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Mc 1,1 : « Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ». « Commencement », une allusion à la Création décrite en Genèse 1.

Le tout premier mot de l’Evangile selon St Marc est « Commencement », un début identique à celui du Livre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1). Or les premiers chapitres de la Genèse nous présentent le projet créateur de Dieu. St Marc nous entraine donc dans un contexte identique : avec le Christ, il va nous parler de « création », car il a découvert que la mission première du Christ est de « faire toutes choses nouvelles » par le Don de l’Esprit Saint (Is 43,19). Avec lui et par lui, le projet de Dieu sur l’humanité va pouvoir s’accomplir pleinement…

St Jean commencera lui aussi son Evangile comme St Marc, en faisant allusion au Livre de la Genèse : « Au commencement était le Verbe »… Mais chez lui ce mot « commencement » ne renvoie pas au « commencement » de la création, mais à l’éternité de Dieu, avant tout « commencement »… Il écrit en effet : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu »… Néanmoins, lui aussi reste bien dans un contexte de création. Genèse 1 nous présentait Dieu créant le monde en Dix Paroles. St Jean nous parle lui d’une Personne Divine qu’il appelle « le Verbe », « la Parole » : c’est Jésus, « le Fils Unique » qui prendra chair de la Vierge Marie. «Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut », nous dit-il. Le Père créa donc le monde et les hommes par son Fils. Il les sauvera aussi par son Fils. Le contexte est donc identique à celui de St Marc : accueillir le Christ, c’est recevoir avec Lui le Don de Dieu qui nous permettra de devenir ce que Dieu veut vraiment que nous soyons. Le Livre de la Genèse en parle en termes « d’image et ressemblance », comme un enfant qui ressemble à son papa… St Jean, lui, emploiera directement ce mot « enfant », et il écrira : « A tous ceux qui ont accueilli » le Verbe, « le Fils Unique », « il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom » (Jn 1,12). Ainsi, l’Evangile de Jean, tout comme celui de Marc, a été écrit « pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (Jn 20,31), cette vie de Dieu qui, accueillie librement, permet à celui ou celle qui la reçoit de devenir en plénitude ce qu’il est déjà aux yeux de Dieu Notre Père : un enfant vivant de sa Vie…

 Si nous voulons bien comprendre la suite de l’Evangile, la mission de Jésus, les moyens qu’il a employés pour la mettre en œuvre, il est donc important de relever les points principaux de ce projet créateur de Dieu tels qu’ils nous sont présentés dans les premiers chapitres du Livre de la Genèse.

 Le récit de la création du monde (Gn 1,1-2,4a) nous apparaît sous la forme d’une poésie en sept strophes, qui était peut-être à l’origine un cantique liturgique. Chaque strophe correspond à une journée et se termine par un refrain : « Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, Xème jour ». L’homme apparaît comme la toute dernière créature : il est le sommet de la création, la plus belle œuvre de Dieu, avec lui « tout est très bon ».

Gn 1,26-28 : Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. (27) Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa[1](28) Dieu les bénit et Dieu leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre ».

 A la différence de toutes les autres créatures, Dieu commence par désirer l’homme. Quelque soit notre histoire, les souffrances et les blessures de notre enfance, si nous sommes là aujourd’hui, c’est que Dieu nous a désirés, voulus, aimés…

 Sagesse 11,24 : Seigneur, « tu aimes tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé ».

 Lisons maintenant Gn 1,24-25 : « Dieu dit : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espècebestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce et il en fut ainsi. (25) Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les bestioles du sol selon leur espèce, et Dieu vit que cela était bon. »

Nous l’avons remarqué, le mot « espèce » revient très souvent pour évoquer la multitude des différentes « espèces » d’animaux. Mais il disparaît en Gn 1,26‑28 dès que l’on parle de l’homme. Il n’existe donc pas différentes « espèces » d’homme, mais une seule ; quelques soient la couleur de notre peau ou de nos cheveux, la forme de nos yeux… nous appartenons tous à une seule et même « espèce », « l’espèce » humaine. Toutes nos différences visibles ne sont qu’une illustration de l’incroyable richesse de l’humanité où chaque personne humaine créée est unique. Et cette unicité est comme imprimée dans tout ce que nous sommes. Prenons l’image d’un sceau. Chaque personne humaine est unique ; chacune a son sceau particulier. Par contre, nous vivons et nous nous exprimons tous au travers d’une « nature humaine » identique pour tous : un corps de chair et de sang, une intelligence, une mémoire, une volonté, une sensibilité et une dimension spirituelle qui est à la racine du Mystère de notre vie, nous le verrons par la suite… Cette nature humaine commune à tous, comparons là à de la cire. Nous allons maintenant utiliser cette même cire pour chaque sceau, et le résultat sera à chaque fois différent, car chaque sceau est unique… Ainsi sommes-nous sur cette terre… Tous les hommes possèdent la même nature humaine, mais chacun est différent car les personnes humaines qui vivent et s’expriment par cette nature humaine commune à tous sont différentes… Une même cire, des sceaux différents, magnifique richesse de l’humanité prise en son ensemble…

Remarquons aussi qu’en Gn 1,26, le mot « homme » (« Adam » en hébreu) est au singulier ; et pourtant, juste après, le verbe est au pluriel : « qu’ils dominent »[2]. Le mot « homme » au singulier ne désigne donc pas ici un seul homme mais toute l’humanité qui, en son ensemble (hommes et femmes), a été créée « à l’image et ressemblance de Dieu ». Seule la révélation apportée par Jésus-Christ permet de percevoir toute la portée de ce texte. En effet, nous découvrons avec elle que Dieu est un Mystère de Trois Personnes Divines différentes unies entre elles dans la communion d’un même Esprit : le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Ces Trois Personnes divines sont bien distinctes l’une de l’autre, et pourtant, Jésus déclare : « Moi et le Père, nous sommes UN » (Jn 10,30). Jésus n’est pas le Père, le Père n’est pas Jésus, et pourtant les deux sont UN au sens où tous les deux sont unis l’un à l’autre dans la communion d’une même nature divine par laquelle ils vivent et s’expriment. Cette nature divine, nous dit St Jean, « est Esprit » (Jn 4,24), « Amour » (1Jn 4,8.16) et « Lumière » (1Jn 1,5). Les Trois sont ainsi unis l’un à l’autre par la communion d’un même Esprit qui est tout à la fois Amour, Lumière et nous pourrions rajouter Vie, Douceur, Joie, Paix, Justice… Ils agissent toujours ensemble, l’un avec l’autre (Jn 8,29 ; 15,10), l’un par l’autre (Jn 5,19-20). Et toute l’humanité est appelée à « être à leur image et ressemblance », c’est-à-dire à vivre elle aussi ce Mystère de Communion que Dieu vit. Nous l’avons vu, nous sommes déjà en communion les uns avec les autres par cette nature humaine qui est la même pour tous. La Bible emploie trois mots principaux pour la décrire : « corps », « âme » et « esprit ». Et l’homme est tout à la fois « corps », « âme » et « esprit ». Ces trois dimensions de son être sont inséparables l’une de l’autre… Cette notion « d’esprit » nous rappelle que nous sommes tous des créatures spirituelles « à l’image et ressemblance » de ce Dieu qui « est Esprit »… Le second récit de la création le présente avec cette image d’un Dieu qui, en créant l’homme, a commencé par le façonner statue « de glaise ». Puis il souffla en elle, « et l’homme devint un être vivant ». Or « le souffle de Dieu » dans la Bible renvoie à son Esprit. Le mystère de nos vies réside donc dans la présence, au plus profond de chacun d’entre nous, d’une réalité qui est de l’ordre de l’Esprit…

 Gn 2,4b-7 : « Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel, (5) il n’y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n’avait encore poussé, car Yahvé Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol. (6) Toutefois, un flot montait de terre et arrosait toute la surface du sol. (7) Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant. »

 Cette vie nous est donnée instant après instant par Dieu, qui nous maintient ainsi dans l’existence :

 Job 34,14-15 : Si Dieu tournait vers lui son cœur, s’il concentrait en lui son souffle et son haleine, (15) toute chair expirerait à la fois et l’homme retournerait à la poussière.

 Notre vie est « dans sa main » (Sg 7,16)… Dieu « n’est pas loin de chacun de nous », dit St Paul, il est même infiniment proche, car « c’est par lui que nous vivons, que nous bougeons et que nous sommes » (Ac 17,28 ; Traduction Bible Expliquée), « lui qui donne à tous la vie et le souffle et tout le reste » (Ac 17,25). C’est donc Lui qui nous fait vivre… Notre vie « naturelle » est déjà « communion » au Mystère de sa vie. C’est pourquoi il est aussi vrai de dire : « C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17,28 Bible de Jérusalem, TOB, Osty).

