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Rencontres bibliques au Carmel : St Luc, témoin de la Miséricorde de Dieu

Samedi 12 décembre, nous avons vécu, avec les Soeurs du Carmel des Avirons, la première rencontre autour de l’Evangile selon St Luc, et cela en lien avec l’ouverture, le 8 décembre, de l’année jubilaire extraordinaire de la Miséricorde voulue par le Pape François. St Luc est en effet l’Evangile que l’Eglise nous propose dans cette nouvelle année liturgique, un Evangile qui rend particulièrement témoignage à la Miséricorde de Dieu. Nous en ferons donc une lecture continue, un samedi après midi par mois, en prenant le temps de l’interpréter à la lumière d’autres textes bibliques, notamment ceux auxquels St Luc fait lui-même allusion. Le parcours est ouvert à toute personne qui serait intéressée… L’entrée est libre…

Les dates prévues sont les suivantes (horaire : 15h 00 – 17h 45) : les samedis 13 février, 19 mars, 9 avril, 14 mai, 18 juin, 9 juillet, 15 octobre, 19 novembre, 10 décembre ; intervenant : D. Jacques Fournier.

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« Accompagnement des familles en deuil » : journée de conclusion au Carmel des Avirons

Ce samedi 12 décembre, le groupe « Accompagnement des familles en deuil », qui se retrouvait une fois par mois au Carmel des Avirons avec Noéline Fournier, s’est à nouveau réuni pour une rencontre festive de fin d’année. Après la prière du Milieu du Jour (Sexte) à la Chapelle, les participants ont partagé une bonne petite bouteille de champagne…

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Puis tous se sont retrouvés autour d’une belle table pour le repas préparé par les Soeurs…

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Le groupe était invité ensuite à un temps d’échange et de partage sur ce qui a été vécu tout au long de cette année… Ils ont aussi prié pour Marie Line (Géraldine) Breton, une participante fidèle qui visitait les malades à la Paroisse de l’Etang Salé les Hauts, et qui est décédée brutalement d’une crise cardiaque le mardi 8 décembre, soit quelques jours à peine avant la rencontre, elle qui se réjouissait d’y participer… Elle sera dorénavant ‘la patronne’ de ce parcours proposé chaque année au Carmel, une année sur « l’accompagnement des malades », l’autre sur celui « des familles en deuil »…

Puis tout le groupe a retrouvé, dans la grande salle de l’accueil, les Soeurs du Carmel et celles et ceux qui, pendant ce temps-là, vivaient une rencontre biblique sur l’Evangile selon St Luc, avec Jacques Fournier. Il était temps de sortir les gâteaux préparés par les uns et par les autres…

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Et la rencontre s’est terminée par un temps de partage des petits cadeaux que tous avaient apportés.

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Nous nous sommes souhaités un Joyeux Noël, de belles fêtes de fin d’année, et tous ont exprimé le désir de recevoir les adresses et les numéros de téléphone des uns et des autres pour pouvoir se regrouper en secteurs, s’entraider, aller visiter les malades ensemble, le plus simplement, le plus humainement et le plus joyeusement possible… « Et quand deux ou trois sont ainsi réunis en mon Nom », dit le Christ, « je suis là au milieu d’eux », rayonnant de Paix et de Joie…




4ième Dimanche de l’Avent – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

visitation 5Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni. En cette veille de Noël, nous allons méditer quelques instants sur cette proclamation de bénédiction qu’Élisabeth, qui porte en elle un enfant, prononce sur sa jeune cousine qui porte également en elle un Enfant. Attardons-nous sur cette merveilleuse réalité de la maternité humaine que les peintres ont su exprimer avec un rare bonheur, je pense par exemple à un très beau tableau de Ghirlandaio représentant cette scène de la Visitation. Dans cette œuvre, on ne voit que deux manteaux, le manteau d’Elisabeth orange vif comme le feu, comme les couleurs d’automne, comme un moment de l’histoire qui finit, comme quelque chose qui se consume, qui se brûle d’amour, mais pressent qu’il est parvenu à sa limite, et de l’autre, un autre manteau bleu celui-là, large, vaste et jeune comme le ciel : Marie, avec un bleu très fort qui manifeste au milieu de ce monde qui finit, au milieu de l’automne, de l’histoire, une présence qui vient les renouveler. Et l’un et l’autre de ces manteaux, avec tout le génie d’un peintre florentin du Quattrocento, chantent quelque chose de tendre, de charnel, de doux, de maternel, comme si à cette époque que l’on dit souvent être la renaissance d’un certain paganisme, le peintre avait eu l’intuition spirituelle de toute la densité charnelle du mystère de Dieu qui vient chez nous. Tel est précisément le sens de la maternité divine de Marie. Marie est femme, elle est mère, elle est vierge. Lorsque nous disons cela, nous ne faisons pas d’énonciation concernant je ne sais quelle science de gynécologie sacrée. Lorsque nous disons cela, nous proclamons quelque chose d’infiniment plus profond : le mystère même de l’entrée de Dieu parmi les hommes.
Dire que Marie dans sa chair est la mère de Dieu, que dans sa virginité elle a conçu un enfant, le Verbe de Dieu, cela signifie le mode même par lequel Dieu est entré dans l’humanité. Voilà le cœur de notre foi, Dieu est entré dans l’humanité. C’est une réalité aussi difficile à dire que la manière dont Il en est sorti. Il n’est pas sorti de sa vie terrestre par la mort, simplement comme tout le monde : Il en est sorti par la mort et par la gloire. Qui dira l’entrée du Verbe de Dieu dans la chair des hommes ? Qui dira la sortie de Jésus de Nazareth hors de la condition terrestre de notre vie humaine ? Le mystère de la conception virginale et de la maternité de Marie est aussi obscur, aussi impénétrable que celui de la Résurrection de Jésus-Christ. Dans un cas comme dans l’autre, à travers des événements réels mais extrêmement difficiles à dire et à saisir, les évangélistes ont su proclamer ce qui est à proprement parler indicible : comment Dieu se fait homme et comment Dieu fait homme glorifie une humanité terrestre en la faisant devenir Dieu. À chaque extrémité de l’Évangile, se situe ce moment du passage, ce moment où tout bascule, où la divinité de Dieu entre dans la chair et où la chair de Jésus-Christ, et par elle notre propre chair, entrent dans la condition glorieuse par la Résurrection.

