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Rencontre autour de l’Évangile – 2ième Dimanche de l’Avent

 » Préparez le chemin du Seigneur… « 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Lc 3, 1-6)

Le deuxième dimanche de l’Avent nous ramène au début de l’Évangile de Luc, juste après les premiers chapitres qui forment un bloc spécial et qu’on appelle « l’Évangile de l’Enfance ». L’Évangile proprement dit débute avec le ministère de Jean Baptiste.

Regardons-réfléchissons-méditons

Faire lire lentement le texte
L’an quinze du règne de l’empereur Tibère… : Quelle est l’importance de cette indication de date et des noms de ces personnages de l’histoire politique et religieuse ?

La parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean :
Qui est ce Jean dont parle l’évangéliste Luc ? Quelle est sa vocation ?

Un baptême de conversion : Comment se passait le baptême donné par Jean ?

Et que signifie ici le mot « conversion ».

Pour le pardon des péchés : Jusqu’à présent, dans la tradition du peuple juif, qu’est-ce qu’il fallait faire pour obtenir le pardon des péchés ?

Le prophète Isaïe : Qui est ce grand prophète ? Quel a été son rôle pour la venue du Messie ?

Préparez le chemin du Seigneur : Quel changement Jean réclame à tous ceux qui viennent vers lui ?

Ravin comblé…Montagne et colline, abaissées…passages tortueux redressés …routes déformées aplanies : A quoi nous font penser toutes ces images ?

Tout homme verra le salut de Dieu :  Pour qui sera le salut apporté par le Messie qui vient ?

 


Pour l’animateur

Luc prend soin de montrer Jean dans son rôle de prophète de façon solennelle : il l’inscrit dans l’histoire du pays d’Israël, en nommant les personnages du pouvoir politique et du pouvoir religieux en vigueur en Palestine ; ces indications permettront aux destinataires de l’évangile de vérifier que l’enseignement qui sera donné, ne repose pas sur des fables, mais porte sur des événements réels qui se sont produits à une époque connue.

Jean est le fils de Zacharie et d’Élisabeth. Sa vocation est semblable à celle des prophètes. Il porte la parole que Dieu lui a adressée. C’est un prophète itinérant ; il va pourtant voir les foules venir vers lui : en fait le changement de mœurs qu’il prêche et le baptême qu’il donne correspondent à l’attente du peuple.

Il pratiquait le baptême en plongeant les gens dans l’eau du Jourdain : en même temps qu’il leur demandait de se décider pour Dieu, il leur annonçait que Celui qui vient était prêt à effacer leurs péchés, par la simple plongée dans les eaux vives du Jourdain. Jusque-là, pour le pardon des péchés, il fallait offrir des sacrifices dans le Temple.
Le ministère de Jean accomplit celui d’Isaïe, le grand prophète des temps messianiques, qui a annoncé la « Consolation d’Israël », c’est à dire le Sauveur qu’attendaient les hommes pieux (comme Siméon).

Préparez le chemin du Seigneur : c’est le nécessaire changement de mentalité pour accueillir le salut. Pour décrire cette transformation, Jean Baptiste reprend les images d’un gigantesque chantier (utilisés par Isaïe) tel que celui que l’on voit quand ont construit une grande route

« Tout homme verra le salut de Dieu » : Luc annonce que le message de salut s’adressera à tous les hommes, afin de les sauver tous.


TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, ta venue a été préparée par le prophète Jean Baptiste. Aujourd’hui encore tu as besoin de beaucoup de « prophètes » nourris de la Parole de Dieu pour ouvrir devant toi des chemins. Donne-nous de tracer de nouvelles routes pour que ton Évangile arrive jusqu’à nos frères et sœurs d’aujourd’hui et transforme leur cœur, qu’ils puissent voir le salut que tu apportes.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

La Parole aujourd’hui dans notre vie
Quelle est la bonne nouvelle de ce passage d’évangile ?
Quel visage de Dieu nous est révélé ?
Dieu veut que tous les hommes soient sauvés : voilà la Bonne Nouvelle. Cet évangile nous révèle un Dieu patient et miséricordieux, qui en même temps n’accepte pas tout ce qui défigure son image qui est en nous. Par Jean Baptiste, il nous dit : “ Convertissez-vous ” ,“ préparez les chemins du Seigneur ”
Ces appels veulent dire la même chose : Comment y répondre concrètement, aujourd’hui, dans notre vie de tous les jours ?
Il peut arriver que nous nous disons « chrétiens », alors que dans la vie nous acceptons des complicités avec le mal, des “ la di la fé ”, des mensonges, avec des injustices, avec des comportements contraires à l’Évangile de Jésus et des désordres indignes des disciples de Jésus.
Qu’avons-nous fait de notre baptême ?
En quoi le fait de porter le nom du Christ (chrétien) a changé quelque chose dans notre vie ?
Acceptons-nous que Jésus, par son Évangile et son Église, aie un droit de regard sur notre vie, non pour nous condamner, mais pour nous inviter à nous “ convertir ” quand il y a eu des dérapages ?
De nos jours bien des obstacles s’opposent encore à la marche de l’Évangile : déviations de notre foi, des fossés d’incompréhension entre les hommes, des montagnes d’indifférence, d’égoïsme…et quoi encore ?

ENSEMBLE PRIONS
Seigneur Jésus, prépare toi-même dans le désert de notre cœur le chemin de ta venue.
Les collines de notre orgueil, abaisse-les par ton humilité.
Les vallées du désespoir, comble-les par ton espérance.
Les chemins tortueux de nos mensonges, redresse-les par ta vérité.

Chant : Jean-Baptiste p. 159 (carnet des paroisses)- Notre Père…

 

 

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La Jérusalem Céleste, mystère d’Amour entre Dieu et les hommes (Ap 21,1-8)

            Lisons tout d’abord Ap 21,1-4 : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. (2) Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. (3) Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. (4) Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. »

 

L’appel à la conversion 

            St Jean fait ici allusion au prophète Isaïe (65,17) : « Oui, voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle »…

            Le contexte est celui d’un peuple pécheur, infidèle à Dieu… « Je me suis laissé approcher par qui ne me demandait rien, je me suis laissé trouver par ceux qui ne me cherchaient pas. J’ai dit : « Me voici ! Me voici ! » à une nation qui n’invoquait pas mon nom. (2) J’ai tendu les mains, tout le jour, vers un peuple rebelle, vers ceux qui suivent le mauvais chemin, entraînés par leurs pensées. (3) Ce peuple m’offense, ouvertement, sans cesse : ils sacrifient dans les jardins, brûlent de l’encens sur des briques, (4) ils habitent dans les tombeaux, passent la nuit dans des cachettes, ils mangent de la viande de porc, avec des sauces impures dans leurs plats » (Is 65,1‑4). Et à propos de cette dernière précision, la Bible de Jérusalem explique en note : « Il s’agit de rites païens qui se pratiquèrent en secret à Jérusalem pendant l’Exil à Babylone (587 – 538 av JC), et que la communauté eut à combattre à son retour ».

            dieu_amourEt un peu plus loin, Isaïe écrit : « J’ai appelé, et vous n’avez pas répondu, j’ai parlé, et vous n’avez pas écouté ; vous avez fait ce qui est mal à mes yeux, et vous avez choisi ce qui me déplaît » (Is 65,12).

            Cette notion de choix renvoie à la nécessaire décision des hommes vis-à-vis de leur Créateur et Père, ces hommes qu’il a voulu libres. Il les a tous « créés à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27). Il les aime tous, car Il Est Amour (1Jn 4,8.16), et il les a tous créés par Amour pour les combler de son Amour : « Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24).

            Mais qui dit Amour dit Liberté… L’Amour ne peut contraindre l’autre à se laisser aimer, à aimer… L’Amour ne peut que venir à la rencontre de l’être aimé, se proposer et attendre sa réponse, espérer son « oui »… « J’ai dit : « Me voici ! Me voici ! » à une nation qui n’invoquait pas mon nom. (2) J’ai tendu les mains, tout le jour, vers un peuple rebelle »… « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20). Et si la porte ne s’ouvre pas, il restera là, à attendre… C’est pourquoi celui qui le cherche de tout cœur, et décide enfin de lui ouvrir la porte de son cœur et de sa vie, ne peut que le trouver… Il est déjà là ! « La Sagesse est brillante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse facilement contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première. Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner : il la trouvera assise à sa porte » (Sg 6,12-14)…

            Dieu est là, présent, à la porte de chacun d’entre nous, et il frappe… Quel sera notre choix ? Nous savons que si nous décidons de lui ouvrir, cela suppose au même moment que nous nous détournions de tout ce qui lui est contraire, et qui peut néanmoins, nous apporter une satisfaction temporaire, mensongère, illusoire… Il n’est pas facile à un pécheur d’y renoncer, et Jésus le sait bien… Mais tel est « le » renoncement qu’il attend de nous, un renoncement possible si nous « luttons » avec Lui, avec le secours de sa grâce, de son soutien… « Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent… Luttez donc pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas » (Mt 7,13-14 ; Lc 13,24).

chemin-croix

 

            Ce « bon choix », Dieu Lui-même nous encourage à le faire :

LES DEUX VOIES (Dt 30,15-20)

Introduction : 

Vois, je te propose            aujourd’hui        (1)           vie et bonheur,

                                                                       (2)          mort et malheur.

(1) La voie de la vie et du bonheur : la relation à Dieu 

(16)   (a) Ecouter la Loi de Dieu 

                       Si tu écoutes les commandements du Seigneur ton Dieu

                                                                                      que je te prescris aujourd’hui,

         (b) aimer Dieu 

                      et que tu aimes le Seigneur ton Dieu,

         (c) Mettre en pratique sa Parole 

                      que tu marches dans ses voies,

          (d) Rester fidèle dans le temps 

                      que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes,

 

Conséquences : – Accomplissement des Promesses de l’Alliance – 

                                                     vie, prospérité du Peuple, bénédiction sur la terre promise 

                       (1) – tu vivras

                       (2) – et tu multiplieras, (Gn 12,1-3 ; 13,16 ; 15,5 ; 18,18 ; 22,17 ; 26,4 ; 28,3.14…)

                       (3) – Le Seigneur ton Dieu te bénira (Gn 12,1-3 ; 17,16 ; 22,17-18  25,11 ; 26,3-4…)

                       (4) –     dans le pays où tu entres pour en prendre possession.

                                                          (Gn 12,1.5-7 ; 13,15.17 ; 15,7.18 ; 17,8 ; 26,3.24…)

 

(2) La voie de la mort et du malheur : l’abandon de Dieu… 

(17)        (a) Se détourner de cœur 

                     Mais si ton cœur se détourne,

            (b) Ne pas écouter 

                     si tu n’écoutes point

            (c) Mal agir en servant les idoles 

                     et si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir,

                

 Conséquences : mort, sur la terre que Dieu donne, fidèle malgré tout à son Alliance

                                                                                             et à ses promesses. 

(18)        je vous déclare aujourd’hui

(1) – que vous périrez certainement et que vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre où vous pénétrerez pour en prendre possession en passant le Jourdain.

          

 Conclusion : appel de Dieu à choisir la vie !

 

(19)        Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre :

   Liberté de l’homme 

            je te propose       (1) la vie                               ou           (2) la mort,                         

                                          (1) la bénédiction             ou           (2) la malédiction.

    Appel de Dieu à choisir la vie ! 

