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Veillée Pascale – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Entrons dans la danse

 

Chers amis, chers catéchumènes, cela fait pratiquement deux heures et demie que nous sommes là. J’imagine qu’après cette avalanche, cette débauche de prière, de chants, de musique, de lumière, de jeux, de bonheur à être ensemble, vous n’avez pas besoin que je vous fasse de grands discours sur le sens de la Résurrection, nous l’avons fêtée, nous venons de le dire. Mais, comment se l’exprimer ? Comment en comprendre le sens profond ?

Je vous propose simplement un petit conte. Un conte, cela convient aussi bien aux enfants qu’aux grandes personnes. C’est le conte d’un rabbi, un rabbin juif qui vivait à l’époque de la révolution française dans une ville très lointaine, en Europe centrale, à Bratislava. Le rabbi Nahman possédait un véritable talent de conteur, et Franz Kafka, plus connu que lui, s’est beaucoup inspiré de ses contes. On dit qu’ayant avait lu les écrits de rabbi Nahman, Kafka tenait de lui son art extraordinaire de conter. Ce rabbi Nahman, lorsqu’il a laissé ce legs précieux de ses contes, un peu comme Kafka, a voulu que l’on brûle le reste de ses écrits, si bien que ses contes ont été retenus et transmis par tradition orale. Il disait aussi : « De mes contes, faites des prières ». C’est ce que nous allons essayer de faire en cette nuit de Pâques. Je voudrais vous lire un conte, tout simple, mais qui, à mon avis, dit à travers la parole d’un rabbin juif, le pressentiment profond qu’a ce peuple du sens de la résurrection, un peu comme on l’a entendu tout à l’heure à travers le prophète Ezéchiel qui voyait cette immense armée se lever à partir des ossements desséchés, dans le désert. Voici l’histoire :

« Un jour, un roi convoqua son conseiller, son premier ministre et lui fit part de ses peurs et de ses angoisses. Il lui dit : « J’ai lu dans les étoiles que tous ceux qui mangeront de la prochaine récolte de blé, seront frappés de folie. Que faire mon ami ? » – « Rien de plus simple, sire le roi, répondit le conseiller. Nous n’y toucherons pas à cette récolte. La récolte de l’année dernière n’est pas tout à fait épuisée. Libre à nous de la confisquer à ceux qui ont encore du blé de l’année dernière. Il y en aura assez pour vous, majesté, et pour moi« .

« Et les autres, fit le roi ? Les sujets de mon royaume ? Les serviteurs fidèles de la couronne ? Les fonctionnaires ? Les hommes et les femmes ? Les fous ? Les mendiants ? Tu les oublies ? Tu oublies les enfants ? » – « Je n’oublie personne, sire. Mais votre conseiller est réaliste, il doit tenir compte des possibilités. Nous n’avons pas assez de réserves, pas assez pour protéger et satisfaire tout le monde. Il nous en reste juste assez pour vous et pour moi. » « Alors, le roi fut très triste et il dit : « Ta solution ne me plaît pas du tout. Il n’y en a vraiment pas d’autre ? Tant pis ! Je ne tiens pas à séparer, et encore moins à mettre des conflits dans mon peuple. Je refuse de demeurer lucide au milieu d’un peuple qui ne l’est plus. Nous entrerons donc dans la folie, toi et moi, comme les autres et avec les autres. Dans un monde en délire, il ne sert à rien de regarder les choses d’en haut et du dehors. Les fous nous prendront pour des fous. Cependant j’aimerais garder quelque reflet de notre gloire présente, de notre peur aussi. J’aimerais maintenir vivant le souvenir de notre décision. J’aimerais que le moment venu, toi et moi, nous soyons conscients et nous nous rappelions de la décision que nous avons prise. « – « A quoi bon, majesté ? » – « Cela nous aidera, tu verras. Ainsi, pourrons-nous peut-être aider nos amis. Qui sait, peut-être que grâce à nous, les hommes sauront résister plus tard, même s’il est trop tard« . « Et le roi mit amicalement son bras sur l’épaule de son ami, et poursuivit : « Nous allons, sur nos fronts, graver le signe de la folie. Chaque fois que je te regarderai, chaque fois que tu me regarderas, nous saurons l’un et l’autre que nous sommes fous ».

Frères et sœurs, je n’ai pas trouvé plus belle histoire pour nous raconter ce soir le mystère de la Résurrection. Que s’est-il passé ? Pourquoi sommes-nous là ce soir ? Pourquoi a-t-on entouré tous les catéchumènes ? Pourquoi Dieu est-Il là ce soir ?

C’est comme dans l’histoire… Dieu notre Père, et son Fils, ont bien vu que le monde était fou. Il n’y avait pas besoin d’empoisonner le blé, ou l’orge pour rendre le monde encore un peu plus fou. Ce monde est fou ! On le dit tous les jours. Je crois que nous sommes tous un peu fous, car nous le supportons comme tel. Donc, être normal, être un peu fou … Il y a toutes sortes de fous. Il y avait ceux qui criaient devant le feu pascal tout à l’heure, qui sont de pauvres fous, mais des fous quand même. Il y a nous qui sommes des fous de Dieu, parce que passer une nuit blanche alors qu’on pourrait peut-être aller passer un bon week-end ailleurs, c’est que nous sommes un peu fous de Dieu. Oh ! Pas à la folie, mais juste un peu ! Il y a des tas de fous qui suivent leurs passions, qui suivent leur chemin, leurs enthousiasmes, cela part, cela revient, cela retombe, cela recommence. Il a des gens qui mènent, comme ils le disent, une vie de fous, accablés par le travail, et comme vous savez, on travaille pour gagner de l’argent, pour être heureux, pour ne rien faire, pour ne plus travailler, et quand on ne peut plus travailler, on est complètement fichu et l’on ne peut même pas jouir de la retraite ! Donc, nous sommes tous un peu marqués par la folie.

