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Le péché originel, comment le comprendre ?

     A cause de l’individualisme qui marque notre époque, nous sommes devenus insensibles à l’idée biblique de notre responsabilité – pour le meilleur et pour le pire- à l’égard de l’humanité comme corps.

    

(c) Edith GUEYNE

Lorsque l’Évangile nous dit que Dieu s’est incarné en Jésus Christ, nous avons du mal à réaliser que son Incarnation intéresse toute l’humanité et marque un tournant radical dans l’histoire. Le Concile vatican II l’a clairement affirmé : «  Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme…En Lui, Dieu nous a réconciliés avec lui-même et entre nous, nous arrachant à l’esclavage du diable et du péché. » (GS 22, &2 et 3).

C’est parce que Jésus apporte le salut à tout homme que l’apôtre Paul, pour ainsi dire en négatif, présente notre solidarité en « Adam » (une humanité marquée par le mal et la mort) à la lumière de notre solidarité en Christ. C’est en référence à l’universalité du salut que Paul présente Adam comme la figure de l’universalité du péché. (Rm 5, 18).

     Si cette idée d’héritage d’un péché d’origine nous semble inacceptable, ne pouvons-nous pas admettre notre appartenance à une « humanité pécheresse » ? Une humanité qui ne cesse, en tous et en chacun, de faire l’expérience de saint Paul : «  Le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais ». (Rm 7, 15-19)

Père Antoine DENNEMONT




L’âme et l’esprit après la mort ?

homme en prièreCe que nous devenons après la mort est un bien grand mystère. Nos mots sont maladroits. Attention à notre imagination. Le mot « après » est piégé, car il laisserait croire qu’il y a une continuité temporelle. Or quand l’homme meurt il entre dans « l’éternité ».
Tout d’abord, il faut souligner l’unité de l’être humain – Nous sommes malheureusement marqué par une définition fausse que nous avons apprise: l’homme est « composé d’un corps et d’une âme », la mort étant la séparation de l’un et l’autre. Et l’on aboutit à des croyances bizarres comme par exemple « les âmes errantes »…Cette manière grecque de concevoir l’être humain est contraire à la pensée biblique : L’homme est UN. Quand le croyant de la Bible chante «  Bénis le Seigneur, ô mon âme » : cela veut dire ‘tout mon être’. C’est l’être humain tout entier qui meurt. L’enveloppe charnelle (que nous appelons « le corps ») n’est en fait qu’une chose appelée à disparaître et qui nous aide à nous souvenir. Mais dans le Christ, c’est l’être tout entier qui entre dans la vie et que le Christ ressuscitera.
Jésus nous indique le chemin : au moment de mourir, il dit à son Père : « Entre tes mains je remets mon esprit » dans l’abandon, la confiance, l’espérance. En retour de sa vie donnée, le Père lui donne sa vie de Dieu pour toujours : il le ressuscite. Il en va de même pour le chrétien qui remet « son esprit » (sa vie) au Père après l’avoir donnée par amour à ses frères.




Audience Générale du Mercredi 10 Décembre 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 10 Décembre 2015
 


 

Pourquoi un jubilé de la Miséricorde

Frères et sœurs, après avoir ouvert la Porte Sainte du Jubilé de la Miséricorde, je voudrais répondre à la question : pourquoi un jubilé de la Miséricorde ? Célébrer ce Jubilé c’est mettre au centre de notre vie personnelle et de nos communautés le contenu spécifique de la foi chrétienne. L’Année Sainte nous est offerte pour faire l’expérience dans notre vie du pardon de Dieu, de sa présence à nos côtés et de sa proximité quand nous en avons le plus besoin. C’est un moment privilégié où l’Eglise apprend à choisir ce qui plaît le plus à Dieu : pardonner à ses enfants, leur faire miséricorde pour qu’ils puissent à leur tour pardonner à leurs frères. Rien n’est plus important que de choisir ce qui plaît le plus à Dieu, sa miséricorde. Cela est urgent partout, dans la société, dans les institutions, dans le travail et aussi dans la famille. A la racine de l’oubli de la miséricorde, il y a toujours l’amour propre, la recherche exclusive de son propre intérêt, des honneurs, des richesses, souvent travestie en hypocrisie et en mondanité. Aussi est-il nécessaire de se reconnaître pécheurs pour renforcer en nous la certitude de la miséricorde divine.

Je suis heureux d’accueillir les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du diocèse de Rennes, accompagnés de leur Archevêque, Mgr D’Ornellas, ainsi que ceux venant de France, de Suisse, du Liban et du Gabon. Je souhaite qu’en cette Année Sainte, chacun de vous fasse l’expérience de la miséricorde de Dieu pour en être des témoins convaincus et efficaces. Que Dieu vous bénisse !

 

 




3ième Dimanche de l’Avent – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Jean BaptisteFrères et sœurs, qu’est-ce qu’un prophète ?
Au moment où nous nous avançons à la rencontre de l’Époux, en ce Jour du Seigneur, veille de la rencontre finale du Christ et de son Église, en ce temps de l’Avent, temps de l’attente, temps de la vigilance qui éveille nos cœurs à Noël, nous sommes invités à méditer sur la figure de celui qui fut « le plus grand des prophètes », Jean-Baptiste, et donc à nous demander ce qu’est un prophète. Nous avons quelques idées là-dessus. Si nous ne sommes pas très cultivés bibliquement, nous pensons à des gens qui avaient des extases ou des frémissements intérieurs et qui prononçaient quelques oracles qui avaient vaguement à voir avec l’avenir d’Israël. Si on a déjà un peu cheminé dans la découverte de la Parole de Dieu, on se rend compte que les prophètes ne sont pas des Nostradamus de l’Ancien Testament, mais des hommes qui voyaient la présence de Dieu au cœur des événements de la vie d’Israël. Je voudrais essayer de vous faire pressentir en quoi consistait la vocation de prophète.
Être prophète en Israël, c’était une véritable « vie de chien », c’était d’une certaine manière épouvantable. D’ailleurs une des figures prophétiques les plus typiques, Jérémie, s’est plaint amèrement de ce métier. Il a dit à Dieu : « Il aurait mieux valu que ma mère ne m’enfante pas, ou plutôt que je sois mort-né, et qu’on dise à ma mère, juste après l’accouchement : ton fils ne vit plus ». Vraiment la vie de prophète était « une chienne de vie ». Et pourquoi ? Je crois qu’il y avait deux raisons.
La première, c’est que la parole, le message que le prophète avait à annoncer ne lui appartenait pas. Par définition, les prophètes – et c’est pour cela qu’on pense qu’ils étaient inspirés – disaient une parole qui n’était pas la leur. Ce qu’ils proclamaient, ce n’était pas quelque chose qui venait d’eux-mêmes. À ce titre-là, c’est l’exact opposé de ce que nous pensons aujourd’hui sur les auteurs en littérature. Nous croyons que les auteurs sont des gens qui pensent par eux-mêmes, qui, par leur intelligence, leur imagination, ajustent de belles paroles, de beaux discours, de beaux mots et les enchaînent en phrases. Dans l’Ancien Testament c’est tout le contraire. Par définition, le prophète éprouve la Parole comme n’étant pas sienne. Et c’est ce qu’il faut comprendre quand Dieu parle à Jérémie : « Voici que je mets mes paroles dans ta bouche ! » Vous connaissez ce beau récit de la vocation d’Isaïe où l’ange prend sur l’autel de Dieu des charbons brûlants et vient en toucher les lèvres du prophète. Un prophète, c’est celui qui, dans son corps, dans son esprit, dans son cœur, dans sa bouche, est traversé par les brandons enflammés de la Parole de Dieu. Par conséquent il y a à la racine même de la vocation prophétique une sorte de désappropriation totale. C’est pour cela que lorsque Jérémie dit : « Ah, ah, je ne suis qu’un enfant », qu’il bégaie comme un enfant, « je ne sais pas parler », c’est une sorte de bégaiement, une sorte de balbutiement d’enfant. En réalité il a raison, parce qu’à partir du moment où il est saisi par la vocation prophétique, il perd littéralement la parole. Ce ne sera plus sa parole. Le prophète est littéralement prophète, « celui qui parle au nom de… » Sa parole n’est pas sienne. Et Dieu sait que c’est éprouvant pour un homme de ressentir, jour après jour, que sa parole n’est pas sienne. Au fond, cette activité de parole nous est si chère, nous l’aimons tellement, que le jour où la parole n’est plus nôtre, c’est une sorte de dépossession terrible, d’arrachement, d’ascèse.

