1

Résurrection du Seigneur (Messe du jour – Jn 20, 1-9) – Homélie du Père Louis DATTIN

PÂQUES

Jn 20, 1-9

Vous venez d’entendre Saint Marc dans l’annonce de la Résurrection du Christ. Pour les premiers qui ont cru à la Résurrection, on peut dire que tout a commencé :

 . avec une question : « Qui nous roulera la pierre ? »

 . avec un constat surprise : le vide du tombeau

 . avec une peur panique qui tourne à la fuite

 . et enfin, avec une annonce étrange qui n’en finit pas de nous provoquer vingt siècles après : « Il est ressuscité ! Il est vivant ! »

Une question, un constat, une peur, une annonce, et c’est à partir de cette expérience et, sur leur parole, que nous aussi, nous osons croire qu’il est ressuscité !

Et d’abord, une question : Marie de Magdala, mère de Jacques et Salomé la formulaient ainsi « Qui nous roulera la pierre ? ».

Nous aussi, nous sommes anxieux. Nous voyons actuellement et nous assistons impuissants à des événements et nous vivons des situations dans lesquelles il nous semble que nous sommes dépassés. Il y a dans cette question un lourd poids d’anxiété :

 – c’est le cri de notre impuissance, lorsque tous les jours, nous apprenons que les hommes se haïssent, qu’ils profanent les biens des autres, le patrimoine de notre création, qu’ils saccagent notre civilisation, qu’ils ne tiennent aucun compte des valeurs auxquelles nous sommes les plus attachés

– c’est le cri de l’impuissance en face de ce mur de pierres tombales derrière lesquelles la mort semble nous enfermer définitivement.

« Qui nous ouvrira ce mur ? Qui sera assez fort pour rouler cette pierre qui nous bouche l’avenir ? » Il n’y a personne actuellement qui soit capable de résoudre la situation. Alors, c’est nous qui sommes roulés (pas la pierre). En voyant ce que nous voyons actuellement, nous nous posons la question : « La vie ne serait-elle pas une farce ? », farce de l’homme bloqué et prisonnier de pierres trop lourdes pour être seulement déplacées, pierres trop lourdes de nos tombeaux d’égoïsme, d’orgueil, de magouilles, de haine, de mensonge.

Qui nous libèrera de tout ce qui pèse actuellement trop lourd dans nos vies ? Qui nous enlèvera ce qui risque de nous enfermer définitivement dans nos tombeaux ? C’est une bonne question, pour le jour de Pâques !

Ensuite arrive une surprise : le tombeau vide. Il était ouvert, ce tombeau, vide !… Ce vide que nous ressentons à certains jours où, sans avoir prié, sans s’être recueilli auparavant, nous avons vécu à l’extérieur de nous-mêmes, où nous avons essayé de le combler par la consommation de gadgets, de choses futiles et superficielles, ce vide que Marx pouvait définir ainsi : « L’homme n’est que du néant en sursis », ce vide que Jean-Paul Sartre pouvait résumer ainsi : « L’homme naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par hasard ».

Et cependant, nous pressentons autre chose : l’homme a un avenir, il a une destinée, sa vie a un sens c’est-à-dire, à la fois, une direction et une signification. Où est la vérité de la vie ? Où est la vérité de l’homme ? Pourquoi est-il sur terre ? Est-il appelé par quelqu’un ? Sommes-nous fruits du hasard donc de l’absurdité, fruit de la nécessité donc de l’esclavage ou fruit d’une liberté proposée à laquelle nous avons à répondre librement ?

Pascal, lui, fait ce constat : « L’homme dépasse l’homme ». L’homme est plus qu’un homme, la vie est plus que la vie, la vérité : plus que ce qu’on peut en connaitre ou en dire. Mais devant ce grand vide : celui de nos espaces, le vide de nos vies, le vide de la mort, nous sommes comme les femmes de l’Evangile après la question et la surprise.

 Après la surprise, la peur : qui d’entre nous, à certains moments de sa vie, il n’y a pas si longtemps peut-être, et encore maintenant, n’a pas connu la peur ?

 . cette peur d’une humanité qui a perdu le sens d’elle-même,

 .  peur de l’homme sans boussole ni sextant, au milieu de l’océan,

 . peur de ces menaces, soit naturelles comme celles d’un cyclone soit humaines comme celles des troubles civils,

 . peur de vivre perdu dans un monde insécurisé où nous ne trouvons pas de réponses à toutes nos questions,

 . peur devant ce qui semble nous dépasser.

Et dans ce contexte-là, avec nos questions, nos constats, nos peurs, voilà qu’encore une fois, nous entendons, comme les femmes d’hier, une annonce étrange, bouleversante et qui ne cesse de nous provoquer « Il est ressuscité ! ». Mais comment y croire ?

Voici l’annonce, annonce provocante ! Est-elle si incroyable ? Celui-là même qui est ressuscité nous a pourtant pris une comparaison toute simple, avant de mourir : « Regardez le grain de blé, il meurt dans la terre et de sa mort, jaillit le fruit qui fait vivre ».

C’est vrai, la vie peut jaillir de la mort, ce n’est pas incroyable puisque c’est inscrit aussi dans la nature. Nous pressentons aussi qu’il y a en nous, quelque chose de plus grand que la mort et même plus grand que la vie… et c’est l’amour : tous les amoureux le savent bien, qui voudraient que leur amour dure toujours, éternellement ! Oui, nous sommes faits pour cela ! Ce père de famille qui, peu de temps avant sa mort, disait à son enfant : « Vois-tu, ce n’est pas mourir qui est dur, c’est de quitter ceux qu’on aime ». Autrement dit : l’amour est plus grand que la mort et l’on peut perdre la vie humaine, mais pas l’amour que nous avons donné, et celui que nous avons reçu.

« L’amour, affirme St-Paul, ne passera jamais ! » et c’est vrai, qu’en ce jour de Pâques, nous pouvons dire avec un grand théologien :

« Il est arrivé quelque chose à la mort depuis que le Christ l’a subie » et c’est l’amour qui a fait cela ! Lorsque, du haut de la croix, Jésus dit : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », il nous révèle que l’amour est plus grand et plus fort que le mal. C’est à nous d’y croire : c’est l’amour qui rend vivants, qui nous fait ressusciter et déjà sur la terre, et déjà dans notre vie “Il est ressuscité !”.

Voulez-vous savoir si vous croyez vraiment que Jésus est ressuscité ? Alors, répondez à 2 questions :

. La 1ère : Avez-vous envie de ressusciter ? Avez-vous envie de ressusciter à une vie qui vaudrait la peine d’être vécue pour toujours, avec les autres, avec le Christ, avec Dieu ? Oui ou non ?

 

. La 2e : Avez-vous envie de ressusciter les autres, c’est-à-dire de leur donner un peu de votre vie, un peu du « meilleur de vous-même », les aider à ressusciter, eux aussi, à leur tour et cela, dès maintenant, parce qu’ils n’ont pas eu leur compte de vie, leur compte de bonheur ?

Jean l’apôtre, un des premiers à avoir cru à la Résurrection de Jésus, a ce mot décisif : « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie lorsque nous aimons nos frères ». Nous croyons vraiment à la Résurrection quand nous nous mettons à aimer nos frères.

Frères et sœurs, c’est dans cette expérience-là : l’amour partagé, le pain partagé (rappelez-vous les compagnons d’Emmaüs) que la Résurrection du Christ ne nous paraîtra ni étrange ni étrangère, « c’est là que le Christ ressuscité nous précède » comme il l’avait annoncé. AMEN

 




Rencontre autour de l’Évangile – Dimanche de Pâques (Messe du jour – Jn 20, 1-9)

« CHRIST EST RESSUSCITE ! »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Jn 20, 1-9)

Le chapitre 20 de l’évangile de Jean est tout entier consacré aux récits des apparitions de Jésus ressuscité. Le chapitre précédent s’est terminé par l’ensevelissement du corps de Jésus, qui s’est fait à la hâte parce que le vendredi soir (première heure du sabbat) la préparation de la Pâque juive allait commencer.

Soulignons les mots importants

Le premier jour de la semaine : Quel est ce jour ? Qu’est-ce qu’il signifie ? Quelle est son importance pour nous ?

Marie de Magdala : la connaissons-nous ? Où était-elle au moment de la crucifixion ? Quelle est la raison de sa présence au tombeau de grand matin ?

