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PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Mars 2016
Frères et sœurs, comme un bon père de famille Dieu éduque et corrige ses enfants, favorisant leur croissance dans le bien. Dans le livre d’Isaïe, le Père est blessé et déçu par l’ingratitude des fils d’Israël, portés, dans leur orgueil, à des prétentions d’autonomie et d’autosuffisance. Dieu en appelle à leur conscience pour qu’ils se repentent et se laissent de nouveau aimer. La conséquence du péché est alors la souffrance, car là où il y a refus de Dieu, la vie n’est plus possible, elle perd ses racines, tout est perverti et anéanti. Mais le châtiment même doit faire réfléchir le pécheur, pour l’ouvrir à la conversion et au pardon. Le salut comporte ainsi la décision d’écouter et de se laisser convertir. Il est nécessaire de se rapprocher de Dieu, les mains purifiées, évitant le mal et pratiquant le bien et la justice.
La miséricorde de Dieu est offerte à tous. Mettons à profit ce temps du carême qui nous est donné pour regretter nos péchés, et nous engager courageusement dans une vie nouvelle.
Je vous souhaite un bon chemin vers Pâques, et que Dieu vous bénisse.
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Aux messes dominicales, la paroisse a pris la décision de prendre le Crédo de Nicée Constantinople pour proclamer notre foi après la méditation de la Parole de Dieu. Je vous propose d’expliciter sommairement les grands aspects de ce Crédo à partir de l’enseignement du Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC). Dans le Crédo, nous avons l’essentiel de la foi.
« Je crois en un seul Dieu,
le Père tout puissant,
créateur du ciel et de la terre,
de l’univers visible et invisible,
Je crois en un seul Seigneur,
Jésus Christ,
le Fils unique de Dieu,
né du Père avant tous les siècles :
Il est Dieu, né de Dieu,
lumière, né de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu
Engendré non pas créé,
de même nature que le Père ;
et par lui tout a été fait.
Pour nous les hommes, et pour notre salut,
il descendit du ciel ;
par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie,
et s’est fait homme.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
Il souffrit sa passion
et fut mis au tombeau.
Il ressuscita le troisième jour,
conformément aux Ecritures,
et il monta au ciel;
il est assis à la droite du Père.
Il reviendra dans la gloire,
pour juger les vivants et les morts
et son règne n’aura pas de fin.
Je crois en l’Esprit Saint,
qui est Seigneur et qui donne la vie;
il procède du Père et du Fils.
Avec le Père et le Fils,
il reçoit même adoration et même gloire;
il a parlé par les prophètes.
Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique.
Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.
J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.
Amen »
Je crois en un seul Dieu
Je crois : crédo en latin. En disant Je crois, je professe ma foi. La foi est un acte personnel, une adhésion.
En un seul Dieu : Dieu est unique. Les chrétiens sont monothéistes (foi en un seul Dieu ≠ polythéisme). Les chrétiens sont baptisés « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » et non au nom du Père, au nom du Fils et au nom du Saint-Esprit. Au nom d’un seul et unique Dieu qu’on nomme la Trinité. Et le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de notre foi. Une seule unité, une seule nature divine, trois personnes : trois personnes en un seul Dieu. Mais les trois personnes sont distinctes entre elles. Chacune des trois personnes participe d’une façon personnelle dans l’œuvre unique de Dieu, dans le plan de Dieu pour l’humanité1. C’est ce que nous allons voir.
Le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible.
Le Père tout puissant : Dieu est Père. Dieu est tout puissant parce qu’il créateur. Tout ce qui existe c’est lui qui l’a fait. La toute-puissance de Dieu se comprend par sa paternité. Sa paternité s’exprime par l’amour et la miséricorde infinis. Dieu est tout puissant en amour et en pardon. Il faut bien comprendre cette toute-puissance car nous avons en arrière-fond des visions filmographiques de la toute-puissance : des guerriers, des conquérants. La toute-puissance de Dieu s’exprime dans la croix du Christ. Dieu a révélé son pardon et son amour infinis dans la croix. Se pose la question du mal : comment Dieu qui est tout puissant peut-il le tolérer ? Dieu a créé l’homme libre, c’est un mystère. En l’homme, il y a un libre arbitre pour choisir le bien et le mal. C’est l’homme en exerçant mal sa liberté, en se détournant de Dieu qui commet le mal. Le mal n’est pas une création de Dieu car Dieu n’est qu’amour. Dieu aime tellement l’homme qu’il ne l’enchaîne pas. Ce dernier est libre de choisir Dieu ou de le refuser.
Créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible : Pourquoi Dieu a-t-il créé ? Dieu a créé par sagesse et par amour, pour sa plus grande gloire. Dieu crée ‘de rien’, il n’avait besoin d’aucune aide pour créer. C’est un acte de liberté. Dieu n’avait pas besoin de créer pour exister… A l’origine, Dieu a créé le monde bon et bien ordonné (avant que le péché soit commis). Dieu a créé par le Fils et par le Saint Esprit. Donc la création est l’œuvre de la Trinité.
Du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible : Tout ce qui existe. La terre est le monde des hommes. Le ciel désigne le « lieu » propre de Dieu. Dieu a créé l’homme et des entités invisibles : les anges (une vérité de foi !).
Les anges sont des créatures spirituelles qui glorifient Dieu sans cesse. Ils sont au service de Dieu.
« Dieu créa l’homme et la femme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il le créa » (Gn 1, 27). L’humanité est sexuée : homme et femme ; différence sexuelle voulue par Dieu. L’homme seul est à l’image de Dieu. L’homme seul a le souffle de Dieu en lui. L’homme seul est doté d’une conscience pour discerner le bien et le mal, pour discerner ses actes. L’homme a une place particulière au sein de la création. Dieu lui confie sa création, il est co-créateur. L’homme n’est pas un animal parmi d’autres !
Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ
Deuxième personne de la Trinité. Jésus est au cœur de la catéchèse. Le CEC précise : « La transmission de la foi chrétienne, c’est d’abord l’annonce de Jésus-Christ, pour conduire à la foi en Lui » (n°425).
Jésus : En hébreu : « Dieu sauve ». Ce nom signifie que Dieu est présent en la personne de Jésus. Nom divin qui seul apporte le Salut : « C’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21).
Christ : Messie = oint. Jésus est l’envoyé de Dieu. Jésus est le Christ car Dieu « l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance » (Ac 10, 38). Il est ce Messie attendu par Israël, annoncé par les prophètes dans les Ecritures Saintes.
Seigneur : Titre divin. Souveraineté divine.
le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : Il est Dieu, né de Dieu, lumière, né de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu Engendré non pas créé, de même nature que le Père ; et par lui tout a été fait.
Unique : Jésus est l’unique Fils de Dieu. Nous sommes fils de Dieu par adoption. Nous sommes fils dans le Fils unique.
De toute éternité, bien avant la création, la Trinité existe : Père, Fils et Saint-Esprit. De toute éternité, le Fils qu’on dit aussi le Verbe de Dieu est engendré par le Père c’est-à-dire que toute éternité, le Fils tire sa source du Père. Le Verbe est vrai Dieu, de même nature que le Père. Il est de toute éternité donc non crée. Et à un jour précis de notre histoire, le Verbe de Dieu s’est fait chair dans le sein de la Vierge Marie. Conséquence : une des personnes de la Trinité, le Verbe de Dieu est depuis le jour de l’incarnation est pour l’éternité vrai Dieu et vrai homme.
Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme.
Pourquoi le Verbe de Dieu s’est fait chair ? Pour notre Salut c’est-à-dire pour nous sauver. Le Verbe de Dieu fait chair par l’action de l’Esprit Saint nous sauve en réconciliant avec Dieu car l’homme de par son péché s’est détourné de Dieu. Le Verbe de Dieu s’est fait chair pour nous révéler l’amour du Père. Le Verbe de Dieu s’est fait chair pour être notre modèle de sainteté : Jésus nous montre le chemin à suivre pour aller vers Dieu (selon ce que nous enseigne l’Evangile). Le Verbe de Dieu s’est fait chair pour nous rendre participants de la nature divine, pour faire de nous des fils qui partagent la vie même de Dieu.
Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Il est le trait d’union, la médiation entre Dieu et les hommes. En Jésus, Dieu se fait proche de l’homme et l’homme se fait proche de Dieu. Dieu n’a jamais été aussi proche de nous !
