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Audience Générale du Mercredi 21 Juin 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 21 Juin  2017


Frères et sœurs, au jour de notre baptême, nous avons été confiés à l’intercession des saints, ces frères et sœurs « aînés« , que la Lettre aux Hébreux nous présente comme une « multitude de témoins ». Leur existence nous rappelle que la vie chrétienne n’est pas un idéal inaccessible. Avec eux, nous ne sommes pas seuls. A chaque instant de notre vie, la main de Dieu nous protège et la présence discrète de cette multitude de frères qui nous ont précédés nous accompagne. Ainsi, les chrétiens, dans leur combat contre le mal, ne désespèrent pas ! L’intercession des saints est aussi invoquée dans la liturgie du mariage comme dans celle de l’ordination, afin de rappeler à ceux qui s’engagent pour la vie que la grâce de Dieu ne leur fera pas défaut. Fragiles sont nos forces, mais puissant est le mystère de la grâce à l’œuvre dans la vie des chrétiens. Alors, que le Seigneur nous donne l’espérance d’être saints. Car notre monde a besoin de personnes qui renoncent à toute domination et qui aspirent à la charité et à la fraternité, pour garder l’espérance !

Je suis heureux de saluer les pèlerins et les fidèles de langue française, venus de France et de Suisse. Par l’intercession de tous les saints, que le Seigneur nous accorde la grâce de croire profondément en lui pour devenir image du Christ pour ce monde ! Et que la compagnie des saints nous aide à reconnaître que Dieu ne nous abandonne jamais, pour témoigner en ce monde de l’espérance. Que Dieu vous bénisse !




12ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps

sans pouvoir tuer l’âme. »

 

L’évangile de ce dimanche prend une couleur particulière en ce moment où un certain nombre d’attentats sont perpétrés dans lesquels des chrétiens sont pris pour cibles de manière évidente, que ce soient les vingt-et-un chrétiens coptes tués en Lybie, l’assassinat du père Jacques Hamel le 26 juillet dernier, ou les divers assassinats contre les chrétiens coptes d’Egypte de ces derniers mois, ou contre des prêtres au Mexique. (sans parler de ceux qui tuent des gens au hasard sans viser particulièrement une religion).

Penser qu’on peut mourir martyr à notre époque ne nous serait pas venu à l’esprit il y a moins de dix ans, et surtout pas à La Réunion. Et pourtant, c’est une possibilité qui commence à se répandre …

Mais Jésus nous dit : « Ne craignez pas ! »

Ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps. Parce que pour un chrétien, il n’y a pas que le corps qui compte, il y a aussi l’âme, cet autre partie de nous-même qui nous a été donnée par Dieu quand il a envoyé son souffle dans nos narines pour nous donner la vie (Gn 2,7) et qui est le lien qui va nous unir à lui. Un lien qui est d’abord un lien d’amour indéfectible de Dieu envers les hommes que rien ne peut casser, rompre, et cela, les chrétiens le savent bien : « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? … La persécution ? … le danger ? Le glaive ? … Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Ro 8, 35-39). Un amour qui est de toujours à toujours, au-delà de notre vie terrestre.

Ne craignez pas, cela ne veut pas dire : « N’ayez pas peur ! Ce n’est pas grave. ». Mourir n’est pas anodin. Mais cela veut dire : « Je serai toujours là à tes côtés, te remplissant de force et de courage pour affronter l’adversité. Je ne t’abandonnerai jamais. J’ai vaincu la mort, et si tu me restes fidèle, je t’accueillerai auprès de mon Père dans le Paradis pour la Vie éternelle. ».

D’ailleurs, Jésus ajoute aussitôt : « Craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la Géhenne l’âme aussi bien que le corps » lors du jugement dernier.

Car c’est là que tout se jouera.

Soit on reste fidèle à Jésus et on le fait savoir, alors « moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. », soit on le renie, et alors, « moi aussi, je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »

Bien sûr, il y a le cas de Pierre qui a renié Jésus, mais qui a regretté ses paroles et qui les a remplacées par d’autres : « Seigneur, tu sais tous, tu sais bien que je t’aime ! » (Jn 21,17). Mais quand on se trouve devant ses agresseurs, on n’a pas toujours le temps et surtout les possibilités de bien réfléchir. Dans le film ’’Silence’’ de martin Scorcese, on voit bien que le père Rodrigue est pris entre deux positions antagonistes : rester fidèle à Jésus, ce qu’il désire de tout son cœur, ou permettre par son reniement que cessent les tortures que subissent les villageois chrétiens. N’en pouvant plus d’entendre les hurlements des villageois, et pris au piège par le gouverneur, il apostasie en marchant sur le crucifix. Mais avait-il vraiment renié le Christ ? Ou choisi de laisser la vie sauve aux villageois ? Les dernières images laissent planer le doute.

Je ne pense pas qu’il faille se poser la question de savoir ce que nous ferions si nous étions dans une telle situation. Parce qu’on ne peut pas savoir tous les aboutissements et les circonstances. Et surtout parce qu’on ne peut pas savoir quelle est la force que nous recevrions de Dieu pour faire face à la situation et être des témoins de Jésus-Christ à ce moment-là.

Mais ce qui est sûr, c’est que notre réaction dépendra principalement de la relation que nous avons dès maintenant avec Jésus : si nous sommes proches de Jésus, cela ira … Mais si nous sommes éloignés un tant soit peu de Jésus, alors …

Seigneur Jésus,

Tu es toujours avec nous,

mais, s’il le fallait,

nous ne pourrons mourir en témoignant de toi

que si nous sommes proches de toi.

Fais que nous nous approchions toujours de toi.

 

Francis Cousin




12ième Dimanche du Temps Ordinaire – Claude WON FAH HIN

 

Jésus vient de prononcer un discours sur les persécutions qui attendent les disciples en mission. La cause en est leur union au Christ. Et Jésus leur demande de ne pas craindre en trois fois.