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Pour nous-mêmes déjà, le mystère de notre origine et de notre naissance est insondable. Et ce n’est pas simplement l’observation biologique du développement des cellules ou l’étude du code génétique qui pourront nous dévoiler quoi que ce soit sur le mystère de la source de notre existence. Nous n’atteindrons jamais que le déploiement d’un processus, mais nous n’atteindrons jamais par analyse biologique l’origine de nous-mêmes. Cependant et c’est la grandeur du mystère de Dieu, pour nous dire qui Il était, d’où Il venait et comment Il était entré dans notre monde, Dieu a voulu que la maternité de Marie elle-même soit constituée signe pour nous de ce qui s’est accompli pour nous. Par la maternité divine de Marie, Dieu nous dit déjà qui Il est. Le fait que cette jeune fille d’Israël porte en elle un Enfant qui ne lui a pas été donné par une semence d’homme, mais par la puissance de l’Esprit Saint, cela dit en vérité quelque chose sur l’être de Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu, et ce qu’Il a fait pour nous. C’est ainsi qu’il faut lire ce texte : la maternité de Marie elle-même est le signe de la venue de Dieu, de la présence de Dieu, annoncée par les prophètes. Alors nous devons nous demander : qu’est-ce que cela veut dire ?
Quand une femme porte en elle un enfant, s’accomplit dans le secret de sa maternité et de sa chair une réalité paradoxale. À la fois cette vie qu’elle sent grandir en elle est totalement tissée de sa chair, totalement réceptrice de sa propre vie et de son propre sang. Cette vie qu’elle porte en elle, c’est totalement elle-même. Elle la sent grandir en totale communion et intimité avec elle-même. Mais en même temps qu’elle sent la vie grandir en elle, elle perçoit tout aussi fortement que cette vie n’est pas la sienne, qu’elle ne lui appartient pas, que cet enfant est plus grand qu’elle, qu’il la grandit. Le mystère même de la maternité, c’est à la fois le fait qu’une chair, une vie, une existence, une personne s’enracine dans une autre, sa mère, mais en même temps que cette personne grandit la mère, la rend plus grande qu’elle-même. Tel est le mystère de la maternité et la raison pour laquelle il s’agit d’un bonheur extraordinaire pour une femme : elle se dépasse elle-même par la vie qu’elle donne, dans le don total qu’elle fait de sa propre vie et de son propre sang. C’est le mystère du temps, le mystère de la vie : c’est à cause de la maternité que la femme connaît le mystère de la vie d’une façon infiniment plus profonde que l’homme. L’homme ne vit le mystère du temps que dans un arrangement des choses par son travail, par sa confrontation avec le monde. Il est producteur, il n’est pas fécond.