Nous comprenons alors pourquoi Jésus est au cœur de notre foi. Il est le seul chemin pour atteindre de Dieu.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Ecritures, et il monta au ciel; il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin.
La deuxième personne de la Trinité occupe le plus grand développement au sein du credo. Cette partie du credo est le cœur du cœur de la foi chrétienne. Nous faisons exprimons ce mystère de la foi à chaque Eucharistie : c’est l’anamnèse : « Tu as connu la mort, tu es ressuscité et tu reviendras dans la gloire ! » Tel est le cœur de notre foi. Le mystère pascal : la passion, la mort et la résurrection du Christ est la première annonce faite par les apôtres et que l’Eglise doit continuer à annoncer au monde.
Jésus est venu pour annoncer le Règne de Dieu. Il n’est pas venu abolir la loi comme il le dit lui-même : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir » (Mt 5, 17). La loi donnée par Dieu au peuple par l’intermédiaire de Moïse est bonne en elle-même mais Israël la pratiquait mal. Jésus est venu montrer comment la pratiquer en remettant au centre ce pourquoi la Loi était donnée : en vue de l’amour de Dieu et du prochain.
En s’annonçant comme le Fils de Dieu, beaucoup se sont opposés à Jésus. Les autorités de l’époque l’ont donc mis à mort. Par sa mort et sa résurrection, Jésus a vaincu la mort, le mal et le péché de toute l’humanité. Jésus s’est offert librement sur la croix pour aller jusqu’au bout du témoignage de Dieu et de l’amour2. Ainsi, il a porté tous les péchés du monde. Par son obéissance radicale, Jésus répare nos fautes, la désobéissance de l’homme vis-à-vis de Dieu. La croix exprime donc l’amour infini de Dieu pour l’humanité qui a accepté de livrer son propre Fils en vue de la libération. Le sacrifice du Christ est unique et définitif. Il n’est plus à refaire. Le mystère pascal du Christ apporte le Salut définitif. Chaque homme doit coopérer pour recevoir le Salut apporté par le Christ. Dieu compte sur notre liberté car il ne peut pas nous sauver si nous le refusons.
Le symbole des apôtres nous dit que le Christ est descendu aux enfers. Il faut faire une distinction entre « les enfers » et « l’enfer ». Le séjour des morts où le Christ mort est descendu, l’Ecriture l’appelle les enfers, le Shéol ou l’Hadès. Ce sont les morts qui étaient privés de la vision de Dieu. Tous ces morts ont précédé la venue de Jésus sur terre et l’âme du Christ est descendue aux enfers pour libérer les âmes justes qui attendaient le Libérateur annoncé par les Prophètes et les Ecritures. Les enfers sont un « lieu » d’attente. Jésus a sauvé toute l’humanité, de toutes les générations. L’enfer est la séparation éternelle d’avec Dieu. Par un choix libre, à sa mort, l’homme peut refuser l’amour miséricordieux de Dieu. C’est l’état de l’enfer.
Il monta au ciel; il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin : Depuis son ascension, Jésus est entré dans la gloire totale de Dieu dans son humanité. Il n’est plus présent physiquement en ce monde mais par son Esprit. Il est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Il reviendra dans la gloire3 où il instaurera une fois pour tout son règne, sa victoire définitive sur le mal existant en ce monde. Mais sa victoire est déjà acquise par son mystère pascal. Il jugera les vivants et les morts. Tous, nous serons jugés et le Christ n’étant que l’amour nous jugera sur l’amour c’est-à-dire sur les œuvres d’amour qui seront faites en ce monde. Se pose à nous la question de la responsabilité et de la conversion.
Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie; il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire; il a parlé par les prophètes.
L’Esprit Saint : Troisième personne de la Trinité. L’Esprit Saint est Dieu. Ce n’est pas un esprit quelconque. Toute la mission de Jésus a été accomplie dans l’Esprit Saint. Au cœur même de Dieu, il y a l’amour et cet amour c’est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est l’amour que le Père a pour le Fils et que le Fils a pour le Père. C’est lui qui nous permet de rentrer en relation avec Dieu, de nous aimer les uns les autres à la manière de Jésus. L’Esprit Saint nous permet de nommer Dieu, notre Père Abba, de nous rappeler de l’enseignement de Jésus et de le mettre en pratique. L’Esprit Saint dépose en nous ses dons pour nous aider à vivre et agir en chrétiens. Jésus nous a promis cet Esprit Saint reçu à la pentecôte pour constituer et élargir l’Eglise aux dimensions du monde. L’Esprit Saint anime, sanctifie et dirige l’Eglise.