La pierre a été enlevée : Le texte ne dit pas par qui. Jean laisse le lecteur en réflexion.

Simon-Pierre et l’autre disciple : Quel a été le comportement de ces deux disciples durant la passion de leur Maître ?

Il voit que le linceul (les linges) est resté là : C’est à dire ?

Jean n’entre pas…Simon Pierre entre : Pourquoi Jean laisse Pierre entrer le premier dans le tombeau ?

Le linge qui avait recouvert la tête roulé à part : comment comprendre ce « roulé à part » ?

Il vit et il crut : Qu’est-ce que « le disciple que Jésus aimait » voit ? Et qu’est-ce qu’il croit ?

Jusque là les disciples n’avaient pas vu… : c’est à dire ?

Ressuscite d’entre les morts. : Pourquoi les disciples n’avaient pas compris le sens de cette expression, alors que la résurrection faisait partie de la foi d’Israël : rappelons-nous la foi de Marthe. ?

 

Pour l’animateur        

  • Le premier jour de la semaine : nous sommes au lendemain du sabbat, (premier jour de la semaine juive). C’est le premier jour des temps nouveaux ! C’est définitivement le Jour de la Résurrection, le Jour du Seigneur (Dies Dominica = dimanche). Le jour où le Ressuscité donne rendez-vous à tous ses disciples. C’est le Jour des Chrétiens.

  • La visite de Marie Madeleine au tombeau est une démarche de tendresse et de piété, une démarche de deuil, (semblable à la présence de Marie sœur de Lazare auprès du tombeau de son frère.)

  • La pierre a été enlevée: Jean préserve le mystère de l’intervention de Dieu qui s’est déroulée sans témoins avant la venue de Marie.

  • Pierre et le disciple que Jésus aimait: Tous les deux sont présents depuis le début de la Passion de Jésus dans une grande proximité avec lui : proximité douloureuse pour Pierre, fidèle pour l’autre disciple.

  • La façon dont les linges sont « restés là», en ordre, atteste que le corps de Jésus n’a pas été volé, mais que Jésus s’en est allé, laissant ses habits dans l’ordre et la place où il les portait. A la différence de Lazare qui sort de son tombeau vêtu, Jésus n’a plus besoin de vêtements, puisqu’il quitte le monde des humains. Son humanité est toute transfigurée en lumière.

  • Dans la découverte de la Résurrection, Pierre et l’autre disciple sont encore ensemble et actifs. Jean est plus empressé, et sa foi plus rapide aussi « il voit et il croit » : Jean fait le passage de ce qu’il voit à la foi en Jésus ressuscité. C’est son expérience pascale. Tandis que Pierre est seulement étonné.

  • Cependant, l’autre disciple laisse Pierre entrer le premier: en tant que chef des Douze, c’est à lui de constater le premier : pour l’Eglise primitive, Pierre devient ainsi un témoin indiscutable. Cela n’empêche que l’autre disciple est le premier à adhérer au Seigneur.

  • Jusque-là les disciples n’avaient pas vu: Les Écritures jusque-là, ne les avaient pas convaincus que Jésus devait triompher de la mort de cette manière.

  • Les croyants d’Israël au temps de Jésus croyaient à la résurrection générale à la fin des temps ; mais il était hors de question que quelqu’un puisse ressusciter « d’entre les morts» avant la fin des temps.

 

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :     

Seigneur Jésus Ressuscité, le premier jour de la semaine, c’est le Jour que tu as fait pour nous, jour d’allégresse et jour de joie ! Fais que notre foi soit comme la foi du disciple que tu aimais, une foi sans hésitation, une foi qui transforme toute notre vie, qui chasse nos peurs et nos doutes. Que la foi de l’Eglise, qui repose sur celle des apôtres, soutienne notre foi.

 

   

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie

Le Christ ressuscité est à l’œuvre dans la vie des hommes :

Savons-nous le reconnaître :

Dans cet homme habituellement dur et égoïste qui se met à agir avec bonté et douceur ?

Dans cette mère de famille qui, submergée par les soucis du ménage et des enfants, rayonne pour tant d’une joie profonde ?

Dans ce jeune qui, dépassant son appétit de plaisir, consacre ses forces à susciter une vraie amitié entre copains ?

Ou dans ce jeune qui, aidé par ses copains, arrive à sortir de la drogue ?

Dans cet incroyant qui étonne par son sens de la justice et son souci des pauvres ?

Dans cette paralysée qui supporte si sereinement son état misérable ?

Dans ce vieillard qui attend la mort avec une calme espérance en l’amour de Dieu ?

…Savons-nous « voir et croire » comme le disciple bien-aimé ?

 

Ensemble prions

Chant : Jésus tu es ressuscité (carnet paroissial  p.206)

Béni sois-tu, Seigneur, Dieu notre Père!

Alors que nous étions morts dans notre péché,

tu nous fais revivre avec le Christ,

avec lui tu nous ressuscites,

avec lui tu nous fais régner dans le ciel.

Nous te prions: donne-nous de vivre désormais non plus comme des étrangers au Royaume, mais comme des familiers de la maison de Dieu. Que toute notre vie de ressuscités annonce l’amour que tu offres à tous les hommes et la joie dont tu veux illuminer leur vie, par ton Fils Jésus Christ, notre vie et notre Résurrection. Amen

 

 

 Pour lire ou imprimer le document en PDF cliquer ici : Pâques 2024

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Dimanche de Pâques (Lc 24,13-35) – Diacre Jacques FOURNIER

« Christ est Ressuscité ! Le crois-tu ? »

Après les évènements de la Passion et de la mort de Jésus, deux disciples quittent Jérusalem pour un village appelé Emmaüs, distant d’environ une douzaine de kilomètres. Ils sont « tout tristes ». Mais le Christ Ressuscité les rejoint, et il entame la conversation avec eux… C’est bien lui, mais dans une condition « tout autre », insaisissable par nos seuls sens corporels. Pour le reconnaître, il faut un regard de foi, un regard du cœur…

Pour l’instant, ce n’est pas le cas… Ils ont pourtant bien entendu le témoignage des « femmes de leur groupe » qui les « ont remplis de stupeur. Dès l’aurore, elles sont en effet allées au tombeau et elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont ensuite venues leur dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant ». Mais ils ne les ont pas crues… Les Apôtres eux aussi avaient trouvé leurs propos « délirants » !

« Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau », lui disent-ils, « et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Et comme eux, ils n’ont toujours pas cru…

Le Christ « leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait ». Et pendant qu’il leur parlait, l’Esprit Saint, « l’Esprit de Vérité, lui rendait témoignage » (Jn 16,26), en communiquant à leur cœur un « quelque chose » propre à Dieu, un « quelque chose » de l’ordre de sa Vie, de sa Paix, de son Amour (1Jn 5)… Plus tard, ils s’en souviendront en disant : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »

            Mais pour l’instant, s’ils vivent bien ce « quelque chose », ils ne le comprennent pas encore… Et pourtant quel bonheur d’être avec lui… Aussi, quand Jésus fit mine d’aller plus loin, ils le supplièrent : « Reste avec nous, le soir tombe »… Jésus n’attendait que cela… Comme lors de son dernier repas, juste avant sa Passion, « il prit le pain, prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. » Cette fois, « leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards ». Qu’importe ! Ils ont reconnu l’impensable : Christ est Ressuscité, il est avec eux jusqu’à la fin du monde. Et leur regard de foi, leur regard du cœur, désormais bien ouvert, saura reconnaître dorénavant sa Présence à leurs côtés, bien au delà des seules apparences…

                                                                        D. Jacques Fournier




Groupes Cycle Long « Saint Denis » (03/2024)

Samedi 16 mars…

Dimanche 17 mars…

Temps de Carrefour

L’équipe de Service…




Conférence Carême 2024 : « Le Notre Père, prière d’espérance » par Fr. Manuel Rivero O.P.

Cathédrale de Saint-Denis/ La Réunion, le 20 mars 2024.

 

Le « Notre Père », prière d’espérance. Pourquoi ? Parce que c’est la prière du désir profond de l’homme.

