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La Résurrection du Christ, à la lumière des textes du Nouveau Testament

En 1993, la Commission Théologique Internationale a publié une étude intitulée : « Quelques questions actuelles concernant l’Eschatologie », c’est à dire « les fins dernières »… C’est à partir de ce travail que nous allons regarder le Mystère de la Résurrection du Christ, en nous basant essentiellement sur les témoignages de celles et ceux qui l’ont vu Ressuscité, tels qu’ils nous sont rapportés dans le Nouveau Testament…

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D. Jacques Fournier

La Résurrection du Christ : document PDF pour lecture et éventuelle impression.




Mc 10,32-52 : Jésus marche vers Jérusalem, vers sa Passion…

Troisième annonce de la Passion (Mc 10,32-34)

 

Le chiffre « trois » dans la Bible renvoie souvent à « Dieu en tant qu’il agit ». Jonas « demeura ainsi dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits », et ce n’est que le troisième jour que « le Seigneur commanda au poisson qui vomit Jonas sur le rivage » (Jon 2,1.11). « Venez, retournons vers le Seigneur. Il a déchiré[1], il nous guérira ; il a frappé, il pansera nos plaies ; après deux jours il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence » (Os 6,1-2). « Le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures », écrira St Paul, « il a été mis au tombeau, il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1Co 15,4)… « Dieu l’a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester » (Ac 10,40). C’est du moins le troisième jour après sa mort que le tombeau a été retrouvé vide… Mais ce chiffre « trois » renvoie pour le Fils à « Dieu le Père en tant qu’il a agi en son Fils avec la Toute Puissance de l’Esprit Saint pour le ressusciter d’entre les morts » (Ga 1,1 ; Rm 1,4 ; 8,11 ; 10,9 ; Ac 2,24.32 ; 3,15.26 ; 4,10 ; 5,30 ; 13,30.33.34.37 ; 1Co 6,14 ; 15,15 ; 2Co 4,14 ; Col 2,12 ; 1Th 1,10).

Ce même chiffre « trois » présent indirectement dans ces « trois » annonces de la Passion suggère que le premier acteur en tous ces évènements dramatiques n’est pas l’homme, mais Dieu… « Je dépose ma vie », dira Jésus, « pour la recevoir de nouveau. Personne ne me l’enlève ; mais je la dépose de moi-même. J’ai pouvoir de la déposer et j’ai pouvoir de la recevoir de nouveau ; tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10,17-18). Le Père va donc donner à son Fils de pouvoir être le témoin de l’Amour jusqu’au bout, en aimant et en donnant sa vie notamment pour ceux-là mêmes qui vont le tuer. Le premier acteur de la Passion, acceptée, vécue et offerte pour le salut de tous les hommes, est donc Dieu Lui-même… Ainsi, lors de son arrestation « Judas, menant la cohorte et des gardes détachés par les grands prêtres et les Pharisiens, vient » dans « le jardin » qui était « de l’autre côté du torrent du Cédron », « avec des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui advenir, sortit et leur dit : « Qui cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Jésus le Nazôréen. » Il leur dit : « C’est moi » (On pourrait aussi traduire : « Je Suis » (cf. Ex 3,13-15)). Or Judas, qui le livrait, se tenait là, lui aussi, avec eux. Quand Jésus leur eut dit : « C’est moi » (Ou « Je Suis »), ils reculèrent et tombèrent à terre. De nouveau il leur demanda : « Qui cherchez-vous ? »   Ils dirent : « Jésus le Nazôréen. » Jésus répondit : « Je vous ai dit que c’est moi (Ou « Je Suis »). Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez ceux-là s’en aller » (Jn 18,1-9). Ainsi, ce ne sont pas les hommes qui ont mis la main sur Jésus pour l’arrêter, mais c’est Jésus, et avec lui Dieu Lui-même, qui s’est donné librement… St Jean, une fois de plus, emploie ici la formule grecque « ᾽Εγώ εἰμι » qui apparaît dans l’épisode du buisson ardent, lorsque Dieu révèle son Nom à Moïse : « Je Suis ». Et, nous l’avons remarqué, St Jean l’emploie trois fois ! Cette arrestation de Jésus est donc avant tout « action de Dieu » et révélation de son Mystère, de sa Gloire et de sa Majesté Souveraine… Face à Lui, l’homme ne peut qu’expérimenter sa faiblesse, sa petitesse, son impuissance à « mettre la main sur Lui »… « La cohorte et les gardes détachés par les grands prêtres et les Pharisiens reculèrent et tombèrent à terre. » Ainsi, le premier acteur dans la Passion n’est pas l’homme, mais Dieu qui, librement, par amour, se donne entièrement et jusqu’au bout entre les mains des pécheurs, pour leur salut…

 

Au début de notre passage, Jésus monte donc à Jérusalem, « il prend résolument le chemin de Jérusalem » (Lc 9,51). Il sera le témoin de l’Amour jusqu’au bout, « jusqu’à l’extrême de l’amour » (Jn 13,1) : « Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers le Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin ».

Les disciples « étaient dans la stupeur, et ceux qui suivaient étaient effrayés ». « Ils lui dirent : Rabbi, tout récemment », les grands Prêtres et les scribes « cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ! » (Jn 11,8). Ils savaient bien qu’ils « cherchaient comment arrêter Jésus par ruse pour le tuer » (Mt 12,14 ; Mc 3,6 ; 14,1 ; Lc 22,2 ; Jn 5,18).

Jésus prend alors « de nouveau les Douze avec lui ». Il va travailler à affermir leur foi car ce sont eux qui, après sa mort et sa résurrection, seront tout spécialement chargés d’affermir à leur tour tous les disciples dans la foi. « Je vous le dis maintenant avant que cela n’arrive, pour qu’au moment où cela arrivera, vous croyiez » (Jn 14,29). Pierre, « j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères ». (Lc 22,32). Et plus tard, aidés et soutenus par « l’Esprit Saint qui leur rappellera tout ce que Jésus leur a dit » (Jn 14,26), ils se souviendront qu’il leur avait effectivement annoncé à l’avance ses souffrances, sa mort et sa résurrection, et ils croiront que tous ces évènements qu’ils ont vécu appartenaient bien à ce plan de Salut, déroutant pour nous les hommes (cf. 1Co 1,17-2,16), que Dieu est venu mettre en œuvre en ce monde avec son Fils et par Lui… « Aussi, quand il fut relevé d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’il avait dite » (Jn 2,22).

« Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens »… Marc emploie deux fois ici le verbe « livrer », parad…dwmi dans le grec des Evangiles. La préposition par£ a comme sens premier « auprès de » et le verbe d…dwmi signifie « donner ». Le Fils est donc « donné » « auprès » des pécheurs, tout « contre » les pécheurs et pour eux… Par amour, il s’est uni à leur condition humaine en se faisant homme, vrai homme (Ph 2,6-11)… Et par amour, il ira encore plus loin en prenant sur lui toutes les conséquences du péché des hommes. Il s’unira de cœur à leurs ténèbres pour leur donner, s’ils l’acceptent, s’ils y consentent, d’être unis à sa Lumière (2Co 5,21), la Lumière de l’Amour qui brille dans les ténèbres et que les ténèbres n’ont pu étouffer (Jn 1,4-5).

Tous les hommes sont ici visés par ce double emploi du verbe « livrer » : « livré aux grands prêtres et aux scribes », c’est-à-dire aux Juifs, et « livré aux païens »… Or à l’époque, si l’on n’était pas Juif, on était païen. Et si Marc emploie ce verbe « livrer » pour nous raconter les faits, St Paul le reprendra pour nous en donner le sens profond. Jésus, en effet, s’est « livré en rançon pour tous » (1Tm 2,6). Donné à tous les pécheurs, Jésus, par amour, s’est fait proche de tous les pécheurs, tout « contre » eux, pour leur salut… « Nous croyons en celui qui ressuscita d’entre les morts Jésus notre Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification » (Rm 4,25). « Il s’est livré pour nos péchés afin de nous arracher à ce monde actuel et mauvais, selon la volonté de Dieu notre Père » (Ga 1,4) Lui « qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4). Et ce Père « qui n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute faveur ? » (Rm 8,32). Et Paul le constatait par lui-même : grâce à ce Don de l’Esprit qu’il avait accueilli par sa foi, il pouvait dire : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,20). Aussi, « suivez la voie de l’amour, à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur » (Ep 5,2). « Il s’est livré pour nous afin de nous racheter de toute iniquité et de purifier un peuple qui lui appartienne en propre, zélé pour les belles œuvres » (Tt 2,14). « Le Christ a aimé l’Église », cette communauté de pécheurs qu’il est venu rassembler dans l’Unité de l’Esprit (Jn 11,52 ; Ep 4,1-6). Et maintenant, à travers elle et par elle, il appelle l’humanité tout entière à vivre de sa Vie, gratuitement, par amour, « dans l’Esprit » (Ep 2,18) « qui vivifie » (Jn 6,63 ; Ga 5,25) : « Il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne » (Ep 5,25), le baptême où l’Eau Vive de l’Esprit est donnée en surabondance pour laver, purifier (1Co 6,11) et donner en partage cette Plénitude de Dieu qui Est Vie, Paix, Joie (Jn 10,10 ; 14,27 ; 15,11)…

A la lumière de l’Ancien Testament, Jésus savait ce qui l’attendait, même s’il ne connaissait pas toutes les circonstances exactes. Notons quelques parallèles :

  • « Ils le bafoueront »… Et le Psalmiste, qui nourrissait chaque jour sa prière (Mc 14,26 ; Lc 20,42 ; 24,44), écrit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (…) Tous ceux qui me voient me bafouent» (Ps 22(21))

 

  • « Des chiens me cernent, une bande de malfaiteurs m’entoure ; ils m’ont percé les mains et les pieds », écrit-il encore (Ps 22(21), une peine de mort que seuls les Romains appliquaient. Les Juifs, eux, lapidaient… Aussi, Jésus pouvait-il dire qu’une fois « condamné à mort », il sera « livré aux païens ».

 

  • « Ils cracheront sur lui, ils le flagelleront »… Le prophète Isaïe, le plus souvent cité par le Christ, écrivait : « J’ai tendu le dos à ceux qui me frappaient, et les joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je n’ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats. Le Seigneur Dieu va me venir en aide, c’est pourquoi je ne me suis pas laissé abattre, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme la pierre, et je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50,5-6).

 

  • « Ils le tueront et après trois jours, il ressuscitera »… Souvenons-nous du prophète Osée : « Après deux jours il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence» (Os 6,2). Mais d’autres textes suggéraient une issue heureuse : « À la suite de l’épreuve endurée par son âme, (le juste, mon serviteur) verra la lumière et sera comblé » (Is 53,11 ; cf. Is 52,13-53,12). Le Psalmiste, lui, écrivait : « Ma vigueur a séché comme l’argile, ma langue colle à mon palais. Tu me mènes à la poussière de la mort. »… Mais un peu plus loin : « Sauve-moi de la gueule du lion et de la corne des buffles. Tu m’as répondu ! Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée. Vous qui le craignez, louez le Seigneur, glorifiez-le, vous tous, descendants de Jacob, vous tous, redoutez-le, descendants d’Israël. Car il n’a pas rejeté, il n’a pas réprouvé le malheureux dans sa misère ; il ne s’est pas voilé la face devant lui, mais il entend sa plainte. Tu seras ma louange dans la grande assemblée ; devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses. Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ; ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent : « A vous, toujours, la vie et la joie ! » La terre entière se souviendra et reviendra vers le Seigneur, chaque famille de nations se prosternera devant lui : « Oui, au Seigneur la royauté, le pouvoir sur les nations ! » (Ps 22(21),16.22-29 ; traduction liturgique). Et on peut lire au Ps 69(68),22.30-35) : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre (cf. Mc 15,36)… Et moi, humilié, meurtri, que ton salut, Dieu, me redresse. Et je louerai le nom de Dieu par un cantique, je vais le magnifier, lui rendre grâce. Cela plaît au Seigneur plus qu’un taureau, plus qu’une bête ayant cornes et sabots. Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête : « Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! » Car le Seigneur écoute les humbles, il n’oublie pas les siens emprisonnés. Que le ciel et la terre le célèbrent, les mers et tout leur peuplement !»

La demande des fils de Zébédée et l’invitation de Jésus à servir

                                                                                                      (Mc 10,35-45)

 

« De quoi discutiez-vous en chemin ? », demanda un jour Jésus à ses disciples ? « Eux se taisaient, car en chemin ils avaient discuté entre eux qui était le plus grand. » Ils se taisent, ils ont honte, mais Jésus sait bien ce qu’ils disaient… Il aurait aimé l’entendre de leur bouche, ce qui les aurait aidé à recevoir son pardon, et avec lui, à progresser… Mais il est patient. Il va donc les « reprendre » une fois de plus : « Alors, s’étant assis, il appela les Douze et leur dit : Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9,33-35). « Puis, prenant un petit enfant, il le plaça au milieu d’eux et, l’ayant embrassé, il leur dit : Quiconque accueille un petit enfant comme celui-ci à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille; et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » (Mc 9,36-37). Et peu après, il avait à nouveau pris l’exemple de « petits enfants » : « C’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis : quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n’y entrera pas » (Mc 10,13-16). Et ici, « Jacques et Jean, les fils de Zébédée, avancent vers lui et lui disent : Maître, nous voulons que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander. Il leur dit : Que voulez-vous que je fasse pour vous ? Accorde-nous, lui dirent-ils, de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ».