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Or il y a une deuxième connotation de la vocation prophétique, c’est que cette parole n’est pas pour lui, pour le prophète. Deuxième arrachement. Si au moins on pouvait garder cette parole pour soi, si au moins on pouvait laisser la Parole de Dieu fructifier, se développer, se déployer comme un surgeon dans la terre qu’est le cœur du prophète. Mais généralement elle n’est pas faite pour cela. « Voici, je t’établis sur les royaumes pour arracher et détruire, pour bâtir et planter ! » Le prophète ne pourra rien garder de la Parole de Dieu qui lui est donnée. Deuxième dépossession. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il suscite une telle agressivité car lorsque le prophète arrive au milieu du peuple, ce dernier sent instinctivement que la Parole est pour lui, et que le prophète ne la garde pas pour lui mais délivre ce message. Le peuple n’a aucune envie d’entendre les paroles d’admonition, de pénitence, de conversion que Dieu lui adresse par la bouche du prophète. C’est pour cela qu’on reconnaissait instinctivement la parole du prophète. Elle venait d’ailleurs, pour l’interlocuteur. Il fallait recevoir en pleine figure ce message prophétique. C’est pour cela que, la plupart du temps, le plus simple était de « fermer le bouton de la radio » et de tuer le prophète. C’est pour cela que Jérusalem a tué les prophètes car elle savait trop bien à qui était destinée cette Parole et elle ne voulait plus l’entendre.
Ainsi donc le prophète est coincé entre le marteau et l’enclume, entre la Parole de Dieu qui s’impose à lui et sur laquelle il ne peut rien et d’autre part les destinataires à qui il adresse cette Parole comme s’il voulait s’en décharger ; et eux ne veulent pas la recevoir. Le prophète est pris comme une sorte de balle de ping-pong. Il est renvoyé sans cesse de Dieu au peuple et du peuple à Dieu. C’est une vie impossible.
Et pourtant il y a un jour où la parole prophétique a trouvé miraculeusement presque un instant, sa plénitude dans le cœur d’un homme. Et c’est pour cela que Jean-Baptiste est dit « le plus grand des prophètes » car au nom de tous les prophètes d’Israël, selon la même fonction, selon la même vocation, Jean-Baptiste, un jour, a reçu la Parole en chair et en os. Il l’a vue et il a simplement dit : « Voici l’Agneau de Dieu ! » A ce moment-là, effectivement, il n’était que la voix, il n’était que le support, que le vecteur. Ce jour-là, la Parole se présentait elle-même sur les bords du Jourdain, dans une sorte d’extériorité et cependant dans une infinie proximité, une intimité infinie. Jean-Baptiste était bien prophète mais, ce jour-là, son geste prophétique était une sorte de cri d’émerveillement. Le simple geste de montrer : « Voici ! », un peu comme sur le retable d’Issenheim avec ce doigt mystérieusement courbé, incliné, qui montre l’Agneau de Dieu cloué sur la croix.

baptême-de-Jésus-JourdainCe jour-là, Jean-Baptiste recevait la Parole en personne. Totalement dépossédé de lui-même, il n’avait plus qu’à être la voix qui sert de support au Verbe de Dieu, le doigt qui le montre au peuple. Et en même temps Jean-Baptiste présentait cette Parole au peuple et mystérieusement voyait les épousailles de cette Parole avec les destinataires, le peuple tout entier, l’Épouse. C’est à ce moment-là que, pour ainsi dire, Jean-Baptiste a « le souffle coupé ». La voix ne crie même plus et elle entend, simplement, la joie de la rencontre. Alors que la plupart des prophètes de l’Ancien Testament avaient vécu le mystère de leur vocation prophétique comme cette espèce de déchirement, d’écrasement entre le mystère d’un Dieu qui appelle et un peuple qui ne veut pas accueillir cette Parole, mystérieusement Jean-Baptiste a eu cette grâce inouïe, à la fois de voir la Parole venir en personne à la rencontre du peuple, et l’Épouse en la personne de quelques disciples accueillir cette Parole.
Vous comprenez pourquoi Jean-Baptiste disait à ce moment-là : « Il faut que Lui grandisse et que moi je diminue ! » C’était effectivement l’achèvement de la vocation prophétique. Après Jean-Baptiste, il ne pouvait plus y avoir de prophètes au sens des prophètes de l’Ancien Testament. Avec Jean-Baptiste, par son ministère, par le simple geste d’avoir montré le Verbe fait chair, la rencontre s’était opérée en plénitude. La joie de Jean-Baptiste est encore la nôtre. Car nous aussi nous sommes mystérieusement des prophètes à la manière de Jean-Baptiste. Que ce soit vis-à-vis de nous-mêmes comme auditeurs de la Parole de Dieu, que ce soit vis-à-vis de nos frères à qui nous annonçons cette Parole de Dieu, nous sommes toujours comme Jean-Baptiste, ceux qui disent simplement : « Il est là ! » et qui, ensuite, le laissent parler, laissent la présence de la Parole s’effectuer au cœur de tout homme et d’abord à l’intime de notre propre cœur. Nous sommes alors ceux qui écoutent la voix de l’Époux accueillant l’Épouse dans son intimité et qui se réjouissent simplement de ce que le salut est donné en la personne de Jésus. AMEN.