Choisis donc      (1) la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez,             

(20)        (b’)         aimer Dieu                aimant le Seigneur ton Dieu,

(a’)                       écouter sa voix         écoutant sa voix,

(d’)                       rester fidèle               t’attachant à lui ;

car là est ta vie (1)ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre que le Seigneur a juré   à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner.

 

aimer c'est tout donner

            « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et « aimer, c’est tout donner et se donner soi‑même » (Ste Thérèse de Lisieux). C’est ainsi que « le Père aime le Fils et il a tout donné dans sa main » (Jn 3,35) de telle sorte que « tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15). Le Père est Dieu ? Le Fils est Dieu né de Dieu. Le Père est Lumière ? Le Fils est Lumière née de la Lumière. Le Père a la vie en lui-même ? « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui‑même » (Jn 5,26). Et le Fils « demeure en son amour » (Jn 15,10), « tourné de tout cœur vers le sein du Père » (Jn 1,18), accueillant ce « Don de Dieu », ce Don de l’Eau Vive de l’Esprit (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), que le Père ne cesse de lui faire, l’engendrant ainsi en Fils de même nature que le Père…

            Or, nous dit St Paul, nous sommes tous appelés, dans notre condition de créatures, à « reproduire l’image du Fils afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,29). Choisir librement de se tourner de tout cœur vers le Père, avec Lui et grâce à son soutien, sera au même moment recevoir avec Lui ce qu’il reçoit du Père depuis toujours et pour toujours : sa Bénédiction qui est Vie ! Dans son Amour, le Père ne sait que bénir, et en bénissant, il donne la vie, la Plénitude de la vie… Et il est le premier à se réjouir du bonheur qui en résulte pour ses enfants… Se détourner de cœur de cette source équivaudrait, pour notre malheur et la tristesse de Dieu, à nous « priver » (Rm 3,23) de cette Vie, ce que les textes bibliques évoquent en terne de « mort » : « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Et puisque ce Don est tout en même temps sa bénédiction, s’en priver, c’est ce que le Livre du Deutéronome appelle « la malédiction ». En soi, elle n’est rien sinon une privation de bénédiction, tout comme la mort est une absence de vie…

            Et Dieu dans son Amour nous presse de faire le bon choix : celui de la bénédiction, et avec elle, celui de la Plénitude de la Vie. « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez ! » Il suffit de se tourner de tout cœur vers Lui, de s’ouvrir à Lui, de se laisser aimer, combler, remplir, comme un petit enfant qui reçoit dans les bras de sa mère la meilleure nourriture qui soit, pour sa vie, une vie qui fera tout le bonheur de ses parents…

Accueillir librement le Don de l’Esprit par lequel Dieu fait toutes choses nouvelles. 

      croix glorieuse     

De cette réponse libre et consciente à l’Amour de Dieu, de ce choix de Dieu de tout cœur, naîtra, par le Don de l’Esprit Saint, cet Esprit qui est vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25), « un cœur nouveau », « un esprit nouveau », « un homme nouveau », « une créature nouvelle » :

            « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes » (Ez 36,25-27). « Le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération » (nouvelle naissance) « et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l’héritage de la vie éternelle » (Tt 3,4-7). « Le Christ Jésus a voulu créer en sa personne un seul Homme nouveau et faire la paix » (Ep 2,15). « Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ » (2Co 5,17-18). 

            « Il nous a donné de son Esprit » (1Th 4,8) : c’est fait… « L’être ancien a disparu, un être nouveau est là »… Le dernier verbe est au présent… Le Don de Dieu est donc pour l’aujourd’hui de notre foi, un trésor à accueillir au plus profond de nous‑mêmes alors même que tout notre être est encore marqué par ses blessures, ses échardes, ses fragilités, ses faiblesses (2Co 12,7-10). Nous portons ce « trésor » de l’Esprit dans « des vases d’argile » (2Co 4,7), écrit St Paul, en faisant allusion au second récit de la création où l’homme apparaît comme un être vivant une fois que Dieu eut soufflé son haleine de vie, le souffle de l’Esprit, dans la statue de glaise, d’argile, qu’il avait préalablement façonnée (Gn 2,4b-7).

souffle de l'Esprit Saint

            « Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle »… Certes l’Apocalypse nous invite à contempler l’au-delà de cette vie, un au-delà que nous ne découvrirons vraiment que le jour où nous y arriverons. Mais son germe habite déjà notre humanité blessée, ‘ancienne’… Au jour de la Pentecôte, l’Eglise est remplie de l’Esprit Saint (Ac 2,4), l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), « l’Esprit de gloire,  l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). D’où cette affirmation de St Jean : « Les ténèbres s’en vont », mais elles sont toujours là, « et que la véritable lumière brille déjà », mais pas encore pleinement (1Jn 2,8). Il n’empêche, par « le Don gratuit » (Rm 6,23) du « Père des Miséricordes » (2Co 1,3), « le Père des Lumières » (Jc 1,17), la véritable Lumière habite déjà notre humanité blessée, la Paix du Christ commence à régner sur toutes nos tempêtes, la création nouvelle commence à émerger de notre chaos. Qu’allons‑nous donc regarder ? Le mal qui nous habite, toutes nos imperfections, au risque de perdre cœur ? Ou cette divine Présence qui ne nous fait jamais défaut et se donne, imperturbablement fidèle, Don gratuit de l’Amour, trésor immérité, et cela au cœur même de tous nos combats et de toutes nos défaillances ?

            Nous l’avons vu : « le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23), une mort à comprendre en termes d’absence de Plénitude de Vie. Le pécheur, alors même qu’il agit mal, est bien vivant ! Et Jésus s’adresse tout particulièrement à ces « morts vivants » que nous sommes tous, pour nous permettre de trouver avec Lui cette Plénitude de Vie dont nous étions privés par suite de nos fautes : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (Jn 5,25). Or, le thème de la voix en St Jean renvoie à celui de l’Esprit Saint, qui joint toujours sa voix à celle de Jésus pour lui rendre témoignage : « Le vent (ou l’Esprit, pneuma en grec) souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit… Et cet Esprit de vérité qui vient du Père me rendra témoignage… Oui, c’est l’Esprit qui rend témoignage. Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui. Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est dans son Fils. Qui a le Fils, par le oui de sa foi, a la vie » (Jn 3,8 ; 15,26 ; 1Jn 5,5-13). C’est ainsi qu’en lui ayant ouvert son cœur, St Pierre accueillait tout à la fois la Parole de Jésus prononcée par la bouche de chair du « Verbe fait chair » (Jn 1,14), et la voix de l’Esprit qui se joint toujours à elle et qui est « vie » dans les cœurs. Il pouvait alors dire à Jésus : « Tu as les Paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68). Faisons donc attention à ce qu’il nous est donné de vivre au moment où nous lisons ou écoutons la Parole de Dieu…

victoire

            Ce ciel nouveau et cette terre nouvelle promise aux pécheurs par le Père des Miséricordes sera donc « Vie » là où régnait « la mort », « Lumière » là où régnaient « les ténèbres », « Paix » là où il n’y avait que tourments… Cette réalité commence dès maintenant, par le oui de notre foi et dans la foi, et elle fait déjà ici-bas notre bonheur, notre vraie joie… Mais nous attendons toujours son plein accomplissement dans cet au-delà de notre mort qui sera pleinement Vie, Joie, Paix… E c’est bien ce qu’écrit ici St Jean : « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Ainsi est Dieu… Face à la douleur de son enfant, il n’a qu’une réaction : consolation ! A Moïse, il avait révélé son Nom : « Je Suis Celui qui Est » (Ex 3,14 ; littéralement : Je Suis l’Etant). Avec Isaïe, il le précise : « Je Suis, Je Suis Celui qui te console (Is 51,12 ; littéralement : Je Suis Je Suis le Consolant toi). Autrement dit, « le Père des Miséricordes », en tout son Être n’est que Consolation, Compassion, Réconfort… L’homme est-il responsable de sa souffrance par le mal qu’il commet, puisque « souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9) ? Dieu Père se fera proche, une Présence de Consolation, à laquelle se joindra tout en même temps un pressant appel à « cesser de faire ce mal » (Is 1,16) qui fait d’abord du mal à celui qui le commet !

            Nous sommes ici au cœur de l’Evangile, déjà si bien résumé en Ap 7,13-17. Souvenons-nous : « « Ces gens vêtus de robes blanches » (la plus belle robe de la Maison du Père, la robe du Père même, celle qui est donnée au fils prodigue qui accepte de revenir au Père en se repentant de tout cœur (Lc 15,22) !) « viennent de la grande épreuve », l’épreuve de cette vie sur la terre ; « ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau » : ils ont lavé leur cœur, et purifié leur vie en accueillant par le oui de leur foi « le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28). « C’est pourquoi ils sont devant letrône de Dieu », car c’est par la grâce qu’ils sont sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas d’eux, il est un Don de Dieu (Ep 2,4-10) ; « et ils le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux » : ce n’est donc pas l’homme qui va habiter chez Dieu, c’est Dieu qui vient habiter chez l’homme, dans son cœur, dans sa vie, par le Don de l’Esprit ! C’est la même logique que celle de l’Incarnation. Avec le Fils et par le Fils, Dieu vient « dresser sa tente » au milieu des hommes (Jn 1,14) ! Et Jésus déclare encore à ses disciples, juste avant sa Passion, pour évoquer tout ce temps qui suivra sa mort et sa résurrection, et donc notre temps, aujourd’hui, maintenant : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14,23). Là encore, même logique : ce n’est pas nous qui allons à Dieu, c’est Lui qui vient à nous et agit pour nous, en serviteur de notre vie, de notre Plénitude, de notre Joie, en nous donnant l’Esprit qui nous unit à Lui. Allons-nous le laisser faire ? En pensant à Ste Thérèse de Lisieux, on pourrait dire : « C’est par la confiance et rien que la confiance que l’on accueille l’Amour ! »

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Par l’accueil du Don de l’Esprit, devenir fils à l’image du Fils 

            Et si tel est le cas, alors, poursuit St Jean dans l’Apocalypse : « Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif », ils seront comblés, comme l’affirme aussi Jésus en Jn 6,35 : « Je Suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif ».

            « Ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » Toute la mission de l’Agneau, le Fils, vrai Dieu puisque « au milieu du Trône » de Dieu, est ici résumée par « nous conduire aux sources des eaux de la vie », c’est-à-dire au Père qui est pour lui, le Fils Unique « engendré non pas créé », la source éternelle du Mystère de son Être ! Souvenons‑nous : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même » (Jn 5,26). Et le Père lui donne d’avoir la vie en lui‑même en l’engendrant en Fils, « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Autrement dit, le Père est Dieu ? Il donne au Fils tout ce qu’il est, tout ce qui fait qu’il est Dieu, et le Fils est Dieu né de Dieu. Le Père est Lumière ? Il donne au Fils tout ce qu’il est, tout ce qui fait qu’il est Lumière, et le Fils est Lumière née de la Lumière. Mais si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « Dieu est aussi Esprit » (Jn 4,24). Lui donner toute sa Lumière, c’est lui donner tout son Esprit, et c’est ainsi qu’il engendre le Fils, qu’il lui donne d’avoir aussi la vie en lui-même… Donner l’Esprit, c’est donner la vie. L’Esprit est vie… « Si tu savais le Don de Dieu », dit Jésus à la Samaritaine… Lui, il le connaît, ce Don est toute sa vie !