Et puis la pire des folies, celle-là elle est terrible, c’est la folie de notre péché, cette folie qui consiste à nous détruire le cœur, à détruire le cœur des autres, à casser parce que cela ne nous plaît plus, parce qu’on en a marre, à nous laisser aller au désespoir, à ne plus croire en rien. Nous vivons dans un monde de fous. Ce que je trouve extraordinaire, c’est que Dieu a dû avoir avec Jésus et le Saint Esprit une sorte de discussion un peu analogue à celle du roi avec son premier ministre. « Que faut-il faire avec ce monde de fous ? On n’en sortira jamais. » « Chaque fois que j’essaie de mettre la paix, il y en a un qui démolit, chaque fois que j’essaie de réconcilier, il y en a un autre qui casse la paix que j’ai donnée. Chaque fois que j’essaie de faire quelque chose, tout s’en va à vau l’eau.  » Peut-être qu’à un certain moment se sont-ils dit entre eux : « Au fond, cela n’a plus tellement d’intérêt, tant pis, on les laisse. Et puis, non, nous ne pouvons pas les laisser comme cela. Nous ne pouvons pas laisser le monde sombrer dans sa folie et désespérer de lui ». Peut-être que le monde désespère de lui-même, peut-être que nous, nous désespérons du monde. Mais Dieu s’est dit : « Après tout, ce sont mes créatures, je les aime. Je les ai créés par amour. Je ne peux pas les abandonner à leur folie, c’est impossible. » Et Dieu a pris la décision d’entrer un peu dans la folie du monde. Et c’est cela que croient les chrétiens. Car au fond, que croyons-nous ? Nous croyons que lorsque Jésus est entré dans le monde, Il est entré dans la folie du monde, même un peu beaucoup, car Il a subi la violence du monde, Il a subi la folie du monde, Il a subi la folie des passions des gens qui étaient autour de Lui, Il a subi la haine, l’indifférence, le mépris. Il a tout avalé, Il est entré dans cette folie du monde. Simplement je crois que son Père l’avait prévenu : « Tu sais, ce ne sera pas très drôle, mais il faut que Tu y ailles. Je vais Te marquer d’un signe ». Et ce signe, c’est la croix, c’est la Résurrection. Le Père qui a autant souffert que le Fils de sa Passion, le Fils qui a souffert pour nous, sont entrés dans l’histoire des hommes sans s’y noyer. Le Père et le Fils se sont dit qu’ils porteraient l’un et l’autre le signe de la folie du monde, le signe de la croix. « Nous porterons aussi sur le front, le fait que nous voulons faire entrer le monde entier dans un amour plus fou que toute sa folie à lui ».

Cet amour plus fou, c’est que le Père a redonné la vie au Fils d’une autre manière en le ressuscitant d’entre les morts. En fait, Dieu a voulu mener la danse de la folie du monde, et c’était finalement la meilleure manière de le réconcilier avec Lui et de le ramener à Lui. Et Ils ne se sont pas contentés de marquer eux-mêmes leur front de cette folie de la croix et de cette folie de la vie éternelle. Désormais dans cette folie du monde, apparemment complètement désordonnée, et qui semble ne faire que croître et se développer, Ils ont voulu que chacun de leurs amis soient aussi marqués au front du signe de la folie de l’amour de Dieu. C’est ce que nous avons fait pour les catéchumènes ce soir. C’est vrai qu’ils peuvent être fiers de ce signe-là, c’est un signe terrible à porter, porter sur son front, dans son cœur, dans sa vie, le signe de la croix. C’est un signe de souffrance. Mais porter aussi le signe de la Résurrection, c’est un signe d’espérance. Ce soir, avec l’eau du baptême, avec l’onction sainte, avec la lumière que les catéchumènes reçoivent, leur vie a été marquée au front, au cœur par le mystère de la croix et de la Résurrection du Christ. Et nous tous ici, frères et sœurs, qui sommes rassemblés ce soir autour de ces néophytes, ces nouveaux baptisés, on nous a demandé de nous rappeler la folie de Dieu pour nous au cœur même de notre propre folie. Au Moyen-âge, les fous n’étaient pas tout à fait considérés comme des fous, mais on les regardait comme des personnages inspirés. Tout à l’heure, quand nous chanterons cette vieille hymne d’Hippolyte, un évêque de Rome, nous dirons : « Tu nous fais entrer dans la danse mystique, et Toi, ô Christ ! Tu es le conducteur de la danse mystique ». Je crois que les premiers chrétiens avaient conscience qu’ils vivaient dans un monde livré à une sorte de délire et de folie, et qu’eux-mêmes, ils étaient avec le Christ pris par cette danse, pris par cette folie. Mais au lieu que ce soit une folie destructrice, c’était la folie de la tendresse et de l’amour de Dieu qui sauve. Que ce soit pour nous ce soir cette folie-là qui emporte notre cœur.

Amen ! Alleluia !

 




Dimanche de Pâques par Francis COUSIN

 

« Le Christ est ressuscité ! Alléluia ! »

Affolement en ce premier jour de la semaine ! Marie-Madeleine arrive au tombeau de Jésus de grand matin, et trouve la pierre roulée ! Aussitôt, elle court prévenir Pierre et Jean : « On a enlevé le Seigneur ! ». Et tous deux font le chemin inverse, en courant. Jean court plus vite et arrive le premier : il jette un œil dans le tombeau, mais attend Pierre. Celui-ci arrive, entre, voit les linges bien posés : il est perplexe. Alors Jean entre. Il voit la même chose que Pierre, mais il voit plus loin, plus avant, il voit l’invisible. Il se remémore tout ce que Jésus avait dit : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera » (Mc 9,31), « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi… » (Jn 14,3) ; « Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus ; Encore un peu de temps et vous  me reverrez » (Jn 16,16). Alors il comprend, Il croit en tout ce que Jésus avait dit : Jésus est ressuscité !

Jean a compris. Pierre n’a pas compris. Pierre, pourtant celui que Jésus avait investit comme le ’’roc’’ sur lequel construire son Église, celui qui devait prendre sa tête et lui donner ses orientations, est dans l’expectative. Il est dépassé, au propre comme au figuré.