Saint Thomas d’Aquin (+1274) souligne les trois questions fondamentales de l’existence humaine : qu’est-ce que je dois croire ? ; qu’est-ce que je dois faire ? qu’est-ce que je dois désirer ? Le Credo nous révèle ce que nous avons à croire ; la Loi d’amour de Dieu et du prochain comme de soi-même nous indique ce que nous devons faire et le Notre Père nous éclaire sur ce que pouvons désirer : désirer que le Nom de Dieu soit sanctifié, que son Règne vienne et que la volonté de Dieu se fasse partout sur la terre comme elle est accomplie au Ciel chez les saints. Nous demandons aussi ardemment que le pain quotidien de la Parole de Dieu et de l’eucharistie nous soit accordé sans oublier évidemment la nourriture tout court nécessaire à la survie de notre corps ; nous désirons le pardon et la délivrance du mal et du Malin.

Tout d’abord, le Notre  Père est une prière qui jaillit du fond de l’âme par la grâce de l’Esprit : « Il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais une eau vive qui murmure et dit en moi : « Viens vers le Père », s’écriait saint Ignace d’Antioche (+115) à l’approche du martyre.

La prière vient de Dieu. Dieu est le premier à prier parce que la prière est un dialogue d’amour et de sagesse. Notre Dieu n’est pas solitaire mais dialogue, échange entre le Père et le Fils dans la communion de l’Esprit Saint.

Prier ne veut pas dire réciter des formules mais entrer dans la prière du Fils au Père grâce à l’action de l’Esprit Saint. Saint Paul le précise à deux reprises dans ses lettres aux Galates et aux Romains : « Vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : « Abba ! Père ! » (Rm 8, 15) ; « La preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie :  « Abba, Père !»   (Ga 4,6).

L’Esprit Saint, le Maître intérieur, éveille la prière et il conduit au Fils de Dieu, Jésus-Christ, dans une attitude filiale.

Jésus lui-même nous a enseigné à prier le Notre Père en réponse à la demande des disciples qui jalousaient les prières transmises par Jean le Baptiste :  « Apprends-nous à prier comme Jean le Baptiste le fait envers ses disciples » (Lc 11, 2-4). Et ce jour-là, Jésus prononça le Notre Père qui dans l’évangile selon saint Luc comporte quatre demandes et dans celui de saint Matthieu sept demandes (cf. Mt 6, 9-13). C’est cette dernière version qui a été retenue par la liturgie chrétienne.

Jésus nous enseigne la fécondité de la prière : « Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on ouvrira » (Lc 11, 9-10).

En réponse aux demandes, « Dieu le Père donne l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient » ( Lc 11,13). Prier c’est demander Dieu à Dieu. La prière est ainsi toujours féconde car par elle le Père répand l’Esprit de son Fils dans nos cœurs.

La prière du chrétien devient « gémissement  ineffable » (Rm 8, 22) de l’Esprit Saint lui-même en l’humanité « en travail d’enfantement ».

S’il est vrai que l’homme plaide pour sa cause auprès de Dieu, c’est surtout Jésus, notre avocat, qui intercède pour nous (cf. 1 Jn 2, 1). L’Esprit Saint, consolateur, intercède aussi pour les croyants. La Vierge Marie, modèle de prière, est appelée « Advocata nostra », « notre avocate », dans le Salve Regina.

Dieu demeure le premier et le principal protagoniste de notre prière. Et  les saints veillent aussi sur nous dans la prière.

La prière nourrit l’espérance en Dieu. Le Seigneur a agi en libérateur hier dans l’histoire et il agira demain et aujourd’hui. Dans l’aujourd’hui de Dieu vécu dans la prière, l’Église affermit son espérance en Dieu fidèle.

Le but de la prière est l’acquisition du Saint Esprit. Prière de désir : « Viens, Esprit Saint, emplis les cœurs de tes fidèles, et allume en eux le feu de ton amour » (Séquence de Pentecôte).

Nous comprenons sans peine que certains manuscrits anciens du Notre Père en grec aient mis à la place de la demande « Que ton Règne vienne » : « Fais venir ton Esprit Saint sur nous, et qu’il nous purifie », probablement sous l’influence d’une liturgie baptismale.

L’Esprit Saint reçu dans la prière devient la vie de Dieu au cœur de la liturgie sacramentelle, de la prière familiale et de la prière personnelle. Tertullien (+240) voyait dans le Notre Père le résumé de tout l’Évangile. Prière brève et parfaite qui nourrit l’espérance au milieu des combats spirituels contre le découragement et les tromperies du Tentateur. Le Notre Père est aussi appelé l’« oraison dominicale », c’est-à-dire « la prière du Seigneur », enseignée et donnée par Jésus lui-même, notre Seigneur. C’est aussi la prière des assemblées chrétiennes qui traditionnellement priaient trois fois par jour le Notre Père à la place de la prière de « Dix-huit bénédictions » de la spiritualité juive.

Le Notre Père éduque et oriente les désirs de l’homme : « Vous demandez et ne recevez pas parce que vous demandez mal, afin de dépenser pour vos passions », écrit l’apôtre saint Jacques (Jc 4, 2-3). Dans le Notre Père, le fidèle demande l’accomplissement de la volonté de Dieu en lui et cette volonté n’est rien d’autre que l’amour fraternel : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34), demande Jésus à la dernière Cène.

Abordons maintenant phrase par phrase le Notre Père.

« Notre Père », disons-nous et non pas « mon Père », car nous prions pour toute l’Église et pour l’humanité,  prière universelle, catholique. Prière qui nous met en mouvement dans la montée de l’Église vers Dieu. Prière d’espérance dans l’attente de la rencontre avec le Christ lors de l’achèvement de l’histoire humaine. Le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse, finit dans le désir et l’espérance  : « Viens Seigneur Jésus », « Marana tha » (Ap 22,20).

« Père »

Jésus a prié son Père en l’appelant « Papa », « Abba », en sa langue maternelle, l’araméen. Le Notre Père nous introduit dans le moi profond de Jésus, son moi filial, révélé dans la prière sacerdotale au chapitre 17è de l’Évangile selon saint Jean : « Père, l’heure est venue ». C’est pourquoi le Notre Père commence dans l’adoration de Dieu plutôt que dans la prière de demande. Prière de bénédiction aussi en communion avec la prière de Jésus : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre » (Mt 11, 25). Jésus se réjouit de la révélation faite aux pauvres et aux petits tandis que les forts et les intelligents de ce monde sont restés enfermés dans leur rêve de toute-puissance. Le Notre Père nous révèle aussi à nous-mêmes en tant que fils de Dieu et frères et sœurs de Jésus, notre frère aîné.

Quand nous disons « Notre Père » nous ne pensons pas uniquement au Père créateur, source de vie, mais au Père de Jésus, qui devient notre Père comme le Ressuscité de Pâques l’a révélé à Marie Madeleine dans le jardin de Jérusalem : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père » (Jn 20,17).

« Qui es aux cieux »

Il ne s’agit pas d’un lieu mais de la majesté de Dieu qui est partout et au-delà de tout.

Les Pères de l’Église voient aussi dans le mot « cieux » la présence de Dieu dans les saints glorifiés dans la demeure céleste.

Nous trouvons dans cette prière sept demandes. Les trois premières nous tournent vers la Gloire de Dieu : « ton Nom », « ton Règne », « ta volonté ». Elles nous font partager le désir ardent de Jésus voire son angoisse comme à Gethsémani : « Que ton Nom soit sanctifié » ; « que ton Règne vienne » ; « que ta volonté soit faite ». Prières d’espérance en son accomplissement final. Le Notre Père est prié entre le « déjà là » et le « pas encore ». Jésus a déjà sauvé et sanctifié l’humanité mais pas encore dans sa plénitude qui se réalisera quand Dieu sera « tout en tous » (1 Cor 15, 28).

Les quatre autres demandes concernent le temps présent : « donne-nous » ; « pardonne-nous » ; « délivre-nous ».

« Que ton nom soit sanctifié »

Dans la Bible le nom désigne la personne. Dieu est saint. Seul Dieu est saint.

Que voulons-nous dire alors par « sanctifier le Nom de Dieu » ? Dieu saint sanctifie. Nous le sanctifions quand nous le célébrons comme Dieu saint dans la prière et la charité.

Nous sanctifions le Nom de Dieu quand nous le prions et chaque fois que nous en témoignons par le pardon, l’amour fraternel et le travail bien fait au service du bien commun.

Nous le sanctifions aussi par la transmission de l’Évangile dans la prière en famille, « église domestique », par la catéchèse et la prédication.

