1

« Devant la justice, un prêtre est-il un citoyen comme un autre ? »

 

Pardon 1L’actualité nous amène à réfléchir à cette question. Sans doute, lorsque nous apprenons qu’un prêtre est mis en examen ou interné pour un acte grave, cela ne laisse personne indifférent. Les chrétiens qui sont attachés à l’Église et à ses pasteurs sont profondément troublés et sont malheureux. Ceux qui sont fragiles dans leur foi sont ébranlés. Ceux qui ont pris leur distance vis-à-vis de l’Eglise ou les incroyants ne se privent pas d’en rajouter!

Cependant, quelle que soit notre position, il nous faut admettre que le prêtre qui a commis un acte puni par la justice, par exemple un acte de pédophilie ou de maltraitance sur un enfant, il doit se soumettre. Toutefois, s’il est répréhensible comme tout citoyen, la gravité de son acte se trouve augmentée du fait que sa fonction le met en situation d’autorité particulière vis-à-vis de l’enfant. D’une certaine manière il n’est pas un citoyen tout à fait comme ‘monsieur tout le monde’. Et la sanction du tribunal peut alors être aggravée.

Rappelons-nous, cependant, que pour toute faute reconnue et avouée, le pardon du Seigneur est toujours là et un nouveau départ est possible. D’ailleurs, on ne compte plus le nombre de conversions qui se sont produites en prison.

Père Antoine DENNEMONT

 




Audience Générale du Mercredi 12 Mai 2016

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 12 Mai 2016


 

Frères et sœurs, dans la parabole du Père Miséricordieux, Jésus ne révèle pas un Père offensé, rempli de ressentiments. Certes, le fils sait qu’il a péché, et il reconnaît sa faute ; mais le Père s’empresse de lui rendre sa place et sa dignité, dans une miséricorde qu’il exerce sans conditions. Notre dignité d’enfant de Dieu ne dépend pas de nos mérites, ni de nos actions, mais de l’amour gratuit du Père. Le fils aîné, qui est toujours resté à la maison, a aussi besoin de miséricorde. Il attendait une récompense comme un dû, mais sa récompense était de rester auprès du Père, en qualité de fils. Le père réunit ses deux fils, l’un qui attendait un châtiment, l’autre une récompense, dans une logique nouvelle, celle de la miséricorde. Il les invite à se retrouver comme des frères dans la joie et la fête pour celui qui s’était perdu.

Alors que la fête de la Pentecôte est proche, je vous invite à vous préparer, par la prière et par les œuvres de miséricorde, à recevoir le Saint Esprit ; qu’il fasse de chacun de nous des enfants de Dieu réconciliés, accueillants les uns envers les autres.

Que Dieu vous bénisse

 

 

 



 

 




Qu’est-ce que le péché contre l’Esprit ?

shining dove with rays on a darkC’est  ?

Jésus qui en parle, par exemple en Mathieu ( 12,31). Jésus est exaspéré de constater l’endurcissement des pharisiens qui l’accusent d’être possédé par «Béelzéboul, le prince des démons» et d’expulser les démons en son nom ; alors que Jésus libère de l’esprit du mal et du péché par la puissance et l’énergie de l’Esprit d’Amour. Comment peut-on alors être pardonné si l’on rejette l’Esprit qui est donné, justement, par Jésus «pour la rémission des péchés» ? «Parler contre l’Esprit» c’est dire qu’il n’est pas puissance de vie et de résurrection, mais qu’il est l’esprit du mal et que l’Esprit « veut ma mort».

Dire que la source d’eau vive est empoisonnée, c’est se condamner à mourir de soif ! On peut dire que le «blasphème contre l’Esprit», c’est le pire endurcissement dans lequel l’homme s’enferme ! N’est-ce pas cela même « l’enfer ».

Père Antoine DENNEMONT




La Pentecôte par P. Claude Tassin (15 Mai 2016)

 

Actes des Apôtres 2, 1-11 (« Tous furent remplis d’Esprit Sain en se mirent à parler en d’autres langues »)

Dans certains cercles juifs, dès le temps de Jésus, la Pentecôte, fête agricole dite des Semaines, commémorait le don de l’Alliance au Sinaï. De cette scène antique, on retrouve le bruit, le vent, le feu (comparer Exode 19, 16-19; 20, 18) qui orchestrent à présent la venue de l’Esprit Saint. Comme Moïse était monté vers la nuée pour rapporter au peuple la Loi de Dieu, fondement de l’Alliance, le Christ est monté au Ciel pour nous donner l’Esprit de l’Alliance nouvelle.

Selon les légendes juives catéchétiques…

… au Sinaï, Dieu avait proposé ses commandements dans les diverses langues du monde, mais Israël seul les avait acceptés. Aujourd’hui, Dieu répare cet échec. Partant du phénomène connu du «parler en langues» (cf. 1 Corinthiens 14, 2-5) dans les premières Églises, Luc transforme l’expérience en un «parler *en d’autres langues», préparant ainsi l’annonce de l’Évangile dans toutes les cultures. De ce point de vue, cette venue de l’Esprit n’est pas exactement un «anti-Babel», épisode de la «confusion des langues» (Genèse 11, 1 – 9 ; cf. messe de la veille). Ce n’est pas le retour à une langue unique, mais la décision de Dieu de se révéler dans le respect des langues et des cultures.

Aux sources de l’universel chrétien

Les témoins et auditeurs de la scène, remarquons-le, sont tous des Juifs, Juifs d’origine, de la Diaspora et de la Judée, et païens «convertis» au judaïsme (les «prosélytes»). Leur liste comprend douze pays ; à quoi s’ajoutent des Juifs de Rome (centre du monde oblige !) et, pirouette littéraire formant un résumé, les gens des îles, à l’ouest (Crétois), et ceux du désert, à l’est (Arabes). Les douze tribus du peuple de Dieu sont donc symboliquement à nouveau réunies. Alors, la mission chrétienne peut commencer, sous le souffle de l’Esprit de l’alliance nouvelle qui abolit les frontières.

* Ils se mirent à parler en d’autres langues… « i quelqu’un dit à l’un de nous : « Est-ce que tu as reçu le Saint-Esprit, car tu ne parles pas toutes les langues ? » voici ce qu’il faut répondre : « Parfaitement, je parle toutes les langues. Car je suis dans ce corps du Christ, qui est l’Église, laquelle parle toutes les langues. En effet, par la présence du Saint-Esprit qu’est-ce que Dieu a voulu manifester, sinon que son Église parlait toutes les langues ? » » (Homélie africaine du 6e siècle).

Romains 8, 8-17 (« L’Esprit fait de nous des fils »)

Paul s’appuie sur cette certitude : «l’Esprit de Dieu» – qui est aussi «l’Esprit du Christ», habite le croyant. Le chrétien est un «corps», c’est-à-dire une personne humaine qui est «*chair», créature fragile portée au péché du repli sur soi et vouée à la mort, mais qui est aussi un être spirituel, et désormais guidé par l’Esprit de Dieu. Nous voici donc engagés dans un combat :  nous revivons dès aujourd’hui, en nous soustrayant au péché, en refusant de payer son dû à «la chair», si celle-ci nous sollicite encore. Mais l’Esprit qui pilote notre conversion permanente est aussi celui par lequel Dieu a ressuscité Jésus. Nous voici donc assurés de la même issue heureuse.

