1

« Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur »…

Dernier paragraphe de son sermon du 3 avril 1968 :

« Ce qui va m’arriver maintenant m’importe guère. Nous avons devant nous des journées difficiles. Mais peu m’importe ce qui va m’arriver maintenant. Car je suis allé au sommet de la montagne. Et je ne m’inquiète plus. Comme tout le monde, je voudrais vivre longtemps. La longévité à son prix. Mais je ne m’en soucie guère maintenant.

Je veux simplement que la volonté de Dieu soit faite. Et il m’a permis d’atteindre le sommet de la montagne. Et j’ai regardé autour de moi. Et j’ai vu la Terre promise. Il se peut que je n’y pénètre pas avec vous. Mais je veux vous faire savoir, ce soir, que notre peuple atteindra la terre promise.

Ainsi je suis heureux ce soir. Je ne m’inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. »

 

           Le lendemain 4 avril 1968, Martin LUTHER KING était assassiné.




23ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

 Évangile selon Saint Matthieu 18, 15-20

 

« Si ton frère a commis un péché contre toi…   

… va lui faire des reproches seul à seul. »

Voilà une parole de Jésus qu’on a du mal à entendre, et à laquelle on ne s’attend pas vraiment.

Pourquoi irai-je le voir ? Lui donner mon pardon alors que je suis la ’’victime’’ ? Et on a plutôt envie de dire que c’est à lui de venir de voir pour demander mon pardon…

Réaction bien humaine ! « Les chemins de Dieu ne sont pas ceux des hommes. »

Mais l’autre, même s’il se rend compte qu’il a mal fait, bien souvent, il n’ose pas bouger, parce qu’il a honte, parce qu’il ne sait comment s’y prendre pour renouer les liens (au même titre que nous), par respect-humain … Et peut-être tout simplement ne s’est-il pas rendu compte qu’il avait mal fait ou qu’il avait blessé quelqu’un … Cela arrive !

Mais si quelqu’un nous a fait du mal, si lui ne s’en rend pas compte, nous, nous le sentons, et parfois vivement. On peut avoir des sentiments de stupéfaction, de colère, de haine, voire des désirs de vengeance …

Et on tombe dans l’engrenage de la violence …

Et on risque de faire supporter aux autres le ’’mal-vécu’’ qui est en nous !

Pour un chrétien, ce n’est pas possible.

Au nom de l’amour que Dieu a pour nous, qui est de toujours et qui restera pour toujours.

Dieu nous a aimés le premier, et ne cesse de nous aimer.

Et il nous demande de faire de même : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Ce que saint Paul nous rappelle en disant : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. » (2° lecture).

Alors on comprend la parole de Jésus : « Va lui faire des reproches seul à seul. ».

Ce n’est pas une suggestion (« Ce serait bien que tu ailles le voir… »), ce n’est pas facultatif : c’est un ordre ! Un Commandement !

A nous, victimes, de remettre les autres dans le droit chemin ! Pour que vive la paix !

Au risque de passer pour des « pères ou des mères-la-morale »,  des gens qui se veulent vertueux, ce qui, en toute honnêteté, nous ne sommes pas puisque le péché est en chacun de nous.

Pour suivre ce commandement de Jésus, il nous faut d’abord nous pardonner à nous-même ce que nous avons fait de mal, pour pouvoir aller dire aux autres le mal qu’ils nous ont fait. Reconnaître ses propres fautes, c’est nous réconcilier avec nous-même, et en même temps se réconcilier avec Dieu, se retourner vers lui, une façon de reprendre contact (ou de le maintenir) avec lui, et partant, dans la prière, recevoir le courage d’aller vers l’autre.

Non pour lui ’’dire son fait’’, comme on le dit parfois avec hargne, mais pour lui dire, calmement, qu’il nous a fait du mal, et que nous sommes prêts à lui accorder son pardon s’il reconnaît ses fautes.

Ce commandement de Jésus est dit de manière encore plus claire dans la première lecture : « [Si] tu ne l’avertis pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang. Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie. ». Si on ne va pas vers celui qui nous a fait du tort, pour Dieu, on se fait complice de son péché, et on ne sera pas reçu dans le Royaume des Cieux. Par contre, si on va vers lui, s’il se repent, les deux pourront aller aux Cieux, et s’il ne se repent pas, lui seul sera déchu. C’est pour nous, clairement, une condition pour aller dans le Royaume des Cieux.

Et c’est toujours une occasion de promouvoir la paix. Dans l’Évangile, Jésus termine en disant : « Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. ».

Essayons toujours de nous mettre d’accord avec les autres, autant qu’il est possible.

Seigneur Jésus,

tu nous demandes toujours des choses difficiles

pour nous les humains,

mais qui pour toi sont naturelles,

parce que tu es tout amour.

Pour nous, il faudra d’abord passer

par-dessus notre amour propre.

 

Francis Cousin                     

              

                   

Pour accéder à une prière illustrée, cliquer sur le titre suivant : Prière dim ord A 23° A6

Si vous désirez une illustration du texte d’évangile commenté ce jour cliquer sur le lien suivant :  Parole d’évangile semaine 17-37




Audience Générale du Mercredi 30 Août 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 30 Août
  2017


Frères et sœurs, aujourd’hui je voudrais revenir sur la relation entre l’espérance et la mémoire, en particulier la mémoire de la vocation. Dans l’évangile, la vocation de Jean et d’André est le commencement d’une amitié avec Jésus tellement forte qu’elle impose une communauté de vie et de passion avec lui et les transforme en missionnaires. Comme pour leurs frères Simon et Jacques, ce fut une rencontre si heureuse qu’ils se rappelleront pour toujours ce jour qui illumina et orienta leur jeunesse. Toute vocation, mariage, vie consacrée, sacerdoce, commence par une rencontre avec Jésus qui donne une joie et une espérance nouvelles. Jésus veut des personnes qui font l’expérience que demeurer avec lui donne un immense bonheur. C’est pour cela que le chrétien garde la flamme du jour où il est devenu amoureux de Jésus. Il y a des épreuves dans la vie, mais la route qui conduit à ce feu sacré, allumé une fois pour toutes, est connue. Nous ne faisons pas confiance à quelqu’un qui éteint l’enthousiasme en disant que rien ne vaudrait le sacrifice de toute une vie. Dieu nous veut capables de rêver comme lui et avec lui, tout en demeurant attentifs aux réalités. La dynamique fondamentale de la vie chrétienne est de se souvenir de Jésus, du feu d’amour avec lequel un jour nous avons conçu notre vie comme un beau projet, et raviver notre espérance à cette flamme.

Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française, en particulier aux séminaristes et aux jeunes de Meaux, ainsi qu’aux pèlerins de Guinée avec leurs Évêques respectifs. Que votre pèlerinage à Rome vous aide à puiser avec espérance à la mémoire de l’Eglise et à la mémoire de votre rencontre avec Jésus ! Que Dieu vous bénisse !




22ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 16, 21-27

 

« Passe derrière moi, Satan ! »

Jésus annonce pour la première fois à ses disciples sa Passion, sa mort et sa résurrection. Pour les disciples, c’est une douche froide. Lui qui vient d’être reconnu par Pierre comme le « Fils du Dieu vivant », ne peut pas souffrir, ne peut pas être mis à mort ; c’est inconcevable ! Dieu ne peut laisser faire cela à son Fils !

Et Pierre ne manque pas de le faire savoir à Jésus, sans doute de manière vigoureuse : « Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas ».

La réaction de Pierre est on ne peut plus humaine : il aime Jésus, et il ne voudrait pas qu’il souffre et qu’il meure. Et il ne comprend pas que Dieu puisse permettre une telle chose.

Et il se fait ‘prendre un bois’ par Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es un obstacle sur ma route, sur le chemin que Dieu a tracé pour moi. Je suis venu pour faire la volonté de Celui qui m’a envoyé (Jn 6,38), et celle-ci est de réconcilier tous les hommes avec lui, par amour de mon Père et de moi-même pour eux. La pensée de mon Père est plus large, plus grande que ta propre pensée qui est limitée à l’immédiat. »

« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique » (Jn 3,16).

Dieu est amour, et tout ce qu’il fait est fait par amour. Et comme tous les amoureux, Dieu fait en sorte de séduire les hommes : « Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit. Tu m’as saisi, et tu as réussi. » (1° lecture).

La mission de Jésus est une mission d’amour.

Mais les réactions des hommes, principalement des grands prêtres et des scribes, défenseurs d’une religion basée sur la Loi, ont mené Jésus à la mort, et une mort infamante, sur une croix. « Mais Dieu l’a ressuscité ! » (Ac 2,24). Et c’est parce que Jésus est ressuscité que nous pouvons croire en lui : « Si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre foi est vaine » (1 Co 15,17). C’est sur l’affirmation  de la résurrection de Jésus que l’Église s’est bâtie.

Et, comme « le disciple n’est pas plus grand que son maître », il nous faut, nous aussi, souffrir et mourir comme le Christ, porter nos croix … pour ressusciter à une Vie nouvelle.

Mourir, ce n’est pas simplement quand on rend son ‘dernier souffle’, à la fin de la vie terrestre. Mourir, c’est chaque fois qu’on perd le souffle (divin !), et cela nous arrive bien souvent, à cause de nos limites, parce que nous ne sommes que humains. Et chaque jour, nous mourrons à quelque chose, à notre jeunesse, à notre vaillance, à nos amitiés, à nos convictions, à notre santé … mais pour ressusciter à des réalités nouvelles, à la sagesse, par le renoncement, par le pardon, par la réconciliation, par de nouvelles amitiés …

Tout cela ne peut pas se faire sans souffrance, sans peine, sans ‘croix’ à porter, … ni sans humilité, sans amour du prochain, et sans l’aide de Dieu, du Dieu-amour.

« Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 15,12)

Laissons-nous séduire par ce Dieu-amour, même si cela entraîne que : « Tout le monde se moque de moi. »

Car « [ta Parole est] comme un feu brûlant dans mon cœur. »

Puissions-nous dire la même chose que Jérémie.

Seigneur Jésus,

comme il est difficile de penser comme toi !

Pour toi, l’amour est toujours premier.

Mais pour moi, les jalousies,

le désir de paraître, la colère, l’égoïsme …

passent bien souvent avant l’amour.

Aide-moi à purifier mon cœur.

 

Francis Cousin                     

Pour accéder à une prière illustrée, cliquer sur le titre suivant : Prière dim ord A 22° A6




22ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

Lecture : Matthieu 16, 21-27

 

« Il se mit à leur montrer qu’il fallait que le Fils de l’Homme monte à Jérusalem pour y souffrir de la part des anciens, pour être tué et pour, le troisième jour, ressusciter. – Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Qui veut sauver sa vie, la perdra, qui accepte de perdre sa vie, la sauvera ! »

Frères et sœurs, cet évangile ne nous fait pas de quartier. On pourra dire au moins que, cette année, la reprise spirituelle est assez énergique et exigeante, car après le moment où l’on a pris le temps de se détendre, de revoir un peu le monde de façon moins triste qu’on en a l’habitude pendant les autres jours de travail, retomber de façon abrupte sur ce genre de texte, c’est tout de même très exigeant. Que le Christ nous parle de sa propre souffrance, nous y sommes peut-être un peu trop habitués et, à cause d’une sorte d’inertie spirituelle de notre cœur, nous en avons pris un peu notre parti : il a fallu cette souffrance pour que nous soyons sauvés. Mais lorsque le Christ, après avoir prophétisé sa passion, sa mort et sa résurrection, explique sans ambages qu’il faut absolument que tout disciple passe exactement par la même épreuve de renoncement radical à soi-même et prenne sa croix, si nous le regardons en face, cela nous fait beaucoup plus peur. C’est pourquoi il vaut mieux ne pas biaiser et regarder vraiment en face ce que cela veut dire, c’est-à-dire regarder non pas de nos propres yeux, mais comme le Christ Lui-même regardait en face le mystère de sa mort et de sa résurrection.