 

« Que ton Règne vienne »

Le Règne de Dieu n’est rien d’autre que Dieu lui-même présent en son Église, Corps du Christ.

C’est l’Esprit Saint qui fait advenir le Règne de Dieu. Comme nous le prions dans la prière eucharistique IV, c’est lui « qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification ».

Saint Paul révèle le Règne de Dieu qui est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14, 17).

Les amoureux disent « viens ». L’Église, Épouse du Christ, dit « viens ». L’anamnèse à la suite de la consécration lors de la célébration eucharistique manifeste l’attente de l’Eglise qui désire dans l’espérance le retour du Seigneur Jésus en gloire : « Quand nous mangeons ce Pain et buvons à cette Coupe, nous annonçons ta mort, Seigneur ressuscité, et nous attendons que tu viennes ».

 

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »

« Si quelqu’un fait la volonté de Dieu, celui-là Dieu l’exauce », enseigne Jésus (Jn 9,31). Quelle est cette volonté divine pour chacun de nous ? Il s’agit de croire en Jésus, l’Envoyé du Père, et de nous aimer comme il nous aime. L’accomplissement de la volonté divine dans la foi et l’amour est bien la condition sine qua non pour que notre prière devienne féconde par l’action de l’Esprit Saint.

Cette demande du Notre Père concerne chaque chrétien et toute la terre, car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité » (1 Tim 2,4).

C’est à Gethsémani, la veille de sa Passion, que Jésus a prié dans l’effroi et l’angoisse : « Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). La coupe représente la communion du Père et du Fils dans le projet du salut de l’humanité par le sacrifice de la Croix, acte suprême d’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime » (Jn 15,13).

Lors des mariages, les conjoints boivent à la même coupe en signe d’union des volontés et de partage de la même destinée.

Maître Eckhart, grand mystique dominicain de l’École rhénane à la fin du XIIIè siècle, a commenté de manière lumineuse l’obéissance de Jésus comme fondement de l’obéissance des chrétiens dans l’accomplissement de la volonté de Dieu[1]. Dans des conférences données aux frères novices dominicains en Allemagne, Maître Eckhart montre comment Dieu entre dans l’âme des fidèles qui renoncent à faire leur volonté propre, à leur ego dominateur : « Là où je ne veux rien pour moi, Dieu veut pour moi ».

Nombreux sont ceux qui cherchent et demandent des prières efficaces, des neuvaines magiques faites à des saints influents dans la Cour céleste. Maître Eckhart tranche ce débat en montrant que l’efficacité de la prière ne relève pas des formules employées mais de l’esprit qui renonce à son amour propre : « Plus l’esprit humain est renoncé, plus la prière et l’œuvre sont fortes, dignes, utiles, louables et parfaites ».

C’est pourquoi le premier mot de l’aventure spirituelle est « quitte ». Abraham a quitté son pays ; le jeune de l’Évangile qui a eu peur de quitter ses biens a sombré dans la tristesse, mais surtout il s’agit de se quitter soi-même. C’est en se quittant soi-même que l’homme reçoit la paix. Il serait vain d’aller dans un ermitage ou au désert à la recherche de la paix intérieure tout en voulant faire sa propre volonté. La première des béatitudes, fondement de toutes les autres, part de la pauvreté d’esprit (Mt 5,3). Pour suivre Jésus, il faut se quitter soi-même (Mt 16,24).

La Vierge Marie brille comme modèle de foi. À l’Annonciation, elle se remet à la volonté de Dieu. Marie ne dit pas « je ferai ceci ou cela », mais elle répond au message de l’ange Gabriel : « Qu’il me soit fait selon ta parole », c’est-à-dire que la volonté de Dieu s’accomplisse en moi. Et Maître Eckhart de commenter : « Aussitôt que Marie eut abandonné sa volonté, elle devint la vraie mère du Verbe éternel et elle conçut Dieu immédiatement « (Lc 1,26s). « Plus nous nous appartenons, moins nous appartenons à Dieu », enseigne le mystique dominicain. A contrario, pour ceux qui cherchent à faire la volonté de Dieu, Dieu fait tout concourir à leur bien (Rm 8,28). Et saint Augustin d’ajouter à la lumière de son expérience de la miséricorde divine : « Oui, même le péché ». Même le péché peut rapprocher de Dieu si le pécheur demande pardon dans la joie d’être sauvé.

Dieu ne vole personne. Dieu donne et il se donne ; mais il ne se donne qu’à ceux qui font sa volonté de foi et d’amour. Dans ses entretiens aux novices dominicains, Maître Eckhart déclare : « L’homme doit apprendre en tous les dons à se désapproprier de lui-même, et à ne rien garder en propre, ni rien chercher, ni utilité, ni plaisir, ni intimité, ni douceur, ni récompense, ni royaume des cieux, ni volonté propre. Dieu ne s’est jamais donné et il ne se donne jamais dans un vouloir qui lui soit étranger. Il ne se donne qu’à sa propre volonté. (…) Plus nous nous désincorporons de nous-mêmes, plus véritablement nous nous incorporons en lui ».

Saint Paul a célébré ce mystère du renoncement de Jésus dans son Épître aux Philippiens (Ph 2,6s). Jésus, de condition divine, s’est dépouillé de sa gloire et il s’est humilié, obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix. Maître Eckhart prend l’exemple du puits pour relier profondeur et hauteur, humilité et élévation : « Plus profond est le puits, plus haut est-il ; hauteur et profondeur, c’est un tout un ».

L’homme dépouillé trouve Dieu en toute chose et voit toute chose à la lumière de Dieu ; c’est dans cette attitude que réside la paix de l’âme : « Autant tu es en Dieu, autant tu es en paix, et autant tu es loin de Dieu, autant tu es loin de la paix » (Maître Eckhart ».

Ayant découvert la grâce de la paix intérieure, don de Dieu, Maître Eckhart ose écrire dans la lumière du renoncement de Jésus en sa Passion : « Ne te plains en rien, plains-toi seulement de ce que tu te plains encore et ne trouve pas ton contentement ». Il ne s’agit pas de dire « amen » à tout et à n’importe quoi, dans de s’unir à Jésus dans le renoncement à la volonté propre et de recevoir la gloire de la résurrection, au moment voulu par le Père.

 

« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »

Dans sa règle, saint Benoît demande aux moines de prier et de travailler : « Ora et labora ».

Nous demandons à Dieu le pain quotidien et la force pour travailler. « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus », écrit saint Paul aux chrétiens de Thessalonique (2 Th 3,10).

L’ouvrier aussi bien que le chef d’entreprise ont besoin de l’aide de Dieu pour vivre aujourd’hui.

Nous demandons aussi à Dieu le Pain de Vie, la Parole de Dieu, et le Corps du Christ reçu dans l’Eucharistie.

 

« Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés »

Dans le Notre Père, nous confessons dans l’espérance la miséricorde de Dieu et notre misère.

Nous serions bien ingrats et indignes si après avoir reçu le pardon de Dieu nous refusions ce même pardon à ceux qui nous ont fait du mal.

Jésus a pardonné même à ses ennemis qui l’ont cloué à la croix. Dieu nous demande de l’imiter.

Gardons dans notre cœur ce mot-clé de notre foi « comme ». Ce mot apporte l’identité et l’originalité de la foi chrétienne : aimer comme Jésus aime, être miséricordieux comme le Père est miséricordieux. Loin d’être une idée ou un idéal, la conjonction « comme » nous connecte à l’amour du Christ et dans le Christ au Père pour aimer et pardonner par la grâce de l’Esprit Saint.

 

« Ne nous laisse pas entrer en tentation »

Il nous arrive d’aimer et de chercher les tentations.

Nous demandons à Dieu de ne pas nous laisser emprunter la route du péché.

Dieu ne tente personne. Nous sommes tentés par notre propre convoitise (cf. Jc 1,14) qui nous pousse à posséder des biens et à manipuler les autres.

 

« Mais délivre-nous du mal »

Dans sa prière sacerdotale, que chapitre 17è de l’évangile selon saint Jean, Jésus prie : « Père, je ne te prie pas de les retirer du monde mais de les garder du Mauvais ».