Comme l’enseignement de Jésus a du mal à passer dans nos cœurs et dans nos vies ! Et nous sommes bien tous ainsi, chacun plus particulièrement avec tel ou tel « travers » qui nous colle à la peau… Mais l’attitude de Jésus manifeste une fois de plus ici l’incroyable patience de Dieu qui, inlassablement, nous reprend, nous relève, « redresse nos pas au chemin de la paix » (Lc 1,79)… Telle est bien « l’insondable richesse du Christ » (Ep 3,8), « richesse de sa bonté, de sa patience et de sa générosité » (Rm 2,4), une richesse qui rend possible notre aventure chrétienne et nous laisse espérer qu’un jour, sa volonté s’accomplira, envers et contre tout : « Père, je veux que là où je suis », avec toi, dans ta Lumière et dans ta Gloire, « eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma Gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. » Et juste avant de prier ainsi, il a déjà fait très concrètement, par le Don de « l’Esprit de Gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14), ce qui permet à son désir d’être réalisable : « Je leur ai donné la Gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,22-24). A nous maintenant d’oser nous tourner de tout cœur vers le Seigneur, encore et encore, avec tous nos manques, toutes nos failles, toutes nos misères… Elles n’arriveront jamais à épuiser l’infini de sa Miséricorde. Inlassablement il se révèlera à nos cœurs et à nos vies comme étant bien « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), le mot « péché » dans la culture hébraïque visant aussi bien l’acte commis que ses conséquences. Son pardon balaiera l’acte de nos consciences, et sa Miséricorde nous communiquera bien vite tout ce que nous avions perdu par suite de nos fautes : la Plénitude de sa Vie (Rm 6,23), de sa Lumière, de sa Paix…

Les disciples croyaient que Jésus serait roi en Israël, mais un roi terrestre comme tous les autres rois de ce monde… Et « Jacques et Jean » désirent avoir les places d’honneur… Orgueil… Mais les autres ne sont pas mieux : « Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean » (Mc 10,41). Pourquoi, en effet, s’indigneraient-ils s’ils ne convoitaient pas eux aussi ces mêmes places ? Voilà encore l’orgueil, avec comme premier fruit la jalousie et donc « les grincements de dents ». Ils veulent participer à la gloire du Christ Roi, mais leur attitude est contraire à la logique de son Royaume ! « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux les doux… Heureux les artisans de paix » (Mt 5,3‑12). Et Jésus en est le premier et le plus bel exemple parmi les hommes : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29). Et « les grincements de dents » vont de pair avec « les pleurs » et « les ténèbres extérieures » (Mt 8,12), ce « dehors » (Mt 25,30) par opposition au « dedans » du Royaume, avec sa Lumière et sa Joie (Jn 15,11). Dans ces ténèbres, point de plénitude mais le feu de la jalousie qui ronge et consume (Mt 13,42 ; 13,50), point de liberté, celle « de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8,21), mais les liens du mal qui paralysent et emprisonnent (Mt 22,13).

Jésus aime ses disciples, comme il aime tout homme. Il ne peut les laisser dans une telle situation… Il va donc, pour leur bien, les inviter à renoncer à leurs illusions, à leurs rêves de grandeur, à leur soif de pouvoir et de domination. « Les ayant appelés près de lui, il leur dit : Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir ». Et Marc emploie deux verbes : « katakurieÚw, se rendre maître de, réduire en son pouvoir, mettre sous le joug » et « katexousi£zw, exercer son pouvoir sur ». Ainsi, celui qui est lui-même enchaîné et esclave de l’orgueil, ne cherche-t-il qu’à « se rendre maître » à son tour de l’autre, le réduisant en son pouvoir, lui imposant le joug de sa domination… Mais celui qui suit le Christ Serviteur adoptera à son exemple une attitude contraire : il se fera le serviteur de ses frères, cherchant non pas son propre intérêt mais leur seul bien, obéissant à leurs besoins pour tenter d’y répondre autant qu’il lui est possible, cherchant à les libérer de tous ces jougs qui écrasent et emprisonnent… Et celui qui agit ainsi expérimentera en lui-même une liberté sans égale, celle de Dieu lui-même : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » (Jn 12,26). Et après leur avoir lavé les pieds, Jésus leur dira : « C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous… Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites » (Jn 13,15-17). « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète ».

Et le but de tout service du Christ est la vie de celles et ceux qu’il sert… « Le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude ». « Nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis. » « Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Mc 10,45 ; Jn 15,13 ; 10,10)…

L’aveugle de la sortie de Jéricho (Mc 10,46-52)

 

Bartimée, le fils (Bar, en araméen) de Timée, est devenu aveugle et mendiant… Assis au bord du chemin, il apprend que « Jésus le Nazarénien », dont il a certainement déjà entendu parler, passe… Alors, il se met à crier, et il l’interpelle en tant que Messie, ce Roi promis qui devait être un descendant de David (cf. 2Sm 7). Littéralement, il lui dit : « Fils de David, Jésus, ἐλέησόν με ». Or le verbe ἐλεέω signifie certes « avoir pitié de quelqu’un », mais le mot correspondant ἔλεος se traduit par « miséricorde, compassion, pitié ». Cet homme en appelle donc à la Miséricorde de Dieu : il ne peut être déçu… « C’est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais. Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ; en toi ils espéraient et n’étaient pas déçus » (Ps 22(21),5-6). Des obstacles se dressent entre lui et Jésus… Il n’est pas correct, surtout pour un mendiant, un va-nu-pieds, de crier ainsi… « Beaucoup le rabrouaient pour lui imposer silence », mais lui ne va pas se décourager, perdre cœur, abandonner. Il a la force de surmonter le « quand dira-t-on », le « politiquement correct ». Ce désir jaillit du plus profond de son cœur comme une demande de justice, irrépressible : « Mais lui criait de plus belle : Fils de David, aie compassion de moi, fais-moi miséricorde ! »

Ce cri de détresse et cette force qui l’habite jaillissent d’un cœur pur, d’un cœur sincère et ouvert à Dieu… Dieu lui-même n’est certainement pas étranger à sa démarche : « L’Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu » (Rm 8,26-27). L’Esprit inspire sa prière… Il le pousse à demander ce que Dieu veut lui donner…

Or « moi et le Père, nous sommes un », dit Jésus (Jn 10,30). Bien différents l’un de l’autre, ils sont unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour (Jn 4,24 ; 1Jn 4,8.16). Et dans ce Mystère de Communion, ce que dit le Fils est Parole du Père (Jn 12,49-50 ; 17,8), une Parole à laquelle l’Esprit de Vérité ne cesse de rendre témoignage au cœur de celui ou celle qui l’accueille (Jn 15,26). La demande de ce mendiant est inspirée par l’Esprit, soutenue par la force de l’Esprit ? L’Esprit ne peut que lui rendre témoignage au cœur de Jésus, ce cœur pur entièrement tourné au Père, habité par le seul désir d’accomplir sa volonté (Jn 1,18 ; 4,34 ; 5,30 ; 6,38). Jésus perçoit dans sa demande cette Présence de l’Esprit. Aussitôt, il s’arrête, car à travers cet homme, c’est le Père en fait qui lui adresse un appel, et Jésus fait toujours ce qui plaît au Père (Jn 8,28-29), par amour…

« Jésus s’arrêta et dit : « Appelez-le » »… Mais avec le Fils, cette Parole est elle aussi Parole de Dieu : elle a tout le poids de l’Esprit qui se joint à elle pour la dire aux cœurs de bonne volonté : « En effet, celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu car il donne », au même moment, « l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Et Bartimée est un homme de bonne volonté, ouvert, disponible, attentif, spontané… Marc met alors dans la bouche des disciples une phrase que nous devrions toujours garder en nos cœurs : « Aie confiance ! Lève-toi, il t’appelle. »

« Aie confiance »… « C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour »… « O Jésus !… je sens que si par impossible tu trouvais une âme plus faible, plus petite que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes encore, si elle s’abandonnait avec une entière confiance à ta miséricorde infinie… On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent  » (Ste Thérèse de Lisieux)…

« Lève-toi, ἔγειρε ! » Or, ce verbe, ἔγειρω, est celui de la résurrection : « Eveiller, réveiller, s’éveiller, faire se lever, ressusciter ». « Lève-toi, il t’appelle. » Et quand Dieu appelle à faire quelque chose, il donne toujours la grâce qui permet d’accomplir ce qu’il demande. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », nous demande Jésus (Jn 15,12) ? « L’Amour de Dieu », l’Amour avec lequel Dieu nous aime, précise en note la Bible de Jérusalem, « a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). L’appel devient alors révélation indirecte de la grâce donnée. Ce mendiant aveugle a vraiment le cœur ouvert à Dieu : « il bondit aussitôt et vint à Jésus ». Derrière cette spontanéité, cette promptitude à obéir à l’appel lancé, se cache une nouvelle fois l’œuvre de l’Esprit, l’Esprit par lequel le Père ressuscitera son Fils (Rm 1,4), l’Esprit qui communique la Vie même de Dieu (Jn 6,63 ; Ga 5,25) et avec elle, enthousiasme, fraicheur, simplicité… « Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11). Voilà ce qui se passe déjà au cœur de Bartimée… L’Esprit de la Résurrection remplit son cœur et lui donne de « se lever », de « s’éveiller » à une Vie nouvelle…

Mais St Marc, qui s’adresse à des lecteurs invités à lire la Bible à la lumière de tous ses symboles, précise qu’il « rejeta son manteau ». Il est mendiant, aveugle… Ce manteau est son unique richesse, ce qui le protège des nuits très froides de la Palestine. La Loi prévoyait d’ailleurs que si un pauvre avait donné son manteau en gage d’un emprunt, « tu le lui rendras au coucher du soleil : il se couchera dans son manteau, il te bénira et ce sera une bonne action aux yeux du Seigneur ton Dieu » (Dt 24,13). Mais le manteau, dans la Bible, dit quelque chose du mystère de celui qui le porte… Dieu Lui-même apparaît ainsi comme « vêtu de faste et d’éclat, drapé de Lumière comme d’un manteau » (Ps 104(103),1 ; 93(92),1). Et Isaïe écrit, en pensant à Israël, ce Peuple de Dieu dont il fait partie : « Je suis plein d’allégresse dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu, car il m’a revêtu de vêtements de salut, il m’a drapé dans un manteau de justice » (Is 61,10), c’est-à-dire « il m’a sauvé, il a fait de moi un homme juste »… « Vous êtes tous fils de Dieu », écrira St Paul, « par la foi, dans le Christ Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,26-28), unis l’un à l’autre dans la communion de cet Unique Esprit que vous avez tous reçus par votre foi. « Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour former un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit » (1Co 12,13). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24)… Avec le Don de l’Esprit, nous avons donc tous part à cette « insondable richesse du Christ » (Ep 3,8) qu’il est venu offrir dès maintenant à tout homme de bonne volonté, dans la foi et par notre foi. « Car en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité, et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude… Ensevelis avec lui lors du baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la Force de Dieu qui l’a ressuscité des morts. Vous qui étiez morts du fait de vos fautes, Il vous a fait revivre avec lui ! Il nous a pardonné toutes nos fautes ! » (Col 2,9‑13). Voilà ce que Bartimée expérimente déjà… Aussi, abandonne-t-il sur le bord du chemin son unique richesse : il commence à découvrir le Trésor du Royaume (Mt 13,44-46)…

Assis, blessé au bord du chemin de la vie, il rencontre celui qui est venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. « Car ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades » (Lc 5,31-32). Un pécheur voyant Bartimée « rejeter son manteau » pensera aussitôt à cette vie de péché que nous devons rejeter si nous désirons accueillir le Christ, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) et donne gratuitement, par amour, la Plénitude de Vie dont nous étions tous privés par suite de nos fautes… « Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais le Don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Et ce Don est celui de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), l’Esprit de la Résurrection, l’Esprit qui communique la Vie nouvelle et éternelle…

 

« Alors Jésus lui adressa la parole : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » » Ainsi est Dieu dans son Amour, toujours respectueux de notre liberté, ne faisant rien pour nous – et avec lui, c’est toujours « le meilleur » – sans notre consentement… Voilà pourquoi St Bernard disait : « Consentir, c’est être sauvé. » A l’homme qui était infirme depuis trente huit ans, et qui gisait au bord d’une piscine que l’on croyait magique, espérant jour après jour sa guérison, Jésus s’approcha et lui dit : « Veux-tu devenir sain ? » (Jn 5,1-9). Qui ne le voudrait pas ! Mais cette question va bien au-delà de la seule réalité physique. Les guérisons corporelles, dans les Evangiles, sont les signes visibles d’une guérison, elle, invisible : celle des cœurs que Dieu veut libérer par son pardon. Le péché les maintenait dans l’obscurité du cachot intérieur, les chaînes de l’esclavage, opprimés et souffrants (Lc 4,18-19 ; Jn 8,31-36 ; Gal 5,1 ; Rm 2,9) ? Le Christ, si nous l’acceptons de tout cœur, est venu nous libérer de ces chaines et nous donner de « devenir sain » : « à tous ceux qui l’ont accueilli, à ceux qui croient en lui, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12), vivants de la Vie même de Dieu, et telle est notre vocation à tous. «  Père, glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ! » « Je suis venu » en effet « pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Jn 17,1-2 ; 10,10). « Veux-tu devenir sain ? »  « Veux-tu devenir » ce que Dieu veut que tu sois, ce que tu es déjà à ses yeux puisqu’il t’a créé, « un enfant de Dieu » appelé à partager la Plénitude de sa Vie ? Mais cette volonté de Dieu à notre égard ne s’accomplira pas sans notre « Oui ! » libre, conscient, responsable (cf. Ap 3,20)…

« Veux-tu devenir sain ? » Mais cette question s’adresse à nous pécheurs, blessés, à la volonté si souvent défaillante. Ne voulons-nous pas à certains jours le mal plus que le bien ? St Paul, pécheur comme nous tous, a écrit à ce sujet des lignes magnifiques : « Moi, je suis un être de chair, vendu au pouvoir du péché. Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas: car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais… En réalité ce n’est plus moi qui accomplis l’action, mais le péché qui habite en moi… Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas… Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ? Grâces soient à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ! » (Rm 7,14-25). Il faudra donc toute la Force de l’Esprit pour que, petit à petit, jour après jour, de miséricorde en miséricorde, d’affermissement en affermissement, le pécheur puisse arriver à renoncer à ce mal qui le tue pour choisir le bien, et avec lui, cette Plénitude de Vie que Dieu veut voir régner en nous par le Don de l’Esprit…