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Précisément, le mystère de la maternité de Marie est un mystère de fécondité dans lequel, dans la totalité même de son être, s’accomplit quelque chose qui la grandit. Voilà le signe que Dieu a voulu pour nous dire comment Il était venu dans la chair, Il a voulu recevoir totalement et pleinement la vie d’une femme. Ce n’est pas simplement qu’Il a voulu se soumettre à un processus biologique de développement cellulaire, ce qui est tout à fait normal. Mais Il a voulu d’abord recevoir totalement d’une femme la plénitude même de ce qu’est la vie humaine. Et dans le processus de cette maturation de sa vie et de son existence humaine au cœur de sa mère, Il a fait comprendre que Lui, le Fils de Dieu, venait pour apporter au monde ce qui allait le faire grandir de façon définitive et absolue, Lui le Verbe, Il prenait chair pour que nous soit donné par lui quelque chose d’infiniment plus grand que notre propre humanité, pour que soit donnée la vie même de Dieu au monde. Voilà le mystère de l’enfantement du Verbe. La Parole de Dieu, le Verbe éternel de Dieu, la personne éternelle du Fils de Dieu prend chair pour grandir l’humanité symbolisée par Marie. Vous voyez ce mystère de l’agrandissement de l’humanité, du Magnificat de l’humanité : Magnificat veut dire « je fais grandir », ce mystère-là est le secret du Verbe, dès le premier moment où Marie l’a conçu. Elle a vécu ce mystère-là pour nous tous, de telle sorte qu’aujourd’hui nous vivions encore ce mystère d’une maternité qui est la maternité de l’Église.
Aujourd’hui le cœur de chacun d’entre nous est comme le sein de Marie. Aujourd’hui le cœur de chaque personne humaine, dans la mesure où elle accueille le Verbe de Dieu devient plus grand qu’elle-même. Aujourd’hui encore le Verbe veut naître en nous et nous magnifier de cette grandeur qui n’a rien de commun avec notre existence humaine et notre désir humain, Il veut nous faire grandir et nous magnifier de la grandeur même de Dieu, Il veut nous faire chanter le Magnificat.
Magnificat-88f4eJe voudrais en donner une attestation. Où est le signe de la fécondité spirituelle de l’Église aujourd’hui ? Il n’est pas ailleurs que dans la liturgie même de l’Église. Car la liturgie est le lieu du jaillissement de la joie divine qui fait grandir l’homme. Il y a quelque temps, un frère dominicain, le Père Bernard Bro, écrivait : « L’Assemblée liturgique constitue l’espace de cet éclatement de la joie de l’Eglise, il devrait y avoir en tout chrétien », méditez bien, nous en sommes loin, « Il devrait y avoir en tout chrétien, par le seul fait qu’il est chrétien, assez de lyrisme prophétique pour que jaillisse de ses lèvres une hymne à la joie du Christ, un Magnificat. Or cette hymne, la liturgie ne cesse de la lui proposer. Tout chrétien devrait pouvoir faire un jour ou l’autre l’expérience qui consiste, au fur et à mesure qu’il professe les versets des cantiques et des hymnes liturgiques, à découvrir leur création jaillissante, que cette création est en train de recommencer toute neuve et toute frémissante dans le fond le plus personnel de son propre cœur ». La liturgie, ce n’est pas un moment dans la semaine où l’on doit pointer dans un livre de culte pour être assuré qu’on a fait son devoir hebdomadaire de piété : la liturgie c’est ce lieu de la maternité ecclésiale dans lequel nous, l’humanité, l’Épouse appelée à la nuptialité avec Dieu, nous éprouvons déjà quelque chose de cette joie d’être fécondés par la présence du Verbe de Dieu au cœur de notre chair. La liturgie est le signe de la joie de Dieu qui nous fait grandir, comme Marie a grandi le jour où elle a pu chanter son Magnificat, parce qu’elle portait son Enfant dans son sein. La liturgie, c’est le moment où nous nous préparons à la venue de Dieu, jour après jour, même si à certains moments nous vivons dans la peine, dans la tristesse et dans un certain désarroi du cœur ; à chaque moment la liturgie est célébrée pour nous dire que Dieu vient et qu’un jour enfin Dieu nous accueillant pleinement comme son Épouse, tous ensemble dans son Royaume, Il nous donnera de l’enfanter réellement dans le cœur même de la Trinité. Un jour avec Marie, tous ensemble, nous pourrons vraiment dire, de la façon la plus personnelle et la plus intime qui soit le Magnificat.
Oui que notre âme exalte le Seigneur, que notre esprit exulte en Dieu, notre Sauveur, car le Seigneur est grand. Il a fait pour nous des merveilles et Il en fera encore davantage ! Amen.




4ième Dimanche de l’Avent par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 20 décembre 2015

 

Michée 5, 1-4a (Le Messie viendra de Bethléem)

Le prophète Michée a vécu à la fin du 8e siècle avant notre ère. Rude campagnard de Judée, il dénonce la corruption généralisée des gens de Jérusalem et leur injustice sociale. Et, comme à son époque l’armée assyrienne s’enfonce en Palestine, il prévoit la destruction de la Ville en juste punition de son inconduite. Mais la ruine n’est pas le dernier mot de Dieu.
Après ce « temps de délaissement » pédagogique de la part de Dieu, paraîtra un nouveau David. Il ne viendra pas de l’orgueilleuse capitale, Jérusalem, mais du modeste bourg de Bethléem où était né David et qu’on appelait aussi Éphrata, du nom de la famille de David (voir 1 Samuel 17, 12). Michée n’appelle pas « roi » ce chef à venir, tant les souverains de Jérusalem ont déshonoré ce titre. Il ne s’intéresse pas à son père, mais seulement à sa mère, celle qui doit enfanter, au jour que Dieu voudra. Le petit David était un berger devenu pasteur du peuple de Dieu (voir Psaume 77 (78), versets 70-72) ; son successeur réalisera le même idéal : modeste, il rassemblera « ses frères » dispersés et Dieu lui donnera un rayonnement mondial, mais dans un esprit de paix. Né à Bethléem, selon Matthieu et Luc, Jésus réalisera de manière déconcertante cet *oracle de Michée.

* L’oracle de Michée. Michée n’a pas vu en rêve la naissance de Jésus à Bethléem, mais il a mis en œuvre ses facultés de jugement. Isaïe aussi, contemporain de Michée, a jugé que la lignée pourrie des rois de Judée demandait du sang neuf : Ainsi pousserait « un rameau de la souche de Jessé [le père de David] » (Isaïe 11,1 ) ; d’une jeune reine mère naîtrait l’Emmanuel (Isaïe 7,14). Pour Matthieu 2, 5-6, Jésus est ce recommencement espéré, même si certains Juifs doutaient que Jésus fût né à Bethléem (voir Jean 7, 41-43).