Et Paul précise cette espérance par l’idée de «la filiation», c’est-à-dire de l’adoption. Il songe aux grandes maisonnées patriarcales et polygamiques où se côtoyaient les esclaves soumis au maître, même nés de lui, et les fils, libres, bénéficiant d’un acte officiel d’adoption, et confiants en face du père ; eux qui, à leur majorité, recevaient le droit à l’héritage. Or l’Esprit fait de nous des fils, non des esclaves apeurés, frères déjà du Christ, puisque notre prière proclame «Abba (= papa, en araméen), le Père», comme Jésus appelait Dieu (cf. Mc 14, 36). Il nous suffit de mener à terme le même combat de souffrance que mena Jésus pour parvenir à la parfaite filiation.

* La chair et l’Esprit. Chez Paul, la chair n’est pas le sexe. Lecteur de la Bible, il voit en elle la pesanteur de l’homme, fragile, voué à la mort, porté au repli égoïste. Mais, comme la communauté juive de Qumrân, il décèle dans la faiblesse de la chair le nid propice à l’éclosion de multiples de péchés (voir le catalogue de Galates 5, 19-21). L’époque de Paul conçoit la liberté humaine comme le droit de choisir son maître : sera-ce, pour nous, l’esclavage à soi-même (la chair) ou l’obéissance à l’Esprit de Dieu ?

 

Jean 14, 15-16.23b-36 (« L’Esprit Saint vous enseignera tout »)

Les extraits de saint Jean que nous lisons aujourd’hui puisent dans le premier des Discours d’adieu de Jésus au soir du jeudi saint et ils recouvrent en partie l’évangile du 6ième dimanche de Pâques C. Il s’agit du testament de Jésus. Mais le texte doit beaucoup aux questions que la communauté à laquelle s’adresse l’évangéliste s’est posées après la mort de ses premiers fondateurs, eux qui assuraient encore le lien avec la vie terrestre de Jésus.

Amour et commandements

Si vous m’aimez…, dit Jésus. Dans le Nouveau Testament, l’amour du Christ est un impératif moins fréquent que celui de l’amour de Dieu. Mais l’enchaînement des idées s’avère ici complexe. Quand l’être aimé est absent, nous nous efforçons de le rendre présent en continuant à faire ce qu’il aimerait nous voir faire. De même, l’amour que nous portons à Jésus et qui nous le rend présent implique notre fidélité à ses «commandements». Ces commandements équivalent à la «parole de Jésus», comme le dit la suite : «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole», c’est-à-dire encore, fidèle à son «commandement nouveau» de l’amour mutuel (Jean 13, 14-15), et même aux commandements de Dieu (1 Jean 5, 3). Car, pour Jean, il existe une telle unité entre le Fils et le Père que les commandements de l’Un et de l’Autre sont tout un. Mais cette présence n’est pas simple souvenir sentimental. Le Christ, vivant à jamais auprès du Père, intercède pour que nous vienne *un autre Défenseur.

De Jésus à son Esprit

Jésus fut le premier «Défenseur», puisqu’il livra sa vie par amour pour nous. L’autre Défenseur «sera pour toujours avec nous». Il sera «Dieu avec nous», selon le nom Emmanuel que le Nouveau Testament applique aussi à Jésus. C’est une promesse par laquelle l’évangéliste résume la mission terrestre de Jésus à qui il attribue cette déclaration : «Je vous parle ainsi tant que je demeure avec vous.»

L’Esprit Saint… vous enseignera tout

Le long discours d’adieu du Christ selon saint Jean a été égrainé en ce Temps pascal. Il tourne, dans les diverses réécritures succcessives d’auteurs sacrés successifs de cet évangile. I les compagnons lles cpù tourne, retourne et retourne encore ce rubik’s cube surnaturel : le Père est dans le Fils, le Fils est dans le Père, le Fils est dans les croyants et, par ce Fils, les croyants sont unis au Père. Et le Père est dans le Fils. Et on recommence ! Nous avons le tournis ?

Pour Jean, la fin du vertige est fourni par le don de l’Esprit. Lui qui, si nous l’écoutons, calme le cauchemar des relations chrétiennes, familiales, sociales, culturelles. C’est en cela que l’Esprit nous enseigne tout, à savoir tout ce que Jésus a enseigné, dans sa vie terrestre, et qui doit éclairer notre avenir de croyants, mieux que ce qu’avaient saisi de lui les compagnons historiques d’un Messie en chair et en os. «Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous acheminera dans la vérité tout entière» (Jean 16, 13). Ce complément, dans la suite du Discours, précise la fonction de l’Esprit : il nous fait faire chaque jour un bout du chemin de vérité, et cette vérité concerne notre compréhension de Jésus, une union progressive avec lui. Car, contre des déviations «charismatisantes» et récurrentes au long de l’histoire, l’Esprit ne remplace pas le Christ. Si c’est vraiment lui qui parle en nous, c’est pour nous conduire sans cesse d’avantage vers le Jésus des évangiles.

L’Esprit invisible aux visages multiples

Telle est donc la compréhension de l’Esprit selon saint Jean. C’est son interprétation, dans le concert des écrivains sacrés. Chacun d’eux, dans sa méditation sur l’Esprit Saint, voit midi à sa porte. C’est la somme de leurs réflexions qui, pour nous, est inspirée par Dieu. Outre la position de Jean, retenons le récit des Actes des Apôtres : l’Esprit fait de l’Église un peuple sans frontières, uni dans une alliance nouvelle. Retenons le message de Paul pour qui l’Esprit est celui qui fait de nous les fils de Dieu et qui nous ressuscite déjà par le renouveau de notre vie morale.

* Un autre Défenseur. Voir ci-dessus l’encadré « Le Défenseur… » (6e dimanche de Pâques). Mais ici l’Esprit est «un autre Défenseur». Car le premier Défenseur, face à Dieu, de notre faiblesse de pécheurs, est toujours le Christ (cf. Première Lettre de Jean, 2, 1). L’Esprit ne remplace pas Jésus : il renvoie à lui, à sa présence. Ainsi l’évangéliste Jean reste le subversif permanent. Pour lui, aucun magistère ne peut se substituer à la vérité que l’Esprit instille dans toute communauté chrétienne creusant, avec la sincérité de l’amour, la Parole du Christ.

 

 

 




La Pentecôte par le Diacre Jacques FOURNIER

La venue de l’Esprit Saint

(Jn 14,15-16.23b-26)

 

Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.
Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous :
Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ;
mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

   saint-esprit

   

«Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de Vérité».

De tous les Evangiles, ce verset est un des plus clairs sur « l’Esprit Saint » Personne divine, appelé ici « l’Esprit de Vérité »… En effet, c’est le Fils, personne divine, qui s’adresse à ses disciples et leur déclare qu’il priera Celui qui, de toute éternité, a la primauté d’Amour dans son cœur : le Père, autre Personne divine. Il sait qu’il va bientôt mourir, ressusciter, vivre son Ascension et donc quitter cette proximité dans la chair qu’il vivait jusqu’à présent avec eux. Mais ils ne seront pas pour autant laissés à eux-mêmes… Bien au contraire, Jésus passe ici le relais à « un autre Défenseur », sous-entendu « que lui-même ». Et on ne peut comparer à une personne divine, le Fils, qu’une autre Personne divine, l’Esprit Saint, « l’Esprit de Vérité ». C’est Lui qui, désormais, les accompagnera, les gardera, veillera sur eux comme Jésus, le Fils, le faisait jusqu’à présent : « Père, je les ai gardés dans ton nom que tu m’as donné, j’ai veillé sur eux » (Jn 17,12).