Après la première invitation à ne pas craindre, il nous dit qu’il faut oser parler : « dites au grand jour, proclamez sur les toits » tout que Jésus nous dit « dans les ténèbres », c’est-à-dire ce qu’il nous chuchote à l’oreille, ce qu’il nous dit dans le secret de notre âme. Ainsi Dieu nous parle au fond de nous-mêmes, et il  a un lieu privilégié qu’est l’Eucharistie ou encore le Saint Sacrement. A sœur Faustine, Jésus lui dit : « tu considéreras Mon amour dans le Saint Sacrement. Ici Je suis tout entier à ta disposition, Ame, Corps et Divinité, comme ton Epoux. Tu sais ce qu’exige l’amour : une seule chose, la réciprocité… ». L’Eucharistie ou le Saint Sacrement devient ainsi le lieu de rencontre avec le Christ. Il nous faut alors dialoguer avec Dieu, un dialogue de vérité avec le Christ qui se manifeste à nous dans l’Eucharistie (à la messe), à l’adoration du Saint Sacrement, à l’Heure Sainte où il est présent d’une manière spéciale, avec la vision de son corps vivant qu’est la sainte Hostie. Ne nous laissons pas détourner l’attention du Christ par ce qui se passe autour de nous, par les petites gloires entre amis, et Thérèse d’Avila nous dit (Chemin de la Perfection – Ch.XV –P.23 et 104s ) : « Une forme particulièrement affligeante de l’orgueil est le manque de jugement. Les personnes qui en sont affectées s’estiment plus sages que tout le monde. C’est là, à mon avis, un mal incurable, et il est bien rare qu’il ne soit pas accompagné de malice ». Restons centrés sur le Christ et uniquement sur Lui car lui seul est Vérité. Si cela nous est difficile, demandons Marie de nous aider à fixer notre regard sur son Fils, et à dialoguer avec Lui. Là encore, pas besoin de chapelet, pas besoin d’un livre de prières car aucune personne ne va à la rencontre de la personne qu’il aime avec une lettre d’amour écrite par quelqu’un d’autre. Dans ce moment de rencontre avec le Seigneur, nous avons à dialoguer avec Lui – non pas à réciter ou à lire des prières – mais à Lui dire tout ce que nous avons sur le cœur sans réfléchir, même nos révoltes, même nos doutes, même la vie difficile que nous pouvons avoir. La vérité à l’état pur. Parler ainsi à Dieu, c’est de la prière, prière qui vient directement du fond de notre cœur. Et nous apprendrons beaucoup de choses venant de Dieu lui-même, cela nous le verrons par les fruits que nous aurons au fur et à mesure, dans votre vie. Nous deviendrons alors témoins du Christ vivant parce qu’il nous aura changés, transformés, surtout dans nos rapports avec les autres et non pas figés dans nos mauvaises attitudes, comme si on était cloué par nos propres péchés. Alors,  nous pourrons proclamer, sans aucune crainte et sans honte, notre foi, notre témoignage que Christ est vivant et qu’il nous aime tous. « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le au grand jour; et ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits ». Témoigner de sa vie de chrétien fera grandir le Corps mystique qu’est l’Église. Ajoutons ce que nous dit Thérèse d’Avila  (« Chemin de la Perfection P.113-114 et 120) : « Que vous importera, une fois que vous serez entre les bras de Dieu, que le monde entier vous condamne? Il est puissant, et il peut vous délivrer de toutes les épreuves….Ne craignez pas qu’Il consente à ce que l’on parle contre vous, à moins que ce ne soit pour votre plus grand bien; car il ne saurait répondre si médiocrement à l’amour qu’on a pour Lui. …Tout notre mal vient de ce que nous n’avons pas le regard fixé sur le Seigneur… -… La première chose que fait le Seigneur, s’il les trouve faibles, c’est de leur donner du courage et de les rendre intrépides au milieu de toutes les croix ».

Après la deuxième invitation à ne pas craindre, il nous dit que ce ne sont pas les persécuteurs qu’il faut craindre, mais Dieu lui-même, parce que nous pouvons fermer notre cœur à son amour, à sa miséricorde, parce que nous pouvons refuser Dieu lui-même, préférer le péché à la pureté, en restant dans nos mauvaises habitudes. Les persécuteurs peuvent tuer notre corps, mais pas notre âme qui est tournée vers Dieu, tandis que se fermer à Dieu à l’exemple du persécuteur,  refuser l’amour de Dieu qui est péché contre l’Esprit Saint, cela peut nous faire perdre notre âme, et donc la vie éternelle. Beaucoup d’entre nous peuvent se dire : « mais je ne me ferme à pas à l’amour de Dieu, et la preuve c’est que je prie, je viens à la messe, je communie, je participe… ». Il s’agit savoir si j’aime Dieu en actes, en agissant bien envers mon prochain. Avoir de la haine pour son prochain, c’est refuser Dieu. Si un chrétien persiste dans le mal, il faut aller se confesser. Il faut très attentif à soi-même, dans la lutte contre ses propres tentations. Demandons à Jésus et à Marie, la grâce d’être vigilant envers soi-même, d’être capable de discerner les tentations et la force de lutter immédiatement contre telle ou telle tentation détectée.