            Le Fils nous conduit donc au Père, « la Source des eaux de la vie » pour que nous puissions aussi en être abreuvés nous aussi, et recevoir ainsi avec le Fils ce que le Fils reçoit de toute éternité du Père, « l’Eau Vive de l’Esprit » (Jn 4,10-14 ; 7,37‑39), cette réalité qui l’engendre à la vie, qui fait de lui qu’il est ce qu’il est, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu… Et c’est cela même que nous sommes invités à recevoir selon notre condition de créature… Nous vivrons alors en personne humaine créée ce que le Fils vit de toute éternité, en Personne divine engendrée non pas créée ! Notre vocation à « reproduire l’image du Fils afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » sera pleinement accomplie ! En accueillant le Don de Dieu, en nous laissant remplir par l’Esprit Saint (Ac 2,4), « Dieu sera alors tout en tous » (1Co 15,28) !

 

Dieu triomphe de tout mal par l’Esprit 

 

 117          Or « Dieu est Lumière, en lui point de ténèbres » (1Jn 1,5). Si vraiment « Dieu est tout en tous », alors, il n’y aura plus de ténèbres, plus de mal… L’Apocalypse nous laisse d’ailleurs pressentir la disparition totale du mal : « le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus ». Or la mer dans la Bible symbolise souvent les puissances du mal, comme l’explique en note la Bible de Jérusalem : « La mer, habitat du Dragon et symbole du mal disparaîtra »… Et ce sera toujours le fruit du Don de l’Esprit, donné gratuitement, et accueilli avec reconnaissance… « Dieu est Esprit »  (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « et la Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Par sa simple Présence, la Lumière de l’Esprit chasse les ténèbres de nos cœurs et de nos vies (1Jn 2,8), le silence et la paix de l’Esprit se proposent de régner sur le tumulte du mal : « « Silence ! Tais-toi ! » Et le vent tomba et il se fit un grand calme ». « Que la paix du Christ règne dans vos cœurs » (Mc 4,39 ; Col 3,15), un mystère à accueillir instant après instant… D’où le « veillez et priez » si souvent rappelé de Jésus (Mc 13,33-37 ; 14,34.38 ; Lc 21,36 ; Ep 6,18)…

 

La Jérusalem céleste, accomplissement de l’Alliance entre Dieu et les hommes

 

            « Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. » Cette « Jérusalem nouvelle » renvoie donc à l’humanité renouvelée par le Don de Dieu. Elle descend du ciel comme le Don de l’Esprit Saint avec lequel et par lequel Dieu fait toutes choses nouvelles… Elle est donc elle aussi tout entière le fruit du Don de Dieu !

  Communion des saints avec le Christ          « Elle s’est faite belle »… On pourrait aussi traduire : « elle a été préparée », de telle sorte qu’elle est « prête » (Osty). Cette forme passive renvoie alors à Dieu comme le premier à avoir agi pour qu’il en soit ainsi… Tel est par exemple le point de vue d’Ezéchiel lorsqu’il nous présente l’histoire d’Israël en prenant l’image d’une jeune femme arrivée à « l’âge des amours » (Ez 16,8-14) : « Je me suis engagé envers toi par serment, je suis entré en alliance avec toi – oracle du Seigneur Dieu – et tu as été à moi. Je t’ai plongée dans l’eau, je t’ai nettoyée de ton sang, je t’ai parfumée avec de l’huile. Je t’ai revêtue d’habits chamarrés, je t’ai chaussée de souliers en cuir fin, je t’ai donné une ceinture de lin précieux, je t’ai couverte de soie. Je t’ai parée de joyaux : des bracelets à tes poignets, un collier à ton cou, un anneau à ton nez, des boucles à tes oreilles, et sur ta tête un diadème magnifique. Tu étais parée d’or et d’argent, vêtue de lin précieux, de soie et d’étoffes chamarrées. La fleur de farine, le miel et l’huile étaient ta nourriture. Tu devins de plus en plus belle et digne de la royauté. Ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté, car elle était parfaite, grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue. »

 

 pentecote 2           Nous retrouvons ici tous les éléments des relations de Dieu avec les hommes pécheurs : son alliance éternelle avec l’humanité tout entière (Gn 9,8-17) et donc avec Israël appelé à être serviteur de cette alliance pour « toutes les familles de le terre » (Gn 12,1-4 ; 15 ; 17) ; sa Miséricorde inlassable qui ne cesse de laver, nettoyer, purifier ce qui doit l’être (Ez 36,25) ; son Amour qui se donne pour parer de sa Beauté même l’être aimé… « Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière ! » (Ps 104(103),1-2). Et Ezéchiel écrit ici : « Tu devins de plus en plus belle et digne de la royauté… grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue »… Pensons à la plus belle robe de la Maison du Père donnée au fils prodigue. Nous retrouvons ces éléments avec Isaïe (Is 61,10-62,5) et un vocabulaire de salut, de justice où transparaît la gratuité de l’Amour de Dieu à notre égard : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtue des vêtements du salut, il m’a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux… Les nations verront ta justice ; tous les rois verront ta gloire… Tu seras une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu ».

Saint Jean         L’image des noces entre Dieu et les hommes apparaît également dans ce dernier texte, comme dans notre verset de l’Apocalypse : « prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari ». Un des textes les plus anciens où apparaît cette image est celui d’Osée 2 ; citons juste Os 2,21-22 : « Je ferai de toi mon épouse pour toujours, je ferai de toi mon épouse dans la justice et le droit, dans la fidélité et la tendresse ; je ferai de toi mon épouse dans la loyauté, et tu connaîtras le Seigneur ». Le chiffre trois dans la Bible symbolise souvent Dieu en tant qu’il agit. Ce triple « je ferai » nous situe donc, par excellence, dans le cadre de l’action de Dieu à notre égard. Ce sera vraiment Lui qui « fera que »… ce qui suppose de notre côté un abandon actif entre ses mains. En hébreu, la langue de l’Ancien Testament, nous avons le verbe « fiancer dans… », et ce qui suit la préposition « dans » décrit habituellement la dot que le fiancé offre à sa fiancée. Dans ce Mystère d’Amour et de Noce, qu’offrira donc le Seigneur à son épouse souffrante, blessée, malade ? Son injustice accueillera « la justice et le droit », et grâce à ce Don, elle sera juste… Son infidélité chronique accueillera « la fidélité », et grâce à ce Don, elle pourra enfin être fidèle… La dureté de son cœur de pierre (Ez 36,26) accueillera « la tendresse », et grâce à ce Don elle deviendra plus humaine, avec un cœur de chair… Elle était prisonnière du mensonge, elle se cachait dans les ténèbres ? Elle recevra le Don de « la loyauté » qui l’aidera à faire la vérité sur sa condition blessée, et à tout abandonner entre les mains de son cher médecin (Lc 5,31-32) : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. »

            Et « pouvoir se convertir » est encore un Don à recevoir du Seigneur : « Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, pour que ce peuple sache que c’est toi, Seigneur, qui es Dieu et qui convertis leur cœur ! » (1R 18,37). « C’est lui, le Christ, que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés… Et même aux nations païennes, Dieu a donné la conversion qui fait entrer dans la vie ! » (Ac 5,31 ; 11,18).

 Dieu-Amour

            Jésus reprendra ce contexte des Noces pour accomplir son premier signe dans l’Evangile selon St Jean, lors des Noces de Cana, un nom qui en hébreu signifie « jaloux » : « Le Seigneur a pour nom Jaloux : c’est un Dieu jaloux ». Oui, dit-il, « je suis jaloux envers Jérusalem d’une grande jalousie ». Nous ne sommes pas loin de « Dieu est Amour ! » (Ex 34,14 ; Za 1,14 ; 1Jn 4,8.16). Dans ce contexte d’amour, Jésus donnera « le bon vin », signe du Don de l’Esprit Saint avec lequel et par lequel Dieu vient sceller son Alliance avec les hommes. Toutes les prophéties sont donc accomplies, puisque « le fruit » de « l’Esprit qui sanctifie » (Th 2,13) est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité (cf. Os 2,22), douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22-23), « bonté, justice (cf. Os 2,21) et vérité » (Ep 5,9 avec Jn 4,24 et 1Jn 1,5 ; cf.  1Co 1,30 ; 6,11)…

 

            Ainsi est « la Jérusalem Nouvelle », car renouvelée par le Don de l’Esprit avec lequel et par lequel, pourrait-elle dire, « le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains ! » (Ps 138(137),8). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23) ? « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22) en leur donnant « l’Esprit de gloire » (1P 4,14), l’Esprit de Lumière et de Beauté. Tel est, tout en même temps, « le vêtement du salut », un salut qui est « comme une torche allumée », Lumière et « gloire », « diadème », « turban royal », « couronne de splendeur » (Is 61,10-62,5)… « Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure. Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. Car le lin, ce sont les actions justes des saints » (Ap 19,7-8), qui sont les fruits de l’Esprit Saint (Ez 36,27 ; Ep 2,4-10)…

 

La formule de l’Alliance : « Ils seront son Peuple et Lui sera leur Dieu ».

 

            Nous ne pouvons que le constater : les premiers versets de ce chapitre 21 du Livre de l’Apocalypse récapitulent le projet de Dieu sur l’humanité par les thèmes de la Création nouvelle et des Noces entre Dieu et les hommes, le tout réalisé par le Don de l’Esprit Saint. Cette image des Noces est très présente dans la Bible pour évoquer l’Alliance entre Dieu et les hommes, une Alliance éternelle qui existe, du côté de Dieu, depuis que l’homme existe (Gn 9,8-17), et qui n’attend que l’assentiment de l’homme pour sa pleine réalisation.

            Pour évoquer cette Alliance, les auteurs bibliques ont aussi utilisé les formules qui étaient habituellement en usage dans les cérémonies des mariages à leur époque. « Je suis ton mari » déclarait le fiancé à sa fiancée. « Je suis ta femme » disait la fiancée à son fiancé. C’est ainsi que, dans le cadre de l’Alliance, Dieu dit à son peuple : « Je suis ton Dieu. » Et son peuple lui répond : « Nous sommes ton peuple ». C’est ainsi que le premier signe que Jésus accomplit dans l’Evangile selon St Jean à l’occasion des Noces de Cana (Jn 2,1-12) n’est rien de moins que le signe de l’Alliance Nouvelle et Eternelle qu’il est venu proposer à tout homme. Dans le cadre de cette Alliance, Dieu donne gratuitement « le bon vin » de l’Esprit Saint qui apporte avec Lui une Plénitude de Vie et de Joie, les arrhes de cette pleine « communion dans l’Esprit » (2Co 13,13 ; Ep 4,3) à laquelle Dieu appelle toute l’humanité…

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            Regardons quelques exemples de l’utilisation de cette formule de l’Alliance dans la Bible. Le Livre du Deutéronome s’inspire très fortement de ces célébrations de mariage faites à l’époque, avec une double « déclaration » (Dt 26,17-19) :

            « Aujourd’hui tu as obtenu du Seigneur cette déclaration : lui sera ton Dieu ; toi, tu suivras ses chemins, tu garderas ses décrets, ses commandements et ses ordonnances, tu écouteras sa voix.

            Aujourd’hui le Seigneur a obtenu de toi cette déclaration : tu seras son peuple, son domaine particulier, comme il te l’a dit, tu devras garder tous ses commandements.