Peut-être faut-il qu’il y ait, de temps en temps, des personnes qui ‘courent’ plus vite que les responsables établis de l’Église ? Des personnes qui voient plus loin pour dire : « Attention ! A cet endroit, Jésus n’est pas présent ! (Le tombeau est vide) ; On l’a occulté ! Il faut l’y remettre. ». Cela a été le cas de beaucoup qui sont devenus saints, Le curé d’Ars notamment. Et encore dernièrement, Mgr Rhodain et le père Wresinski pour la misère, l’abbé Pierre pour les sans logis, Jean Vanier pour les malades mentaux, Jacques Loew et les prêtres ouvriers, Mère Térésa etc … Des personnes qui soient des ‘lanceurs d’alertes’, qui voient l’invisible, qui courent plus vite que Pierre ou ses représentants sur terre : le pape, les évêques, le curé de paroisse, pour montrer les vrais désirs de notre société, leurs vraies soifs, et pouvoir y apporter des réponses et les apporter à l’Église, avec patience et déférence, comme Jean qui laisse Pierre entrer le premier dans le tombeau.

Il est vrai qu’à l’heure actuelle, on pourrait dire que le pape François courre plus vite que lui-même, ou plus exactement qu’il courre plus vite que la Curie et que certains groupes traditionnalistes, et que nous avons parfois du mal à le suivre … et c’est tant mieux !

Mais cela nous met sérieusement en cause. Parce qu’avec la résurrection de Jésus, nous devrions nous aussi courir, être des témoins ardents de celle-ci comme le furent les premiers apôtres qui bâtirent sur celle-ci tous leurs discours (après la Pentecôte, certes) mais avec quel enthousiasme et quel élan ! Et cela a porté de nombreux fruits.

La résurrection de Jésus, c’était il y a deux mille ans, mais c’est tous les jours qu’il faut en vivre. C’est tous les jours qu’elle doit être une force qui nous pousse à aller vers les autres,  vers les pauvres, les petits, ceux qui sont dans le besoin physiquement et spirituellement, qui ressentent une absence dans leur cœur que seul peut combler Jésus ressuscité.

Pour nous, la résurrection de Jésus est la base de notre espérance pour la vie éternelle. Et nous devons faire en sorte que notre espérance devienne celle des autres.

Comme le disait le pape François le 5 avril dernier : « Notre espérance est une personne, c’est le Seigneur Jésus que nous reconnaissons vivant et présent en nous et en nos frères, parce que le Christ est ressuscité (…) Nous comprenons alors qu’il ne faut pas tant rendre raison de cette espérance au niveau théorique, en paroles, mais surtout par le témoignage de la vie, et que ceci soit à l’intérieur de la communauté chrétienne, ou que ce soit en-dehors d’elle. Si le Christ est vivant et habite en nous, dans notre cœur, alors nous devons aussi lui permettre de se rendre visible, ne pas le cacher, et d’agir en nous. Cela signifie que le Seigneur Jésus doit toujours plus devenir notre modèle, modèle de vie, et que nous devons apprendre à nous comporter comme il s’est comporté. Faire ce que faisait Jésus. Par conséquent, l’espérance qui habite en nous ne peut rester cachée à l’intérieur de nous-même, dans notre cœur : ce serait une espérance faible qui n’a pas le courage de sortir et de se faire voir ; mais notre espérance … doit nécessairement sortir de sa prison, prenant la forme exquise et incomparable de la douceur, du respect et de la bienveillance envers le prochain, arrivant carrément à pardonner celui qui nous fait du mal. »

Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !

Seigneur Jésus,

Jean vit et crut

parce qu’il avait l’intelligence de la foi :

son cœur était baigné de ta présence.

Permet que je sois baigné de ta présence,

par tes paroles et par ton corps.

Francis Cousin




Dimanche de Paques par le Diacre Jacques FOURNIER

 « Christ est ressuscité ! »

(Jn 20,1-9)

 

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat,
ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

          

« Celui à qui on remet peu montre peu d’amour » (Lc 7,47), mais celui à qui on remet beaucoup montre beaucoup d’amour… Marie Madeleine, dont Jésus « avait chassé sept démons » manifeste ici l’intensité du lien qui l’unit à son Seigneur en arrivant à son tombeau « de grand matin », la première, « alors qu’il faisait encore sombre »… Mais surprise… « La pierre a été déplacée »… Elle n’entre pas et court aussitôt prévenir Pierre et Jean : « On a enlevé le Seigneur ». Arrivé le premier, Jean s’arrêtera à l’entrée pour laisser Pierre passer devant lui. Il est ainsi déjà celui que les disciples ont reconnu comme la Pierre sur laquelle le Christ bâtira son Eglise (Mt 16,18)…

            Mais le plus grand a besoin du plus jeune… Le regard de foi de Pierre n’est pas celui de Jean. Tous les deux, en effet, voient « le linge qui avait recouvert la tête ». Mais il n’est pas « posé avec le linceul » comme il l’aurait été si quelqu’un l’avait dénoué pour s’emparer ensuite du corps de Jésus. Il est toujours « roulé à part, à sa place », celle qu’il avait sur le corps… Personne en fait ne l’a touché… Le corps a subitement disparu, et tous les linges qui l’entouraient se sont affaissés, chacun « à sa place »… Seul Jean comprend… « Il vit et il crut »… « On a vraiment enlevé le Seigneur », mais c’est le Père, par la Puissance de l’Esprit Saint, qui a ressuscité son Fils d’entre les morts, et qui lui donnera peu après de se manifester à Pierre et à Jean…

            Peu après, ils partiront en effet pécher, à une centaine de mètres du rivage, mais ce jour-là, les poissons n’étaient pas au rendez-vous. Jésus leur apparaît, mais ils ne le reconnaissent pas tout de suite… « Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez », leur dit-il. Ils le firent et de fait, il se remplit à craquer, une situation qu’ils avaient déjà vécue autrefois avec lui (Lc 5). Jean le comprend aussitôt de ce regard du cœur qui sait percevoir la Présence et l’Action de l’Invisible au cœur des réalités les plus simples de la vie. « C’est le Seigneur », dit-il à Pierre… Et ce dernier, le premier, encore une fois, plongera à l’eau pour aller le rejoindre (Jn 21,1-14)…

            « Les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts », manifestant ainsi la victoire de l’Amour sur la haine, de la Douceur sur la violence, de la Vie sur la mort… « Son amour envers nous s’est montré le plus fort » (Ps 116)… Ils l’ont vécu, ils l’ont vu…                                                                             DJF




Dieu peut-il tout pardonner ?

Félix 9 ans 

Dieu peut-il tout pardonner ?