La crainte de Dieu n’est pas la peur de Dieu. La crainte de Dieu implique de garder une distance de respect envers Dieu, car Il est toujours le Dieu transcendant, mais en même temps si proche de nous. Personne ne doit avoir peur de Dieu et si vous êtes dans ce cas, cela signifie que vous ne le connaissez pas suffisamment et que vous devez acquérir une meilleure connaissance de Dieu. 1Jn 4,7-8 : « quiconque aime …connaît Dieu, celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu ». Ainsi, si vous n’aimez pas, vous ne pouvez pas connaître Dieu. Lorsque l’on prie, il faut avoir confiance en Dieu et comme nous le dit Saint Louis Grignion de Monfort : « Il ne faut pas faire comme la plupart des personnes qui demandent à Dieu quelque grâce. Quand ils ont prié pendant quelque temps considérable, comme des années entières, et ne voient pas que Dieu exauce leurs prières, ils se découragent et ils cessent de prier, croyant que Dieu ne veut pas les exaucer ; et par là ils perdent le fruit de leurs prières et ils font injure à Dieu, qui n’aime qu’à donner, et qui exauce toujours les prières bien faites, soit d’une manière, soit d’une autre. Quiconque veut obtenir la Sagesse (le Christ) ou une grâce doit la demander jour et nuit, sans se lasser et sans se rebuter. Bienheureux mille fois sera-t-il, s’il l’obtient après dix, vingt, trente années de prières, et même une heure avant [de] mourir. Et, s’il la reçoit après avoir passé toute sa vie à la rechercher et à la demander et à la mériter par toutes sortes de travaux et de croix, qu’il soit bien persuadé qu’on ne la lui donne pas par justice, comme une récompense, mais par pure miséricorde, comme une aumône ». Par pure bonté de Dieu.

Après la troisième invitation à ne pas craindre, Jésus promet qu’il prendra notre défense auprès de son Père si nous-mêmes, nous nous déclarons pour Lui devant les hommes, si nous l’avons reconnu comme étant notre Seigneur au même titre que son Père. Se déclarer pour Jésus devant les hommes, c’est montrer qu’on aime son prochain, et c’est également ne pas se déclarer pour un autre soi-disant « dieu » qui n’existe pas puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu, Celui que Jésus nous enseigne en Mc 12,29 : «  … le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur » ; et le scribe répond  Mc 12,32 : « Fort bien, Maître, tu as eu raison de dire qu’ Il est unique et qu’il n’y en a pas d’autre que Lui ». Il n’y a donc aucun autre Dieu, Il est l’unique Dieu. – Parfois, cela peut être difficile, à certains, de dire qu’il est catholique pratiquant, par honte ou par peur de dérision de son entourage. Le mieux dans ce cas, c’est de se former pour mieux connaître le Dieu Unique à travers la vie de Jésus et de l’Eglise, et ne pas se contenter de connaître Dieu par bribes selon les dires des uns et des autres, parfois elles-mêmes mal informées.  C’est ce que propose de nombreuses formations catholiques de l’île et, entre autres, Sedifop. Une formation qui nous fera comprendre que nous sommes  nombreux à vouloir connaître le Christ et notre Église. Tous, nous avons besoin de mieux connaître qui est Jésus et ce qu’est l’Église. Cela réduirait bon nombre de nos propres défauts, de nos comportements qui divisent, division qui est signe de la présence de l’Esprit du Mal, et surtout  de connaître les moyens pour aller vers Jésus. Et notre foi en sortira certainement grandie et mieux armée pour aller davantage vers une union plus intime avec Jésus. Alors, vous pourrez affirmer, par la suite, peut-être de nombreuses années après, que vous adhérez pleinement à Jésus et que c’est terminé les idoles et les folies de toutes sortes : mauvais films à la télé, alcool, drogue, mauvais caractères, mauvais sentiments, avoir une deuxième religion et donc un deuxième « dieu », tout cela disparaîtra au fur et à mesure et « sans secousse », de manière naturelle car vous-mêmes vous aurez changé au plus profond de vous-mêmes. Et vous vous trouverez mieux dans votre vie nouvelle, à condition de rester continuellement avec le Christ et avec Marie par la prière, les sacrements, la parole de Dieu et les bonnes relations. C’est par la prière continuelle que vous résisterez à tout, que vous surmonterez les difficultés de toutes sortes. Jésus et Marie, qui nous aiment infiniment plus que n’importe quelle autre personne, nous aideront toujours d’une manière ou d’une autre pour notre bien, mais pas forcément de la manière dont nous aimerions qu’ils nous aident. Et la façon dont Jésus ou Marie nous aidera sera toujours bien mieux que ce que nous aurons pensé, même si parfois, en apparence, nous pourrons avoir l’impression qu’ils nous abandonnent. Alors que notre raison nous dira « Jésus ne fait rien, ou bien Marie ne fait rien », sachez que ce raisonnement ne vient pas de Dieu mais de l’Esprit du mal qui veut enlever la paix de notre cœur pour y remplacer par l’angoisse, l’inquiétude, ou encore le doute, et c’est alors que notre foi nous dira : « Jamais, Marie n’a abandonné personne » ou « Jamais Jésus n’a abandonné personne ». Au contraire, même après notre mort, Il peut encore nous sauver parce qu’il est lui-même la Miséricorde. Puisque Jésus ne nous abandonne jamais, parce que son amour pour nous est infini, nous n’avons pas à avoir peur de témoigner pour Lui afin de le faire connaître au monde, à d’autres personnes. Déjà, même ceux qui ne sont pas à la suite du Christ sont aimés de Lui, même s’ils l’ignorent. S’ils savaient qui est Jésus, ils feraient tout pour se mettre à sa suite, comme nous tous nous l’avons fait même si c’est loin d’être parfait.. Jn 4,7 : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire », c’est toi qui l’aurait prié et il t’aurait donné de l’eau vive ». Jésus donne de l’eau vive à toute personne qui la lui demande, et ce don, cette eau vive n’est rien d’autre que Dieu lui-même en la personne de l’Esprit Saint, don par excellence qui va nous conduire vers Jésus, et donc vers le Père. Nous sommes appelés à devenir saint, à partager la vie même de Dieu, pas seulement quand nous serons au ciel, mais dès maintenant sur terre en  se laissant transformer par le Christ pour être à sa ressemblance. C’est pourquoi, les vaines glorioles, les petits compliments entre amis, la haine, les disputes ne servent à rien sinon à nous faire perdre du temps devant Dieu et à nous éloigner de Dieu. Au contraire, tous, nous avons à nous déclarer pour le Christ devant les hommes, fiers de notre foi, même si nous devons l’améliorer avec la grâce de Dieu sachant qu’Il ne nous abandonne jamais. Soyons heureux d’être catholiques pratiquants car le Christ lui-même se déclarera pour nous devant son Père. Paix de Dieu à tous !




12ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

N’ayez pas peur de la vérité

Frères et sœurs, il n’y a sans doute pas de phrase de l’évangile qui puisse nous faire plus peur aujourd’hui que celle-là. La peur que la vérité soit connue, que le privé passe dans le public, la peur de la violation de l’intimité, des « paparazzi » et de l’indiscrétion des journalistes, la peur que ce que l’on a fait ou pensé soit su ou connu, la peur du scandale. En réalité, ce principe qui provient peut-être de la sagesse populaire, « tout ce qui est voilé sera dévoilé« , est quelque chose qui fait peur : nous avons peur de la vérité. C’est un constat ! Nous avons peur de la vérité, non pas simplement quand elle est étalée publiquement, mais même en face de nous-mêmes. Nous acceptons difficilement de voir que telle ou telle chose, telle ou telle réalité, telle ou telle manière de penser est vraiment nôtre. Il n’y a pas que devant les tribunaux que se passe la scène de l’aveu, elle se passe aussi à l’intérieur de nous-mêmes ou elle ne se passe pas ! Nous avons peur de la vérité de ce que nous sommes.

La plupart du temps, nous interprétons cette phrase de l’évangile comme une menace en nous disant : « Je me tiens tranquille parce que je ne veux pas que la vérité de moi-même soit étalée au grand jour ». C’est une sorte de contrainte presque totalitaire de la vérité qui paralyse, et c’est peut-être pourquoi aujourd’hui on a adopté ce consensus dans nos sociétés modernes : chacun gère le jardin secret de sa vérité privée, essaie d’en garder les limites et les bornes pour le protéger de toutes ses forces. Ainsi, nous avons un comportement vis-à-vis de la vérité qui relève essentiellement de la peur.

Or, le texte de l’évangile d’aujourd’hui dit exactement l’inverse : « N’ayez pas peur ! » C’est ce que Jean-Paul II avait dit au début de son pontificat. Et là, le Christ le dit précisément à propos de la vérité :« N’ayez pas peur, de toutes façons, la vérité se fera ! » Par conséquent, il ne s’agit pas de craindre la vérité, au contraire, il s’agit de ne pas en avoir peur parce qu’elle se fera.

Évidemment, nous pouvons rétorquer : « Oui, on voit bien cela de temps en temps, dans les scandales politiques etc., alors la vérité se fait ». Oui et non, car qui fait la vérité ? Le problème est là. Si nous avons tellement peur de cette phrase, c’est parce que nous sentons obscurément que nous avons peur, surtout dans un monde comme le nôtre où les instruments de propagation du discours sont si forts et si puissants qu’il est bien facile, ne serait-ce que par la répétition, de faire valoir quelque chose comme vrai parce qu’on l’a dit à la radio ou à la télévision. Nous avons peur du discours. En réalité, nous avons peur de la parole et du « n’importe quoi », et nous avons peur de ces moyens redoutables qui permettent de faire passer pour discours vrai ce qui souvent est inexact, approximatif ou mensonger.

C’est là que nous touchons le cœur même de l’évangile d’aujourd’hui. Quand Jésus dit : « N’ayez pas peur, ce qui est caché sera dévoilé, connu« , que veut-Il dire ? Il veut dire ceci qui ne devrait pas nous faire peur : c’est Lui-même qui prend en charge, parce qu’Il est le Verbe de Dieu, la Parole de Vérité, de faire venir la vérité sur la terre. Et c’est le grand enjeu de l’Église maintenant au début de ce troisième millénaire.

On aurait plutôt tendance à penser que la manifestation de la charité dans l’Église a assez bien passé dans les réflexes de la société moderne. Tout ce qu’on appelle les organismes humanitaires, les O.N.G, ne sont que la forme sécularisée du message de la charité comme l’évangile l’a annoncé. De ce point de vue-là, on sent bien que nous-mêmes n’avons pas trop de leçons à donner dans ce domaine, comme si nos sociétés modernes avaient enfin assimilé, au moins dans sa première manifestation, les élans de générosité, de sympathie de compassion, de la parole évangélique.

Mais, sur la vérité, c’est autre chose. Dire qu’on est sûr que la vérité triomphera, c’est moins évident. Plus personne n’ose le dire dans la société ; souvent, le problème de la vérité est un champ de bataille entre deux interprétations, deux compréhensions, ente deux approches, et finalement le débat même de la vérité aboutit à ce qu’il voulait éviter au départ : la violence.

Or, Jésus nous dit aujourd’hui : »Ne craignez pas, la vérité se fera« . Comment ? « C’est Moi qui la ferai en vous« . Voilà exactement l’enjeu actuel. L’Église est chargée – ce n’est pas une petite affaire –, les chrétiens, vous, nous, tous, nous sommes chargés aujourd’hui de dire qu’il y a quelqu’un, Dieu, qui fait la vérité de l’homme. Prenons l’exemple du baptême. Que faisons-nous quand nous baptisons un enfant ? Les parents et tous ceux qui l’aiment, qui veulent porter son destin disent : « Nous ne sommes pas capables par nous-mêmes de façonner la vérité du visage de cet enfant. Il faut que ce soit Dieu qui s’en charge« . Et le baptême, quand on plonge un enfant dans l’amour du Père, du Fils et du Saint-Esprit, est le plongeon dans un bain de vérité. On demandera à Dieu de prendre en charge la vérité du visage de cet enfant, de cette personne qu’on Lui confie par le baptême. Chacun d’entre nous, par le baptême, est entré dans ce mystère de la proclamation de la vérité qui est telle que ce n’est pas nous qui nous la fabriquons. Ce n’est pas le fruit d’une élaboration commune ni d’un consensus, hypothèse extrêmement critiquable car lorsque la vérité devient la vérité du grand nombre, je vous laisse mesurer les conséquences. On en a vu pas mal durant le siècle dernier et encore aujourd’hui. Mais lorsqu’on baptise un enfant, on dit à Dieu : « Nous te confions le soin au nom de la confiance qu’on a en Toi, de révéler la vérité du visage de cet enfant ».

