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32ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 25, 1-13

 

« Le Royaume des cieux est comparables

à dix jeunes filles invitées à des noces. »

Ce n’est pas la première fois que Jésus lie le Royaume des Cieux à un banquet de noces, et il y a quatre semaines, l’évangile parlait d’un banquet où tous les invités refusaient de se rendre. Cette fois-ci, les invités sont là et c’est l’époux qu’on attend. Parmi eux, dix jeunes filles, impliquées dans l’organisation, sortes de demoiselles d’honneur, sont chargées d’accueillir l’époux à son arrivée. Le temps passe … l’après-midi s’écoule … elles se munissent d’une lampe à huile pour s’éclairer ; certaines, les prévoyantes, amènent aussi une réserve d’huile.

Puis vient la nuit … les ténèbres envahissent la terre. C’est pour les juifs le temps du Malin, de la mort …

Soudain un cri : « Voici l’époux, sortez à sa rencontre. ».

Affolement ! Dilemme : le temps à passé, l’huile à brûlé, et les réserves des prévoyantes sont insuffisantes pour toutes …

Les insouciantes partent donc acheter de l’huile.  Elles s’enfoncent dans les ténèbres de la nuit alors que les autres restent dans la lumière.

Et quand l’époux arrive, l’époux de l’Église, le Christ, la lumière du monde, il est accueilli par celles qui sont dans la lumière … et elles entrent avec lui dans la salle du banquet, du banquet de l’Agneau, dans le Royaume de Dieu, où tout rayonne de la lumière de Dieu et du Christ ressuscité.

Quand les autres arrivèrent, la porte était fermée. Elles y cognent, mais l’époux répond : « Je ne vous connais pas. ».

Et pourtant, il était prévu qu’elles soient là !

Mais elles n’avaient par fait tout ce qu’il fallait pour rester toujours dans la lumière.

L’époux, le Christ, « le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde … mais le monde ne l’a pas reconnu … les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1,9-12).

On peut être surpris par la réponse de l’époux ! D’autant que saint Paul nous dit : « [Dieu notre Sauveur] veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » (1 Tm 2,4).

Mais en fait, ce n’est pas contradictoire.

Si telle est effectivement la volonté de Dieu, tout dépend de la réponse des humains qu’il a créés libres, et c’est pourquoi Jésus dit : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ».

A nous d’être prêts pour le jour de notre mort, en restant toujours dans la lumière : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (Jn 8,31-32) car « Celui qui fait le mal déteste la lumière … mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. » (Jn 3,20-21).

La vérité est toujours dans la lumière. Elle n’est pas dans les ténèbres, et Jésus veut que nous soyons dans la lumière. Et même, il nous veut en plus reflet de sa propre lumière vis-à-vis des autres hommes. « Vous êtes la lumière du monde … que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5,14.16).

Cela nous semble souvent bien difficile d’être toujours dans la lumière ! Nous ne sommes pas toujours “au top“ ! Et si on essaye de regarder si on se trouve dans le groupe des prévoyantes ou des insouciantes, cela devient très délicat : selon les jours ou les circonstances, on est dans un groupe ou dans l’autre.

Nous faisons tous des efforts pour devenir saints, mais pour cela, nous ne pouvons compter que sur la miséricorde de Dieu, et nous risquons fort de rester un certain temps (même si le temps n’existe plus dans l’au-delà) à la porte de la salle des noces de l’Agneau, dans laquelle nous ne pourrons entrer que quand nos yeux se seront habitués à la lumière éblouissante de Dieu, quand nous pourrons enfin lever les yeux vers Dieu et le regarder face à face dans sa pleine lumière.

Seigneur Jésus,

tu es toujours prêt

à nous accueillir dans ton Royaume.

Mais il faut que nous soyons

prêts à te rencontrer,

en pensée et en actes,

déjà en ce monde,

dans tous ceux que nous rencontrons.

Francis Cousin                     

                 

              

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30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Claude WON FAH HIN

30e dimanche ordinaire – Matthieu 23, 1-11

 

L’Église est à peine mise en place que Jésus se heurte à l’opposition des pouvoirs juifs, en particulier celle des pharisiens. Le texte d’aujourd’hui nous donne un portrait des scribes et des pharisiens, guides intellectuels du peuple de Dieu et grands adversaires de Jésus. Ce sont des dirigeants religieux qui, s’appuyant sur l’autorité de la Loi Mosaïque, transmettent la doctrine traditionnelle de Moïse, excellente doctrine dont font partie les dix commandements. Ces dix commandements servaient de guide au peuple de Dieu qui avait auparavant l’habitude d’adorer des idoles. Il fallait bien leur donner le moyen de suivre le Dieu unique qui vient de se révéler à ce peuple. C’est ainsi que Les scribes et les Pharisiens dirigeaient le peuple de Dieu.  « Faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire », la doctrine de Moïse est toujours bonne. Aujourd’hui encore, les dix commandements sont toujours valables. Jésus ne conteste pas l’autorité de ces responsables religieux. Il dénonce l’incohérence de vie entre ce qu’ils enseignent et ce qu’ils font : « ils disent et ne font pas ». Ils imposent au peuple des règles lourdes (613 préceptes) dont eux-mêmes sont incapables de respecter, contrairement à Jésus qui accomplit toute la Loi, tout en douceur, étant attentif aux gens les plus simples et qui peinent dans leur vie ; ils semblent se montrer en exemple face au peuple, mais ce n’est qu’extérieurement qu’ils le sont, soignant leur apparence : apparence de piété, apparence de douceur, apparence de modestie ou d’humilité, apparence de sagesse qui affecte l’innocence, ce qu’on appelle encore un air de « sainte-nitouche », cachant une réalité moins visible qui s’appelle « hypocrisie ». « Ils agissent pour se faire remarquer des hommes, portent de larges phylactères et de longues franges, aiment à occuper les premiers divans dans les festins et les premiers bancs dans les temples, à recevoir les salutations et à se faire appeler Rabbi par les gens. Voilà le type de personnage que Jésus dénonce, ceux qui sont faux devant Dieu et devant les hommes, ceux qui n’ont pas de cohérence de vie, pas de cohérence entre ce qu’ils sont réellement et l’apparence qu’il donne aux autres. Dénoncé par Jésus, cela signifie que c’est grave. Il lit aussi dans le cœur de chacun d’entre nous et s’il est possible de tromper les gens par des apparences, face à Dieu cela n’est pas possible. Chacun doit s’observer soi-même et voir si dans sa vie de chrétien, il ne mène pas une double vie : une vie d’apparence de chrétien avec une belle apparence de piété et une autre, bien cachée intérieurement et qui n’aime pas les gens, avec des pensées de médisance, de dénigrement, de haine, tout le contraire du chrétien authentique qui ne fait que se tourner vers le Christ pour mieux s’unir à Lui en permanence. Jésus nous dit « ne vous réglez pas sur leurs actes », il parle des scribes et des pharisiens de l’époque, mais aussi de tous les pharisiens d’aujourd’hui qui n’appliquent pas les enseignements de Jésus, lui infligeant un « mauvais traitement » ainsi que Jésus lui-même l’a dit à Marguerite Marie Alacoque. Le plus petit manque de respect est un « mauvais traitement » fait à Jésus. Un jour que sainte Marguerite-Marie se préparait à la sainte communion, elle entendit une voix qui disait : « Regarde, ma vie, le mauvais traitement que je reçois dans cette âme qui vient de me recevoir. Elle a renouvelé toutes les douleurs de ma passion… Je veux que, lorsque je te ferai connaître le mauvais traitement que je reçois de cette âme, tu te prosternes à mes pieds après m’avoir reçu, pour faire amende honorable à mon Cœur, offrant à mon Père le sacrifice sanglant de la croix, à cet effet, et tout ton être pour rendre hommage au mien et réparer les indignités que je reçus dans ce cœur. » La sainte fut surprise d’entendre ces paroles sur une âme qui venait de se laver dans le sang précieux (c’est-à-dire qui vient de recevoir la sainte Hostie); Notre-Seigneur lui dit : « Ce n’est pas qu’elle soit dans le péché, mais la volonté de pécher n’est pas sortie de son cœur, ce que j’ai le plus en horreur que l’acte du péché, car c’est appliquer mon sang par mépris sur un cœur corrompu, d’autant que la volonté du mal est la racine de toute corruption ». On a beau ne pas être en état de péché et recevoir l’hostie, mais si la volonté de pécher n’est pas sortie de notre cœur, cela attriste le Christ qui considère cela comme un mauvais traitement que nous lui infligeons et qu’un autre devra racheter par une pénitence à la place de celui ou celle qui, recevant l’hostie, ne veut pas se convertir véritablement. A chacun de nous de bien se regarder intérieurement et de changer de direction afin de plaire au Christ. Le chrétien n’est pas là pour chercher les défauts des autres, ni pour faire semblant d’être un bon chrétien, mais pour faire la volonté de Dieu, c’est-à-dire aimer Dieu, et du même coup aimer les gens. C’est là l’unique attitude du chrétien. Toutes les autres attitudes ne plairont pas au Christ. « Ne vous réglez pas sur leurs actes ».

