi. C’est parce que vous vouliez m’accorder cette grâce que vous avez fait un commandement nouveau. – Oh ! que je l’aime puisqu’il me donne l’assurance que votre volonté est d’aimer en moi tous ceux que vous me commandez d’aimer !…

            Oui je le sens, lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j’aime toutes mes sœurs. »

            Que ton amour, Seigneur, règne dans nos cœurs et nous donne de pouvoir mettre en œuvre ce « commandement de l’amour » auquel tu nous invites. Alors, en nous aimant les uns les autres, nous serons pour le monde des témoins de ton Amour, et notre communauté, par ta Présence rayonnante en chacun d’entre nous, sera missionnaire de ta Bonne Nouvelle. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.

Fiche de réflexion pour l’Avent : Quatrième semaine