L’homme est donc un être spirituel. L’origine de sa vie est à chercher dans « le souffle de Dieu », l’Esprit Saint, par lequel Dieu l’a créé tel qu’il est et par lequel Dieu le maintient dans l’existence instant après instant. Mais nous pouvons aller plus loin. St Irénée écrivait au 2° siècle : « Ce ne fut pas parce que Dieu avait besoin de l’homme qu’il modela Adam, mais pour avoir quelqu’un en qui déposer ses bienfaits ». On peut ainsi parler de « l’esprit » de l’homme en termes de « capacité spirituelle » que Dieu a créée pour la remplir de ses bienfaits. Or, le plus grand des bienfaits qu’il puisse nous accorder est le don de l’Esprit. En effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). En nous donnant l’Esprit, Dieu offre gratuitement à sa créature, par amour, de pouvoir participer à ce qu’il est en lui-même. Avec l’Esprit, il se donne lui-même… Il ne pouvait nous donner davantage… Et cet Esprit se révèlera en nous source de Lumière et de Vie…

Ainsi, « l’esprit » de l’homme a été créé « capacité spirituelle » pour être « rempli » par « l’Esprit de Dieu ». Mais si Dieu veut le « remplir », le combler de son Esprit, cela ne se fera jamais sans lui. Dans son Amour, Dieu ne peut pas nous imposer de recevoir ses bienfaits. L’Amour est fondamentalement respectueux de l’autre. Et ce sont des créatures libres qu’il a voulu susciter dans l’existence, libres de se tourner vers lui, de l’écouter, de l’accueillir, de recevoir ce qu’il désire leur donner, pour leur plus grand bonheur, en un mot libres de l’aimer… L’Amour ne peut pas nous forcer à l’aimer… Le Nouveau Testament nous présente souvent l’exemple d’hommes et de femmes qui ont accepté de se laisser aimer par Dieu, et donc d’accueillir ce qu’il veut donner à tous. « Nous sommes témoins de ces choses », dit St Pierre, « nous et l’Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent » (Ac 5,32), à ceux qui, librement, par amour, l’ont accepté dans leur cœur et dans leur vie. Ils étaient alors « remplis de l’Esprit Saint » comme Elisabeth au moment où Marie est entrée chez elle (Lc 1,41), Zacharie juste avant de chanter les louanges de Dieu (Lc 1,67), tous les disciples lors de la Pentecôte (Ac 2,4), l’Eglise rassemblée en prière (Ac 4,31), Pierre alors qu’il témoignait de sa foi (Ac 4,8), Etienne choisi avec d’autres (Ac 6,3) pour servir le Christ et l’Eglise (Ac 6,5.8), ce qu’il fera jusqu’à mourir en martyr (Ac 7,55), Paul après avoir été baptisé (Ac 9,17 ; 13,9), Barnabé envoyé en mission à Antioche (Ac 11,24), tous les chrétiens de cette communauté (Ac 13,52)…

Par le souffle de son Esprit, Dieu nous a donc créés « capacités spirituelles libres » d’aller à Lui pour nous laisser combler par le Don de son Esprit. Si tous les hommes l’acceptent, ils recevront cet Esprit qui habite en Plénitude le Père, le Fils et l’Esprit Saint. L’humanité vivra alors un Mystère de Communion à « l’image et ressemblance » de ce Dieu qui est Mystère de Communion de Trois Personnes divines dans l’unité d’un même Esprit.

Voilà la perspective ouverte par St Marc dès le début de son Evangile lorsqu’il fait allusion au Livre de la Genèse. Le Christ est venu en ce monde accomplir le projet créateur du Père, c’est-à-dire réconcilier l’humanité avec Lui pour pouvoir donner à tout homme de devenir ce que Dieu veut pour lui depuis toujours : qu’il soit pleinement son enfant, vivant de sa vie par le don de son « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Et St Paul nous apporte une précision supplémentaire lorsqu’il écrit que toute personne humaine sera alors « à l’image et ressemblance du Fils » :

Rm 8,28-30 : « Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. (29) Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères; (30) et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

 En effet, le Père engendre le Fils de toute éternité en se donnant à lui. C’est ce que nous disons dans notre Crédo : « Il est Dieu né de Dieu, Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré, non pas créé, de même nature que le Père »… Il est « de même nature que le Père » car il reçoit cette « nature » du Père de toute éternité… Et souvenons-nous avec St Jean, cette nature divine est « Esprit », « Amour », « Lumière »… Or la mission du « Fils » est de faire en sorte que nous puissions tous recevoir à notre tour ce que Lui-même reçoit du Père… Le grand cadeau qu’il proposera à notre foi sera donc « l’Esprit Saint » qui fera en nous toutes choses nouvelles… En recevant à notre tour ce que le Fils reçoit de son Père, nous deviendrons nous aussi des fils et des filles de Dieu « à l’image et ressemblance du Fils », vivants de sa vie (Jn 6,57), communiant à sa Paix (Jn 14,27) et à sa Joie (Jn 15,11)…

Nous sommes donc des créatures spirituelles et notre relation à Dieu est vitale. Dieu nous appelle par son Fils à en prendre conscience pour que nous puissions collaborer à son œuvre en nous et développer ainsi toutes les potentialités de cette Vie qu’il veut nous donner en surabondance (Jn 10,10). Mais cette dynamique ne pourra s’accomplir que par l’accueil libre et conscient de ce Mystère que le Fils est venu nous faire connaître (Jn 1,18) : le Père est éternellement Don de lui‑même, et ce Don suscite et nourrit la vie… « Le Seigneur Dieu est un soleil… Il donne la grâce, il donne la gloire » (Ps 84(83),12). Il est « Source d’Eau Vive » toujours jaillissante (Jérémie 2,13 ; 17,13 ; Psaume 42 (43),2-3), « toujours offert » (Psaume 46 (45),2) et il nous a créés pour que nous trouvions notre Plénitude dans l’accueil de ce jaillissement perpétuel de vie (Jean 4,7-14 et 10,10). « Là » est notre vrai bonheur (Deutéronome 5,28-29 ; 5,33 ; 6,3 ; 6,18 ; 6,24). Et cette Source ne demande qu’à jaillir au plus profond de nous-mêmes (Jn 4,14), si nous l’acceptons…

Mais hélas, écrit St Paul, « le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et la mort a passé ainsi en tous les hommes, du fait que tous ont péché » (Rm 5,12). Le péché est tout simplement l’abandon de Dieu : « Ils m’ont abandonné, moi, la Source d’Eau Vive, pour se creuser des citernes, citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau » (Jr 2,13 ; 2,17 ; 17,13 ; 1,16 ; 5,7 ; 5,19 ; 9,12 ; 16,11 ; 19,4 ; 22,9). L’homme ne reçoit plus de Dieu cette Eau Vive de l’Esprit qui ne cesse de jaillir de Lui pour la vie de ses créatures. Privé de cette vie, de cette Plénitude de vie, il ne peut que faire l’expérience d’un manque profond que St Paul appelle « la mort ». Mais comme l’homme a été créé pour le bonheur, ce désir légitime d’être heureux demeure en lui, et il cherche à le combler par toutes sortes de moyens que Jérémie évoque par l’image de ces « citernes ». On les construit en espérant qu’elles seront un jour remplies d’eau, symbole de vie, d’abondance et de bonheur dans ces pays désertiques. On se donne beaucoup de peine pour les construire ou pour les acquérir, et lorsqu’on espère enfin en recueillir les fruits, on se rend compte qu’elles ne contiennent pas « l’eau » espérée, le bonheur espéré, la Plénitude espérée… « Tristesse pour quiconque fait le mal » écrit encore St Paul (Rm 2,9). Tristesse et déception… Le vrai bonheur n’est toujours pas au rendez-vous… « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi », disait St Augustin…

 Le pécheur, par suite de cet abandon de Dieu, connaît donc une privation de vie, une absence de Plénitude et de réel bien-être. « N’as-tu pas provoqué cela pour avoir abandonné le Seigneur ton Dieu alors qu’il te guidait sur ta route ? » (Jr 2,17). Sa désobéissance l’a profondément blessé et entraîné sur un chemin d’autodestruction et de mort. Et cela, Dieu ne le supporte pas… Maître de la vie, Ami de la vie (Sg 11,26), il nous a tous créés pour la vie (Sg 1,12-15). Notre souffrance le bouleverse (Os 11,7-9). Aussi ne reste-t-il pas sans réagir… Inlassablement, il envoya ses prophètes rappeler aux hommes le chemin de la vie. Et finalement, il nous enverra son Fils qui ne cessera de nous inviter à revenir à Dieu de tout cœur… Il est déjà là puisque c’est Lui qui nous a créés par le Souffle de son Esprit et qui nous maintient dans la vie, instant après instant, par ce même Esprit. Doucement, discrètement, respectueusement, il ne cesse de frapper à la porte de nos cœurs, et il attend le « oui » de notre liberté pour nous combler de ses dons. « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20).

 « Le Royaume des Cieux est donc tout proche ». Telles sont les premières paroles de Jésus dans l’Evangile de Marc (Mc 1,15). Et comme tous les hommes sont pécheurs, le premier cadeau que le Christ leur offrira sera le pardon de toutes leurs fautes. Dieu veut nous pardonner plus que nous-mêmes… Il veut, il désire de tout son cœur que sa créature revienne à lui. Il pourra alors lui donner ce pourquoi il nous a tous créés : son Esprit. Et il enlèvera lui-même tout ce qui pourrait nous empêcher de le recevoir : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », dira Jean-Baptiste de Jésus (Jn 1,29). Encore faut-il que nous acceptions librement de reconnaître le mal qui habite effectivement notre vie, que nous acceptions librement d’y renoncer pour avoir reconnu à quel point il n’est que mensonge, que nous acceptions librement de l’offrir au Christ pour qu’il l’enlève et nous guérisse de toutes nos blessures. Alors, si nous acceptons librement de nous remettre de tout cœur entre ses mains, de collaborer jour après jour à son œuvre de Vie dans nos vies en apprenant avec lui à rejeter ce qui est contraire à la vie pour choisir ce qui la fait grandir, nous connaîtrons enfin le repos et la paix du cœur, prémices de cette Plénitude de Bonheur et de Vie à laquelle Dieu nous appelle tous par-delà notre mort physique…

Cette aventure est possible car Dieu ne cesse d’être ce qu’il est : un Père rempli de Tendresse et de Miséricorde pour toutes ses créatures, et qui poursuit inlassablement avec elles l’accomplissement parfait de leur vocation à devenir ses enfants vivants de sa vie… Chaque fois qu’elles s’égareront, il sera pour elles comme « un Bon Pasteur qui part à la recherche de sa brebis perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve… Et lorsqu’il l’a retrouvée, il la met sur ses épaules et la ramène à la maison » (Lc 15,4-7). Alors, de miséricorde en miséricorde, de pardon en pardon, de consentement libre à son Amour en consentement libre à son Amour, elles deviendront « à son Image et Ressemblance » en partageant avec Lui la Plénitude de son Souffle, de son Esprit, de sa Vie…