Le démon existe. Nous pouvons discerner ses agissements au quotidien. Sa spécialité est de créer la division et l’embrouille, en montant les uns contre les autres au nom de grands principes de sa justice à lui. Le diable se déguise souvent en avocat, il offre ses services soi-disant pour nous aider, en réalité, le diable par ses séductions conduit toujours au malheur.

L’embolisme de la messe nous fait prier en communauté ecclésiale pour être délivrés du Mauvais : « Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps ; par ta miséricorde, libère-nous du péché, rassure-nous devant les épreuves en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ, notre Sauveur ».

 

La doxologie finale

La liturgie chrétienne se plaît à couronner le Notre Père par une doxologie où les fidèles glorifient et adorent Dieu vainqueur du prince de ce monde : « Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles des siècles. Amen ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Le père Festugière a traduit les enseignements donnés aux frères novices par Maître Eckhart sur l’obéissance : Discours sur le discernement, Arfuyen éditeur. 2003 ; traduction publiée auparavant dans La Vie spirituelle, 1982-1983.

 




Audience Générale du Mercredi 20 Mars 2024

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 20 Mars 2024


Catéchèse – Les vices et les vertus – 12. La prudence

Chers frères et sœurs, bonjour !

La catéchèse d’aujourd’hui est consacrée à la vertu de la prudence. Avec la justice, la force d’âme et la tempérance, elle forme ce que l’on appelle les vertus cardinales, qui ne sont pas l’apanage des chrétiens, mais appartiennent au patrimoine de la sagesse antique, en particulier des philosophes grecs. C’est pourquoi l’un des thèmes les plus intéressants du travail de rencontre et d’inculturation fut précisément celui des vertus.

Dans les écrits médiévaux, la présentation des vertus n’est pas une simple énumération des qualités positives de l’âme. Reprenant les auteurs classiques à la lumière de la révélation chrétienne, les théologiens ont imaginé le septénaire des vertus – les trois théologales et les quatre cardinales – comme une sorte d’organisme vivant, où chaque vertu a un espace harmonieux à occuper. Il y a des vertus essentielles et des vertus accessoires, comme des piliers, des colonnes et des chapiteaux. Ici, rien de tel peut-être que l’architecture d’une cathédrale médiévale pour restituer l’idée de l’harmonie qui existe dans l’homme et de son attrait perpétuel vers le bien.

Commençons donc par la prudence. Ce n’est pas la vertu de la personne craintive, toujours hésitante quant à l’action à entreprendre. Non, c’est une interprétation erronée. Il ne s’agit pas non plus de la simple prudence. Accorder la primauté à la prudence signifie que l’action de l’homme est entre les mains de son intelligence et de sa liberté. La personne prudente est créative : elle raisonne, évalue, cherche à comprendre la complexité de la réalité et ne se laisse pas submerger par les émotions, la paresse, les pressions, les illusions.

Dans un monde dominé par les apparences, les pensées superficielles et la banalité du bien et du mal, l’antique leçon de prudence mérite d’être retrouvée.

Saint Thomas, dans le sillage d’Aristote, l’appelait « recta ratio agibilium ». C’est la capacité de gouverner les actions pour les orienter vers le bien, d’où son surnom de « cocher des vertus ». Prudent est celui ou celle qui sait choisir : tant qu’elle reste dans les livres, la vie est toujours facile, mais au milieu des vents et des vagues de la vie quotidienne, c’est une autre affaire, nous sommes souvent incertains et ne savons pas quelle direction prendre. Celui qui est prudent ne choisit pas au hasard : il sait d’abord ce qu’il veut, puis il réfléchit aux situations, se fait conseiller et, avec une vision large et une liberté intérieure, il choisit la voie à suivre. Certes, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas faire d’erreurs, après tout nous restons des êtres humains, mais au moins il évitera les dérapages majeurs. Malheureusement, dans tous les milieux, il y a ceux qui ont tendance à écarter les problèmes par des plaisanteries superficielles ou à toujours susciter la controverse. La prudence, en revanche, est la qualité de qui est appelé à gouverner : il sait qu’administrer est difficile, qu’il y a de nombreux points de vue et qu’il faut essayer de les harmoniser, qu’il faut faire le bien non pas de quelques-uns mais de tous.

La prudence enseigne aussi que, comme on dit,  » le mieux est l’ennemi du bien « . Trop de zèle, en effet, dans certaines situations, peut provoquer du désastre : peut ruiner une construction qui aurait nécessité de la méthode ; peut générer des conflits et des incompréhensions ; peut même déclencher des violences.

La personne prudente sait conserver la mémoire du passé, non pas parce qu’elle a peur de l’avenir, mais parce qu’elle sait que la tradition est un patrimoine de sagesse. La vie est faite d’un chevauchement constant de choses anciennes et de choses nouvelles, et il n’est pas bon de toujours penser que le monde commence avec nous, que nous devons aborder les problèmes en partant de zéro.  La personne prudente est également prévoyante. Une fois que l’on a décidé du but à atteindre, il faut se donner tous les moyens d’y parvenir.

De nombreux passages de l’Évangile nous aident à éduquer la prudence. Par exemple : est prudent celui qui bâtit sa maison sur le roc et imprudent celui qui la bâtit sur le sable (cf. Mt 7, 24-27). Sages sont les jeunes filles qui portent de l’huile pour leurs lampes et folles celles qui n’en portent pas (cf. Mt 25, 1-13). La vie chrétienne est une combinaison de simplicité et de discernement. Préparant ses disciples à la mission, Jésus leur recommande : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc prudents comme les serpents et simples comme les colombes » (Mt 10,16). Comme pour dire que Dieu ne veut pas seulement que nous soyons des saints, il veut que nous soyons des saints intelligents, parce que sans la prudence, c’est facile de s’égarer !

* * *

Je salue cordialement les personnes de langue française, particulièrement les jeunes provenant des établissements scolaires de France et leurs accompagnateurs.

Frères et sœurs, à l’école de saint Joseph, que nous venons de fêter, apprenons à redécouvrir les vertus de courage et de prudence afin d’accomplir efficacement notre mission de baptisés dans notre société actuelle.

Que Dieu vous bénisse !





Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur (Mc 14 ,21) par D. Alexandre ROGALA (M.E.P.)

« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur » (Ph 2, 6-7)

Ce verset de la deuxième lecture résume très bien la logique de ce dimanche des rameaux. Nous avons commencé par entendre le récit de l’entrée de Jésus à Jérusalem qui est accueilli comme l’envoyé de Dieu par les paroles du Psaume 118 (LXX) : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !  Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mc 11, 9-10).  Mais Jésus « ne retint pas », ou plutôt « ne se considéra pas » d’un rang d’égalité avec Dieu. Il n’a pas cherché la gloire des hommes, mais il a pris la « condition de serviteur » ; ou pour être plus proche du texte grec, Jésus s’est fait « esclave ». Cela se vérifie dans le récit de la Passion que nous venons d’entendre car la crucifixion est précisément le châtiment réservé aux esclaves et aux étrangers. La crucifixion avait pour but d’exclure le condamné de la communauté civique, et de faire comprendre à ses proches que le condamné à mort se situait en dehors de tout espace civilisationnel. Bref, la crucifixion était l’humiliation ultime.

Lorsque j’étais petit et que j’allais à la messe des rameaux, même si je savais pertinemment comment se terminait le récit de la Passion, j’espérais à chaque fois que les choses se passeraient autrement pour Jésus. J’avais envie de dire à Jésus : « défends-toi ! Ne te laisse pas faire ! Pilate est prêt à te relâcher. Tout n’est pas obligé de se terminer comme ça. »  Mais chaque année c’était la même chose : Jésus mourrait sur la Croix.

Jésus devait-il mourir de cette manière ignoble ? N’y avait-il pas d’autres solutions pour nous sauver ? Nous ne pouvons pas le savoir ici-bas. Ce qu’il est possible d’observer, c’est que les quatre évangélistes sont d’accord sur le fait que Jésus a choisi de se laisser condamner à mort.

Il est aussi quasiment certain que Jésus ait eu une meilleure compréhension de sa mission en lisant les Écritures. D’ailleurs au début du récit de la Passion que nous avons entendu, lors de son dernier repas, Jésus dit aux disciples :

« Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet » (Mc 14, 21)

Parmi les textes bibliques que Jésus lisait régulièrement, nous pouvons supposer il y avait le Livre du prophète Isaïe. Dans ce livre, à de nombreux endroits, il est question d’un mystérieux personnage : le « Serviteur du Seigneur », et il semblerait que Jésus ait compris sa mission comme un ministère de service. D’ailleurs, rappelons-nous qu’après avoir annoncé sa Passion pour la troisième fois, Jésus avait déclaré que « le Fils de l’homme n’était pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (cf. Mc 10, 45).