« L’aveugle lui répondit : Rabbouni, que je recouvre la vue ! » Une fois de plus, ce que va vivre Bartimée est signe visible, révélation visible de ce que Dieu veut réaliser de manière invisible dans tous les cœurs… Nos cœurs se sont détournés de la Source d’Eau Vive (Jr 2,13 ; 17,13 ; Jn 7,37-39), de ce Seigneur qui est « un Soleil, et qui donne la grâce, donne la Gloire » (Ps 84(83,12) ? Privés de sa Lumière, ils sont dans les ténèbres ? Mais si « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5), Il Est aussi « Esprit » (Jn 4,24) et « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Etre dans les ténèbres, c’est donc aussi être privé de la Plénitude de sa Vie. « Va, ta foi t’a sauvé », dit Jésus à Bartimée. Sa confiance, son abandon de cœur a permis à Dieu d’accomplir en lui sa volonté : qu’il soit vraiment son enfant, vivant de sa Vie par « l’Esprit qui vivifie », « l’Esprit » qui est Lumière, « la Lumière de la Vie » (Jn 8,12)… « Aussitôt, il recouvra la vue, et il cheminait à sa suite »… « Les yeux » de son cœur se sont « ouverts » (Lc 24,31)… « Illuminés par l’Esprit » (Ep 1,18), ils peuvent désormais percevoir, dans la foi, le Christ « Lumière du monde », Lui qui est « avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Désormais, Bartimée s’efforcera de le suivre, jour après jour, en comptant sur le soutien de sa grâce et en essayant de « ne jamais désespérer de la Miséricorde de Dieu » (St Benoît). Il vivra dans l’obéissance vis-à-vis de Celui dont il vient d’expérimenter l’Amour, Lui qui n’est que recherche inlassable du meilleur pour chacun d’entre nous. Et Jésus le sait, ce meilleur est de vivre ce qu’il vit de toute éternité. C’est pour cela qu’il nous a rejoints dans notre condition humaine, pour nous révéler le Père, sa volonté, ce que nous sommes tous appelés à devenir : des enfants de Dieu vivants de sa Vie, cette Vie que le Fils reçoit du Père de toute éternité. Jésus est ainsi « le Chemin, la Vérité et la Vie », le Chemin qui, par la Vérité, conduit à la Vie. D. J. Fournier

[1] Nous sommes bien ici dans l’Ancien Testament qui, très souvent, renvoie tout à Dieu, le bien comme le mal. Cette manière de voir les choses correspond à une perception encore imparfaite du Mystère de Dieu et de sa Toute Puissance. Le Nouveau Testament présentera bien « la Miséricorde Toute Puissante » de Dieu (Lc 1,49-50), mais avec le Christ, c’est un Dieu Amour qui se révèlera, prêt à supporter les pires souffrances pour la conversion et le salut de ceux-là mêmes qui le font souffrir. « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Et Pierre, en s’adressant à eux, leur dira : « C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,26). « Dieu », qui « Est Amour » (1Jn 4,8.16), ne peut donc répondre au mal par le mal : son éternelle Bienveillance continuera à poursuivre, envers et contre tout, le bien de ceux-là mêmes qui pourraient lui vouloir ou lui faire, en Jésus Christ, du mal… Il faut donc lire ici non pas « il a déchiré », « il a frappé », mais « le péché a déchiré », « le péché a frappé », ce péché étant soit le mal que nous mêmes nous commettons, et qui nous blesse toujours profondément en premier (cf. Rm 2,9 ; 3,23), soit le mal que nous pouvons subir de la part d’autrui…

                                                                                                                                                       D. Jacques Fournier

Fiche n°19 (Mc 10,32-52) Document PDF pour une éventuelle impression




Mc 10,1-31 : le Dieu Amour nous appelle tous à l’Amour et à la Vie.

Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni (Mc 9,30-32)

 

Le voyage de Jésus vers Jérusalem se poursuit… En Mc 9,33 il était encore au Nord de la Palestine, à Capharnaüm en Galilée, au bord du lac de Tibériade… Le voici maintenant bientôt arrivé : « il vient dans le territoire de la Judée », là où est Jérusalem et, précise St Marc, il vient aussi « au-delà du Jourdain », en Pérée, l’actuelle Jordanie. Jésus va donc également à la rencontre des païens… Le salut qu’il propose est donc pour tous les hommes de bonne volonté qui accepteront de faire la vérité dans leur vie à la Lumière de son Amour… Comme l’écrit St Luc dans le Cantique de Zacharie, ils feront alors l’expérience du salut en faisant celle du pardon de leurs péchés : « Et toi, petit enfant (Jean-Baptiste), tu seras appelé prophète du Très‑Haut ; car tu marcheras devant le Seigneur, pour lui préparer les voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut par la rémission de ses péchés ; grâce aux entrailles de miséricorde de notre Dieu, dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en haut, pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, afin de redresser nos pas dans le chemin de la paix » (Lc 1,76-79). Ainsi, tout en Jésus est « expression, manifestation, révélation » des « entrailles de miséricorde de notre Dieu » qui ne poursuit à notre égard qu’un seul but : notre Bien le plus profond qui est participation plénière, selon notre condition de créature, à sa Plénitude de Vie, de Paix, de Lumière et de Joie… Les hommes l’abandonnent, et en se détournant de cœur de la Lumière se retrouvent dans les ténèbres ? Son seul désir sera de leur permettre de retrouver, grâce au pardon de leurs péchés, ce qu’ils ont perdu par suite de leurs fautes. Aussi est-il venu en Jésus Christ à la rencontre de tous « ceux qui demeurent dans les ténèbres », pour les « illuminer »… « Moi Lumière, je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres… Je Suis en effet la Lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais il aura, gratuitement, par amour, la Lumière de la Vie » (Jn 8,12 ; 12,46). « Le salaire du péché, c’est la mort », au sens de privation de la Plénitude de la Vie de Dieu ? « Ceux qui demeurent dans l’ombre de la mort » retrouveront avec le Christ qui vient à leur rencontre, l’accès à la Plénitude de Vie : « Le Don gratuit de Dieu, c’est la Vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). A nous maintenant de retrouver avec Lui le chemin de notre cœur pour y découvrir une Source de Vie qui ne demande qu’à jaillir (Jn 4,10-14), pour peu que nous acceptions de nous abandonner à l’infini de sa Miséricorde… Et avec elle, nous expérimenterons déjà ici bas, dans la foi, « quelque chose » de cette Plénitude promise qui nous dira, par sa simple Présence, dans quelle direction chercher le Vrai Bonheur… « Heureux sommes-nous, Israël : ce qui plaît à Dieu nous fut révélé ! » (Ba 4,4). « Que nous puissions mener une vie calme et paisible », dans sa Paix qui est Plénitude d’Être et de Vie, « voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur » (1Tm 2,2-3). Autrement dit, notre bonheur profond lui plaît ! « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). « Heureux » alors « ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29)…

 

Jésus vient donc à la rencontre des Juifs de Judée et des païens de Pérée, autrement dit, il vient à la rencontre de tout homme… Cette initiative est toujours d’actualité, et Dieu seul peut ainsi frapper à la porte de tous les cœurs (Ap 3,20) en regardant chacun d’entre nous comme étant unique à ses yeux… « Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32). Et les foules, aujourd’hui encore, d’une manière ou d’une autre, « se rassemblent auprès de lui, et, selon sa coutume, de nouveau, il les enseigne » (Mc 10,1). Il continue d’agir ainsi par sa Parole qui nous « ouvre » à Lui lorsque nous acceptons de prendre du temps pour « ouvrir » ce Livre de Vie. Alors, il nous envoie « d’auprès du Père, l’Esprit de Vérité qui procède du Père » et qui, par le don de la grâce en nos cœurs, « nous introduira dans la Vérité tout entière » (Jn 15,26 ; 16,13). Et quelle est-elle ? Riens de moins que ce que Dieu Est en Lui‑même, et Il Est Esprit (Jn 4,24), Lumière (1Jn 1,5) et Vie (Jn 1,4 ; 8,12). Nous découvrirons ainsi cette Vérité en la vivant grâce à cette mission de l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, qui consiste à nous communiquer la réalité même qui remplit le cœur du Christ. Or, nous dit St Luc, Jésus est « rempli de l’Esprit Saint » (Lc 4,1), « Esprit Saint » compris ici au sens de « nature divine » (2P 1,4), une expression qui renvoie à ce que Dieu Est en Lui-même et « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu Est Saint » (Lv 11,45 ; 19,2). Ainsi, l’Esprit Saint Personne Divine « recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera » (Jn 16,14), il recevra « l’Esprit Saint » nature divine et il vous le communiquera. Or « tout ce qui est à » Jésus ne vient pas de Jésus mais du Père. Tout ce qu’il a, tout ce qu’Il Est, il le reçoit du Père de toute éternité… « Père, tout ce qui est à toi est à moi »  (Jn 17,10), nous dit-il, car « le Père aime le Fils et lui donne tout en sa main » (Jn 3,35). C’est pourquoi, « comme le Père a la Vie en lui‑même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la Vie en Lui-même » (Jn 5,26). « Je vis par le Père » (Jn 6,57) et c’est « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Or « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), le Père est Esprit. Voilà donc la Plénitude d’Esprit et de Vie que le Père communique au Fils de toute éternité… C’est ainsi qu’il « l’engendre » en Fils « né du Père avant tous les siècles » (Crédo). Et toute la mission de l’Esprit Saint Personne Divine consiste à nous transmettre à nous aussi cette Plénitude d’Esprit Saint « nature divine » que le Fils reçoit du Père depuis toujours et pour toujours… « Il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera » (Jn 16,14). Et c’est en accueillant jour après jour ce « Don de Dieu » (Jn 4,10 ; Ac 2,38 ; 8,20 ; 10,45 ; 1Th 4,8 ; Hb 6,4) que nous pourrons entrer dans une connaissance toujours plus profonde de son Mystère. « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5). Cette Lumière de l’Esprit, Vie en nos cœurs, sera au même moment Lumière pour notre intelligence. « En Toi est la Source de Vie, par ta Lumière, nous voyons la Lumière » (Ps 36,10), la Lumière du Christ, le seul à Être « Lumière du monde », car le seul à Être vrai Dieu et vrai homme, et « Dieu est Lumière » (Jn 8,12 ; 12,46 ; 1Jn 1,5 ; Lc 1,78). Grâce à cette Lumière, nous pourrons découvrir toujours davantage « Qui » est ce Dieu de Lumière et de Vie en vivant au même moment avec Lui une relation qui engagera toute notre vie dans la vérité de ce que nous sommes, des êtres blessés, dans la Vérité de ce qu’Il Est, un Amour et une Miséricorde sans limites… Car si « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5), Il Est aussi Amour (1Jn 4,8.16), et c’est cet Amour qui Est Lumière… Il s’agit donc de laisser Dieu ouvrir nos cœurs par la Puissance de sa Miséricorde et de nous laisser entrainer dans cette relation avec Lui. Et c’est en vivant cette relation, cette ouverture, que nous découvrirons toujours davantage, en le vivant, que « Dieu est Lumière »… Il Est « Soleil » et ne cesse de donner sa Lumière, « sa grâce et sa gloire » (Ps 84,12 ; Jn 17,22). Il Est Amour et donc éternel Don de Soi (Jn 3,35), et « Dieu Est Esprit » et « Dieu Est Lumière »… Il Est Dieu « Source d’Eau Vive » (Jr 2,13 ; 17,13 ; Ps 42-43 ; Jn 4,10-14), « l’Eau Vive de l’Esprit » (Jn 7,37-39)… Laisser Dieu ouvrir nos cœurs, consentir à sa Présence et à son action, c’est donc accueillir ce Don que Dieu ne cesse de faire de Lui-même et que nous appelons tour à tour Lumière, grâce, gloire, Esprit, un Esprit qui est Vie et qui nous donne de participer à la Vie de Dieu en face à face avec Lui. Tel est « le Royaume des Cieux », Mystère de Communion (1Jn 1,1-4 ; 1Co 1,9 ; 2Co 13,13 ; Rm 14,17) avec Dieu dans l’unité d’un « Esprit » (Ep 4,3) qui « est Vie » (Rm 8,10 ; 8,2 ; 2Co 3,7 ; Jn 6,63 ; Ga 5,25) et ne cesse de jaillir de Lui pour combler tous ceux et celles qui accepteront de s’ouvrir à Lui dans la vérité de leur cœur blessé… Cette réalité est offerte dès maintenant à notre foi, non pas comme « quelque chose » qui se voit mais comme « quelque chose » qui se vit…

Voilà la Vérité d’Amour que Jésus vit avec le Père, de toute éternité, et qu’il nous enseigne pour que nous puissions nous aussi l’accueillir en pleine liberté… Tout homme en effet a été créé « à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-27), et plus particulièrement du Fils Unique (Rm 8,29). Nous sommes ainsi invités à nous tourner de tout cœur vers le Père, comme l’est Jésus de toute éternité (Jn 1,18), pour nous laisser combler nous aussi par tout ce que le Fils reçoit du Père « avant tous les siècles ». Et ce qu’il reçoit est Esprit, Amour, Lumière et Vie… Et l’Amour reçu sera nourriture pour vivre l’amour donné dans toutes nos relations humaines… « Ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de Force, d’Amour et de Maîtrise de soi » (2Tm 1,7)… « L’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5)… « Le fruit de l’Esprit est amour » (Ga 5,22)…

Des Pharisiens s’approchent alors de Jésus pour « le mettre à l’épreuve ». « Il faut se souvenir que derrière ces mots, l’évangéliste évoque l’attitude des israélites qui, au désert de l’Exode, exprimaient leur incrédulité envers Moïse et Dieu Lui-même : « Ils mirent le Seigneur à l’épreuve en disant : Dieu est-il au milieu de nous ou non ? » (Ex 17,7) » (Jacques Hervieux ; « L’Evangile de Marc » (Dans ‘Les Evangiles, textes et commentaires’, Bayard Compact p. 436). Ces Pharisiens lui demandent donc : « Est-il permis à un mari de répudier sa femme ? ». Jésus sait à quoi ils font allusion : « Qu’est-ce que Moïse vous a prescrit ? Moïse, dirent-ils, a permis de rédiger un acte de divorce et de répudier ». Le texte de référence est Dt 24,1 : « Soit un homme qui a pris une femme et consommé son mariage ; mais cette femme n’a pas trouvé grâce à ses yeux, et il a découvert une tare à lui imputer ; il a donc rédigé pour elle un acte de répudiation et le lui a remis, puis il l’a renvoyée de chez lui ». A l’époque, deux interprétations principales dominaient dans le milieu pharisien :

1 – Celle de Hillel qui disait : « Un homme peut divorcer d’avec sa femme même si elle n’a abîmé qu’une de ses assiettes, car il est écrit : « Il a trouvé en elle une indécence en quelque chose » ».