Puis Jésus poursuit : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. » Or, il avait déclaré auparavant : « Celui que Dieu a envoyé », et il est « l’envoyé du Père », « prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Autrement dit, le Don de l’Esprit se joint toujours à la Parole de Dieu. « Rester fidèle à la Parole », c’est rester fidèle à ce Don de l’Esprit qui est tout à la fois « Lumière » (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) et « Vie » (Jn 6,63 ; Ga 5,25). Cette expression de St Jean, « rester fidèle à la Parole » de Jésus, est donc équivalente à celle de St Paul : « N’éteignez pas l’Esprit » (1Th 5,19) ! Et donc, ne vous privez pas de la Plénitude de la Vie en vous laissant entrainer à faire le mal. En effet, « le salaire du péché c’est la mort », et cela Dieu ne le supporte pas, Lui qui veut le salut de tous les hommes, ses enfants (1Tm 2,3-6). Alors, il a envoyé son Fils parmi nous pour proposer à notre foi, à notre cœur, « ce don gratuit de Dieu qui est vie éternelle » (Rm 6,23). Or, ce « Don de Dieu » (Jn 4,10 ; Ac 8,20 ; 11,17), c’est « l’Esprit donné sans mesure », « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), « l’Esprit qui donne la vie » (Rm 8,2 ; 2Co 3,6) pour qu’enfin, « il soit notre vie » (Ga 5,25), c’est-à-dire Plénitude en nous de Vie, de Paix et de Joie. DJF

           




La Pentecôte – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

L’Esprit Saint, qui est-il ?

Saint EspritEn entrant aujourd’hui dans le mystère de la Pentecôte, nous nous retrouvons devant cette présence mystérieuse de l’Esprit Saint dont nous croyons qu’elle est le don le plus précieux que Jésus a pu nous faire. Quand Jésus est mort et ressuscité, quand Il accomplit sa Pâque en passant de ce monde au Père, ce qui nous reste de son œuvre, c’est l’Esprit Saint qu’Il nous a donné. A tel point que si nous voulons aujourd’hui, ou si nous pouvons atteindre d’une quelconque façon le mystère de Jésus, retrouver la richesse du mystère de l’Incarnation, du salut qu’Il nous a apporté, nous ne le pouvons que par et dans l’Esprit Saint. Si nous voulons aujourd’hui vivre dans l’Église, dans le peuple des croyants, nous ne le pouvons que par et dans l’Esprit Saint. Si nous voulons entrer en communication avec le Père et laisser se déployer en nous cette vie filiale de fils adoptifs à l’image du Fils qu’Il est de toute éternité, cela ne peut se faire encore que par et dans l’Esprit Saint. Tout ce qui se passe aujourd’hui dans l’Église, tout ce qui se passe dans le monde est l’œuvre de l’Esprit Saint. Vous me direz : nous ne sommes pas beaucoup plus avancés pour autant, nous voulons bien que l’Esprit fasse tout, mais qui est-Il ? Autant il nous est facile -c’est une façon de parler-, pour nos regards d’hommes, d’essayer de percer le mystère de la personne de Jésus au milieu de nous, à cause de sa manifestation dans une chair et dans une existence humaine, autant l’Esprit échappe à notre regard et Il échappe constamment à nos prises. Pourtant, si nous sommes là, si nous prions, si nous acclamons le mystère de la Pentecôte, si nous croyons que nous sommes destinés à voir Dieu un jour, c’est par et dans la puissance de l’Esprit.

ESPRIT SAINT 1Alors, qui est-Il ? Je crois que toute la tradition de la foi dans l’Église a essayé de dire que l’Esprit Saint est le mystère d’amour qui unit le Père et le Fils. Lorsque des humains essaient de réaliser cette communion de l’amour, ce qu’ils se donnent l’un à l’autre, ce n’est jamais tout eux-mêmes. On peut utiliser effectivement l’expression « se donner à quelqu’un », mais ce n’est jamais totalement vrai. On peut donner de son temps, on peut donner de son affection, on peut donner de son savoir, mais chaque fois que nous entrons en communion avec quelqu’un, il nous est impossible, et cela n’a pas de sens, de nous quitter nous-mêmes pour être plus présents à l’autre. Dans le mystère de Dieu, c’est là pour nous quelque chose d’incompréhensible, mais c’est ce que nous croyons, lorsque nous disons que le Père a engendré un Fils, nous disons que tout ce qu’est le Père, Il l’a donné à son Fils. Et lorsque nous entendons la parole de Jésus « Le Fils aime le Père », il ne faut pas la comprendre comme une sorte de mouvement extérieur, mais que tout ce que le Fils a reçu, Il le rend à son Père.

Ainsi donc, dans le mystère de Dieu, tout ce qu’est l’Un, le Père, Il l’a donné à l’Autre, son Fils. C’est ainsi que le Fils est totalement et pleinement Dieu comme le Père. Et l’Esprit ? L’Esprit est le lien même, Il est l’acte même par lequel l’Un se donne à l’Autre. Si bien que l’Esprit est le lien au cœur même de l’amour divin. L’Esprit est Celui qui fait que le Père n’est qu’amour pour le Fils et que le Fils n’est qu’amour pour son Père. C’est pourquoi on l’a appelé l’amour, c’est pourquoi on l’a appelé le lien, c’est pourquoi Il est Celui qui scelle la communion de la Trinité. Toute l’initiative vient du Père. Le Fils a tout reçu du Père, mais l’Esprit est Celui qui scelle divinement l’amour du Père pour le Fils et l’amour du Fils pour son Père. De telle sorte que le mystère de l’Esprit Saint, la personne de l’Esprit c’est le lien, la force même de la communion à l’intérieur de la Trinité.Icône de la Trinité

Et donc, lorsque le Christ a promis à ses disciples qu’Il leur enverrait l’Esprit, que leur a-t-Il promis sinon que, désormais, nous serions liés, par Lui, le Christ au Père, du même lien que Lui-même, le Christ, est uni à son Père ? Voilà le mystère le plus étonnant. Que nous soyons aimés de Dieu, c’est déjà surprenant ! Que nous puissions, d’une manière ou d’une autre, répondre à cet amour de Dieu, c’est encore plus surprenant quand nous nous connaissons ! Mais que l’amour dont nous répondons à l’amour de Dieu soit l’amour même de Dieu, voilà qui est absolument au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. Car nous n’aimons pas Dieu de n’importe quel amour. Nous aimons Dieu de l’amour dont Il s’aime. Nous sommes « soudés » au mystère de la communion du Père et du Fils par le lien même qui les unit l’Un à l’Autre. Et l’Esprit est la puissance divine d’aimer. Et nous, qui sommes-nous ? Rien. Et pourtant, quand nous aimons Dieu, nous L’aimons de l’amour dont Il s’aime au plus intime de Lui-même, dans le cœur même et le feu brûlant de la Trinité. Et l’Église, c’est cela. C’est pour cela qu’elle ne ressemble à aucune autre association qui peut exister entre les hommes. Il y a des associations d’anciens combattants, ce qui fait que leur amour est commun, c’était par exemple le souvenir de Verdun. Il y a des associations protectrices des animaux, ce qui fait qu’ils s’aiment entre eux, c’est qu’ils aiment les chiens et les chats. Il y a des associations de pêcheurs à la ligne, ce qui les unit, c’est leur amour commun de tirer des poissons en dehors des rivières. Mais l’Église, l’Église n’a aucun lien de ce type. Ce qui nous lie les uns aux autres, c’est l’Esprit Saint, c’est l’amour même de Dieu. Et c’est pour cela que l’Église est une si grande chose. C’est pour cela qu’elle est divine, parce que le lien de communion entre chacun de ses membres, c’est Dieu Lui-même.