Telle est l’aventure à laquelle St Marc nous appelle lorsqu’il écrit son Evangile. Lui-même en a fait l’expérience, notamment en écoutant et en accueillant le témoignage de Pierre. En effet, il est très certainement ce jeune homme qui, lors de l’arrestation de Jésus, laissera dans la main d’un soldat le morceau de drap qui lui servait de vêtement pour « s’enfuir tout nu » (Mc 14,52). Plus tard, après la mort (7 avril 30) et la résurrection du Christ, Pierre, une fois libéré miraculeusement de sa prison, ira spontanément chez sa mère à Jérusalem (Ac 12,12). Vers l’an 45, Marc partira en mission avec Paul et Barnabé, puis il retournera à Jérusalem (Ac 13,13) pour repartir ensuite à Chypre avec Barnabé. Il se retrouvera finalement à Rome, compagnon de Paul (Col 4,10 ; Phm 24) et de Pierre (1P 5,13). Et c’est très certainement là, en écoutant le témoignage de Pierre, qu’il écrira son Evangile dans les années 60-70… Pierre et Paul, eux, mourront martyrs sous l’empereur Néron en 64 ou 67…

       D. Jacques Fournier.

[1] La TOB, en suivant la traduction grecque de la Septante réalisée par la communauté juive d’Alexandrie vers le 3° siècle avant JC, a : « mâle et femelle il les créa ». Il y a donc « l’homme mâle », et « l’homme femelle », une magnifique façon de dire que l’homme et la femme sont strictement égaux en droits et en devoirs, cette égalité étant ensuite vécue au cœur de leur diversité…
[2] Il en est ainsi dans le texte hébreu. La Bible de Jérusalem lui est restée fidèle en traduisant par un pluriel (« qu’ils dominent »). La Bible des Peuples a un singulier (« qu’il ait autorité »), mais elle écrit « Homme » avec un « H » majuscule, renvoyant ainsi à l’humanité tout entière…

Fiche n°1 (Mc 1,1): Document en PDF pour impression éventuelle.




Introduction à l’Evangile selon St Marc.

L’Auteur

St Marc était d’origine juive ; « l’Evangile de Marc » ne cite pas son nom, mais au moment de l’arrestation de Jésus, en 14,51, on lit :

Mc 14,51 (Jésus est arrêté, tous prennent la fuite) : « Un jeune homme le suivait, n’ayant pour tout vêtement qu’un drap, et on le saisit; (52) mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu ».

Et la note de la Bible de Jérusalem précise que « beaucoup de commentateurs ont vu dans ce jeune homme l’évangéliste lui-même ». En effet, ce détail si simple, si pittoresque, si humain n’apparaît que dans l’Evangile de Marc… Et on comprend sans peine qu’il ne l’ait pas oublié !

 De leur côté, les Actes des Apôtres, écrits par St Luc, parlent d’un certain Jean, surnommé Marc (12,12.25 ; 15,37) ; parfois un seul de ces noms apparaît, Jean (13,5.13) ou Marc (15,39). Nous sommes certainement face à la même personne, d’origine juive. Sa mère s’appelait Marie, comme la Mère de Jésus, et elle habitait Jérusalem. Sa maison accueillait la première communauté chrétienne pour la prière et c’est là que Pierre se rendra après sa délivrance miraculeuse de prison (Ac 12,12).

 Marc aurait ensuite été un temps compagnon de St Paul, puis de St Pierre qu’il connaissait bien. La première Lettre de Pierre se termine d’ailleurs par :

1P 5,13 : « La communauté des élus qui est à Babylone (Rome) vous salue, ainsi que Marc, mon fils. »

 Papias, Evêque d’Hiérapolis (dans l’actuelle Turquie) a écrit vers 110 ap JC : « Marc était devenu l’interprète de Pierre ; il a écrit avec exactitude… tout ce dont il se souvenait de ce qui avait été dit ou fait par le Seigneur. Car il n’avait pas entendu ou accompagné le Seigneur ; mais, plus tard, comme je l’ai dit, il a accompagné Pierre. Celui-ci donnait ses enseignements selon les besoins… (et Marc) n’a eu en effet qu’un seul dessein, celui de ne rien laisser de côté de ce qu’il avait entendu et ne tromper en rien dans ce qu’il rapportait ».

Souvenons-nous de deux éléments importants :

 1) Marc fut l’interprète de Pierre ; il suivit Pierre et mémorisa ses instructions.

 2) Marc fut fidèle en écrivant ; sa fidélité est celle de Pierre lui-même.

Marc est le premier à avoir écrit un Evangile (vers 60-70)… Lorsque Matthieu et Luc s’y mettront eux aussi quelques années plus tard (vers 70-80), ils auront l’Evangile de Marc sous les yeux, et ils y puiseront abondamment. Or, lire Marc, c’est écouter Pierre… Et l’on s’aperçoit que cette Parole de Jésus s’est accomplie jusques dans les textes fondateurs que l’Eglise ne cessera de scruter jusqu’à la fin des temps : « Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16,18)…

 Marc aurait donc écrit son Evangile à Rome pour des chrétiens d’origine non juive qui ne connaissaient pas la Palestine. Marc est ainsi soucieux d’expliquer les coutumes juives (Mc 7,1-5 ; 14,12 ; 15,42-43), il traduit les mots d’origine juive (3,17 ; 5,41 ; 7,11 ; 7,34 ; 10,46 ; 14,36 ; 15,34)… Il va aussi expliquer que les deux piécettes données par une pauvre veuve en offrande au Temple de Jérusalem correspondent à un quart d’as, la monnaie romaine (Mc 12,42)…

Enfin, Marc aurait écrit son Evangile vers les années 65-70 ap JC. Il utilise la langue grecque qui était, depuis Alexandre le Grand (330 av JC), la langue officielle de tout le Bassin méditerranéen.

 

II – Le premier verset de l’Evangile: le plan suivi par St Marc

 

Le premier verset de l’Evangile est spécialement important : « Commencement de l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu« .

 En quelque mot, tout est dit. Nous reprendrons ces éléments plus tard, mais donnons-en tout de suite les grandes lignes :

 CommencementTout d’abord, Marc emploie le même mot que le tout début du Livre de la Genèse : nous sommes ici à un nouveau commencement, une nouvelle création qui va accomplir la première…

Evangile vient du grec εὐαγγελίον  qui à son tour a été composé à partir de deux mots : l’adverbe εὐ qui signifie « bien » et le verbe γγέλω, « porter un message, une nouvelle ; annoncer, faire savoir ». D’où, « annoncer une Bonne Nouvelle ».

 Dans le monde profane de l’époque, une Bonne Nouvelle est d’abord ce qui rend heureux : une victoire militaire, la paix, un tyran renversé, un nouveau roi, son mariage, la naissance d’un descendant…

« Annoncer une Bonne Nouvelle » est employé notamment dans le Livre du prophète Isaïe, et beaucoup pensent que Jésus Lui-même aurait puisé dans tous ces textes, qu’il connaissait par cœur, cette notion de « Bonne Nouvelle ». La synagogue de Nazareth possédait en effet un rouleau du prophète Isaïe (les livres étaient rares et chers à l’époque), lu et relu à chaque sabbat (cf. Lc 4,16-22). Or les synagogues avaient aussi des « écoles synagogales » où les enfants du village apprenaient à lire et à écrire… Ce que Jésus a fait avec notamment le rouleau du Livre d’Isaïe… On comprend dès lors qu’Isaïe soit le prophète qu’il cite le plus souvent…

 Is 40,9 : « Monte sur une haute montagne, « annonciatrice de bonne nouvelle » à Sion ; élève et force la voix, « annonciatrice de bonne nouvelle » à Jérusalem ; élève la voix, ne crains pas, dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! » »

 Is 52,7 : « Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, « messager de bonne nouvelle » qui annonce le salut, qui dit à Sion : « Ton Dieu règne. » »

Or la première parole de Jésus dans l’Evangile de Marc est justement :

Mc 1,15 (TOB) : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile (la Bonne Nouvelle) ».

La Bonne Nouvelle est donc la proximité du Règne de Dieu : Dieu est là, tout proche, et il désire régner dans ton cœur et dans ta vie pour ton bonheur. Vas-tu l’accueillir ?

En Isaïe, Dieu allait venir en personne pour délivrer son peuple de la main des Assyriens qui les avaient déportés dans leur pays. Jésus Christ est Celui qui est venu nous délivrer du péché qui nous opprime et nous rend esclave, pour nous ramener dans le Royaume de Dieu, c’est à dire nous permettre de retrouver une vie vécue en communion avec Dieu, « dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8,21), la paix du cœur (Jn 14,27), la joie (Jn 15,11).

Jésus : Ce nom signifie « le Seigneur Sauve »… Toute sa vie, toute sa mission est résumée ici… Avec Lui et par Lui, Dieu nous sauve, et nous délivre du mal, des ténèbres, du Mauvais…

Christ est le mot grec, Χριστός qui correspond à Messie en hébreu ; il vient du verbe Χρίω qui veut dire « oindre ». Les nouveaux rois étaient « oints » par un prophète : il versait un peu d’huile parfumée sur leur tête, symbole de l’Esprit Saint que Dieu donnait au roi pour gouverner son Peuple en son Nom… Plus tard, quand la royauté disparaîtra, ce sera le Grand Prêtre, devenu chef du peuple, qui recevra l’onction. Le rite sera ensuite étendu à tous les prêtres… Enfin, les prophètes étaient appelés eux aussi « les oints du Seigneur » (cf Is 61,1), même s’ils n’étaient pas oints officiellement avec de l’huile ; mais c’était une façon de rappeler que Dieu les avait consacrés à son service et que l’Esprit de Dieu reposait sur eux.