C’est la même chose pour tous les sacrements. Comment puis-je dire la vérité de la communion dans laquelle je me tiens avec tous mes frères dans la foi ? « Seigneur, par ton corps et ton sang, fais advenir en moi ce qui est caché, ce désir de communion, mais qu’il ne soit pas simplement mien, mais parce que Tu le prends, que Tu le ranimes de l’intérieur, parce que Tu le vivifies par ta propre vérité, alors j’entre en vérité dans la communion de l’Église ». Pour le sacrement du mariage, c’est exactement le même problème : un homme et une femme viennent en présence de Dieu en disant : « Nous croyons à la vérité de notre amour, nous ne sommes pas capables de le fabriquer nous-mêmes, et nous te demandons d’être la vérité de notre amour, et de faire que désormais, nous puissions vivre la vérité de cet amour ensemble, par Toi et avec Toi. »

Au fond, c’est tout simple et c’est très difficile. C’est la raison pour laquelle la vérité n’apparaît que par la foi pour les chrétiens, par ce mouvement de conscience et de dépossession de soi, pour dire à Dieu : « Désormais, nous te demandons à Toi, Seigneur, de faire la vérité dans nos cœurs, dans le cœur de mon conjoint, dans le cœur de nos enfants ».

Frères et sœurs, au moment où nous allons entrer dans cette eucharistie, demandons simplement au Seigneur qu’Il change notre cœur vis-à-vis du problème de la vérité. Non pas cette vérité que nous voudrions tenir, que nous voudrions saisir, maîtriser, dominer, expliquer, répéter, c’est une sorte d’échec. Et c’est un peu ce qui fait le désenchantement du début de ce troisième millénaire. C’est parce qu’on a tellement cru qu’on allait pouvoir par des moyens humains, dominer et maîtriser la vérité. Au fond, le réseau Internet, c’est un peu cela qui est symbolisé, le « tout savoir » pour tout le monde, à tout moment, immédiatement : mais c’est le « tout savoir » et non pas le « tout vrai », il s’en faut de beaucoup.

Que nous puissions nous dessaisir de ce réflexe de la vérité comme possédée et manipulée par l’homme pour essayer de retrouver ce chemin de vérité dont le Christ Lui-même a dit que c’était Lui : « Je suis le chemin, la vérité et la vie« . Amen.




Audience Générale du Mercredi 14 Juin 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 14 Juin  2017


Frères et sœurs, nous ne pouvons pas vivre sans amour. Derrière de nombreux comportements apparemment inexplicables se cache une question : est-il possible que je ne mérite pas d’être appelé par mon nom ? De nombreuses formes de haine sociale dissimulent souvent un cœur qui n’a pas été reconnu. Le premier pas que Dieu accomplit vers nous est celui d’un amour donné à l’avance et inconditionnel. Dieu nous aime parce qu’il est amour, et l’amour tend de nature à se répandre, à se donner. Dieu ne lie même pas sa bienveillance à notre conversion : celle-ci tout au plus est une conséquence de l’amour de Dieu. Saint Paul dit que Dieu nous a aimés même lorsque nous nous étions trompés. Qui de nous aime de cette manière, sinon un père ou une mère ?  Une mère aime son enfant même quand il est pécheur. Dieu fait la même chose avec nous, nous sommes ses enfants bien-aimés. L’amour appelle l’amour ! Pour changer le cœur d’une personne malheureuse, il faut d’abord l’embrasser, lui faire sentir qu’elle est désirée, qu’elle est importante, alors elle cessera d’être triste. Que souffle ici sur nos visages un vent de libération. Que germe ici le don de l’espérance.

Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française, en particulier aux étudiants de la « Conférence Olivaint » de Paris ainsi qu’aux groupes venus de France, de Belgique et de l’Île Maurice. Souvenons-nous que nous sommes tous les enfants bien-aimés de Dieu, et que nous sommes tous précieux à ses yeux ! C’est la source de notre espérance ! Que Dieu vous bénisse !




Les Charismes : Résumé de la journée du 7 mai (Groupe Cycle Long St Denis Dimanche)

Pour accéder au document en format PDF, il suffit de cliquer sur le titre suivant:

LES CHARISMES – RESUME POUR LE 11 JUIN 2017 DU GROUPE ST DENIS DIMANCHE




« Le Saint-Esprit, c’est quoi » ?

Anne 7 ans

« Le Saint-Esprit, c’est quoi » ?  

Père Antoine DENNEMONT

Un esprit, c’est quelque chose qu’on ne peut pas toucher, mais qu’on sent. Par exemple, quand deux personnes s’aiment, un « lien » ou un « esprit d’amour » les unit. Avec une majuscule, le « Saint-Esprit » désigne cette relation d’amour qui unit Dieu le Père à son Fils Jésus. Cet Esprit est vivant et il donne la vie.

Dès les premières phrases de la Bible, au début de la Création, on parle du souffle de Dieu qui planait sur les eaux. » (Gn1,2). Il est le signe que Dieu est bien là parmi nous, qu’il ne nous abandonne jamais. Quand Jésus a annoncé son départ à ses apôtres, il leur a promis l’Esprit-Saint, pour se rendre présent à eux d’une autre manière : c’est ce que l’Eglise célèbre avec la Pentecôte. On parle souvent du Saint-Esprit comme d’un feu ou d’un vent pour montrer que c’est une force qui brûle à l’intérieur de nous-mêmes et nous invite à aller vers les autres, témoigner de notre foi.