3ième Dimanche de l’Avent par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 13 décembre 2015

 

Sophonie 3, 14-18a (« Le Seigneur dansera pour toi et se réjouira »)

La Bible voit rarement Dieu se dévergonder, se conduire sans retenue comme un jeune homme amoureux, menant la danse pour sa bien-aimée. C’est pourtant le cas dans cette lecture. On regrette la nouvelle traduction édulcorée du lectionnaire : « il exultera pour toi », au lieu de la traduction plus exacte : « il dansera pour toi. » Le prophète songe à la Fête d’automne, la fête des Tentes qui, en Israël, célébrait la royauté de Dieu, vainqueur des forces du mal. Mais il rêve du jour où Dieu en personne conduira la fête. Distinguons deux parties :
1) L’invitation à la fête. Il faut une manifestation en cris et ovations, car « la fille Sion » voit venir son Seigneur qui a repoussé tous les ennemis. Il est « en toi », comme un roi à la présence rassurante.
2) Une promesse de salut. Lors de la fête d’automne, un prophète, quel qu’il soit, prononçait régulièrement un message d’encouragement commençant par la formule Ne crains pas. Ici, on annonce la présence du Seigneur victorieux, manifestant en une danse exubérante son amour pour cette « fille Jérusalem ».
Sophonie écrivit entre 640 et 609. Cependant, le poème final que nous lisons dans cette liturgie est sans doute une addition postérieure au livre de Sophonie, le cri d’espérance d’un autre prophète après la destruction de Jérusalem en 587. Mais saint Luc a interprété à sa manière le poème de Sophonie, lorsqu’il fait dire à l’ange de l’Annonciation : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Luc 1, 28). Marie, fille de Sion, nous a déjà donné la source de notre joie.

Philippiens 4, 4-7 (« Soyez dans la joie : le Seigneur est proche »)

Il faut se réjouir, mais *dans le Seigneur. Car les chrétiens de Philippes, persécutés par leurs concitoyens païens n’ont pas de quoi rire (lire Philippiens 1, 28-30). Que leur joie soit de savoir le Seigneur proche d’eux, puisqu’ils souffrent pour lui, pour leur fidélité, et qu’il viendra si l’épreuve devient insupportable. Que leur « sérénité » prouve à tous cette espérance, même à leurs persécuteurs.
La prière sera l’antidote de l’inquiétude » : par l’action de grâce, ils verront mieux ce que Dieu leur donne déjà pour tenir ferme, et la supplication ravivera leur confiance en lui. La prière leur apportera une paix inimaginable, en renouvelant leur attachement au Christ (« votre cœur ») et en leur faisant mieux saisir (« votre intelligence ») que leurs épreuves les associent de près au destin de Jésus.
Les chrétiens de Philippes ont bien besoin de paix ! Car, autre difficulté, l’égoïsme et les rivalités déchirent leur communauté (voir Philippiens 4, 2-3, puis 2, 2-4).
En ce troisième dimanche de l’Avent, dimanche de la joie, ou, avant le Concile, le prêtre portait une chasuble rose, Sophonie chante la joie de la venue d’un Roi amoureux de son peuple. Paul invite à cultiver une joie sereine au cœur des épreuves qui peuvent assaillir notre foi et notre espérance.

* La joie dans le Seigneur. « L’Apôtre nous ordonne d’être joyeux, mais dans le Seigneur, non selon le monde (…). De même que l’on ne peut servir deux maîtres, c’est ainsi qu’on ne peut être joyeux à la fois selon le monde et dans le Seigneur (…). Mais quelqu’un dit : Je suis dans le monde ; donc, si je suis joyeux, je suis joyeux là où je suis. – Et alors ? Parce que tu es dans le monde, tu n’es pas dans le Seigneur ? Écoute encore saint Paul parlant aux Athéniens et qui affirme au sujet de Dieu et du Seigneur, notre Créateur : C’est en lui qu’il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d’exister. Car celui qui est partout, en quel lieu n’est-il pas ? N’est-ce pas à cela qu’il nous exhortait ? Le Seigneur est proche, ne soyez inquiets de rien. C’est là un grand mystère : il est monté au-dessus des cieux, et il est tout proche de ceux qui habitent sur terre. Qui donc est à la fois lointain et tout proche, sinon celui qui s’est tellement rapproché de nous par la miséricorde ? » (saint Augustin, homélie sur la Lettre aux Philippiens).

 

Luc 3, 10-18 (Jean Baptiste prépare les foules à la venue du Messie : « Que devons-nous faire ? »)

Luc bâtit sur Jean Baptiste un petit drame en trois actes. Le premier acte, inconnu des autres évangélistes, met en scène l’enseignement du Baptiste.

L’enseignement du Baptiste

Le baptême de conversion (évangile de dimanche dernier) suppose qu’on passe aux actes. À tous, Jean demande un partage en vêtement et nourriture avec les pauvres, au moins à partir du surplus (« deux vêtements »). C’est ensuite un gros plan de l’évangéliste sur deux classes sociales : 1) Les collecteurs d’impôt ne se gênaient pas pour emplir leurs poches en majorant les taxes, l’Autorité fermant les yeux tant qu’il n’y avait pas d’abus trop voyant. 2) Les soldats, romains ou auxiliaires samaritains, ne mettaient pas le tact envers la population juive au sommet de leurs soucis. À ces deux groupes, Jean demande une conduite conforme à la justice sociale. Viennent donc à lui des gens de tout acabit, même des publicains, peu aimés, et des étrangers. Ce public du *baptisme sera aussi celui de Jésus.

Le peuple en attente

Pour renouer avec ce que racontent Marc, Matthieu et surtout Jean 1, 19-23, Luc compose un deuxième acte très bref : la foule représente le peuple d’Israël en attente d’une intervention de Dieu. Alors Jean ne serait-il pas le Christ, c’est-à-dire le Messie ?

Jean et Jésus

Le troisième acte permet à Jean de se situer. Luc recourt ici aux mêmes traditions que Matthieu, mais avec des nuances :
1) Jean annonce bien la venue du « Plus Puissant », appellation discrète du Messie. Mais, contre Matthieu, Luc évite de faire dire à Jean : « celui qui vient à ma suite », pour que Jésus n’ait pas l’air d’avoir été d’abord un disciple baptiste (ce qu’il fut, du point de vue historique ; voir Jean 3, 22-26).
2) Comme chez Matthieu, on annonce que Jésus « baptisera dans l’Esprit Saint et le feu », mais Luc seul peut penser ici à la Pentecôte qu’il racontera, lui seul, dans les Actes des Apôtres (chap. 2). D’ailleurs, la triple question des gens, « que devons-nous faire ? », est celle-là même que l’on posera aux apôtres au jour de la Pentecôte (voir Actes 2, 37). Ainsi, l’œuvre de Jean Baptiste prépare harmonieusement la mission de Jésus et son baptême prépare le baptême dans l’Esprit Saint. Luc peut même dire en conclusion que c’est déjà la Bonne Nouvelle (de Jésus), l’Évangile, que Jean proclame. Saluons saint Luc qui a horreur des conflits et qui sait pourtant bien que le baptisme a continué sa propre voie en dehors du christianisme. Mais il a raison : le baptisme ambigu fut le terreau sur lequel Jésus a fait pousser la fleur de son Évangile. Peut-être les chrétiens « purs et durs » d’aujourd’hui ont-ils encore du mal à admettre que l’Évangile puisse pousser en se nourrissant de quelque « fumier » inattendu. Il en fut pourtant ainsi aux origines.