« Rabbi », « Maître », « Père », « Directeurs », ce sont là des mots qui désignent ceux qui, en général, ont de grosses responsabilités, ce sont ceux qui sont, pour ainsi dire, au sommet de la pyramide, et bon nombre de personnes aimeraient être à ce sommet. Ce sommet représente pour eux, un lieu à atteindre, comme si c’était le but de leur vie, comme si c’était, pour employer une expression courante, le top des tops. C’est en tout cas l’image que ce sommet leur donne en même temps que le mérite, la reconnaissance, le rayonnement, la respectabilité, l’importance de leur personne.  Et on verra alors, plein de soi-disant chrétiens se poindre, visant ce qui, pour eux, semble être le sommet et devenir ainsi une sorte de « petit chef », un peu comme les scribes et les pharisiens. « Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera levé ». Devenus aveugles par ces petites ambitions, ils se détournent en réalité du vrai but à atteindre : le Christ vivant et qui donne la Vie, la vraie vie. C’est à croire que la parole de Dieu est vraiment difficile à comprendre : quand Jésus parle d’humilité pour avoir pris lui-même un corps d’homme, et devenir plus bas qu’un esclave, le pseudo-chrétien pense ambition, être premier de la classe et devenir petit chef ; quand Jésus parle prière et sagesse spirituelle, le pseudo-chrétien pense sagesse du monde où si l’on n’a pas richesse, pouvoir et honneur, on serait moins que rien ; quand Jésus parle d’aimer Dieu et son prochain, le pseudo chrétien s’acharne à vouloir aimer Dieu et l’argent ; quand Jésus parle de donner et se donner, le pseudo-chrétien pense surtout à se comporter comme un égoïste. Le langage du Christ est simple et clair : aimer Dieu et son prochain. L’Eglise dit que le chrétien a une fonction sacerdotale, prophétique et royale. Dans ces trois cas, nous pouvons être serviteur comme nous le demande Jésus. Dans la fonction sacerdotale, il s’agit d’être un authentique chrétien qui sache prier sincèrement, communier avec beaucoup de respect pour le Seigneur, avoir une vie sainte dans la vie quotidienne, de l’abnégation et une charité active. Dans la fonction prophétique, il s’agit d’annoncer la Bonne parole de Dieu et connaître qui est Jésus. Dans la fonction royale, il ne s’agit pas d’être roi comme on le comprend habituellement, mais roi à la manière de Jésus, c’est-à-dire en se mettant au service des autres. « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ». Rm 14,18 : « Celui qui sert le Christ dans la justice, la paix et la joie est agréable à Dieu et approuvé des hommes ». Il s’agit bien sûr de servir Jésus sans arrière-pensée, le servir le mieux possible, avec amour et cohérence de vie. Et pour avoir une cohérence de vie, il faut être en union permanente avec le Christ. D’où prière continuelle. Et ceci est valable pour tous, en tout cas pour tous ceux qui veulent se mettre à la suite du Christ. Et particulièrement pour les privilégiés de Dieu, c’est-à-dire pour tous ceux qui ont reçu le sacrement de l’Ordre. Les prêtres doivent être continuellement en prières, surtout entre deux célébrations liturgiques. Bien sûr, ils ont aussi besoin de repos, mais alors qu’ils se reposent dans le Seigneur afin de rester continuellement unis au Christ. Leur vie entière doit être prière. C’est pour eux une garantie de ne pas perdre le Chemin, c’est-à-dire le Christ lui-même. Et nous, nous devons prier chaque jour pour eux, afin qu’ils soient dignes de Dieu et qu’ils soient de bons guides pour nous tous. Ils doivent pouvoir dire comme Saint-Paul dans la deuxième lecture d’aujourd’hui : « Vous êtes témoins, et Dieu l’est aussi, combien notre attitude envers vous, les croyants, a été sainte, juste, sans reproche. 11 Comme un père pour ses enfants, nous vous avons, chacun de vous, 12 exhortés, encouragés, adjurés de mener une vie digne de Dieu qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire. 13 Voilà pourquoi, de notre côté, nous ne cessons de rendre grâces à Dieu ». Il faut, eux comme nous tous, ne pas cesser de rendre grâces à Dieu, car à chaque instant nous avons tous des raisons de lui rendre grâces, car Dieu est en permanence avec nous, à la seule condition de ne pas le refuser. C’est pourquoi celui qui prie continuellement est assuré de sa présence, et sa présence nous apporte aussi la paix, paix de Dieu, sans trouble, sans inquiétude, sans angoisse de la vie, même si on est malade, même si on a des difficultés, la paix régnera en nous tant que Dieu demeure en nous. La confiance que nous mettons en Jésus et en Marie nous permettra de surmonter bien des obstacles. Si les difficultés de la vie sont toujours les mêmes qu’avant de connaître le Seigneur, les solutions seront différentes avec l’aide de Marie et de Jésus. Les problèmes résolus avec plus de patience, de douceur, avec calme, toujours dans la Paix du Seigneur. Et nous pourrons alors dire avec Malachie : « Mon alliance était avec Lui, c’était vie et paix, vérité, intégrité et droiture ». Devenons des chrétiens, des vrais, pour la gloire de Dieu avec l’aide de Marie, notre Sainte Mère.

 




31ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

La parole de Dieu n’est pas notre propriété

Frères et sœurs,

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, voici une page d’évangile dans laquelle nous nous sentons parfaitement à l’aise et qui nous est fort utile pour nous éloigner de certaines exigences. En effet, nous avons souvent l’habitude de nous réclamer de cette page d’évangile pour critiquer les autres et pour nous justifier nous-mêmes : pour critiquer les autres, parce qu’après tout, il est bien commode de pouvoir dire que les autres attendent de nous ce qu’ils ne font pas eux-mêmes, et pour nous justifier nous-mêmes, dans une sorte de recul, dans lequel on se dirait : « Je fais ce que je peux, je reste tranquille dans mon coin. Peut-être que d’autres ont de grandes théories sur la vie, moi, j’essaie de me débrouiller au fil des événements, et je n’essaie pas d’en rendre compte ni d’exiger des autres quoi que ce soit. » Pour peu que l’on accentue un peu ce genre de démarche, on en vient à penser : « Après tout, à quoi bon être chrétiens ? Dire que nous sommes chrétiens, c’est se rattacher immédiatement, faire référence à un évangile que nous ne sommes pas capables de vivre. Il n’est pas nécessaire d’annoncer la couleur, vivons le plus discrètement possible, une sorte de christianisme couleur muraille, de telle sorte qu’on ne nous remarque plus, chacun essaie de vivre comme il peut, on ne juge plus, on ne sera plus jugé ». On se retire sur un quant-à-soi absolument inatteignable.