Le Saint Sacrement – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Puisque nous avons part au même pain,

nous formons un seul corps ».

Frères et sœurs, c’est le jour ou jamais de nous poser la question : qu’est-ce qui constitue un peuple comme peuple ? C’est un problème de brûlante actualité parce que si on essaie de réfléchir à ce qui constitue aujourd’hui, dans la mentalité générale de l’Occident, un peuple, on pourrait dire qu’il y a deux réalités en cause. La première, c’est un héritage. Une terre, un pays plus ou moins découpé, on parlait autrefois de frontières naturelles, actuellement, cela n’a plus beaucoup de sens. Une histoire, des monuments, des cartes postales, le Mont Saint-Michel… Un héritage, une langue, une culture, une manière d’être, manger des grenouilles ou ne pas en manger… Un héritage ? Une certaine façon, surtout en France, de se sentir absolument unique et incomparable, cela nous joue des tours.

Bref, d’abord un héritage. Mais on se rend compte aujourd’hui que cela ne suffit pas. Ce qu’on a appelé les démocraties modernes, c’est le fait qu’il y a entre nous un certain projet commun. Oh ! Ça n’empêche pas de se battre comme des chiffonniers à l’Assemblée Nationale, mais on peut dire quand même avec beaucoup d’esprit critique, avec beaucoup de jugement et d’intelligence comme on peut le faire en France, on peut discuter ensemble de ce qui constitue un objet commun, une tâche commune à réaliser. On peut au moins risquer cela. Au fond, les démocraties modernes reposent sur l’idée que dans le débat, la discussion, la contestation, les grèves, on peut malgré tout cela essayer de vivre ensemble un projet à peu près commun. Chaque élection, chaque décision politique s’inscrit en fonction de ce projet. Cela porte sur la vie sociale, ses limites, sur certains droits de la vie privée, sur la vie de l’ensemble de la cité, etc. Il faut ces deux choses-là. Cela veut donc dire que pour faire un peuple, ce ne sont pas des critères raciaux, il y en a qui ont essayé à une époque de l’autre côté du Rhin, mais on préfère ne pas essayer nous-mêmes. Ce ne sont pas des critères biologiques, ce sont plutôt des critères spirituels relevant d’une volonté, relevant d’une tradition, d’une insertion dans l’histoire de l’humanité, avec des particularités, des données concrètes.

Si on essaie de réfléchir à l’Église, qu’est-ce qui fait que l’Église est un peuple ? Cela n’est pas tout fait à cause de l’héritage et la culture, surtout aujourd’hui que l’Église a pris une dimension universelle, il y a quand même beaucoup plus de catholiques en Amérique latine qu’en Europe ! Ce ne sont pas des critères raciaux ; ce n’est pas non plus exactement des critères biologiques, on ne peut pas dire : montrez-moi votre ADN et je vous dirai si vous êtes cathos. En fait, saint Paul, vingt ans après la mort du Christ, expliquait aux Corinthiens : « Parce que nous mangeons un seul pain, nous formons un seul corps ». C’est une affirmation politique assez radicale. Quel est le pays qui peut affirmer cela pour justifier son projet d’existence comme pays, et comme projet politique ? Personne. Donc ici, saint Paul y va très fort : parce que nous mangeons un seul pain, nous formons un seul corps, c’est-à-dire que pour lui, c’est un seul peuple, une Église.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Alors que pour les pays, les sociétés naturelles pour être précis, le facteur de volonté de vivre ensemble et de déterminer ensemble un certain nombre d’objectifs communs est absolument déterminant et indispensable, dans le cas de l’Église, ce n’est pas la base. Ce n’est pas parce que nous voulons fonder, continuer à commémorer le souvenir du Christ que nous sommes l’Église. Nous ne sommes pas « Loi 1901 » sur la base d’une sorte de contrat et de cotisations. C’est parce qu’un seul corps est donné, parce qu’un seul pain est donné, que cela constitue un peuple, un corps. L’Église est la société politique au grand sens du terme, sur le mode le plus « donné » qui soit. Cela ne peut venir que de Dieu. On ne peut pas dire que c’est Dieu qui a fait la France ! Il y en a beaucoup qui le croient, mais il ne faut pas exagérer, ce sont les Français qui ont fait la France, ce n’est déjà pas mal d’ailleurs.

Mais dans le problème de l’Église, on est bien obligé de dire que c’est Dieu qui fait l’Église. Ce qui nous constitue ensemble comme Église, ce n’est pas simplement le fait que nous nous sommes dit qu’il faudrait peut-être aller à la messe, mais c’est le fait que Dieu nous rassemble en un seul corps. C’est le fait que toute l’initiative vient de Dieu qui nous donne le pain et le vin. On ne peut pas appliquer directement, et c’est quand même très important dans la société pour la mentalité d’aujourd’hui, des catégories chrétiennes en politique. Ce n’est pas possible. Vouloir faire des Etats chrétiens, c’est demander qu’il y ait une unité politique des Français sur la base du sang du Christ. Je vous laisse le soin de réaliser ce projet ! Ce n’est même pas la peine d’essayer, cela n’a pas de sens.

A ce moment-là, il faut reconnaître que le projet politique n’appartient qu’à un seul, pas même au pape, ni aux évêques, mais à Dieu. Et c’est cela qui constitue l’Église comme telle. Il y a des médiations, des intermédiaires, il y a des systèmes qui permettent un fonctionnement à peu près correct, mais le fond de l’affaire, c’est Dieu qui prend l’initiative de rassembler. A partir de là, les données de compréhension de ce corps sont complètement changées.