Hébreux 10, 5-10 («  Me voici, je viens faire ta volonté »)

L’auteur anonyme de la Lettre aux Hébreux parle à des chrétiens qui fondaient trop leur foi sur le culte du Temple de Jérusalem, même si l’écrit est composé probablement après la ruine du Temple en l’an 70. Il leur montre que la venue du Christ doit changer notre lecture de l’Ancien Testament. Dans ce passage, il raisonne ainsi :
1) Dans le Psaume 39 (40), versets 6-8, *le Christ dit que Dieu n’attend pas de lui des sacrifices matériels, mais l’offrande de son corps, en totale obéissance à la volonté divine.
2) L’auteur précise alors : les sacrifices étaient prescrits par la Loi de Moïse. Or, avec la venue du Christ, Dieu n’en a plus voulu. C’est donc qu’un nouveau culte, l’offrande du Christ, remplace l’ancien.
3) Par cette volonté de Dieu accomplie jusqu’au bout, par le don de soi du Christ en sa Passion, nous sommes sanctifiés, c’est-à-dire en relation vraie avec Dieu – et cela une fois pour toutes, alors qu’avant, il fallait refaire chaque année les mêmes sacrifices.
Ainsi l’Incarnation de Noël inaugure la route du sacrifice de la croix qui aboutit à notre rédemption. Dieu n’attend plus que nous lui offrions « des choses », mais que nous nous offrions nous-mêmes sans cesse à son vouloir, à la suite d’un Christ « frère des hommes ».

* Le Christ dit, d’après le Psaume… Dans les psaumes de l’Ancien Testament, les apôtres voient des prophéties : Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps… Le psalmiste priait ainsi, sans savoir qu’il était par avance la voix du Christ parlant au Père. Interprétation naïve ? Non, car le Christ incarne tous les humains qui cherchent à s’offrir totalement à Dieu. À leur tour, les chrétiens aiment prier les psaumes qui leur permettent de s’unir à la prière d’un Christ frère de toute humanité.

Luc 1, 39-45 (« D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »)

Le film des évangiles de l’Avent, rappelons-le, procède par retours en arrière. Au 1er dimanche, la caméra explorait l’horizon de notre attente d’aujourd’hui : l’ultime venue du Fils de l’homme mettant fin à l’histoire. Après les deux séquences sur le Baptiste (2e et 3e dimanches), c’est maintenant un gros plan sur des événements qui préparent directement la naissance de Jésus, aujourd’hui la scène de la Visitation.

Du vieil Israël (Élisabeth) à la jeune Église (Marie)

L’épisode ne se réduit pas à une leçon de service donnée par la future mère du Messie. Car cette page de Luc a une haute portée symbolique : Marie, la jeune Église habitée par le Christ, se porte à la rencontre du vieil Israël, Élisabeth habitée en son ventre par le dernier des prophètes, le futur Jean Baptiste. Marie voit son annonciation confirmée par Élisabeth ; l’Église voit sa mission confirmée par le vieil Israël, son aîné. Marie part en hâte, avec empressement ; en elle la Parole de Dieu commence déjà sa course jusqu’aux extrémités de la terre (voir Actes 1, 8).

Rencontre de Marie et d’Élisabeth, du Baptiste et de Jésus

Marie salue sa cousine ; la salutation de Gabriel se fait contagieuse (cf. Lc 1, 28 : Réjouis-toi ! le Seigneur est avec toi). L’enfant tressaille, reconnaissant la venue du Seigneur. Jérémie fut choisi comme prophète dès le ventre de sa mère (Jérémie 1, 4). Plus grand que Jérémie, plus grand que tous les prophètes (Luc 7, 26-28), le futur Baptiste prophétise dès le sein, par son agitation fœtale et par les paroles maternelles inspirées. Saluée comme bénie entre toutes les femmes, Marie passe au rang des héroïnes de l’histoire sainte, Yaël et Judith (voir Juges 5, 24 et Judith 13, 18). Mais Élisabeth reconnaît surtout la mère de son Seigneur, titre qui évoque à l’avance le Christ ressuscité et monté auprès de Dieu (voir Actes 2, 36).

« Heureuse celle qui a cru… »

Élisabeth énonce enfin une béatitude : l’honneur de Marie tient en sa foi sans laquelle l’histoire du monde n’aurait pas pris son tournant décisif. Plus tard, Jésus dira que la maternité charnelle de Marie compte moins que son écoute et sa fidélité à la parole de Dieu : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent » (Luc 11, 27-28). En cela, la Visitation concerne tous les croyants ; car toute personne chrétienne et toute Église sont « enceintes » de la présence du Christ à donner au monde.