Tout d’abord, le regard du Christ. Lorsque le Christ annonce sa passion et sa résurrection, Il ne joue pas au prophète. Il dit clairement : « Il faut ! » – « Il se mit à montrer à ses disciples qu’il fallait ». Je dirais volontiers que tout est dans ce mot.

La plupart du temps, nous entendons ce mot « il fallait » comme une sorte d’accomplissement d’une sorte de programme géré dans l’ordinateur divin de la providence qui prévoit tout, étape par étape. A ce moment-là, comme une sorte de fatalité écrasante et pesante, le plan devait s’abattre sur le Christ, et Il devait être écrasé, anéanti par cette nécessité qui était inscrite. Il s’agit là d’un contresens. Sans le vouloir, nous considérons le cœur du Père comme une personne tyrannique, qui exerce sa tyrannie de façon presque privilégiée sur son Fils, la tyrannie d’une nécessité. Ou même, pire encore, c’est comme si nous croyions que le cœur du Père était lui-même commandé par une sorte de nécessité, alors que, si nous regardons le cœur de Dieu, nous n’y trouvons que la liberté d’un amour qui veut se donner. Ou bien, nous imaginons que le cœur du Père est tyrannique vis-à-vis de sa création et qu’à partir du moment où Il nous a créés, comme nous sommes un peu fragiles et que le Christ a accepté de se soumettre à cette condition humaine, il faudrait que, comme des marionnettes, nous soyons soumis à des décrets, à des volontés qui doivent, de toute façon, s’exécuter, le Père voyant avec une sorte d’indifférence glacée ce qui va se passer. Et nous sentons bien, au fond de nous-mêmes, que cela ne peut pas correspondre à la vérité du côté même de Dieu et qu’aussi cela ne peut pas correspondre à la vérité de notre propre existence.

Mais alors, que veut dire : « Il fallait ! » Est-ce une nécessité qui s’abat sur nous, sur le Christ ? Est-ce une sorte de contrainte tyrannique, de programmation du dessein de Dieu ? Pas du tout. « Il fallait » ne renvoie pas à un programme préparé à l’avance. « Il fallait » correspond à ce plan profond de Dieu qui n’a rien d’une contrainte et qui consiste en ce qu’Il mène toute chose à son accomplissement. « Il fallait » correspond à un but à atteindre, au plan de Dieu, comme un désir fou du fond de son cœur, désir fou auquel seul peut répondre et correspondre le désir qu’a le Christ, dans sa chair, de sauver tous les hommes.

« Il fallait » veut dire : « Il faut absolument que, dans mon amour de Dieu, de Fils éternel, Je vous mène à l’accomplissement de toute chose. Je ne suis pas venu ici pour subir une contrainte, Je suis venu ici pour vous proposer l’accomplissement réel du dessein de mon Père ». Ce n’est pas une nécessité, c’est la plus haute exigence de la liberté. « Il fallait » signifie que si nous voulons un jour parvenir au cœur du Père, il faut que tout soit accompli dans l’ultime don de soi qui va jusqu’à la mort, et d’abord la mort du Christ. C’est pourquoi, loin d’être une fatalité qui s’abat sur le Christ, c’est au contraire le début de la délivrance et de la véritable manifestation de notre liberté et de celle qui est au cœur du Christ.

« A partir de ce jour-là » nous dit saint Matthieu. Effectivement à partir de ce jour-là, le Christ qui vient de fonder l’Église en disant :« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ! », le Christ nous montre comment Il va réaliser concrètement ce peuple de Dieu et le conduire à son aboutissement. Or, comment le fait-Il ? « Il fallait » qu’Il se donne dans la mort pour nous être rendu dans la Résurrection. « Il fallait » et « se donner », c’est la même chose, c’est le même acte, c’est le même point incandescent de la liberté brûlant d’amour pour les hommes dans le cœur du Christ. « Il fallait », c’est le suprême don du Christ à l’humanité qui commence en ce jour-là. « Il fallait », c’est Jésus donnant déjà sa vie pour nous tous. Et le Christ a vu vraiment cela. C’est pour cela qu’à partir de ce jour-là, il ne pouvait pas faire autre chose que de mettre les apôtres devant cette réalité qu’Il vivait si profondément au fond de son cœur. Peut-être qu’auparavant Il avait jugé qu’il n’était pas nécessaire d’en parler, mais à partir de ce jour-là, Il rassemble plus intimement ses disciples autour de Lui et Il va véritablement les conduire au mystère de sa mort et de sa Résurrection.

A la fois c’est : « Je fonderai mon Église » et le Christ qui dit à Pierre : « Retire-toi de Moi, Satan ! «  A la fois c’est la Transfiguration et en même temps ce sont les annonces de la Passion. Mais toujours, le Christ voit le but profond de l’accomplissement du dessein du Père, le don suprême de sa liberté et de sa divinité à son Père, le don suprême de soi et de sa personne à son Père, pour tous les hommes. Et Il ne peut pas faire autre chose que de mettre ses disciples devant cette exigence. C’est pourquoi les disciples s’avancent vers ce lieu de naissance de l’Église qu’est par excellence Jérusalem. C’est là que, du côté ouvert du Christ, doit naître l’Epouse du Christ, l’Église. Et vous comprenez alors la signification du « Il fallait ». Il ne faut pas que nous soyons comme saint Pierre qui dit : « Jamais de la vie ! Cela ne t’arrivera pas ! » sinon nous concevons une sorte d’amitié tout humaine de notre propre désir pour le Christ. Pierre ne veut pas comprendre que le don ultime de soi ne peut passer que par la mort. Pierre ne peut pas comprendre que la manifestation du Messie à Israël soit la manifestation d’un Messie souffrant qui donne sa vie pour le péché du monde. Alors il a envie d’attirer le Christ dans ce chemin sans aspérités, sans rocailles, sans difficultés, en lui disant : « Mais cela ne t’arrivera jamais ! » Si bien que le Christ est obligé de faire face à un combat presque du même ordre que celui qu’Il avait vécu, au début de son ministère, en face de Satan. C’est pourquoi Il dit à Pierre : « Retire-toi Satan ! » Il lui parle exactement comme Il avait parlé à Satan dans le désert. Cela veut dire : « Tu me proposes une voie qui n’est pas la voie de l’accomplissement de toute chose. Si véritablement l’humanité doit parvenir à son but, elle ne peut y parvenir que par ma mort ». Et c’est là que le Christ explique comment nous-mêmes nous devons, à notre tour, entrer dans ce mystère.