« Christ » intervient sept fois en St Marc (1,1 ; 8,29 ; 9,41 ; 12,35 ; 13,21 ; 14,61 ; 15,32), un chiffre qui, dans la Bible, est habituellement symbole de Plénitude… Dès le cinquième mot de l’Evangile, le lecteur sait donc que Jésus est le Christ, et la première apparition de ce titre a valeur de programme pour l’Evangile tout entier : Marc a pour but de nous conduire à la foi en Jésus, le Christ. Puis, « Christ » disparaît pendant près de 8 chapitres, pour intervenir de nouveau dans la bouche même de Pierre, première confession de foi du « premier » apôtre… Pierre, le premier, semble être arrivé au but : reconnaître que Jésus est le Christ (8,29), mais cette reconnaissance est encore imparfaite, et tout le reste de l’Evangile sera une explicitation et une purification pour bien comprendre comment Jésus est le Christ.

La première partie de l’Evangile de Marc, après l’introduction (1,1-13), va donc de 1,14 à 8,30, une partie jalonnée de questions sur Jésus (1,27; 2,7 4,41…) qui trouveront un début de réponse avec cette profession de foi de Pierre.

Fils de Dieu. En Israël, le roi était appelé « fils de Dieu », mais il ne l’était pas au sens fort. C’était un homme comme tout le monde, mais Dieu s’était rendu particulièrement proche de lui pour l’aider à bien accomplir la mission particulière à laquelle il l’appelait.

Ici, pour St Marc, Jésus est « Fils de Dieu » au sens fort, et tout l’Evangile sera un cheminement vers la découverte de ce mystère. Au moment du baptême et au moment de la Transfiguration (1,11 et 9,7), une voix viendra du ciel et dira : « Tu es mon Fils Bien-Aimé » ou « Celui-çi est mon Fils bien-Aimé ». Jésus aussi se présentera indirectement comme le Fils Bien Aimé envoyé par le propriétaire de la vigne dans la Parabole des vignerons homicides (Mc 12,6). Et pendant sa Passion, devant le Grand Prêtre, pour la première et seule fois dans tout l’Evangile, il dira publiquement et clairement qu’Il est Fils de Dieu : « Es-tu le Christ, le Fils du Béni?« … « Je le suis » (Mc 14,62). Et en disant, dans le grec des Evangiles, « Egô eimi », il va implicitement bien plus loin puisqu’il reprend le Nom divin autrefois révélé à Moïse dans l’épisode du Buisson ardent (Ex 3,14). Le Mystère de la divinité du Fils apparaît avec encore plus de splendeur lorsqu’il est méprisé, abaissé, insulté, bafoué… Car « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), Amour Infini, totalement pur et gratuit, un Mystère qui se révèle avec d’autant plus de force lorsqu’il se trouve face à nos ténèbres, nos misères, nos refus, notre violence, notre cruauté… « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent » (Lc 6,27-35). Dieu est le premier à mettre en pratique ce qu’il nous demande… Alors « vous serez les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45). Tout homme n’a-t-il pas été créé « à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26). Telle est donc la direction vers laquelle Jésus nous entraine, la « nouvelle création » qu’il veut mettre en œuvre, le nouveau commencement qu’il ne cesse de nous proposer chaque jour… « Pour les hommes », laissés à leurs seules forces d’homme, « c’est impossible, mais pas pour Dieu, car tout est possible à Dieu » (Mt 19,26). « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8).

Enfin, en voyant comment Jésus venait de mourir, un centurion romain dira : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15,39)…

Toute la deuxième partie de cet évangile, de 8,31 jusqu’à la fin du ch 15, est donc une révélation progressive du « comment Jésus sera effectivement le Christ, le Messie », et aussi que le mystère de sa Personne va bien au delà des apparences : Il est vraiment le Fils Unique de Dieu… et le centurion l’a perçu dans sa façon de souffrir et de mourir…

Les premiers mots de l’Evangile de Marc sont en fait une présentation de l’œuvre toute entière, centrée sur Jésus Christ Fils de Dieu… Elle a pour but de nous conduire à la foi en Jésus, et donc de faire de nous des disciples qui vont accueillir la Bonne Nouvelle du Salut pour ensuite devenir des missionnaires de l’Evangile par notre témoignage…

Dans la première partie, qui se déroule toute entière en Galilée, en découvrant les miracles de Jésus, en écoutant sa Parole, nous sommes conduits à reconnaître que Jésus est le Christ. Dans la seconde partie, nous suivons les disciples depuis Césarée de Philippe, à l’extrême nord de la Galilée jusqu’à Jérusalem, et avec eux nous comprenons que le Messie devait souffrir beaucoup, mourir et ressusciter. Le disciple de Jésus doit aussi prendre sa croix pour marcher à sa suite…

Enfin, la dynamique missionnaire se perçoit dans l’emploi du mot Evangile : trois fois au tout début, où Jésus nous révèle son contenu (1,1.14-15) ; puis en 8,35 et 9,29 où Jésus forme ses disciples : il faut prendre sa croix pour l’Evangile, et quitter maison, frères, sœurs, mère, père… Et puis, ces disciples annonceront à leur tour l’Evangile aux nations (13,10), au monde entier (14,9), à toute la création (16,15)…

 D. Jacques Fournier

 

Plan de l’Evangile selon St Marc

 

Introduction : 1,1-15. Les personnages principaux sont présentés, les idées fondamentales mises en place ; le destin de Jésus est déjà symboliquement suggéré.

(Les versets 14-15 pourraient former une « section charnière » servant de fin à l’introduction et de début à la première partie.)

Première partie : 1,14-8,33. Jésus, à travers sa mission, révèle qu’il est le Christ, le Messie promis.

  1. a) 1,14-3,6 : Jésus cherche à manifester sa vraie mission devant les foules.
  2. b) 3,7-6,6a : Jésus fait des disciples pour étendre sa mission.
  3. c) 6,6b-8,33 : la reconnaissance de Jésus comme Messie est un sommet, mais le refus d’envisager pour lui la passion relance le mouvement.

(La confession de Pierre, avec la guérison qui précède, constitue comme une charnière, qui appartient à la fin de la première partie et au début de la seconde)

Deuxième partie : 8,22-15,47. Jésus, à travers sa passion et sa mort, révèle qu’il est le Fils de Dieu.

  1. a) 8,22-10,52 : annonces de la Passion.
  2. b) 11,1-13,37 : à Jérusalem.
  3. c) 14,1-15,47 : la passion.

Conclusion : 16,1-20

  1. a) 16,1-8 : le tombeau vide
  2. b) 16,9-20 : apparitions et envoi en mission…

Paul LAMARCHE, Evangile de Marc (Ed Gabalda, 1996)

 

Introduction à St Marc : texte en PDF




3e dimanche ordinaire B par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 

Commentaires des Lectures du dimanche 25 janvier 2015

Jonas 3, 1-5.10  (Á l’appel du prophète, les païens se convertissent)

 Dieu avait ordonné à Jonas d’annoncer à Ninive sa destruction. « Jonas », en hébreu, signifie *« pigeon » (ou « colombe »), avec la dose de naïveté que nous conférons en français à ce mot. Jonas a voulu fuir sa mission pour ne pas être « pigeonné ». En vrai prophète, il a compris d’avance qu’il perdrait la face, puisque Dieu n’exécuterait pas sa sentence : « Je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux… renonçant au châtiment » (4, 2). Mais un prophète n’échappe pas au Seigneur. Un poisson l’a miraculeusement ramené au point de départ de sa mission.

  Effectivement, Jonas prononce un oracle de condamnation : « Ninive sera détruite. » Effectivement, les Ninivites se sont convertis, et Dieu revient sur sa décision. Le lecteur de ce conte prophétique apprend ainsi qu’il n’y a plus de condamnation inconditionnelle : Dieu n’est pas tenu de donner raison à ses envoyés (comparer la plainte de Jérémie 20, 7-9). Il n’est tenu qu’à sa propre parole, qui est tendresse et miséricorde.

  Jonas a prononcé « un kérygme », un slogan résumant le message dont Dieu charge ses envoyés. Tout kérygme invite à la conversion. Jésus prononce le kérygme du règne de Dieu : « convertissez-vous et croyez à l’Évangile. Il parlera du « signe de Jonas » (Luc 11, 29-30). Les Ninivites n’ont eu pour signe que la parole de Jonas ; de même, Jésus n’a à donner que sa parole qui nous invite à la conversion.

 * Jonas, « le pigeon ». Dans l’histoire de Jonas, tous les païens sont sympathiques, les marins dans la tempête, qui s’excusent auprès du Seigneur de se débarrasser de leur passager néfaste, et les Ninivites, qui font même jeûner les animaux (3, 7). Seul Jonas reste grincheux de bout en bout. Avec un humour digne du récit biblique, les commentateurs juifs ont ajouté ce nouveau trait : en vrai prophète, Jonas savait que les Ninivites allaient se convertir au premier appel et que Dieu reviendrait sur sa menace pourtant catégorique. Ce qui faisait injure au peuple d’Israël qui, comme chacun le sait, a rarement répondu aux appels au repentir lancés par les prophètes. Or, un vrai prophète doit livrer sa vie pour son peuple. Voilà pourquoi, afin de ne pas faire honte à Israël, Jonas avait voulu fuir sa mission.

  1 Corinthiens 7, 29-31 (Le monde passe : vivons ce temps pour le Seigneur)

Depuis 1 Corinthiens 7, 1, Paul répond à des questions concrètes qu’on lui a posées par courrier. Il s’agissait notamment de savoir si, dans l’attente de la venue glorieuse du Christ au terme de notre histoire, le célibat était préférable au mariage. Sans cacher son estime pour le célibat qu’il pratique, l’Apôtre invitait à une prudence qui considère le mariage comme la règle générale. à présent, il élargit les perspectives en suggérant l’attitude fondamentale qui doit gouverner la vie chrétienne, quel que soit le genre de vie adopté.