 

 

Père Antoine Dennemont

On pense à ces informations vues à la télé: un père qui a tué toute sa famille, un fou qui a tiré sur des passants… Dieu peut-il pardonner à celui qui retire la vie et plonge une famille  dans la souffrance ? Cela semble injuste. Pourtant Dieu pardonne. Cela ne veut pas dire qu’il oublie. Il redonne une chance à celui qui se tourne vers Lui. Jésus, sur la croix, alors qu’il va mourir, dit : «  Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.» (Lc 23,34) A la femme adultère qui doit être tuée à coup de pierre, il dit encore:  « Moi, non plus je ne te condamne pas. » Mais il ajoute: « Va et ne pèche plus » (Jn 8,11) Dieu pardonne, mais il nous demande de tourner notre cœur vers Lui, en aimant et en pardonnant à notre tour. Pardonne-t-il à ceux qui ne regrettent pas leur acte. On ne sait pas. La puissance de son pardon dépasse ce que nous pouvons imaginer.




Audience Générale du Mercredi 5 Avril 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 5 Avril 2017


Frères et sœurs, l’Apôtre Pierre nous invite avec force à adorer le Seigneur ressuscité et vivant dans nos cœurs. C’est là qu’il a fait sa demeure depuis notre baptême en nous comblant de son amour et de la plénitude de l’Esprit Saint. Voilà pourquoi nous sommes appelés à rendre raison de l’espérance qui est en nous. Car, notre espérance, c’est le Seigneur vivant et présent en nous et dans nos frères. Ainsi, si le Christ habite dans nos cœurs, nous devons apprendre à nous comporter comme lui, en témoignant d’humilité, de miséricorde, de respect et de bienveillance envers le prochain. Quand nous souffrons pour le bien, nous sommes en communion avec le Seigneur qui a souffert pour notre salut. Aussi, chaque fois que nous prenons le parti des petits et des marginaux, que nous répondons au mal en pardonnant et en bénissant, nous resplendissons comme des signes lumineux de l’espérance et nous devenons des instruments de consolation et de paix selon le cœur de Dieu.

Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes des collèges et des lycées ainsi que les fidèles des paroisses venus de France et de Belgique. Que le Seigneur ressuscité et vivant dans nos cœurs nous aide à être des signes lumineux de l’amour dont Dieu nous a comblés et de l’espérance qui est en nous, auprès de tous, en particulier des petits et des pauvres. Que Dieu vous bénisse!

 

 




Rencontre autour de l’Évangile – Dimanche des Rameaux et de la Passion

« Voici que ton Roi vient vers toi, plein de douceur »

(Mt 21,1-11)

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons et comprenons les mots important (Mt 21, 1-11) 

Relevons juste quelques éléments du contexte de notre passage :

         1 – En Mt 20,17-19, Jésus, sur le chemin qui le conduira à Jérusalem, annonce pour la troisième fois sa Passion : « Montant à Jérusalem, Jésus prit à part les Douze disciples et, en chemin, il leur dit : « Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes, ils le condamneront à mort et le livreront aux nations païennes pour qu’elles se moquent de lui, le flagellent et le crucifient ; le troisième jour, il ressuscitera. »

        2 – Puis il dit (Mt 20,28) : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ». 

         3 – Et juste avant notre récit, il guérit deux aveugles (Mt 20,29-34 ) : «  Deux aveugles, assis au bord de la route, apprirent que Jésus passait, et ils crièrent : « Prends pitié de nous, Seigneur, fils de David ! » (« Eléison émas » : « Fais-nous miséricorde, prends-nous en compassion ! ») La foule les rabroua pour les faire taire. Mais ils criaient encore plus fort : « Prends pitié de nous, Seigneur, fils de David ! » Jésus s’arrêta et les appela : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » Ils répondent : « Seigneur, que nos yeux s’ouvrent ! » Saisi de compassion (Littéralement : « bouleversé jusqu’au plus profond de ses entrailles »), Jésus leur toucha les yeux ; aussitôt ils retrouvèrent la vue, et ils le suivirent ».

            Ce contexte donne le ton de tout ce qui suivra :

            1 – Jésus sait-il ce qui l’attend ?

            2 – Comment se présente-t-il ? Qui est-il donc pour chacun d’entre nous?

            3 – A qui renvoient ces deux aveugles ?

L’entrée de Jésus à Jérusalem 

  • Relire le début de notre texte qui précède la citation du prophète Zacharie, puis le dernier verset où nous apprenons ce que les foules disent de Jésus… De fait, comment se comporte-t-il en ces trois premiers versets ?

  • A l’époque, Israël attendait le venue du Messie, et les textes prophétiques qui l’annonçaient étaient connus de tous, comme celui du prophète Zacharie cité ici par St Matthieu. La TOB a traduit : « Voici que ton roi vient à toi, humble»… Nos missels ont : « Voici que ton roi vient vers toi, plein de douceur »… En mettant les deux ensemble, nous retrouvons : « Je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29).

                Lisons le texte de Zacharie (Za 9,9-10 ; traduction liturgique) :

                « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion !

                Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem !

                Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux,

                pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse.

    (10)      Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre,

                et de Jérusalem les chevaux de combat ;

                il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations.

                Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre,

                            et de l’Euphrate à l’autre bout du pays. »

                1 – En entrant donc à Jérusalem, assis sur une ânesse accompagnée de son petit, qu’est-ce que Jésus dit à tous, et cela sans un mot ?

                Or, le Messie devait appartenir à la lignée de David, et donc être « fils de David » pour que s’accomplisse la promesse de Dieu à David (2Sm 7,12-16) : « Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur et je rendrai stable sa royauté… Je rendrai stable pour toujours son trône royal… Ainsi ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »

    Comment les foules acclament-elles Jésus, quel titre lui donnent-elles ?

    Qu’ont-elles donc reconnu en lui, même si c’est encore imparfaitement ?

     

Pour l’animateur 

       – En situant le texte, nous avons bien perçu à quel point Jésus savait ce qui l’attendait, Lui qui est le Serviteur du Père, ne cessant de travailler à ce que sa volonté s’accomplisse. Et quelle est-elle ? « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Être Serviteur du Père signifie donc pour Lui être serviteur de tout homme pour travailler à son salut, et donc faire en sorte qu’il vive le plus pleinement possible en participant à la Vie même de Dieu, à sa Lumière… Le péché nous a tous plongés de cœur dans les ténèbres ? Ces deux aveugles nous représentent tous : bouleversé par les souffrances de l’humanité, occasionnées le plus souvent par son péché, Jésus va donner sa vie « pour lui ouvrir les yeux, afin qu’elle revienne des ténèbres à la Lumière, de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elle obtienne, par la foi en Lui, la rémission de ses péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,18).

