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Solennité du Christ, Roi de l’Univers par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 22 novembre 2015

 

Daniel 7, 13-14 (Le royaume du Fils de l’homme)

La vision du « Fils d’homme » se passe de nuit. En effet, comme d’autres apocalypses juives, l’auteur hésite entre un songe nocturne ou un transfert corporel dans le monde céleste. On pourra comparer l’expérience de Paul en 2 Corinthiens 12, 1-4.
La vision d’un « Fils d’homme », une belle figure d’humanité, fait contraste avec l’évocation de quatre bêtes sauvages inhumaines symbolisant les nations et leurs rois qui persécutent le Peuple saint, au milieu du 2e siècle avant notre ère (Daniel 7, 1-8). Il s’agit ici d’une scène d’intronisation située dans « les nuées du ciel ». Le héros parvient jusqu’au trône divin (voir Daniel 7, 9-10), une sorte de char mobile, avec des roues, signifiant la présence de Seigneur, partout où il le veut. L’auteur s’inspire ici de Ézékiel 1. Dieu est présenté comme le « Vieillard » ou « l’Ancien » aux cheveux blancs comme la laine (Daniel 7, 9), une manière d’évoquer l’éternité de ce Dieu qui confie un règne éternel et universel au « Fils d’homme » en qui l’Apocalypse de Jean (2e lecture) verra Jésus ressuscité, « le souverain des rois de la terre », « qui vient parmi les nuées ».
Les évangiles – cf. déjà le passage de dimanche dernier – appliquent à Jésus cette figure, notamment dans le récit de la Passion, en cette déclaration devant le grand tribunal, le sanhédrin : « Vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel » (Matthieu 26, 64). Ces juges verront le Christ venant comme souverain, roi, juge de l’univers et d’eux-mêmes.
En deçà de cette interprétation évangélique on peine à décider à qui pense à l’origine l’auteur du livre de Daniel. Ce « Fils d’homme » peut être une figure collective, « le peuple des saints du Très-Haut » (Daniel 7, 27), c’est-à-dire Israël délivré des fauves mythiques, ses persécuteurs, et appelé à dominer le monde entier. Mais il peut s’agir de l’archange Michel, prince céleste (Daniel 12, 1), protecteur de ce Peuple élu que maltraitent les puissances politiques du Proche Orient. C’est apparemment le sens collectif que retiendra l’Apocalypse de Jean (2e lecture), sens transféré à la dignité royale du peuple chrétien.


Psaume 92 : « Le Seigneur est roi »

De ce psaume, la liturgie d’aujourd’hui retient trois des cinq strophes qui le composent. Il appartient à une collection de sept poèmes qui célèbrent la royauté de Dieu et que pour cette raison on appelle « les psaumes du Règne ». Ce sont, selon la numérotation liturgique, les psaumes 46, 92, 94 à 98. Ils comportent généralement la formule « le Seigneur est roi », que l’on peut traduire aussi « le Seigneur est devenu roi ». Car il s’agissait, dans les cours orientales, d’une acclamation saluant, au son du cor, l’intronisation d’un nouveau souverain (voir 2 Samuel 15, 10). Bien entendu, dans les « psaumes du Règne », personne n’intronise Dieu comme roi. C’est lui-même qui s’affirme et se révèle comme tel.
Dans les passages du Ps 92 retenus en ce dimanche, la strophe I contemple Dieu sur son trône. Son costume est de lumière majestueuse et, selon la traduction littérale, il a, comme il convient à un guerrier antique, un ceinturon de force. Les strophes II et III s’adressent à lui pour souligner la foi en son règne inébranlable, dès l’origine de la création, depuis toujours et pour la suite des temps. Selon la strophe III, les « volontés » du Seigneur, ses projets et ses commandements, immuables, apportent au monde sa stabilité, par delà les accidents de la politique et des conflits de l’histoire. Cette certitude, fondée sur la sainteté de Dieu se vérifie pour les croyants dans « la maison » du Seigneur, dans le Temple, dans le culte qu’on lui rend.
Au long les âges, les psaumes vivent leur vie. Dans la vieille traduction grecque, ce psaume a pour titre cette rubrique liturgique : Pour la veille du sabbat, quand le monde fut habité. Ainsi, on récitait ce psaume le vendredi, le jour où l’homme fut créé. Une homélie juive antique raconte ceci, avec humour : quand les créatures ont vu se dresser l’homme, au sixième jour, elles se sont couchées devant lui, en pensant qu’il était leur créateur. Adam, offusqué, les a relevées, pour qu’elles récitent avec lui le Psaume 92, pour adorer le seul roi, le Créateur. La légende peut viser la théologie chrétienne d’un Christ orgueilleux (!), nouvel Adam prétendant à la royauté sur la création.
Dans la liturgie latine des heures qui, au quotidien, va de l’Ancien Testament, (laudes), au Nouveau Testament, (vêpres), ces psaumes du Règne chantent, au matin, le règne éternel de Dieu, de l’ancienne à la nouvelle alliance. Dans certaines traditions monastiques cependant, les psaumes du Règne se chantent aux vêpres. Par là, cette royauté divine est liturgiquement transférée à celle du Christ.
Lire attentivement 1 Corinthiens 15, 22-28. Qui donc est le Roi de l’univers ? Dieu ? Le Christ ? Tel est, au milieu des douleurs de l’histoire, le lien qu’affirment les croyants.