Et tout ça, parce que le Seigneur aurait dit une fois : « Méfiez-vous de l’enseignement des pharisiens, car ils disent et ne font pas. » Nous avons nous-mêmes un réflexe tellement pharisien de ne pas vouloir nous faire prendre en défaut que nous préférerions plutôt renoncer à dire ce que nous voulons, ce que nous désirons, ce que nous cherchons du plus profond de notre cœur, que d’être pris en flagrant délit de contradiction avec nous-mêmes. Au point que, dans une certaine compréhension, cette page d’évangile contre le pharisaïsme a servi comme véritable vaccin pour faire de nous des gens qui ne reconnaissent même plus l’exigence d’un Dieu qui nous a livré sa Parole, qui nous a tout donné pour que nous soyons nous-mêmes ses fils.

Car, frères et sœurs je ne crois pas que le Seigneur s’en soit pris dans cette page d’évangile à une sorte de simple distorsion entre nos idées et nos actes, entre la manière dont nous essayons petit à petit d’approfondir le mystère chrétien de notre vie, et la manière dont, très maladroitement, nous essayons de le réaliser. Le Seigneur sait fort bien que nous ne faisons pas ce que nous disons, et cela pour une simple raison, c’est que ce que nous avons à dire n’est pas de nous, cette Parole, selon laquelle nous vivons n’est pas une parole humaine, elle est don de Dieu, Parole de Dieu. C’est exactement ce que le Seigneur reproche aux pharisiens, comme déjà le prophète Malachie l’avait reproché aux prêtres, ses contemporains, et au peuple de Dieu. Quel est le ressort profond de cette critique ? C’est moins une distorsion entre ce que nous disons et ce que nous faisons, qu’une certaine manière de ne pas recevoir vraiment la Parole de Dieu. Le Christ reproche aux pharisiens de parler à la place de Dieu et de faire de cette Parole que Dieu a donnée gratuitement à son peuple leur affaire, leur parole, leur code. C’est pour cela qu’ils se font appeler « Rabbi », « Maître », comme s’ils s’étaient pour ainsi dire approprié cette Parole du Seigneur, comme s’ils en avaient fait leur propre doctrine, leur propre savoir.

Or le Seigneur – les prophètes l’avaient déjà annoncé –, demande d’abord à l’homme, et particulièrement à ce peuple qui avaient reçu le don le plus précieux qui avait été donné par Dieu jusqu’alors, c’est-à-dire sa Loi, le Seigneur demande à l’homme de recevoir vraiment sa Parole comme un don. C’est cela qui est le plus essentiel, et c’est cela que nous caricaturons si facilement : faire de ces paroles ou de ces exigences du Seigneur des sortes de propriétés, sans en reconnaître le caractère de don gratuit, d’une œuvre de Dieu qui opère en nous. Voilà exactement où est notre faiblesse, où est notre péché. Dieu nous a donné sa Parole, et en nous donnant sa Parole, cette Parole n’est pas simplement quelque chose qui sort des lèvres, mais c’est un véritable pouvoir agissant et transformant, que nous ne devrions pas prendre nous-mêmes comme une propriété pour ensuite nous constituer en somme comme un modèle, une règle, une sagesse. Au contraire, cette Parole est d’abord adressée à nous pour qu’elle s’enracine dans notre cœur. Le drame de notre vie est de ne pas recevoir assez cette Parole de Dieu, et de croire qu’il suffit simplement de la savoir, alors qu’il faut lui laisser la pleine possibilité, la pleine liberté de s’enraciner et de se graver dans notre vie, dans notre cœur, dans notre chair.

Frères et sœurs, c’est cela d’abord l’Incarnation : Dieu grave sa Parole éternelle, son Fils, ce qu’Il a à nous dire de toute éternité, cet Amour en plénitude, en totalité, qu’Il grave dans une humanité, dans la chair de Jésus. L’incarnation, le Fils de Dieu parmi nous, ce sont les mots d’amour de Dieu gravés dans la chair d’un homme. Tout ce que Dieu nous a donné, toute sa Parole, tout ce que nous vivons aujourd’hui, c’est exactement la même chose. La Parole de Dieu aujourd’hui, ce que nous avons à entendre et à recevoir, c’est Dieu qui grave par la puissance de son Amour, de sa Parole, quelque chose dans notre cœur qui transforme complètement notre comportement, nos attitudes et nos gestes : c’est cela, la conversion.

Le drame de notre vie est que nous voulons posséder, maîtriser la Parole de Dieu, alors qu’elle veut être le fond de notre être, non pas un refrain, mais notre être même. C’est pour cela que le Seigneur peut nous demander qu’il n’y ait plus rupture entre ce que nous disons et ce que nous faisons. Car si nous traitons la Parole de Dieu comme une possession, il y aura toujours une rupture, une division entre les belles phrases que nous pourrions dire et d’autre part la manière concrète, très humaine, dont nous vivrons. Nous vivrons comme des gens pingres et avares, qui veulent posséder la Parole de Dieu, éventuellement la réduire à la dimension et au désir de notre cœur. Comment alors ne pas sentir cette rupture entre un amour qui se donne et quelqu’un qui veut simplement accaparer cet Amour et le réduire aux dimensions de son propre désir ?

Que de fois, dans notre propre expérience humaine, n’avons-nous pas ressenti cela ? Lors d’un partage, d’une communion, ne pas recevoir vraiment un amour donné comme un amour, mais en faire une sorte de maîtrise ou d’emprise exercée sur le prochain, qui le caricature et le déforme selon nos désirs du moment, tandis qu’au contraire, si nous recueillons vraiment cette Parole de Dieu donnée pour nous transformer, nous façonner, nous transfigurer, alors il se pourra que par cette merveilleuse puissance de l’Amour de Dieu, nous puissions peu à peu voir se réduire dans notre propre vie cette distance entre la Parole qui nous est donnée et la manière dont nous agissons, parce que nous aurons laissé à Dieu le soin d’agir en nous, de travailler dans notre cœur, dans notre expérience humaine.

Oui, frères et sœurs, ces paroles du Seigneur ne sont pas là pour nous enfoncer dans un nouveau pharisaïsme dans lequel nous croirions qu’il faut essayer de conformer nos actes aux exigences de Dieu, mais au contraire pour nous libérer, par un geste d’accueil, de liberté ouverte qui reçoit cette Parole de Dieu comme une puissance donnée pour nous façonner, nous ouvrir, et faire que peu à peu ce qu’il y a de si pauvre et misérable dans notre vie, soit repris par la puissance même de cette Parole d’Amour de Dieu.

Ce que le Christ veut nous dire en ce jour, c’est que sa Parole ne consiste pas en des mots, en un code de morale, en principes : sa Parole, c’est sa présence, c’est Dieu vivant, Dieu parlant dans notre cœur, Dieu agissant, Dieu conformant peu à peu toute notre vie à la merveille à la splendeur de sa Parole. Voilà la gageure de notre existence chrétienne, une gageure et un défi qui n’émanent pas de nous-mêmes mais de la puissance même de Dieu. Amen.




31ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 23, 1-12

 

« Ils disent et ne font pas ! »

 Jésus parle des pharisiens.

Il ne les critique pas totalement, comme on a souvent tendance à le penser.