            Il te fera dépasser en prestige, renommée et gloire toutes les nations qu’il a faites, et tu seras un peuple consacré au Seigneur ton Dieu, comme il l’a dit. »

            Les textes bibliques vont alors employer souvent des formules semblables à celle que nous avons ici : « Ils seront son peuple, et lui sera leur Dieu » (Ap 21,3). Elles traversent quasiment toute la Bible… Nous pouvons prendre le temps d’en lire et d’en relire quelques unes. Avec elles ne peut que grandir cette certitude que tout vient de Dieu, tout est Don de Dieu, jusqu’à notre conversion même…

 Fleurs...

            « Je vous prendrai pour mon peuple et je serai votre Dieu. Et vous saurez que je suis le Seigneur, votre Dieu, qui vous aura soustraits aux corvées des Égyptiens » (Ex 6,7). « Je vivrai au milieu de vous, je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Lv 26,12). « Tu as établi ton peuple Israël pour qu’il soit à jamais ton peuple, et toi, Seigneur, tu es devenu leur Dieu » (2Sm 16,24). « Et voici ce que je leur ai ordonné : Écoutez ma voix, alors je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. Suivez en tout la voie que je vous prescris pour votre bonheur » (Jr 7,23 ; 11,4). « Je leur donnerai un cœur pour connaître que je suis le Seigneur. Ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, car ils reviendront à moi de tout leur cœur » (Jr 24,7 ; 30,22). « En ce temps-là – oracle du Seigneur – je serai le Dieu de toutes les familles d’Israël, et elles seront mon peuple » (Jr 31,1). « Et voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : Ayez la connaissance du Seigneur !   Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur – parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché. » (Jr 31,33-34 ; 32,38). « Je leur donnerai un seul cœur et je mettrai en eux un esprit nouveau : j’extirperai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils marchent selon mes lois, qu’ils observent mes coutumes et qu’ils les mettent en pratique. Alors ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu » (Ez 11,20). « Ainsi la maison d’Israël ne s’égarera plus loin de moi et ne se souillera plus de tous ses crimes. Ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, oracle du Seigneur Dieu » (Ez 14,11). « Alors on saura que c’est moi leur Dieu, qui suis avec eux, et qu’eux, la maison d’Israël, ils sont mon peuple, oracle du Seigneur Dieu » (Ez 34,30).

eau            Et citons à nouveau ce texte déjà lu précédemment et qui reprend les éléments d’Ez 11,20. Après avoir longuement évoqué l’infidélité d’Israël et ses conséquences catastrophiques, Dieu déclare : « Je vous prendrai parmi les nations, je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol. Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères. Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu » (Ez 36,24-28). « Ils ne se souilleront plus avec leurs ordures, leurs horreurs et tous leurs crimes. Je les sauverai des infidélités qu’ils ont commises et je les purifierai, ils seront mon peuple et je serai leur Dieu » (Ez 37,23). « Je conclurai avec eux une alliance de paix, ce sera avec eux une alliance éternelle. Je les établirai, je les multiplierai et j’établirai mon sanctuaire au milieu d’eux à jamais. Je ferai ma demeure au-dessus d’eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Et les nations sauront que je suis le Seigneur qui sanctifie Israël, lorsque mon sanctuaire sera au milieu d’eux à jamais. » (Ez 37,26-28). « Je la sèmerai dans le pays, j’aurai pitié de Lo-Ruhamah, je dirai à Lo-Ammi[1] : Tu es mon peuple et lui dira : Mon Dieu ! » (Os 2,25 ; cf. 2,1). « Je les ramènerai pour qu’ils habitent au milieu de Jérusalem. Ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, dans la fidélité et la justice » (Za 8,8). « Je les ferai entrer dans le feu ; je les épurerai comme on épure l’argent, je les éprouverai comme on éprouve l’or. Lui, il invoquera mon nom, et moi je lui répondrai; je dirai : Il est mon peuple !   et lui dira : le Seigneur est mon Dieu ! » (Za 13,9). « C’est lui notre Dieu, et nous le peuple de son bercail, le troupeau de sa main. Aujourd’hui si vous écoutiez sa voix ! » (Ps 95,7 ; 100,3).                 

 

L’Alliance accomplie : Dieu est Père ! « Je serai son Dieu et lui sera mon fils. »

            En Ap 21,5, « celui qui siège sur le trône déclara »… Dieu Lui-même reprend donc la parole, comme en 21,3 : « J’entendis une voix clamer du trône »… La Révélation (Apokalupsis en grec), initiée dès le début de notre Livre (Ap 1,10.12.15) se poursuit donc…

            Mais en 21,1-4, le titre de Dieu, répété quatre fois en clin d’œil d’universalité[2] (nous parlons bien d’une « terre nouvelle », « la première terre ayant disparu », toute la terre est concernée), ce Dieu créateur de tous les hommes, « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), ce Dieu qui vit en alliance éternelle avec eux tous (Gn 9,8-17) est le même qui s’est révélé par le biais d’un peuple choisi, Israël. Et puisqu’il vit déjà en alliance avec tout homme, il vit bien en alliance avec eux : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple ». De plus la citation « il essuiera toute larme de leurs yeux » est une allusion au prophète Isaïe, où la portée universaliste est manifeste : « Le Seigneur Sabaoth prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vin dépouillés. Il a détruit sur cette montagne le voile qui voilait tous les peuples et le tissu tendu sur toutes les nations ; il a fait disparaître la mort à jamais. Le Seigneur Dieu a essuyé les pleurs sur tous les visages, il ôtera l’opprobre de son peuple sur toute la terre, car le Seigneur a parlé » (Is 25,6-8)… Souvenons-nous de notre texte : « Il essuiera toute larme de leurs yeux : De mort, il n’y en aura plus, de pleur, de cri, de peine, il n’y en aura plus »… Toute la mission de Jésus sera de nous inviter à nous tourner vers « le Seigneur Dieu, le Seigneur Sabaoth » en lui disant : « Notre Père »…

 Paris Surréalistes+annexes

            En Ap 21,5-8, nous l’avons dit, c’est toujours Dieu qui parle, mais le contenu de ses Paroles dirige aussi notre regard vers le Fils, Jésus Christ…

            « Voici, je fais l’univers nouveau » fait écho au « ciel nouveau » et la « terre nouvelle »… Et Celui qui parle est bien « l’Alpha et l’Oméga », première et dernière lettre de l’alphabet grec, une manière d’évoquer « le Principe et la Fin », un titre qui était apparu au tout début de notre Livre : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Il est, Il était et Il vient , le Maître-de-tout » (Ap 1,8). Puis nous le retrouvons appliqué au Christ en Ap 1,17 et 2,8, « transposition au bénéfice du Christ d’une qualité de Dieu principe et fin de toutes choses ». Nous ne sommes pas loin, au niveau du sens, ce que St Jean écrit explicitement au tout début de son Evangile : « Au commencement », au principe, avant tout commencement, « était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu ». Il siège donc bien sur le trône, il est même « au milieu du trône » (Ap 5,6). « Il était au commencement auprès de Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut » (Jn 1,1-3)… « Voici, je fais l’univers nouveau »…

            Puis, l’invitation lancée, « celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement », est très proche de celle que Jésus lance en St Jean : « Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! » selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui » (Jn 7,37‑39).             Cet adverbe « gratuitement, dôrean » souligne l’idée de « don, dôrea ». Avec Dieu, tout est Don, pour peu que l’on accepte de le recevoir en se tournant vers Lui de tout cœur, ce qui n’est pas possible sans sa grâce, nous l’avons vu précédemment… « Gratuitement »[3] interviendra aussi à la fin de l’Apocalypse, toujours en lien avec « l’eau de la vie », « l’Eau Vive » de l’Esprit Saint qui est vie et qui vivifie : « L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Que celui qui entend dise : « Viens ! » Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap 22,17).

Esprit Saint            « Le vainqueur » est donc celui qui accepte, envers et contre tout, de recevoir, par sa foi en Jésus, le Fils, ce Don que Lui-même reçoit du Père de toute éternité… « Au vainqueur, je donnerai de goûter à l’arbre de la vie qui est dans le paradis de Dieu… Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai aussi un nom nouveau (Ap 2,7.17.26 ; 3,21). Il est « vainqueur » non pas par lui-même, mais par ce Don qu’il reçoit, l’Amour Miséricordieux du Seigneur triomphant jour après jour de sa misère, la Lumière régnant sur ses ténèbres, la Vie comblant toutes ses morts…

            « Mais », poursuit le texte de l’Apocalypse, et là, plusieurs catégories de personnes sont évoquées, et elles nous concernent tous plus ou moins :

                        – « les lâches » : il est difficile pour un pécheur de dire « Non ! » au péché. Il a besoin de « l’Esprit de force et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7), qui soutiendra son courage pour renoncer à lui-même, prendre sa croix (Mt 16,24), ce « joug » de Jésus (Mt 11,28-30) que le Christ est le premier à porter par le Don de l’Esprit, si l’on accepte, bien sûr, et de tout cœur de le laisser faire…

                        – « les renégats », qui renient leur foi au Christ Sauveur, en toute lucidité, comment pourraient-ils être sauvés par Celui qui respecte infiniment notre liberté, nous presse certes à le recevoir, en nous tendant toujours la main, mais sans jamais nous obliger, nous forcer ?

                        – « les dépravés », qui choisissent le mal plutôt que le bien, qui se complaisent dans le mal plutôt que dans le bien… Or le mal ne peut coexister avec Dieu, c’est impossible… Choisir d’entrer dans la Maison de Dieu ne peut qu’être synonyme de renoncer au mal de tout cœur, avec l’aide de sa grâce… « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu’ivrognes, insulteurs ou rapaces, n’hériteront du Royaume de Dieu. Et cela, vous l’étiez bien, quelques-uns. Mais vous vous êtes lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1Co 6,9-11). « Et cela, vous l’étiez bien, quelques-uns », mais grâce au Bon Pasteur qui « cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve, puis la met sur ses épaules et la ramène chez lui », dans la Maison du Père, ils ont pu revenir à Dieu (Lc 15,4-7)… « Mettre sur ses épaules », c’est cela « le joug du Christ », ce que le Christ Ressuscité ne cesse de faire aujourd’hui en donnant au pécheur la Force de son Esprit pour lui permettre de renoncer au mal…

            Suivent encore « les assassins (« Tu ne tueras pas » Ex 20,13), « les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref, tous les hommes de mensonge »Ils sont tels car ils se confient à des réalités de mensonge, des idoles qui n’existent pas, qui ne sont rien et ne peuvent donc rien donner (Jr 2,5.11) : leur cœur ne peut qu’être vide, vide notamment du Don de Dieu, vide de la vraie Vie : c’est « la seconde mort ». « Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement et n’était pas établi dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge » (Jn 8,44). Toute la mission de l’Eglise consiste à tout faire pour « arracher » les hommes (Col 1,13-14), dans le respect de leur liberté, et cela « grâce à l’action de l’Esprit Saint », à ces ténèbres mensongères qui ne peuvent apporter le vrai Bonheur, mais plutôt un manque à toujours combler, un vide, un mal être, une souffrance, une angoisse (Rm 2,9)… « Je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi » dit le Christ à St Paul et à travers lui, à tous ses disciples (Jn 20,21 : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie »), « pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,17-18). Cette part d’héritage, c’est le Don de l’Esprit Saint, « l’Esprit qui sanctifie » (2Th 2,13), l’Esprit toujours donné gratuitement, en surabondance, par ce Dieu qui n’est qu’Amour (1Jn 4,8.16) et qui ne sait que donner (Jn 3,35). Voilà pourquoi nous sommes invités à « ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu » (St Benoît).