Apocalypse 1, 5-8 (« Le prince des rois de la terre a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu »)

Voici les versets constituant l’adresse et la bénédiction qui ouvrent le livre de l’Apocalypse et préparent la solennelle vision du Fils de l’homme (Apocalypse 1, 9-20). L’auteur souhaite à ses lecteurs « la grâce », le don de Dieu qui apporte « la paix » dans le cœur des croyants et dans leurs relations fraternelles. Cette bénédiction de grâce et de paix est classique dans les épîtres du Nouveau Testament. Ainsi, par exemple en 1 Corinthiens 1, 3. Elle nous vient par la médiation de Jésus Christ ressuscité, « le premier-né d’entre les morts », désigné aussi, par allusion à la vision du Fils de l’homme (cf. 1ère lecture) comme « commandant des rois de la terre ». On l’appelle encore « témoin [ou “martyr”] fidèle ». En Isaïe 55, 4, le mot « témoin » semble évoquer le Messie. Jésus a accompli son témoignage prophétique jusqu’au don total de lui-même « par son sang », jusqu’où allait son amour pour nous.

Un premier Amen

Cette partie de la bénédiction se conclut par un premier « amen* ». Le Christ nous consacre comme des prêtres et des rois pour Dieu son Père, selon la promesse faite à Israël au pied du Sinaï (Exode 19, 5). Celui qui nous consacre ainsi est le Fils de l’homme venant sur les nuées (Daniel 7, 13-14 ; cf. 1ère lecture) et nous faisant partager sa dignité royale. Il est encore le Crucifié, le « transpercé », reconnu finalement par le monde entier, selon l’énigmatique oracle de Zacharie (12, 10-14) repris par l’évangile de Jean (19, 37).

Un second Amen

Cette seconde vague de la bénédiction s’achève par un nouvel « amen », surenchéri par un « oui ». Le même livre de l’Apocalypse (3, 14) saluera Jésus comme l’Amen, le Témoin fidèle et véritable. » Il est à la fois fidélité à sa mission et engagement de Dieu à notre égard. La profondeur du mot signifiant « c’est vrai et c’est du solide » peut nous guérir de répondre des « amen » tièdes et machinaux dans nos célébrations.

L’Amen de nos liturgies

L’ensemble de ces versets paraît refléter les liturgies en vigueur dans les Églises d’Asie mineure auxquelles s’adresse l’auteur de l’Apocalypse. C’est pourquoi la finale donne la parole à Dieu lui-même. Il est l’alpha et l’oméga, première et dernière lettres de l’alphabet grec, premier mot et dernier mot de l’histoire. Il est, dans le même sens « celui qui est, qui était et qui vient ». C’est ainsi que la liturgie juive ancienne traduisait « Je suis qui je suis » (Exode 3, 14). Enfin, il est le Pantokratôr (« le Tout-Puissant »), un titre saluant les empereurs antiques.
Dans la solennité de ces versets, nous apprenons que la royauté du Christ, crucifié et ressuscité, vient de Dieu, le Pantokratôr, et elle rejaillit dans la dignité royale et sacerdocale conférée aux baptisé(e)s.

* Amen. Un commentaire juif ancien définit brièvement le mot en ces termes : « Amen contient trois sortes de déclarations solennelles : serment, assentiment, confirmation » (Midrash Rabba du Deutéronome 7,1).

 


Jean 18, 33b-37 (« C’est toi-même qui dis que je suis roi »)

Les membres juifs du sanhédrin, ou selon toute vraisemblance, une minorité d’entre eux, se débarrassent de « l’affaire Jésus » en déférant celui-ci devant Pilate, sous l’accusation de prétentions royales troublant l’ordre public et les relations avec Rome. Pour ce qu’on peut deviner, les faits sont laconiques, expéditifs et d’une cruelle banalité.

Devant Pilate

Le préfet romain siège à son tribunal, en public, depuis l’aube jusque vers neuf heures du matin. Ensuite, il fait trop chaud. Jésus comparaît dans une fournée d’accusés : un certain Barabbas (Marc 15, 15, 7) et au moins deux autres bandits entre lesquels notre Seigneur sera crucifié (Marc 15, 27). L’antijudaïsme notoire de Pilate se signale par le titulus, la pancarte officielle notifiant le motif de la condamnation : « le roi des Juifs », les seuls mots que l’on ait sans doute écrits dans la vie du Jésus terrestre. On saisit l’ironie du préfet : cet individu flagellé, exténué et livré aux lazzi de la populace, voilà bien le roi que méritent les Juifs !
Bref, il faut s’en rendre compte, ce procès n’était alors qu’un fait divers à Jérusalem, mais un fait sur lequel l’évangile de Jean va broder, dans le dialogue avec Pilate, par une solennelle confession de la royauté de Jésus, en un épisode qui est central, un sommet dans le récit de la Passion selon cet évangéliste. Pour en saisir la portée, il faut revenir à sa conception de la croix.