Il leur reconnaît une chose : « Ils enseignent dans la chaire de Moïse », c’est-à-dire que leur enseignement est bon, basé que les dix paroles de Dieu révélées à Moïse.

Mais il leur reproche de se ’’faire voir’’ ou de se croire ’’supérieur’’ aux autres … « Ils disent et ne font pas ! ».

On pense à la parabole du pharisien et du publicain : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain… » disait le pharisien ; et le publicain qui reste derrière, n’osant pas lever la tête, qui « se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! ». Et Jésus désigne ce dernier comme celui qui rentre chez lui « justifié » (Lc 18,10-14).

Nous n’avons plus, comme avant le concile Vatican II, de grandes cérémonies qui permettaient à certains de se faire voir, nous n’avons plus de places réservées à notre nom dans les églises, il n’y a plus qu’une seule manière de célébrer les mariages ou les enterrements, finies les célébrations de première classe, deuxième classe ou troisième classe selon l’enveloppe qu’on donnait au prêtre !

C’est tant mieux !

Mais est-ce que cela veut dire que le pharisaïsme a disparu de l’Église ?

« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ! » (Lc 6,37).

Je ne donnerai donc pas d’exemple, mais je pense que tout un chacun connaît quelques exemples, et même qu’il peut les trouver dans son propre comportement … Je ne sais pas vous, mais moi, cela m’est déjà arrivé de me dire : « Tu n’es pas honnête avec toi-même ! »

Et l’attitude du publicain, poussée à l’extrême, ne peut-elle pas devenir une sorte de pharisaïsme, à toujours se reconnaître pécheur, incapable, inutile …

Et c’est cela le problème : nous naviguons souvent entre ces deux extrêmes : se montrer en bien ou se montrer en mal ! Se montrer chrétien, mais sans vraiment croire en Dieu, se dire chrétien mais sans évangéliser, ou croire en Dieu mais en ayant honte de le montrer ou encore plus de le dire !

Que nous demande Jésus-Christ ?

« Va…, vends…, viens… Suis-moi ! » (Mt 19,21)

Écouter sa parole et la mettre en pratique.

« Allez ! De toutes les nations faites des disciples … apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. » (Mt 28,19-20).

Et c’est bien la Parole de Dieu que nous devons proclamer, et non la notre. Et c’est bien ce que dit saint Paul dans la deuxième lecture : « quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. ».

« Le Christ, en effet, ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile » (1 Co 1,17), et cela, tous les baptisés devraient être capable de le faire, chacun à son niveau, dans son cercle de famille, dans son travail, dans ses relations … par sa parole, mais surtout par ses actes … humblement, sans se monter la tête ! « car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. … car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ ».

Ayons toujours les paroles du psaume de ce jour dans nos cœurs :

Seigneur,

je n’ai pas le cœur fier

ni le regard ambitieux ;

 je ne poursuis ni grands desseins,

ni merveilles qui me dépassent.

Non, mais je tiens mon âme

égale et silencieuse ;

mon âme est en moi comme un enfant,

comme un petit enfant contre sa mère.

Attends le Seigneur, Israël,

maintenant et à jamais

Francis Cousin                     

              

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Rencontre autour de l’Évangile – 31ième Dimanche du Temps Ordinaire

 » Vous n’avez qu’un seul enseignant et vous êtes tous frères… Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. « 

 

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Mt 23, 1-12)

Comme les prophètes anciens, Jésus est contesté par les responsables officiels d’Israël. Ayant réduit ses accusateurs au silence, Jésus met les foules et ses disciples en garde contre les scribes et les pharisiens.

 

Soulignons les mots importants 

 « Scribes et pharisiens » : Qui Jésus désignent-ils par cette expression ?

La chaire de Moïse : Si l’on dit de tel professeur d’université qu’il occupe la « chaire de médecine », quand Jésus parle de celui qui enseigne sur « la chaire de Moïse » que veut-il dire ?

Pratiquez et observez : Que signifient ces deux mots ?

Est-ce que Jésus conteste l’enseignement des scribes ? 

« Ils disent et ne font pas » : Que penser de ce jugement de Jésus sur le comportement des scribes ? Quelle est la portée de ces paroles pour nous ?

Quels sont les comportements que Jésus dénonce chez ces maîtres qui enseignent la Loi de Moïse ? (citer les mots du texte) 

Les phylactères : qu’étaient-ce ?

Rabbi : On parle aujourd’hui des « rabbins » : quel était l’importance de ce titre à l’époque de Jésus ?

Un seul enseignant : Qu’est-ce qu’un enseignant ? En quoi Jésus seul mérite-t-il ce titre ?

Tous frères : Sur quoi Jésus veut-il insister pour les membres de son Eglise ?

Ne nom de Père : Pourquoi Jésus demande de ne pas donner ce nom à es hommes ? Et alors, quand nous parlons du « père » de famille, ou du « père untel », qu’en est-il ?

Ne vous faites pas appeler « maîtres », vous n’avez qu’un seul « maître » : quel sens peut-on donner à ce mot pour être fidèle à Jésus.

 

Pour l’animateur  

Scribes et pharisiens : Les scribes étaient des pharisiens qui avaient autorité pour interpréter la Loi de Moïse dans les synagogues. Ils s’asseyaient alors sur un siège mobile qu’on appelait « la chaire de Moïse ». La « chaire de Moïse » désigne donc l’autorité de la Loi de Moïse. « Scribes et pharisiens » désigne un même bloc à combattre.

Jésus ne conteste pas l’autorité des scribes pour interpréter la Loi de Moïse : c’est pourquoi il demande à ceux qui les écoutent de mettre en pratique leur enseignement. Mais il les accuse d’avoir des comportements qui sont en contradiction avec leurs paroles : « ils disent, et ne font pas. » C’est un jugement sévère. Valable aussi pour nous, les chrétiens !

Pour que la Loi reste pure et forte, les scribes et les pharisiens imposent aux gens des règles pesantes, mais eux-mêmes ne les respectent pas, à l’opposé de Jésus qui accomplit toute la loi, mais avec douceur, plein d’attention pour ceux qui peinent. (Mt 11,28-30). Ils se présentent comme des modèles de façade : façade de piété, façade des honneurs en société.

 Les phylactères étaient des boîtes de cuir contenant des versets bibliques qui se portaient pour la prière.

Les franges du vêtement étaient aussi une marque de piété : Jésus les portait aussi puisque les malades cherchaient à les toucher pour être guéris. (Mt 9,20) Ce qui est dénoncé ici, ce sont les dimensions de ces objets !

Le mot rabbi était un titre honorifique ; le rabbin désigne aujourd’hui la fonction d’un juif qui est responsable d’une communauté juive.

Si l’enseignant est celui à qui l’auditeur fait confiance, Jésus est le seul qui mérite la confiance absolue pour l’interprétation des Écritures. Et ceux qui écoutent la Parole de Dieu se reconnaissent frères en Christ : c’est l’Eglise.

Les disciples de Jésus reconnaissent à Dieu seul le titre de « Abba, Père ». Les chefs religieux se faisaient appeler « Abba » par leurs disciples. Jésus ne parle pas ici de l’usage familial du mot « père » ; il ne s’agit pas non plus du mot qu’on donne aujourd’hui au « pasteur » d’une communauté d’Eglise (« père » untel). Dans le contexte du passage, Jésus demande de ne pas dévaluer la richesse d’un mot par lequel il a appris à ses disciples de désigner Dieu lui-même.

Le mot maître signifie « guide ». Le Christ est notre seul véritable guide. Et Jésus d’ajouter que toute personne qui exerce un ministère dans la communauté sera jugée par Dieu selon qu’il aura ou non cultivé l’humilité !