Vocation et confirmation

Après tout, une annonciation par un ange est peu vérifiable. En revanche, la Visitation représente le mystère de la vraie rencontre en laquelle on reçoit de l’autre une révélation de soi-même : Marie reçoit d’Élisabeth la confirmation de sa mission, celle d’être la mère du Seigneur. Elle découvre surtout que cette mission est liée à sa foi en la parole de Dieu. Élisabeth reçoit de Marie la salutation qui lui révèle la présence du Christ espéré par l’Ancien Testament. La Visitation est aussi le mystère du chrétien qui apporte au non-croyant la présence du Christ et qui se comprend mieux lui-même quand il s’entend dire « toi qui es chrétien, dis-moi… ». La Visitation est enfin une conférence au sommet, un *dialogue, dans l’histoire du salut, par le truchement symbolique du bonheur de deux femmes enceintes.

* Dialogue. Saint Ambroise (340-397) fut préfet de police à Milan avant d’être élu comme évêque de cette cité. De ses homélies sur l’Évangile de Luc, lisons son paragraphe sur la Visitation : « Remarquez les nuances et l’exactitude de chaque mot. Élisabeth fut la première à entendre la parole, mais Jean fut le premier à ressentir la grâce : la mère a entendu selon l’ordre naturel des choses, l’enfant a tressailli en raison du mystère ; elle a constaté l’arrivée de Marie ; lui, celle du Seigneur ; la femme, l’arrivée de la femme, l’enfant, celle de l’enfant; les deux femmes échangent des paroles de grâce, les deux enfants agissent au-dedans d’elles et commencent à réaliser le mystère de la piété en y faisant progresser leurs mères ; enfin, par un double miracle, les deux mères prophétisent sous l’inspiration de leur enfant.
Heureux, vous aussi qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit conçoit et engendre le Verbe et le reconnaît à ses œuvres. »

 




4ième Dimanche de l’Avent par le Diacre Jacques FOURNIER (20 décembre)

«Avec le Don de l’Esprit, le Ciel est déjà là… » (Lc 1,39-45)

 

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

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« Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10,30), nous dit le Fils, unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit qui est aussi Amour, Lumière et Vie. Cette Révélation peut s’étendre à l’Esprit Saint, Personne divine, qui lui aussi est « un » avec eux… Et ce Dieu « un », Mystère éternel de relations et de communion de Trois Personnes divines, a créé l’humanité « à son image et ressemblance » (Gn 1,26) pour qu’elle aussi soit « une » dans l’unité de ce même Amour, de cette même Lumière, de cette même Vie. Tel sera le Royaume des Cieux (Rm 14,17 ; 1Co 1,9). Et ce récit de la Visitation illustre à quel point il est tout proche, déjà présent, vécu, dans la vie de celles et ceux qui ont accueilli par leur foi « le Don de Dieu », le Don de l’Esprit Saint…
Marie vient de recevoir l’annonce de l’Ange : par l’Esprit, elle donnera bientôt au monde le Fils du Très Haut, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14). Elisabeth, sa cousine, attend elle aussi un enfant, Jean-Baptiste, et elle en est à son sixième mois, lui a dit l’Ange. Aussitôt, la toute jeune Marie part « rapidement » lui rendre visite…
« Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth ». Rien de plus simple apparemment… Et pourtant, Marie est « la Comblée de Grâce » (Lc 1,28), l’Immaculée Conception. En elle, « Dieu est tout », et Il Est « Esprit » et « Lumière » (1Co 15,28 ; Jn 4,24 ; 1Jn 1,5)… De plus, elle porte en son sein « Celui en qui habite corporellement la Plénitude de la Divinité » (Col 2,9), Jésus, « la Lumière du monde » (Jn 8,12)…
Lorsque Marie entra chez elle, Elisabeth fut « remplie de l’Esprit Saint », cet Esprit qui est Lumière et qui, par sa simple présence, « illumine les yeux du cœur » (Ep 1,18). « Par ta Lumière, nous voyons la Lumière » (Ps 36,10)… Marie vient de concevoir, rien ne se laisse deviner à l’œil nu et elle n’a encore rien dit. Mais Elisabeth, illuminée de l’intérieur, peut maintenant reconnaître ce que l’œil seul ne peut voir : sa petite cousine est désormais « la Mère de mon Seigneur, bénie entre toutes les femmes ».
Au même moment, Jean-Baptiste, six mois, a bougé en elle, et Elisabeth le sait : ce tressaillement n’est pas anodin. Il est le fruit de « l’Esprit Saint » qui « remplit » son enfant « dès le sein de sa mère » et qui le pousse à réagir en la Présence du Fils de Dieu dans le sein de Marie… Nous le voyons : tous sont habités par le même Esprit, en communion déjà ici-bas comme Dieu nous appelle à l’être tous pleinement au Ciel… DJF

 

 




Journée de Conclusion du Cycle Long 2015

Le dimanche 6 décembre, les six groupes Cycle Long de l’île se sont retrouvés au Collège St Michel à St Denis pour faire le bilan de l’année. Comme ce jour, prévu de longue date, coïncidait avec le premier tour de l’élection régionale, le rendez-vous était fixé à 10h 00, les bénévoles de l’Equipe de Service étant là dès 9h 00 pour préparer le café d’accueil, guider les participants, etc…

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Puis, tous se sont retrouvés selon leur groupe (St Benoît, Ste Suzanne Bagatelle, St Denis Samedi, St Denis Dimanche, St Louis Samedi, St Louis Dimanche) pour partager ce qui a été vécu au cours de cette année 2015 consacrée au Mystère de l’Eglise. Ils étaient invités à relever trois points positifs, et trois points à améliorer…