            Après cette énumération de sept termes, qui englobe symboliquement la plénitude « des hommes de mensonge », Dieu ne peut qu’exprimer les inévitables conséquences pour ceux qui se détournent de la Lumière, de la Source d’Eau Vive : « Leur lot se trouve dans l’étang brûlant de feu et de soufre : c’est la seconde mort », la mort spirituelle (Rm 6,23). Mais n’oublions jamais : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Tout pécheur est un « cherché par Dieu jusqu’à ce qu’il le retrouve » et l’Amour et la Patience de Dieu sont infinis… « N’entrera pas au ciel celui qui ne voudra pas y entrer » (P. Rodolphe, Abbaye de Ste Marie du Désert). Espérons que, librement, tôt ou tard, toutes les créatures de Dieu finiront par dire « Oui ! » à son Amour. Alors, « heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu, la nation qu’il s’est choisie en héritage » (Ps 33,12 ; 144,15), et Dieu a ‘choisi’ tous les hommes pour qu’ils soient avec Lui pour toujours, comblés par son Amour (Ap 21,3). A nous maintenant, jour après jour, de le choisir, et d’inviter le plus grand nombre à

[1] « Lo-Ruhamah » signifie en hébreu, « je n’ai pas pitié de », et « Lo-Ammi », « pas mon peuple ». Ces deux formules avaient été employées précédemment pour évoquer l’infidélité d’Israël (Os 1,6-8) ce qui, de leur côté, était donc une rupture d’Alliance. D’où la formule officielle de divorce, négation de celle du mariage : « Intentez procès à votre mère, intentez-lui procès ! Car elle n’est pas ma femme, et moi je ne suis pas son mari » (Os 2,4). Mais Dieu ne peut se résoudre à une telle situation, et il va partir à la recherche de ses créatures tant aimées ! « C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2,16). Or « parler au cœur de… » appartient à cette époque au langage de l’amour… « Le cœur de Sichem s’attacha à Dina, fille de Jacob, il eut de l’amour pour la jeune fille et il parla à son cœur » (Gn 34,3)…

[2] Le chiffre quatre est symbole d’universalité : les quatre points cardinaux, le nord, le sud, l’est, l’ouest.

[3] « Gratuitement » intervient aussi en Mt 10,8 (Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ; cf 2Co 11,7), Rm 3,24 (ils sont justifiés gratuitement par sa grâce en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus)…le faire, pour le Bonheur de tous, pour la plus grande Joie de Dieu (So 3,16-18) !   DJF

 

AP – SI – Fiche 35 – Ap 21,1-8 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression 




1er Dimanche de l’Avent – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Il est terrible le Jour du Seigneur, il est formidable, il est proche, il vient en toute hâte. O clameur amère du Jour du Seigneur ! »

jour du Seigneur
Nous ne sommes peut-être plus assez surpris par cette expression « Jour du Seigneur » Que peut vouloir dire le fait que le Seigneur choisisse un jour ? Est-ce une affaire de calendrier comme si Dieu accordait à l’histoire du monde, à l’humanité une sorte de sursis permanent tout au long duquel chacun serait obligé de compter les jours ? Mais le « Jour du Seigneur » n’est pas le dernier jour, « Il est proche, le jour du Seigneur, formidable ! Il est proche, il vient en toute hâte » (Sophonie, 1, 14) et nous disons sans cesse : « Il vient, il ne cesse de venir ! » Ce qui est étonnant dans l’expression le « Jour de Dieu », c’est que Dieu puisse entrer dans un jour, c’est que Dieu puisse avoir un jour, avoir son jour.

main de dieu
En effet, si on y réfléchit, dans combien de religions la rencontre du divin, la rencontre des dieux, le domaine des dieux est extérieure au temps, aux jours ! Certes, dans chaque religion, il y a un calendrier par lequel on fête, on fait mémoire, on se souvient. Mais la plupart du temps ce calendrier ne sert qu’à évoquer un temps primitif, un temps antérieur, un temps premier, mythique. Dans combien de religions l’homme s’astreint à vivre au jour le jour, des rites, une ascèse, des comportements et pourtant l’homme sait que son salut est à l’extérieur de ce temps ! Combien de religions ont dit que pour vivre enfin, il fallait sortir de ce temps, de ce monde, de cet espace ! Pensez à toutes les religions orientales. Combien de fois les grands prophètes qui ont surgi étaient des hommes qui, d’une certaine manière, ne vivaient déjà plus dans ce monde, même lorsqu’ils s’y promenaient encore pour y prêcher et que sur leur faciès, sur leur visage il y avait comme une sorte d’absence, une sorte de repli sur soi ! Comme si, à partir du moment où ils étaient sauvés, ils étaient déjà dans un « ailleurs ». Et plus proche de nous, sans aller chercher les religions orientales, la manière dont nous appréhendons le monde, ce que nous appelons le monde de la science, ce monde où tout est cadré dans l’espace et dans le temps, nous avons prise sur lui, mais il a aussi prise sur nous. Le monde de la science est un monde de nécessité, un monde dans lequel l’homme se sent contraint par l’objectivité des résultats, la mesure de l’espace et du temps. Et même si, par sa connaissance, il arrive à des théories scientifiques, la relativité ou que sais-je, en réalité, plus il observe, plus il étudie, plus il y est lié. C’est la raison pour laquelle l’expérience technique et industrielle de notre monde contemporain est si ambiguë, à la fois facteur et vecteur d’une certaine libération de l’homme par rapport à des conditionnements très immédiats mais en même temps que de contraintes ! L’homme, lorsqu’il ne perçoit les choses, le monde et lui-même qu’à travers les catégories de l’espace et du temps, se sent pris, enfermé à certains moments.

Or précisément ce qui est étonnant c’est qu’il y ait un « Jour du Seigneur ». Là où l’homme éprouve le temps et l’espace comme quelque chose à l’intérieur duquel il se tient, comme des limites de sa connaissance, de son agir, de sa transformation du monde, Dieu a voulu que ce temps soit le lieu même de sa présence, de son action, de sa révélation, de son salut. Voilà pourquoi nous commençons par l’Avent, par la venue, par l’arrivée. C’est cela que veut dire le mot Avent. Nous célébrons la venue de Dieu dans le temps. Nous célébrons cette chose incroyable que ce qui, pour nous, est le symbole de l’usure, des limites du désir, de l’impuissance de la volonté, de l’impuissance d’une sorte de domination totale et technique du monde, le temps, le face à face avec la mort, cela même devient le lieu de la rencontre de Dieu et de l’homme. C’est extraordinaire de croire cela. C’est extraordinaire de croire que le temps que tant de nos contemporains éprouvent comme un poids ou tout juste comme cette petite plage dans laquelle il va falloir faire le plus possible sa place au soleil, que ce temps devienne le lieu dans lequel Dieu scelle sa présence et son Jour.
Faut-il que Dieu soit « insensé » pour vouloir que le salut de l’homme se joue là où il est ? Faut-il que Dieu soit « insensé » pour « quitter » son éternité et faire du temps et de l’histoire le lieu même de sa présence et de sa révélation ? C’est cela être chrétien. Ce n’est pas regarder le temps en faisant la moue ou en restant crispé, mort de peur. Que va-t-il nous arriver demain ? Le ciel ne va-t-il pas nous tomber sur la tête ? Au contraire, c’est regarder le temps comme le « Jour de Dieu », comme le moyen que Dieu a voulu de toute éternité, par sa création. « Il y eut un soir, il y eut un matin » (Genèse 1, 5). Ce temps est le cadre de la présence de Dieu.

dieuvousaime
Oui, l’aventure du monde est une aventure fantastique. Le « Jour de Dieu » est vraiment un « jour formidable » dans les deux sens. Car si d’une certaine manière cela fait peur, ce n’est pas simplement parce qu’il va y avoir du grabuge, mais parce que, d’une certaine manière, c’est inconcevable d’être aimé, c’est inconcevable, cela ne va pas de soi. Quand on est aimé par quelqu’un, cela ne va jamais de soi. Pourquoi sommes-nous aimés ? Eh bien, quand c’est par Dieu, c’est encore plus grand. Pourquoi sommes-nous aimés de Dieu ? Dieu a voulu non seulement nous aimer, ce que finalement un certain nombre d’expériences religieuses ont plus ou moins pressenti, mais son amour a été assez fou pour qu’Il vienne se manifester là où, apparemment, nous vivions ce temps comme une épreuve, comme une mort lente, comme une usure du désir, comme une usure du cœur.
Qu’au moment où nous entrons dans ce temps de l’Avent nous y entrions avec la même fougue que Dieu qui avance dans ce temps comme une sorte de cavalier, comme une sorte de guerrier. Il a à reconquérir l’humanité, Il a à reprendre son peuple, Il a à ressaisir tous les éclopés de l’histoire. Pour nous aussi, célébrer le temps de l’Avent revient à célébrer cette immense « chevauchée fantastique » de Dieu, cette sorte d’immense opération de sauvetage par laquelle Dieu se brûle à venir rencontrer l’homme dans le temps et dans l’espace où il a été créé.
Nous devons être des veilleurs. Non pas des veilleurs qui s’imposent des pénitences parce qu’il faudrait « en baver » pour entrer dans le Royaume, mais parce que si nous ne regardons pas le temps en face, nous ne verrons pas Dieu. Si nous ne regardons pas ce temps dans lequel Dieu nous a mis et dans lequel Dieu s’est mis, dans lequel Il s’est fait chair, dans lequel Il vient, si nous ne croyons pas que le salut c’est « l’Aujourd’hui de Dieu », alors nous risquons tout simplement de rater le Jour, le « Jour de Dieu ».
AMEN




1er Dimanche de l’Avent par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 29 novembre 2015

 

Jérémie 33, 14-16 (« Je ferai germer pour David un Germe de justice »)

Durant l’Avent, la première lecture est toujours tirée des prophètes annonçant les perspectives d’avenir que Dieu nous promet. Chaque année, le 4e dimanche de l’Avent relève les prophéties les plus explicites sur le venue du Messie.
Paris, « ville lumière » ! Rome, « ville éternelle » ! Les prophètes, eux, surnommèrent Jérusalem « ville de justice ». C’était plus un vœu qu’une réalité. Notre poème rêve du jour où adviendra cette réalité :
1) Le bonheur qu’il avait promis à Jérémie, Dieu va l’accomplir pour son peuple entier, du Nord (le royaume de Samarie) au Sud (le royaume de Juda).
2) Car la dynastie de David donnera un *Germe de justice, c’est-à-dire un roi qui gouvernera avec équité et selon les commandements divins.
3) Alors le pays sera libéré de l’Occupant, la sécurité régnera dans la capitale. Et, puisque c’est le Seigneur qui aura fait tout cela, on rebaptisera la Ville du nom suivant : « Le-Seigneur-est-notre-justice ».
Ce poème n’est pas de Jérémie, mais d’un de ses disciples et admirateurs, un demi-siècle plus tard. Pour lui, Jérémie avait raison d’espérer, même si rien n’est encore arrivé. Il réécrit à sa manière le poème qu’on trouve en Jr 23, 5-6. Bonheur, justice, droit, libération, sécurité… Ces mots de nos campagnes électorales sont déjà ceux des prophètes ; car le Messie espéré n’est pas étranger à nos aspirations humaines.