            – Jésus, au début de notre Evangile, se comporte bien comme un prophète.

            – Sans un mot, à la lumière de la prophétie de Zacharie, Jésus se présente comme le roi promis, le messie attendu, le fils de David qui devait venir. Et les foules l’acclameront bien ainsi…

            – Assis sur cette ânesse et non sur un cheval de guerre, Jésus se présente comme un Roi Doux. Zacharie l’appelle aussi « juste, victorieux, pauvre ». Son œuvre principale sera d’enlever dans le monde entier toute violence pour que règne sa Paix. Avec Lui, l’attitude « juste » est donc : « être artisan de paix ». « Insulté sans rendre l’insulte, maltraité sans faire de menaces » (1P 2,21-25), Jésus se révèlera victorieux de toute haine, méchanceté, violence, en y répondant toujours par une attitude de Paix et d’Amour. Sa résurrection manifestera cette pleine victoire de Dieu sur le mal et ses conséquences les plus dramatiques… 

            – C’est par le Don de l’Esprit Saint, « Esprit de Force, d’Amour et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7) que le disciple de Jésus pourra lui aussi avoir l’attitude juste d’un artisan de paix. Et en le vivant, « il poussera des cris de joie » car « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22).

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :     

Tu es la Résurrection et la vie, Seigneur Jésus. Celui qui croit en toi ne mourra jamais.

Quand nous sommes dans le deuil, tu n’es pas loin de nous. Nous sommes tristes, mais nous ne sommes pas accablés comme ceux qui n’ont pas d’espérance. Quand tu es là, la mort n’est pas victorieuse. Donne-nous de croire fermement à ta Résurrection et de croire aussi fermement que nous aussi nous allons ressusciter en Toi.

   

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie

 Regardons maintenant Jésus avec notre regard de foi, pour notre « aujourd’hui », en relisant la prophétie de Zacharie :

  • Que nous redit le fait qu’il soit assis sur une ânesse et non sur un cheval ? Noter les adjectifs employés par Zacharie pour le décrire.

  • Quelle sera son œuvre principale et jusqu’où s’étendra-t-elle ? Quelle est donc avec lui l’attitude « juste » ? Bientôt, en vivant sa Passion, de quels comportements ‘humains’ sera-t-il « victorieux » ? Et finalement, quelle sera pour lui la conséquence la plus dramatique de ces comportements, et donc sa « victoire » la plus éclatante ?

  • Enfin, par quel Don règnera-t-il dans le cœur de celles et ceux qui lui remettront leur foi pour leur permettre d’être justes comme Lui est juste, victorieux comme Lui est victorieux ? En se souvenant du début de Zacharie, quelle en sera aussi la conséquence ?

Ensemble prions

« Aujourd’hui, le Christ entre à Jérusalem, la Ville sainte, où il va mourir et ressusciter. Mettons toute notre foi à rappeler maintenant le souvenir de cette entrée triomphale de notre Sauveur ; suivons-le dans sa passion jusqu’à la croix pour avoir part à sa résurrection et à sa vie »…

 

 

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Dimanche des Rameaux et de la Passion par Francis COUSIN

 

« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Dimanche des Rameaux. Il y aura foule dans nos églises, un peu comme il y avait à l’entrée de Jérusalem pour accueillir Jésus. Une foule bigarrée, composite, avec des pratiquants réguliers et d’autres moins, avec des croyants de foi et des croyants par tradition … comme il y avait à Jérusalem des disciples, des sympathisants, et d’autres qui, dans l’ambiance, agitaient des branches et chantaient avec les autres. Foule de maintenant comme foule d’hier !

Jésus part du mont des Oliviers, comme c’était la tradition quand un roi entrait à Jérusalem. Et sa dernière nuit sur terre sera aussi au mont des Oliviers, au jardin de Gethsémani. Lieu de départ d’un Roi : vers Jérusalem, … et vers la croix et vers son Père.

Jésus n’est pas seul. Les apôtres et des disciples l’accompagnent. Il envoie deux disciples en avant chercher une ânesse et son petit : « Le Seigneur en a besoin. ». Il aurait pu le prendre en passant (comme dans saint Jean), mais il veut associer les disciples à son entrée à Jérusalem, il associe par là tous les hommes (pour une toute petite part) à leur salut.

Est-ce que moi, j’ai besoin d’autres pour m’aider à avancer, à aller vers Dieu, dans ma vie de tous les jours ? Bien sûr sans doute, mais est-ce que je demande cette aide, même pour une petite chose ? Et est-ce que je me propose pour aider d’autres personnes ? (Cf station 5 du chemin de croix diocésain).

Mais pourquoi Jésus veut-il entrer à Jérusalem de manière spectaculaire ? On ne lui a pas imposé. C’est donc lui qui l’a voulu, de manière délibérée. Jésus veut entrer comme un roi, l’oint du Seigneur, le Messie, l’envoyé de Dieu, pour sauver son peuple. Il veut montrer à tous le sens qu’il veut donner à sa mort prochaine, ce pour quoi il est venu sur terre : prendre sur lui les péchés des hommes pour qu’ils soient réconciliés avec son Père, et après sa résurrection, pour préparer une place par avance auprès de son Père, avec lui : « Je pars vous préparer une place … pour que, là où je suis, vous soyez aussi » (Jn 14,3) « … et qu’ils contemple ma gloire » (Jn 17,24). Mais cela, les disciples ne le comprendront qu’après la Résurrection.

On ne sait pas comment s’est passé la mise en place du mouvement de foule pour que les gens soient là pour l’accueillir, étendre leurs manteaux devant lui, agiter des branches dans la tradition de l’accueil des rois, criant des références de l’ancien testament, disant : « Hosanna au fils de David », c’est-à-dire au Messie.

Hosanna (Donne le salut ! Sauve-nous !) pour Jésus (Dieu sauve).