La deuxième chose encore plus compliquée, c’est que Dieu a choisi de nous rassembler précisément « comme corps ». C’est tout autre chose. Quand je parlais tout à l’heure des Etats et des nations, comment envisager leur l’unité ? Nous parlions de projet commun, intellectuel, spirituel, volontaire avec un héritage de culture en amont. Mais dans l’Église, saint Paul est formel : ce qui fait l’Église, ce ne sont pas nos idées, ni nos projets, ni ce que nous pensons : c’est le Corps du Christ qui nous est donné pour que nous devenions un seul corps. Comprenez-vous pourquoi l’eucharistie est si importante ? Ce n’est pas seulement l’heure pendant laquelle on vient recharger spirituellement ses accumulateurs ; l’Église, l’eucharistie, c’est le moment où nous sommes réellement, physiquement, constitués Corps du Christ. Nous devenons corps par le Corps du Christ. Au moment où nous nous approchons de l’autel pour recevoir le Corps et le Sang du Christ, nous recevons à ce moment-là la plénitude même de notre lien de peuple de Dieu, et il n’y en a pas de plus grand. C’est pour cela qu’il y a la présence réelle, ce n’est pas que Jésus a voulu se démultiplier de cette façon-là à défaut de faire faire des statues en plastique, en disant qu’avec le pain, c’était plus simple. Non ! C’est parce qu’à travers le pain et le vin, Il veut être Lui-même le lien politique de cette société qui est l’Église. Il faut donc que le pain soit son Corps à Lui, et que le vin soit son Sang à Lui, sinon cela ne tient pas. C’est tout le problème : le Christ veut être le lien. C’est bien plus qu’un héritage, c’est bien plus vaste que des projets et des idées, c’est bien davantage que des initiatives philanthropiques, c’est Lui le lien politique, c’est Lui la société, c’est Lui le corps. Il donne son corps à travers le pain et le vin pour que nous devenions son Corps réel, son Corps ecclésial. C’est cela l’eucharistie. C’est pour cette raison qu’on la célèbre chaque dimanche, ce n’est pas pour maintenir simplement le moral des troupes, c’est vraiment pour faire que l’unité soit rendue réelle et visible. Quand tous ensembles nous communions, il n’y a pas de manifestation supérieure à l’être de l’Église que cela.

Nous sommes pleinement l’Église. Même s’il n’y a pas le pape, peu importe ! C’est à partir du moment où nous célébrons en recevant le Corps du Christ et qu’Il nous fait corps, Dieu ne peut rien faire de plus pour le monde, Il ne peut rien faire de plus pour nous. C’est à ce moment-là qu’Il nous constitue comme son peuple.

Vous comprenez, il y a des moments où je suis furieux qu’on ait réduit l’assemblée eucharistique du dimanche à de la « pratique ». On a utilisé les coordonnées dont on disposait à une époque, mais il faut bien reconnaître que cela n’a pas de sens. La messe n’est pas une pratique, ce n’est pas « on pratique ou on ne pratique pas ». L’eucharistie est la manifestation de l’Église comme Corps du Christ, ce sont nos élections à nous, chaque dimanche à l’eucharistie. C’est notre acte politique par excellence, il n’y en a pas de plus haut, il n’y en a pas de plus grand. Tous les autres sacrements, toute la vie de l’Église est centrée là-dessus. Au moment où nous célébrons et recevons le Corps et le Sang du Christ, nous sommes le peuple, le corps constitué par le Corps du Christ. C’est la seule société au monde qui fonctionne de cette manière. Cette réalité-là, c’est le moment où le Christ se fait nourriture, Corps, pour nous faire exister comme corps. A partir de là, tout s’enchaîne, toute la manière dont nous vivons, dont nous faisons rayonner cette puissance de la grâce du Christ découle de cet acte souverain, politique par lequel nous avons reconnu que nous étions par pure grâce, sans que nous n’y soyons pour rien, rattachés, fondés enracinés dans le Corps du Christ. Amen.




Le Père, le Fils et le Saint Esprit, Don éternel d’eux-mêmes (4)

« Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), le Père Est Amour, et ainsi, depuis toujours et pour toujours, « le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), tout ce qu’il Est, « tout ce qu’il a » (Jn 16,15 ; 17,10). « Né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé, le Fils Est ainsi de même nature que le Père ». « Dieu Est Amour » ? Le Fils est donc Lui aussi Amour en tant qu’il se reçoit du Père de toute éternité… Mais nous l’avons vu avec le Père, le propre de l’Amour en Dieu est de tout donner, tout ce qu’il Est, tout ce qu’il a… Recevant du Père d’Être Amour, le Fils reçoit donc également de Lui de pouvoir se donner en tout ce qu’Il Est… Et tout comme le Fils est éternellement « engendré » par le Don que le Père fait éternellement de Lui-même, l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité « procède du Père et du Fils » en tant qu’il se reçoit lui aussi du Don éternel que le Père et le Fils font d’eux-mêmes… « La tradition latine du Credo confesse que l’Esprit « procède du Père et du Fils ». Le Concile de Florence, en 1438, explicite : « Le Saint Esprit tient son essence et son Être à la fois du Père et du Fils et Il procède éternellement de l’Un comme de l’Autre comme d’un seul Principe… Et parce que tout ce qui est au Père, le Père Lui-même l’a donné à Son Fils unique en L’engendrant, à l’exception de son être de Père, cette procession même du Saint Esprit à partir du Fils, Il la tient éternellement de son Père qui L’a engendré éternellement » (CEC & 246).

« Dieu est Amour » ? L’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, reçoit donc éternellement du Père et du Fils d’Être Lui aussi Amour… Et nous avons vu avec la relation Père – Fils, que le propre de l’Amour en Dieu est de tout donner, tout ce qu’Il Est, tout ce qu’Il a… L’Esprit Saint « Amour » sera donc éternellement Don de Lui-même, Don de tout ce qu’Il Est en Lui-même… « Dieu Est Vie » ? « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la Vie » (Crédo). « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5) ? L’Esprit Saint Est éternellement Don de sa Lumière, et c’est ainsi que « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5,45)… « Le Seigneur Dieu est un Soleil… Il donne la grâce », la grâce de cet Esprit qui est Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), et donc, poursuit le Psalmiste, « il donne la Gloire » (Ps 84(83),12).