* Un germe de justice. Le germe surgit du pourrissement de la semence en la morte saison. Germe « juste », pour le paysan d’Israël, puisque Dieu règle les saisons avec « justesse » pour nourrir ses créatures. Mais pour les prophètes (des poètes !), le pourrissement et la morte saison se voyaient dans les catastrophes nationales, le massacre des descendants de David. Alors le « Germe » serait un roi parfait, le Messie, issu miraculeusement de cette pourriture (lire Zacharie 3 8; 6, 12). Pour nous, ce Germe est le Christ, vie nouvelle jaillie du Mort du vendredi saint : la Pâque est déjà présente dans l’Avent.

1 Thessaloniciens 3, 12 – 4, 2 (« Que le Seigneur affermisse vos cœurs lors de la venue de notre Seigneur Jésus »)

Paul avait dû fuir la ville de Thessalonique, après trois maigres semaines de prédication (lire Actes 17, 1-10), et il s’inquiétait : y avait-il encore des chrétiens dans cette ville ? Avaient-ils résisté aux persécutions ? Or, finalement, les nouvelles sont excellentes, rapportées par Timothée : la communauté a survécu ; et elle est solide, malgré les tracasseries des païens.
Alors Paul envoie sa première Lettre aux Thessaloniciens, et c’est le premier écrit du Nouveau Testament (vers l’an 51). Il leur avait dit ceci : la vie chrétienne consiste à attendre activement la venue du Fils de Dieu qui condamnera toutes les forces du mal (voir 1 Th 1, 9-10). Sa lettre veut fortifier les croyants dans cette attente. Ici, deux mots d’ordre : 1) Aimer tous les hommes, sans discrimination. 2) Vivre dans la sainteté. La suite de la Lettre dira en quoi consiste la sainteté : respecter son corps et celui des autres, mener une vie exemplaire de travail (1 Th 4, 3-12). Au reste, les Thessaloniciens ont vu comment se comportaient leurs apôtres chez eux ; ils n’ont qu’à suivre leurs traces, à faire de nouveaux progrès*. Dimanche prochain, l’Apôtre précisera cette consigne, à l’adresse des Philippiens : « que votre amour vous fasse progresser de plus en plus… »

* « Faites de nouveaux progrès ». L’Église de Thessalonique n’a pas encore un an d’existence et n’a vu son fondateur que durant trois semaines. Pourtant, quelle confiance chez l’Apôtre ! « Vous avez appris de nous comment vous conduire… » ; « vous savez bien quelles instructions nous vous avons données… » De quoi s’agit-il alors ? Progresser ! Chrétiens qui entrons en Avent, nous entendons Paul à longueur d’année. Il nous redit simplement : « faites de nouveaux progrès ! ».

Luc 21, 25-28.34-36 (« Votre rédemption approche »)

Nous n’avons ici, dans le découpage liturgique, que deux tronçons du discours de Jésus sur la Fin des temps qui couvre Lc 21, 5-36 et commence par l’annonce de la ruine du Temple de Jérusalem. En fait, quand Luc réécrit ce discours (qu’il a repris de Marc 13), dans les années 80, le Temple est déjà détruit. Parmi les chrétiens d’alors, certains s’excitent et pensent que cette catastrophe annonce la fin du monde et la venue imminente du Christ. D’autres, au contraire, pensent que la ruine de Jérusalem était déjà le jugement définitif de Dieu et que les croyants, coulant des jours tranquilles, n’ont plus rien à craindre.
Contre ces conceptions, Luc réaffirme, comme Marc et Matthieu, que *le Fils de l’homme viendra (1er paragraphe de l’évangile). Il ajoute un avertissement de son cru : la question n’est pas de dater la venue du Seigneur, mais d’être prêt en tout temps pour cet événement (2e paragraphe).

Il y aura des signes

Ces signes ne se trouvent ni dans l’azur perturbé par le réchauffement climatique ni sur nos rivages marins pollués, mais dans l’Ancien Testament. Ce sont des images tirées des prophètes et traitées en « copié/collé », à la mode des livres juifs appelés apocalypses, et pour dire ici ceci : si la ruine de Jérusalem était déjà un séisme, attendez-vous à des bouleversements bien plus grands, à une sorte de retour du monde au chaos des origines pour que Dieu fasse du neuf. Alors paraîtra « Le Fils de l’homme », ce personnage céleste qui, en Daniel 7, 13-14, vient inaugurer un peuple nouveau. Luc ajoute une conclusion confiante : ces séismes doivent réveiller l’espérance des fidèles du Christ. Qu’ils relèvent la tête, car c’est l’heure de la délivrance de toutes les forces du mal. L’évangéliste songe, à partir de l’histoire d’Israël, aux prodiges de la libération de l’Égypte, lorsque, selon l’expression de la tradition juive, « les enfants d’Israël sortaient, libérés, la tête découverte ».

Tenez-vous sur vos gardes

Le langage du second paragraphe de l’évangile est moins étrange à nos oreilles et se fonde sur deux constats : 1) la vie humaine obéit à de tragiques imprévus : « L’homme ne connaît pas son heure. Comme les poissons pris au filet perfide, comme les oiseaux pris au piège, ainsi sont surpris les enfants des hommes… » (Qohélet 9, 12). 2) Le chrétien sait qu’au terme, il doit « paraître » devant le Christ . Il faut donc réagir contre la pente des plaisirs immédiats et contre les soucis de la vie en général. Aux yeux de Luc, ces soucis sont les épines qui étouffent la semence de la Parole (relire Lc 8, 14).
Luc sait que le langage apocalyptique juif de Jésus (1er paragraphe) étonnera ses lecteurs païens, que nous sommes encore aujourd’hui. Il l’a pourtant gardé, car cette poésie fantastique évoquant la peur devant la mort et les séismes de l’histoire exprime bien le mystère du Dieu qui vient. Mais Luc sait aussi notre goût pour les « images catastrophe », d’où le second paragraphe : il ne s’agit pas de « fantasmer », mais de gérer le temps qui nous est laissé, de le régler par le réveille-matin de notre vigilance morale et de la prière constante…

L’Avent nous fait méditer d’abord sur les attentes réelles de notre foi. C’est pourquoi, comme à rebours, le 1er dimanche s’attache à l’horizon de la fin de l’histoire et de notre histoire, avant d’évoquer la figure de Jean le Baptiste (2e et 3e dimanches) et d’en arriver directement aux événements préparant la naissance de Jésus.

* Le Fils de l’homme viendra. Est-ce que Jésus « reviendra » ? La Bible ne dit jamais que Jésus reviendra. La liturgie nous fait chanter : « Nous attendons ta venue (et non ton retour !) » ; « Viens, Seigneur Jésus (et non reviens) ». Nous attendons un Christ devenu le mystérieux « Fils de l’homme » dont parlait Daniel, 7, 13, le Juge de l’univers. L’hymne, transmise par Paul, en Philippiens 2, 6-11, proclame ceci : depuis la Croix, Dieu a élevé Jésus au-dessus de tout. Désormais, quand nous disons « Jésus », le nom d’un homme, nous devons penser « Seigneur », le nom de Dieu lui-même. Les témoins de la Transfiguration ont pressenti ce mystère et nous attendons un Seigneur qui nous étonnera, comme il étonnera ceux qui l’ont connu en Palestine autrefois. Cyrille, évêque de Jérusalem (4e siècle), enseignait ceci aux futurs baptisés : « Nous annonçons l’avènement du Christ ; non pas un avènement seulement, mais aussi un second, qui est beaucoup plus beau que le premier. Car le premier comportait une signification de souffrance, et le second porte le diadème de la royauté divine. »




1er Dimanche de l’Avent par le Diacre Jacques FOURNIER (29 Novembre)

« Veillez » à accueillir sans cesse le Don de Dieu (Lc 21,25-28.34-36) ».

 

Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots.
Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire.
Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste
comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière.
Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »

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  Ce passage d’Évangile est très proche de Mc 13,24-32 rencontré précédemment. Quand St Luc l’a écrit, il avait St Marc sous les yeux… Et si nous comparons les deux textes, nous constatons que St Luc a rajouté : « Sur terre, les nations seront inquiètes et angoissées par le fracas de la mer et des flots ». A notre époque de bouleversements climatiques, nous ne pouvons que penser aux typhons, cyclones et tempêtes de plus en plus fréquents et violents. Cette apparente fin du monde décrite en St Luc peut donc aussi renvoyer tout simplement à notre monde actuel : après la mort et la résurrection du Christ, l’Histoire est en effet entrée dans les derniers temps… Et St Luc écrit ensuite : « Lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le royaume de Dieu est proche… Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver. » Notons la proximité avec St Paul : « Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus » (Ph 4,5-7).
L’appel central de notre passage d’Évangile est donc de « rester éveillés », de prendre garde à ce que notre regard de foi ne s’éteigne pas. « Le Seigneur est proche »… Prier, c’est garder ce regard du cœur tourné vers Jésus, en étant notamment fidèles à écouter sa Parole. Car avec elle et par elle, nous sommes vraiment en relation avec celui que nous ne voyons pas encore… Et le Dieu d’Amour ne cesse de nous proposer l’Eau Vive de son Esprit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jn 7,37-39), l’Esprit de Lumière et de Force dont nous avons besoin pour rester debout dans les moments difficiles… « Tenez-vous donc sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie », écrit St Luc. « N’éteignez pas l’Esprit », écrit St Paul, « gardez-vous de toute espèce de mal », veillez, pour votre bien, votre paix, votre joie à « demeurer dans l’amour » (Jn 15,10) de ce Dieu qui, « de tout son cœur et de toute son âme » (et il est infini !), n’a qu’une seule préoccupation : le bien de tous (Jr 32,37-41 ; Lc 2,14)… DJF
.

 

         




Rencontre autour de l’Évangile – 1er Dimanche de l’Avent

 » Restez éveillés et priez en tout temps… « 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Lc 21, 25-28 ; 34-36)

Nous commençons une nouvelle année liturgique. De dimanche en dimanche nous allons nous mettre à l’écoute de Jésus dans l’Évangile selon saint Luc. Pour le premier dimanche de l’Avent, l’Église nous fait entendre un passage qui se trouve vers la fin de cet évangile, et qui est le parallèle du passage que nous avons médité dans l’évangile de Marc. Nous y retrouverons le même style et les mêmes images.

Regardons-réfléchissons-méditons
Faire lire lentement le texte

Sa venue : Nous savons de quelle venue il s’agit.

Des signes dans le soleil, la lune… fracas de mer et de tempête… les puissances des cieux seront ébranlées : Nous avons déjà rencontré des expressions semblables : Rappelons-nous qu’il s’agit d’un langage biblique particulier pour annoncer une intervention décisive de Dieu dans l’histoire du salut.

De quelle intervention s’agit-il ici ?

On verra le Fils de l’homme venir dans la nuée du ciel avec grande puissance et grande gloire : Pourquoi l’Église nous met-elle devant les yeux, deux dimanches de suite, cette parole de Jésus ?

Redressez-vous et relevez la tête : A qui Jésus adresse ces paroles et quel en est le sens ?

Votre rédemption est proche :

Par quel mot pourrait-on remplacer le mot « rédemption » ?

Tenez-vous sur vos gardes crainte que vos cœurs ne s’alourdissent : Pourquoi cette mise en garde est-elle particulièrement importante pour les chrétiens de notre époque ?

Ce jour-là : De quel jour il s’agit ?

Comme un filet : Que signifie cette image ?

Restez éveillés et priez en tout temps : Comment est-ce possible ?