Il ne nous fait pas de concession. Dans ce regard que nous devons avoir sur nous-mêmes, c’est le Christ qui regarde notre propre destinée dans notre cœur. Et parce que son regard se pose sur nous, II nous fait voir notre vie et son accomplissement comme Lui-même voit sa vie et son accomplissement : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce ou qu’il se renie lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ! » Il n’y a pas d’autre accomplissement de nous-mêmes que d’entrer dans la mort avec le Christ. Au moment même où le Christ explique à ses disciples le sens de l’accomplissement de toute chose par sa mort, il leur explique en même temps qu’ils ne pourront pas faire de détour, ni éviter ce chemin-là et que tout chemin réel de rencontre du Royaume de Dieu ne peut passer que par la mort.

Cela, loin d’être un sujet de désespoir, est un objet de confirmation de notre propre espérance, car ce que le Christ veut dire c’est que, de toute façon, toute chose créée, toute réalité humaine passe par la mort. Que nous croyions au Christ, que le Christ soit venu ou ne soit pas venu, de toute façon, à partir du péché, toute notre existence est marquée avec l’horizon de la mort. Ce que le Christ veut dire, c’est que malgré cette mort, l’accomplissement qu’Il apporte à toute créature se fera. C’est le sens extrêmement encourageant du « Il fallait ». Ce n’est pas une nécessité qui s’abat sur nous. Mais « il fallait mourir et ressusciter » vient de l’irruption de la vie de Dieu qui fait qu’à ce moment-là, notre propre mort peut éclore dans le mystère de la Résurrection et dans la contemplation du visage du Père.

Nous n’échappons pas à cette loi. Qui que nous soyons, dans tout ce que nous vivons, dans tout ce que nous aimons, nous rencontrons sans cesse cette dimension de mort. Il ne faut pas s’en étonner. Lorsque le Christ a prononcé ces paroles, Il était à la fin de son ministère en Galilée. Apparemment, tout ne s’était pas trop mal passé. Tout s’était déroulé presque comme une partie de campagne. Il prêchait de village en village et les foules le suivaient. Et puis tout à coup, avaient commencé à poindre quelques malentendus. Des gens trop bien intentionnés voulaient le faire roi et Messie d’une façon un peu trop politique, si bien que le Christ a dû rompre avec cet enthousiasme des foules. C’est ce qu’on appelle habituellement, dans le ministère de Jésus, la crise galiléenne : Il se rend compte de ce que son message ne sera pas pleinement perçu dans toute la vérité de ce qu’Il venait faire, que sa mission comme serviteur souffrant ne sera pas reconnue par les foules qui le suivaient jusque-là. Alors, d’une certaine manière, Il est obligé de rompre. Il aurait pu rompre de façon sectaire et simplement réunir autour de Lui quelques disciples en disant : « Maintenant, nous allons nous retirer au désert » comme cela se faisait à cette époque-là. Il y avait des juifs qui, désespérés du messianisme politique, se retiraient dans le désert, sans n’avoir plus aucun contact avec le peuple juif. C’est généralement le mouvement qui se regroupe autour de la secte de Qumran. Après tout, Jésus aurait très bien pu se retirer dans le désert avec quelques privilégiés. Or, ce n’est pas cela qu’Il a voulu, malgré l’incompréhension de la foule : Il a continué d’annoncer son message, Il est allé à Jérusalem, Il a fait face aux autorités de son peuple, à la foule, Il a vécu les Rameaux, Il a prêché au Temple. Il savait où cela devait le mener, mais Il a cru vraiment, Il a voulu rencontrer ce peuple, même à travers sa mort et à travers le don de soi. Ce qui est extraordinaire dans la dernière partie de la vie, du message et de l’apostolat de Jésus sur notre terre, c’est qu’Il ait accepté profondément, par amour de son Père et par amour des hommes, d’aller les rencontrer jusque dans sa propre mort. C’est cela qui fait qu’aujourd’hui, Il nous rencontre encore. Si Jésus n’avait pas accepté de nous rencontrer jusque dans sa mort, abandonné de tous, raillé et moqué sur la croix, on n’en parlerait plus. Le Christ a accepté que sa mort soit le lieu de la rencontre avec chacun d’entre nous.

Et nous aussi, à travers toutes les difficultés, tous les poids de peine, de péché, de misère, d’incompréhension, toutes les croix que nous portons, ce que le Christ nous demande d’abord, c’est cet acte de foi de savoir qu’à travers toutes les souffrances et toutes les morts à nous-mêmes que nous devons vivre, non seulement nous le rencontrerons, mais en Lui, nous rencontrerons et connaîtrons nos frères comme nous aurions désiré les aimer sur la terre. Amen.