 

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :

Seigneur Jésus, nous reconnaissons en toi le seul qui nous parle vraiment avec autorité de Dieu ; toi seul nous permets de comprendre le sens des Ecritures, grâce à l’Esprit-Saint que tu as promis à ton Eglise. Et nous savons que tu as toujours vécu conformément à la volonté de ton Père. Tu as été « doux et humble de cœur » et le seul « fardeau » que tu nous demandes de porter, c’est celui de l’amour. Préserve-nous de tout esprit de suffisance et du paraître.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie             

L’enseignement de Jésus s’adresse en particulier aux chrétiens qui détiennent quelques responsabilités dans l’Eglise :

–     dire et ne pas faire.

–     Imposer aux autres des exigences qu’on n’observe pas soi-même

–     Rechercher avec vanité la considération des gens, agir pour se faire bien voir.

Est-ce que j’essaie de vivre ce que je dis : dans mon groupe de catéchèse, dans une équipe du Rosaire, dans mon quartier, dans l’équipe de liturgie, dans ma famille… ?

Avons-nous pour nous les mêmes exigences que nous avons pour les autres ? 

Dans quel état d’esprit nous exerçons telle responsabilité qui nous a été confiée ?

Comment je me situe vis à vis des personnes ? d’une manière qui est un service pour les aider à grandir ? ou d’une manière dominatrice pour faire sentir mon autorité ?

Ensemble prions  

Chant : Garde mon âme dans la paix p.285 c.1 et 2

Accorde-moi, Seigneur, un esprit souple afin que j’accepte de paraître faible et sans défense, plutôt que de peiner ou de briser.

Accorde-moi un esprit simple afin que je ne sois pas un poids pour ceux qui m’entourent.

Accorde-moi un cœur humble afin que je ne me raidisse pas devant une critique.

Accorde-moi une volonté patiente afin que mes frères soient heureux malgré leurs défauts, malgré leur faiblesse.
Accorde-moi une volonté rayonnante afin qu’autour de moi personne ne se décourage, personne ne désespère.

Accord-moi de savoir écouter, de savoir deviner, de savoir pardonner.

 

 

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Audience Générale du Mercredi 25 Octobre 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 25 Octobre
  2017


Frères et sœurs, « Paradis » est l’une des dernières paroles de Jésus sur la croix, adressée au bon larron. Au Calvaire, Jésus atteint le sommet de sa solidarité avec nous pécheurs. Et c’est là qu’il a son ultime rendez-vous avec un pécheur pour lui ouvrir, à lui aussi, les portes de son Royaume. C’est à un « pauvre diable » que Jésus promet le paradis, à quelqu’un qui n’avait rien, mais qui se confie à lui. Une humble parole de repentir suffit pour toucher le cœur de Jésus. Devant Dieu, nous nous présentons tous les mains vides. Chaque fois qu’un homme découvre que ses manques dépassent de beaucoup ses œuvres bonnes, il ne doit pas se décourager, mais se confier à la miséricorde de Dieu. Il est Père et jusqu’au bout il attend notre retour. Le paradis est le lieu de la tendresse de Dieu. Jésus nous y introduit avec le bien que nous avons fait dans notre vie et avec tout ce qui en nous a encore besoin d’être racheté. Le but de notre existence c’est que tout s’accomplisse et soit transformé en amour. Si nous croyons cela, la mort ne nous fera plus peur et nous pourrons partir de ce monde sereinement et avec confiance. Celui qui a connu Jésus ne craint plus rien.

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones, venant de Suisse, de Belgique et de France, en particulier les pèlerins de Coutances, Bayeux-Lisieux et Saint-Flour accompagnés de leurs évêques, ainsi que l’aumônerie Tamoule Indienne de France. Chers amis, je vous invite à mettre toute votre confiance dans la miséricorde et la tendresse de Dieu pour chacun et chacune de vous. Il n’abandonne jamais ses enfants.  Que Dieu vous bénisse !

 

 




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Claude WON FAH HIN

30e dimanche ordinaire – Matthieu 22 34–40

 

 

Jésus vient de fermer la bouche aux sadducéens. Les sadducéens, moins zélés que les pharisiens mais leur rival pour le pouvoir religieux, se sont tournés davantage vers la politique. Par opposition aux pharisiens, très attachés à la tradition orale, ils rejetaient toute tradition autre que la Loi écrite. Ils se recrutaient dans les grandes familles sacerdotales, donc très religieux, et voilà que Jésus vient de fermer leur bouche. Jésus n’a pas eu peur d’affronter directement les responsables religieux de l’époque, incapables de diriger convenablement le peuple de Dieu. Il n’hésite pas à rabrouer même ses disciples quand ils se comportent mal, comme il a agi avec Pierre en lui disant (Mt 16,23) : « Passe derrière-moi Satan » et cela, sans chercher à savoir s’il était susceptible ou non. Certains des disciples de Dieu qui nuisent au bon fonctionnement de l’Église, comme les pharisiens, les sadducéens, Jésus les a combattus, tout comme aujourd’hui, l’Église n’a pas hésité à excommunier certaines personnes qui font du tort à l’Église. La désobéissance à la hiérarchie ecclésiastique, pour un catholique, n’est rien d’autre qu’une manière de se révolter contre la volonté de Dieu, car celui qui a reçu le sacrement de l’ordre est le représentant de Dieu. Ainsi en Bolivie, Catalina Rivas, une mystique stigmatisée, dans ses visions pendant une messe présidée par l’Archevêque, raconte : « Lorsqu’il éleva l’Hostie, j’ai vu ses mains et le dos de ses mains. Il avait des marques desquelles émanait une grande lumière. C’était Jésus ! C’était Lui qui enveloppait le célébrant de son Corps comme s’il enveloppait amoureusement les mains de l’Archevêque » (« Visions de Catalina pendant la messe »).

Les personnes désobéissantes à la hiérarchie sont toujours aimées de Dieu, même s’Il n’approuve pas leurs actes. Il n’attend cependant que leur conversion et leur adhésion totale à l’enseignement de Jésus-Christ et donc à la hiérarchie de l’Église puisque l’Église a été fondée par Jésus lui-même.  Les excommuniés ont la possibilité de revenir au catholicisme selon des règles bien établies.