  *Le temps est, littéralement, « cargué » (limité), comme la voile du navire rentrant au port. Le texte s’achève par la même idée : la forme de ce monde-ci s’effrite parce que la puissance du Christ ressuscité illumine déjà l’horizon de l’histoire. Cette catéchèse reviendra dans la 1ère lettre de Jean : « Le monde avec ses désirs est en train de disparaître. Mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure pour toujours » (1 Jean 2, 17).

  Paul illustre le motif par des sentences finement ciselées : le mariage est un état transitoire (cf. Romains 7, 2-3 et Luc 20, 34-36). Les événements qui procurent du chagrin ou du bonheur doivent être relativisés, de même les opérations économiques. L’Apôtre ne prêche nullement une indifférence cynique. Il invite à la liberté et à un juste discernement quiconque comprend que la vie chrétienne est un court trajet vers la rencontre avec le Seigneur ressuscité.

 * Le temps. « Le monde du temps n’est pas l’unique réalité dont nous soyons conscients. Une autre Réalité se laisse entrevoir, elle frémit et s’agite, elle nous ébranle, et cherche à nous éveiller, elle nous envahit enfin et, dans son amour, elle nous embrasse – avec toutes choses – en Elle-même. Et cette réalité est Dieu. Désormais, nous vivons à la fois sur deux plans, celui du temps et celui de l’Éternité. Ils forment un tout, et la frontière entre les deux varie » (T. Kelly).

 

Marc 1, 14-20  (Jésus invite les hommes à la conversion, et appelle ses premiers disciples)

Après le baptême et la tentation au désert (Marc 1, 12-13), Marc montre maintenant Jésus à pied d’œuvre. Deux scènes illustrent l’inauguration de sa mission : d’abord, la proclamation de son kérygme ; puis, en réponse à ce message, le départ des premiers disciples à sa suite.

Le kérygme de Jésus

 Selon Matthieu, qui a sans doute raison, le Baptiste et Jésus proclamaient le même *kérygme : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux est tout proche » (comparer Matthieu 3, 2 et 4, 17). Mais Marc sait que les deux prédicateurs n’ont pas la même conception du « règne de Dieu ». Aussi en réserve-t-il la proclamation à Jésus seul. Car, tandis que Jean envisage la venue du règne de Dieu comme un terrible jugement (Matthieu 32, 3-7), Jésus annonce la venue de ce Règne comme une heureuse nouvelle pour ceux qui veulent bien changer de vie. Alors que Jean exerçait son ministère aux frontières du désert, Jésus enracine sa mission en Galilée, au cœur de son peuple.

  Matthieu et Marc s’accordent sur le fait que, littéralement, « le règne [ou Royaume] de Dieu [ou des Cieux] s’est fait proche », ou plus significativement encore : « .a fini son approche. » Marc précise : « Le temps est accompli », le temps que Dieu a fixé pour venir enfin régner sur l’humanité. C’est la frontière d’une nouvelle époque dont l’avènement est lié à l’accueil que lui fera l’homme par la foi et la conversion. Chaque fois que l’évangile retentit à nos oreilles et nous appelle à la conversion, nous sommes placés sur cette même frontière. L’évangéliste situe le commencement de la mission de Jésus « après l’arrestation de Jean », plus littéralement : « après que Jean eut été livré ». Derrière ce drame achevant la carrière du Baptiste se profile déjà le jour où « le Fils de l’homme sera livré aux mains des hommes » (Marc 9, 31). Car la Bonne Nouvelle de Dieu passera par la Passion de son messager et reportera la plénitude de ce règne divin dans l’ère de la résurrection, selon la parole même du Seigneur, la veille de sa mort : cf. Matthieu 26, 39 ; Marc 14, 25 ; Luc 22, 18.

L’appel des premiers disciples

Le départ des quatre premiers disciples à la suite de Jésus est une prompte réponse à sa proclamation du règne de Dieu. Le récit se subdivise en deux tableaux parallèles : l’appel de Simon et de son frère André, puis de Jacques et de son frère Jean. La seconde scène, plus simple, semble aussi la plus primitive. On y reconnaît le schéma de l’appel d’élisée par élie selon 1 Rois 19, 19-21. Puis, vu l’importance de Pierre dans l’église, la tradition a calqué sur ce modèle l’appel de Simon et d’André, en y intégrant l’écho d’un autre récit relatif à Pierre, celui de la pêche miraculeuse (cf. Luc 5, 10). Mais, à en croire Jean (évangile de dimanche dernier), la vocation de Pierre aurait eu en fait un autre cadre.

Ici, le premier appelé se nomme Simon. Il recevra le nom de Pierre lors de l’institution des Douze apôtres (cf. Marc 3, 13-19). L’expression « pêcheurs d’hommes » évoque le filet du pêcheur ou du chasseur. En Habacuc 1, 14-15 et Jérémie 16, 16, l’image illustre le jugement de Dieu capturant celui qui croyait lui échapper. Mais les évangiles interprètent Jérémie 16, 14-21 comme une prophétie du rassemblement des Juifs et de la conversion des païens. C’est donc une annonce de la mission chrétienne à venir. Mais, pour devenir apôtres, après la résurrection du Christ, missionnaires, les premiers appelés sont d’abord des disciples, des élèves. Comme tels, comme nous, « ils vont derrière Jésus », « ils suivent » celui qui incarne en sa personne le règne de Dieu.

* Le kérygme. Chez les Grecs, le kérygme (kèrugma) est le message de paix ou de guerre, proclamé (verbe grec kèrussô) par un héraut officiel (kèrux). Dans le Nouveau Testament, les théologiens parlent de « kérygme » lorsqu’ils rencontrent une formule brève, un slogan qui résume toute une prédication. Dans les évangiles, Jésus est le héraut de Dieu, le messager de l’avènement de son règne. Le kérygme des apôtres sera différent, se résumant souvent en ceci : Christ est mort pour nous ; Dieu l’a ressuscité. Bref, celui qui annonçait le règne de Dieu, c’est le Christ lui-même, objet lui-même du kérygme selon le message missionnaire (cf. 1 Co 15, 3-8 et Luc 24, 34), qui nous conduit vers la vie.




3e dimanche ordinaire B par D. Jacques FOURNIER (25/01)

«  Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes  » (Mc 1,14-20)

Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ;
il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs.
Il leur dit : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
Jésus avança un peu et il vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque et réparaient les filets.
Aussitôt, Jésus les appela. Alors, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partirent à sa suite.

 

Nous avons ici les premières paroles de Jésus dans ce qui fut le premier Evangile jamais écrit, celui qui servira de modèle à Matthieu et à Luc : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1,15).

            « Les temps sont accomplis » : avec Jésus, Dieu est intervenu de manière décisive dans l’histoire de l’humanité. Avec lui et par lui, la Révélation de son Mystère a atteint son apogée : elle sera désormais distillée, à la Lumière de l’Esprit Saint, jusqu’à la fin des temps. « Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole »… Alors, «  si je t’ai déjà tout dit dans ma parole, qui est mon Fils, je n’ai maintenant plus rien à te révéler ou à te répondre qui soit plus que lui. Fixe ton regard uniquement sur lui ; c’est en lui que j’ai tout déposé, paroles et révélations ; en lui tu trouveras même plus que tu ne demandes et que tu ne désires » (St Jean de la Croix, La Montée du Carmel, ch 20 ; cf. Ep 3,20-21).

Et que nous dit Jésus ? « Le Règne de Dieu est tout proche ». Autrement dit, Dieu est tout proche. La Bible l’affirmait déjà depuis longtemps, notamment dans le Livre de la Genèse (Gn 9,8-17), où, pour la première fois, Dieu emploie le vocabulaire de l’Alliance pour évoquer ses relations avec les hommes. Et il déclare qu’il vit en « alliance éternelle » avec « toute chair ». Dieu est donc proche de tout homme depuis que l’homme existe… « Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toiIl a enlevé toutes tes fautes, il te renouvellera par son amour » (So 3,14-18 ; 7° s av JC). Jésus ne cessera de le répéter : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés » (Lc 5,20). Et toute son œuvre consistera à nous communiquer l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Lumière et d’Amour qui, dans l’aujourd’hui de la foi, commencera à « faire toutes choses nouvelles » : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis » (Jn 20,22-23). Dès lors, il suffit de tout offrir à Dieu, de tout cœur, avec le réel désir de changer petit à petit de vie grâce à son soutien et à sa grâce, la grâce de l’Esprit Saint ! Voilà l’expérience de Miséricorde que vivront les disciples avec Jésus. En lui rendant témoignage, ils deviendront pécheurs d’hommes, pour que tous aient la vie ! « Le Christ Jésus » disait St Paul « est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui, en vue de la vie éternelle »…     DJF




Les ancêtres des douze tribus du peuple d’Israël

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La composition littéraire du Pentateuque : l’hypothèse des sources

Tout d’abord, l’expression « le pentateuque » désigne les cinq premiers livres de la bible (grec πέντε (α) – cinq – τευχη – « instruments », d’où étuis pour rouleaux de papyrus, et finalement « livres »).

            Dès que l’on ouvre le livre de la Genèse, des problèmes se posent:

                      j Double récit de la création de l’homme: Gn 1-2,4a et Gn 2,4b-7 (création de l’h…) + 2,18-24 (complète avec celle de la femme.)

                         j Gn 4,26: Adam a eu un fils: Seth et l’humanité commence à invoquer le nom de Yahvé. Mais en 5,1, on reprend brusquement l’histoire d’Adam à zéro, la naissance de Seth revient en 5,3, le nom de Yahvé disparaît jusqu’en 5,29.