Audience Générale du Mercredi 23 Août 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 23 Août
  2017


Frères et sœurs, l’espérance chrétienne est fondée sur la foi en Dieu qui fait toute chose nouvelle. L’horizon ultime du chemin du croyant est la Jérusalem céleste. Dieu usera avec nous d’une tendresse infinie comme un père accueille ses enfants après la peine. Nous croyons que la mort et la souffrance n’auront pas le dernier mot : être chrétien nous donne un regard nouveau rempli d’espérance. Le Règne de Dieu progresse inexorablement, comme un champ ensemencé, même si l’ivraie s’y mêle encore, mais à la fin le mal sera détruit. Notre vie a un sens : elle n’est pas un lent déclin mais une marche vers un avenir nouveau, où nous serons les héritiers des promesses de Dieu. Jésus nous accompagne et nous console sur le chemin, jusqu’au jour où tout sera accompli, lorsque Dieu prononcera son ultime parole de bénédiction. En ce jour nous serons vraiment heureux et nous pleurerons de joie.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

Je vous invite, à l’occasion de votre pèlerinage à Rome, à renouveler votre vie d’union au Christ. Qu’il vous guide, chaque jour de votre vie, vers le bonheur de son Royaume.

Que Dieu vous bénisse !




Georgette Marsan nous a quittés…

Ce samedi 19 août, au jour de son anniversaire, Georgette Marsan est arrivée tôt à la Maison Diocésaine, avec toute l’équipe de service du groupe Cycle Long St Denis Samedi, en vue de la rencontre qui devait avoir lieu en ce jour. De violents maux de tête se sont déclenchés alors qu’elle préparait la Prière des Laudes. Le Samu l’a transférée à l’hôpital de Bellepierre, puis à celui de St Pierre, mais hélas, malgré une opération, la rupture d’anévrisme avait déjà fait trop de dégâts… Discrète, active, souriante, paisible, toute donnée au service de ses frères, Georgette nous disait tout récemment à quel point elle était heureuse d’avoir trouvé sa place dans l’Eglise. Nul doute que le Seigneur l’a accueillie dans la grande salle du Royaume, mais cette fois, c’est Lui qui a tout préparé pour elle… Cadeau d’anniversaire… Mais toute l’équipe ici ne peut que regretter son départ et être plongée dans la tristesse… Pense de temps en temps à nous Georgette, prie pour notre conversion, et pour que l’équipe Cycle Long puisse porter le maximum de fruits possible, pour l’annonce de l’Evangile, pour le vrai Bonheur du plus grand nombre…

                                                                                        D. Jacques Fournier

 

Georgette est au milieu………………………………………………………. et ici, à droite………….




21ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 16, 13-20

 

« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »

 Quand on entend cette  réponse de Pierre (qui s’appelait encore Simon), on pourrait s’attendre à ce que Jésus le félicite avec un large sourire de sa réponse, comme dans les jeux télévisés. Même pas ! Oh, ça commence bien : « Heureux es-tu …. », mais après, c’est la douche froide : « … parce que c’est mon Père qui te l’a révélé. ».

Peut-être y a-t-il eu un peu de déconvenue de la part de Pierre, le sentiment d’être rabaissé par Jésus … Mais aussi vis-à-vis des autres apôtres ?

Mais c’est surtout un apprentissage (par avance) de l’humilité : « celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » (Mt 20,26).

Car Jésus est réaliste : tout ce qu’il sait et fait, il le tient de son Père (cf Jn 8,27), alors, pour une formulation aussi claire de Pierre, qui tranche complètement avec les incertitudes et les hésitations des gens du peuple (« Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes »), cela ne peut venir que de son Père, « car tout est de lui, et par lui, et pour lui » (2° lecture).

Et aussitôt, c’est la récompense ( ?!) :

« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église »

« La puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. »

« Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux »

On passe à un autre registre.

Dans l’ancien testament, en préparation de la venue de Jésus, on est dans le domaine terrestre : on parle de la vie du peuple de Dieu, de royaume, des hébreux :

Éliakim est mis en place par Dieu comme chef sur le royaume de Juda, il a les clefs de la maison de David, avec le pouvoir, seul, d’ouvrir et de fermer les portes de la cité terrestre, pouvoir planté solidement, contre lequel personne ne peut s’opposer (cf 1° lecture).

Avec Jésus, on passe à un domaine spirituel, et même cosmique : l’Église est pour tous, de tout peuple, langue, race et nation, et les clefs données à son ‘chef’ permettent de lier et délier les péchés sur terre et aux cieux, une prérogative divine ( « Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul » Mc 2,7), contre laquelle les puissances de la Mort ( Satan, le Diable) ne pourront rien.

Tous ces ‘ordonnancements’ sont donnés au futur, car il faudra attendre que Jésus ne soit plus sur terre, qu’il ait rejoint son Père dans les Cieux, et surtout qu’il ait envoyé son Esprit Saint sur les apôtres, pour que Pierre puisse véritablement prendre la place de responsable de l’Église.

Alors, pour nous, à quoi cet évangile nous invite-t-il ?

Bien évidemment à nous poser la question que Jésus pose à ses apôtres :

« Qui dites-vous que je suis ? » ou « Pour toi, qui est Jésus ? »

On pourrait répondre de manière académique la même réponse que Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! », et on aurait raison.

Mais alors, la question devient :

– Qu’est-ce que cela fait pour moi de savoir cela ?

– Qu’est-ce que cela change dans ma vie ?

– Est-ce que, dans mon cœur, je sens bien que Jésus est le Fils de Dieu, qu’il est auprès de moi, qu’il est mon guide, mon soutien, qu’il est la lumière qui devrait faire que ma vie soit éclairante pour les autres dans tous les sens du terme ( « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » Mt 5,15 ) ?

– Est-ce que je peux dire que « Tout est de lui, et par lui, et pour lui » ?

Et bien souvent, après cette réflexion, on ne peut que dire, comme Pierre, là aussi : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » (Lc 5,8).

Seigneur Jésus,

ta question est sans doute

la plus difficile à répondre qui soit.

Tu es tellement grand,

et en même temps tout humble.

Tu es si éloigné de l’homme

tout en étant tout proche.

Tu es lumière éclatante

quand je suis au mieux falot.

Prends pitié de mon manque de foi.