* Le(s) baptisme(s). Nos évangélistes font du Baptiste le sponsor de Jésus, mais laissent deviner que ce Jean « roulait pour son compte » (ainsi Lc 7, 18-20), que Jésus fut un dissident de celui qu’il avait d’abord suivi et qu’un témoin de l’époque dépeint ainsi : Ceux réunis autour de lui étaient très exaltés en l’entendant parler. Hérode [Antipas] craignait qu’une telle faculté de persuasion ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il préféra donc s’emparer de lui (Flavius Josèphe). Les historiens savent que Jean ne représente qu’un des mouvements « baptistes » populaires de réveil prophétique qui rejetaient les institutions religieuses juives, criaient l’imminence du jugement de Dieu sur ce monde et préconisaient le rite du baptême de repentir comme l’antidote de cette catastrophe. L’incarnation de Dieu en Jésus passe par ces mouvements ambigus. L’incarnation de l’Évangile au vingtième et unième siècle prétendrait-elle être « plus pure » ?

 




3ième Dimanche de l’Avent par le Diacre Jacques FOURNIER (13 décembre)

« « Que celui qui a partage avec celui qui n’a pas… » (Lc 3,10-18)

 

En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »
Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

joie

« Que devons-nous faire ? », demandent les foules à Jean-Baptiste. Sa première invitation sera pour la charité fraternelle universelle : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Puis il invitera à la justice : que les collecteurs d’impôts ne s’enrichissent pas aux dépens des contribuables en leur demandant plus que n’exigent les Romains. Et que les soldats s’interdisent de se servir de leurs armes pour augmenter leur solde par la violence. Il ne faisait que rappeler « les Dix Paroles », le cœur de la Loi : « Tu ne voleras pas, tu ne tueras pas, tu ne convoiteras rien de ce qui est à ton prochain » (Ex 20,1-17).
Et comme beaucoup se demandaient si Jean-Baptiste n’était pas le Messie promis par les Ecritures, il sera clair : la sainteté de « celui qui vient », Jésus, est telle qu’il se déclare lui-même indigne d’accomplir à son égard le geste du plus petit des esclaves, « défaire la courroie de ses sandales »… Mais cette sainteté de Jésus n’est pas de l’ordre du « supérieur » ou de « l’inférieur », mais de l’Amour, puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). Dieu se présente ainsi en Jésus Christ comme étant « le plus petit » : « En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes il n’en a pas surgi de plus grand que Jean-Baptiste », et pourtant, n’oublions pas ce qu’il vient de dire de lui-même ! « Cependant, le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui » (Mt 11,11). » Mais qui reste-t-il une fois que toute l’humanité a été évoquée sinon Dieu Lui même, celui qui a « le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2,9-11), ? « Qui est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Et moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert ! » (Lc 22,27). Le Très Haut, le Tout Puissant, l’infiniment grand s’est donc manifesté en Jésus Christ comme étant le plus petit, celui qui sert les autres, qui ne pense qu’à leur bien. « Que celui qui a partage avec celui qui n’a pas ». C’est exactement ce qu’il est venu faire pour nous pécheurs. « Le salaire du péché c’est la mort » ? Celui qui est vie, et qui a la plénitude de la vie en lui-même est venu nous donner sa vie, en abondance (Rm 6,23 ; Jn 10,10) par le Don de « l’Esprit qui vivifie » (1Th 4,8 ; Jn 6,63 ; 7,37-37 ; Ga 5,25). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23) ? « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22) en les invitant à recevoir le « baptême dans l’Esprit Saint », et avec lui le Don de l’Esprit, « l’Esprit de Dieu, l’Esprit de gloire » (1P 4,14)… DJF

 




Rencontre autour de l’Évangile – 3ième Dimanche de l’Avent

 » Moi je vous baptise avec de l’eau, Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu… « 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Lc 3, 10-18)

Ce passage de l’évangile de Luc fait suite à celui de dimanche dernier. C’est le ministère de Jean Baptiste qui prépare les foules à accueillir le Messie qui arrive.

Regardons-réfléchissons-méditons
Faire lire lentement le texte
Les foules… : Qui étaient ces gens qui venaient en foule à Jean Baptiste ?
Que devons-nous faire ? : Quelle est l’importance de cette question qui revient dans la bouche de ceux qui viennent se faire baptiser par Jean ?
Celui qui a… qu’il partage : Comment doit s’exprimer concrètement la conversion de celui qui possède ?
Des publicains : Quelle était la réputation qu’on faisait à ces employés des impôts ?
N’exigez rien de plus : Comment doit s’exprimer concrètement la conversion de ces collecteurs d’impôts ?
Les soldats : Qui sont ces soldats ?
Ne faites ni violence ni de tort à personne : Comment doit s’exprimer la conversion des soldats ?
Contentez-vous de votre solde : Pourquoi cette consigne de Jean Baptiste ?
Le peuple était en attente : Qu’est-ce qu’il attendait ? Pourquoi cette attente était vive dans le peuple ?
Le Messie : Quelle idée le peuple se faisait du Messie ?
Il vient celui qui est plus puissant que moi …je ne suis pas digne…: Qu’est-ce que ces paroles nous révèlent de la personnalité du prophète Jean ?
Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu : A quel moment avons-nous été baptisés (plongés) dans l’Esprit-Saint ? Et pourquoi le feu ?
L’image du blé que l’on bat…: Que signifie ce « nettoyage » ?
Le grain dans le grenier : Que représente le grain ?
La paille brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas : Que représente la paille ? Et le feu qui ne s’éteint pas ?
La Bonne Nouvelle : Quelle est cette Bonne Nouvelle ?