Une royauté qui n’est pas de ce monde

La croix est « l’heure », l’heure H, dirions-nous, en laquelle le Christ est « élevé », à la fois physiquement sur le gibet et spirituellement, comme l’heure où s’affirme la gloire de Jésus et celle de Dieu, à savoir une royauté qui se traduit en un don total de l’amour, la capacité unique de Dieu de nous sauver en s’effaçant totalement (voir Jean 12, 31-32).
La tradition évangélique unanime distingue entre l’appellation politique, dans la bouche des païens, de « roi des Juifs » et celle des Juifs, religieuse : « le Messie, roi d’Israël » (Marc 15, 32). À partir de l’accusation à lui transmise implicitement, Pilate se concentre d’emblée sur le problème de la royauté. Il avoue que ce sont les autorités juives qui ont avancé ce grief. La réponse du prévenu n’évoque pas un « royaume » dont il serait le souverain, mais, selon l’ambiguïté du mot grec (basiléia), sa « royauté », son pouvoir royal qui n’a rien à voir avec les instances politiques temporelles, sinon il aurait été défendu par un corps d’armées (comparer Matthieu 26, 53). Sa royauté vient de Dieu, du monde céleste, et elle s’exercera à jamais en ce monde, pour ceux qui croient en lui, par delà des calculs politiques toujours aléatoires. Selon la haute théologie de l’évangéliste, le Christ, existant de toute éternité (cf. Jean 1, 1-3), est né, venu sur cette terre, pour témoigner de la royauté de Dieu, la « vérité », le projet de Dieu d’entrer en communion avec nous. C’est en écoutant la voix de Jésus, à travers les évangiles, la voix du bon pasteur royal (cf Jean 10, 27) que nous bénéficierons de cette royauté. Car, dans l’Antiquité orientale, le berger est l’image du roi.

Roi par la croix

La royauté du Christ s’exprime paradoxalement dans l’effacement de la croix. C’est une interpellation interrogeant toutes nos formes de pouvoir, conscientes ou non, pour nous qui, par le baptême, sommes un peuple de rois et de prêtres. Telle est *notre attente du Christ, Roi de l’univers.

* Notre attente. « Un instant apparu parmi nous, le Messie ne s’est laissé voir et toucher que pour se perdre, une fois encore, plus lumineux et plus ineffable, dans les profondeurs de l’avenir. Il est venu. Mais, maintenant, nous devons l’attendre encore et de nouveau – non plus un petit groupe choisi seulement, mais tous les hommes – plus que jamais. Le Seigneur Jésus ne viendra vite que si nous l’attendons beaucoup. C’est une accumulation de désirs qui doit faire éclater la Parousie » (Pierre Teilhard de Chardin).

 

 




Christ Roi de l’Univers par le Diacre Jacques FOURNIER (22 Novembre)

« Jésus, témoin de la vérité (Jn 18,33-37) »

 

Alors Pilate rentra dans le Prétoire ; il appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? »
Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? »
Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »

christ en croix

 

     Pilate ne comprend plus… Les autorités du Peuple Juif lui ont livré ce Jésus en lui disant qu’il se prétendait « roi ». Plus tard, pour appuyer leurs accusations, ils lui diront : « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de César : quiconque se fait roi s’oppose à César » (Jn 19,12). Or, il le sait, pour le vivre lui-même à leur égard, ces hommes le haïssent. Et ils n’ont qu’un seul désir : voir tous ces envahisseurs Romains quitter la terre d’Israël… Et ce sont eux qui lui livreraient un ennemi de César ?
C’est pourquoi Pilate prend Jésus à l’écart pour en savoir un peu plus sur lui. « Es tu le roi des Juifs » ? Mais dans sa bouche, ce mot « roi » n’a que des connotations terrestres et politiques. Jésus l’accepte dans un premier temps et il va inviter Pilate à s’interroger sur ses sources. Dit-il cela « de lui-même », a-t-il constaté par lui même qu’il se prétendait « roi » et qu’il représentait un danger pour l’autorité romaine ? Ou bien est-ce sa police secrète qui l’a renseigné ? La réponse est « non » dans les deux cas et Pilate le sait bien lorsqu’il répond : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Les chefs des prêtres t’ont livré à moi ». C’est donc bien une affaire interne aux autorités juives : elle ne le concerne en rien… « Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré » (Mc 15,10)…
Dans un deuxième temps, Jésus va rectifier cette notion de royauté que Pilate a employée. « Ma royauté ne vient pas de ce monde », elle n’est pas avant tout d’ordre politique, son origine n’est pas terrestre… Elle vient de « celui qui lui a tout soumis » (1Co 15,28), son Père. Il l’a envoyé dans le monde pour proposer son Règne d’Amour et de Paix à tous les hommes de bonne volonté quels qu’ils soient, Juifs ou Romains… Voilà la vérité à laquelle Jésus rend à nouveau témoignage devant Pilate. Et il sait qu’au même moment « l’Esprit de Vérité, lui aussi, lui rend témoignage » (Jn 15,26) en frappant à la porte du cœur de Pilate avec toutes ses richesses de Douceur, de Lumière et de Vie… Lui ouvrira-t-il ? La suite montrera, hélas, que ses calculs politiques prendront le dessus… Mais Jésus, Lui, restera fidèle à sa mission : manifester l’Amour inconditionnel du Père vis-à-vis de tous les hommes, ses enfants… Eux, dans leur aveuglement, le feront atrocement souffrir et ils le tueront… Et Jésus, par son attitude et ses paroles, n’aura qu’une seule réponse : « Je vous aime toujours, et j’offre cette mort que vous m’infligez pour votre guérison, votre salut, votre vie »… DJF