Nous ignorons à qui pensait exactement le prophète Isaïe lorsqu’il parlait du « serviteur du Seigneur », mais il semblerait qu’en lisant certains de ces textes d’Isaïe dans lesquels il est question du « serviteur du Seigneur », Jésus ait su que ces textes parlaient de lui.

La première lecture que nous avons entendue (Is 50, 4-7), fait partie d’un ensemble de quatre textes poétiques consacrés à ce fameux serviteur. Et si nous lisons ces quatre poèmes les uns après les autres, nous sommes frappés par la ressemblance de ce serviteur et de notre Seigneur Jésus.

Dans le premier de ces poèmes au chapitre 42, Isaïe annonce que le Seigneur va faire surgir un homme, un « serviteur » sur qui repose « l’esprit du Seigneur », et qui va œuvrer au plan de Dieu. Par la plume d’Isaïe, Dieu parle ainsi de son serviteur : « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations » (Is 42, 6).

Le « serviteur du Seigneur » est établi « alliance du peuple et lumière des nations ». Ce n’est donc pas un hasard, si Jésus lors de son dernier repas parle du « sang de l’Alliance versé pour la multitude » quand il prononce la parole sur la coupe (cf. Mc 14, 24). Le serviteur du Seigneur est partenaire et médiateur d’une alliance qui n’est pas limité à Israël, mais qui a une dimension universelle.

Dans ce premier poème (Is 42, 1-9), le serviteur fait preuve de courage et de persévérance dans sa mission : « Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il proclamera le droit en vérité.  Il ne faiblira pas, il ne fléchira pas, jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et que les îles lointaines aspirent à recevoir ses lois » (Is 42, 3-4).

Dans le second poème (Is 40, 1-9a), la prédication du « serviteur » a échoué, et il exprime un certain découragement : « Et moi, je disais : « Je me suis fatigué pour rien, c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces. » Et pourtant, mon droit subsistait auprès du Seigneur, ma récompense, auprès de mon Dieu » (Is 49, 4).

Nous pouvons ici penser au ministère public de Jésus. Malgré sa prédication accompagnée de signes extraordinaires, ses contemporains l’ont rejeté. Dans le jardin de Gethsémanie, il est possible que Jésus ait pu se décourager et se dire « à quoi bon aller jusqu’au bout ? Les autorités religieuses du pays veulent m’éliminer, mes disciples vont m’abandonner, Pierre va me renier, Judas m’a trahi… ». Pourtant, Jésus, comme le « serviteur » dont parle Isaïe, va aller jusqu’au bout de sa mission.

Le troisième poème (Is 50, 4-9a) est celui que nous avons entendu en première lecture, et il parle des persécutions que subit le « serviteur du Seigneur ». Le rapprochement avec la Passion de Jésus est évident : « je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe » (Is 50, 5-6). Jésus non plus lorsqu’il aurait pu potentiellement s’en sortir lors de son interrogatoire par Pilate par exemple, a choisi librement d’aller jusqu’au bout de sa mission.

Enfin, le dernier chant (Is 52, 13-53, 12) raconte la souffrance extrême du « serviteur du Seigneur » et sa mort : « Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris » (Is 53, 3-5).

Néanmoins, ce dernier poème ne s’arrête pas à la mort du serviteur, puisqu’à la fin du poème le « serviteur » est exalté : « Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. C’est pourquoi, parmi les grands, je lui donnerai sa part, avec les puissants il partagera le butin » (Is 53, 11-12).

Ces poèmes du serviteur dont nous avons lu quelques extraits, faisaient sans doute partie des passages de la Sainte Écriture que Jésus a lu et médité quand il a commencé à rencontrer de l’opposition dans son ministère public, dans la mesure où ces « chants du serviteurs » donnaient du sens aux épreuves qu’il rencontrait, et à sa mise à mort qui devenait de plus en plus certaine au fil des jours. Ces textes du prophète Isaïe ont aussi donné à Jésus le courage d’aller jusqu’au bout de sa mission, en confirmant que malgré les apparences, sa mort ne signifiait pas l’échec définitif de sa mission.

Nous avons maintenant quelques éléments permettant de comprendre la raison pour laquelle, Jésus a accepté de donner sa vie sur la croix. Le premier poème du serviteur nous rappelle le ministère public de Jésus. Il proclamait que le Règne de Dieu s’était approché, il appelait à la conversion et en pardonnant les péchés, Jésus manifestait que l’Alliance annoncée par les prophètes (Jr 31 ; Ez 36…) avait été conclue par sa personne. Malheureusement, la Parole n’a pas été reçue par ses contemporains. À la lumière des deuxièmes et troisièmes chants du serviteur, Jésus a trouvé le courage de poursuivre sa mission, et le quatrième chant du serviteur lui a donné le sens de sa mort à venir.

En acceptant de mourir, l’alliance définitive entre Dieu et l’humanité que Jésus n’avait cessé d’annoncer pendant son ministère public restait possible…même après sa mort. En mourant sans se rebeller, Jésus permettait que les hommes adhèrent à sa prédication après sa mort.

Au contraire, si comme je l’espérais quand j’étais petit en entendant le récit de la Passion, Jésus n’avait pas accepté la mort, s’il s’était révolté et avait arrêté de prêcher à ses contemporains indignes, il aurait certes, échappé à la mort, mais il aurait en même temps, révoqué l’offre d’alliance que Dieu faisait à l’humanité, puisque comme nous l’avons vu, c’est lui que Dieu avait choisi pour être partenaire et médiateur de cette alliance.

Chers frères et sœurs, rendons grâce à Dieu le Père de nous avoir donné un tel sauveur, et redisons-lui dans notre cœur, notre désir d’entrer dans cette alliance avec lui ; alliance pour laquelle Jésus s’est battu jusqu’à la Croix. Amen !




Dimanche des rameaux et de la Passion Carême (Mc 11, 1-10) – par Francis COUSIN

« Image d’Évangile, vivant d’humilité,

il se rendait utile auprès du cantonnier. »

 

En relisant l’évangile des rameaux, j’ai repensé à ce chant de Hugues Auffray, dont les anciens se souviennent sans doute, et qui a fait les beaux jours des colonies de vacances et des camps scouts : ‘Le petit âne gris’, et surtout cette phrase ci-dessus qu’on n’a pas l’habitude d’entendre chez les chanteurs de variété …

C’est vrai que faire une chanson sur un âne, ce n’est pas courant non plus … l’âne a plutôt mauvaise presse : on le dit têtu, désobéissant …

Mais ici, ‘le petit âne gris’ est sympathique, serviable (il se met au service d’un cantonnier, un personnage que l’on regarde un peu de haut … ) et humble, à l’image de Jésus qui va envoyer deux de ses disciples en avant, au prochain village, pour en ramener un jeune âne « sur lequel personne ne s’est encore assis, » afin qu’il fasse son entrée à Jérusalem.

Un homme humble assis sur une monture humble

Jésus veut entrer dans Jérusalem, non pas comme on le faisait au temps des rois : « Alors des rois siégeant sur le trône de David entreront par les portes de cette maison, montés sur un char attelé de plusieurs chevaux, chacun avec ses serviteurs et son peuple. » (Jr 22,4), mais selon la prophétie de Zacharie : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. » (Za 9,9).

C’est ainsi que Jésus entre à Jérusalem, sur un ânon, avec tous ses disciples, ceux d’avant qui le suivent depuis longtemps, depuis la Galilée, … et puis ceux qui rejoignent le cortège, attirés par les chants : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur … hosanna au plus haut des cieux ! » en agitant des branchages …

Il y avait foule pour accueillir le « Roi des cieux » …

Mais cela ne durera pas longtemps …

Il faut dire que Jésus n’a pas fait dans le demi-mesure : dès le lendemain il va dans le temple et saccage les étals des changeurs et des marchands d’animaux …

Déjà qu’il n’était pas le bienvenu chez les scribes, les pharisiens, les grands prêtres et autres lévites …

Cela n’a fait qu’empirer chaque jour jusqu’à ce que Judas décide de livrer Jésus aux grands prêtres, le soir du jeudi saint …

Après, cela a dérapé.