Ce qui est premier c’est cette foi en Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit. Le reste du credo est l’œuvre de Dieu, le projet de Dieu pour l’humanité, le don de Dieu…
Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique
Le mot Eglise signifie « convocation ». Une assemblée convoquée par le Christ. L’Eglise est à la fois visible et invisible. Il y a l’Eglise du ciel et l’Eglise de la terre qui ne forment qu’une seule et unique Eglise. Elle est le sacrement du Salut c’est-à-dire que c’est dans l’Eglise que le Salut se réalise par Jésus Christ. Elle est l’instrument par lequel le Christ agit, le signe et l’instrument de l’Alliance de Dieu avec l’humanité. L’Eglise est à la fois humaine et divine : humaine car elle est composée d’hommes et de femmes, elle est structurée pour sa bonne marche mais divine car elle est instituée et dirigée par le Dieu trinitaire. C’est pourquoi on dit de l’Eglise qu’elle est le peuple de Dieu, le corps du Christ et le temple de l’Esprit Saint.
Une : Car l’Eglise confesse un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. Elle ne forme qu’un seul corps vivifié par l’Esprit Saint.
Sainte : Bien qu’elle soit composée de membres pécheurs, l’Eglise est sainte parce que le Christ qui est la Tête est saint. C’est l’Esprit Saint qui la sanctifie.
Catholique : C’est-à-dire universelle, L’Eglise est de tous temps et répandue à travers le monde.
Apostolique : Elle repose sur le témoignage des 12 apôtres. Elle a l’unique mission de continuer le témoignage des apôtres.
Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.
Le baptême est le premier et principal sacrement pour le pardon des péchés, c’est-à-dire que nous échappons à l’esclavage du péché pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu. Au baptême, nous sommes unis au Christ mort et ressuscité, nous recevons l’Esprit Saint, nous devenons enfants de Dieu et nous entrons dans la famille des chrétiens (= l’Eglise).
J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.
J’attends la résurrection des morts : c’est-à-dire je crois à la résurrection de la chair. L’homme est corps et âme, il ne faut jamais dissocier ces deux aspects. A la mort, l’âme qui est immortelle est séparée du corps. Au dernier jour, nous croyons que nous ressusciterons dans un corps semblable à celui du Christ. Non pas dans ce corps que nous connaissons en ce monde voué à disparaitre mais dans un corps glorieux et spirituel. La résurrection du Christ est le gage, l’espérance de notre propre résurrection.
Baptême signifie « plongée ». Nous sommes plongées dans la mort et la résurrection du Christ. Pour ressusciter il faut passer par la mort. La mort est donc un passage et non une fin… Par le baptême, la résurrection est déjà inscrite en nous.
La vie du monde à venir : La vie éternelle, dans le Royaume de Dieu. Jésus a prêché la venue de ce Royaume qui nous est promis en héritage. La vie éternelle c’est vivre dans la plénitude de Dieu.
Le symbole des apôtres évoque « la communion des saints » : ce sont toutes les personnes qui nous ont précédées dans la foi et que nous attestons être déjà dans la gloire de Dieu car ils ont mis l’Evangile en pratique tout au long de leurs existences. La communion des saints témoigne de cette espérance en la vie éternelle.
Amen
Amen se rattache à la même racine que le mot « croire ». Il exprime la solidité, la fiabilité, la fidélité. En le disant, il confirme tout ce qui a été dit. On pourrait dire : « OK je crois ! »
P. Rodolphe Eymard
Credo – P. Rodolphe Eymard : cliquer sur le titre précédent pour avoir accès au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.