Mais il y avait foule. Ou plutôt des foules, devant lui, derrière lui, sur les côtés, sur ce chemin qui mène à Jérusalem … et aussi dans ’’la ville’’. Ceux qui savent que Jésus est le Messie hors de la ville, et ceux de la ville qui ne savent pas qui il est : « Qui est cet homme ? ».

Cette opposition entre les foules et ceux de la ville est peut-être à mettre en rapport avec cette nouvelle vision apportée par Jésus, au début de sa dernière semaine : Jérusalem n’est plus importante en tant que ville du temple de Dieu, elle n’est même plus rien sinon un souvenir de l’ancien monde : C’est Jésus qui entre à Jérusalem en tant que Messie qui est le temple de Dieu, la présence de Dieu : « L’heure vient, et c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité » (Jn 4,23). C’est pourquoi sans doute l’évangéliste ne dit plus le nom de la ville, Jérusalem.

Et dans ce cas, ceux de la ville représentent principalement les pharisiens, les docteurs de la loi et les chefs des prêtres. Il y a les pour Jésus, et les contre. Ce qui explique mieux le renversement d’opinion devant Pilate, orchestré par ceux de la ville.

Seigneur Jésus,

dans toutes ces foules

qui t’accueillent à Jérusalem,

je suis l’un d’eux :

parfois te louant et te glorifiant,

parfois t’ignorant ou ne suivant pas tes enseignement.

Pardon Seigneur !

Francis Cousin




Dimanche des Rameaux et de la Passion – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

La solitude de Dieu

« Pourquoi mon âme être accablée par la tristesse, pourquoi gémir au fond de moi ? » Frères et sœurs, nous allons dans quelques instants entendre l’évangile de la Passion et ma parole n’est là maintenant que pour vous aider à entrer dans cette Parole, comme on entre dans une maison, dans une demeure, avec infiniment de précaution, de délicatesse, parce que cette demeure, c’est le cœur de Dieu qui entre dans sa Passion.

« Pourquoi mon âme es-tu triste jusqu’à la mort ? » C’est le mystère de la solitude de Dieu. La tristesse qui envahit le cœur de Jésus n’est pas simplement la tristesse d’avoir à souffrir, comme un certain dolorisme chrétien nous a appris à voir la souffrance uniquement dans les coups et blessures physiques. C’est vrai, il ne faut pas nier cette souffrance physique réelle, Dieu a vraiment, réellement souffert dans sa chair pour nous. Mais le cœur du cœur de la souffrance de Dieu ces jours-là, c’est la solitude.

Frères et sœurs, pour comprendre la solitude de Dieu dans sa Passion, il faut que nous-mêmes, nous fassions une sorte de retour sur nous pour comprendre que chez nous, la solitude est toujours ambivalente. La solitude pour nous peut être vraiment ce qu’on appelle une tour d’ivoire, un blindage. Il y a des gens qui sont seuls, parce qu’ils sont fiers de n’avoir besoin de personne. La solitude alors, est cette espèce de caricature de l’autonomie, et je crains que nous ne projetions un peu trop facilement sur Dieu. Nous sommes tellement habitués à penser : Dieu est si grand, si puissant, si fort, ce jour-là, Il s’est débrouillé tout seul pour nous sauver. On croit alors que la solitude de Dieu, c’est ce défi, ce coup de force qui consiste à dire : « Oui, c’est vrai, vous avez le péché, vous avez des tas de questions à régler avec moi, mais c’est secondaire, et au fond, je fais ce que j’ai à faire et je vous récupère ». Aucune tendresse, aucune blessure dans cette solitude-là. C’est ce que par exemple Nietzsche a exalté dans la solitude des forts, ceux qui précisément ne se laissent ni toucher, ni apitoyer, ni entraîner d’une quelconque façon par un sentiment de la part des autres. C’est la solitude de la forteresse, c’est la solitude de l’enfermement et si Dieu par hypothèse impossible s’était laissé enfermer dans cette solitude-là, il faut le dire, sa mort serait un suicide. Car, c’est très rare, mais si un suicide est une chose absolument délibérée et maîtrisée, c’est l’épreuve de la solitude : je suis si seul que je peux même me donner la mort.

Ici, ce n’est pas de cette solitude-là dont il s’agit. Ce n’est pas non plus la solitude de l’aigreur, la solitude de l’envie : « Oui, vous les hommes, vous n’en faites qu’à votre tête, vous vous fabriquez votre petit bonheur, vous n’avez pas besoin de moi ». C’est la solitude qui gémit, la solitude des plaintes. Mais, de quoi Dieu se plaindrait-Il ? Il est le créateur de cette humanité et de cette liberté qui est la nôtre, et par laquelle nous avons abandonné Dieu. Là encore, cela rejoint nos pires raisonnements humains : pourquoi Dieu nous a-t-Il créés libres ? Pourquoi nous a-t-Il laissés faire tant de bêtises, depuis les dégustations de pommes au Paradis, jusqu’à plus grave aujourd’hui ? A ce moment-là, si c’est de cette solitude qu’il s’agit, Il n’a qu’à s’en prendre à Lui-même, ce sont les quolibets que nous entendrons tout à l’heure de la part des foules au pied de la croix. De quoi Te plains-Tu ? Tu as tous les pouvoirs. Tu n’es pas content de nous ? Eh bien, tant pis ! Tu nous as faits comme ça ! C’est la solitude de la plainte, c’est la solitude qui gémit, c’est la solitude du manque. Mais comment Dieu peut-Il manquer de quelque chose ?

C’est peut-être là que nous abordons le vrai visage de la solitude de Dieu. Et peut-être nous-mêmes, bien modestement j’en conviens, avons-nous fait une fois ou l’autre l’expérience de cette terrible solitude. Quand on a quelque chose de merveilleux à donner et à partager, quand on y a mis tout son cœur, quand on a essayé de faire que ce que l’on veut donner soit le plus vrai et le plus beau possible, et que cela ne rencontre que du mépris, alors à ce moment-là, en général pour nous, on ne voit pas comment réparer la blessure. La solitude dans ce cas-là, c’est la solitude de l’irréparable. Il n’y a pas d’amnistie possible sur ce genre de blessure. Je t’ai promis ma parole, mon cœur, et tu l’as méprisé. Comment pourrions-nous faire encore ou penser quelque chose ensemble ? C’est une solitude terrible. Elle n’est pas basée sur le fait qu’on aurait un droit sur l’autre, ce n’est pas le cas, puisqu’on a été nous-même à l’initiative de donner, mais il nous semblait que le don qu’on allait faire était si grand et si précieux, qu’il équivalait pratiquement à nous-même et que refuser ce don c’était nous refuser d’exister.