2 – Et celle de Shammaï : « Un homme ne peut divorcer d’avec sa femme tant qu’il ne trouve en elle de l’indécence en toute chose ». Avec lui, la séparation était donc très difficile. Cette seconde tendance protégeait en fait la situation des femmes dans une société où elles n’avaient aucun droit…

 

Alors, de quel bord Jésus est-il ? Les Pharisiens aimeraient bien l’enfermer dans telle ou telle tendance pour pouvoir ensuite le critiquer, le discréditer. Mais lui ne se laissera pas prendre au piège. Il va revenir à la source même du projet de Dieu sur l’homme « créé à son image et ressemblance », pour être comblé par son Esprit, par son Amour… Et dans le cadre de la relation fondatrice homme – femme, socle de la famille « source de vie », c’est de l’Amour reçu de Dieu que l’homme aimera sa femme, c’est de l’Amour reçu de Dieu que la femme aimera son mari… « Dès l’origine de la création Il les fit homme et femme. Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère, et les deux ne feront qu’une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair » (Mc 10,6-8 ; Gn 1,27 ; 2,24). L’homme et la femme, unis dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour, sont donc appelés à vivre une réalité semblable à ce que vivent le Père et le Fils, bien différents l’un de l’autre, mais unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10,30). Et Jésus priera pour ses disciples en disant : « Père, que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi » par l’Esprit, « et moi en toi » par ce même Esprit, « qu’eux aussi soient en nous » en participant à cet unique Esprit. « Je leur ai donnée la gloire que tu m’as donnée », cette Gloire qui renvoie en Dieu au « poids » de ce qu’Il Est en Lui-même, et Il Est Esprit, au rayonnement de ce qu’Il Est en Lui-même et Il Est Lumière… Le mot « gloire » peut donc être remplacé ici par ce qui est à la Source de la Gloire, l’Esprit de ce Dieu qui Est Lumière… « Je leur ai donné l’Esprit que tu m’as donné pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité » de l’Amour. Cette réalité concerne à un degré tout particulier le mari et sa femme unis par Dieu dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour, ce que le Livre de la Genèse évoque par l’expression « ils seront une seule chair », une seule communauté de vie. Et c’est de l’union de leurs corps différents, complémentaires, union qui exprimera leur amour, que naîtra la vie… Ce principe d’unité dans l’Amour de personnes pourtant bien différentes est également valable dans le cadre de toute communauté humaine : « Aimez vous les uns les autres comme moi je vous ai aimés » (Jn 15,12), de cet Amour reçu du Père de toute éternité… En effet, « l’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Alors, si Dieu est éternel (Is 9,5 ; 40,28 ; Jr 10,10 ; Dn 13,42 ; Ba 4,8.24 ; 5,2 ; Rm 16,26), l’Amour vrai ne peut qu’être éternel lui aussi (Ps 136,2.26 ; 1Ch 16,41).… « Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer »… L’exigence est totale, car elle a pour principe et pour horizon Dieu Lui‑même, ce Dieu infini qui Est de toute éternité Don total et définitif de Lui-même. Et il nous a tous créés pour que nous soyons à son image et ressemblance, don total et définitif de nous‑mêmes… On comprend la stupeur des disciples qui, une fois rentrés à la maison, l’interrogent à nouveau sur ce sujet. Et Jésus sera tout aussi entier : « Et il leur dit : Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à son égard ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère ». Notons en passant qu’il n’était pas possible à une femme israélite de répudier son mari. Cette possibilité existait par contre dans le droit romain. Nous retrouvons ainsi, indirectement, que St Marc a écrit son Evangile à Rome, en retranscrivant le plus fidèlement possible le témoignage de Pierre…

Voilà donc ce que Jésus ne peut que dire du projet de Dieu sur l’homme et sur la femme appelés à s’aimer de son Amour, un Amour Eternel. Et c’est cet Amour et cet Amour seul qui peut rendre compte de cette aventure à laquelle ils sont appelés… « Pour les hommes », laissés à leurs seules forces d’homme, « c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible » (Mt 19,26). C’est pourquoi le Christ nous invite à construite toute notre vie sur le Roc (Mt 7,21-27), une image qui, dans l’Ancien Testament, renvoie à Dieu Lui-même :

 

2Sm 22,32 : Qui donc est Dieu hormis Yahvé ? Qui est un roc hormis notre Dieu ?

 

Ps 18,3 : Yahvé est mon roc et ma forteresse, mon libérateur, c’est mon Dieu.

Je m’abrite en lui, mon rocher,… ma force de salut, ma citadelle.

 

Ps 31,3 : (Yahvé), tends l’oreille vers moi, hâte-toi !

Sois pour moi un roc de force, une maison fortifiée qui me sauve…

 

Ps 71,3 : (Yahvé), sois pour moi un roc hospitalier, toujours accessible ;

tu as décidé de me sauver, car mon rocher, mon rempart, c’est toi.

 

Ps 73,26 : Ma chair et mon cœur sont consumés :

roc de mon cœur, ma part, Dieu à jamais !

 

Et ce Roc est Celui d’où jaillit l’Eau Vive pour nous abreuver dans le désert de ce monde et nourrir cette vie d’amour à laquelle Dieu nous appelle tous…

 

Ex 17,5-6 : Yahvé dit à Moïse : « Passe en tête du peuple et prends avec toi quelques anciens d’Israël ; prends en main ton bâton, celui dont tu as frappé le Fleuve et va. (6) Voici que je vais me tenir devant toi, là sur le rocher (en Horeb), tu frapperas le rocher, l’eau en sortira et le peuple boira. C’est ce que fit Moïse, aux yeux des anciens d’Israël.

 

Nb 20,6-11 : Quittant l’assemblée, Moïse et Aaron vinrent à l’entrée de la Tente du Rendez-vous. Ils tombèrent face contre terre, et la gloire de Yahvé leur apparut. (7) Yahvé parla à Moïse et dit : (8) « Prends le rameau et rassemble la communauté, toi et ton frère Aaron. Puis, sous leurs yeux, dites à ce rocher qu’il donne ses eaux. Tu feras jaillir pour eux de l’eau de ce rocher et tu feras boire la communauté et son bétail. » (9) Moïse prit le rameau de devant Yahvé, comme il le lui avait commandé. (10) Moïse et Aaron convoquèrent l’assemblée devant le rocher, puis il leur dit : « Ecoutez donc, rebelles. Ferons-nous jaillir pour vous de l’eau de ce rocher ? » (11) Moïse leva la main et, avec le rameau, frappa le rocher par deux fois : l’eau jaillit en abondance, la communauté et son bétail purent boire.

 

Dt 8,15 : Lui qui dans un lieu sans eau a fait pour toi jaillir l’eau de la roche la plus dure.

 

Sg 11,4 : Dans leur soif, ils t’invoquèrent : de l’eau leur fut donnée d’un rocher escarpé et, d’une pierre dure, un remède à leur soif.

Ne 9,15 : Du roc tu fis jaillir l’eau pour leur soif.

 

Ps105,41 (cf Ps 78,15.16.20) : Il ouvrit le rocher, les eaux jaillirent, dans le lieu sec elles coulaient comme un fleuve.

 

Is 48,21 : Ils n’ont pas eu soif quand il les menait dans les déserts, il a fait couler pour eux l’eau du rocher, il a fendu le rocher et l’eau a jailli.

 

St Paul écrira que ce rocher auquel le peuple s’abreuvait était déjà « le Christ » : « Tous (nos pères, cf 10,1) ont bu le même breuvage spirituel ; ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher, c’était le Christ » (1Co 10,4). Et St Jean nous le présentera mort sur la Croix, frappé d’un coup de lance par un soldat, et de son cœur ouvert jaillira « de l’eau et du sang » : « Venus à Jésus, quand ils virent qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais l’un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage – son témoignage est véritable, et celui-là sait qu’il dit vrai – pour que vous aussi vous croyiez » (Jn 19,33-35). « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi ! », avait crié un jour Jésus, « selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui » (Jn 7,37-39)…

Construire sa vie sur le Roc, c’est donc construire sa Vie sur Dieu « Source d’Eau Vive » qui, en Jésus Christ, est venu nous offrir gratuitement, par amour, cette Eau Vive de l’Esprit qui « remplit » son cœur de toute éternité (Lc 4,1). « En lui habite en effet corporellement toute la Plénitude de la Divinité, et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude » (Col 2,9-10). Cette réalité invisible sera révélée de manière visible par cette « eau » et ce « sang » qui remplissaient le cœur de chair de Jésus et qui seront totalement versés sur la terre, donnés à tous les hommes de chair et de sang… « La vie est dans le sang », croyait-on autrefois (cf. Lv 17,11). Ce sang versé est donc le signe visible de cette Vie donnée, la Vie de l’Esprit, cet « Esprit » qui « Est Vie » (Rm 8,10) et qu’il reçoit du Père de toute éternité (Jn 5,26). L’eau versée renvoie elle aussi  à « l’Eau Vive de l’Esprit » (Lc 4,1 ; Jn 7,39)… Le Don de l’Esprit, fruit de la Passion et de la Résurrection du Christ, n’est donc rien de moins que Dieu tout entier qui se donne aux hommes pour qu’ils puissent participer à ce qu’Il Est, et Dieu Est Esprit, et Dieu Est Amour. C’est donc sur la base de cet Esprit reçu, l’Esprit éternel du Dieu éternel, l’Esprit d’Amour, que l’homme est invité à « ne pas séparer ce que Dieu a uni »…

Pour l’homme laissé à ses seules forces, « c’est impossible, mais pas pour Dieu car tout est possible à Dieu  » (Mc 10,27). Dieu, en effet, l’a créé pour qu’il vive de Lui. Jésus ne peut que présenter ce qui est inhérent à ce projet… Dieu n’a pas voulu la séparation, il n’a pas voulu le péché, il n’appartient pas au projet de Dieu que l’homme soit seul, loin de Lui, sans le secours de sa Présence, de son Amour et de sa Force… Ce caractère entier et intransigeant de Jésus en ce passage est l’expression du Mystère même de Dieu et de son projet Créateur sur l’homme : il ne peut que parler ainsi. Qu’un homme et une femme soient ensemble, lancés par Dieu dans l’aventure de l’amour et de la vie, Jésus ne peut que les inviter à continuer, à rester debout en s’appuyant sur Dieu, ce Roc qui ne leur fera jamais défaut. Si tant est que leur amour est vrai, c’est Lui qui les a unis et c’est toujours Lui qui continue de les unir par ce Don de l’Amour qui vient de Lui, et l’Amour est éternel…

Si le péché a introduit son lot de fractures et de divisions, l’invitation lancée ne pourra qu’être celle de la réconciliation, en s’appuyant encore et toujours sur l’Amour de Dieu. Et si la rupture est consommée, le Père des Miséricordes ne pourra que continuer à chercher le meilleur pour ses enfants, selon « le possible » propre à chaque situation… Nul n’est exclu… « Le Pain de la Parole » (Jn 6,35-47) est donnée gratuitement et en surabondance à tous, sans aucune exception, et avec lui, nous recevons ce Cadeau qui s’offre également par le pain et le vin consacrés : « l’Esprit qui Est Vie. » « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les Paroles que je vous ai dites son Esprit et elles sont Vie » (Jn 6,63). St Pierre a bien écouté, d’un cœur ouvert et vrai (cf. Lc 5,8), dans un réel désir de se repentir (cf. Lc 5,29-32) : il ne peut que constater cette Vie nouvelle qui l’envahit et qui, déjà, dans la foi et par sa foi, fait tout son Bonheur : « Tu as les Paroles de la Vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6,68-69). Ce que Jésus vient de dire en conclusion de son discours sur sa Parole « Pain de Vie » s’accomplit pour lui : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47), dès maintenant, dans le présent de sa foi…

 

La fermeté de Jésus sur l’Eternel de l’Amour auquel tous les hommes sont appelés ne s’oppose donc en rien à l’infini de la Tendresse du Dieu de « grande Miséricorde » (Né 13,22). L’homme est debout ? Qu’il veille donc à rester debout, par la prière, en s’appuyant sur le Roc qui ne cesse de s’offrir à sa foi. L’homme est tombé ? Il s’est fait mal, il s’est blessé dans sa chute, il en souffre profondément. C’est ce que Dieu voulait éviter à tout prix en le pressant de lui rester fidèle. Mais qu’il ne désespère jamais de sa Miséricorde. Il est toujours avec lui, pour lui, toujours totalement offert à sa foi pour reconstruire avec lui ce qui peut l’être…

« La ferme pensée sur le divorce a été appliquée par l’Eglise primitive dans des situations nouvelles. Il n’est donc pas étonnant qu’il en soit de même aujourd’hui. L’Eglise se trouve toujours confrontée à des unions conjugales rompues et reformées. En tous ces cas, on se souviendra que la pensée de Jésus n’est pas fondée sur un point de vue « légaliste » et qu’il a toujours pratiqué un large accueil des exclus et des pécheurs » (Jacques Hervieux).

« Étant sorti, Jésus vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu, et il lui dit : Suis-moi ! Et, se levant, il le suivit. Comme il était à table dans la maison, voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent se mettre à table avec Jésus et ses disciples. Ce qu’ayant vu, les Pharisiens disaient à ses disciples : Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? Mais lui, qui avait entendu, dit : Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez donc apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » (Mt 9,9-13). Et nous sommes tous pécheurs, d’une manière ou d’une autre… Mais Dieu ne renoncera jamais à son projet. Un Père tel que Lui ne peut cesser d’aimer ses enfants… Envers et contre tout, il nous regarde toujours comme des « vases de Miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire » (Rm 9,23) et il s’est donné tout entier en Jésus Christ, dans l’infini de ce qu’Il Est, pour qu’il en soit effectivement ainsi. Voilà ce qu’il a déposé sur le plateau de la balance… Et nous, qui sommes sur l’autre plateau, pensons-nous vraiment que le poids de nos misères, aussi énorme soit-il, pourrait l’emporter ? « Tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu » (Rm 3,23) ? « Père, je veux que là où Je Suis eux aussi soient avec moi ». C’est pourquoi, « je leur ai donné la Gloire que tu m’as donné pour qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17,22 ; 17,24). Alors, oui, « que ta volonté soit faite »…

 

Jésus et les petits enfants (Mc 10,13-16)

 

Nous avons déjà rencontré en Mc 9,36-37 la situation des « petits enfants » dans la société de l’époque. « Au temps de Jésus, les enfants sont en effet objet de mépris de la part des adultes. Cette marmaille qui grouille et qui fait tant de bouches affamées à nourrir n’est pas en grande considération dans un monde où règne la pauvreté. De plus, tous ces gosses qui pullulent dans la communauté juive sont encore ignorants de la Loi de Moïse. On les traite comme des « hors la Loi ». Ils sont mis au rang des « exclus » comme les malades, les femmes et les esclaves, etc… Ce mépris que manifestent à l’égard des enfants ses propres amis heurte profondément le Maître : « Voyant cela, Jésus se fâcha ». Marc a déjà relevé le regard de colère de Jésus (Mc 3,5), mais jamais encore il ne nous a montré la raison profonde de son irascibilité. La voilà : les enfants, comme les autres « exclus », ont leur place dans le Royaume » (Jacques Hervieux).