Vous comprenez alors à quel point est grand le mystère de l’Église et pourquoi nous considérons habituellement que l’Église est née le jour de la Pentecôte. C’est parce que dans l’humanité, à cause de ce que Jésus avait fait pour nous, il y a désormais, au cœur du monde, des hommes, des femmes, vous et moi, qui ne sont ni meilleurs ni pires que les autres, à peu près aussi médiocres, mais qui croient que l’amour dont nous nous aimons et l’amour dont nous aimons Dieu ne vient pas de nous, mais de Dieu.

Du coup, nous aurions peut-être tendance à penser que si cet amour vient de Dieu, il est tellement grand qu’il anéantit toute forme d’amour que nous pourrions manifester au plan humain. Nous pourrions penser que si cet amour qu’est l’Esprit Saint est si grand, qu’il nous dépasse tellement que nous-mêmes nous n’avons plus rien à faire et qu’au fond, que nous Dieu est amour 2aimions ou que nous n’aimions pas avec notre liberté et notre cœur humain, cela n’a pas d’importance. C’est tout le contraire car ce qui est extraordinaire dans notre foi chrétienne, c’est qu’à partir du moment où le lien qui nous unit à Dieu et aux autres, c’est l’amour même de Dieu, l’Esprit Saint, le lien qu’il y a au cœur de la Trinité, cet amour divin est capable d’intégrer tout geste d’amour humain, quel qu’il soit, si modeste et si humble qu’il soit, dans la plénitude de cette divinité.

La grâce, ce n’est pas un supplément d’amour humain. Il y a des gens qui croient que la grâce, pardonnez-moi l’expression, c’est comme une couche de beurre ou de confiture sur une tranche de pain, que le surnaturel c’est une sorte de petit supplément, de luxe spirituel pour âme un peu raffinées ayant le sens de la religion. Non, ce n’est pas un supplément, car Dieu n’est pas un supplément. La grâce, c’est le fait que désormais, à partir du moment où l’Esprit Saint habite en nous, dans notre cœur, tout geste par lequel nous aimons, avec notre liberté, avec notre cœur, avec notre corps humain, en étant au service de nos frères, tout geste est comme pris, saisi, intégré à cet amour de Dieu qui vit en nous. Dès lors, l’Église qui est le lieu de la communion dans l’Esprit Saint, qui est ce lieu dans lequel l’Esprit vit au cœur de chacun des croyants personnellement, est capable d’intégrer toutes les formes de l’amour, toutes les richesses de la vie humaine non pas pour leur donner « un supplément », mais pour en faire, au cœur du monde, le signe visible de la présence de Dieu.

 

PentecôteAu fond, depuis que l’Esprit a envahi le cœur des disciples, depuis que l’Esprit ne cesse de se répandre dans une communion qui ne cessera jamais jusqu’au Royaume et qui trouvera alors sa plénitude, depuis ce moment-là l’Esprit ne fait jamais rien d’autre que de recueillir, que de moissonner tous les gestes les plus humbles, les plus simples, les plus démunis de notre amour humain pour leur donner leur grandeur et leur dimension divine. Vous comprenez pourquoi la Pentecôte est à la fois un achèvement et un commencement. Elle est l’achèvement de ce que le Christ avait voulu. Par le fait de son Incarnation, le Christ avait déjà montré comment l’homme et Dieu peuvent se rencontrer en Lui, mais précisément, cette œuvre-là ne s’était réalisée qu’en Lui. À partir du moment où Il nous est donné, l’Esprit Saint continue et achève, au cœur de tout le genre humain, de chaque homme, de chacun d’entre nous, cette œuvre de communion commencée, inaugurée par la puissance même de la mort et de la Résurrection du Christ.

Oui, en ce jour de la Pentecôte où nous fêtons ce mystère de l’Esprit, c’est notre propre genèse que nous fêtons. Le livre de la Genèse, c’est le livre de la naissance. Nous fêtons le mystère de notre propre avènement, de notre avènement à Dieu. Mais un avènement qui n’est pas le fruit d’une recherche humaine du désir humain vers Dieu, déjà si grande et infiniment respectable, mais nous fêtons notre genèse à Dieu par Dieu Lui-même, par l’Esprit Saint. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, et l’Esprit de Dieu planait sur les eaux. » C’est vrai. Le verbe hébreu utilisé évoque le vol plané de l’oiseau d’un rapace cherchant une proie et qui déploie ses ailes comme s’il voulait couvrir la portion de terre sur laquelle il va se précipiter. C’est aussi l’idée de l’oiseau qui écarte les ailes pour couver les œufs de sa couvée. C’est l’idée d’une protection, d’une emprise. Aujourd’hui l’Esprit a prise sur notre être. L’Esprit ne vole plus sur nous comme au jour de la création mais Il a prise immédiate sur nous. Et c’est cela notre propre genèse. Nous sommes renés par les eaux du baptême. Nous sommes revenus au mystère que Dieu a voulu de toute éternité. Par l’Esprit Saint, nous naissons, non pas par nous-mêmes, à nous-mêmes, de cette façon que tant d’hommes et de sages ont recherchée, mais nous naissons par Dieu, au mystère éternel de l’amour du Père dans le Fils. Par l’Esprit Saint, enfin, nous devenons des fils par le Fils. Amen.

 




Rencontre autour de l’Évangile – La Pentecôte

« Un autre défenseur sera avec vous :

c’est l’Esprit de Vérité. »

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons et situons le texte (Actes 2, 1-11)

(Exceptionnellement nous partagerons sur le récit de la Pentecôte (l’Evangile est celui du 6ème dimanche de pâques)

Saint Luc, qui a écrit les Actes des Apôtres, est le seul à nous raconter ce qui s’est passé le 50ème jour après Pâques, jour de la Pentecôte. Cette fête juive commémorait le don de la Loi au Sinaï : le peuple libéré de l’esclavage en Egypte (célébré lors de la Pâque juive) naissait alors comme peuple de l’Alliance.

50 jours après la Mort et la Résurrection du Christ, qui a été la véritable libération de l’humanité par la Pâque du Christ, la Pentecôte, avec la venue de l’Esprit-Saint, célèbre la naissance du peuple de la “ Nouvelle Alliance ”.

Soulignons les mots importants

Les frères: Combien étaient-ils ? Luc le dit lors de l’élection de Matthias  (Ac1, 15) Que vous inspire cette manière de nommer  les disciples  ?

Réunis tous ensemble : Pourquoi saint Luc souligne cela ?

un violent coup de vent : Que signifie ce violent coup de vent ?

une sorte de feu : le symbole du feu dans la Bible est très  riche. (Faire chercher par le groupe)

Qui se partageait en langues : Un symbole !

Parler en d’autres langues 

Chacun entendait dans sa propre langue

Dans nos langues les merveilles de Dieu

Pourquoi saint Luc insiste sur le miracle des langues?

Se posa sur chacun : Quelle est l’importance de ce mot “ chacun ”?

Remplis de l’Esprit-Saint : que signifie cette expression ? De toutes les nations : Quelle est la portée de l’événement de la Pentecôte pour saint Luc?