                        j Gn 7,7: le déluge commence et Noé entre dans l’arche avec ses fils et les animaux, mais le récit s’arrête au v.10 pour faire place à un autre récit, où est mentionné à nouveau le début du déluge et le texte continue par l’entrée de Noé et de ses fils dans l’arche (v.13) comme si rien n’avait été dit… Remarquons aussi cette contradiction, qui provient de cette superposition de deux récits différents: Noé doit faire entrer dans l’arche tantôt un couple d’animaux de chaque espèce (sans distinction entre espèces pures et espèces impures, Gn 6,19), tantôt un couple d’animaux impurs et sept couples d’animaux purs (Gn 7,2) : ces deux façons de compter sont incompatibles…

                        j Gn20: ce chapitre commence par: « Abraham partit de là… » alors que les versets précédents ne parlent même pas d’Abraham…

                        j Dieu est parfois appelé Yahvé, parfois Elohim: ainsi le 1° récit de la création parle d’Elohim, et le second de Yahvé-Elohim, puis de Yahvé seulement… d’où l’habitude de distinguer des textes yahvistes et des textes élohistes.

                        j La montagne du désert où Dieu se révèle tout en étant identifiée au Sinaïe (Ex 3,12), est appelée « Horeb » dans le Dt et en Ex 3,1; 17,6; 33,6, et Sinaï dans bien d’autres passages…

                        j Ex 2,18: le beau-père de Moïse s’appelle Réuel et… Jethro en 3,1; 18,1…

                        j Enfin,toute une série de textes emploie un vocabulaire très spécifique en rapport avec les rites de la liturgie juive, d’où le nom de textes sacerdotaux donné à cette série, caractérisé par un style précis et sec.

                        j Le Deutéronome a aussi son vocabulaire particulier: « faire ce qui est bien aux yeux de Yahvé », « garder les commandements »… Certains y ont vu la trace d’une rédaction indépendante des autres textes et l’ont appelé D.

                        j Enfin, Moïse était considéré comme étant l’auteur unique des cinq livres, mais comment a-t-il pu être inspiré au point de décrire sa propre mort (Dt 34,5-12)? A.B. Karlstadt (1486-1541) fut le 1° à démontrer que cela est impossible.

            Résumons-nous: quatre familles de textes ont été différenciées:

                        1) Yahviste (de « Yahvé ») ou Jahviste, d’où le sigle J qu’on lui donne.

                        2) Elohiste (de « Elohim »): E.

                        3) Famille d’origine « sacerdotale » : P comme « prêtres ».

                        4) Famille « deutéronomiste », principale responsable de la rédaction du Dt: sigle D.

            Telle est l’hypothèse documentaire rendue fameuse par les travaux de Julius Wellhausen (1876-78) : 4 récits (ou documents) continus, rédigés à des époques différentes par des milieux différents ont été par la suite juxtaposés, imbriqués:

                                                                       

                                                                                  ß                  —                                     

                                                                       

                                               ——————

Deux autres modèles furent développés pour expliquer la naissance du Pentateuque:

                        A – L’hypothèse des fragments: des récits épars, des textes isolés ont été rassemblés pour former un seul récit (défendue aujourd’hui par R. Rendtorff, 1977, et C. Houtman, 1980).

                        B – L’hypothèse des compléments: un texte de base aurait été augmenté par des ajouts successifs (S. Tengström, 1976 et H.C. Schmitt, 1980).

            Reprenons donc la première hypothèse « documentaire », la plus suivie (cf notes BJ ; Henri Cazelles, Introduction critique à l’AT, Paris 1973) avec J. Wellhausen:

Epoque monarchique

vers 950 av. JC

J1,2,3 E1,2,3

(J et E auraient connu 3 rédactions successives)

vers 750 av. JC

JERéforme religieuse de Josias,

roi de Juda.

vers 620 av. JC

D         vers 550 av. JC

JED                    Q (P) + Textes législatifs         vers 500 av. JC

JEDQ (P)

 La composition littéraire du Pentateuque




Le regard parfois imparfait de l’Ancien Testament sur les réactions de Dieu face au mal

Un jour, « en passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui demandèrent : « Rabbi (Maître), qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents » » (Jean 9,1-3)

Beaucoup pensaient donc qu’il existe un lien direct entre péché et maladie. Cette conception s’enracine dans les temps les plus anciens. Déjà, les peuples voisins d’Israël, croyaient en ce que l’on appelle souvent « Le Principe de Rétribution selon les actes ». Cette croyance était totalement païenne, au sens où les dieux n’intervenaient pas. Elle est très certainement née de l’expérience, mais la vision du monde qu’elle transmet est non seulement simpliste, mais encore erronée. Selon cette conception, lorsque quelqu’un commet le mal, il déclenche une puissance malfaisante qui, tôt ou tard, retombera sur lui et sur son entourage.

et de ce fait libère une puissance malfaisante

k                                                                             l

qui déclenche toutes sortes

commet le mal                                               de conséquences mauvaises

sur lui et sur son entourage

j                 m

Un homme

Israël va accueillir cette croyance et l’intégrer dans sa foi encore toute jeune. Lors de la sortie d’Egypte, racontée dans le Livre de l’Exode, ils ont vu le Seigneur à l’œuvre avec une grande Puissance, et ils en ont déduit que cette Puissance ne pouvait qu’être celle du Dieu Créateur, ce Dieu Tout Puissant qui a fait surgir l’univers du néant. Et ils se faisaient une idée si grande de cette Toute Puissance de Dieu qu’ils pensaient que rien ne pouvait lui échapper, pas même le mal (Amos 3,6 ; Lamentations 3,38)… Ces conséquences mauvaises qui, soi disant, retombent sur le pécheur ne pouvaient donc venir que de Dieu. « Le Principe de Rétribution selon les actes » a donc conduit Israël à s’imaginer que Dieu était un Juge qui, du haut du ciel, récompensait les justes et punissait ceux qui font le mal :

       1Rois 8,32 (cf Ezéchiel 7,3 et 22,31) : « Toi, écoute au ciel et agis ; juge entre tes serviteurs : déclare coupable le méchant en faisant retomber sa conduite sur sa tête,

et justifie l’innocent en lui rendant selon sa justice ».

 

L’ensemble peut se représenter par le schéma suivant :

                                             Dieu, du haut du ciel, voit et juge…

k                                                                                … et châtie.

                                          et de ce fait libère une puissance malfaisante                  l

(conception païenne)

toutes sortes de conséquences

commet le mal                                               mauvaises frappent le pécheur

et son entourage

j              m

Un homme

Disons le tout de suite : même appliquée à Dieu, cette conception est fausse.

Déjà, dans l’Ancien Testament, beaucoup réagirent en trouvant injuste que Dieu fasse retomber sur la tête des enfants la conduite de leurs parents (Exode 20,5 ; 2Samuel 24,10-17). Aussi, certains prophètes commencèrent à annoncer que seuls ceux qui ont commis une faute recevront le châtiment qui lui correspond (Jérémie 31,29-30 ; Ezéchiel 18,1-3 et 18,20). C’était déjà mieux, mais les croyances ont la vie dure : la question des disciples de Jésus cinq siècles plus tard le prouve ! Le Christ balaiera d’une phrase une telle conception de Dieu. Non, Dieu n’est pas un juge qui punit et nous fait du mal parce que nous-mêmes avons mal agi. Certes, il fait la vérité, mais cette vérité est inséparable chez Lui de son Amour et de son infinie Miséricorde. Lorsque Dieu veut nous faire prendre conscience de notre péché, il nous révèle toujours en même temps son amour (Isaïe 1,2-4 ; 1,15-18). Petit à petit, il nous montre ce qui ne va pas dans notre vie pour que nous puissions aller à lui sans peur et lui offrir toutes nos misères. Voilà ce qu’Il attend. Et il enlèvera bien vite tout ce qui nous empêche d’être pleinement en relation avec lui et avec nos frères (Psaume 103(102),11-12), il nous purifiera et il nous rétablira par le don de son Esprit ((Ezéchiel 36,25-28) dans cette communion avec Lui que nous n’aurions jamais dû quitter !

Quoiqu’il en soit, une telle conception de Dieu a conduit les auteurs de l’Ancien Testament à nous le décrire souvent de façon contradictoire : « Il blesse, puis il panse la plaie ; il meurtrit, puis il guérit de sa main » (Job 5,18) ; « C’est moi qui fais mourir et qui fait vivre ; quand j’ai frappé, c’est moi qui guéris » (Deutéronome 32,39). Et nous lisons peut-être le pire dans ce même livre du Deutéronome : « Autant Yahvé avait pris plaisir à vous rendre heureux et à vous multiplier, autant il prendra plaisir à vous perdre et à vous détruire » (28,63). Non ! Dieu n’est pas ainsi ! Il n’est qu’Amour et Bonté (1Jean 4,8 ; 4,16 ; Tite 3,4-7), un Amour pleinement manifesté en Jésus-Christ (1Jean 3,16 ; Jean 15,13 ; 15,9 ; Actes 10,37-38 ; Romains 8,35-39). Jamais Il ne juge au sens de condamner (Jean 3,16-17 ; 8,11). Son seul désir est que nous connaissions le plus possible la Vie en plénitude (Jean 10,10), le vrai Bonheur (Deutéronome 5,27-33 ; 6,18 ; 6,24), la vraie Paix (Jean 14,27) et la vraie Joie qui est communion à sa Joie (Jean 15,11)…

D. Jacques Fournier

Intreprétation du mal AT

 




Les grandes dates de l’Histoire d’Israël

1850 Av JC: Abraham, originaire d’Ur en basse Mésopotamie

                                             |

Joseph, son père Jacob et ses frères en Egypte

                                             |

1250 av JC: sous le Pharaon Ramsès II, l’Exode avec Moïse.

La Loi donnée au sommet du Mont Sinaï

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1200 av JC: Josué pénètre en Palestine (Terre de Canaan)

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1200 à 1025: les Juges

Confédération des douze tribus d’Israël, chacune étant dirigée par un « Juge ».