« Laissez les petits enfants venir à moi ; ne les empêchez pas, car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis : quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n’y entrera pas ». En effet, « petit troupeau, votre Père s’est complu à vous donner le Royaume » (Lc 12,32). Il s’agit donc d’accueillir avec la simplicité et la confiance que peut avoir un petit enfant vis-à-vis de son Père, ce Royaume de Dieu donné gratuitement, par amour, à quiconque acceptera de le recevoir… Nous l’avons vu, « le Règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Autrement dit, il est Mystère de Communion dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), cet Esprit que le Père donne éternellement au Fils et qui l’engendre en Fils, cet Esprit qui nous est donné tout aussi gratuitement pour accomplir en nous notre vocation commune à devenir des fils et des filles de Dieu « à l’image du Fils » unique (Rm 8,29).

« Redisons-le, à l’époque de Jésus, l’enfant est avant tout « un pauvre » : un être totalement dépendant d’autrui ». Et Jésus a proclamé « heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,3). Ils ont su accueillir le Don de Dieu… L’enfant « est aussi le signe vivant d’une grande capacité d’écoute et de confiance : ce que les adultes ont largement perdu ! C’est la disponibilité foncière de l’enfant qui en fait un exemple pour les croyants. Jésus l’affirme avec toute la solennité voulue. On reconnaît bien là le souci que Jésus a de rectifier sans cesse le point de vue de ses disciples, qu’il est en train de former à leur tâche de responsabilité dans l’Eglise. Il leur faut abandonner leurs prétentions de grandeur (Mc 9,33-34), et se faire « petits » pour accueillir le Règne de Dieu avec un maximum d’humilité et d’ouverture. » « Puis Jésus les embrassa et les bénit ». « L’étreinte affectueuse de ces petits mal aimés et rejetés est hautement significative. La « bénédiction » qui l’accompagne est dans la Bible la communication en acte du Don de Dieu » (Jacques Hervieux), de ce Dieu qui ne cesse de donner, qui est éternellement Don en acte de ce qu’Il Est Lui-même et Il Est Esprit… Noter en ce texte d’Isaïe le parallèle entre « bénédiction » et « Esprit », et l’image de l’eau employée une nouvelle fois pour évoquer le Don de l’Esprit en nos cœurs desséchés, assoiffés : « Je vais répandre de l’eau sur le sol assoiffé », dit le Seigneur, « et des ruisseaux sur la terre desséchée ; je répandrai mon Esprit sur ta race et ma bénédiction sur tes descendants » (Is 44,3). Et dans la Lettre aux Galates, St Paul évoque « la bénédiction d’Abraham » en termes « d’Esprit de la Promesse » (Bible de Jérusalem), « l’Esprit, objet de la promesse » (TOB) : « Tous ceux qui se réclament de la pratique de la Loi encourent une malédiction. Car il est écrit: Maudit soit quiconque ne s’attache pas à tous les préceptes écrits dans le livre de la Loi pour les pratiquer… Le Christ nous a rachetés de cette malédiction de la Loi, devenu lui-même malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit quiconque pend au gibet, afin qu’aux païens passe dans le Christ Jésus la bénédiction d’Abraham et que par la foi nous recevions l’Esprit de la promesse » (Ga 3,10-14). Autrement dit, il est mort sur la Croix pour que nous puissions tous recevoir le Don de l’Esprit, l’Esprit promis dans l’Ancien Testament, l’éternelle Bénédiction que le Dieu Créateur ne cesse de répandre sur sa création depuis qu’il l’a créée… Avec le Christ, la Révélation de Dieu est arrivée à son terme, la vocation d’Abraham est pleinement accomplie : « Par toi se béniront toutes les familles de la terre » (Gn 12,3). « Je répandrai mon Esprit sur toute chair » (Jl 3,1-5 ; Ac 2,1-41).

 

L’homme riche, le danger des richesses, le trésor promis au détachement (Mc 10,17-31)

 

Sur la route, Jésus rencontre un homme de bonne volonté, qui sait reconnaître qu’il est un « bon Maître » : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ». Mais il est encore dans la logique Pharisienne : « faire pour avoir ». Le Don de Dieu apparaît alors comme un salaire ou une récompense. L’Amour de Dieu et sa totale gratuité arrivent en second. Ce n’est pas l’homme qui répond à Dieu mais l’inverse ; lui et ses œuvres occupent la première place, avec tous les risques d’orgueil et d’amour propre que l’on imagine… Non, la vie chrétienne n’est pas ainsi, et Paul, l’ancien Pharisien, le proclame avec force : « C’est par grâce que vous êtes sauvés… Ce salut ne vient pas de nous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,5.8-10 ; cf. texte en fin de document). Ces œuvres seront les fruits de « l’Amour de Dieu qui a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et, d’une manière ou d’une autre, « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22)…

St Paul, qui « surpassait bien des compatriotes de son âge, en partisan acharné des traditions des pères » (Ga 1,14), lui qui était « irréprochable » vis-à-vis de son obéissance de la Loi (Ph 3,6), a bien compris, en l’expérimentant lui-même sur la route de Damas, l’Amour Miséricordieux dont nous sommes tous appelés à devenir les heureux bénéficiaires. A la première place, il mettra non pas l’homme, ses œuvres, son « faire », mais le Don de Dieu, gratuit, offert par amour, en surabondance… Pour l’accueillir vraiment, il s’agit jour après jour de se repentir vraiment en comptant sur l’aide, le soutien, la fidélité de Celui qui « demeure fidèle lorsque nous, nous sommes infidèles » (2Tm 2,13). Et le Don accueilli par ce repentir sincère sera tout en même temps pardon, purification, Plénitude et Force pour agir comme Dieu le désire, autant qu’il nous est possible. Les œuvres arrivent en dernier… Elles ne sont que les fruits inévitables du Don reçu, s’il a été effectivement reçu… St Jacques ne dira pas le contraire : « C’est par les œuvres que je te montrerai ma foi », une foi qui est accueil effectif du Don de Dieu (Jc 2,18), l’Esprit Saint. On reconnaît l’arbre à ses fruits (Mt 7,15-20)…

« Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Sans arrières pensées, cet homme a mis Jésus à la première place. Mais non, Jésus, Lui, n’est pas à la première place dans son cœur. Le premier dans sa vie, Celui dont il ne cesse de parler, Celui vers lequel il tourne les regards, c’est son Père… Dans l’Amour, c’est toujours l’autre qui compte d’abord… « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul »…

Et comme dans la discussion sur le divorce, Jésus revient aux fondamentaux de la foi en Israël, les Dix Paroles données par Dieu à Moïse (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6-22) : « Ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère » (Mc 10,19). « Maître, lui dit-il, tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse ». Et il est sincère, il le dit de tout cœur… « Alors Jésus fixa sur lui son regard et l’aima. Et il lui dit : Une seule chose te manque : va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi ».

« Jésus fixa sur lui son regard et l’aima »… Or « aimer c’est tout donner et se donner soi‑même » (Ste Thérèse de Lisieux), un principe que Dieu vit infiniment, parfaitement, littéralement et de toute éternité… Dans son Amour, Dieu est Don de Lui-même… Ce Mystère, toujours en acte, se révèle pleinement en Jésus Christ… « Jésus l’aima »… En cet instant, la Plénitude de sa Lumière, de sa Vie, de sa Paix, de sa Joie éternellement donnée se manifeste en frappant, d’une manière que lui seul connaît, à la porte de son cœur… Un Trésor d’Être lui est offert, gratuitement, par amour… Que va-t-il choisir ?

Un détachement doit s’opérer… « Va, ce que tu as vends le »… Jésus a touché le point sensible : l’avoir… « Que dois-je faire pour avoir… », lui avait-il demandé ? Cet homme est dans la logique de l’avoir, et sa fortune le prouve… Jusqu’à présent, il a accordé une grande importance à cet avoir qui est pour lui sécurité, assurance pour l’avenir, promesse de bien-être… Et Jésus l’invite ici à lâcher tout ce qu’il a accumulé par lui-même et pour lui-même, afin d’entrer dans la logique de l’Amour qui est Don : « Ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres ». Il s’agira dès lors de mettre sa confiance non plus en son avoir mais en ce Dieu Père qui, dans son Amour, « sait bien ce qu’il nous faut », jusques dans les moindres détails de la nourriture et du vêtement, bref, tout ce qui est nécessaire à notre vie (Mt 6,8 ; Lc 12,22-32). Que va-t-il choisir : l’avoir pour soi, ou bien Être d’un Autre pour les autres ? « Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens »… Son avoir a encore trop de prix à ses yeux… Son cœur n’a pas réussi à se détacher des richesses de ce monde… Il a choisi les réalités périssables et leur incapacité à combler profondément et durablement le cœur de l’homme, aux réalités impérissables qui n’abondent qu’en Dieu seul : il est « sombre » pour n’avoir pas su dire « Oui ! » à la Lumière de l’Esprit qui s’offrait à lui en Jésus Christ « Lumière du monde » (Jn 8,12 ; 12,46), il est « tout triste » car il n’a pas su « accueillir la Parole avec la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6)… « Malheur à vous, les riches, car vous avez votre consolation », incomparable à Celle qui vient de Dieu… Ce n’est pas une malédiction, c’est une constatation, et Jésus est triste de les voir tristes, Lui qui leur a parlé « pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Aux chrétiens de Thessalonique, Paul écrira : « Que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, ainsi que Dieu notre Père, qui nous a aimés et nous a donné, par grâce, consolation éternelle et heureuse espérance, consolent vos cœurs et les affermissent en toute bonne œuvre et parole » (2Th 2,16‑17). Et tout cela s’accomplit par le Don du Saint Esprit : « Les Églises jouissaient de la paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie; elles s’édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur, et elles étaient comblées de la consolation du Saint Esprit » (Ac 9,31). Et « l’heureuse espérance » d’un Bonheur éternel est encore un fruit du Saint Esprit : « Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la puissance de l’Esprit Saint » (Rm 15,13).

 

Cet homme riche a pour l’instant dit « Non ! » à Jésus qui comprend la difficulté qu’il peut y avoir à se détacher de ses richesses : « Alors Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles », car, dans l’Ancien Testament, la richesse est souvent présentée comme étant une bénédiction de Dieu (cf. Abraham, Gn 13,2 ; Isaac, Gn 26,12-14 ; Jacob, Gn 30,43) ! « Mais Jésus reprit et leur dit : Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou de l’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » (Mc 10,23-25).

« Ils restèrent interdits à l’excès et se disaient les uns aux autres : Et qui peut être sauvé? Fixant sur eux son regard, Jésus dit : Pour les hommes, impossible, mais non pour Dieu : car tout est possible pour Dieu » (Mc 10,26-27). Il est donc impossible pour un riche de se détacher de ses richesses par lui-même… Il ne pourra le faire qu’avec l’aide, le soutien, le secours, l’attirance de Dieu qui, d’une manière ou d’une autre, au moment voulu, lui fera goûter une joie jusqu’alors inconnue… « Tu mets dans mon cœur plus de joie que toutes leurs vendanges et leurs moissons » (Ps 4,8). Ces dernières apparaîtront alors bien ternes par rapport à cette joie nouvelle, incomparable… Et le détachement sera une évidence, ou du moins plus facile…

Manifestement, l’heure n’était pas encore venue pour cet homme riche… Mais Dieu continuera de le suivre, prêt à s’engouffrer dans son cœur dès que la porte acceptera de s’ouvrir, même timidement, du bout des lèvres… Alors s’accomplira pour lui ce qui est dit du premier enfant de la parabole : « Un homme avait deux enfants. S’adressant au premier, il dit : Mon enfant, va t’en aujourd’hui travailler à la vigne. Je ne veux pas, répondit-il ; ensuite pris de remords, il y alla. S’adressant au second, il dit la même chose ; l’autre répondit : Entendu, Seigneur, et il n’y alla point. Lequel des deux a fait la volonté du père ? – Le premier, disent les Grands Prêtres et les Anciens du Peuple. Jésus leur dit : En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu » (Mt 21,28-31 et 21,23).

Dieu l’aura suivi, il l’aura cherché « jusqu’à ce qu’il le retrouve » (Lc 15,4-7), et lorsqu’il l’aura retrouvé, c’est lui qui, soutenu, porté par le Don de l’Esprit, se mettra à le suivre en son Royaume de Vie, de Paix et de Joie… C’est ce que firent les disciples à l’appel de Jésus, un appel qui fut pour eux Plénitude de Vie, de Douceur et de Paix, Bonheur indescriptible (Jn 6,68)… Et ils ont tout lâché pour Lui… Un jour, « comme il passait sur le bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, qui jetaient l’épervier dans la mer; car c’étaient des pêcheurs. Et Jésus leur dit : Venez à ma suite et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. Et aussitôt, laissant les filets, ils le suivirent » (Mc 1,16-18). Jean, lui, a perçu en Jésus « la Lumière de la Vie » (Jn 8,12), et il a lui aussi tout lâché pour elle… « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; – car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète » (1Jn 1,1-4). Paul a vu sur la route de Damas cette même Lumière, il a vécu cette Plénitude de Vie, et lui aussi a fait comme tous les autres… « Tous ces avantages dont j’étais pourvu, je les ai considérés comme un désavantage, à cause du Christ. Bien plus, désormais je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. À cause de lui j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ, et d’être trouvé en lui », uni à Lui dans la communion d’un même Esprit, cet Esprit qui est Plénitude de Vie (Ph 3,7-9)… Désormais, pour lui, « la vie c’est le Christ » (Ph 1,21)…

« Pierre se mit à lui dire : Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi ». Faisons bien attention à la réponse de Jésus : « En vérité, je vous le dis, nul n’aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Évangile, qui ne reçoive le centuple dès maintenant, au temps présent, en maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle » (Mc 10,29-30). Dans cette liste qu’il donne des proches de ses disciples, il manque le mot « femme ». Jésus, en effet, a appelé aussi des hommes mariés à le suivre, Pierre le premier (cf. Mc 1,29-31). Et il est bien sûr le premier à « ne pas séparer ce que Dieu a uni » (Mc 10,9). La vocation de l’un sera aussi vocation de l’autre, et ils pourront effectivement, lorsqu’ils seront devenus grands, « laisser » leurs « enfants », qui de toute façon se seraient envolés de leurs propres ailes pour faire leur vie comme nous tous nous l’avons fait… Alors ils vivront, avec une intensité toute particulière, cet envoi « deux par deux » (Lc 10,1) pour témoigner, ensemble, de cet Amour offert à tout homme, quel qu’il soit, un Amour qu’ils ont eux-mêmes reçus, reconnus, un Amour qui est à la source de leur amour et qui ne cessera de se donner à eux pour les soutenir dans leur mission.