Rencontre autour de l’Évangile – Christ Roi de l’Univers

 » Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité… « 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

C’est le dernier dimanche de l’année liturgique. Pour la fête du Christ Roi nous méditons en saint Jean sur un passage de la Passion : Jésus au tribunal de Pilate.

Regardons-réfléchissons-méditons

Faire lire lentement le texte en forme dialoguée

Jésus devant Pilate : Quel est la fonction de Pilate ?

Roi des juifs : Les juifs avaient-il l’expérience de la royauté ?
Dis-tu cela de toi-même… ? Pourquoi cette question de Jésus ?
Ta nation et les chefs des prêtres t’ont livré à moi: Qui est derrière le mot « nation » et derrière « les chefs des prêtres » ?
Ma royauté ne vient pas de ce monde…ne vient pas d’ici : D’où vient-elle ?
Alors tu es roi ? A quelle royauté pense Pilate ?
C’est toi qui dis… : Jésus accepte-t-il le titre de « roi » ?
Je suis né, je suis venu dans le monde : Quel est cet « ailleurs » où Jésus est né ?
Rendre témoignage à la vérité : Quelle est cette vérité pour laquelle Jésus accepte mourir ?
Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix : Qui est membre du Royaume de Jésus ?

  

Pour l’animateur

Es-tu le roi des juifs ? Ce titre de « roi des juifs » était celui des rois de la dynastie des « asmonéens », les derniers rois d’Israël avant l’occupation romaine. Pilate est le « procurateur », c’est à dire le représentant de l’empereur de Rome. Il a tout pouvoir en Palestine.
Dis-tu cela de toi-même… ? Provoqué par Pilate à se reconnaître comme roi, Jésus prend ses distances, comme s’il voulait montrer ses réserves par rapport à limage de la royauté terrestre, sans pour autant refuser le titre lui-même. Jésus sait que l’expression « rois des juifs » a une signification politique dans l’opinion de cette époque.
Ta nation et le chef des prêtres t’ont livré à moi : Jésus a été livré à la fois par Hérode, un roi fantoche de Galillée, responsable de la « nation », et par « les grands prêtres », les dirigeants religieux. Nous le savons, Jésus a subi deux procès, l’un religieux et l’autre politique ; mais la véritable raison de sa condamnation a été religieuse : il prétendait être le Messie, Fils de Dieu, l’égal de Dieu.
Ma royauté n’est pas de ce monde …ne vient pas d’ici : Jésus affirme que sa royauté n’est ni celle qu’attendent les juifs, ni celle qu’imagine Pilate, ni à l’image de la royauté des hommes qui se juge à la force des armées et à l’étendue des conquêtes.
« Je suis né, je suis venu dans le monde…. » Jésus ne parle pas de sa naissance terrestre, à Bethléem, mais de son origine qui est en Dieu. Sa royauté vient d’ailleurs, de ce « pays » où il est « né », d’où il est « venu » : Jésus laisse entendre au lecteur qu’il est le « préexistant ». Son origine est de toute éternité en Dieu. L’apôtre Paul dit de Jésus qu’il est « premier-né de toute créature, car en lui tout a été créé. » (Co 1,15-16)
Si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes : La royauté de Jésus ne s’établit pas par la force.
Rendre témoignage à la vérité : la royauté de Jésus s’établit par la proposition d’une Parole de révélation : Jésus est venu révéler la vérité sur Dieu et la vérité sur l’homme ; c’est la révélation de l’amour de Dieu pour tous les hommes, quelle que soit leur race, leur classe sociale et leurs opinions politiques. Ceux qui l’accueillent deviennent sujets de Royaume de Dieu, non seulement à la fin des temps, mais dès maintenant. Cette vérité qui révèle que tous les hommes sont égaux doit inspirer la politique de tous les royaumes terrestres.
« Tout homme qui appartient à la vérité » : C’est celui qui se met à l’écoute de la Parole de révélation, et qui devient membre du Royaume.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS
Seigneur Jésus, tu es notre Roi. Mais tu n’es pas venu comme un grand de ce monde. Ta place n’a pas été avec les riches et les puissants. Tu es venu, tu viens, comme le témoin de Dieu, d’un Dieu qui est amour, don de soi, attention aux autres. Un Dieu qui met sa toute-puissance à nous faire place en lui. Tu es notre Roi parce que tu es le Serviteur.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