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Puis, après la remontée et les échanges, nous sommes tous allés dans la grande salle de restauration du Collège où nous attendaient un petit apéritif, et tous les plats apportés par tous… Même si les traiteurs de chaque groupe ont été bien appréciés tout au long de l’année, ce partage, avec tous ses plats différents, a eu, lui aussi, beaucoup de succès…

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Puis notre Evêque, Mgr Gilbert Aubry nous a rejoints…

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Et nous avons vécu ensemble le partage des cadeaux que chacun avait apportés…

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Et notre journée s’est poursuivie avec la célébration de l’eucharistie présidée par le P. Pascal Chane Teng et animés par des musiciens venus tout spécialement de St Paul… Un grand merci tout spécial à Dominique, Yolain et son fils, et à Eddy Castel, du Cycle Long St Louis, qui s’est joint à eux… Tous les talents musicaux sont les bienvenus !

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Puis, nous sommes allés déguster sept beaux gâteaux Pie IX, et déboucher toutes les bouteilles de « pétillant » que nous avions apportées… mais là… plus personne n’a pensé à prendre des photos !

Mais nous nous sommes tous souhaités un bon et joyeux Noël, dans la Paix et la Joie du Christ ! Joyeux Noël à vous aussi, à vos proches, dans la Lumière de Celui qui est venu nous visiter dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu pour nous donner de retrouver avec lui le chemin de la Vie, en plénitude…

« Gloire à Dieu et paix sur terre à tous les hommes qu’Il aime »…

Alors, « heureux les pauvres de coeur, le Royaume des Cieux est à eux. Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. Heureux les miséricordieux, il leur sera fait Miséricorde »…                   DJF.

 




Le péché originel, comment le comprendre ?

     A cause de l’individualisme qui marque notre époque, nous sommes devenus insensibles à l’idée biblique de notre responsabilité – pour le meilleur et pour le pire- à l’égard de l’humanité comme corps.

    

(c) Edith GUEYNE

Lorsque l’Évangile nous dit que Dieu s’est incarné en Jésus Christ, nous avons du mal à réaliser que son Incarnation intéresse toute l’humanité et marque un tournant radical dans l’histoire. Le Concile vatican II l’a clairement affirmé : «  Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme…En Lui, Dieu nous a réconciliés avec lui-même et entre nous, nous arrachant à l’esclavage du diable et du péché. » (GS 22, &2 et 3).

C’est parce que Jésus apporte le salut à tout homme que l’apôtre Paul, pour ainsi dire en négatif, présente notre solidarité en « Adam » (une humanité marquée par le mal et la mort) à la lumière de notre solidarité en Christ. C’est en référence à l’universalité du salut que Paul présente Adam comme la figure de l’universalité du péché. (Rm 5, 18).

     Si cette idée d’héritage d’un péché d’origine nous semble inacceptable, ne pouvons-nous pas admettre notre appartenance à une « humanité pécheresse » ? Une humanité qui ne cesse, en tous et en chacun, de faire l’expérience de saint Paul : «  Le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais ». (Rm 7, 15-19)

Père Antoine DENNEMONT




L’âme et l’esprit après la mort ?

homme en prièreCe que nous devenons après la mort est un bien grand mystère. Nos mots sont maladroits. Attention à notre imagination. Le mot « après » est piégé, car il laisserait croire qu’il y a une continuité temporelle. Or quand l’homme meurt il entre dans « l’éternité ».
Tout d’abord, il faut souligner l’unité de l’être humain – Nous sommes malheureusement marqué par une définition fausse que nous avons apprise: l’homme est « composé d’un corps et d’une âme », la mort étant la séparation de l’un et l’autre. Et l’on aboutit à des croyances bizarres comme par exemple « les âmes errantes »…Cette manière grecque de concevoir l’être humain est contraire à la pensée biblique : L’homme est UN. Quand le croyant de la Bible chante «  Bénis le Seigneur, ô mon âme » : cela veut dire ‘tout mon être’. C’est l’être humain tout entier qui meurt. L’enveloppe charnelle (que nous appelons « le corps ») n’est en fait qu’une chose appelée à disparaître et qui nous aide à nous souvenir. Mais dans le Christ, c’est l’être tout entier qui entre dans la vie et que le Christ ressuscitera.
Jésus nous indique le chemin : au moment de mourir, il dit à son Père : « Entre tes mains je remets mon esprit » dans l’abandon, la confiance, l’espérance. En retour de sa vie donnée, le Père lui donne sa vie de Dieu pour toujours : il le ressuscite. Il en va de même pour le chrétien qui remet « son esprit » (sa vie) au Père après l’avoir donnée par amour à ses frères.