Et cet Amour est Miséricorde… « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Les grands pécheurs, eux qui sont le plus à même d’être rejetés par ceux qui croient être « des gens biens, respectables », mobilisent toute l’attention du « Père des Miséricordes ». S’ils acceptent de reconnaître humblement leurs misères, ces grands malades recevront les plus grands remèdes. Dans le Royaume des Cieux, « beaucoup de premiers » aux yeux des hommes « seront alors derniers, et les derniers seront les premiers ». Puissions-nous tous être de ceux-là en offrant jour après jour notre péché à « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde »…

                                                                                                                                              D. Jacques Fournier

La petite voie de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus

 


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L’unique désir de Thérèse

La science d’Amour, ah oui! cette parole résonne doucement à l’oreille de mon âme, je ne désire que cette science-là. Pour elle, ayant donné toutes mes richesses, j’estime comme l’épouse des sacrés cantiques n’avoir rien donné… Ct 8,7  Je comprends si bien qu’il n’y a que l’amour qui puisse nous rendre agréables au Bon Dieu que cet amour est le seul bien que j’ambitionne.  

 

Définition de la petite voie

Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant  qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père…

 

La parole de Dieu, fondement de la confiance

« Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. » a dit l’Esprit Saint par la bouche de Salomon et ce même Esprit d’Amour a dit encore que « La miséricorde est accordée aux petits » (Pr 9,4; Sg 6,7). En son nom, le prophète Isaïe nous révèle qu’au dernier jour « le Seigneur conduira son troupeau dans les pâturages, qu’il rassemblera les petits agneaux et les pressera sur son sein » (Is 40,11) et comme si toutes ces promesses ne suffisaient pas, le même prophète dont le regard inspiré plongeait déjà dans les profondeurs éternelles, s’écrie au nom du Seigneur : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous caresserai sur mes genoux » (Is 66,12-13). O Marraine chérie ! après un pareil langage, il n’y a plus qu’à se taire, à pleurer de reconnaissance et d’amour…

 

Souhait pour les âmes faibles et imparfaites

Ah ! si toutes les âmes faibles et imparfaites sentaient ce que sent la plus petite de toutes les âmes, l’âme de votre petite Thérèse, pas une seule ne désespérerait d’arriver au sommet de la montagne de l’Amour, puisque Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la reconnaissance, puisqu’il a dit dans le Psaume 50(49) : « Je n’ai nul besoin des boucs de vos troupeaux, parce que toutes les bêtes des forêts m’appartiennent et les milliers d’animaux qui paissent sur les collines, je connais tous les oiseaux des montagnes… Si j’avais faim, ce n’est pas à vous que je le dirais : car la terre et tout ce qu’elle contient est à moi. Est-ce que je dois manger la chair des taureaux et boire le sang des boucs ?…  

 

La soif d’amour

« IMMOLEZ A DIEU des SACRIFICES de LOUANGES et d’ACTIONS DE GRÂCES » (Ps 50 (49),14). Voilà donc tout ce que Jésus réclame de nous, il n’a point besoin de nos œuvres, mais seulement de notre amour, car ce même Dieu qui déclare n’avoir pas besoin de nous dire s’il a faim, n’a pas craint de mendier un peu d’eau à la Samaritaine. Il avait soif… Mais en disant: « Donne moi à boire » (Jn 4,6-13) c’était l’amour de sa pauvre créature que le Créateur de l’univers réclamait. Il avait soif d’amour… Ah ! je le sens plus que jamais Jésus est altéré, Il ne rencontre que des ingrats et des indifférents parmi les disciples du monde et parmi ses disciples à lui, il trouve, hélas! peu de cœurs qui se livrent à lui sans réserve, qui comprennent toute la tendresse de son Amour infini.

 

                                                                                                            Ste Thérèse de Lisieux, « Histoire d’une Âme ».

Fiche n°18 (Mc 10,1-31) Document PDF pour une éventuelle impression




Messe Chrismale : Homélie de Mgr Gilbert Aubry (1° Avril 2015).

Ce mercredi 1° avril, tous les prêtres et les diacres de la Réunion étaient invités à se rassembler autour de leur Evêque pour la Messe Chrismale. Ce fut, pour les prêtres, l’occasion de renouveler les voeux qu’ils avaient formulés lors de leur ordination presbytérale. L’Evêque a également béni les saintes huiles qui seront utilisées pendant toute l’année lors de la célébration des sacrements…

Vous trouverez ci après l’homélie de notre Evêque donnée en ce jour. D’ici peu, vous la retrouverez également en vidéo sur jevismafoi.com. Pour des raisons de commodité, nous vous invitons à cliquer sur le document PDF ci-joint. Bonne lecture et bonnes fêtes de Pâques à vous ! En Jésus Christ, la Miséricorde Toute Puissante a eu le dernier mot !

 

Messe chrismale 2015 Document PDF




Audience Générale du Mercredi 1 Avril 2015

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 1er avril 2015

 


 

 

Frères et Sœurs, demain commenceront les célébrations du Triduum Pascal de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur, qui est le sommet de toute l’année liturgique. Lors de la dernière Cène, Jésus a offert son Corps et son Sang en nourriture à ses Apôtres. La célébration du Jeudi Saint fait mémoire du Lavement des pieds, qui a la même signification que l’Eucharistie : Jésus est venu pour se faire serviteur et offrir sa vie. Dans la liturgie du Vendredi Saint nous méditons le mystère de la mort du Christ et nous adorons la Croix, sur laquelle l’œuvre du salut est accomplie. Suite à ce combat victorieux, l’Église contemple le Christ au tombeau, dans le « repos » du Samedi Saint. Elle est comme Marie, parfaite croyante qui conserva la foi, et qui espéra contre toute espérance en la résurrection de Jésus. Après la longue veille dans l’obscurité de la Vigile pascale, l’Alleluia de la résurrection retentit de nouveau. Le feu de l’amour de Dieu illumine la nuit : le Christ a vaincu la mort, et nous avec lui.

Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française. Je vous invite à entrer de tout votre cœur dans la célébration des mystères que la liturgie de l’Église nous offre ces prochains jours. Partagez les sentiments et les attitudes que Jésus a connus aux jours de sa passion, c’est ainsi que vous ferez de « Bonnes Pâques ».

Que Dieu vous bénisse !




Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (5 Avril)

 

  « Christ est ressuscité ! » (Jn 20,1-9)

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat,
ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

         résurrection2

« Celui à qui on remet peu montre peu d’amour » (Lc 7,47), mais celui à qui on remet beaucoup montre beaucoup d’amour… Marie Madeleine, dont Jésus « avait chassé sept démons » manifeste ici l’intensité du lien qui l’unit à son Seigneur en arrivant à son tombeau « de grand matin », la première, « alors qu’il faisait encore sombre »… Mais surprise… « La pierre a été déplacée »… Elle n’entre pas et court aussitôt prévenir Pierre et Jean : « On a enlevé le Seigneur ». Arrivé le premier, Jean s’arrêtera à l’entrée pour laisser Pierre passer devant lui. Il est ainsi déjà celui que les disciples ont reconnu comme la Pierre sur laquelle le Christ bâtira son Eglise (Mt 16,18)…

Mais le plus grand a besoin du plus jeune… Le regard de foi de Pierre n’est pas celui de Jean. Tous les deux, en effet, voient « le linge qui avait recouvert la tête ». Mais il n’est pas « posé avec le linceul » comme il l’aurait été si quelqu’un l’avait dénoué pour s’emparer ensuite du corps de Jésus. Il est toujours « roulé à part, à sa place », celle qu’il avait sur le corps… Personne en fait ne l’a touché… Le corps a subitement disparu, et tous les linges qui l’entouraient se sont affaissés, chacun « à sa place »… Seul Jean comprend… « Il vit et il crut »… « On a vraiment enlevé le Seigneur », mais c’est le Père, par la Puissance de l’Esprit Saint, qui a ressuscité son Fils d’entre les morts, et qui lui donnera peu après de se manifester à Pierre et à Jean…

Peu après, ils partiront en effet pécher, à une centaine de mètres du rivage, mais ce jour-là, les poissons n’étaient pas au rendez-vous. Jésus leur apparaît, mais ils ne le reconnaissent pas tout de suite… « Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez », leur dit-il. Ils le firent et de fait, il se remplit à craquer, une situation qu’ils avaient déjà vécue autrefois avec lui (Lc 5). Jean le comprend aussitôt de ce regard du cœur qui sait percevoir la Présence et l’Action de l’Invisible au cœur des réalités les plus simples de la vie. « C’est le Seigneur », dit-il à Pierre… Et ce dernier, le premier, encore une fois, plongera à l’eau pour aller le rejoindre (Jn 21,1-14)…

« Les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts », manifestant ainsi la victoire de l’Amour sur la haine, de la Douceur sur la violence, de la Vie sur la mort… Maintenant, ils vont partir sur les routes du monde en témoins de sa Résurrection, invitant les foules à se repentir pour recevoir le pardon de toutes leurs fautes. Car l’Amour est vainqueur, ils l’ont vécu, ils l’ont vu… DJF

 




Messe du jour de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 

Actes des Apôtres 10, 34a.37-43 (Les Apôtres témoins de la résurrection)

Pierre a déjà annoncé la résurrection du Christ à des Juifs, au jour de la Pentecôte (cf. Actes 2 – 4). Ici, il s’adresse pour la première fois à un païen, un officier romain de Césarée, capitale de la Judée-Samarie. Là résidait le gouverneur romain, tel Pilate, qui ne venait résider à Jérusalem que lors des pèlerinages, afin de parer à d’éventuelles agitations populaires.

Pierre résume l’Évangile qui commence par le baptême conférant au Christ la force prophétique de l’Esprit saint. Il ne s’attarde pas sur les faits et gestes de Jésus : il lui suffit de dire que les apôtres ont été témoins de son œuvre de libérateur, qu’il y a une continuité entre son ministère et la passion et la résurrection.

Les Juifs ont « pendu Jésus au bois », allusion à Deutéronome 21, 23, un texte que l’on interprétait alors comme une malédiction des crucifiés : Jésus a pris sur lui le destin des maudits, comme le rappellera saint Paul en Galates 3, 10. Mais « Dieu l’a ressuscité *le troisième jour », c’est-à-dire selon la symbolique juive ancienne, la résurrection générale de la fin des temps. Les apôtres en sont témoins. Les paroles de Pierre laissent entendre que des objections ont cours parmi les Juifs : s’il est vivant, pourquoi ne l’avons-nous pas vu ?

L’essentiel tient en ceci : Jésus est désormais le « Juge des vivants et des morts », la référence ultime de notre histoire, parce que Dieu lui a rendu justice contre la condamnation prononcée à son égard. « Quiconque croit en lui », Juif ou païen, se voit libéré de ses péchés parce qu’il reconnaît la justice de Dieu dans les relèvement du Christ.

* Le troisième jour. Le Nouveau Testament ne dit pas que Jésus s’est ressuscité, mais que Dieu l’a ressuscité, rendant par là justice à l’accomplissement de sa mission. D’autre part, la mention du « troisième jour » est moins chronologique que théologique. Dans la Bible, nombre d’événements importants se passent « le troisième jour », et, dans le judaïsme, l’expression en vint à désigner, sur la base d’Osée 6, 2, l’espérance de la résurrection finale de tous. Dans la résurrection de Jésus, c’est la nôtre qui commence.

Colossiens 3, 1-4 (Vivre avec le Christ ressuscité)

L’Apôtre vient de s’en prendre, en Colossiens 2, 8-23, à des déviations qui dénaturent la foi chrétienne de ses lecteurs. Il s’agit apparemment de l’influence de pratiques juives, d’un culte des anges mêlé de spéculations grecques sur les puissances cosmiques. Peut-être même certains rites d’initiation font-ils concurrence au baptême. Aux yeux de l’auteur, tout cela insulte à la place centrale due au Christ dans l’existence chrétienne.

Baptisés, nous sommes morts à ces fausses sécurités d’hier et d’aujourd’hui. Nous devons nous en dégager, parce que seul le Christ est « notre vie » et, selon le psaume pascal (109, 1), il siège auprès de Dieu. Nous sommes donc orientés désormais vers « les réalités d’en haut ». « Nous sommes ressuscités. » Le verbe est au passé : c’est chose faite ! Mais, dans le gris du quotidien, nous voyons mal les effets de cette nouveauté encore « cachée » dans le secret de Dieu. D’où notre difficulté à oser décoller, à oser nous élever. Mais viendra le jour de la manifestation du Christ et, en belle et pleine lumière, la révélation de notre être profond, pourvu que nous n’ayons pas laissé se briser notre élan vers *« les réalités d’en haut ».

* Les réalités d’en haut. Ici, nul mépris des réalités terrestres, puisque, selon l’auteur, Dieu a voulu « tout réconcilier » par le Christ « sur la terre et dans les cieux » (Colossiens 1, 20). Il blâme seulement les idéologies et autres discours religieux qui asservissent le monde à des intérêts inavouables. Ces perversions empêchent la terre de tendre vers sa réalisation authentique dans le Christ, dans la lumière de la Pâque du Christ. Victor Hugo racontait qu’en son enfance, il aimait se cacher dans les arbres parce que les adultes… ne regardent jamais en haut.