 La Parole aujourd’hui dans notre vie
Quelle est la bonne nouvelle que nous apporte cet évangile ?
Jésus nous révèle que sa Royauté ne le met pas loin au-dessus de nous ; qu’il est pour nous l’Emmanuel, le frère. Il reste éternellement un Roi crucifié et humilié, un Roi qui a donné sa vie pour rendre témoignage à la vérité. Dans son Royaume d’amour, les petits et les pauvres sont les premiers. Si nous écoutons sa voix, nous sommes de son Royaume.
Quel visage de Dieu Jésus nous révèle-t-il ?
Un Dieu Amour qui veut régner dans nos cœurs et les cœurs de tous les hommes, en y mettant son amour.
– De quelle manière contribuons-nous à étendre le Royaume du Christ autour de nous ?
– Dans nos engagements de tous les jours (familiaux, professionnels, sociaux, politique…est-ce que nous maintenant fermement le respect de la personne de tout être humain, le droit de tous à la liberté, à l’information impartiale, à la justice ?
– Est-ce que nous sommes convaincus que le Royaume du Christ a quelque chose à voir avec la vie civique du chrétien ?

ENSEMBLE PRIONS
Seigneur notre Dieu, ton Fils Jésus est venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Donne-nous d’écouter sa voix et de nous ouvrir à cette vérité. Nous pourrons alors entrer dans le royaume d’amour où tu nous attends pour les siècles des siècles.

Chant : -Viennent les cieux nouveaux et la nouvelle terre – p. 326

 

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Est-il normal d’avoir peur de la mort ?

    Il est naturel d’avoir peur de la mort, y compris lorsqu’on est croyant. Le Christ n’a-t-il pas redouté sa mort au Jardin des Oliviers : «Père si c’est possible, que ce calice s’éloigne de moi.» Le Chrétien n’est pas un déçu de la vie et du monde qui voudrait aller voir ailleurs…C’est un passionné de la vie, plutôt ! Comment n’aurait-il pas peur lorsqu’il est question de la perdre ?

ciel bleu
D’autant qu’avant de nous atteindre, la mort touche des personnes que nous aimons ! La mort est une épreuve redoutable. A cause de la séparation d’abord. Mais aussi parce qu’elle rarement vécue sans culpabilité (j’ai fait ou j’ai dit ce que je n’aurais pas dû faire et dire.) Et puis nous ne savons pas de quelles souffrances physiques ou morales notre mort s’accompagnera. Avoir peur de la mort, c’est aussi avoir peur de souffrir, ou de ne pas savoir souffrir, d’être une charge pour ceux qui m’entourent…
Mais « lorsqu’on est croyant » ?

N’espérons pas échapper à l’exigence évangélique de donner notre vie à la suite de Jésus : « Entre tes mains, Seigneur, je remets mon esprit» « Donner sa vie » : c’est le mot de l’amour. Oui, « l’amour est fort comme la mort » : il a le pouvoir de nous arracher à nous-mêmes pour nous donner à Dieu et aux autres.
Jusque-là, cela peut faire peur !

 

Père Antoine DENNEMONT




33ième Dimanche du Temps Ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 15 novembre 2015

Daniel 12, 1-3 (« En ce temps-ci, ton peuple sera délivré »)

Notre première lecture vient du livre de Daniel. La première partie de l’ouvrage (Daniel 1 – 6), un conte peut-être ancien, salue la sagesse de ce jeune Juif exilé à Babylone et qui prend une place éminente dans la cour royale de ce pays. La seconde partie (Daniel 7 – 12), après cette qualification, consiste en une série de visions relevant du genre apocalyptique. L’horizon historique, en la rédaction finale du livre, est l’an 164 avant notre ère. Le contexte est la lutte de Judas Maccabée pour reconquérir le Temple de Jérusalem, souillé par un culte païen (voir 1 Maccabées 1, 41-64). Mais cette reconquête (en 167) n’a pas encore réussi.
Le livre, à travers les visions célestes, affirme que Dieu protège les fidèles de son peuple, notamment grâce à l’archange Michel qui combat au ciel contre les forces invisibles du mal, hostiles à Israël. Selon certains interprètes – mais la question reste débattue –, le « Fils d’homme » de Daniel 7, 13 serait Michel lui-même. Voir la 1ère lecture de dimanche prochain (Christ Roi)
Un fait tourmente l’auteur : Dieu serait-il injuste ? Pourquoi les païens sont-ils vainqueurs et les fidèles massacrés, surtout « les sages », « maîtres de justice », ces scribes défendant au milieu du peuple la vraie religion ? La réponse de l’auteur se trouve dans la foi en la résurrection, prévue dans « le Livre (de Dieu) » qui tient de justes comptes. Si le Seigneur ne rend pas justice en ce monde-ci, il le fera après la mort.
Certains livres juifs anciens n’envisagent la résurrection que des justes. Ici, au contraire, il s’agit d’une résurrection de tous, en un jugement final qui condamnera les impies à une déchéance éternelle et qui fera triompher les justes.
Certaines apocalypses conçoivent la résurrection comme le retour à une vie terrestre paradisiaque, ainsi Isaïe 65, 19-25. D’autres, dont ce livre de Daniel, imaginent plutôt une transfiguration des élus prenant leur rang dans le monde des « étoiles » , c’est-à-dire, selon les représentations antiques, dans le monde des anges : comparer Sagesse 3, 7 ; Luc 20, 35-36 ; 1 Corinthiens 15, 51-53.
Le terme de la vie des croyants et de l’histoire du monde reste un grand mystère. La foi conserve la certitude d’un bonheur final, quelles que soient les images que l’on s’en fait vaille que vaille. Cette lecture de Daniel prépare la page d’évangile évoquant la venue en gloire du « Fils de l’homme », venue qui déclenchera cette échéance à la fois terrible et merveilleuse.