Audience Générale du Mercredi 10 Décembre 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 10 Décembre 2015
 


 

Pourquoi un jubilé de la Miséricorde

Frères et sœurs, après avoir ouvert la Porte Sainte du Jubilé de la Miséricorde, je voudrais répondre à la question : pourquoi un jubilé de la Miséricorde ? Célébrer ce Jubilé c’est mettre au centre de notre vie personnelle et de nos communautés le contenu spécifique de la foi chrétienne. L’Année Sainte nous est offerte pour faire l’expérience dans notre vie du pardon de Dieu, de sa présence à nos côtés et de sa proximité quand nous en avons le plus besoin. C’est un moment privilégié où l’Eglise apprend à choisir ce qui plaît le plus à Dieu : pardonner à ses enfants, leur faire miséricorde pour qu’ils puissent à leur tour pardonner à leurs frères. Rien n’est plus important que de choisir ce qui plaît le plus à Dieu, sa miséricorde. Cela est urgent partout, dans la société, dans les institutions, dans le travail et aussi dans la famille. A la racine de l’oubli de la miséricorde, il y a toujours l’amour propre, la recherche exclusive de son propre intérêt, des honneurs, des richesses, souvent travestie en hypocrisie et en mondanité. Aussi est-il nécessaire de se reconnaître pécheurs pour renforcer en nous la certitude de la miséricorde divine.

Je suis heureux d’accueillir les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du diocèse de Rennes, accompagnés de leur Archevêque, Mgr D’Ornellas, ainsi que ceux venant de France, de Suisse, du Liban et du Gabon. Je souhaite qu’en cette Année Sainte, chacun de vous fasse l’expérience de la miséricorde de Dieu pour en être des témoins convaincus et efficaces. Que Dieu vous bénisse !

 

 




3ième Dimanche de l’Avent – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Jean BaptisteFrères et sœurs, qu’est-ce qu’un prophète ?
Au moment où nous nous avançons à la rencontre de l’Époux, en ce Jour du Seigneur, veille de la rencontre finale du Christ et de son Église, en ce temps de l’Avent, temps de l’attente, temps de la vigilance qui éveille nos cœurs à Noël, nous sommes invités à méditer sur la figure de celui qui fut « le plus grand des prophètes », Jean-Baptiste, et donc à nous demander ce qu’est un prophète. Nous avons quelques idées là-dessus. Si nous ne sommes pas très cultivés bibliquement, nous pensons à des gens qui avaient des extases ou des frémissements intérieurs et qui prononçaient quelques oracles qui avaient vaguement à voir avec l’avenir d’Israël. Si on a déjà un peu cheminé dans la découverte de la Parole de Dieu, on se rend compte que les prophètes ne sont pas des Nostradamus de l’Ancien Testament, mais des hommes qui voyaient la présence de Dieu au cœur des événements de la vie d’Israël. Je voudrais essayer de vous faire pressentir en quoi consistait la vocation de prophète.
Être prophète en Israël, c’était une véritable « vie de chien », c’était d’une certaine manière épouvantable. D’ailleurs une des figures prophétiques les plus typiques, Jérémie, s’est plaint amèrement de ce métier. Il a dit à Dieu : « Il aurait mieux valu que ma mère ne m’enfante pas, ou plutôt que je sois mort-né, et qu’on dise à ma mère, juste après l’accouchement : ton fils ne vit plus ». Vraiment la vie de prophète était « une chienne de vie ». Et pourquoi ? Je crois qu’il y avait deux raisons.
La première, c’est que la parole, le message que le prophète avait à annoncer ne lui appartenait pas. Par définition, les prophètes – et c’est pour cela qu’on pense qu’ils étaient inspirés – disaient une parole qui n’était pas la leur. Ce qu’ils proclamaient, ce n’était pas quelque chose qui venait d’eux-mêmes. À ce titre-là, c’est l’exact opposé de ce que nous pensons aujourd’hui sur les auteurs en littérature. Nous croyons que les auteurs sont des gens qui pensent par eux-mêmes, qui, par leur intelligence, leur imagination, ajustent de belles paroles, de beaux discours, de beaux mots et les enchaînent en phrases. Dans l’Ancien Testament c’est tout le contraire. Par définition, le prophète éprouve la Parole comme n’étant pas sienne. Et c’est ce qu’il faut comprendre quand Dieu parle à Jérémie : « Voici que je mets mes paroles dans ta bouche ! » Vous connaissez ce beau récit de la vocation d’Isaïe où l’ange prend sur l’autel de Dieu des charbons brûlants et vient en toucher les lèvres du prophète. Un prophète, c’est celui qui, dans son corps, dans son esprit, dans son cœur, dans sa bouche, est traversé par les brandons enflammés de la Parole de Dieu. Par conséquent il y a à la racine même de la vocation prophétique une sorte de désappropriation totale. C’est pour cela que lorsque Jérémie dit : « Ah, ah, je ne suis qu’un enfant », qu’il bégaie comme un enfant, « je ne sais pas parler », c’est une sorte de bégaiement, une sorte de balbutiement d’enfant. En réalité il a raison, parce qu’à partir du moment où il est saisi par la vocation prophétique, il perd littéralement la parole. Ce ne sera plus sa parole. Le prophète est littéralement prophète, « celui qui parle au nom de… » Sa parole n’est pas sienne. Et Dieu sait que c’est éprouvant pour un homme de ressentir, jour après jour, que sa parole n’est pas sienne. Au fond, cette activité de parole nous est si chère, nous l’aimons tellement, que le jour où la parole n’est plus nôtre, c’est une sorte de dépossession terrible, d’arrachement, d’ascèse.