Paraître debout devant le Fils de l’homme : Que signifie cette expression ?


Pour l’animateur

Jésus parle de sa venue à la fin des temps, qu’on appelle la « Parousie », la manifestation glorieuse du Messie, dont la première venue s’est réalisée dans la faiblesse.
Pour lecteur moderne, ce genre de discours « apocalyptique » est difficile à comprendre. Le mot « apocalypse » veut dire « révéler » : ces expressions révèlent qu’il y aura un basculement du monde ancien – notre monde- dans le Monde nouveau.
A la base de ce discours de Jésus, il y a une conviction fondamentale dans la Bible : L’histoire des peuples est conduite par Dieu vers un but soigneusement préparé.
Lire ici : Apocalypse 21, 3-4 : Tel est le salut qui constituera le terme ultime, éternel, de l’histoire du salut.
L’intention de Luc n’est pas de décrire par avance le déroulement de l’histoire, mais de l’inviter à tenir la tête haute au milieu des épreuves, de lui rappeler qu’il est important de vivre de temps présent : c’est là que Dieu fait signe.
Redressez-vous et levez la tête : cet ordre ne s’adresse pas tant aux chrétiens des derniers temps qu’aux chrétiens persécutés de la primitive Eglise, à tous les croyants qui après eux connaîtront les épreuves et les bouleversements. Les membres de l’Église doivent vivre dans la certitude que leur libération est réellement en marche, qu’elle est proche. Comme dit saint Paul : « Maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons embrassé la foi…le Jour est tout proche. » (Rm 13,11-12) Le mot rédemption peut être remplacé par libération.
Tenez-vous sur vos gardes : c’est une mise en garde contre tout ce qui peut alourdir le cœur. Ce jour-là : il s’agit du Jour « J », le dernier des temps, le Jour de la Manifestation glorieuse de Jésus. Il arrivera sans qu’on s’y attende et sans qu’on puisse y échapper, comme le filet qui s’abat sur les poissons, ou sur l’animal pour l’attraper ?
Restez éveillés et priez : appel à la vigilance pour lutter contre la somnolence qui menace les communautés chrétiennes et appel et à la prière. Le danger qui guette les chrétiens, surtout aujourd’hui, c’est de laisser tomber toute espérance en l’avenir. Chaque croyant – chacun de nous- doit vivre à tout instant en sorte qu’il ait la force de tenir debout devant le Fils de l’homme.

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, c’est parce que tu nous aimes et que tu te préoccupes de notre salut que tu nous demande de penser à ta venue dans la gloire à la fin des temps. Mais tu nous enseignes en même temps que la meilleure manière de nous préparer à cet Événement décisif pour notre salut, c’est vivre « éveillés » aujourd’hui, de prendre au sérieux nos tâches présentes, et de prier.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

 La Parole aujourd’hui dans notre vie
Quelle est la bonne nouvelle de ce passage d’évangile ?
Quel visage de Dieu Jésus nous révèle-t-il ?
Jésus va revenir dans la Gloire et ceux qui espèrent en lui et se préparent à cet Événement ne seront pas déçus.. Il nous demande de ne pas rater ce rendez-vous décisif pour notre éternité. Pour le chrétien, l’avenir c’est le Christ. Il viendra récapituler l’histoire au dernier jour ; il est surtout celui qui vient à toute heure et vit avec nous notre présent.
Un Dieu qui veut notre salut.
Souhaitons-nous ardemment l’Avènement du Fils de l’homme ?
Si non, n’est-ce pas le signe de notre tiédeur ? D’attachement excessif à ce monde ? D’une absence de désir d’être avec Jésus Christ ? D’une méconnaissance de la vraie libération à la quelle aspire l’humanité ?
La somnolence de notre foi, l’engourdissement de notre cœur, les soucis de la vie, tout cela nous éloigne de la prière : Comment y remédier ?
Comment prendre au sérieux le moment présent avec toutes les tâches qui sont les nôtres : notre travail, notre famille….sans perdre de vue cet Avenir dont nous parle Jésus ?

ENSEMBLE PRIONS
Nous te rendons grâce, Dieu notre Père, pour ton Fils Jésus Christ qui est venu inaugurer pour le monde un règne de justice et d’amour ; béni sois-tu pour l’espérance toujours nouvelle qu’il éveille en nos cœurs, quand il nous appelle à construire avec lui son Royaume.

 

 Pour lire ou imprimer le document en PDF cliquer ici : 1er Dimanche de l’Avent Année C

 

 

 

 

 

 

 

 

 




2016 Année Sainte de la Miséricorde Divine. « Heureux les Miséricordieux ! « 

Le 8 décembre 2015 à Rome, le Pape François ouvrira cette Année Sainte : « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père » (Bulle d’indiction du Pape). Tous les chrétiens, fidèles du Christ, sont invités à vivre pleinement la Miséricorde. Dieu, Notre Père, nous fait miséricorde ; soyons miséricordieux comme notre Dieu et Père (Luc 6, 36). À cause de notre misère humaine, Dieu se penche sur chacun de nous pour nous libérer de l’esclavage du péché et nous remettre debout, afin de continuer à marcher à la suite du Christ qui est le Chemin, la Vérité et la Vie.

Année jubilaire Miséricorde

Comme Jésus a posé son regard d’amour sur Pierre à la suite de son reniement, comme il a pardonné à la pécheresse en la délivrant de la lapidation, comme Jean-Paul II a fait miséricorde en pardonnant à celui qui lui a tiré dessus, comme Sœur Faustine qui a choisi la Miséricorde comme chemin de perfection, l’Eglise préfère laisser à Dieu le soin d’exercer sa justice qui se nomme : Miséricorde. Il nous revient d’imiter le Christ en éliminant de notre pensée et de notre cœur toute forme de vengeance ou de condamnation, toute entrave à l’œuvre de la Miséricorde en nous.

prodigueEn instituant « Dimanche de la Miséricorde » le dimanche après Pâques, Jean-Paul II éclaire notre foi dans le Mystère Pascal comme œuvre de salut par le triomphe de la Miséricorde sur toutes les puissances du Mal. Dans la prière du Notre Père, avec Jésus, nous demandons au Père de nous délivrer de tout enclin au péché et de toute compromission avec le Malin. Pour goûter la douceur de la Miséricorde Divine, nous devons nous reconnaître pécheurs, mais pécheurs pardonnés et sauvés, parce que aimés. Dieu est toujours prêt à faire miséricorde à celui qui se repend, qui se convertit et qui reconnaît sa dépendance totale à la grâce qui sanctifie.

BonPasteurPèlerins sur la terre, nous sommes invités à passer par la « Porte de la Miséricorde » pour manifester symboliquement notre profond désir de suivre fidèlement le Christ Miséricordieux et d’aider nos frères à retrouver et à prendre ce chemin de vérité et de liberté, de justice et de paix. Le sacrement de la Réconciliation, la Confession, s’offre à nous comme grâce de purification. Nous y retrouvons la Force d’avancer avec courage et volonté vers la sainteté. L’Adoration nous unit davantage au Christ et nous configure au Ressuscité. La prière quotidienne et notre participation à la messe dominicale nous transforment harmonieusement en « sel de la terre et lumière du monde ». Ainsi, nous sommes les témoins de l’Amour Miséricordieux du Père ; Dieu et l’Église comptent sur nous pour conduire le monde au salut. Quelle espérance joyeuse !

Heureux Jubilé !

                                                                            Père Christian Chassagne




Comment transmettre la foi sans embrigader ?

    Comment transmettre la foi à mes enfants sans qu’un jour ils envoient tout promener en nous accusant de les avoir embrigadés ?

enfant en prière
Il est naturel que les enfants demandent des comptes à leurs parents sur l’éducation qu’ils ont reçue. Concernant la foi, ils ne sentiront pas qu’ils ont été endoctrinés si vous leur avez appris à vivre dans une religion de liberté. La tâche des parents et des éducateurs est de parler aux enfants de Jésus et du Père qu’il nous révèle – et, en même temps, leur faire comprendre que Jésus les appelle à vivre dans la liberté des enfants de Dieu. « Le fils est libre dans la maison du Père » nous dit un théologien.


L’éducation doit aussi aider les enfants dans la liberté sociale, leur apprendre à dire « je » dans une société assez massivement indifférente au christianisme ou une société multi-religieuse, leur dire qu’ils ne doivent pas chercher à être « comme les copains ». Dire à votre enfant que s’il veut être et penser comme tout le monde, il manquera sa vie. Lui faire découvrir qu’il est unique et que le Seigneur l’appelle personnellement.
Cela dit, qu’il se fasse des copains au caté, qu’il participe à de grands rassemblements festifs, par exemple la journée des vocations, pour découvrir qu’il n’est pas tout seul.

Père Antoine DENNEMONT




Audience Générale du Mercredi 18 Novembre 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 18 Novembre 2015
 


 

Frères et sœurs, arrivés au seuil du Jubilé, devant nous se tient la grande porte de la Miséricorde de Dieu qui accueille notre repentir et nous offre la grâce de son pardon. Cette porte nous est généreusement ouverte, mais nous devons courageusement en franchir le seuil. En ces temps difficiles, l’Église est encouragée à ouvrir ses portes pour sortir avec le Seigneur à la rencontre de ses enfants. De même les familles chrétiennes doivent ouvrir leur porte au Seigneur qui attend d’entrer, avec sa bénédiction et son amitié. Il ne force pas la porte, il demande la permission d’entrer. En de nombreux endroits les portes blindées sont devenues normales. Une Église inhospitalière, ou une famille renfermée sur elle-même humilient l’Évangile et endurcissent le monde. La porte dit beaucoup de chose de la maison, comme de l’Église. Jésus est la vraie porte, qui nous fait entrer et sortir. Nous devons passer sans crainte par cette porte et écouter la voix de Jésus. L’Église doit être reconnue partout comme un signe de l’accueil d’un Dieu qui ne te ferme jamais la porte avec l’excuse que tu n’es pas de la maison !

 

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française. Je souhaite que vos familles fassent toujours du seuil de leurs maisons un signe de la Porte de la Miséricorde que Jésus ouvre à tous. Que Dieu vous bénisse !




Solennité du Christ, Roi de l’Univers par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 22 novembre 2015

 

Daniel 7, 13-14 (Le royaume du Fils de l’homme)

La vision du « Fils d’homme » se passe de nuit. En effet, comme d’autres apocalypses juives, l’auteur hésite entre un songe nocturne ou un transfert corporel dans le monde céleste. On pourra comparer l’expérience de Paul en 2 Corinthiens 12, 1-4.
La vision d’un « Fils d’homme », une belle figure d’humanité, fait contraste avec l’évocation de quatre bêtes sauvages inhumaines symbolisant les nations et leurs rois qui persécutent le Peuple saint, au milieu du 2e siècle avant notre ère (Daniel 7, 1-8). Il s’agit ici d’une scène d’intronisation située dans « les nuées du ciel ». Le héros parvient jusqu’au trône divin (voir Daniel 7, 9-10), une sorte de char mobile, avec des roues, signifiant la présence de Seigneur, partout où il le veut. L’auteur s’inspire ici de Ézékiel 1. Dieu est présenté comme le « Vieillard » ou « l’Ancien » aux cheveux blancs comme la laine (Daniel 7, 9), une manière d’évoquer l’éternité de ce Dieu qui confie un règne éternel et universel au « Fils d’homme » en qui l’Apocalypse de Jean (2e lecture) verra Jésus ressuscité, « le souverain des rois de la terre », « qui vient parmi les nuées ».
Les évangiles – cf. déjà le passage de dimanche dernier – appliquent à Jésus cette figure, notamment dans le récit de la Passion, en cette déclaration devant le grand tribunal, le sanhédrin : « Vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel » (Matthieu 26, 64). Ces juges verront le Christ venant comme souverain, roi, juge de l’univers et d’eux-mêmes.
En deçà de cette interprétation évangélique on peine à décider à qui pense à l’origine l’auteur du livre de Daniel. Ce « Fils d’homme » peut être une figure collective, « le peuple des saints du Très-Haut » (Daniel 7, 27), c’est-à-dire Israël délivré des fauves mythiques, ses persécuteurs, et appelé à dominer le monde entier. Mais il peut s’agir de l’archange Michel, prince céleste (Daniel 12, 1), protecteur de ce Peuple élu que maltraitent les puissances politiques du Proche Orient. C’est apparemment le sens collectif que retiendra l’Apocalypse de Jean (2e lecture), sens transféré à la dignité royale du peuple chrétien.