Francis Cousin

Pour accéder à une prière illustrée, cliquer sur le titre suivant :

Prière dim ord A 21° A6




Audience Générale du Mercredi 9 Août 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 9 Août
  2017


Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous avons entendu la réaction des hôtes de Simon le pharisien: «Qui est-il celui-là qui va jusqu’à remettre les péchés?» (Lc 7, 49). Jésus vient d’accomplir un acte scandaleux. Une femme de la ville, connue de tous comme une pécheresse, est entrée dans la maison de Simon, s’est agenouillée aux pieds de Jésus et a versé de l’huile parfumée sur ses pieds. Tous ceux qui étaient présents à table murmurent: si Jésus est un prophète, il ne devrait pas accepter des gestes de ce genre d’une femme comme celle-ci. Ces femmes qui, les pauvres, ne servaient qu’à être rencontrées en cachette, également par les chefs, ou à être lapidées. Selon la mentalité de l’époque, entre le saint et le pécheur, entre le pur et l’impur la séparation devait être nette.

Mais l’attitude de Jésus est différente. Dès le début de son ministère en Galilée, Il s’approche des lépreux, des possédés, de tous les malades et des exclus. Un comportement de ce genre n’était pas du tout habituel, et cette sympathie de Jésus pour les exclus, les «intouchables», sera d’ailleurs l’une des choses qui déconcerteront le plus ses contemporains. Là où il y a une personne qui souffre, Jésus la prend en charge, et cette souffrance devient la sienne. Jésus ne prêche pas que la condition de peine doit être supportée avec héroïsme, à la manière des philosophes stoïques. Jésus partage la douleur humaine, et quand il la rencontre, du plus profond de lui-même jaillit cette attitude qui caractérise le christianisme: la miséricorde. Devant la douleur humaine, Jésus ressent la miséricorde; le cœur de Jésus est miséricordieux. Jésus éprouve de la compassion. Littéralement: Jésus sent ses entrailles frémir. Combien de fois dans les Evangiles rencontrons-nous des réactions de ce genre. Le cœur du Christ incarne et révèle le cœur de Dieu, qui, là où se trouve un homme ou une femme qui souffre, veut sa guérison, sa libération, sa vie en plénitude.

C’est pour cette raison que Jésus ouvre ses bras aux pécheurs. Que de gens poursuivent aujourd’hui encore une vie d’erreur, parce qu’ils ne trouvent personne qui soit disponible à le regarder ou à la regarder de manière différente, avec les yeux, ou mieux, avec le cœur de Dieu, c’est-à-dire à les regarder avec espérance. Jésus voit, en revanche, une possibilité de résurrection également chez celui qui a accumulé tant de mauvais choix. Jésus est toujours là, avec le cœur ouvert; il ouvre cette miséricorde qu’il a dans le cœur; il pardonne, il embrasse, il comprend, il s’approche: Jésus est ainsi!

Nous oublions parfois que pour Jésus, il ne s’est pas agi d’un amour facile, à moindre frais. Les Evangiles enregistrent les premières réactions négatives à l’égard de Jésus précisément lorsqu’il pardonna les péchés d’un homme (cf. Mc 2, 1-12). C’était un homme qui souffrait doublement: parce qu’il ne pouvait pas marcher et parce qu’il se sentait «dans l’erreur». Et Jésus comprend que la deuxième douleur est plus grande que la première, au point qu’il l’accueille immédiatement par une annonce de libération: «Mon enfant, tes péchés sont remis» (v. 5). Il libère de ce sentiment d’oppression de se sentir dans l’erreur. C’est alors que certain scribes — ceux qui se croient parfaits: je pense aux nombreux catholiques qui se croient parfaits et méprisent les autres… cela est triste … —, certains scribes qui étaient présents, sont scandalisés par ces paroles de Jésus, qui retentissent comme un blasphème, car Dieu seul peut pardonner les péchés.

Nous qui sommes habitués à faire l’expérience du pardon des péchés peut-être «à trop bon marché», devrions quelquefois nous rappeler combien nous avons coûté à l’amour de Dieu. Chacun de nous a coûté assez cher: la vie de Jésus! Mais Lui l’aurait donné ne serait-ce que pour un seul d’entre nous. Jésus n’est pas mis en croix parce qu’il guérit les malades, parce qu’il prêche la charité, parce qu’il proclame les béatitudes. Le Fils de Dieu est surtout mis en Croix parce qu’il pardonne les péchés, parce qu’il veut la libération totale, définitive du cœur de l’homme. Parce qu’il n’accepte pas que l’être humain consume toute son existence avec ce «tatouage» indélébile, avec la pensée de ne pas pouvoir être accueilli par le cœur miséricordieux de Dieu. Et c’est avec ces sentiments que Jésus va à la rencontre des pécheurs, que nous sommes tous.

Ainsi, les pécheurs sont pardonnés. Ils ne sont pas seulement rassérénés au niveau psychologique, parce que libérés du sentiment de culpabilité. Jésus fait beaucoup plus: il offre aux personnes qui sont dans l’erreur l’espérance d’une vie nouvelle. «Mais, Seigneur, je suis une loque» – «Regarde devant toi et je te ferai un cœur nouveau». Telle est l’espérance que nous donne Jésus. Une vie marquée par l’amour. Matthieu le publicain devient apôtre du Christ: Matthieu qui est un traître de sa patrie, qui exploite les personnes. Zacchée, riche corrompu — celui-là avait certainement un diplôme en pots de vin — de Jéricho, se transforme en bienfaiteur des pauvres. La femme de Samarie, qui a eu cinq maris et qui vit à présent avec un autre, s’entend promettre une «eau vive» qui pourra toujours jaillir en elle (cf. Jn 4, 14). Ainsi Jésus change les cœurs; il fait cela avec nous tous.