A partir de 1040 av JC, le prophète Samuel.

                                             |

1030-1010 av JC, Saül, premier roi d’Israël, consacré par Samuel.

                                            |

1010-970 av JC: le roi David. Il fait de Jérusalem la capitale de son grand Royaume.

                                            |

970-931 av JC: Salomon, fils de David,

grand constructeur (Temple de Jérusalem) et administrateur.

                                            |

931: mort de Salomon, assemblée de Sichem; Israël se divise en deux royaumes:

                     ___________|_____________________

                     |                                                                |

Royaume d’Israël (Nord)                           Royaume de Juda (Sud)

                     |                                                                |

931-910 av JC: Jéroboam I                                             931-913 av JC: Roboam, fils de Salomon.

                     |                                                                |

………………….                                           ………………….

                     |                                                                |

885-874 av JC: Omri, fonde la capitale Samarie.  ………………

                     |                                                                |

874-853 av JC: Achab; le prophète Elie.           ………………….

                     |                                                                |

853-852 av JC: Ochozias                                   ………………….

                     |                                                                |

852-841 av JC: Joram; le prophète Elisée       ………………….

                     |                                                                |

………………….                                            …………………

                     |                                                                |

783-743 av JC: Jéroboam II ;

les prophètes Amos puis Osée                         ………………….

                     |                                                                |

………………….                       781-740 av JC: Ozias; 740: vocation d’Isaïe.

                     |                                                                |

………………….                    740-736 av JC: Yotam. Débuts de Michée.

                     |                                                                |

………………….                 736-716 av JC: Achaz; prophétie d’Isaïe sur « l’Emmanuel ».

                     |                                                                |

732-724 av JC: Osée,

dernier roi du Royaume du Nord                      ………………….

 

721 av JC: prise de Samarie par l’Assyrien Sargon II.   

Fin du Royaume du Nord. Déportation massive en Assyrie.

(Suite des grandes dates de l’Histoire d’Israël)  Royaume de Juda (Sud)

                                                                                    |

716-687 av JC: Ezéchias

En 701 av JC Sennachérib lui prend 46 villes et impose un tribut.

                                                                                    |

………………….

                                                                                    |

640-609 av JC: le roi Josias

Vers 630, le prophète Sophonie

627: vocation du prophète Jérémie

622: Réforme religieuse sur la base d’un texte de Loi découvert dans le Temple de Jérusalem.

                                                                                    |

………………….

                                                                                    |

598-597 av JC: Joïaqim règne trois mois.

Nabuchodonosor, roi de Babylone assiège et prend Jérusalem.

Première déportation à Babylone (10.000 personnes).

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597-587 av JC: Sédécias.

Le prophète Ezéchiel prédit la ruine de Jérusalem.

Vers 589, révolte de Sédécias malgré les avis de Jérémie.

                                                 587 av JC: Nabuchodonosor prend Jérusalem.

                                                   Destruction du Temple. Seconde déportation.

                                                              Fin du Royaume de Juda.

Jérémie est entraîné en Egypte.

Ministère d’Ezéchiel auprès des déportés.

Vers 550 av JC: Is 40-55 (le livre de la consolation).

 

Le 29 Octobre 539, le roi perse Cyrus entre en triomphateur à Babylone.

538 av JC: édit de Cyrus; retour des exilés à Jérusalem.

            515: Dédicace du second Temple de Jérusalem. Reprise de la vie religieuse.

445 av JC: Néhémie relève les murailles de Jérusalem.

 

336 av JC: Alexandre le Grand, roi de Macédoine, bat les Perses à Issos en 333.

332 av JC: Alexandre le Grand occupe la Palestine.

Déportation en Egypte dans sa nouvelle ville d’Alexandrie.

Diffusion de la culture grecque dans tout le bassin méditerranéen.

323 av JC: décès à 33 ans d’Alexandre aux confins de l’Inde.

Ses généraux se partagent l’empire:   les Séleucides en Syrie Babylonie,

les Lagides en Egypte.

La Judée est soumise aux Lagides jusques vers 200 av JC.

Vers 250 av JC, commencement de la traduction des Ecritures juives

                                               en grec, à Alexandrie (la Septante).

             200-142 av JC: la Judée est soumise aux Séleucides. Révolte maccabéenne (167-142).

63 av JC: prise de Jérusalem par Pompée;

                                   la palestine devient province romaine.

 40-4 av JC: Hérode le Grand, roi des Juifs.

Vers l’an 5 av JC, naissance de Jésus…

 

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Pour lire un texte d’Evangile…

Se munir si possible d’une Bible complète avec notes : Bible de Jérusalem ou TOB.

    1- Commencer toujours par un temps de prière

La Parole de Dieu est un texte qui ressemble à tous les autres textes, et pourtant, il est différent. Nos journaux nous transmettent des informations ; les romans nous entraînent dans une histoire et nous font rêver… Ici, il ne s’agit pas d’un homme qui s’adresse à d’autres hommes par l’intermédiaire de l’écriture, mais de Dieu qui, par sa Parole, vient à notre rencontre: « Dans les Saints Livres, le Père qui est aux cieux vient avec tendresse au devant de ses fils et entre en conversation avec eux » (Concile Vatican II, Dei Verbum &21).

            « Je me tiens à la porte et je frappe : si tu m’ouvres ton cœur, je ferai chez toi ma demeure« ... Dieu parle au cœur : pour l’écouter, il nous faut d’abord nous recueillir par un moment de silence où nous allons laisser de côté (temporairement) tous nos soucis. Et tout de suite, nous allons nous confier à l’Esprit Saint : c’est Lui le maître intérieur. Qu’il fasse régner dans nos cœurs son silence et sa paix pour nous permettre ensuite de mieux accueillir, toujours avec son aide, la Parole de Dieu. Nous vivrons toute cette aventure avec Lui et grâce à Lui : qu’il nous garde fidèles !

Pour prier, nous pouvons commencer par lire un texte où il est fait mention de l’Esprit Saint, en demandant que cette Parole s’accomplisse pour nous, en cet instant que nous consacrons à Dieu (Exemples : Luc 11,9-13 ; Jean 14,15-20 ; 14,23-26 ; 16,12‑15 ; Ephésiens 3,14-21). On peut ensuite prier un « Notre Père » et un « Je vous salue Marie ».

2- Bien lire et relire le texte choisi.

Prendre son temps, dans la gratuité. Bien faire attention au texte lui-même. Le lire et le relire, tout simplement.

Puis noter ce qui a pu nous sembler le plus important, le plus beau, le point à garder et à conserver précieusement comme lumière pour ma vie.

Dès cette première étape, il est important de ne jamais se décourager : un jour, tel texte peut être feu dans nos cœurs. Tel autre jour, tout peut nous sembler lourd et pesant, aride et bien peu engageant. En cet instant précis, Dieu nous attend : qu’allons-nous faire ? Abandonner la lecture, ou persévérer avec Lui, creuser et creuser encore jusqu’à ce que l’eau jaillisse ? Lire la Parole de Dieu est déjà le lieu où cette Parole de Jésus nous est adressée : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive« . Mais n’oublions pas aussi que ce que nous lisons est « Bonne Nouvelle » : « Heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce ce qu’elles entendent », disait Jésus à ses disciples; « Amen, je vous le dis: beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu » (Mc 8,34 ; Mt 13,16-17).

3 – Pour continuer à creuser…

Après ce premier contact, essentiel, voici quelques points pour nous aider à poursuivre notre travail « d’attention » :

  1. a) Le contexte : Repérer, dans une Bible complète, où se situe notre texte (Les têtes de paragraphe, rédigées par nos traducteurs, et les notes sont ici très précieuses). Faire attention à ce qui précède. Essayer de bien repérer sa place dans la dynamique générale de l’œuvre où il se trouve.

Cette démarche est très importante pour une bonne interprétation. Noter toutes les informations recueillies.

  1. b) Mettre en lumière le mouvement interne du texte :

j Repérer les personnages, les indications de temps, de lieu…

j Faire attention aux répétitions, et éventuellement à la place de ces mots dans notre passage. Parfois, tout tourne autour d’un centre qu’il s’agit de repérer, car tel est alors le cœur du texte.

j Observer les différents acteurs : qui sont-ils ? Que font–ils ? Que disent-ils ?

j Qu’est-ce qui change entre le début et la fin? Quelle est la signification de ces changements ? Que nous révèlent ces changements sur les personnes concernées, sur celui qui les opère ? Essayer de repérer quel est l’enjeu…

  1. c) Les citations ou les allusions à l’Ancien Testament (AT) :

 j Elles sont écrites en caractères gras ou en italiques pour nous aider à les repérer. Les Bibles complètes indiquent leurs références en marge ou dans les notes (Parfois, l’auteur fait seulement allusion à l’AT sans le citer : les références sont aussi indiquées en marge).

j Retrouver dans l’AT lui-même les textes cités ; repérer les paragraphes d’où ils sont extraits. Les lire. Essayer de retrouver le contexte dans lequel ce texte a été écrit, puis observer les personnages : qui sont-ils, que disent-ils, que font‑ils ? Noter toutes ces informations, puis se reporter à l’Evangile où notre citation est peut-être appliquée à d’autres personnages. Noter ces glissements. Que nous apprennent les informations recueillies dans l’AT sur l’identité et la mission de nos personnages du NT ?

L’Ancien Testament annonce le Christ : sa lecture est essentielle pour mieux comprendre Celui qui accomplit toutes ces Ecritures…

  1. d) Signification et enjeux

j Essayer de bien définir « le message central » de notre texte.

j Ces lignes ont été écrites par des croyants qui désiraient nous partager leur foi, nous faire grandir dans notre foi, nous introduire dans le mystère du Christ.

– Tout d’abord, ce passage d’Evangile, a-t-il été vraiment pour moi « une Bonne Nouvelle » ?