Psaume 15 : une promesse de résurrection ?

Comme tout poème, ce psaume à une vie. Il ne signifie pas seulement ce que son auteur a voulu dire, mais ce que les lecteurs lui font dire, de génération en génération.
Avec certains commentateurs, pensons qu’à l’origine, le texte est l’œuvre d’un lévite, prêtre de second rang à Jérusalem. Les lévites n’ont pas de propriété foncière en Israël : « Lévi n’a ni part ni héritage avec ses frères, c’est le Seigneur qui est son héritage » (Deutéronome 10, 9). Le lévite tient sa sécurité matérielle des offrandes et des dîmes que les fidèles apportent au Temple
Mais le lévite, auteur du poème et bénéficiaire de ces avantages, se réjouit surtout de la proximité spirituelle avec Dieu que lui offre sa condition. Cette communion de tout son être s’exprime par le langage du corps. Si l’on joint les versions anciennes du psaume (hébreu, grec, araméen, syriaque), l’auteur parle de son cœur, de son ventre, de son foie, de sa chair, de sa langue, de sa gorge. Cette communion totale incite le poète à s’adresser au Seigneur, selon l’hébreu, en ces termes : « Tu ne peux abandonner ma vie au shéol [= le séjour des morts], ni laisser ton ami voir la mort. » Qu’espère-t-il donc ? Que Dieu ne le laisse jamais mourir ? Que cette relation d’amour (comme tout amour) ne cesse pas avec la mort ? Mais comment ? Le psalmiste l’ignore.
Les sages juifs qui, à Alexandrie, ont traduit la Bible en grec sont allés plus loin et ont lu dans ce psaume une promesse de la résurrection. D’où leurs termes : « Ma chair reposera dans l’espérance (…), tu ne laisseras pas ton ami voir la destruction. » Tu ne m’abandonneras pas au pouvoir destructeur de la mort. Au jour de la Pentecôte et en suivant la version grecque, Pierre proclamera que ce verset prophétisait la résurrection du Christ (Actes 2, 2, 24-33).
Les extraits de ce psaume sont choisis aujourd’hui pour faire écho à la première annonce claire de la résurrection, dans le livre de Daniel (1ère lecture).


Hébreux 10, 11-14.18 (« Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie »)

Ici s’achève notre lecture semi-continue de la lettre aux Hébreux, commencée depuis plusieurs dimanches. Ce document tient une place importante chez les Catholiques qui s’intéressent plus que d’autres Églises à la dimension sacrificielle de la Passion du Christ, grand prêtre.

Le sacrifice unique

Notre passage oppose les holocaustes quotidiens que présentaient les prêtres du Temple, à Jérusalem, en vue d’obtenir le pardon des péchés d’Israël, au sacrifice unique du Crucifié. La subtile logique de l’argumentation est celle-ci : si les prêtres devaient renouveler chaque jour les sacrifices, c’est que ces rites n’obtenaient pas vraiment la miséricorde demandée à Dieu. Le sacrifice du Christ, « unique », nous obtient ce pardon, en cela qu’il est exemplaire, poussant les croyants à une attitude de « perfection », grâce à celui qui, grâce à son pardon, nous confère la « sainteté » tirant un trait sur notre passé de pécheurs.

La victoire du Christ

Pour fonder cette conviction, l’auteur revient au Psaume 110 [109], 1. Comparer Hébreux 1, 13 ; 5, 10 ; 8, 1. Prêtre « selon l’ordre de Melkisédek », Jésus Christ, par sa résurrection, « est assis » pour toujours « à la droite de Dieu », selon l’expression que nous répétons dans notre Credo dominical. Le texte prolonge la citation du Psaume chantant l’espérance de la victoire définitive du Messie, à savoir que « ses ennemis soient mis sous ses pieds ». Cette dernière expression évoque la victoire du Christ sur la mort. Comparer 1 Corinthiens 15, 24-28.