 

Pour l’animateur

Les gens qui venaient en foule se faire baptiser, c’était toutes ces personnes qui étaient classées comme pécheurs et qui étaient touchées par la prédication de Jean et qui voulaient changer de vie.
Que devons-nous faire ? Cette question montre bien que la conversion n’est pas seulement une réalité spirituelle, mais un changement dans la manière d’agir.
Celui qui possède : sa conversion doit s’exprimer par le partage.
Le fonctionnaire des impôts (publicain) dont la réputation est de s’enrichir sur le dos des gens, doit arrêter d’abuser et de tromper les gens.
Les soldats : ce sont les militaires de l’armée Romaine qui occupait la Palestine. Ils brutalisaient facilement les gens, et sans doute, extorquaient de l’argent pour arrondir leur fin de mois. Leur conversion doit s’exprimer par un respect des personnes, le refus de la violence et se contenter de leur salaire.
L’attente du Messie, était comme une sorte de fièvre qui brûlait dans le cœur des gens du peuple. Le peuple attendait plutôt un Messie qui aurait libéré la terre d’Israël de l’occupant et y établir un royaume puissant et florissant.
Jean Baptiste définit bien son rôle par rapport à Celui qui vient : le Messie. Le plongeon dans les eaux vives du Jourdain est bien différent du bain de l’Esprit et de feu que donnera le Christ à partir de la Pentecôte et qui sera une purification radicale du cœur.
Jean révèle son humilité, lui qui reconnaît la supériorité de Jésus et se sent indigne de faire sur lui le geste de l’esclave : ‘défaire la courroie de ses sandales’. La coutume voulait que celui qui baptise déchausse celui qu’il allait baptiser avant de l’aider à se dévêtir. Jean dit simplement qu’il n’est pas digne de baptiser Jésus.
Celui qui vient est avant tout le juge des derniers temps : il va nettoyer son peuple (la paille représente tout ce qui est sans valeur, tout ce qui ne pèse pas lourd dans notre vie, les impuretés qui seront définitivement détruites; le blé, c’est au contraire, tout ce qui donne valeur à notre vie, tous « les fruits » de bonté, de justice.) Cependant la sévérité qui termine le passage ne correspond pas au comportement que Jésus a eu devant les pécheurs.
La Bonne Nouvelle, c’est le Don de Dieu, la réalisation de la promesse du Sauveur, c’est l’arrivée du Messie Sauveur.

 


TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Dieu très bon, nous le croyons, ton Fils vient apporter aux captifs la liberté et annoncer ta joie au monde. Ne permets pas que nous doutions de lui, accorde nous d’être témoins de son Royaume, maintenant et toujours

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

Quelle est la Bonne Nouvelle de ce passage d’évangile ?
Quel visage de Dieu nous est révélé ?
Le Dieu invite tous les hommes à accueillir Celui qui vient les libérer de leurs péchés, transformer leur vie et les plonger dans la vie nouvelle grâce à l’Esprit Saint.
Cette page d’évangile ne parle pas de pratiques religieuses pour se convertir, mais de conversion dans le comportement envers les autres. Une vraie conversion se traduit en actes.
Qu’est-ce que Jean Baptiste nous demanderait aujourd’hui de changer concrètement dans notre vie (Quels gestes ? Quelles démarches ? Quel engagement ?) Pour nous préparer à accueillir le Seigneur Jésus ? (dans la vie en société, dans notre vie professionnelle, dans notre vie en paroisse)
Le peuple était en attente. Et nous ?
-sommes-nous en attente de la venue de Jésus :
– dans notre vie personnelle, aujourd’hui ? car il n’a pas encore toute la place ;
– dans notre paroisse ? car beaucoup de nos frères ne l’ont pas encore accueilli
– dans notre société ? car il y a encore beaucoup d’injustices, d’abus de pouvoir, de violence…(Attendre, c’est nous préparer, c’est préparer la maison, c’est nettoyer, mettre de l’ordre. C’est aussi vivre dans l’espérance.)
Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint
Ce que Jean Baptiste a annoncé, s’est réalisé pour nous : le Christ nous a plongés dans l’amour du Père à notre baptême en nous donnant l’Esprit-Saint. C’est un Esprit de communion. C’est un feu qui est chaleur et lumière ; un feu qui purifie. Comment vivons-nous de cet Esprit Saint aujourd’hui ?

ENSEMBLE PRIONS
Viens renaître en nous, Source de la vie ! (tous reprennent)
Viens nous libérer, Prince de la Paix
Viens nous justifier, Germe de justice
Viens nous relever, Enfant du Très-Haut !
Viens tout éclairer, Lumière du monde
Viens tout rénover, Jésus, Fils de Dieu.

Chant : Toi qui es Lumière 151 ou « Viens pour notre attente » p.152)

Notre Père

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Audience Générale du Mercredi 2 Décembre 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Décembre 2015
 


 

Frères et sœurs, je veux rendre grâce pour le voyage que je viens de faire en Afrique. Il a commencé par le Kenya, où j’ai voulu encourager toutes les personnes que j’ai rencontrées à être solides dans la foi, à ne pas avoir peur, et à savoir profiter des richesses naturelles et spirituelles de ce pays ; en particulier la sagesse de son peuple et sa jeunesse. En Ouganda, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la canonisation des martyrs ougandais, chacun selon sa mission a été appelé à être, par la force de l’Esprit, témoin du Christ et levain pour la société tout entière. Je me suis rendu enfin en Centrafrique, pays qui cherche à sortir d’une période difficile de violences et de souffrances pour toute la population. J’ai eu l’occasion de rencontrer les communautés évangélique et musulmane. A Bangui j’ai ouvert la Porte Sainte du Jubilé, en signe de foi et d’espérance pour les Centrafricains, et pour tous les peuples d’Afrique. Le Seigneur est présent à son peuple, il le guide pour le faire passer sur l’autre rive.

 

Je salue cordialement les pèlerins de langue française. Nous sommes entrés dans le temps l’Avent. C’est un temps d’espérance que le Seigneur nous propose de vivre pour mieux nous disposer à le recevoir dans notre vie et dans notre monde. Que la Vierge Marie vous accompagne sur votre route et vous conduise à son Fils.

Que Dieu vous bénisse.

 




2ième Dimanche de l’Avent – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

1er dimanche de carême« L’an quinze du principat de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays d’Iturée et de Trachonitide, Lysanias tétrarque d’Abilène, sous le pontificat d’Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert ».

Frères et sœurs, il est vraiment surprenant que l’évangéliste Luc situe l’irruption du salut de Dieu dans un contexte apparemment aussi banal qu’une chronologie politique de l’époque. Si Luc est un chrétien, nourri de l’Ancien Testament, ayant un sens aigu de ce qu’est l’histoire du salut, histoire sacrée, consignée dans une tradition, portée par un peuple, une histoire qui n’appartient à personne d’autre que les tributaires et les porteurs de cette histoire, si Luc accepte donc de signifier que le moment le plus décisif de cette histoire peut être daté et repéré en rapport et en référence à l’histoire de tout le monde, l’histoire que vous lisez chaque jour dans les journaux, voilà qui constitue une donnée extraordinaire du projet de l’Évangile comme tel.
Entre nous soit dit, j’aimerais que nous, chrétiens, acceptions aujourd’hui le même défi car, ne nous y trompons pas, nous n’avons que trop tendance à considérer que l’histoire sacrée, l’histoire de l’irruption de la Parole de Dieu dans notre propre existence est une histoire, une vie parallèle. Nous concevons notre foi et notre existence chrétienne comme une « vie parallèle ». Il y a ce qui se passe tous les jours et qu’on lit dans le journal, « l’histoire de tout le monde » et puis, parallèlement, il y aurait une sorte de petit jardin intérieur personnel, un endroit secret, réservé et privé dans lequel on mènerait ses affaires personnelles avec Dieu.