– Que m’a-t-il appris sur Dieu et sur le Christ ?

– M’a-t-il aidé vis à vis de ma relation à Dieu et au Christ ? M’a-t-il permis de mieux appréhender l’amour que Dieu porte sur le monde? De mieux pressentir toutes les grâces qu’Il désire nous donner?

– « Jésus Christ est le même hier et aujourd’hui comme il le sera à jamais » (Hb 13,8). Ce texte a-t-il contribué à rendre ma foi plus vivante, à mettre davantage le Christ ressuscité au cœur de ma vie, à espérer toujours plus en Lui ? M’a-t-il invité à changer pour mieux accueillir cette Présence bienveillante et toujours offerte ? Prier davantage? Consacrer plus de temps à Dieu ? Ne pas manquer l’Eucharistie du Dimanche ? S’ouvrir plus souvent à la guérison intérieure offerte dans le sacrement de réconciliation ?

– M’a-t-il interpellé aussi sur la qualité de ma relation avec ma famille, mes proches, les voisins de mon quartier, mes frères croyants, ma communauté paroissiale ? M’a-t-il aidé à mieux vivre le commandement de l’amour, à mieux m’engager dans l’Eglise pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ ?

Jacques Fournier




Allocution de Jean Paul II sur l’interprétation de la Bible dans l’Eglise 23 Avril 1993

Elle fut prononcée à l’occasion du centenaire de l’encyclique Providentissimus Deus (PD) et du cinquantenaire de Divino afflante Spiritu (DAS).

Rappels :

– En 1902 Léon XIII crée la commission biblique.

– En 1909 Pie X fonde l’Institut Biblique.

– En 1920 Benoît XV célèbre le 1500° anniversaire de la mort de St Jérôme par une encyclique sur l’interprétation de la Bible.

– Importance de Dei Verbum (DV) lors du Concile Vatican II.

PD a voulu protéger l’interprétation catholique de la Bible contre les attaques de la science rationaliste, à une époque marquée par de virulentes polémiques contre la foi de l’Église. Au lieu de jeter l’anathème sur l’utilisation des sciences dans l’interprétation de la Bible, l’encyclique invite instamment les exégètes catholiques à acquérir une véritable compétence scientifique de façon à surpasser leurs adversaires sur leur propre terrain

« Le premier moyen de défense se trouve dans l’étude des langues anciennes de l’Orient ainsi que dans l’exercice de la critique scientifique ».

DAS a réagi face aux attaques qui s’opposent à l’utilisation de la science par les exégètes et qui veulent imposer une interprétation non scientifique, dite « spirituelle », des Saintes Ecritures. Elle a constaté la fécondité des directives données par PD:

« Grâce à une meilleure connaissance des langues bibliques et de tout ce qui concerne l’Orient,… un bon nombre des questions soulevées au temps de Léon XIII contre l’authenticité, l’antiquité, l’intégrité et la valeur historique des Saints Livres… se trouvent aujourd’hui débrouillées et résolues. »

(5) D’autre part, Pie XII

– a souligné la portée « théologique » du sens littéral, méthodiquement défini

– et a affirmé que le sens spirituel, pour pouvoir être reconnu comme sens d’un texte biblique, doit présenter des garanties d’authenticité: on doit pouvoir montrer qu’il s’agit d’un sens « voulu par Dieu Lui-même ». La détermination du sens spirituel appartient donc, elle aussi, au domaine de la science exégétique.

Ainsi DAS et PD refusent la rupture entre l’humain et le divin, entre la recherche scientifique et le regard de foi, entre le sens littéral et le sens spirituel, demeurant ainsi pleinement en harmonie avec le mystère de l’Incarnation.

(6) « De même que la Parole substantielle de Dieu s’est faite semblable aux hommes en tous points, excepté le péché, ainsi les Paroles de Dieu, exprimées en des langues humaines, se sont faites semblables au langage humain en tous points, excepté l’erreur » (DAS 559; cf Dei Verb.13).

Les écrits inspirés de la Première Alliance tout comme ceux de la Nouvelle constituent un moyen vérifiable de communication et de communion entre le Peuple croyant et Dieu, Père, Fils et Saint Esprit. Ce moyen ne peut assurément pas être séparé du fleuve de vie spirituelle qui jaillit du coeur de Jésus crucifié et qui se propage grâce aux sacrements de l’Eglise. Il a néanmoins sa consistance propre, celle précisément d’un texte écrit qui fait foi.

(7) Ainsi, les exégètes catholiques doivent rester en pleine harmonie avec le mystère de l’Incarnation. L’Eglise prend au sérieux son réalisme et c’est pour cette raison qu’elle attache une grande importance à l’étude historico-critique.

(8) DAS a particulièrement recommandé l’étude des genres littéraires, mue par le souci de comprendre le sens des textes avec toute l’exactitude et la précision possible, dans leur contexte culturel historique. Certains chrétiens pensent que Dieu étant l’Etre absolu, chacune de ses paroles a une valeur absolue, indépendamment de tous les conditionnements du langage humain. Il n’y a donc pas lieu selon eux d’étudier ces conditionnements pour opérer des distinctions qui relativiseraient la portée de ces paroles.

Mais Dieu, créateur de l’étonnante variété des êtres, loin d’écraser toutes leurs différences et leurs nuances, les respecte et les valorise. Lorsqu’il s’exprime dans un langage humain, il ne donne pas à chaque expression une valeur uniforme, mais il en utilise les nuances possibles avec une souplesse extrême et il en accepte également les limitations. C’est ce qui rend la tâche des exégètes si complexe, si nécessaire et si passionnante! Aucun des aspects humains du langage ne peut être négligé.

Cependant cette étude ne suffit pas. Loin de s’en tenir aux aspects humains du texte biblique, il faut aussi et surtout aider le peuple chrétien à percevoir plus nettement dans ces textes la parole de Dieu, de façon à mieux l’accueillir, pour vivre pleinement en communion avec Dieu. A cette fin, il est évidemment nécessaire que l’exégète lui-même perçoive dans les textes la parole divine et cela ne lui est possible que si son travail intellectuel est soutenu par un élan de vie spirituelle.

Faute de ce soutien, la recherche exégétique perd de vue sa finalité principale en se confinant dans des tâches secondaires; elle peut alors faire oublier que la Parole de Dieu invite chacun à sortir de lui-même pour vivre dans la foi et la charité.

« Les Livres saints ne peuvent être assimilés aux écrits ordinaires, mais, puisqu’ils ont été dictés par l’Esprit Saint lui-même et ont un contenu d’extrême gravité, mystérieux et difficile sous bien des aspects, nous avons toujours besoin, pour les comprendre et les expliquer, de la venue de ce même Esprit Saint, c’est à dire de sa lumière et de sa grâce, qu’il faut assurément demander dans une humble prière et conserver par une vie sanctifiée » (DAS 89).

Oui, pour arriver à une interprétation pleinement valable des paroles inspirées par l’Esprit Saint, il faut être soi-même guidé par l’Esprit Saint et, pour cela, il faut prier, prier beaucoup, demander dans la prière la lumière intérieure de l’Esprit et accueillir docilement cette lumière, demander l’amour, qui seul rend capable de comprendre le langage de Dieu, qui « est amour » (1 Jn 4, 8.16). Durant le travail même d’interprétation, il faut se maintenir le plus possible en présence de Dieu.

(10) La docilité à l’Esprit Saint produit et renforce une autre disposition, nécessaire pour la juste orientation de l’exégèse: la fidélité à l’Eglise. Ces textes n’ont pas, en effet, été donnés aux chercheurs individuels, « pour la satisfaction de leur curiosité ou pour leur fournir des sujets d’étude et de recherche » (DAS 566), mais à la communauté des croyants, à l’Eglise du Christ, pour nourrir la foi et guider la vie de charité. Le respect de cette finalité conditionne la validité de l’interprétation.

« Tout ce qui concerne la manière d’interpréter l’Ecriture est finalement soumis au jugement de l’Eglise, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la Parole de Dieu et de l’interpréter » (DV 12); il n’en reste pas moins vrai qu’il « appartient aux exégètes de s’efforcer … de pénétrer et d’exposer plus profondément le sens de la Sainte Ecriture, afin que, par leurs études en quelque sorte préparatoires, mûrisse le jugement de l’Eglise » (PD; DV 12).

(11) Les exégètes auront à coeur de rester proches de la prédication de la Parole de Dieu, pour éviter de se perdre dans les méandres d’une recherche scientifique abstraite, qui les éloignerait du vrai sens des Ecritures, un sens inséparable de leur finalité qui est de mettre les croyants en relation personnelle avec Dieu.

(13) Le document actuel, L’interprétation de la Bible dans l’Eglise, frappe par:

– son ouverture d’esprit: en commençant par la base historico-critique, dégagée de présupposés philosophiques ou autres contraires à la vérité de notre foi, elle met à profit toutes les méthodes actuelles, en cherchant dans chacune « la semence du Verbe ».

– son équilibre et sa modération; diachronie et synchronie se complètent de façon indispensable.

L’exégèse catholique s’efforce de mettre en lumières et les aspects humains de la révélation biblique et ses aspects divins, unis dans la divine « condescendance » (DV 13).

– Enfin, la Parole biblique agissante s’adresse universellement dans le temps et dans l’espace à toute l’humanité. Si la tâche première de l’exégèse est d’atteindre le sens authentique du texte sacré ou même ses différents sens, il faut ensuite qu’elle communique ce sens au destinataire de l’Ecriture Sainte qui est, si possible, toute personne humaine.

Un processus constant d’actualisation s’efforcera aussi de retraduire la pensée biblique dans le langage contemporain.

Tous les moyens possibles doivent être utilisés pour que la portée universelle du message biblique soit largement reconnue et que son efficacité salvifique puisse se manifester partout.