Suite aux sadducéens, voici maintenant les pharisiens qui essaient de piéger Jésus. Un de leurs spécialistes posent à Jésus la question : « Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi? ». A l’époque, ils avaient disséqué la Loi et avaient répertorié 613 préceptes dont 365 interdictions (des actes à ne pas faire) et 248 commandements (actes à faire). Non seulement, eux-mêmes n’arrivaient pas à respecter tous ces préceptes, mais en plus ils alourdissaient le fardeau de chacun, d’où ces paroles de Jésus Mt 23,3-4 : « 3 faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes (= ne faites pas comme eux): car ils disent et ne font pas. 4 Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt ». Et Jésus va résumer tous ces préceptes en seulement deux commandements : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : 38 voilà le plus grand et le premier commandement. 39 Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes ». Les deux commandements commencent par « Tu aimeras ». Il n’a jamais été dit : « Tu dois chercher à te faire aimer ou bien tu feras tout pour être aimé ». C’est le contraire : même si tu n’es pas aimé, tu dois aimer. Ensuite, il y a « aimer » et « aimer ». Il y a ceux qui aiment le monde avec cette tendance continuelle à chercher la grandeur et l’estime en sa propre faveur, une recherche continuelle et secrète de son propre plaisir et de son propre intérêt, parfois de manière grossière et visible aux yeux de tous, et parfois de manière fine, trompeuse, discrète. Grignion de Monfort [76] nous dit qu’une personne qui aime le monde est une personne qui ne cherche qu’à se couvrir des apparences de chrétien et de personne honnête, sans se mettre beaucoup en peine de plaire à Dieu ». C’est ainsi que dans certaines sectes, l’accueil est très chaleureux, et même trop chaleureux pour être vrai, authentique. Il faut bien attirer les gens et on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Nous, nous nous basons sur la parole de Dieu et sur l’attitude du Christ. Il ne s’agit pas d’aimer le monde pour en tirer un profit, quel qu’il soit, pour soi-même, ou pour un groupe. [200] « Il faut, nous dit Grignion de Monfort, tant qu’on peut, fuir les compagnies des hommes, non seulement celles des mondains, qui sont pernicieuses ou dangereuses, mais même celles des personnes dévotes, lorsqu’elles sont inutiles et qu’on y perd son temps. Celui qui veut devenir sage et parfait doit mettre en exécution ces trois paroles dorées que la Sagesse éternelle dit à saint Arsène : « Fuyez, cachez-vous, taisez-vous!» Fuyez tant que vous pourrez les compagnies des hommes ». Si vous avez une mission, accomplissez-la du mieux que vous pouvez, puis fuyez pour prier. Et il ajoute : [194] La Sagesse, dit le Saint-Esprit, ne se trouve point chez ceux qui vivent à leur aise, qui donnent à leurs passions et à leurs sens tout ce qu’ils dési­rent. Car ceux qui marchent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu. [195] Ne vous imaginez pas que cette Sagesse, plus pure que les rayons du soleil, entre dans une âme et un corps souillés par les plaisirs des sens. Ne croyez pas qu’elle donne son repos, sa paix ineffable, à ceux qui aiment les compagnies et les vanités du monde ».

Jésus nous envoie dans le monde pour l’aider à se tourner vers Dieu. Tout amour véritable, pour qui que ce soit, vient de Dieu et doit nous faire tourner vers Dieu, et c’est parce que nous puisons notre amour en Dieu que nous finissons par aimer véritablement le monde selon la volonté de Dieu et non pas à la manière des hommes. Voici ce que dit Saint Thérèse d’Avila : « Lorsque Dieu montre à une âme ce qu’est le monde et le peu qu’il vaut, la différence qu’il y a entre les deux, l’éternité de l’un, le songe rapide de l’autre ( ou l’illusion temporelle de l’autre); lorsqu’il lui dévoile ce que c’est que d’aimer le Créateur, ou la créature; lorsque l’âme connaît cela, par son intelligence, par sa foi, mais aussi par sa propre expérience, ce qui est bien différent; lorsqu’elle voit … ce qu’elle gagne à aimer le Créateur, ce qu’elle perd à aimer la créature (c’est-à-dire bien peu de choses), ce qu’est l’un, ce qu’est l’autre, …alors l’âme aime d’une manière beaucoup plus parfaite que celles qui ne sont pas élevées à cet état. L’âme éclairée de la sorte possède un amour purement spirituel. Les âmes que Dieu élève à cet état sont des âmes généreuses, des âmes royales. Elles ne mettent point leur bonheur à aimer quelque chose d’aussi misérable que nos corps, dont la beauté et la grâce, cependant, peuvent bien plaire à leurs yeux, et dont elles loueront le Créateur. Mais s’y arrêter… cela non. Il leur semblerait ainsi s’attacher à des choses sans poids (sans aucune importance) et chérir une ombre; ces âmes élevées dans la connaissance de l’amour de Dieu et du monde auraient honte d’elles-mêmes et n’oseraient pas, sans être remplies de confusion, dire à Dieu qu’elles l’aiment. Mais me direz-vous, ces personnes ne sauront pas aimer, ni payer de retour l’amour qu’on leur porte. Du moins, vous répondrai-je, il leur importe peu qu’on les aime…. il y a un profond aveuglement à vouloir être aimé des autres. En effet, si nous dési­rons l’affection du prochain, nous y recherchons tou­jours quelque intérêt ou une satisfaction personnelle. Les personnes (qui aiment Dieu véritablement) ont déjà foulé aux pieds tous les biens et tous les plaisirs que le monde peut leur procurer. Leur joie est de telle nature qu’elles ne peuvent les goûter qu’en Dieu ou dans des entretiens où l’on parle de Dieu. Quel profit peuvent-elles donc retirer à être aimé ? Dès qu’elles se rappellent cette vérité, elles rient d’elles- mêmes, et de la peine qu’elles ont éprouvée jadis quand elles se demandaient si leur amour était oui ou non payé de retour. Mais, quoique notre amour soit bon, il nous est très naturel de désirer être aimés. Or, lorsque vous venez à recevoir ce retour d’amour, de reconnaissance, d’être aimé en retour, vous reconnaissez qu’elle n’est qu’une paille légère; tout cela n’est que de l’air; ce sont des atomes que le vent emporte. Lorsqu’on nous a beaucoup aimés, que nous en reste-t-il ? (Autrement dit, l’amour des hommes envers soi-même semble bien peu de choses quand on connaît l’amour de Dieu). Aussi, ceux dont je parle ne se soucient pas plus d’être aimés que de ne l’être pas, …Ces personnes-là, (me) direz-vous, n’aiment donc et ne savent aimer personne si ce n’est Dieu? Je réponds qu’ils (les) aiment beaucoup plus: leur amour est plus vrai, plus ardent et plus utile; enfin, c’est de l’amour. Ils sont plus portés à donner qu’à recevoir; telle est leur disposition à l’égard du Créateur lui-même ». Ce qui compte c’est d’aimer et non pas de se faire aimer ou de chercher à être aimé. L’amour reçu du monde, les reconnaissances, l’attention qu’on vous porte sont bien peu de choses parce qu’on est tourné soi-même vers Dieu, et cela suffit, on a besoin de rien d’autre. Dieu seul suffit. Et pourtant, à cause de cet amour véritable entre Dieu et soi-même, on aimera encore bien plus les gens que l’on côtoie tous les jours, sans rien attendre d’eux en retour. « Aimer Dieu » donne à la personne qui aime, une grande liberté de vie : elle vit Dieu, elle pense Dieu, elle respire Dieu. Son âme peut alors connaître la paix pendant des années. A partir de là, tout le reste lui est supportable, sans même jamais chercher à se plaindre, bien qu’elle ait toujours les mêmes problèmes qu’avant d’aimer Dieu. Ce qui a changé en cette personne, c’est sa façon de voir la vie, et elle réglera ses problèmes de tous jours avec un autre regard, avec beaucoup de patience, de compréhension, avec une paix intérieure qui peut durer aussi longtemps qu’elle reste unie au Christ. Aimer ce n’est pas être aimé. Lorsqu’on dit qu’« aimer c’est tout donner », on n’a jamais dit que c’est pour mieux recevoir, mais bien donner gratuitement, sans arrière-pensée, sans rien attendre en retour et c’est tout le contraire de ceux qui donnent peu en espérant recevoir beaucoup. Cela s’appelle du calcul grossier, indigne du chrétien. On ne triche pas avec Dieu. Apprenons à aimer. Et c’est en regardant le Christ, le Christ dans sa Passion, qu’on apprend à aimer. Les lois divines sont toujours des lois d’amour. Appliquons-les, avec la grâce de Dieu et l’aide de Marie.




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,

de toute ton âme et de tout ton esprit ».

Nous ne sommes ni comme les pharisiens ni comme les sadducéens. Nous n’avons pas envie d’embarrasser Jésus, car en ce qui concerne la Loi et le résumé de la Loi, nous n’avons pas d’hésitation. Nous sommes sûrs que ce commandement que nous venons d’entendre et celui qui lui est semblable « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », sont les deux piliers de la Loi, de notre vie chrétienne : cela nous paraît absolument évident. C’est pourquoi je ne puis pas faire mieux qu’un commentaire littéral, presque grammatical, au moins du premier commandement. De fait, nous croyons si bien connaître ces commandements qu’en réalité nous en perdons toute la saveur, c’est-à-dire toute la sagesse. Veuillez donc me pardonner s’il s’agit d’un commentaire mot à mot.