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Or il y a une deuxième connotation de la vocation prophétique, c’est que cette parole n’est pas pour lui, pour le prophète. Deuxième arrachement. Si au moins on pouvait garder cette parole pour soi, si au moins on pouvait laisser la Parole de Dieu fructifier, se développer, se déployer comme un surgeon dans la terre qu’est le cœur du prophète. Mais généralement elle n’est pas faite pour cela. « Voici, je t’établis sur les royaumes pour arracher et détruire, pour bâtir et planter ! » Le prophète ne pourra rien garder de la Parole de Dieu qui lui est donnée. Deuxième dépossession. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il suscite une telle agressivité car lorsque le prophète arrive au milieu du peuple, ce dernier sent instinctivement que la Parole est pour lui, et que le prophète ne la garde pas pour lui mais délivre ce message. Le peuple n’a aucune envie d’entendre les paroles d’admonition, de pénitence, de conversion que Dieu lui adresse par la bouche du prophète. C’est pour cela qu’on reconnaissait instinctivement la parole du prophète. Elle venait d’ailleurs, pour l’interlocuteur. Il fallait recevoir en pleine figure ce message prophétique. C’est pour cela que, la plupart du temps, le plus simple était de « fermer le bouton de la radio » et de tuer le prophète. C’est pour cela que Jérusalem a tué les prophètes car elle savait trop bien à qui était destinée cette Parole et elle ne voulait plus l’entendre.
Ainsi donc le prophète est coincé entre le marteau et l’enclume, entre la Parole de Dieu qui s’impose à lui et sur laquelle il ne peut rien et d’autre part les destinataires à qui il adresse cette Parole comme s’il voulait s’en décharger ; et eux ne veulent pas la recevoir. Le prophète est pris comme une sorte de balle de ping-pong. Il est renvoyé sans cesse de Dieu au peuple et du peuple à Dieu. C’est une vie impossible.
Et pourtant il y a un jour où la parole prophétique a trouvé miraculeusement presque un instant, sa plénitude dans le cœur d’un homme. Et c’est pour cela que Jean-Baptiste est dit « le plus grand des prophètes » car au nom de tous les prophètes d’Israël, selon la même fonction, selon la même vocation, Jean-Baptiste, un jour, a reçu la Parole en chair et en os. Il l’a vue et il a simplement dit : « Voici l’Agneau de Dieu ! » A ce moment-là, effectivement, il n’était que la voix, il n’était que le support, que le vecteur. Ce jour-là, la Parole se présentait elle-même sur les bords du Jourdain, dans une sorte d’extériorité et cependant dans une infinie proximité, une intimité infinie. Jean-Baptiste était bien prophète mais, ce jour-là, son geste prophétique était une sorte de cri d’émerveillement. Le simple geste de montrer : « Voici ! », un peu comme sur le retable d’Issenheim avec ce doigt mystérieusement courbé, incliné, qui montre l’Agneau de Dieu cloué sur la croix.

baptême-de-Jésus-JourdainCe jour-là, Jean-Baptiste recevait la Parole en personne. Totalement dépossédé de lui-même, il n’avait plus qu’à être la voix qui sert de support au Verbe de Dieu, le doigt qui le montre au peuple. Et en même temps Jean-Baptiste présentait cette Parole au peuple et mystérieusement voyait les épousailles de cette Parole avec les destinataires, le peuple tout entier, l’Épouse. C’est à ce moment-là que, pour ainsi dire, Jean-Baptiste a « le souffle coupé ». La voix ne crie même plus et elle entend, simplement, la joie de la rencontre. Alors que la plupart des prophètes de l’Ancien Testament avaient vécu le mystère de leur vocation prophétique comme cette espèce de déchirement, d’écrasement entre le mystère d’un Dieu qui appelle et un peuple qui ne veut pas accueillir cette Parole, mystérieusement Jean-Baptiste a eu cette grâce inouïe, à la fois de voir la Parole venir en personne à la rencontre du peuple, et l’Épouse en la personne de quelques disciples accueillir cette Parole.
Vous comprenez pourquoi Jean-Baptiste disait à ce moment-là : « Il faut que Lui grandisse et que moi je diminue ! » C’était effectivement l’achèvement de la vocation prophétique. Après Jean-Baptiste, il ne pouvait plus y avoir de prophètes au sens des prophètes de l’Ancien Testament. Avec Jean-Baptiste, par son ministère, par le simple geste d’avoir montré le Verbe fait chair, la rencontre s’était opérée en plénitude. La joie de Jean-Baptiste est encore la nôtre. Car nous aussi nous sommes mystérieusement des prophètes à la manière de Jean-Baptiste. Que ce soit vis-à-vis de nous-mêmes comme auditeurs de la Parole de Dieu, que ce soit vis-à-vis de nos frères à qui nous annonçons cette Parole de Dieu, nous sommes toujours comme Jean-Baptiste, ceux qui disent simplement : « Il est là ! » et qui, ensuite, le laissent parler, laissent la présence de la Parole s’effectuer au cœur de tout homme et d’abord à l’intime de notre propre cœur. Nous sommes alors ceux qui écoutent la voix de l’Époux accueillant l’Épouse dans son intimité et qui se réjouissent simplement de ce que le salut est donné en la personne de Jésus. AMEN.