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PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 24 Février 2016
Frères et sœurs, dans plusieurs passages des Saintes Ecritures, il est question de personnes puissantes et aussi de leur arrogance et de leurs abus. En effet, la richesse et le pouvoir sont des réalités qui peuvent être bonnes et utiles au bien commun si elles sont mises au service des pauvres et de tous, avec justice et charité. Mais si elles sont vécues comme un privilège, avec égoïsme et arrogance, elles se transforment en instruments de corruption et de mort. C’est ce qui arrive dans l’épisode biblique où le roi Akab veut s’emparer de la vigne de Nabot sous prétexte qu’elle voisine le palais royal. Cependant, Dieu est plus grand que la méchanceté et que les jeux sales des humains. Dans sa miséricorde, il invite à la conversion. La miséricorde peut guérir les blessures, et changer l’histoire. La miséricorde divine est plus forte que le péché des hommes. Nous en connaissons la puissance quand nous rappelons la venue du Fils de Dieu qui s’est fait homme pour détruire le mal par son pardon.
Je vous invite tous à être d’authentiques missionnaires de la miséricorde pour que l’Evangile puisse toucher le cœur des personnes et les ouvrir à la grâce de l’amour de Dieu. Que Dieu vous bénisse !
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Qui es-tu Seigneur ? Je ne t’ai jamais vu. Depuis des siècles tout le monde parle de toi. Discours contradictoires qui me laissent dans le brouillard. Qui es-tu Seigneur ? Où es-tu ? A quoi tu penses ?
Enfant, Thomas a demandé à ses maîtres bénédictins du Mont Cassin : « Qu’est-ce que Dieu ? » Les questions des enfants sont souvent passionnantes. Einstein, le grand physicien, aimait s’entretenir avec les enfants de cinq ans. Cet âge lui paraissait propice à la fraîcheur dans l’expression et à la pertinence des questions qui désarçonnent parfois les adultes.
L’enfant veut apprendre. Il vous est sûrement arrivé de prendre un enfant sur vos genoux pour lui lire un conte ou des passages de la Bible : qui est celui ? Pourquoi cela ? Les questions sont accompagnées de commentaires inattendus, savoureux. Nous comprenons pourquoi Jésus nous dit : « Si vous ne devenez pas comme des enfants vous ne comprendrez pas le mystère de Dieu ».
Tout au long de sa vie Thomas aimera les questions. Chaque article de la Somme théologique commence par une question. Les questions éveillent et l’intelligence et la liberté. Elles donnent le goût de s’engager personnellement dans une réflexion. La foi suscite la question. La Parole de Dieu donne à penser. Plus on aime Dieu plus on veut le connaître, plus on le connaît plus on l’aime.
Assoiffé de sagesse, Thomas découvre à Naples l’Ordre de saint Dominique qui vient de naître à Toulouse en 1215. Il a le coup de foudre pour l’idéal évangélique des Prêcheurs. Sa famille ne dit pas : « Thomas est un gentil garçon ». Thomas n’est ni mou ni lâche. Combatif, il s’oppose aux projets de réussite sociale prévus par ses proches. La vie de château, la carrière ecclésiastique, les honneurs et les mondanités, tout cela ne l’intéresse pas. Son cœur est déjà pris. Thomas sait ce qu’il veut. A Naples, à la fin de ses études à la Faculté des Arts, il reçoit l’habit de lumière au seuil de ses vingt ans.
Homme de paix et de prière silencieuse, surnommé « le bœuf muet de Sicile », Thomas ressemble plutôt à un volcan. C’est du feu. Il va accomplir une œuvre titanesque. Son écriture en zigzag révèle un esprit bouillonnant et rapide. Initié aux sciences, à la philosophie et à la théologie par Albert le Grand, Thomas va s’épanouir dans l’enseignement et dans la prédication à Paris, à Milan, à Naples.
L’enseignement de Thomas se caractérise par l’innovation. Il fait du neuf en introduisant la philosophie d’Aristote dans la réflexion théologique. Aristote et sa philosophie réaliste vont marquer l’aventure intellectuelle de l’université de Paris. Ce philosophe grec répondait à ceux qui lui demandaient où il avait tant appris : « Dans les choses qui ne peuvent mentir ». Thomas d’Aquin reçoit la pensée d’Aristote à travers les études d’Averroès, arabe d’Espagne, et de l’iranien Avicenne, deux grands intellectuels musulmans. Pour Thomas, la raison est une participation à la lumière divine. Par la raison, l’homme devient sa propre providence. La raison et la liberté de l’homme sont à prendre au sérieux. Ni le sentimentalisme ni la pensée molle n’ont ici de place. Et celui qui renonce à prendre en main sa vie au nom de sa foi dans les horoscopes commet un péché grave.