Quand le pardon est accordé

Le lectionnaire saute les versets 15 à 17 qui citent Jérémie 31, 31-34, c’est-à-dire la prophétie d’une nouvelle alliance en laquelle le culte deviendrait inutile, en tant que ce culte veut réparer la séparation de l’homme pécheur avec Dieu. Selon cette nouvelle alliance, les lois du Seigneur seraient inscrites dans les cœurs, en une sorte de connivence profonde entre le croyant et le vouloir de Dieu, le tout se fondant sur un pardon radical et définitif : « De leurs péchés et de leurs iniquités, je ne me souviendrai plus » (Jérémie 31, 34).
Si le culte cherche au jour le jour à restaurer l’harmonie, sans cesse menacée, entre l’humanité et la divinité, en régime chrétien, il n’y a plus de culte. En effet, cette harmonie a été définifivement restaurée par l’unique sacrifice du Crucifié. S’il y a un « culte chrétien », il ne s’agit que d’une communion, à travers les sacrements, avec celui qui, par le sacrifice de la croix, nous donne à jamais accès auprès de Dieu.

Marc 13, 24-32 (La venue du Fils de l’homme)

En quittant définitivement le Temple, Jésus marque sa rupture avec les autorités religieuses qui vont le condamner à mort. Le voici sur le mont des Oliviers, « assis », en position solennelle d’enseignant. Il vient de prédire, tel un nouveau Jérémie (cf. Jérémie 7, 14-15 ; 26, 4-6), la ruine de ce Temple qu’admirent ses disciples (Marc 13, 2). À présent, il répond à ses plus proches, Pierre, Jacques, Jean et André qui l’interrogent en ces termes : « Dis-nous quand cela aura lieu et quel est le signe que tout cela finira » (13, 4). La réponse porte à la fois sur la ruine du Temple et sur la fin des temps, déplace la question. À la différence des apocalypses juives qui supputent savamment la date de ces tragiques échéances, Jésus en affirme la réalité, mais refuse tout calcul chronologique.

Un retour au chaos

Notre extrait liturgique se situe vers la fin du discours. Jésus évoque le bouleversement cosmique qui, dans les apocalypses juives (voir par exemple Joël 2, 10 ; 3, 4 ; 4, 15), accompagnent le « jour du Seigneur ». Cette sorte de « dé-création », de retour au chaos, prélude au jugement universel que présidera le Fils de l’homme, l’être céleste prophétisé par Daniel 7, 13-14 (comparer Matthieu 25, 31). Jésus ne dit pas directement qu’il est ce Fils de l’homme, mais les lecteurs conçoivent aisément cette identification.. En tout cas, le personnage est escorté d’une armée d’anges dont l’évangéliste souligne la fonction positive, celle de rassembler « les élus » répandus dans le monde entier.

La parabole du figuier

La dernière partie du texte invite à la vigilance en des termes qui restent à dessein énigmatiques. Plus haut dans le discours (Marc 13, 5-23), Jésus a annoncé des persécutions, des guerres, des séismes. Ces fléaux qui se répètent au long de l’histoire signent à chaque fois en quelque sorte la fin d’un monde, celui de notre vie individuelle et de notre époque. À chaque fois, le croyant doit exercer sa lucidité, à l’instar du paysan qui sait prévoir quand le figuier va fructifier : « Vous savez que l’été est proche. » Dans la langue de Jésus, l’araméen, les mots « été » (qaïts) et « fin » (qéts) se ressemblent, si bien que l’on peut comprendre : « Vous savez que la fin est proche. » Ensuite, la traduction liturgique, « sachez que le Fils de l’homme est proche », est une sur-interprétation. Le texte est bien plus obscur, qui dit : « sachez qu’il est proche. » Le sujet sous-entendu du verbe peut être simplement l’événement final.

Une échéance inconnue

Suit une déclaration solennelle : « Amen, je vous le dis. » Elle affirme que « cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. » Au vrai, puisque l’humanité demeure toujours sur cette terre, de nombreuses générations se sont succédé, et la fin du monde, malgré les pseudo-prophètes d’aujourd’hui se nourrissant des peurs, la fin du monde ne semble pas promise pour demain. Avec émotion, nous rencontrons ici l’humanité profonde du Christ et l’honnêteté des évangélistes. En son humanité, Jésus dépend d’une culture apocalytique qui voit le terme de l’histoire pour demain. En leur honnêteté, les évangélistes ont conservé, bien des années après, cette parole déroutante. Pour eux, la phrase de Jésus reste vraie en cela que chaque génération de croyants voit arriver, au fil des ans, la fin d’un monde et doit rester vigilante. Car le cosmos, ciel et terre, aura une fin, on ne sait comment. De ce point de vue, les paroles de Jésus garderont à jamais leur valeur.
Au terme, Jésus lui-même, Fils de Dieu, se refuse à tout calcul sur ces événements décisifs. Il n’en veut rien savoir et laisse le soin de ce problème chronologique à Dieu son Père, à lui seul. En parlant de « l’heure », il prépare la conclusion du discours, à savoir la parabole des serviteurs (Marc 13, 33-37) qui ignorent à quelle heure « le Seigneur de la maison » va venir.