 

Ta Parole dans nos cœurs

Après la lecture et le partage, inviter les participants à faire silence, à réaliser qu’à la Confirmation qu’ils ont été remplis de l’Esprit Saint pour participer à la Mission de l’Eglise, à témoigner de Jésus Christ ressuscité, seul Sauveur dont le monde a besoin.

 

Pour l’animateur

Le miracle des langues est fortement souligné par saint Luc. La langue, c’est l’organe de la Parole. Lors de l’épisode symbolique de la Tour de Babel, la diversité des langues avaient provoqué la confusion et la division de l’humanité. On ne se comprenait plus. A la Pentecôte, l’Esprit Saint rétablit l’unité : le même message est compris dans la diversité des langues et des cultures. Luc souligne l’universalisme de l’Evangile que des gens de toutes langues peuvent recevoir et comprendre. (Ne pas confondre avec le “ parler en langues ”, phénomène de langage incompréhensible qui demande à être interprété).

Les Douze ne sont pas les seuls à vivre l’événement de la Pentecôte : ils étaient environ 120 “ frères ” : dès le commencement, aussi bien pour attendre la venue de l’ Esprit dans la prière autour de Marie, qu’au moment de la venue de l’ Esprit, les Douze apôtres et d’autres disciples forment une communauté de frères. L’Eglise, dès le début, c’est “ l’être-ensemble ” de ceux qui croient au Christ et accueillent son Esprit.

Luc signale la présence à Jérusalem une foule de juifs originaires de tous les pays connus à l’époque et venus sans doute en pèlerinage : son idée, c’est qu’à la Pentecôte, ces gens de partout préfigurent tous les peuples qui, à travers les âges, accueilleront la Bonne Nouvelle de Jésus Christ : l’Eglise à la Pentecôte apparaît déjà “ catholique ”, c’est à dire universelle.

Au Sinaï, c’est toute la Montagne qui tremblait quand Dieu se manifestait dans le tonnerre et le feu (Ex19,18). Ici, c’est toute la maison qui tremble au violent coup de vent : c’est un langage familier de la Bible pour décrire une intervention décisive de Dieu. La venue de l’Esprit Saint est un événement décisif pour l’Eglise et sa mission à travers les âges jusqu’au retour du Christ à la fin des temps.

On peut aussi voir dans ce violent coup de vent le symbole de la force de l’Esprit qui secoue les disciples pour en faire des apôtres audacieux, qui secoue aussi l’Eglise à travers l’histoire pour la réveiller quand c’est nécessaire et la rendre audacieuse.

Quand Luc emploie l’expression “ remplis de l’Esprit Saint ” c’est toujours pour dire qu’il s’agit d’un événement exceptionnel : il l’emploie pour Jean Baptiste (Lc1,15), pour Elisabeth , au moment de la visitation (Lc 1, 41, pour Pierre devant le tribunal du sanhédrin (Ac 4, 1) etc…L’Esprit Saint à la Pentecôte est la puissance de l’amour divin qui envahit le cœur des apôtres.

 

 

 

 

L’ Évangile aujourd’hui dans notre vie

Nous sommes dans le temps de l’Eglise, le temps de l’Esprit, le temps de la Mission, le temps du témoignage.

Il y a en gros deux manières de se situer dans la communauté – Eglise :

– être un membre actif de la communauté, participer à sa vie, me rendre utile, aimer l’Eglise, faire en sorte qu’elle devienne peu à peu une communauté de frères, éviter de critiquer à tort et à travers et participer à la mission par le témoignage dans la vie de tous les jours…

– ou bien me comporter en chrétien “ assisté ”, passif, consommateur, exigeant, critiquant sans bouger le petit doigt, en prétendant avoir des droits, sans jamais me demander si j’ai des devoirs…

Et moi, où est-ce que j’en suis ?

La Confirmation, qui a été le sacrement de la Pentecôte pour nous,  a donné à notre baptême sa dimension missionnaire : qu’avons-nous fait de notre Confirmation ?

Au milieu de nos doutes ou des obscurités de notre foi, prions-nous l’Esprit de nous éclairer, de nous enseigner ? Le prions-nous pour ceux qui ont mission d’éveiller ou d’enseigner la foi : prêtres, catéchistes, laïcs responsables des mouvements, etc. ?

Ensemble prions  

Esprit de Jésus, répandu en langues de feu sur les disciples

Le jour de la Pentecôte, nous te prions :

Embrase le cœur des chrétiens pour qu’ils annoncent dans toutes les langues du monde les merveilles du salut de Dieu.

 Esprit Saint

Tu assistas Pierre devant le sanhédrin

tandis qu’ il rendait témoignage au Christ Jésus,

nous te prions : Donne-nous d’annoncer avec assurance

la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

 

Chant : Eglise des peuples p. 167 (carnet des paroisses)

 

 

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« Recevez l’Esprit Saint du Père des Miséricordes »…

« Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux »

Dieu Père (Giovanni Battista Cima) 2

Que Dieu soit Père et qu’il soit Miséricordieux, le prophète Jérémie l’affirmait dès le 6° siècle avant JC :

« Reviens rebelle Israël, oracle du Seigneur, car JE SUIS miséricordieux.

Reconnais seulement ta faute (il la connaît donc déjà parfaitement

                                                                             et Israël va l’apprendre de sa bouche…) :

tu t’es révoltée contre le Seigneur ton Dieu,

et tu n’as pas écoutée ma voix.

Et moi qui m’étais dit : comment te placerais-je au rand des fils ?

          Je te donnerai une terre de délices, l’héritage le plus précieux d’entre les nations.

          Je me disais : « Vous m’appellerez « Mon Père »,

          et vous ne vous séparerez pas de moi. »

          Mais non… Ils m’ont abandonné, ils ont encensé d’autres dieux,

          Ils se sont prosternés devant l’œuvre de leurs mains…

          Et maintenant, vois ta terre en solitude, tes villes incendiées…

          N’as tu pas provoqué cela pour avoir abandonné le Seigneur ton Dieu,

          alors qu’il te guidait sur ta route ?

          Comprend et vois comme il est mauvais et amer

               d’abandonner le Seigneur ton Dieu.

          Ai-je été un désert pour Israël, ou une terre ténébreuse ?

          Pourquoi mon Peuple dit-il : « Nous vagabondons, nous n’irons plus à toi ? »

          Une vierge oublie-t-elle sa parure, une fiancée sa ceinture ?

          Mais mon peuple m’a oublié depuis des jours sans nombre…

          Ah ! Comme tu t’es tracée un bon chemin pour quêter l’amour ! » (Jr 2-3)

Dieu-Amour

     Et Jésus ne fera que nous rappeler que « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), Amour Créateur, Amour Pur, Amour qui ne fait que poursuivre le bien de l’être aimé, Amour qui se réjouit de sa joie, Amour qui s’attriste de ses peines…

     Et c’est bien ainsi dont les prophètes Jérémie et Sophonie parlaient déjà de l’Amour :

« Je vais les rassembler de tous les pays où » ils se sont égarés par suite de leurs fautes.

« Je les ramènerai en ce lieu et les ferai habiter en sécurité.

Ils seront mon peuple, et moi, je serai leur Dieu.

Je leur donnerai un seul cœur, un seul chemin, afin qu’ils me craignent chaque jour, pour leur bonheur et celui de leurs fils après eux.

Je conclurai avec eux une alliance éternelle :

je ne cesserai pas de les suivre pour les rendre heureux

et je mettrai ma crainte en leur cœur pour qu’ils ne s’écartent pas de moi.