Par ailleurs, Thomas sait que la vérité vient toujours du Saint Esprit et que l’Esprit de Dieu ignore les frontières. Esprit libre et universel, il conseille aux étudiants de « graver dans leur mémoire tout ce qu’ils pouvaient entendre de bon, quel que soit d’ailleurs celui qui le leur apprenne ». Innovateur audacieux, il réplique à ceux qui lui reproche d’affaiblir le contenu de la foi avec des commentaires des philosophes non chrétiens : « Je ne mets pas de l’eau dans le vin de la révélation mais l’eau des philosophes devient du vin au contact de la Parole de Dieu ».
L’œuvre intellectuelle immense de Thomas comprend les sciences profanes, la philosophie, les commentaires bibliques, la théologie, la composition de textes liturgique poétiques comme l’Office du Saint Sacrement avec ses prières toujours jeunes comme le « Tantum ergo » ou le « Pange lingua », sans oublier le but et le sommet de l’œuvre théologique : la prédication pour le salut des âmes. Thomas s’est évertué à mettre en lumière la volonté divine de libération et de divinisation de tout homme. Ses sentiments, ses pensées et ses paroles, expriment l’Evangile de Jésus-Christ. En lui Amour et Vérité se rencontrent. Pour aimer il faut être bien dans sa tête. En Thomas l’amour de l’intelligence et l’intelligence de l’amour ne font qu’un. En lui les lèvres, le cœur et la tête s’épanouissent harmonieusement.
A Naples, en 1273, une année avant sa mort, Thomas a prêché le Carême en dialecte napolitain. « Père, sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité » (Jn. 17). Pédagogue, Thomas commente les commandements de Dieu d’une manière simple, imagée, accessible à tous. Le cœur de l’homme, dit-il, est comme un lit étroit qui ne peut pas contenir plusieurs personnes. Nous ne pouvons pas aimer Dieu et l’argent.
Encore une autre image, celui réussit dans la vie mais qui ne réussit pas à donner sa vie par amour ressemble à un cadavre recouvert de pierres précieuses. Il est mort.
Théologien de la loi nouvelle, Thomas se laisse conduire par l’Esprit Saint. Il sait que l’Esprit Saint descend sur l’assemblée chrétienne au moment de la prédication. Le croyant fait alors l’expérience de l’Amour de Dieu répandu dans les cœurs (Rm. 5,5). L’Esprit de Dieu se met à aimer en l’homme : « Dieu est Amour. Celui qui aime demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » (I Jn. 4,16).
Thomas est un saint, un mystique. L’essentiel, pour lui, c’est d’aimer comme le montre la scène bouleversante, rapportée par un témoin, où l’on voit, de nuit, Thomas offrir au pied du Crucifix de Jésus-Christ son traité sur l’Eucharistie, avec la question du Crucifié : « Tu as bien parlé de moi, Thomas. Que veux-tu en récompense ? ». Et la réponse qui vient sublime : « Toi-même, Seigneur ».
A 50 ans, Thomas approche de la mort. Vidé, Thomas ouvre son cœur au frère Reginald de Piperno, son secrétaire, son confesseur, son ami fidèle. Son œuvre lui semble peu de chose par rapport au mystère de Dieu : « Ce que j’ai écrit est de la paille ».
Thomas meurt au monastère cistercien de Fossa Nova, près de Rome, le 7 mars 1274, en route vers le Concile de Lyon.
La pape Jean XXII l’a canonisé en 1323 à Avignon. Pie V l’a proclamé docteur de l’Eglise en 1567. En 1880, Léon XIII l’a proposé comme patron des universités, des collèges et des écoles catholiques.
La pensée du « Docteur Angélique » continue de façonner sur les cinq continents l’esprit de ceux qui cherchent à mieux comprendre leur foi chrétienne mais la présence de saint Thomas se fait plus intense auprès de ses reliques que la ville de Toulouse a l’honneur de garder aux Jacobins depuis le XIVè siècle.
Demandons au Seigneur de nous accorder la sagesse dont nous avons besoin.
Louons Dieu pour le don fait à l’Eglise de saint Thomas d’Aquin notre frère.
Fr Manuel Rivero, OP