« Tu aimeras ». Nous pensons toujours : « il faut qu’on aime », mais c’est : « Tu aimeras ». Cette injonction nous est adressée à chacun d’entre nous personnellement. Ce n’est pas une vérité générale de la philanthropie humaine signifiant que « quand tout le monde s’aide, personne ne se tue ». C’est vrai, mais ce n’est pas précisément comme cela que c’est formulé. Ce n’est pas non plus : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » ! C’est : « Tu aimeras ». Il s’agit du fondement radicalement personnel de notre relation, soit avec Dieu, soit avec les autres. On ne peut pas sortir du fait d’avoir été interpellé chacun personnellement. Mais que signifie le verbe « aimer » au futur ? Nous croyons que cela veut dire simplement : « Il faut aimer », une sorte d’obligation ou de programme de vie. Ce n’est pas exact. Chez nous, le futur, c’est le programme de ce que nous allons faire et, d’une certaine manière, ce serait bien commode si nous comprenions ce commandement comme un futur. Cela voudrait dire : « Nous aimerons plus tard, pour l’instant profitons de la vie et nous verrons plus tard ». Mais précisément l’hébreu a un temps spécial des verbes pour dire autre chose et nous sommes obligés, faute de mieux, de nous rabattre sur le futur. Ce temps : « Tu aimeras », en réalité, veut dire : « Tu aimes en plénitude, de façon accomplie, de façon plénière et totale ». Quelle audace ! C’est tellement audacieux que, nous-mêmes, nous essayons d’instaurer un délai : « Tu aimeras ». Pourtant, par cette Parole, Dieu dit à chacun d’entre nous : « Tu aimes de façon accomplie et définitive, tu aimes totalement ». Or, comment Dieu peut-Il dire une chose pareille ? Ça crève les yeux que ce n’est pas vrai, ça crève les yeux que nous n’aimons pas, et surtout que nous n’aimons pas en plénitude. Alors pourquoi Dieu nous dit-Il cette chose si radicale : « Tu aimes et tu aimes de façon plénière » ? Précisément en hébreu, ce temps est utilisé parfois pour dire que ce qui va se passer n’est pas tout à fait notre œuvre et que ce sera l’œuvre de Dieu. L’expression « Tu aimeras » veut dire : « Dieu va te donner » ou plus exactement : « Dieu te donne d’aimer, Dieu te donne d’être quelqu’un en t’appelant, toi, et en même temps qu’Il t’appelle, toi, et c’est tout un, Il te donne d’aimer ». Autrement dit, si on suit rigoureusement la logique de cette Parole de Dieu, c’est en même temps qu’Il nous donne d’exister et d’aimer parfaitement..

Dès lors, c’est le problème du péché qui est posé, lequel n’est rien d’autre que la pédale de frein qui entrave l’action créatrice de Dieu. Alors que Dieu veut nous donner un dynamisme et un élan, nous sommes là avec notre inertie à freiner des quatre fers pour empêcher que, chez nous, « exister » et « aimer » disent la même chose. Pourtant notre A.D.N. spirituel, c’est que « exister = aimer » ; l’homme, comme toutes les créatures spirituelles, est bâti de telle sorte que le programme génétique profond de l’existence humaine consiste à aimer. Et c’est pour cette raison que ces commandements ne sont pas simplement des ordres ou des lois, ils sont très exactement la traduction à l’état pur de ce qu’est l’homme comme créature de Dieu : exister est l’équivalent d’aimer.

« De tout ton cœur » : l’amour, on n’y peut rien, inclut toujours le cœur c’est-à-dire l’affection, et sur ce point il y aurait déjà bien des choses à dire. « De tout ton cœur », c’est-à-dire :« Si tu veux exister en aimant, il faut qu’il y ait tout ton cœur qui aime ». Vous connaissez l’histoire célèbre de la brave dame qui avait des pauvres et qui leur disait : « Ah ! Mes chers amis, ce n’est pas pour vous que je donne quelque chose, ni pour vous aider, mais c’est pour le Bon Dieu ! » C’est comme si elle avait dit : « Ne croyez surtout pas que je vous aime, en réalité, vous ne m’intéressez pas, mais ce qui m’intéresse c’est moi et ces bonnes œuvres que je crois pouvoir présenter à Dieu ». Hélas ! Ce réflexe, de façon beaucoup plus subtile et camouflée souvent, est très fréquent dans notre vie de chrétiens.

Je ne sais pas si c’est à cause de Freud, mais l’affectivité est une réalité qui généralement fait peur. Or l’affectivité est un des dynamismes fondamentaux de notre existence humaine, c’est la volonté et le désir dont parlaient les théologiens du Moyen Âge. Le désir est ce qui vous rend fondamentalement différents des animaux. Les animaux n’ont pas de désirs, ils ont des besoins. Car quand un animal a tété sa mère, il a satisfait son besoin, il ne demande rien de plus. Quand un enfant a simplement reçu à manger, on a peut-être satisfait son besoin, mais on n’a pas calmé son désir d’enfant qui est d’être aimé et d’avoir une relation affective avec sa mère. Le désir trace en nous une ouverture sur quelque chose d’infini, d’illimité, et quand le Christ dit que notre existence est une existence d’amour de tout notre cœur, Il désigne exactement cette aspiration du désir qui n’est pas simplement d’aimer pour satisfaire des besoins, mais pour laisser s’éveiller en nous un désir, qui est un des premiers pressentiments de notre destination à Dieu. Car notre désir ne serait pas si grand, il ne serait pas infini s’il ne nous portait pas vers Quelqu’un qui est Lui-même infini. La première signature de l’œuvre créatrice de Dieu en nous, hommes existant pour aimer, c’est le désir que nous avons d’aimer. Quand nous lisons cette phrase : « Tu aimeras de tout ton cœur », nous voyons qu’il est impossible et insensé de faire l’impasse du désir dans l’amour. Et c’est une erreur de croire que la seule chose valable du point de vue chrétien, ce soit d’aimer contre ses désirs. Bien entendu, il y a désir et désir et cela ne dispense pas de la lucidité et du discernement. Mais le fait de vouloir dissocier radicalement l’amour de Dieu de cette force fondamentale du désir qui est en nous, c’est sûrement mutiler l’homme et l’empêcher d’accomplir cet appel et cette vocation que Dieu lui adresse.

« Tu aimeras Dieu de toute ton âme ». Ici il faut bien comprendre le mot « âme ». L’âme ne désigne pas cette partie spirituelle par laquelle nous pensons ou nous rêvons. L’âme, c’est la puissance qui nous fait vivre, qui fait que nous sommes des vivants. Là encore à certains moments, que de comportements prétendument chrétiens sont des comportements d’anesthésiés sinon de quasi morts ! Ici il faudrait laisser la parole à Nietzsche pour lui laisser dire ce qu’il avait sur le cœur vis-à-vis d’une certaine morale chrétienne à laquelle il reprochait de passer son temps à tuer systématiquement la vie, à faire que les manifestations les plus élémentaires de la vie, par exemple, la joie d’être ensemble, le bonheur de vivre et d’aimer, toutes ces expressions de l’âme comme puissance vitale de l’homme, étaient mutilées, châtrées par une espèce de code de fausse éducation, de fausse morale qui ne cessent jamais de ressurgir à tout moment. La vie, ce n’est pas de rester « coincé » dans son coin, la vie, c’est de laisser grandir et s’épanouir toutes ses possibilités de rencontre, de communion, de bonheur que l’homme porte en lui. Et si on ne vit pas avec cela, alors nous sommes effectivement déjà morts. Et ce n’est pas la résurrection du Christ qui pourra nous ressusciter dans ce cas-là !