J’aurai de la joie à les rendre heureux ;

en vérité, je les planterai dans ce pays, de tout mon cœur et de toute mon âme. »

          Oui, ainsi parle le Seigneur : « De même que » leurs fautes ont fait venir sur eux

          « tout ce grand malheur,

          de même, je fais venir sur eux tout le bonheur dont je parle » (Jr 32,37-42).

« Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël !

Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem !

Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis.

Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.

Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir !

Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut.

Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ;

il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. »

J’ai écarté de toi le malheur, pour que tu ne subisses plus l’humiliation.

Me voici à l’œuvre contre tous tes oppresseurs.

En ce temps-là je sauverai la brebis boiteuse, je rassemblerai celles qui sont égarées…

          En ce temps-là je vous ramènerai, en ce temps-là je vous rassemblerai…

          je ramènerai vos captifs, et vous le verrez, – dit le Seigneur » (So 3,14-20).

BonPasteur

          D’un côté, Dieu est donc « Père » de tous les hommes, « lui qui les a tous créés à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), pour qu’ils vivent en relation avec Lui, comblés par Lui. En effet, ce « Père » est « Amour » : il ne cesse de désirer, de vouloir, de poursuivre le bien de tous ces hommes, ses enfants, qu’il a créés par Amour pour qu’ils connaissent le Bonheur en accueillant, en leur cœur, la Plénitude de ses Bienfaits…

     Mais les hommes se sont détournés de lui, et du même coup, ils se sont privés du Don de Dieu. « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23). « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui commet le mal » (Rm 2,9). « Souffrance, angoisse » et « tristesse », comme pour ce jeune homme riche qui ne répond pas à l’appel que lui avait lancé Jésus, « Suis-moi ! », car il avait de grands biens. Alors, « il repartit, tout triste » (Lc 18,18-23)…

     Mais rien n’empêche Dieu d’Être, de son côté, ce qu’Il Est depuis toujours et pour toujours : « Dieu est Amour » et il veut, encore plus, le bien de l’homme pécheur qui souffre et qui est triste par suite de ses fautes : « Quand nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste à jamais fidèle, car il ne peut se renier Lui-même » (2Tm 2,13), écrit St Paul, et Il Est Amour, Il n’Est qu’Amour et donc recherche inlassable du bien de l’autre…

     Telle est ce que nous appelons « la Miséricorde de Dieu » : la découverte, infiniment heureuse, du fait que nous sommes aimés au cœur même de notre misère et de notre indignité par « Quelqu’un » qui, de son côté, ne poursuit, ne désire, ne travaille qu’à notre Bien le plus profond.

Esprit Saint

     Nous avons tous été créés pour être « comblés » par le Don de Dieu, le Don gratuit de l’Amour, un Don qui Est Plénitude de Vie, de Paix, de Joie ? C’est ce que Jésus, le Fils éternel du Père, vient nous proposer au Nom de son Père, et cela gratuitement, par amour, pour notre seul bien : « Si tu savais le Don de Dieu » dit-il à cette femme samaritaine qui vivait maritalement avec un homme, et c’était, déjà, son sixième ! Et pour nous aider à l’accueillir, il ca commencer par nous proposer d’effacer tout notre passé d’infidélités par son pardon offert en surabondance, sans regarder à la dépense, son seul but étant notre bonheur. Alors si quelque chose nous inquiète, quoique ce soit, aussi énorme cela puisse-t-il être, Jésus nous invite à l’offrir à ce Dieu immense, infini, Lui qui a créé l’infini de l’Univers qui nous entoure, Lui qui est Amour, tout aussi infini… Et nous serons pardonnés, nos fautes disparaîtront, il n’y aura plus rien, car Jésus est « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), tous les péchés, de tous les hommes, de tous les temps, et cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant en sacrifice sur le bois de la Croix pour chacun d’entre nous, pour nous tous. Infini de l’Amour qui rendra possible, si nous y consentons, l’accomplissement total de la volonté de Dieu : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu ; il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). Alors, « j’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : « Le salut appartient à notre
fouleDieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau ! »Tous les anges se tenaient debout autour du Trône, autour des Anciens et des quatre Vivants ; se jetant devant le Trône, face contre terre, ils se prosternèrent devant Dieu. Et ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! » L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? » Je lui répondis : « Mon seigneur, toi, tu le sais. » Il me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux
» (Ap 7,9-17).

Coeur de Jésus- Paray le Monial     Jésus, le Fils, est donc « l’Agneau » qui se propose d’être « le Pasteur » de tous les hommes « pour les conduire aux sources des eaux de la vie ». Et quelles sont-elles ? Ce sont les Sources de l’Amour qui ne cesse de se donner gratuitement, de se proposer gratuitement, de s’offrir gratuitement à toutes ses créatures, pour leur seul bien, leur seul bonheur, leur seule joie. Le Pape François dit ainsi : « L’amour de Dieu est gratuit. Il ne nous demande rien en échange ; il demande seulement de l’accueillir » (Juin 2015). Ecoutons ce que Jésus dit à la Samaritaine : « Si tu savais le Don de Dieu, et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire », c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’Eau vive » (Jn 4,10). Et quelle est-elle cette « Eau Vive ». St Jean lui-même nous donne la clé de cette image au chapitre sept de son Evangile, lorsque Jésus, debout, cria : « « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jn 7,37-39). Et de fait, Ressuscité, il dira à ses disciples : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22).

     Tel est le Don de Dieu par excellence, le Don de l’Amour, offert gratuitement à notre foi, un Don qui est appelé à devenir en nous la Source de notre vrai bonheur, de notre vraie vie, de notre Plénitude, inégalée, incomparable, car elle est celle de Dieu Lui-même : « Quiconque boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif. L’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jn 4,13-14).

  Jésus Sr Faustine   Cette vie n’est rien de moins que celle que Jésus reçoit du Père de toute éternité. « Si tu savais le Don de Dieu », dit-il à la Samaritaine. Il le connaît bien, Lui, car c’est par ce Don que le Père l’engendre en Fils de toute éternité. « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. Je vis par le Père » (Jn 5,26 ; 6,57), et cela, depuis toujours et pour toujours, en « Fils né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé » (Crédo), « engendré » par ce Don du Père, le Don de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), cet « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), « Eau Vive »… Alors si nous acceptons de recevoir à notre tour ce Don par lequel le Père engendre son Fils, nous serons nous aussi engendrés à cette même Plénitude, et notre vocation de créatures « appelées à reproduire l’image du Fils » (Rm 8,29) s’accomplira…

     « Quand vous priez, dites : Père » (Lc 11,2). Avec moi, tournez-vous vers le Père (Jn 1,18) pour recevoir avec moi le Don du Père, et avec Lui, la Plénitude de ma vie, de ma paix, de ma joie… « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi… Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit… Je vous laisse la paix, c’est ma paix que je vous donne… Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite… Recevez l’Esprit Saint » (Jn 6,57.47 ; 14,27 ; 15,11 ; 20,22)…

                                                                                                                             D. Jacques Fournier




Audience Générale du Mercredi 4 Mai 2016

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 4 Mai 2016


 

Frères et sœurs, à travers la parabole du Bon Pasteur Jésus a voulu faire comprendre que sa proximité des pécheurs ne doit pas scandaliser, mais provoquer chez tous une sérieuse réflexion sur la façon de vivre la foi. Dieu est celui qui va à la recherche de ses enfants perdus pour ensuite faire la fête et se réjouir avec tous de les avoir retrouvés. Nous sommes tous prévenus : la miséricorde envers les pécheurs est le style d’action de Dieu ; et sa fidélité à cette miséricorde est absolue : rien ni personne ne pourra le détourner de sa volonté de salut. Nous devrions souvent réfléchir sur cette parabole parce que dans la communauté chrétienne il y a toujours quelqu’un qui manque et qui a laissé une place vide. La perspective de Jésus est dynamique, ouverte, stimulante. Elle nous pousse à entreprendre des chemins de fraternité. Trouver celui qui est perdu fait la joie du pasteur et de Dieu, mais c’est aussi la joie de tout le troupeau, car aucun troupeau ne peut renoncer à un frère ! Nous sommes tous des brebis retrouvées et recueillies par la miséricorde du Seigneur, appelés à rassembler en lui tout le troupeau.

Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones, en particulier les séminaires interdiocésains de Rennes et d’Orléans, accompagnés de leurs évêques, l’Institution Jeanne d’Arc, de Beaumont sur Oise, ainsi que les enseignants de religion des écoles européennes de Bruxelles et les pèlerins du Gabon. Je vous invite à développer en vous l’élan missionnaire qui pousse à aller à la rencontre des autres pour leur manifester la miséricorde de Dieu. Que Dieu vous bénisse !

 

 

 



 

 




L’EXISTENCE PASCALE DU CHRETIEN

bapteme enfant« Ignorer-vous que, baptisés dans le Christ, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ?

Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. Car si c’est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable ; comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que fût détruit ce corps de péché. Car celui qui est mort est quitte du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui, sachant que le Christ, une fois ressuscité des morts, ne meurt plus, que la mort n’exerce plus de pouvoir sur lui. Sa mort est une mort au péché, une fois pour toutes ; mais sa vie est une vie en Dieu. Et vous de même : regardez-vous comme morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ Jésus » (Rm 6, 3-11)

Le baptême nous incorpore au Christ et nous associe à sa Pâque, c’est-à-dire à sa mort et à sa résurrection. Et tout d’abord à sa mort. Que veut dire « être baptisé dans la mort du Seigneur » ?

L’expression est étonnante.

croix_tripleLa mort, celle de Jésus comme la nôtre, est un phénomène physique qui ne dure que l’espace de quelques secondes. Pourtant nous savons que la mort de Jésus sur la croix ne fut que l’achèvement d’une existence déjà marquée de cette mort et à l’avance acceptée comme la suprême expression d’une constante manière de mourir à tout ce qui, dans sa vie, eût contrarié la volonté du Père.

« Ma nourriture, disait-il, est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé » (Jn 4, 34) et, à la veille de sa Passion : « Non ce que je veux, mais ce que tu veux, Père » (Mc 14, 36). Il y a donc en lui, comme en chacun de nous, la mort que l’on subit comme le terme de la vie, et la mort que l’on choisit de vivre en pleine existence. Etre incorporé par le baptême à la mort du Christ, c’est donc apprendre à mourir de cette double mort.

LA MORT TOUJOURS PRESENTE

Envisageons d’abord la mort que l’on subit, la nôtre et celle des autres. Ma propre mort, bien avant d’être l’instant du dernier soupir, est une part essentielle et une donnée de mon aventure terrestre. Elle m’est déjà présente par la mort des autres en tant qu’elle me signifie la mienne et m’avertit qu’elle peut me surprendre à tout moment.

personne en méditationMais surtout elle me rejoint par la multitude des ses signes anticipés : la maladie et le vieillissement me préviennent que son œuvre est commencée et que déjà j’en porte les traces. Si je demeurais insensible à ces signes biologiques, d’autres ne manqueraient pas de m’agresser jour après jour, en particulier la contrariété et la contradiction des choses, je dirais même l’absurdité des choses. Il y a, en effet, une constante rupture entre, d’une part, le projet de vie et de plénitude que je porte en moi et, d’autre part, la réalité de ce qui m’arrive : je veux la joie et le bonheur, et je récolte la tristesse et parfois le désespoir ; je mûris et je prépare longuement un projet dans le domaine affectif ou professionnel, et je récolte l’échec. A mesure que je m’efforce de former en moi l’homme libre que je veux être, je me surprends asservi par toutes sortes d’esclavages issus de ma nature comme aussi de mon environnement social. Ici, nous rejoignons le niveau le plus profond : celui de la vie morale ; à cet égard, écoutons encore l’apôtre Paul : « Ce que je veux, je ne le fais pas ; mais ce que je hais, je le fais…  Vouloir le bien est, certes, à ma portée, mais non l’accomplir, car le bien que je veux, je ne le fais pas, mais le mal que je ne veux pas, je le commets ». Et l’Apôtre conclut : « Si je fais ce que je ne veux pas, c’est à cause du péché qui habite en moi » (Rm 7, 15-20) et qui est en moi l’expression de la mort.

Or, c’est déjà à cette mort-là que le Christ nous invite à mourir à longueur de vie. Et, par le baptême reçu dans la foi et revécu dans la liberté, il nous communique sa puissance de ressuscité pour mourir de la sorte avec lui : « Ne crains point, car ma puissance se déploie dans la faiblesse », confiait-il à Paul. « Nous le savons, déclare celui-ci : notre vieil homme a été crucifié avec le Christ pour que fût détruit le corps de péché et qu’ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché » (Rm 6, 6)homme en prière

Mais si l’on peut, avec la force de la miséricorde et avec la puissance de l’Esprit, mourir au péché, on se demande comment on pourrait échapper au vieillissement, par exemple ; car les avancées biologiques de la mort paraissent irréversibles. Et pourtant, ainsi que nous le dirons plus loin, la jeunesse de l’esprit et du cœur peut opérer une croissance spirituelle capable d’aller à contre-courant de la sclérose des membres et de toutes les « puissances de diminution » : « Même si notre homme extérieur se détruit, écrit encore Paul, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Co 4, 16).

Il y a aussi la mort des autres, je veux dire leur disparition ou leur déchéance qui, à cause du lien qui nous unit à eux, nous atteint à cette profondeur de nous-mêmes qu’on appelle le « cœur ». S’il y a une façon de souffrir de leur mort, il y a également une manière de mourir, avec le Christ, au désespoir qu’elle engendre. Nous savons ce que peut contenir à la fois d’atrocité crucifiante, mais aussi de sursaut spirituel, la mort d’un enfant.

MOURIR AU VIEL HOMME

Voilà qui nous amène d’emblée à envisager cette autre forme de la mort : celle que nous choisissons librement de vivre, si j’ose dire : mourir avec Jésus Christ à tout ce qui n’est pas de Dieu, à tout ce qui, parce que source de division et de désagrégation ; s’oppose à l’amour qui est en Dieu. C’est cela mourir au vieil homme en vue de revêtir une créature nouvelle qui tend à rejoindre la stature même du Christ.