À Gethsémani, tous les disciples s’endorment alors que Jésus leur avait demandé de « veiller et prier ! »

Et quand les soldats viennent arrêter Jésus, à part l’un d’entre eux qui coupe l’oreille d’un serviteur du grand-prêtre, il n’y a pas eu de résistance : « Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour tout vêtement qu’un drap. On essaya de l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu. ».

Même Pierre qui avait dit alors : « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. ».

Et quand Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. ». Mais lui reprenait de plus belle : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous en disaient autant.

On a bien vu ce qu’il en est advenu.

« L’esprit est ardent, mais la chair est faible. »

Et au Golgotha, il n’y avait aucun disciple … sauf Jean, dans son propre évangile.

À la fin du chant ‘Le petit âne gris’, il est dit :

« Dans le fond d’une étable, un soir il s’est couché

Pauvre bête de somme, il a fermé les yeux

Abandonné des hommes, il est mort sans adieu.

Il ne s’agit pas de faire un parallèle entre ‘Le petit âne gris’ et Jésus, ce serait malvenu.

Il n’empêche que dans les deux cas, ils meurent seuls, abandonnés des hommes …

Et ils ne sont pas les seuls à mourir ainsi, seuls, a abandonnés des hommes (des humains).

À réfléchir … surtout en ce moment où on parle beaucoup de la fin de vie, … pour ne pas dire euthanasie ou suicide assisté …

Et pourquoi pas … soins palliatifs, où là les gens ne sont pas abandonnés, mais au contraire accompagnés médicalement et psychologiquement pour leurs derniers instants ?

Mais il parait que c’est beaucoup plus cher …

Quel est le plus important : l’âme … ou l’argent ?

Seigneur Jésus,

Nous nous souvenons

de la dernière semaine de ta vie terrestre,

ô combien riche en toutes choses,

et qui finit par ta mort …

entouré par peu d’amis … avec ton Père.

Et nous, comment entourons-nous

nos amis qui meurent ?

 

                                                                                  Francis Cousin

 

 

 

Cliquer sur le lien ci-dessous pour accéder à l’image illustrée : Image Rameaux B

 




Dimanche des Rameaux et de la Passion – par le Diacre Jacques FOURNIER (Marc 14, 1-72 ; 15, 1-47)

 « La Croix, sommet de la Révélation de l’Amour » 

(Marc 14, 1-72 ; 15, 1-47)

La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu deux jours après. Les grands prêtres et les scribes cherchaient comment arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir.
Car ils se disaient : « Pas en pleine fête, pour éviter des troubles dans le peuple. »
Jésus se trouvait à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle lui versa le parfum sur la tête.
Or, de leur côté, quelques-uns s’indignaient : « À quoi bon gaspiller ce parfum ?
On aurait pu, en effet, le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données aux pauvres. » Et ils la rudoyaient.
Mais Jésus leur dit : « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? Il est beau, le geste qu’elle a fait envers moi.
Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous le voulez, vous pouvez leur faire du bien ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours.
Ce qu’elle pouvait faire, elle l’a fait. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement.
Amen, je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. »
Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les grands prêtres pour leur livrer Jésus.
À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Et Judas cherchait comment le livrer au moment favorable.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? »
Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le,
et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?”
Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze.
Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. »
Ils devinrent tout tristes et, l’un après l’autre, ils lui demandaient : « Serait-ce moi ? »
Il leur dit : « C’est l’un des Douze, celui qui est en train de se servir avec moi dans le plat.
Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! »
Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous.
Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude.
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Jésus leur dit : « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées.
Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Pierre lui dit alors : « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. »
Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. »
Mais lui reprenait de plus belle : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous en disaient autant.
Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais prier. »
Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse.
Il leur dit : « Mon âme est triste à mourir. Restez ici et veillez. »
Allant un peu plus loin, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui.
Il disait : « Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux ! »
Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller seulement une heure ?
Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
De nouveau, il s’éloigna et pria, en répétant les mêmes paroles.
Et de nouveau, il vint près des disciples qu’il trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis de sommeil. Et eux ne savaient que lui répondre.
Une troisième fois, il revient et leur dit : « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs.
Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »
Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva et avec lui une foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres, les scribes et les anciens.
Or, celui qui le livrait leur avait donné un signe convenu : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. »
À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : « Rabbi ! » Et il l’embrassa.
Les autres mirent la main sur lui et l’arrêtèrent.
Or un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille.
Alors Jésus leur déclara : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ?
Chaque jour, j’étais auprès de vous dans le Temple en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais c’est pour que les Écritures s’accomplissent. »
Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous.
Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour tout vêtement qu’un drap. On essaya de l’arrêter.
Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu.
Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre. Ils se rassemblèrent tous, les grands prêtres, les anciens et les scribes.
Pierre avait suivi Jésus à distance, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis avec les gardes, il se chauffait près du feu.
Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort, et ils n’en trouvaient pas.
De fait, beaucoup portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient pas.
Quelques-uns se levèrent pour porter contre lui ce faux témoignage :
« Nous l’avons entendu dire : “Je détruirai ce sanctuaire fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.” »
Et même sur ce point, leurs témoignages n’étaient pas concordants.
Alors s’étant levé, le grand prêtre, devant tous, interrogea Jésus : « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? »
Mais lui gardait le silence et ne répondait rien. Le grand prêtre l’interrogea de nouveau : « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? »
Jésus lui dit : « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. »
Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ?
Vous avez entendu le blasphème. Qu’en pensez-vous ? » Tous prononcèrent qu’il méritait la mort.
Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le giflèrent, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des coups.
Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une des jeunes servantes du grand prêtre.
Elle voit Pierre qui se chauffe, le dévisage et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! »
Pierre le nia : « Je ne sais pas, je ne comprends pas de quoi tu parles. » Puis il sortit dans le vestibule, au dehors. Alors un coq chanta.
La servante, ayant vu Pierre, se mit de nouveau à dire à ceux qui se trouvaient là : « Celui-ci est l’un d’entre eux ! »
De nouveau, Pierre le niait. Peu après, ceux qui se trouvaient là lui disaient à leur tour : « Sûrement tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, tu es Galiléen. »
Alors il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme dont vous parlez. »
Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta. Alors Pierre se rappela cette parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il fondit en larmes.
Dès le matin, les grands prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le Conseil suprême. Puis, après avoir ligoté Jésus, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate.
Celui-ci l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui le dis. »
Les grands prêtres multipliaient contre lui les accusations.
Pilate lui demanda à nouveau : « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. »
Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate fut étonné.
À chaque fête, il leur relâchait un prisonnier, celui qu’ils demandaient.
Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour un meurtre qu’ils avaient commis lors de l’émeute.
La foule monta donc chez Pilate, et se mit à demander ce qu’il leur accordait d’habitude.
Pilate leur répondit : « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré.
Ces derniers soulevèrent la foule pour qu’il leur relâche plutôt Barabbas.
Et comme Pilate reprenait : « Que voulez-vous donc que je fasse de celui que vous appelez le roi des Juifs ? »,
de nouveau ils crièrent : « Crucifie-le ! »
Pilate leur disait : « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » Mais ils crièrent encore plus fort : « Crucifie-le ! »
Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.
Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du palais, c’est-à-dire dans le Prétoire. Alors ils rassemblent toute la garde,
ils le revêtent de pourpre, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée.
Puis ils se mirent à lui faire des salutations, en disant : « Salut, roi des Juifs ! »
Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage.
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau de pourpre, et lui remirent ses vêtements. Puis, de là, ils l’emmènent pour le crucifier,
et ils réquisitionnent, pour porter sa croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs.
Et ils amènent Jésus au lieu dit Golgotha, ce qui se traduit : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire).
Ils lui donnaient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n’en prit pas.
Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun.
C’était la troisième heure (c’est-à-dire : neuf heures du matin) lorsqu’on le crucifia.
L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ».
Avec lui ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.
[…]

Les passants l’injuriaient en hochant la tête : ils disaient : « Hé ! toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours,
sauve-toi toi-même, descends de la croix ! »
De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même !
Qu’il descende maintenant de la croix, le Christ, le roi d’Israël ; alors nous verrons et nous croirons. » Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient.
Quand arriva la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure.
Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! »
L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! »
Mais Jésus, poussant un grand cri, expira.
Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas.
Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! »
Il y avait aussi des femmes, qui observaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé,
qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem.
Déjà il se faisait tard ; or, comme c’était le jour de la Préparation, qui précède le sabbat,
Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le règne de Dieu. Il eut l’audace d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus.
Pilate s’étonna qu’il soit déjà mort ; il fit appeler le centurion, et l’interrogea pour savoir si Jésus était mort depuis longtemps.
Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps.
Alors Joseph acheta un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un tombeau qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau.
Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, observaient l’endroit où on l’avait mis.