La troisième exigence est formelle aussi : « Tu aimeras de tout ton esprit ». Et sur ce chapitre, combien il y aurait de choses à dire ! Aimer avec son esprit, c’est-à-dire avec son intelligence. Car l’amour exige l’intelligence. Vous savez, il y a souvent une différence radicale entre les intellectuels et les gens intelligents. Les intellectuels peuvent être intelligents, et là c’est un grand bonheur de les fréquenter. Mais quand ils ne le sont pas, leur intelligence ressemble à un moulin à café qui prend le café en gros grains et qui le passe à la moulinette pour le ressortir en grains plus fins. Vous me direz : « Ça sert toujours à faire le café », mais ce n’est pas pour cela que Dieu nous a donné une intelligence. L’intelligence, c’est une capacité de compréhension immédiate de la réalité qui est en face de nous et surtout de cette réalité qui est en face de nous et qui est l’autre, qui est Dieu ou qui est l’homme. Aimer de tout son esprit, c’est découvrir en nous, au plus intime de notre intelligence, que nous sommes ordonnés aux autres, non pas pour en devenir des esclaves, bien que le Christ ait accepté Lui-même de devenir esclave de ses frères, mais d’abord pour développer ce sens profond d’être avec l’autre, à son écoute, à son éveil, à son attente. Cette finesse du cœur qui fait que l’on entend chez l’autre la joie ou le désir d’aimer et d’être aimé, cette finesse de l’intelligence qui fait que l’on est capable de devancer l’autre dans son désir. Dieu ne nous demande-t-Il pas cela ? Lui qui, dans son renoncement, nous a devancés infiniment au-delà de nos désirs.

Voilà donc ce que veut dire : « Tu aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta vie et de tout ton esprit ». C’est le programme qui est tracé aujourd’hui pour chacun d’entre nous à travers notre existence baptismale. C’est le programme par lequel nous devenons des amis de Dieu, non pas des gens qui suivent scrupuleusement un code par peur de « rater » des examens, mais des gens qui ont reçu au cœur cette force d’aimer dans le désir, cette vitalité de l’âme qui fait vivre et cette intelligence qui nous permet de deviner la profondeur du regard de Dieu et du regard des autres sur nous. Et c’est à travers cet appel à aimer Dieu ainsi que nous pouvons exister aujourd’hui comme chrétiens, comme Église, comme fils de Dieu, comme baptisés. Amen.




30ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 22, 34-40

 

« Quel est le grand commandement ? »

 Il est difficile de savoir quelle était la pensée de ce docteur de la loi qui pose cette question à Jésus. D’autant qu’il voulait le mettre à l’épreuve.

S’attendait-il à ce que Jésus lui donne l’un des 613 commandements que les pharisiens avaient définis pour être « en règle » avec la loi de Moïse ? A un devoir à accomplir ?

Ce n’est pas la réponse de Jésus.

Il ne répond pas par un devoir, une action à faire, mais par une attitude du cœur que nous devons avoir, et qui est la base même de l’humanité.

Les humains ont été créés par Dieu par amour, « homme et femme il les créa », semblables et différents, pour qu’ils puissent vivre de cet amour, avec cet amour, et pour que cet amour soit à la base de toutes leurs rencontres avec les autres, avec Dieu avec qui les premiers hommes pouvaient converser naturellement, et avec les autres hommes.

La « loi d’amour » est déjà écrite dès la création du monde.

Mais ensuite, il y a eu de la part des hommes la volonté de s’affranchir de Dieu (avec l’aide active du démon), de vouloir se prendre en charge eux-mêmes, indépendamment de Dieu ;

Jésus est venu « réinitialiser » l’alliance que Dieu avait faite avec les premiers hommes, alliance réitérée ensuite avec Noé, Abraham, Moïse … rappelée par les prophètes … et que Jésus synthétise, non pas dans un seul commandement comme attendu, mais en deux commandements qu’il met au même niveau : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même

L’amour de Dieu de la part des hommes dans tout ce qu’ils sont : cœur, âme, esprit, c’est-à-dire dans leur nature humaine, biologique, dans le surnaturel, et dans la pensée, la sagesse ; et l’amour des autres comme nous-mêmes. Ce qui revient à un seul commandement : le commandement de l’amour dans les deux aspects de la transcendance et de l’immanence humaine, dans les dimensions verticale et horizontale, dans ce que ’le signe de la Croix’ ne cesse de nous rappeler.

Cette alliance a toujours été respectée du côté de Dieu … mais pas du côté des hommes …

Nous savons tous combien il est difficile d’aimer Dieu et les hommes, d’aimer Dieu à travers les hommes, d’aimer les hommes pour pouvoir aimer Dieu. (« Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » 1 Jn 4,20).

Saint Paul, dans la deuxième lecture, nous donne le chemin à suivre : « Vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus … ». Conversion, service, espérance.

Se détourner de nos idoles : souvent nous ne les appelons pas comme cela, mais c’est ce qu’elles sont : l’argent, le bien-être, la réussite (vis-à-vis des hommes), le pouvoir …, la violence, les guerres …, toutes ces choses dont on se dit qu’on ne peut rien faire contre, qu’on accepte de facto, parce qu’on se sent impuissant face à elles …

Une fois qu’on a quitté nos idoles, on peut se mettre au service des autres, on peut espérer sans se mentir …

Aimer.

« Il suffit d’aimer », comme le disait le titre d’un film sur sainte Bernadette et Notre-Dame de Lourdes.

Aimer comme Jésus. Aimer tout le monde, et pas seulement ceux qui pensent comme nous : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5,44).

Bien sûr, tout cela nous semble impossible, à nous les humains. Mais avec l’aide de Dieu, tout est possible, « car rien n’est impossible à Dieu. » (Lc 1,37).

Retournons-nous vers lui !

Seigneur Jésus,

tu nous as donné l’amour

que tu as reçus de ton Père,

et tu nous demandes de redonner cet amour

à Dieu et à nos frères,

un amour sans limite,

envers tous, même ceux qu’on n’aime pas.

Aimer. Toujours aimer.

Comme Dieu nous aime.

 

Francis Cousin                     

               

          

              

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Audience Générale du Mercredi 18 Octobre 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 18 Octobre
  2017


Frères et sœurs, aujourd’hui je vous parlerai de l’espérance chrétienne devant la mort. De nos jours, la mort est une réalité que notre civilisation moderne tend toujours plus à cacher, alors que les hommes d’autrefois la regardaient en face. La mort nous fait découvrir notre néant, elle révèle nos manques d’amour, la vanité de notre orgueil ; par contre, elle met en lumière le bien que nous avons semé. Jésus a éclairé le mystère de la mort lorsque, pleurant son ami Lazare, il le fait sortir du tombeau. La Parole que Jésus dit à Marthe : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Crois-tu cela ? », il nous la redit chaque fois que la mort vient déchirer le tissu de notre vie et de nos affections. Nous sommes faibles et sans défense devant la mort ; mais c’est une grande grâce, en cet instant ultime, que de garder la foi. Voilà notre espérance. Elle ouvre grand une porte devant nous : Jésus nous prendra par la main et nous dira à nous aussi : relève-toi !

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes des collèges et lycées venus de France ainsi que les personnes venues de Suisse.

Lorsque nos vies connaissent des épreuves et des deuils, Jésus nous dit à nous aussi : « Je suis la résurrection et la vie ».  Je prie pour que votre pèlerinage à Rome vous aide à garder dans votre cœur la flamme de la foi et de l’espérance.

Que Dieu vous bénisse.