miséricorde
C’est tout le contraire ! Précisément quand Luc veut nous expliquer l’irruption du salut – ce qu’il fait comme un spécialiste puisqu’il précise son projet d’historien au début de son Évangile : « J’ai pris soin de me renseigner très exactement », signifiant par là qu’il a voulu prendre toutes les garanties nécessaires pour nous parler de ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth – quand Luc veut donc expliquer le surgissement du salut, il prend les références de l’histoire de tout le monde, César, Hérode, Philippe et autres figures de l’actualité du moment, et c’est par rapport à ces hommes-là, de l’histoire banale et courante, qu’il situe l’intervention de Dieu. Ainsi, dans la manière même dont la Parole de Dieu se donne au monde, car l’Évangile est la manière dont le secret et l’intimité de Dieu se donnent au monde, cette Parole se donne historiquement en référence à l’empereur Tibère et à un roitelet falot, de la famille du grand Hérode etc.
Dieu accepte d’entrer dans l’histoire des hommes, sans établir une espèce de comportement étanche entre ce qu’il va faire et ce que les hommes font. Et si aujourd’hui, nous sommes encore croyants en ce début de vingtième-et-unième siècle, c’est parce que l’Église n’a jamais accepté que s’instaure cette cloison étanche entre elle et le monde. Même si actuellement en ce début de millénaire où trop souvent, nous avons des réflexes de peur, d’angoisse et d’inquiétude, ce qui est d’ailleurs très révélateur de notre manière d’appartenir au monde présent, même si se font jour dans l’Église des tendances qui consistent à prêcher le recul ou le repli stratégique en ghetto par rapport à ce monde, ce type de réflexe n’est ni vrai, ni chrétien. Car s’il est une chose qui constitue la spécificité du christianisme et de notre existence personnelle de croyants, c’est précisément que nous devons accepter de croire. Pourtant, il n’est pas expliqué dans le journal qu’on peut aujourd’hui écrire l’Évangile dans l’histoire du monde contemporain. Aujourd’hui, pas simplement dans les grands événements de la vie ecclésiale, style J.M.J. ou visite pastorale du Pape, qui s’inscrivent presque naturellement dans l’actualité parce qu’ils intéressent les journalistes, mais aujourd’hui, au jour le jour, dans la chair de notre temps individuel et personnel, où s’inscrit la réalité de l’Évangile comme irruption de la Parole de Dieu dans notre temps et dans notre histoire personnelle et collective, intime et ecclésiale, telle qu’il nous est donné de l’accomplir maintenant.

la foiJ’ai envie de poser la question, non pas celle que posait Jean le Baptiste, mais celle que posait Marie à l’ange dans le récit de l’Annonciation, au moment où elle reçut elle-même la Parole de Dieu dans sa chair et dans son sein : « Comment cela pourra-t-il se faire ? » C’est la seule question, la plus profonde, que nous ayons à nous poser face au mystère de notre propre existence chrétienne : comment cela pourra-t-il se faire que nous, qui sommes comme les autres, ni plus, ni moins, ni meilleurs, ni pires, nous puissions accueillir dans notre propre existence et dans l’existence du monde tel qu’il va, la réalité authentique de la Parole de Dieu ? La réponse est identique depuis vingt siècles et probablement plus, puisque saint Paul voit l’origine de cette attitude dans la figure d’Abraham, la réponse se dit en un mot : la foi, la foi dans la puissance d’un Dieu capable de venir à nous dans le temps.
Comment le temps nous apparaît-il ? Au risque de retomber dans les poncifs qu’ont pratiqués les littérateurs et les poètes, nous éprouvons essentiellement le temps comme le temps qui passe, c’est le célèbre interlocuteur impitoyable auquel nous disons parfois : « O temps, suspends ton vol ! » Le temps est ce que nous ne maîtrisons pas et à quoi nous sommes livrés, pieds et poings liés, et notre expérience du temps est l’expérience de l’usure, du chagrin, du désespoir, du deuil et finalement de notre propre mort. C’est ainsi qu’adultes, nous vivons le temps. Bienheureux enfants qui vivent le temps avec impatience, qui attendent d’être « grands ». On a parfois envie de leur dire : « Faites bien attention de ne pas grandir trop vite, car vous verrez très vite que ce n’est pas si simple ni si drôle que cela d’avancer dans le temps ! » Mais tout de même, bienheureux enfants qui vivent le temps dans l’impatience et mordent dedans à belles dents ! Bienheureux enfants qui ont envie de voir que le temps s’ouvre à eux, qui ont envie de faire de ce temps quelque chose de beau et de grand. Mais, nous qui précisément sommes devenus des « grands », il ne reste plus qu’à nous rapetisser, à nous ratatiner, à subir l’épreuve de toutes les désillusions par rapport à tous nos désirs de jeunesse et tous les espoirs de nos vingt ans ! Le temps est pour nous ce temps de l’usure, et j’y vois personnellement une touche d’humour de la part de Luc, lorsqu’il se réfère à ces personnages de l’histoire officielle, un peu comme s’il disait en souriant : « Vous voyez bien, tous ces gens dont on parlait il y a cinquante ans, c’étaient Tibère, Hérode et Lysanias, et maintenant, ils mangent les pissenlits par la racine, même si leur corps repose dans des tombeaux de marbre ! » Et pourtant, semble nous dire saint Luc, avec un clin d’œil complice, la Parole de Dieu est entrée dans l’histoire du monde, quand ces hommes-là étaient au pouvoir et depuis, « toute chair est appelée à voir le salut de Dieu ».