     

 

        

           « Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient vers toi : il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, un âne tout jeune. Ce roi fera disparaître les chars de guerre et les chevaux de combat, il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations » (Za 9,9-10)…

            La prophétie de Zacharie s’accomplit… Alors que Jésus entre à Jérusalem assis sur un petit âne, « les gens criaient : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le roi d’Israël ! » (Mc 11,9-10). Mais sa royauté va les dérouter…

            En effet, c’est au moment de la Passion que le titre de « roi », quasiment absent des Evangiles, va apparaître et se répéter. « Tu es le roi des Juifs », demandera Pilate ? « Tu le dis : je suis roi », répondra Jésus (Jn 18,37). « Voici votre roi… Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs » (Jn 19,14 ; Mc 15,9), demandera Pilate à la foule ? « Salut, roi des juifs » (Mc 15,18), lui diront les soldats en le frappant… Puis, sur la croix, Pilate fera placer cet écriteau : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs » (Jn 19,19)…

            Au moment de la Passion, le titre de roi peut en effet surgir sans aucune confusion possible. La royauté de Jésus, couronné d’épines, n’est manifestement pas de ce monde… Avec lui, ni « chars de guerre, ni chevaux de combat », mais seulement la Paix de l’Amour, « un Amour plus fort » (Ps 117(116)) que la haine la plus acharnée, un Amour que rien ni personne, pas même la pire cruauté, n’empêchera d’aimer… « Insulté sans rendre l’insulte, maltraité sans faire de menaces », il n’aura que des paroles bienveillantes envers tous ceux qui lui font tant de mal (1P 2,21-25)… « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34)…

            « Vous l’avez livré, vous l’avez renié devant Pilate. Vous avez chargé le Saint et le Juste ; vous avez réclamé la grâce d’un assassin », Barabbas, « tandis que vous faisiez mourir le Prince de la Vie », leur dira plus tard St Pierre. Mais, folie de l’Amour, « c’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et il l’a envoyé vous bénir du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,11-26). Et il en sera ainsi pour tous les pécheurs de tous les temps à qui Dieu ne demande qu’une seule chose : se repentir, en vérité et de tout cœur, de tout le mal qui peut habiter notre vie, et consentir à son Amour…         « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché » (Ps 51(50))…

                                                                                                                                          DJF




Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur ( Mc 14, 1 – 15, 47)- Homélie du Père Louis DATTIN

Jésus méconnu des siens

Mc 14, 1-15,47

Quelle cérémonie étrange que celle que nous venons de vivre ! Dans une première partie, nous étions en train d’acclamer un roi victorieux qui avance au milieu de la foule qui crie : « Hosannah – Vive Dieu ! Vive Jésus que Dieu nous envoie au nom du Très-Haut ! »

Fête de joie, fête populaire où le Christ est reconnu enfin pour ce qu’il est vraiment : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur : le ciel et la terre sont remplis de ta gloire ».

C’est le triomphe ! C’est l’enthousiasme de la foule. Tous, hommes et femmes, ils prennent des palmes pour l’accompagner, pour l’escorter dans son entrée dans sa capitale. C’est la fête pour la foule qui accueille Jésus : il apporte le règne de David. « Hosannah ! » Le salut est proche et nous-mêmes, nous sommes entrés dans cette église avec la joie au cœur. Notre Seigneur est enfin reconnu pour ce qu’il est vraiment ! « Il vient au nom du Seigneur ».

Et puis, après, juste après, la 1ère lecture vient nous choquer. Que dit-elle ? « Je n’en peux plus, je suis une victime qui s’est laissé prendre » « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient. Je n’ai pas protégé mon visage contre ceux qui m’injuriaient et crachaient sur moi ». L’antienne suivante nous fait chanter à notre tour :

 

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

 

 

 

 

 

Alors : « oui ou non ?» Est-ce un triomphateur ou une victime ? Est-ce le roi envoyé par Dieu ? Ou bien un imposteur, un malfaiteur que l’on torture avant de le mettre à mort ?
Devons-nous nous réjouir avec lui dans son triomphe ou pleurer avec lui dans son agonie ?

« Dis-nous qui tu es, Seigneur ? Le héros d’un jour de fête ou la victime d’un jour de deuil ? »

Nous-mêmes, après ces deux récits : celui d’un roi triomphateur ou celui de l’esclave que l’on cloue à la Croix, que disons-nous ? Que pensons-nous ? Que disons-nous de Jésus ?

« Fils de Dieu », oui, c’est notre foi. Mais Fils de Dieu totalement homme, c’est aussi notre foi ! Jésus est allé jusqu’au bout de nos propres questions les plus angoissées ! Dans notre vie, n’y a-t-il pas aussi ces moments de joie, d’exultation, de réussite et puis, aussi, ces temps de malheur, de désolation, de marasme noir et nous nous disons : « Dieu nous abandonne- t-il ? Qu’est-ce-que cela veut dire ? Pourquoi moi et pas un autre ? Pourquoi une telle épreuve, une telle catastrophe ? Dieu nous abandonne-t-il ? ». « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi nous as-tu abandonné ? »

C’est le cri même du Christ en Croix ! Dieu semble abandonner le malade du sida, la vieille maman atteinte de la maladie d’Alzheimer, les victimes des séismes, les chrétiens de Syrie. Serait-ce Dieu qui se retire ? Est-ce-que lui aussi nous laisse tomber ? C’est la question de Jésus sur la Croix. Oui, il a été jusque-là ! Jusqu’à vouloir éprouver lui-même nos moments de désespérance, nos doutes qui nous décapent, notre isolement dans le chagrin extrême, le naufragé qui sent sa dernière minute s’engager.

Alors, Dieu, que tire-t-il de tout cela ? Lui qui se dit créateur et Père ! Ne nous a-t-il mis sur la terre que pour nous faire sentir, un moment, le triomphe des rameaux, pour nous enfoncer ensuite dans le gouffre de la douleur et de la mort ? Tous nos « pourquoi » sont dans le cri de Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

C’est une question posée à son père. Il l’interroge et tant que, au fond de nos malheurs, nous continuerons à questionner Dieu, nous serons avec lui ! Qui nous dira un jour la Croix ? En attendant, elle est là, là pour Jésus, là pour nous aussi !

 Mais, nous chrétiens, nous savons déjà que ce mal n’est pas désespérance, que cette Croix n’est pas que la mort définitive :

 « J’attends la Résurrection des morts et la vie du monde à venir ».

La vie de Jésus ne  s’arrête pas là, elle  va rejaillir, rebondir dans l’éblouissement de Pâques, et Pâques, ce ne sera pas seulement le petit triomphe des Rameaux dans la ville de Jérusalem : la tueuse des prophètes. Ce sera le grand éclaboussement de la gloire définitive d’une vie plus forte que la mort, la naissance d’un monde nouveau comme le cri d’un premier né et non plus celui d’un agonisant !

La réponse au « pourquoi » de Jésus, la réponse à tous nos « pourquoi », c’est la Résurrection ! Ni Pilate, le sceptique, ni les juifs insulteurs, ni le centurion admiratif, ne pouvaient savoir ce qu’allait devenir ce crucifié. Nous, nous savons que le Christ est ressuscité: cela ne doit pas nous empêcher de l’accompagner pendant toute cette Semaine Sainte dans ses souffrances, dans ses angoisses.

Cela doit nous rappeler que la route de la Résurrection passe par là et quand, autour de nous, nous avons du mal à regarder la souffrance du monde, la souffrance de ceux que nous aimons, une seule pensée peut nous aider : Jésus, lui, le Fils de Dieu, lui aussi, est passé par là.

Une seule parole peut nous faire avancer : « Celui qui veut se mettre à ma suite, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive! »

Il vivra, lui aussi, totalement, définitivement ! AMEN