Et si l’eau qui lave, purifie, vivifie est aussi un symbole du Don de l’Esprit Saint ‘nature divine’ (Ez 36,24-28 ; Jn 4,10-14 ; 7,37-39 ; 1Co 6,11), l’Esprit Saint Personne divine Est éternellement Don de cette Eau, de telle sorte que Jésus dit encore que « Dieu fait tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45). Le Don de l’Amour est absolument gratuit, car le propre de l’Amour, de toute éternité, est de tout donner, gratuitement, par amour, le Père au Fils, le Père et le Fils à l’Esprit Saint, et tout particulièrement l’Esprit Saint à toutes les créatures de Dieu… Mais pour recevoir ce Don, gratuit de l’Amour, encore faut-il être tourné de tout cœur vers Lui, en renonçant bien sûr au même moment à tout ce qui lui est contraire… D’où l’appel de Jésus, ses premières paroles en St Marc : « Repentez-vous et croyez à la Bonne nouvelle » de l’Amour…

                                                                                                                         D. Jacques Fournier




Le Saint Sacrement par Francis COUSIN

« Celui qui mange ma chair

et boit mon sang a la vie éternelle. »

Après la Pentecôte et la Trinité, nous fêtons ce dimanche le Corps et le Sang du Christ, fête qu’on appelait autrefois la Fête-Dieu ou le Saint Sacrement. Pour beaucoup de personnes, le Saint Sacrement est lié à Jésus présent dans l’hostie consacrée qui est présenté dans l’ostensoir ou présent dans le tabernacle, ce qui est compréhensible puisque le Sang du Christ est toujours consommé intégralement au cours de la messe, et n’est donc jamais conservé. C’est pourquoi l’appellation actuelle est préférable.

On voit bien la logique des fêtes qui se suivent dans le calendrier liturgique : Après la résurrection de Jésus et son Ascension auprès de son Père, deux personnes qui sont UN, la venue de l’Esprit sur les disciples à la Pentecôte fait que les trois personnes de la Trinité sont toujours présentes à nos côtés : « En [l’Eucharistie], le Deus Trinitas, qui en lui-même est amour, s’engage pleinement avec notre condition humaine. Dans le pain et le vin, sous les apparences desquelles le Christ se donne à nous à l’occasion du repas pascal, c’est la vie divine tout entière qui nous rejoint et qui participe à nous sous la forme du Sacrement. (…) Mais c’est dans le Christ mort et ressuscité et dans l’effusion de l’Esprit Saint, donné sans compter (cf. Jn 3, 34), que nous sommes rendus participants de l’intimité divine. Par conséquent, Jésus Christ, qui, « poussé par l’Esprit éternel, (…) s’est offert lui- même à Dieu comme une victime sans tache » (He 9, 14), nous communique dans le don eucharistique la vie divine elle-même. » (Benoît XVI, Sacramentum Caritatis n°8). D’où la fête d’aujourd’hui. Vendredi prochain ce sera le Sacré-Cœur de Jésus d’où coulent l’eau et le Sang du Christ, et le lendemain, le Cœur Immaculé de Marie.

Saint Jean ne parle pas de l’institution de l’Eucharistie lors de la Cène, mais il rapporte la controverse qui eut lieu à la synagogue de Capharnaüm après la multiplication des pains : « Je suis le pain de la vie (v 48) … Je suis le pain vivant descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. ». Un tel message asséné ainsi ne pouvait pas être compris par les personnes présentes, d’où leurs remarques que l’on dirait de bons sens : « Comment peut-il nous donner sa chair à manger ? ».

Alors Jésus insiste, et il répète le même message plusieurs fois, de manières différentes, en positif, en négatif, pour montrer l’importance de se nourrir de lui, pas seulement de sa Parole, mais de sa chair et de son sang, et tout cela pour avoir la vie éternelle. Et pas seulement quand on sera mort, ou à la fin des temps, mais dès maintenant, dès que l’on mange sa chair et boit son sang, dès que l’on communie à la messe, on a la vie éternelle, on est dans la vie éternelle, on participe à la vie éternelle. Jésus le dit lui-même : « De même, celui qui me mange, lui aussi vivra par moi ». Et comme Jésus vit de toute éternité, nous aussi vivrons dans l’éternité. C’est ce qui permet à saint Augustin de dire : « Si vous les (le Corps et le Sang du Christ) avez reçus dans de bonnes dispositions, vous êtes ce que vous avez reçu. » (sermon 227). En conséquence, « nous sommes devenus, non seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même » (PL 35, 1568), d’où cette injonction qu’il donnait à ceux qui venaient communier : « Devenez ce que vous recevez : le corps du Christ ».

Et c’est encore valable pour nous. C’est sans doute trop difficile pour nous ; qui oserait se comparer au Christ ? Mais on peut essayer de faire un petit peu, … ou un peu plus … pour que notre communion ait du sens. « On vous dit : « Le corps du Christ », et vous répondez « Amen ». Soyez donc membres du corps du Christ, pour que cet Amen soit véridique. » (St Augustin, sermon 272).

Dernière chose : Je pense que dans beaucoup de paroisses on ne lira (et sans doute encore moins chantera) la très belle hymne dûe à saint Thomas d’Aquin : Lauda Sion Salvatorem, à cause de sa longueur. Et c’est bien dommage, car c’est sans doute l’hymne la plus claire au niveau théologique concernant les Espèces Divines. Il serait bien que chacun la lise et surtout la médite.

 

Seigneur Jésus,

tu nous donnes à manger

ton corps et ton sang

pour que nous puissions

partager la vie divine, éternelle.

Nous n’en sommes pas dignes,

mais nous avons tellement besoin

de ta présence en nous.

 

Francis Cousin