Parole de dieu
La Parole de Dieu est entrée dans l’histoire et le temps du monde, et c’est là peut-être que la tentation est la plus grande et la plus dangereuse. En fait, à partir du moment où nous voyons cette Parole de Dieu faire son entrée, on a envie de se dire : « Ça y est ! Nous sommes les gagnants ! Si donc nous « avons » la Parole de Dieu, alors nous allons maîtriser le temps, nous ne mourrons plus, nous aurons en notre pouvoir l’élixir de longue vie, nous serons les meilleurs ! » Apparemment, l’histoire continue comme avant, on n’est pas toujours les meilleurs et il y a des moments où l’on doit reconnaître nos limites et nos péchés dans l’histoire et la vie du monde.
Alors, comment faut-il comprendre l’entrée de la Parole de Dieu dans le temps ? Serait-elle à comprendre comme une méthode de persuasion qui nous exhorterait à la patience et à l’endurance envers et contre tout ? Non, je crois que ce que Luc veut nous dire, est infiniment plus simple et plus profond : si Dieu est Dieu, s’Il nous a créés dans le temps, Il ne vient pas nous sauver pour abolir le temps. C’est pourquoi l’histoire ne s’est pas arrêtée à la venue de Jésus. L’histoire du monde ne s’arrête pas à Noël, ni même à Pâques. En fait, l’histoire change, c’est du moins ce que nous croyons mais elle ne s’arrête pas, le temps change, mais il ne « suspend pas son vol ». L’histoire a des surgissements inattendus, mais elle n’est pas fixée définitivement dans un processus dialectique programmé à l’avance, comme l’ont cru certains philosophes du dix-neuvième siècle. Que se passe-t-il donc ? Dieu entre dans le temps, il met à profit ce qu’il y a de plus faible et de plus mortel en nous, pour le transformer, le vivifier de l’intérieur, pour le transfigurer. L’histoire telle que la vivent et l’éprouvent les chrétiens, c’est une histoire transfigurée, un temps régénéré, une vie ressuscitée, mais une vie humaine. Tel est le mystère : nous croyons que Dieu ne nous demande pas comme croyants d’avoir des extases qui nous feraient échapper aux conditions normales de température et de pression propres à l’existence humaine. Dieu nous demande simplement de vivre humblement dans le temps et selon le temps, et d’accepter qu’Il vienne transfigurer, illuminer et ressusciter ce temps humain.
Comment sera l’éternité ? De cela nous ne savons pratiquement rien. Dieu veut nous faire la surprise, et après tout, c’est mieux ainsi. Mais comment ça se passe maintenant, cela nous le savons, le temps actuel n’est pas supprimé, l’histoire actuelle n’est pas évaporée, elle continue avec ses hauts et ses bas. Mais ce temps et cette histoire sont désormais remplis et chargés de Dieu. Non pas comme avec un lifting, non pas un retour artificiel à l’enfance, et moins encore le mensonge d’un maquillage censé vous rajeunir et vous donner des faux airs de jouvencelles ou de jouvenceaux. Mais tout simplement cette donnée première et spirituelle que le temps et l’histoire sont transfigurés de l’intérieur.

homme en prière1
Il arrive parfois que des hommes puissent dire avec des mots humains ce que je viens d’esquisser maladroitement. Ce ne sont pas nécessairement des théologiens. Pour ma part, je voudrais vous en citer un que j’aime beaucoup. C’est un poète allemand qui s’appelle Rainer-Maria Rilke. Je sais qu’il ne faut pas en faire un Père de l’Église et l’on pourrait repérer dans son œuvre de redoutables ambiguïtés où, à certains moments, on est en droit de se demander s’il n’a pas remplacé la religion par la poésie. Mais enfin, vous savez que le vrai poète est un inspiré et il lui est arrivé d’écrire parfois des choses qui se situaient au-delà de la conscience claire qu’il pouvait avoir de la signification de sa parole de poète, comme si la parole qu’il a proférée venait d’au-delà de lui-même. Après tout, pourquoi pas ? Et nous aurions souvent intérêt, je crois, à nous laisser porter par cette prière secrète des poètes, ignorée d’eux comme prière, mais prière qu’il leur a été donnée de dire sans en saisir toute la profondeur et sans deviner de quels abîmes divins elle pouvait surgir dans leur propre cœur. Simplement parce que les poètes vivent dans cet espace à la frontière entre le temps dans lequel ils sont plongés et l’éternité, puisqu’ils sont à la recherche de Dieu. Je propose à votre méditation deux poèmes de Rilke, tirés d’un recueil intitulé Le Livre d’heures, avec toute l’ambiguïté de l’expression. Il y fait parler un moine qui prie devant Dieu et même si, comme je vous le disais, il n’est pas sûr que la prière de ce personnage fictif soit une prière véritablement chrétienne, je crois qu’elle touche juste sur la question de l’incarnation de Dieu dans notre histoire et dans le temps des hommes. Voici le premier poème : « Et même si chacun aspire à s’échapper de lui comme d’une geôle qui le hait et qui le tient, un grand prodige a lieu de par le monde je le sens bien, toute vie est vécue. Qui donc vit ? Les choses, qui comme une mélodie jamais jouée se dressent dans le soir comme dans une harpe ? Les vents où bruissent les eaux ? Les branches qui se font signe, les fleurs qui tissent des parfums, les longues allées vieillissantes, les chaudes bêtes qui passent, les oiseaux étrangers dans l’envol ? Qui donc la vit ? Est-ce toi qui la vis, Dieu, cette vie ? » C’est écrit sur le mode de questions, c’est une marque d’honnêteté de la part du poète. C’est la question du mystère de la vie au cœur de l’histoire.
Et voici un second poème : « Je crois à tout ce qui jamais encore ne fut dit, je veux affranchir les plus pieux de mes sens. Ce que personne encore n’osa vouloir un jour m’adviendra comme malgré moi. Si c’est là présomption, mon Dieu, pardonne. Mais je ne veux par là que te dire ceci, ma force la plus noble doit être comme un instinct, comme lui, sans courroux ni faiblesse, car c’est ainsi que t’aiment les enfants. Et avec la marée de ces flots qui confluent en larges bras se jetant dans la haute mer, avec la crue sans fin du flux recommencé, je veux te confesser et je veux t’annoncer, comme nul avant moi. Et si c’est là superbe, alors, laisse-la moi pour ma prière, si grave et si solitaire devant ton front de nuages ».
C’est cela Noël, c’est le fait que nous voulons plus que la lune, plus que les astres. Nous voulons Dieu. Et quelque chose de magnifique s’est produit, quand nous proclamons que Dieu s’est fait chair, qu’il est entré dans le temps et dans l’histoire, on dit que Dieu s’est fait la vie de tous les hommes. AMEN.




2ième Dimanche de l’Avent par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 6 décembre 2015

 

Baruc 5, 1-9 (« Dieu va déployer sa splendeur »)

Le poète qui aime sa ville lui donne les traits d’une femme (« Bruxelles, ma belle »…), comme ici Jérusalem, épouse répudiée aux enfants déportés et dispersés. Mais Dieu lui rend sa parure de reine. Ses enfants reviennent en cortège dans un paysage transfiguré : tout est aplani, pour faciliter la marche, dans le désert paré d’une forêt de rêve, ce que pourraient les douloureux cortèges des migrants d’aujourd’hui.
Le poète se présente sous le nom de Baruc, secrétaire de Jérémie, et il écrirait en 582 à Babylone parmi les Juifs déportés. En fait, il s’agit d’une œuvre *pseudonymique. L’auteur est un sage du 2e siècle avant notre ère. Il réside à l’étranger en des jours où il devine que Jérusalem se libérera sous peu du joug des Grecs. Son poème est tissé à dessein d’expressions empruntées aux prophètes qui annonçaient le retour des exilés de Babylone, trois siècles plus tôt.
Oui, Dieu avait ramené les Exilés ! Mais si le pays est à nouveau opprimé et le peuple dispersé, il faut redire les anciennes prophéties, en actualiser les espérances : Dieu les accomplira sûrement et en plus grand. Car les prophètes sont à l’affût de l’actualité ; pressentent-ils une libération possible, c’est le signe que Dieu va agir, au cœur de notre histoire.