Frères et sœurs, c’est peut-être quelque chose comme cela qu’il y a dans le cœur de Dieu aujourd’hui quand on célèbre et qu’on fait mémoire de sa Passion. Personnellement, je n’ai jamais pu m’empêcher de penser qu’au moment où Jésus était sur le dos de son âne, j’imagine que cette acclamation devait lui paraître à la fois rocambolesque, fantastique, et en même temps, génératrice en lui d’une terrible solitude. Qu’est-ce qu’ils attendent ? Qu’est-ce qu’ils veulent ? Est-ce qu’ils ont vraiment envie d’attendre quelque chose de moi ? S’ils attendent quelque chose de moi, est-ce que la mesure de leur attente c’est leur propre cœur, ou c’est mon cœur ? En fait, c’est une chose étrange que Dieu ait accepté cette scène un peu d’hystérie collective, et qu’Il ait deviné, qu’Il ait vu dans le cœur de cette foule, d’une certaine manière, toute l’ambiguïté du désir des foules, et qu’Il se soit dit : « Au fond, où est-ce que je vais ? Quel est ce chemin de solitude mystérieuse dans lequel je m’engage ? Apparemment, je suis au milieu d’une foule incroyable et cette foule est polarisée vers moi, elle m’acclame, elle jette ses manteaux à mes pieds, cette foule agite des palmes », comme nous ce matin. Apparemment c’est le bonheur, et pourtant, qu’est-ce que cela veut dire ? Je crois que cette question-là, Il est allé jusqu’au bout, et c’est pourquoi ce matin, nous lisons en même temps l’évangile des Rameaux, et l’évangile de la Passion. Car c’est cela le fil conducteur de la fin de la mort de Jésus. Ce n’est pas simplement les coups et blessures, c’est le fait d’entrer dans cette solitude de Dieu qui veut tout donner, qui n’a pas de mesure à son don, et qui ne rencontre rien, aucun geste de compréhension, d’attention ou de reconnaissance. C’est Dieu qui circule, porteur d’un trésor, à travers une foule et personne n’en veut.

Frères et sœurs, il ne faut pas nous faire d’illusion, aujourd’hui encore, nous sommes cette foule. Ce n’est pas la peine de remettre uniquement le contexte sur l’histoire de ce qui s’est passé il y a deux mille ans. Aujourd’hui encore, même avec nos rameaux, nous sommes traversés par cet Inconnu qui est là au milieu de nous et qui se demande : « Quel est leur désir, qu’attendent-ils de moi ? Ce que je leur propose, est-ce que ce n’est pas à tout moment l’occasion de demi-mesure, malgré une grande bonne volonté, l’occasion d’ajustements, de négociations, de compromis ? Est-ce qu’en fin de compte, je ne me retrouve pas seul comme toujours ? »

La grandeur de Dieu, c’est qu’Il ne peut pas s’enfermer dans la solitude, non seulement parce qu’il est Père, Fils et Esprit Saint, mais surtout, parce que Dieu, dans son cœur, dans son être même, ne peut pas accepter que le don qu’Il a fait, la création, et le don qu’Il veut faire, le salut, ne soit pas vainqueur. Seulement voilà, Il n’a pas trouvé d’autre solution, même Dieu semble avoir une imagination qui a des limites, Il n’a pas trouvé d’autre solution que de passer par cet enfer de la solitude que nous appelons la Passion. A partir de là, Il a ressurgi de la mort, Il a ressurgi de cet abîme de la solitude, et curieusement, à partir de là, il y a quelques témoins, et nous en sommes aussi avec toute l’ambiguïté de notre adhésion, qui ont commencé à dire que Dieu ne s’était pas retiré seul dans l’infini des cieux, mais que grâce à sa solitude, Il avait pu faire entrer les hommes, nous-mêmes et chacun de ceux qui l’entendent, en communion avec Lui. Amen.

 




Dimanche des Rameaux et de la Passion par le Diacre Jacques FOURNIER

 » La Passion révélation de l’Amour de Dieu

pour nous… »

 

En ce temps-là, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres
et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent.
Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? »
Il leur dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : “Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.” »
Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze.
Pendant le repas, il déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. »
Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : « Serait-ce moi, Seigneur ? »
Prenant la parole, il dit : « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer.
Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! »
Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! »
Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. »
Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous,
car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés.
Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Alors Jésus leur dit : « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : ‘Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées.’
Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Prenant la parole, Pierre lui dit : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. »
Jésus lui répondit : « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »
Pierre lui dit : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples dirent de même.
Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. »
Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse.
Il leur dit alors : « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi. »
Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. »
Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ?
Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
De nouveau, il s’éloigna et pria, pour la deuxième fois ; il disait : « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! »
Revenu près des disciples, de nouveau il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil.
Les laissant, de nouveau il s’éloigna et pria pour la troisième fois, en répétant les mêmes paroles.
Alors il revient vers les disciples et leur dit : « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs.
Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »
Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, et avec lui une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple.
Celui qui le livrait leur avait donné un signe : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le. »
Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : « Salut, Rabbi ! » Et il l’embrassa.
Jésus lui dit : « Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.
L’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille.
Alors Jésus lui dit : « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée.
Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges.
Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? »
À ce moment-là, Jésus dit aux foules : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, dans le Temple, j’étais assis en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. »
Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent.
Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens.
Quant à Pierre, il le suivait à distance, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait.
Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort.
Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux,
qui déclarèrent : « Celui-là a dit : “Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.” »
Alors le grand prêtre se leva et lui dit : « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? »
Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu. »
Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. »
Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème !
Quel est votre avis ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort. »
Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups
en disant : « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »
Cependant Pierre était assis dehors dans la cour. Une jeune servante s’approcha de lui et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen ! »
Mais il le nia devant tout le monde et dit : « Je ne sais pas de quoi tu parles. »
Une autre servante le vit sortir en direction du portail et elle dit à ceux qui étaient là : « Celui-ci était avec Jésus, le Nazaréen. »
De nouveau, Pierre le nia en faisant ce serment : « Je ne connais pas cet homme. »
Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit. »
Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta.
Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement.
Le matin venu, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mettre à mort.
Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate, le gouverneur.
Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens.
Il leur dit : « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » Ils répliquèrent : « Que nous importe ? Cela te regarde ! »
Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre.
Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. »
Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers.
Voilà pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang.
Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : ‘Ils ramassèrent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix, le prix fixé par les fils d’Israël,
et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné.’
On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus déclara : « C’est toi-même qui le dis. »
Mais, tandis que les grands prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien.
Alors Pilate lui dit : « Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ? »
Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné.
Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait.
Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas.
Les foules s’étant donc rassemblées, Pilate leur dit : « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus, appelé le Christ ? »
Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on avait livré Jésus.
Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. »
Les grands prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus.
Le gouverneur reprit : « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » Ils répondirent : « Barabbas ! »
Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Jésus appelé le Christ ? » Ils répondirent tous : « Qu’il soit crucifié ! »
Pilate demanda : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Ils criaient encore plus fort : « Qu’il soit crucifié ! »
Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! »
Tout le peuple répondit : « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! »
Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié.
Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde.
Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge.
Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : « Salut, roi des Juifs ! »
Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête.
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.
En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus.
Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire),
ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.
Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ;
et ils restaient là, assis, à le garder.
Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. »
Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.