2e lecture, au choix :

1 Corinthiens 5, 6b-8 (La Pâque, exigence de renouvellement)

Paul écrit cette lettre depuis Éphèse, aux environs de la célébration de Pâques (cf. 1 Corinthiens 16, 8). Nos deux versets reprennent sans doute un passage de l’homélie qu’il a prononcée à l’occasion de la fête de Pâques et qu’il adapte ici à un problème précis (voir 1 Corinthiens 5, 1 ss.) : Un membre de l’Église de Corinthe a mal compris la liberté chrétienne prônée par Paul. Il a épousé sa belle-mère, contre la Loi mosaïque (Lévitique 18, 8) et contre le Code romain. La communauté n’a pas réagi, admirant peut-être l’audace de l’individu (à Corinthe, il fallait s’attendre à tout, semble-t-il). Mais, pour Paul, ce cas est le *levain qui corrompt la pâte de façon malsaine.

Dans les rites de la Pâque juive aujourd’hui encore, on débarrasse la maison de tout levain, en signe de renouveau (cf. Exode 12, 15). L’Apôtre transpose l’image : la communauté doit devenir ce qu’elle est réellement, une nouvelle pâte pascale. Chaque jour est Pâques, puisque le Christ, « notre agneau pacal, a été immolé », comme le nouvel ageau pascal libérateur. Il faut nous libérer des traces « de la perversité et du vice », en l’occurrence un usage vicié et égoïste de notre liberté, et nous engager dans une « droiture » et une « vérité » de tous les instants : voilà le premier pas de notre renouveau, de notre résurrection avec le Christ.

* Le levain. L’image positive du levain vient de la parabole (Matthieu 13, 33) dans laquelle, par paradoxe, Jésus compare la puissance du Règne de Dieu à l’infime pincée de levain qui fait lever une quantité de pâte incroyable. Mais d’ordinaire, dans le Nouveau Testament, le levain apparaît comme un agent corrupteur. Songeons à l’exclamation de Jésus : « Méfiez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens » (Matthieu 16, 6).

 

Jean 20, 1-9  (« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts»)

L’épisode de la course au tombeau, connu par un célèbre tableau, met en relief le disciple «que Jésus aimait», qui court plus vite que Pierre, mais qui, comme par déférence institutionnelle, s’efface derrière lui.

Le premier jour de la semaine

Jésus a été enseveli le vendredi soir, avec les honneurs dus à un roi, selon la mise en scène de saint Jean. Marie Madeleine laisse passer le repos du sabbat, puis elle se rend au tombeau pour pleurer le Disparu. C’est « le premier jour de la semaine », manière pour l’évangéliste d’annoncer une création nouvelle, « de grand matin », à l’aube de la vie – « c’était encore les ténèbres », car cette vie est encore cachée. Ainsi s’ouvrent les quatre épisodes dans lesquels Jean présente les manifestations du Ressuscité : la découverte du tombeau ouvert, l’apparition à Marie Madeleine, l’apparition aux disciples le soir du même jour et l’épisode de Thomas (2e dimanche de Pâques). L’évangile de Jean s’achèvera par un appendice plus tardif dans la composition de cet évangile : la rencontre au bord du Lac (Jean 21).

La course au tombeau

Quelle nouvelle peut faire courir un adulte sérieux ? Tout le monde court dans l’évangile de ce jour, à commencer par Marie Madeleine qui s’imagine qu’il y a eu rapt du corps, un fléau de l’époque. Sous sa désolation se profile l’émoi de la Bien-aimée du Cantique des Cantiques (3, 2) : « Je veux chercher celui que mon cœur aime ; je l’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé. »

C’est ensuite la course entre Pierre et « le disciple que Jésus aimait ». Ce dernier va plus vite, parce que, suppose-t-on, il aime davantage. Mais il laisse à Pierre, le chef des Douze, la primeur de la découverte des lieux.

Il vit et il crut

Le Disciple entre à son tour : « il vit* et il crut. » Il voit la parure funéraire soigneusement déposée : il ne s’agit donc pas d’un rapt précipité ; le Seigneur est sorti de la mort et n’a plus besoin de la vêture des morts. Le Disciple croit que, dans le secret de la nuit, Dieu l’a ressuscité. Il est en cela le premier des disciples qui croiront à leur tour, qui n’ont pas encore lu l’Écriture (l’Ancien Testament) correctement et n’y ont pas vu inscrit un plan de Dieu annonçant la résurrection du Seigneur. Il faut prendre le temps de se souvenir des paroles du Christ. Il avait annoncé que serait relevé « le Temple de son corps. » « Aussi quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela : ils crurent aux prophéties de l’Écriture… » (Jean 2, 22).

Pierre et l’autre disciple

Cet épisode de la course au tombeau, l’évangéliste l’a composé en reprenant la tradition de la visite de Pierre au sépulcre (cf. Luc 24, 12) et en introduisant le personnage du « Disciple que Jésus aimait », celui qui, lors de la Cène, « se penchait sur la poitrine de Jésus » (Jean 13, 25). L’évangéliste n’établit pas une rivalité entre Pierre et l’autre Disciple ; il souligne dans la découverte du Ressuscité, la primauté de l’amour sur la légitime solidité de l’Institution, représentée par Pierre. Plus nous aimons le Jésus des évangiles, plus nous croirons qu’il ne peut être que le Vivant, « le Juge des vivants et des morts » (1ère lecture).

* Voir n’est pas une simple opération des globes oculaires ; c’est aussi comprendre les choses, leur donner un sens. Ne dit-on pas :  «je vois ce que vous voulez dire»?  L’évangile de Jean accorde une grande importance à ce verbe. Jésus pose des signes pour que les humains puissent voir ce qu’il faut voir, c’est-à-dire que Dieu est à l’œuvre en lui. Au tombeau, le Disciple bien-aimé découvre une absence. Mais cette absence atteste pour lui une résurrection correspondant à ce qu’il a su voir finalement dans les Écritures. Notre foi consiste en un regard en profondeur des signes qui, au jour le jour, disent la présence active du Vivant.




Rencontre autour de l’Evangile – Dimanche de Pâques

 Il vit, et il crut…

résurection 1

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (J, 20, 1-9)

Le chapitre 20 de l’évangile de Jean est tout entier consacré aux apparitions de Jésus après sa résurrection. Le matin de Pâques, Pierre et Jean trouvent le tombeau vide. Nous allons voir ce qui se passe pour ces deux disciples.

Le sens des mots

Le premier jour de la semaine : Qu’est devenu pour nous ce premier jour de la semaine ? Quel est son importance pour les chrétiens ?

Marie Madeleine : Qui est cette Marie Madeleine ? Que voit-elle en arrivant au tombeaux ?

De grand matin… il fait encore sombre : Le jour se lève peu à peu… Cette remarque de Jean doit avoir une signification par rapport à l’événement : laquelle ?

Simon-Pierre et l’autre disciple celui que Jésus aimait : Quelle était la place de Simon-Pierre dans le groupe des Douze ? Qui peut être ce « disciple que Jésus aimait » ?

Le Seigneur : Au lieu de dire on a enlevé « le corps » de Jésus, Marie Madeleine dit « le Seigneur » : Pourquoi ?

Jean voit le linceul resté là… il n’entre pas : Pourquoi l’autre disciple, arrivé le premier, n’entre pas ?

Pierre regarde le linceul resté là : Comment comprendre ce qui est dit du linceul.

Il vit et il crut : Qu’est-ce que le disciple à vu ? Qu’est-ce qu’il a cru ?

Jusque là il n’avait pas vu… : Que veut dire ici le mot « voir » ?

Que d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

Pour l’animateur

 Pour les juifs, le lendemain du sabbat (7ème jour), c’était le premier jour de la semaine. C’est devenu pour les chrétiens « le jour du Seigneur » (en latin : Dies Domini = Dimanche). Jour particulièrement important parce que c’est le jour où les chrétiens se rassemblent pour célébrer la mort et la résurrection de Jésus. Depuis le début, c’est le jour où Jésus ressuscité vit un rendez-vous avec ses disciples.

Marie de magdala (Madeleine), c’est une ancienne possédée que Jésus a guérie et qui faisait partie du groupe de femmes qui le suivaient (voir Lc 8,2). Ne pas confondre avec la pécheresse (prostituée) venue chez Simon le Pharisien pour pleurer ses péchés.

De grand matin, (le jour se lève), mais il fait encore sombre : ce n’est pas une pure indication de temps. Ce langage symbolique, cher à saint Jean, veut dire que le Christ s’est levé du tombeau, il est le Soleil Levant ; mais il fait encore sombre dans le cœur des disciples et de Marie. Ce n’est pas encore la clarté de la foi.

La pierre a été enlevée : La Résurrection est l’œuvre du Père par la puissance de l’Esprit. Mais Jean, préserve le mystère de l’intervention de Dieu.

Pierre et le disciple que Jésus aimait, vivent une grande proximité avec Jésus depuis sa passion, proximité douloureuse pour Pierre dans sa trahison, fidèle chez l’autre disciple. L’évangéliste ne nomme jamais l’autre disciple. Qui est-il ? Peut-être Jean lui-même ? Chacun de nous peut lui donner son nom. C’est à Pierre d’entrer le premier dans le tombeau vide : car c’est le chef du groupe des Douze et il devient ainsi un témoin indiscutable pour l’Église primitive.

L’autre disciple entre à son tour : dès qu’il voit les linges restés à la place où ils étaient sur le corps de Jésus, « il vit et il crut ». Le disciple croit sans hésiter. Jésus s’en est allé, laissant ses habits dans l’ordre et place où il les portait. Ces habits attestent que le corps de Jésus n’a pas été volé. Jésus ressuscité n’a plus besoin de vêtement ; il a quitté le monde des humains… Voir et croire, pour Jean, c’est la même acte.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Jésus, tu es ressuscité ! Tu es sorti vivant du tombeau. Pierre et le disciple que tu aimais ont cru ! Nous sommes tes disciples. Tu nous aimes. Augmente notre foi et fais de nous les témoins joyeux de ta résurrection.

TA PAROLE DANS NOTRE VIE

Ou bien Jésus est ressuscité ou bien il n’est pas ressuscité !

S’il est ressuscité, tout dans notre vie doit avoir un sens nouveau : le temps que nous vivons, nos occupations quotidiennes, notre travail, notre famille, l’éducation que nous donnons à nos enfants, l’usage que nous faisons de l’argent, l’amour, l’amitié, nos relations, nos loisirs, la souffrance… et la mort ! Où en sommes-nous ? Comment vivons-nous notre foi en Jésus ressuscité ?

ENSEMBLE PRIONS

Dieu notre Père, dans ton amour invincible pour nous, tu as relevé ton Fils Jésus d’entre les morts, pour le salut de tous.

Fais-nous entrer dans la joie et l’allégresse du Christ ressuscité, pendant tout le temps pascal, jusqu’à la Pentecôte, et tous les jours de notre vie.

Donne-nous le goût de demeurer avec lui dans le secret du cœur, d’aimer avec générosité tous ceux que tu nous donnes et de vivre dans la foi et l’espérance, tournés vers lui, le Vivant à jamais. Amen

Chant : Jésus, tu es ressuscité, Alléluia.

 

 




Vendredi Saint – Messe du soir par P. Claude TASSIN (Spiritain)

Isaïe 52, 13 — 53, 12 (La grande prophétie du serviteur souffrant)

Le Quatrième Chant du Serviteur ouvre la célébration de la Passion. Ce texte difficile a fortement inspiré les auteurs du Nouveau Testament et nous le lisons pour cette raison. Ainsi « l’agneau conduit à l’abattoir » évoquait pour Jean Jésus, Agneau de Dieu.

Selon une interprétation possible, le Serviteur représente à l’origine un groupe d’Israélites exilés à Babylone au 6e siècle avant notre ère et qui porte sur lui le poids du châtiment divin, alors que d’autres Israélites, non exilés, restés au pays, étaient tout aussi coupables. Mais, dans l’humiliation et la fidélité des déportés envers lui, Dieu voit un sacrifice volontaire qui a valeur d’absolution pour l’ensemble du peuple pécheur.

Ainsi y aura-t-il un avenir, une résurrection, une postérité du Serviteur, et le monde entier en sera témoin. « Le Serviteur justifiera les multitudes » : à cause de son sacrifice, Dieu tirera un trait sur le péché et, en vue d’un nouveau départ, il considérera son peuple comme juste. Ajoutons que le texte fait alterner des discours de Dieu (« mon Serviteur ») et d’autres tenus par les Juifs ou par les nations témoins de la destinée du Serviteur.

En sa passion, Jésus accomplit la figure du *Serviteur. « Mort pour nos péchés », il assume le sort de ceux « qui paient pour les autres » et leur apportent ainsi de nouvelles chances de vivre.

* Le Serviteur. Comme le Serviteur, Jésus « s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort » (dimanche des Rameaux, 2e lecture). Signalons le credo transmis en 1 Corinthiens 15, 3-5. Il y est dit que « le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures » ; dans l’expression « conformément aux Écritures », il s’agit d’un renvoi à notre poème, comme aussi lorsque Matthieu 26, 28 évoque, pour la coupe eucharistique, le sang « répandu pour la multitude en rémission des péchés ».

Hébreux 4, 14-16 ; 5, 7-9 (Jésus, le grand prêtre, cause de notre salut)

L’auteur de la Lettre aux Hébreux présente Jésus comme étant aujourd’hui notre grand prêtre, par *le sacrifice de la croix. Du pontife, les Juifs attendaient qu’il présente à Dieu leurs offrandes de manière irréprochable et qu’il leur obtienne ainsi la miséricorde et la grâce de Dieu. Mais, dans le Temple terrestre, le grand prêtre ne rencontrait pas Dieu face à face, tandis que Jésus « a traversé les cieux », dans le Temple véritable où Dieu réside. Et pourtant, il n’est pas devenu pour autant un étranger lointain : le vendredi saint nous rappelle qu’il a connu nos épreuves, sans céder au péché. Alors « tenons ferme », « avançons-nous avec assurance » et ne cherchons pas à atteindre Dieu autrement que par Jésus.