Psaume 92 : « Le Seigneur est roi »

De ce psaume, la liturgie d’aujourd’hui retient trois des cinq strophes qui le composent. Il appartient à une collection de sept poèmes qui célèbrent la royauté de Dieu et que pour cette raison on appelle « les psaumes du Règne ». Ce sont, selon la numérotation liturgique, les psaumes 46, 92, 94 à 98. Ils comportent généralement la formule « le Seigneur est roi », que l’on peut traduire aussi « le Seigneur est devenu roi ». Car il s’agissait, dans les cours orientales, d’une acclamation saluant, au son du cor, l’intronisation d’un nouveau souverain (voir 2 Samuel 15, 10). Bien entendu, dans les « psaumes du Règne », personne n’intronise Dieu comme roi. C’est lui-même qui s’affirme et se révèle comme tel.
Dans les passages du Ps 92 retenus en ce dimanche, la strophe I contemple Dieu sur son trône. Son costume est de lumière majestueuse et, selon la traduction littérale, il a, comme il convient à un guerrier antique, un ceinturon de force. Les strophes II et III s’adressent à lui pour souligner la foi en son règne inébranlable, dès l’origine de la création, depuis toujours et pour la suite des temps. Selon la strophe III, les « volontés » du Seigneur, ses projets et ses commandements, immuables, apportent au monde sa stabilité, par delà les accidents de la politique et des conflits de l’histoire. Cette certitude, fondée sur la sainteté de Dieu se vérifie pour les croyants dans « la maison » du Seigneur, dans le Temple, dans le culte qu’on lui rend.
Au long les âges, les psaumes vivent leur vie. Dans la vieille traduction grecque, ce psaume a pour titre cette rubrique liturgique : Pour la veille du sabbat, quand le monde fut habité. Ainsi, on récitait ce psaume le vendredi, le jour où l’homme fut créé. Une homélie juive antique raconte ceci, avec humour : quand les créatures ont vu se dresser l’homme, au sixième jour, elles se sont couchées devant lui, en pensant qu’il était leur créateur. Adam, offusqué, les a relevées, pour qu’elles récitent avec lui le Psaume 92, pour adorer le seul roi, le Créateur. La légende peut viser la théologie chrétienne d’un Christ orgueilleux (!), nouvel Adam prétendant à la royauté sur la création.
Dans la liturgie latine des heures qui, au quotidien, va de l’Ancien Testament, (laudes), au Nouveau Testament, (vêpres), ces psaumes du Règne chantent, au matin, le règne éternel de Dieu, de l’ancienne à la nouvelle alliance. Dans certaines traditions monastiques cependant, les psaumes du Règne se chantent aux vêpres. Par là, cette royauté divine est liturgiquement transférée à celle du Christ.
Lire attentivement 1 Corinthiens 15, 22-28. Qui donc est le Roi de l’univers ? Dieu ? Le Christ ? Tel est, au milieu des douleurs de l’histoire, le lien qu’affirment les croyants.


Apocalypse 1, 5-8 (« Le prince des rois de la terre a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu »)

Voici les versets constituant l’adresse et la bénédiction qui ouvrent le livre de l’Apocalypse et préparent la solennelle vision du Fils de l’homme (Apocalypse 1, 9-20). L’auteur souhaite à ses lecteurs « la grâce », le don de Dieu qui apporte « la paix » dans le cœur des croyants et dans leurs relations fraternelles. Cette bénédiction de grâce et de paix est classique dans les épîtres du Nouveau Testament. Ainsi, par exemple en 1 Corinthiens 1, 3. Elle nous vient par la médiation de Jésus Christ ressuscité, « le premier-né d’entre les morts », désigné aussi, par allusion à la vision du Fils de l’homme (cf. 1ère lecture) comme « commandant des rois de la terre ». On l’appelle encore « témoin [ou “martyr”] fidèle ». En Isaïe 55, 4, le mot « témoin » semble évoquer le Messie. Jésus a accompli son témoignage prophétique jusqu’au don total de lui-même « par son sang », jusqu’où allait son amour pour nous.

Un premier Amen

Cette partie de la bénédiction se conclut par un premier « amen* ». Le Christ nous consacre comme des prêtres et des rois pour Dieu son Père, selon la promesse faite à Israël au pied du Sinaï (Exode 19, 5). Celui qui nous consacre ainsi est le Fils de l’homme venant sur les nuées (Daniel 7, 13-14 ; cf. 1ère lecture) et nous faisant partager sa dignité royale. Il est encore le Crucifié, le « transpercé », reconnu finalement par le monde entier, selon l’énigmatique oracle de Zacharie (12, 10-14) repris par l’évangile de Jean (19, 37).

Un second Amen

Cette seconde vague de la bénédiction s’achève par un nouvel « amen », surenchéri par un « oui ». Le même livre de l’Apocalypse (3, 14) saluera Jésus comme l’Amen, le Témoin fidèle et véritable. » Il est à la fois fidélité à sa mission et engagement de Dieu à notre égard. La profondeur du mot signifiant « c’est vrai et c’est du solide » peut nous guérir de répondre des « amen » tièdes et machinaux dans nos célébrations.

L’Amen de nos liturgies

L’ensemble de ces versets paraît refléter les liturgies en vigueur dans les Églises d’Asie mineure auxquelles s’adresse l’auteur de l’Apocalypse. C’est pourquoi la finale donne la parole à Dieu lui-même. Il est l’alpha et l’oméga, première et dernière lettres de l’alphabet grec, premier mot et dernier mot de l’histoire. Il est, dans le même sens « celui qui est, qui était et qui vient ». C’est ainsi que la liturgie juive ancienne traduisait « Je suis qui je suis » (Exode 3, 14). Enfin, il est le Pantokratôr (« le Tout-Puissant »), un titre saluant les empereurs antiques.
Dans la solennité de ces versets, nous apprenons que la royauté du Christ, crucifié et ressuscité, vient de Dieu, le Pantokratôr, et elle rejaillit dans la dignité royale et sacerdocale conférée aux baptisé(e)s.

* Amen. Un commentaire juif ancien définit brièvement le mot en ces termes : « Amen contient trois sortes de déclarations solennelles : serment, assentiment, confirmation » (Midrash Rabba du Deutéronome 7,1).

 


Jean 18, 33b-37 (« C’est toi-même qui dis que je suis roi »)

Les membres juifs du sanhédrin, ou selon toute vraisemblance, une minorité d’entre eux, se débarrassent de « l’affaire Jésus » en déférant celui-ci devant Pilate, sous l’accusation de prétentions royales troublant l’ordre public et les relations avec Rome. Pour ce qu’on peut deviner, les faits sont laconiques, expéditifs et d’une cruelle banalité.

Devant Pilate

Le préfet romain siège à son tribunal, en public, depuis l’aube jusque vers neuf heures du matin. Ensuite, il fait trop chaud. Jésus comparaît dans une fournée d’accusés : un certain Barabbas (Marc 15, 15, 7) et au moins deux autres bandits entre lesquels notre Seigneur sera crucifié (Marc 15, 27). L’antijudaïsme notoire de Pilate se signale par le titulus, la pancarte officielle notifiant le motif de la condamnation : « le roi des Juifs », les seuls mots que l’on ait sans doute écrits dans la vie du Jésus terrestre. On saisit l’ironie du préfet : cet individu flagellé, exténué et livré aux lazzi de la populace, voilà bien le roi que méritent les Juifs !
Bref, il faut s’en rendre compte, ce procès n’était alors qu’un fait divers à Jérusalem, mais un fait sur lequel l’évangile de Jean va broder, dans le dialogue avec Pilate, par une solennelle confession de la royauté de Jésus, en un épisode qui est central, un sommet dans le récit de la Passion selon cet évangéliste. Pour en saisir la portée, il faut revenir à sa conception de la croix.

Une royauté qui n’est pas de ce monde

La croix est « l’heure », l’heure H, dirions-nous, en laquelle le Christ est « élevé », à la fois physiquement sur le gibet et spirituellement, comme l’heure où s’affirme la gloire de Jésus et celle de Dieu, à savoir une royauté qui se traduit en un don total de l’amour, la capacité unique de Dieu de nous sauver en s’effaçant totalement (voir Jean 12, 31-32).
La tradition évangélique unanime distingue entre l’appellation politique, dans la bouche des païens, de « roi des Juifs » et celle des Juifs, religieuse : « le Messie, roi d’Israël » (Marc 15, 32). À partir de l’accusation à lui transmise implicitement, Pilate se concentre d’emblée sur le problème de la royauté. Il avoue que ce sont les autorités juives qui ont avancé ce grief. La réponse du prévenu n’évoque pas un « royaume » dont il serait le souverain, mais, selon l’ambiguïté du mot grec (basiléia), sa « royauté », son pouvoir royal qui n’a rien à voir avec les instances politiques temporelles, sinon il aurait été défendu par un corps d’armées (comparer Matthieu 26, 53). Sa royauté vient de Dieu, du monde céleste, et elle s’exercera à jamais en ce monde, pour ceux qui croient en lui, par delà des calculs politiques toujours aléatoires. Selon la haute théologie de l’évangéliste, le Christ, existant de toute éternité (cf. Jean 1, 1-3), est né, venu sur cette terre, pour témoigner de la royauté de Dieu, la « vérité », le projet de Dieu d’entrer en communion avec nous. C’est en écoutant la voix de Jésus, à travers les évangiles, la voix du bon pasteur royal (cf Jean 10, 27) que nous bénéficierons de cette royauté. Car, dans l’Antiquité orientale, le berger est l’image du roi.

Roi par la croix

La royauté du Christ s’exprime paradoxalement dans l’effacement de la croix. C’est une interpellation interrogeant toutes nos formes de pouvoir, conscientes ou non, pour nous qui, par le baptême, sommes un peuple de rois et de prêtres. Telle est *notre attente du Christ, Roi de l’univers.

* Notre attente. « Un instant apparu parmi nous, le Messie ne s’est laissé voir et toucher que pour se perdre, une fois encore, plus lumineux et plus ineffable, dans les profondeurs de l’avenir. Il est venu. Mais, maintenant, nous devons l’attendre encore et de nouveau – non plus un petit groupe choisi seulement, mais tous les hommes – plus que jamais. Le Seigneur Jésus ne viendra vite que si nous l’attendons beaucoup. C’est une accumulation de désirs qui doit faire éclater la Parousie » (Pierre Teilhard de Chardin).