Les passants l’injuriaient en hochant la tête ;
ils disaient : « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »
De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant :
« Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !
Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : “Je suis Fils de Dieu.” »
Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.
À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure.
Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éli, Éli, lema sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! »
Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire.
Les autres disaient : « Attends ! Nous verrons bien si Élie vient le sauver. »
Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.
Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent.
Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent,
et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens.
À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »
Il y avait là de nombreuses femmes qui observaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir.
Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.
Comme il se faisait tard, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu, lui aussi, disciple de Jésus.
Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna qu’on le lui remette.
Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé,
et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.
Or Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre.
Le lendemain, après le jour de la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate,
en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : “Trois jours après, je ressusciterai.”
Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : “Il est ressuscité d’entre les morts.” Cette dernière imposture serait pire que la première. »
Pilate leur déclara : « Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez ! »
Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du sépulcre en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.                   

             

       

 

            « Jésus n’est ni utopiste ni un doux rêveur. Il est l’incarnation d’un Dieu qui est Amour » écrit Théophile Penndu (« Jésus Sauveur » (DDB)). « Il est crédible car il a aimé jusqu’au bout, il a vaincu la haine.

            La liturgie chrétienne peut ainsi nous parler de « la passion qui nous sauve » car au cours de sa passion, au milieu des pires souffrances, Jésus s’est montré plus fort que toutes les méchancetés ou injustices. Aucune force hostile n’a pu avoir raison de son amour qui va jusqu’à pardonner à ses bourreaux. C’est là surtout que nous pouvons vérifier qu’il est sauveur. Grâce à lui, nous savons que nous sommes aimés même si nous ne le méritons pas. Même si nous le renions, son amour à lui restera fidèle et nous permettra de nous relever. »

            Ainsi lors du dernier repas qu’il partagea avec ses disciples, Jésus dit : « L’un de vous me livrera ». Or, lorsque quelqu’un organisait un repas, il attendait que tous ses invités soient là, puis, il lançait le repas en donnant la première bouchée à celui qu’il considérait en cette occasion comme son invité d’honneur… C’est ce que Jésus fit vis-à-vis de Judas : « Trempant alors la bouchée, il la prit et la donna à Judas » (Jn 13,26). Jésus sait qu’il s’apprête à le trahir, mais par ce geste, il lui dit en silence : « Je t’aime »…

            Cette première bouchée était constituée d’herbes amères (Ex 12,8 ; Nb 9,11), symboles de cette dure servitude à laquelle le Peuple d’Israël fut jadis asservie en Egypte : « Les Israélites, gémissant de leur servitude, crièrent, et leur appel à l’aide monta vers Dieu, du fond de leur servitude… Dieu dit alors à Moïse : « Je suis le Seigneur et je vous soustrairai aux corvées des Égyptiens ; je vous délivrerai de leur servitude et je vous rachèterai à bras étendu et par de grands jugements » » (Ex 2,23 ; 6,6). Ce rituel rappelait donc la libération de cet esclavage… « Et c’est par amour pour vous que le Seigneur vous a fait sortir à main forte et t’a délivré de la maison de servitude, du pouvoir de Pharaon, roi d’Égypte » (Dt 7,8). Prêt à vendre son maître pour « trente pièces d’argent » (Mt 26,15), Judas était pris dans l’esclavage de la convoitise, avec son cortège de ténèbres et de souffrances (Rm 2,9) ? Par son geste et le symbolisme des herbes amères, Jésus lui redit son amour et son désir de le libérer par la Toute Puissance de sa Miséricorde… Et cette attitude ne fléchira pas. « Ami » (Mt 26,50) lui dira-t-il encore en réponse à ce baiser par lequel il le désignait aux soldats… Nul doute que Jésus offrira sa vie aussi pour lui… DJF  




Audience Générale du Mercredi 29 Mars 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 29 Mars 2017


Frères et sœurs, Abraham, notre père dans la foi, est aussi, selon saint Paul, notre père dans l’espérance. En effet, le Dieu qui se révèle à lui est le Dieu qui sauve, qui appelle à la vie, qui nous arrache au désespoir et à la mort. Dans la vie d’Abraham tout est prophétique et le devient pour nous. Dieu a ressuscité Jésus, en sorte que nous puissions passer en lui de la mort à la vie. L’espérance d’Abraham s’enracine dans sa foi : une espérance capable d’aller au-delà de toute espérance, de se manifester là où, humainement, il n’y a plus d’espérance. Nous sommes invités à suivre l’exemple d’Abraham, en faisant confiance, non pas à nos sécurités, à nos raisonnements, à nos propres forces, mais au Dieu de la résurrection et de la vie qui maintient sa promesse à l’heure de l’épreuve et de la mort.

Alors que nous nous préparons à célébrer la mort et la résurrection de Jésus, ayons toujours la ferme espérance de ressusciter un jour avec lui. Que cette espérance nous donne la force de persévérer sur le chemin de notre vie.

Que Dieu vous bénisse.