Après l’exhortation, l’auteur expose l’excellence de la médiation du Christ. « Pendant les jours de sa vie dans la chair », celui-ci a offert à Dieu sa prière instante et sa totale obéissance, comme dans la scène du jardin des Oliviers. Il a été paradoxalement exaucé, comme le montre sa résurrection, en cela qu’il a pu unir sa volonté au seul vouloir du Père. Il a ainsi accepté les souffrances de sa Passion et assumé une totale solidarité avec l’humanité mortelle. Ayant traversé la mort, il est désormais l’exemple et le guide parfait pour ceux qui comprennent le sens de son sacrifice et qui, avec lui, mettent leur confiance en Dieu.

* Le sacrifice de la croix. Sur l’arrière-fond du culte juif ancien, les chrétiens voient dans la mort de Jésus un sacrifice, et même, grâce à l’auteur anonyme de la Lettre aux Hébreux, le sacrifice unique et parfait. Offrir un sacrifice à Dieu, c’est s’offrir soi-même à Dieu, totalement : ce qu’on offre est le signe de l’offrande de soi-même. Mais cette offrande totale serait, portée à l’extrême, un suicide. C’est pourquoi, en manière de signe, on immolait des animaux. Seul Jésus, mort et ressuscité par Dieu, a pu réaliser parfaitement ce que signifie un sacrifice. Dès avant la ruine du Temple de Jérusalem, certains cercles juifs avaient mis ceci en avant : le seul sacrifice que Dieu attend de nous, c’est notre fidélité de chaque instant à sa volonté (comparer Romains 12, 1-2).

Jean 18, 1 – 19, 42 (La Passion du Seigneur)

La Passion du Seigneur selon Jean tient son éclat des symboles parsemés au long du texte. La ligne directrice est celle-ci : la Passion constitue le couronnement de la royauté du Christ, l’intronisation de celui-ci. Par le don total de lui-même, Jésus propose l’amour de Dieu sans limites comme seule Vérité, vérité de la nature de Dieu, vérité du sens de l’histoire du monde, comme un programme de règne offert à notre accueil. L’ensemble progresse en cinq lieux, la séquence centrale étant le dialogue avec Pilate.

Au Jardin

Le jardin n’est pas nommé. La Passion commence dans un jardin et s’achèvera dans le jardin de l’ensevelissement. Nulle scène d’agonie, à la différence des autres évangiles (elle a été anticipée en Jean 12, 27-28), mais l’affrontement entre Jésus, lumière du monde, et le parti des ténèbres, conduit par Judas. Jésus mène l’action : « Qui cherchez-vous ? » – « C’est moi », ou plus littéralement : « Je Suis », le nom par lequel Dieu se révéla à Moïse (Exode 3, 14). À cette révélation, les ennemis de Jésus s’effondrent. C’est Jésus, « sachant tout ce qui allait lui arriver », qui semble décider de son arrestation. On songe de nouveau à l’expression de la prière eucharistique n° 2 : « Au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa Passion… »

Chez Anne, le grand prêtre

Une opposition se dessine entre Jésus, qui proclame hautement son identité devant le grand prêtre, représentant du judaïsme, et Pierre qui renie son maître. Au centre de la scène, une simple gifle signe la rupture.

Chez Pilate

Selon « l’ironie » de saint Jean, les Juifs en viennent à renier le Roi Messie : « nous n’avons pas d’autre roi que César. » Les entrées et sorties de Pilate divisent l’épisode en sept séquences. Dans la quatrième, centrale, selon la même ironie, Jésus est affublé des insignes du roi et salué comme tel. L’auteur donne l’impression que Jésus porte cet accoutrement jusque sur la croix. La septième séquence est décisive : Pilate *assied publiquement Jésus en juge et roi de son peuple (« Voici l’homme » = le Fils de l’homme) qui le repousse.

Au Golgotha

Jean exprime, en un véritable feu d’artifice, la totalité du mystère de Pâques : l’inscription de la croix en trois langues souligne l’universalité du règne de Jésus ; la tunique non déchirée annonce l’unité des croyants ; dans la personne de Marie, « la Femme », Jésus confie aux disciples, spécialement au « disciple que Jésus aimait », auteur de cet évangile dit « de Jean », le nouveau peuple de Dieu. Dans la mort de Jésus, « tout est accompli » de son amour : déjà Jésus « remet (ou « transmet » l’Esprit » (la majuscule s’impose dans la théologie de Jean) aux témoins croyants. Tel le rocher frappé par Moïse (Nombres 20, 9-11), le soldat « frappe le côté du Christ » : il en jaillit l’eau vive de l’Esprit (cf. Jean 7, 38-39), don lié maintenant au sang versé par le Christ.

Au Jardin

Le récit s’achève dans un autre jardin, celui de l’ensevelissement car les rois d’Israël étaient ensevelis dans un jardin (cf. 2 Rois 21, 18). Les quelque trente kilos d’aromates apportés par Joseph l’emportent sur les funérailles de n’importe quel souverain. Jésus est entouré avec honneur de notables juifs qui se posent enfin en vrais disciples : l’histoire de la mission chrétienne commence déjà. Au terme du récit de la Passion, nous revenons à cette question essentielle : à qui donnons-nous le droit de régner sur nos vies ?

* Il le fit asseoir. Selon la subtilité caractéristique de Jean, le verbe grec est ambigu : «Pilate fit amener Jésus dehors et s’assit (ou le fit asseoir) au lieu appelé le Dallage, en hébreu Gabbata » (19, 13). Certes, c’est Pilate qui s’assied pour prononcer la sentence. Mais la vérité profonde, c’est que nous devons contempler en Jésus le juge et le roi de l’humanité.

 

 




Jeudi Saint – Messe du soir par P. Claude TASSIN (Spiritain)

Exode 12, 1-8.11-14 (Prescriptions concernant le repas pascal)

Au seuil des trois jours célébrant la Pâque de Jésus, la première lecture rappelle l’institution de la Pâque d’Israël. C’est la première pâque, en lien étroit avec la libération d’Égypte, puisque l’auteur sacerdotal de la Bible la situe entre l’annonce du dernier fléau, la mort des premiers-nés égyptiens, et son accomplissement. Mais c’est aussi la mise en place des rites à accomplir à chaque génération comme le mémorial de la libération : chacun se rendra présent par la mémoire à l’antique événement en sorte d’obtenir d’un Dieu toujours à l’œuvre les grâces de *liberté.

Les Azymes étaient, à l’origine, la fête printanière des cultivateurs, et la Pâque celle des nomades. La Bible joint les deux. Désormais on célébrera moins le cycle des saisons que l’intervention décisive de Dieu dans l’histoire : les rites traduiront la hâte de la libération (cf. Exode 12, 34) et le mot Pâque est compris comme le passage de Dieu qui épargne, saute par-dessus les maisons marquées du sang de l’agneau. Au matin de Pâques, nous rappelerons que le salut nous vient d’un autre sang, celui du Christ, versé par amour pour nous (cf. 2 Co 5, 8). Notons enfin, dans les préparatifs de la fête, le caractère familial de la pâque juive (cf. aussi Exode 12, 26).

* Liberté. « En toute génération, c’est une dette pour l’homme de se voir comme si lui-même était sorti d’Égypte. Car il est dit : « Et tu raconteras à ton fils, en ce jour-là, disant : En vue de tout ceci le Seigneur agit pour moi, quand je sortis d’Égypte. » Non point nos pères seulement, il les sauva, mais nous-mêmes, en eux, il nous sauva » (Rituel du repas pascal juif).

1 Corinthiens 11, 23-26 (Le repas du Seigneur)

Écrite avant les évangiles canoniques, la Première Lettre aux Corinthiens offre ici le récit le plus ancien de l’institution de l’Eucharistie. Paul le présente comme une tradition reçue ; il l’a sans doute recueillie de l’Église d’Antioche, où il a longuement séjourné au début de ses missions, et il la partage avec, à sa suite, l’évangile de Luc, dépendant de la même tradition d’Antioche.

Le Seigneur accomplit d’abord les rites de bénédiction de la table juive lors des fêtes (prendre le pain, prononcer la bénédiction ou action de grâce et le partager aux convives). Ces gestes signifiaient que l’on voyait dans ce pain le don de Dieu pour subsister et vivre ensemble. Mais Jésus ajoute ceci : ce don de Dieu, c’est « mon corps, qui est pour vous ». Prenant ce pain comme étant le corps du Christ, bientôt livré à la croix, nous faisons l’expérience que *sa mort est pour nous source de vie et d’unité.

Chez les Juifs, la coupe est signe de fête, surtout celle de la Pâque. Elle est ici comprise comme celle de l’Alliance nouvelle annoncée par Jérémie 31, 31-34, nouvelle manière de vivre ensemble et avec Dieu. Elle est fondée sur le sang, non plus celui du sacrifice du Sinaï (Exode 24, 8), mais le sang versé par celui qui « a goûté la coupe de la mort », comme on disait alors chez les Juifs.

Accomplir ce mémorial, c’est proclamer devant Dieu le sens de « la mort du Seigneur », dans l’espérance qu’il vienne, « jusqu’à ce qu’il vienne » accomplir en plénitude le mystère d’une communion universelle, une communion mise à mal par les divisions sociales au sein de l’Église de Corinthe (voir 1 Corinthiens 11, 17-22).

* La mort du Christ. « Avec la mort, [le Seigneur] accepte tout le reste, tout ce qui fait partie de ce vide infini, inerte et mortel : l’opacité spirituelle de ses disciples, leur manque de foi, la douleur, la trahison, le rejet dont il est l’objet de la part de son peuple, la bêtise brutale et meurtrière du monde de la politique, l’échec de sa mission et de l’œuvre de toute sa vie. Il a devant lui le calice abyssal de sa vie : il le saisit à pleines mains, plonge son regard dans ses profondeurs ténébreuses et le porte à ses lèvres, anticipant avec une pleine conscience et un plein acquiescement ce que nous appelons sa Passion, la Passion du Fils de l’homme, sa mort, pour tout dire » (Karl Rahner).

Jean 13, 1-15 (Le lavement des pieds)

Dans les écoles rabbiniques, le disciple devait rendre maint service à son maître, sauf celui de lui laver les pieds, tâche considérée comme même indigne d’un esclave (voir ci-dessous). En même temps, dans cette page d’évangile, on notera la solennité de la longue phrase qui ouvre la scène.

L’heure de Jésus

Chez Jean, nul récit sur l’institution de l’eucharistie. À la place, le geste du lavement des pieds par lequel le Maître concrétise son affirmation : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (cf. Luc 22, 27). Ce mime ouvre aussi le grand Testament que Jésus laisse dans ses discours d’adieu (Jean 13 – 17 : nous lirons ces chapitres au temps pascal). D’où la longue phrase solennelle d’introduction. Elle porte sur *l’Heure de Jésus : celui-ci entre délibérément dans les événements de la passion, comme le résume la belle formule de la prière aucharistique n° 2 : « au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa Passion… ». C’est l’affrontement entre Dieu et le démon, par le truchement de Judas, et c’est la Pâque, à savoir, selon le sens du mot hébreu, le « passage », ici le passage de Jésus de ce monde vers le Père.

L’amour jusqu’au bout

Par-dessus tout, c’est l’engagement de l’amour de Jésus envers ceux qui auront cru en lui : « il les aima jusqu’au bout », c’est-à-dire jusqu’à la mort et jusqu’à l’extrême de l’amour, comme le lavement des pieds veut le signifier par anticipation. Car une vieille règle juive commandait ceci : « Un esclave hébreu ne doit pas laver les pieds de son maître ni lui mettre ses chaussures. » Jésus accomplit posément son rite. Il « dépose » son vêtement et le « reprendra », deux verbes par lesquels Jean a déjà évoqué le Christ déposant et reprenant sa vie dans le mystère de sa Passion (voir Jean 10, 17-18). C’est face à cet abaissement de la croix que, par avance et à son insu, Pierre exprime l’insuffisance de sa foi. « Plus tard, tu comprendras », dit Jésus.

La difficulté est de nous laisser servir et sauver, sans nous choquer du mode que Jésus a choisi en fidélité au Père lequel, en son Fils, pousse son amour pour nous à l’extrême. Certes, les disciples ont eu un premier bain, celui de la Parole du Christ qui, au long de sa vie, les a ainsi purifiés, à l’exception de Judas qui s’est laissé inspirer par le démon, l’adversaire de Dieu. Mais ils doivent à présent affronter le baptême de la mort qui fait partie de la mission de Jésus.

L’exemple du Serviteur

Après avoir « repris son *vêtement », symbole anticipé de sa résurrection, Jésus explicite le sens de son geste. Le Maître et Seigneur a choisi le comportement du Serviteur, au-delà de ce qu’on peut attendre d’un serviteur ordinaire, ce qui n’enlève rien à la réalité de son autorité de seigneur. Il faut à présent tirer les conséquences. Jésus veut que la logique d’amour qu’il incarne se traduise chez ses disciples, en témoignage pour le monde, par un service mutuel empreint d’humilité.

Au soir du jeudi saint, trois paroles du Seigneur se renvoient l’une à l’autre pour dire en plénitude le sens de l’eucharistie : « C’est un exemple que je vous ai donné : faites, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jean 13, 15) ; « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (13, 34) ; « Faites cela en mémoire de moi » (1 Corinthiens 11, 24, 2e lecture).

* L’heure. Saint Jean évoque 26 fois « l’heure de Jésus » (Voir, par exemple, Jean 12, 23-24). La voici maintenant arrivée. Elle implique l’élévation du Christ sur la croix, sa glorification vers quoi a conduit toute sa vie. Car, en acceptant la mort, Jésus montre à la face du monde jusqu’où va l’amour de Dieu pour les hommes, amour incarné par celui qui « aima jusqu’au bout ».

*Le vêtement. On sait que Jean est un maître dans l’art d’utiliser des symboles, de dire des réalités profondes à travers des détails matériels. Le fait de déposer son vêtement et de le reprendre renvoie à une déclaration précédente de Jésus : « Voilà pourquoi le Père m’aime : parce que moi je dépose ma propre vie pour la reprendre de nouveau » (Jean 10, 17). Dans le lavement des pieds, le Seigneur mime le mystère et le sens de sa mort et de sa résurrection. L’image n’est pas rare dans cette culture ancienne : lorsque Paul envisage sa mort, il parle de « se dévêtir » et il espère revêtir un vêtement céleste (voir 2 Corinthiens 5, 1-5).