Cela nous fait du bien de penser que Dieu n’a pas choisi comme matière première pour former son Eglise les personnes qui ne commettent jamais d’erreur. L’Eglise est un peuple de pécheurs qui font l’expérience de la miséricorde et du pardon de Dieu. Pierre a compris plus de vérités sur lui-même lors du chant du coq, qu’à l’occasion de ses élans de générosité, qui lui gonflaient la poitrine, le faisant se sentir supérieur aux autres.

Frères et sœurs, nous sommes tous de pauvres pécheurs, qui avons besoin de la miséricorde de Dieu qui a la force de nous transformer et de nous redonner l’espérance, et cela chaque jour. Et il le fait! Et aux personnes qui ont compris cette vérité de base, Dieu offre la plus belle mission du monde, c’est-à-dire l’amour pour nos frères et sœurs, et l’annonce d’une miséricorde qu’Il ne nie à personne. Et cela est notre espérance. Allons de l’avant avec cette confiance dans le pardon, dans l’amour miséricordieux de Jésus.


Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française, en particulier les fidèles venus de France et des pays francophones. Que la miséricorde et le pardon nous transforment et nous redonnent l’espérance, pour témoigner d’une vie marquée par son amour. Que Dieu vous bénisse !

   




20ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

Lecture : Matthieu 15, 21-28

 

 

« Voici que Jésus arriva dans la région de Tyr et de Sidon. » A l’époque du Christ, la géographie n’était pas d’abord ou essentiellement une affaire d’organisation politique, de répartition des territoires. Elle n’était même pas non plus une affaire sociale ou une affaire de race, comme si tel ou tel peuple, telle ou telle tribu était répartie à tel endroit. Il y avait bien longtemps que cette terre était habitée par tout un ensemble de peuplades extrêmement mélangées. Mais, à cette époque-là, la géographie était essentiellement religieuse, à tel point que la région de Galilée était une véritable mosaïque de villages ou de petites villes dans laquelle un village était païen, une colonie romaine, un camp romain, et tel autre village à côté était juif. De même, à côté de la Galilée, il y avait des territoires païens nettement délimités, et c’était si marqué dans la mentalité de l’époque que chaque fois que l’on raconte un miracle de Jésus, on prend bien soin de signaler en quel endroit il s’était accompli, ou bien en terre païenne ou bien en terre juive. A tel point que Jésus Lui-même s’est soumis semble-t-il à ces exigences géographiques. Par exemple, Lui qui avait fait des bords du lac de Tibériade le lieu privilégié de son enseignement et de sa prédication, il semble que Jésus ne soit jamais allé à Tibériade, car c’était une ville fondée quelque vingt ou trente ans auparavant en l’honneur de l’empereur Tibère, et Jésus ne la fréquentait pas. En revanche, Capharnaüm ou Bethsaïde qui étaient sans doute de petits villages de pêcheurs ou d’artisans juifs, ont été le théâtre de nombreux miracles opérés par Jésus.

Or, on nous signale que Jésus semble déroger à son comportement habituel et s’en va vers la région de Tyr et de Sidon, villes éminemment païennes, phéniciennes d’origine. On appelait encore leurs habitants cananéens, du nom des premiers occupants de cette terre. Et Jésus allant dans ce pays, on ne sait d’ailleurs pas pourquoi, est interpellé par une femme de ce pays, une femme de Canaan. Or, le Christ reste absolument impassible à la demande de la cananéenne. Cette espèce d’inhumanité du comportement du Christ dans cette scène est tout à fait étrange, car on dirait qu’Il passe droit son chemin alors que cette femme crie et intercède pour sa petite fille possédée par un démon. Mais Jésus ne s’y arrête pas. Les disciples eux-mêmes semblent pris d’une sorte d’impatience, car cette femme ne cesse de courir derrière eux, de les supplier, de les importuner de ses cris. Et les disciples disent : « Exauce-la, qu’on en soit débarrassé ». On ne peut pas dire que ce soit de la philanthropie.

Le Christ a alors une répartie extrêmement vive et sèche : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ! » Il semble ainsi, à première lecture, adopter une sorte de préjugé, de mentalité courante : « Si je suis ici, moi qui suis juif, je ne m’occupe que des juifs. » On dirait que le Seigneur a sur les lèvres la même répartie que la Samaritaine à qui Il avait parlé au bord du puits de Jacob : « Comment, tu es juif, et tu me parles à moi qui suis une Samaritaine ? » « Nous ne sommes pas du tout du même univers religieux et culturel. Nous ne devons avoir aucune relation d’amitié, de contact, de dialogue, ou de quoi que ce soit ». En réalité, le Christ demande fermement pourquoi. Ceci peut nous paraître curieux, mais il y a une raison précise. C’est le sens même de l’Incarnation comme incarnation dans un peuple.

Lorsque le Christ vient, Il vient pour accomplir une mission. Il ne vient pas pour agir arbitrairement, comme s’Il faisait tantôt un petit miracle par-ci, tantôt un autre petit miracle par-là, de telle sorte que la publicité se fasse et s’organise le mieux possible. Le Christ agit selon une attitude, selon les exigences d’une mission : Il est le Messie, et par conséquent, Il est envoyé à Israël, au peuple juif qui est l’héritier des promesses, comme le rappelle encore saint Paul dans l’épître aux Romains. Et c’est parce qu’Il s’incarne dans cette histoire qu’Il est solidaire de l’histoire de ce peuple ; Dieu a partie liée avec ce peuple depuis l’appel d’Abraham, par la Loi de Moïse, par les différentes alliances contractées et rappelés au fur et à mesure de l’histoire par les Prophètes. Par conséquent, le Christ, à juste titre, renvoie à sa mission : « Je suis venu pour Israël  » et pour manifester la miséricorde de Dieu, à l’intérieur d’Israël c’est-à-dire aux brebis perdues, c’est-à-dire à ceux qui ne se reconnaissaient plus dans leur peuple, pour leur faire retrouver leur véritable identité de peuple de Dieu. Le Messie est d’abord cela, n’en déplaise à certains de nos préjugés égalitaristes. Le Messie vient pour reconstituer le peuple d’Israël, pour le rebâtir.