* Vous avez dit « pseudonymie » ? Un pseudonyme est un « faux nom ». Dans certains livres de la Bible, l’auteur, quoique réellement inspiré par Dieu, n’est pas celui qu’il prétend être ! Le vrai Baruc avait secondé Jérémie aux heures sombres de l’histoire de Jérusalem. Trois siècles plus tard, la Ville était à nouveau en crise. Alors un sage, relisant les écrits des prophètes, rédigea ce que Baruc aurait dit en la circonstance. Grâce à la pseudonymie, la Bible se relit elle-même et elle actualise la Parole de Dieu dans des situations nouvelles.

Philippiens 1, 4-6.8-11 (« Dans la droiture, marchez sans trébucher vers le jour du Christ »)

Paul, alors en prison (lire Philippiens 1, 12-26), écrit aux chrétiens de la ville de Philippes. Il les aime ! On le voit bien dans la *prière en deux parties qui ouvre sa lettre :
1) L’action de grâce. Paul rend grâce parce que les Philippiens soutiennent ses missions, lui envoyant même de l’argent quand ils le savent dans la gêne (voir Ph 4,10-20). Il loue ensuite le travail de conversion que Dieu lui-même opère dans leur communauté.
2) La supplication (« Et, dans ma prière… »). Les Philippiens vivent déjà l’amour. Que demander de plus ? D’aimer mieux ! acquérir clairvoyance et discernement dans la conduite quotidienne. Ainsi éviteront-ils les ambiguïtés et les faux pas dans leur marche vers « le jour du Christ ». Alors Dieu les tiendra pour des « justes », ajustés à son projet puisqu’ils auront montré leur parfait attachement au Christ.
Selon l’Ancien Testament, au jour du Seigneur, Dieu jugerait toute l’histoire humaine. La foi chrétienne parle désormais du jour du Christ ; et dans notre marche vers ce jour, Paul rappelle qu’il ne suffit pas d’aimer à la folie. Il faut ce tact qui voit au bon moment ce que Dieu attend de nous « pour sa gloire et sa louange ».

* La prière d’un apôtre. Paul ouvre ses lettres par le compte rendu d’une prière préparant les points qu’il développera par la suite dans l’épître. D’abord une action de grâce : il y proclame que ceux à qui il s’adresse sont déjà une page vivante de l’Évangile. Puis vient la supplication : il discerne ce qui manque encore à ses destinataires pour vivre pleinement cet Évangile. Bref, sa prière est un exercice prophétique : il cherche à lire les événements et les personnes avec les yeux de Dieu et à offrir à Dieu cette lecture. C’est peut-être le modèle d’une prière chrétienne qui ne se replie pas sur elle-même.

 

Luc 3, 1-6 (Jean Baptiste prépare le chemin du Seigneur)

Marc, Matthieu et Luc commencent la vie publique de Jésus par le portrait de son Précurseur, Jean Baptiste. Mais chaque évangéliste a ses centres d’intérêt; d’où des détails spécifiques chez chacun. Relevons les particularités de Luc.

Jean dans l’histoire universelle

Marc dit simplement : « Jean le Baptiste fut dans le désert ». Luc, lui en recopiant Marc, situe le personnage dans l’histoire universelle, car c’est l’histoire du monde qui est en jeu. Il nomme l’Empereur de Rome (en l’an 28) et son représentant en Judée (de l’an 26 à 36), Pilate, qui jugera Jésus, puis les fils d’Hérode le Grand qui régnaient au Proche Orient. Enfin, à l’empereur païen, il oppose le chef de la nation juive, le grand prêtre Hanne et son influent beau-père, Caïphe, ex- grand prêtre.

Jean, le dernier prophète ?

Luc introduit le Baptiste comme l’Ancien Testament présentait les prophètes : « La parole de Dieu fut adressée à Jean (…), fils de Zacharie ». Comparer, par exemple, Osée 1, 1 : « La parole du Seigneur fut adressée à Osée, fils de Bééri ». Luc fait de Jean le dernier prophète de l’Ancien Testament (voir Luc 16, 16) et il situe sa mission « dans la région du Jourdain », au seuil de la Terre promise, tandis que Jésus accomplira son Exode de la Galilée jusqu’à Jérusalem.

Le baptême de conversion en vue de la venue du Seigneur…

Héraut de Dieu, Jean proclame un *baptême de conversion : que l’on s’immerge, que l’on se noie symboliquement dans le fleuve en signe d’un retour à Dieu que l’on prouvera par des actes (voir l’évangile de dimanche prochain). On obtient ainsi le pardon des péchés : Dieu tire un trait sur le passé de quiconque se convertit pour accueillir la Bonne Nouvelle du Seigneur.
3) Car le Baptiste (ou « baptiseur ») a pour mission de préparer le chemin du Seigneur. Chaque évangéliste applique à Jean les versets 3 à 5 d’Isaïe 40. Ce poème écrit vers 539 avant notre ère demandait que l’on prépare le chemin dans le désert : le Seigneur (Dieu) prendrait la tête d’un cortège qui ramènerait à Jérusalem les Juifs exilés à Babylone. Dans la première lecture, nous avons vu Baruc relire ce passage trois siècles plus tard pour annoncer à nouveau un rassemblement du Peuple de Dieu. Quand les évangélistes relisent à leur tour cette prophétie, le « chemin du Seigneur » est le chemin que Jésus prendra pour nous conduire à une libération définitive.

… pour un salut universel

Luc est le seul évangéliste à lire jusqu’au bout le verset 5 du passage d’Isaïe, puisqu’il ajoute, littéralement : « Et toute chair verra le salut de Dieu . » Luc a aussi écrit les Actes des Apôtres qui s’achèvent avec l’arrivée de Paul à Rome et cette promesse : « C’est aux païens qu’a été envoyé ce salut de Dieu. Eux, ils écouteront » (Ac 28, 28).
Même si Jean l’ignorait lui-même, sa mission préparait l’accomplissement de l’intuition du livre d’Isaïe : le salut de Dieu est pour « toute chair », tout être humain créé, sans discrimination.

* Du baptême de Jean au baptême chrétien. Au 1er siècle, les bains rituels étaient à la mode. Les Juifs établis à Qoumrân les pratiquaient chaque jour dans un esprit de repentir. Le païen qui se convertissait au judaïsme recevait « le baptême des prosélytes » qui le purifiait de son état de païen.
Le baptême s’imposa aux Églises parce que plusieurs disciples du Christ avaient d’abord suivi le Baptiste; Jésus lui-même semble avoir un temps pratiqué ce rite (voir Jean 3, 22-26 et 4, 1-2). Chaque communauté chercha à donner un sens chrétien à ce baptême hérité de Jean. D’où, aux origines, un riche éventail de conceptions : pour Paul, ce sacrement nous plonge dans la mort du Christ pour noyer notre être pécheur et nous permettre une vie nouvelle (voir Romains 6, passage lu à la veillée pascale). Selon Luc, le baptême nous protège par le nom de Jésus Christ, nous obtient le pardon et nous communique l’Esprit Saint (voir Actes 2, 38). Pour Matthieu, le même rite signe notre totale appartenance à Dieu, Père, Fils et Saint Esprit (Matthieu 28,19).