prendre sa croixEcoutons ce que saint Paul écrivait aux gens de Corinthe : « Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit elle aussi, manifestée dans notre corps. Quoique vivants, en effets, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, pour que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre chair mortelle » (2 Co 4, 10-11). Ce que le Christ en Matthieu, dit en termes très simples : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » (Mt 16, 24) ou encore : « Qui aura trouvé sa vie la perdra, et qui aura perdu sa vie à cause de moi, la trouvera » (Mt 10, 39). Commentant ce propos, saint Jean de la Croix écrit ceci : « Oh ! Qui pourrait faire comprendre jusqu’à quel degré notre Seigneur veut que ce renoncement parvienne ! Il faut certainement qu’il soit comme une mort, un anéantissement volontaire par rapport à tout ce qui est du temps, de la nature et de l’esprit : et là est la source de tous les biens, comme Notre Seigneur le déclare par ces paroles » (Montée au Carmel, chap 6). En vérité, cela ne revient-il pas d’abord à mourir aux multiples idoles qui encombrent nos vies aux dépens du seul vrai Dieu, je veux dire à toutes ces réalités éphémères et périssables auxquelles nous serions tentés de subordonner nos existences tout entières : l’argent, le pouvoir, l’idéologie politique, les affaires, le métier… Rappelons-nous cette parole tombée naguère du Sinaï : « Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face ! »

homme en prièreMourir à tout cela n’a, bien sûr, de sens que par rapport à l’unique commandement de l’amour. Et celui-ci est le seul critère de la validité d’une telle mort : l’amour de Dieu pour son peuple, dont le baptême nous fait être les relais. C’est bien cela le sacrifice : « sacrum facere », l’acte par lequel j’élève ma vie à l’ordre du sacré, l’initiative par laquelle je me prive en vue de partager et ainsi me soumettre à Celui qui est « l’Eternel jaillissement hors de Lui-même ». L’Amour qui partage consent à cette manière de mort qui s’appelle « renoncement ».

Si nous avons été baptisés dans la mort du Christ, « c’est afin que, comme le Christ est ressuscité d’entre les morts, nous menions semblablement, nous aussi, une vie nouvelle »… et dès à présent.

PAQUE : L’AVENTURE DE NOTRE VIE

chemin_eclaireVoilà bien le « passage » – ce qui traduit le mot de « Pâque » – : passer d’une vie à l’autre. Sans doute, s’agit-il, au bout du compte, de passer, par mode de mutation radicale, de l’existence larvaire et brumeuse qui est notre condition présente, à la vie pleine et lumineuse du Christ ressuscité dans la gloire du Père, et cela par le franchissement de la mort charnelle. Mais cette vie de plénitude ne peut être que l’épanouissement final d’une existence elle-même déjà pascale. Notre Pâque définitive ne saurait être qu’à la mesure de son anticipation dans la durée terrestre. Pâque est l’aventure de notre vie, comme elle fut l’aventure du peuple hébreu, marchant à coups de sursauts et de renouvellements, depuis les rives de l’esclavage jusqu’aux rivages de la liberté, au travers des eaux de la mer Rouge qui marquèrent le départ et les eaux du Jourdain qui consacrèrent l’arrivée.

Baptisés pour passer un jour de la mort à la Vie du ressuscité, nous le sommes donc aussi pour passer, dès aujourd’hui et indéfiniment, du vieil homme à l’homme nouveau, de l’esclave du péché à l’homme libéré, j’oserais dire : de l’état de mort à l’état de vie par le moyen de la mort consentie. C’est dire que le baptême nous engage et nous entraîne dans ce mouvement ou ce rythme de dépassement et de renaissance ininterrompue, fait de mort et de vie, et de vie nouvelle surgissant sans cesse de la mort au vieil être, dans le Christ victorieux de toute mort. Il est donc vrai de dire que, si notre vie de baptisé est, ainsi que nous l’avons dit, une manière de mort quotidiennement, elle est aussi déjà une existence de salut, de salut anticipé : elle l’est par la puissance du Christ qui nous habite par l’Esprit et à qui tout est possible, même l’apparemment impossible ; elle l’est par la transformation que cette force opère au cœur de notre liberté : la résurrection de Jésus ne transparaît-elle déjà au travers de cette capacité de jeunesse et de renouvellement dont témoignent la disponibilité, l’accueil, le partage, l’ouverture, l’intelligence des situations ? Une telle jeunesse conquise dépasse la jeunesse de l’âge, pour atteindre son sommet aux approches de la mort, c’est-à-dire au seuil de l’éternelle jeunesse. Mais cette conquête est évidemment au prix d’une mort constante du vieil homme, de cet homme immobile et replié dans le « chacun pour soi », dans le péché. C’est cela : mourir et renaître en Jésus Christ.

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AU SOIR DE LA GRANDE MUTATION

Alors, au soir de la grande mutation, au jour de la mort charnelle, encore présente dans le monde quoique vaincue, « la vie ne sera pas détruite, mais transformée », ainsi que le proclame la préface de la messe des funérailles. Disons que cette vie, vécue selon le rythme pascal ou baptismal de mort et de résurrection, trouvera sa plénitude par mode de transfiguration. Et c’est bien là le sens de cet autre propos de Paul aux Romains : « Nous savons que jusqu’à maintenant la création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement… Mais elle attend avec impatience la révélation des fils de Dieu… car elle doit être libérée de l’esclavage de la corruption pour connaître la glorieuse liberté des enfants de Dieu… Certes si nous possédons déjà les prémices de l’Esprit, ce n’est encore qu’une espérance que nous sommes sauvés. Et nous attendons avec constance de voir ce que nous espérons » (Rm 8, 18-25). Voir ce que nous espérons ? Paul précise aux Corinthiens : « Nous ne voyons à présent que dans un miroir, en énigme ; mais alors ce sera le face à face. A présent je connais d’une manière partielle : mais alors je connaitrai comme je suis connu » (1 Cor 13, 12). Pourtant, si la foi et l’espérance ne sont que des vertus passagères propres à notre régime actuel et, par conséquent, appelées à disparaître devant la pleine possession de leur objet, la charité, elle, demeure, car « elle ne passera jamais » : l’amour qui jaillit de Dieu, l’amour qui, avec Jésus Christ, s’oublie et se donne, constitue dès à présent en nous cette part éternelle qui déjà nous éternise.

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« Car si nous sommes devenus un même être avec le Christ par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une semblable résurrection ». Tel est donc l’ultime « passage » d’une existence pascale. Et ensuite ? Après, je ne sais plus. Nul ne peut savoir. Il me semble pourtant qu’un signe de cette béatitude nous est parfois accordé, afin de nous en donner le goût et l’impatience. Et ce signe, c’est la Joie !

DES SIGNES AVANT-COUREURS

Qui d’entre nous, sans être un mystique, n’a un jour éprouvé dans son existence une joie immense, une sorte de transport de joie, un instant de bonheur débordant jusqu’à nous faire passagèrement perdre le sentiment de la pesanteur et même le sens de l’espace et du temps ? Ce fut un peu comme une fenêtre ouverte sur l’éternité bienheureuse, mais qui bien vite, hélas ! s’est refermée. L’occasion en fut, peut-être, la naissance d’un amour ou d’un enfant ou d’une vocation, ou simplement la soudaine et lumineuse intuition d’une certaine coïncidence entre le projet de plénitude que nous portons enfoui au fond de nous et son reflet dans la réalité. Cette expérience éblouissante pour signifier et déjà anticiper le destin définitif de l’homme sauvé, les apôtres l’ont un jour éprouvéé au sommet du Thabor en présence de Jésus transfiguré. Cette vision n’aurait-elle pas été pour Pierre, Jacques et Jean le début d’une existence nouvelle toute entière tendue vers la réalisation définitive et globale de ce qu’ils ont entendu, touché, vu, contemplé et surtout vécu du Christ mort et vivant, afin qu’à notre tour nous entrions, à la suite, dans ce dynamisme de la Pâque. C’est à peu près en ces termes que saint Jean, le témoin par excellence, commence sa première épître. Et il en achève l’avant-propos par ces mots : « Ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie et la vôtre soient complètes. »

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Pierre BOCKEL

Archiprêtre de la cathédrale de Strasbourg