Mais alors, et c’est sans doute cela qui est le plus éblouissant, le Christ aurait très bien pu en rester là, et nous ne pourrions rien Lui reprocher. Or, à certains moments dans l’existence du Christ sur la terre, il se passe des espèces de révélations qui Lui sont données. Je m’explique. Si le Christ était Fils de Dieu, Il ne pouvait pas vivre autrement que dans une sorte de dialogue total avec son Père. Le sens même de l’existence du Christ sur la terre, c’était ce dialogue profond et permanent entre Lui et son Père. Ce qui est grand dans la mission du Christ, ce n’est pas simplement les miracles qu’Il a faits ou les prodiges qu’Il a accomplis. C’est que ce dialogue éternel entre Le Père et le Fils a été, à un certain moment, implanté sur cette terre. Le Christ a été l’image visible du Père invisible et Lui qui était en perpétuel dialogue avec son Père, voici que ce dialogue a retenti sur notre terre. Or, à certains moments le Père a parlé à son Fils à travers des hommes et des femmes. Ce dialogue ne s’est pas effectué avec des œillères, le Christ uniquement orienté vers son Père, mais tous les gens qui passaient, tous ceux qu’Il voyait, tous ceux qu’Il appelait, tous ceux qui criaient vers Lui, à certains moments étaient comme des signes que Dieu son Père plaçait sur son chemin.

Un des cas les plus extraordinaires intervient quand saint Pierre a confessé le Christ : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Immédiatement le Christ a compris que ce n’était pas saint Pierre tout seul qui avait deviné cela et Il lui dit : « Ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela mais mon Père qui est dans les cieux. ». Un autre cas est celui du Centurion qui dit : « Je suis un païen, je ne suis pas digne de T’accueillir ». Il n’ose même pas formuler la prière de la femme syro-phénicienne, mais il dit : « Moi je ne suis qu’un subordonné, et pourtant quand je donne des ordres, ces ordres sont exécutés. » C’est comme si cet homme parlait de la part de Dieu le Père en disant à Jésus : « Toi-même, tu as reçu tout pouvoir, c’est ton Père qui me l’a soufflé dans le cœur ».

D’une certaine manière, c’est ce qui est arrivé à cette Cananéenne répondant à la parole extrêmement dure de Jésus : »Je ne veux pas donner le pain aux chiens ! » c’est-à-dire tous les fruits de salut que je suis venu apporter, Je ne veux pas les donner aux païens car ce n’est pas pour cela que Je suis venu. A ce moment-là, le Père s’est servi de l’intelligence, du cœur et de la foi de cette Cananéenne pour manifester, à travers cette femme, tout ce qu’était son dessein de Père. C’est comme si, à ce moment-là, Dieu notre Père avait parlé à son Fils, à travers la parole même de cette femme, à travers la foi même de cette femme, à travers sa réflexion : « Mais les miettes, on les donne tout de même aux petits chiens. » Ainsi cette femme était, pour ainsi dire, introduite mystérieusement sans peut-être même le savoir, dans ce dialogue étonnant entre le Père et son Fils. Cette femme accomplissait le dessein du Père et le révélait au Christ, de la part du Père, en disant : « Seigneur, vois la faim de ces pauvres païens que nous sommes, nous avons, nous aussi, besoin d’être sauvés et ce cri, ce n’est pas seulement moi qui te l’adresse ». Et le Christ le reconnaît aussitôt puisqu’Il lui dit : « O femme, ta foi est grande ! » Et d’où pourrait venir cette foi sinon du cœur même de Dieu, par l’Esprit Saint ?

Frères et sœurs, cette page est sans doute l’une des plus belles et des plus bouleversantes de l’évangile et je crois que nous pouvons en tirer quelques applications pour nous. Pour nous aussi, il y a une géographie spirituelle de notre vie et de notre cœur. Il y a des terres occupées par Israël et il y a aussi, dans notre cœur, beaucoup de villes que l’on pourrait appeler Tyr, Sidon ou Canaan, la Décapole ou d’autres endroits semblables. Il y a à la fois des terrains où nous nous reconnaissons, ce lieu intime et profond d’où jaillit notre prière, d’où jaillit notre foi, d’où jaillissent nos cris d’appel vers Dieu. Ces terrains-là, nous le savons, ils ont déjà commencé plus ou moins à être évangélisés par la parole de Dieu, à laisser germer et pousser ce grain qui mûrira pour la moisson du Royaume. Mais il y a aussi de nombreuses terres de Tyr et de Sidon dans lesquelles nous avons un peu envie de dire comme le Christ : « Oh, là, de toute façon, on n’y peut rien. Il n’y a pas grand-chose à faire ». En réalité, c’est pourtant peut-être dans ces endroits-là que nous avons le plus à invoquer, à crier vers le Seigneur pour que là aussi, Il fasse tomber des miettes de pain de sa grâce et de son amour.

Puisque pour beaucoup d’entre nous, nous avons terminé un temps de vacances, c’est peut-être l’occasion de reprendre à la lumière de ce temps de loisir, de repos, ainsi qu’à la lumière de la vie quotidienne que nous menons, de reprendre cette identification géographique des différentes terres de notre cœur. A quel endroit le Christ a déjà donné le pain ? A quel endroit, nous n’osons même pas demander, comme la Cananéenne, qu’Il laisse tomber les miettes de la table des enfants ? Alors peut-être nous serons étonnés, car si véritablement, comme cette Cananéenne, nous crions avec foi vers le Seigneur, dans ces terres de Tyr et de Sidon jaillira quelque guérison mystérieuse, jaillira quelque source de vie, quelque prière quelque don de soi aux autres, quelque manière de répondre vraiment à l’appel de Dieu. Et alors, ce plus vieux fond païen de nous-mêmes sera véritablement le lieu de la Parole de Dieu, le lieu de la surabondance de la grâce, là où elle jaillit alors que nous ne nous y attendions pas. Amen.