Selon le témoignage unanime des évangiles, Jésus se refuse à élucubrer sur une date de la fin du monde, ni sur le mont Blanc, ni ailleurs. Selon lui, cette question fantasmagorique doit céder le pas à un autre impératif : il faut veiller en tout temps, en une conduite morale irréprochable, car la fin de chacun et du siècle où nous vivons, reste une échéance imprévisible. Mais le Fils de l’homme, par ses anges, rassemblera ses « élus ».
Le discours de Jésus sur la fin des temps conclut l’année liturgique. Elle veut amorcer un lieu avec le 1er dimanche de l’Avent. Car l’Avent, période d’attente de la venue du Seigneur, n’est pas d’abord une préparation de la fête de Noël, mais la perspective de la venue du Fils de l’homme, mystérieuse, qui conclura l’histoire du cosmos et de notre humanité.




33ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (15 Novembre)

« Le Fils de l’Homme viendra avec grande puissance » (Mc 13,24-32).

 

En ces jours-là, après une pareille détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ;
les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées.
Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire.
Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche.
De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive.
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père.

 

soleil s'obscurcira

      « Le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel. »
Jésus semble évoquer ici la fin du monde. Mais juste après, pour nous aider à comprendre ces paroles un peu terrifiantes à première vue, il prend l’image du figuier : « Dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. » Et il l’applique aussitôt à ce qu’il vient de dire : « De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. »
Autrement dit, ses premières paroles se sont déjà accomplies à son époque ! Et Jésus précise : « Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père ».
A quel événement ce « jour » et cette « heure » se réfèrent-ils donc ? Le contexte nous aide à répondre. Juste après, en effet, commence en St Marc une nouvelle section de l’Evangile : « la Passion et la Résurrection de Jésus. » Si tous les prophètes et les Psaumes les avaient déjà annoncées, si Jésus savait bien, à la lumière de tous ces textes (Lc 24,44-48), qu’il devait « beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, être tué, pour ressusciter trois jours après » (Mc 8,31), il ne savait ni le « jour » précis, ni « l’heure » exacte où tout cela devait arriver, ni l’identité de ceux qui le feront souffrir, le rejetteront, le tueront, etc… Jésus a découvert, en les vivant, les circonstances historiques de tous ces évènements que les prophètes avaient autrefois annoncés…
Au jour de la Résurrection, les Apôtres, puis Paul et « cinq cent frères à la fois » (1Co 15,3-8) ont vu le Christ Ressuscité avec « grande puissance et grande gloire », une Gloire qui aujourd’hui encore s’offre au regard de la foi notamment quand l’Église se rassemble chaque Dimanche pour célébrer la Résurrection du Seigneur. « Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux ». Et c’est toujours aujourd’hui que le Ciel travaille, avec et par l’Eglise, à « rassembler » tous les hommes « des quatre coins du monde », car « Dieu veut qu’ils soient tous sauvés » (1Tm 2,3-6).

 

         




Le Règne de mille années du Christ et de l’Eglise (Ap 20)

Ap 20,1-15 : Puis je vis un Ange descendre du ciel, ayant en main la clef de l’Abîme, ainsi qu’une énorme chaîne. (2) Il maîtrisa le Dragon, l’antique Serpent, – c’est le Diable, Satan -, et l’enchaîna pour mille années. (3) Il le jeta dans l’Abîme, tira sur lui les verrous, apposa des scellés, afin qu’il cessât de fourvoyer les nations jusqu’à l’achèvement des mille années. Après quoi, il doit être relâché pour un peu de temps.

(4)        Puis je vis des trônes sur lesquels ils s’assirent, et on leur remit le jugement ; et aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main; ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années. (5) Les autres morts ne purent reprendre vie avant l’achèvement des mille années. C’est la première résurrection. (6) Heureux et saint celui qui participe à la première résurrection ! La seconde mort n’a pas pouvoir sur eux, mais ils seront prêtres de Dieu et du Christ avec qui ils régneront mille années.

(7)        Les mille ans écoulés, Satan, relâché de sa prison, (8) s’en ira séduire les nations des quatre coins de la terre, Gog et Magog, et les rassembler pour la guerre, aussi nombreux que le sable de la mer ; (9) ils montèrent sur toute l’étendue du pays, puis ils investirent le camp des saints, la Cité bien-aimée. Mais un feu descendit du ciel et les dévora. (10) Alors, le diable, leur séducteur, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, y rejoignant la Bête et le faux prophète, et leur supplice durera jour et nuit, pour les siècles des siècles.

(11)        Puis je vis un trône blanc, très grand, et Celui qui siège dessus. Le ciel et la terre s’enfuirent de devant sa face sans laisser de traces. (12) Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; on ouvrit des livres, puis un autre livre, celui de la vie ; alors, les morts furent jugés d’après le contenu des livres, chacun selon ses œuvres. (13) Et la mer rendit les morts qu’elle gardait, la Mort et l’Hadès rendirent les morts qu’ils gardaient, et chacun fut jugé selon ses œuvres. (14) Alors la Mort et l’Hadès furent jetés dans l’étang de feu – c’est la seconde mort cet étang de feu – (15) et celui qui ne se trouva pas inscrit dans le livre de vie, on le jeta dans l’étang de feu.

Christ bénissant (Icône copte)

       « Je vis un Ange descendre du ciel »… Nous retrouvons ici l’Ange serviteur, messager, envoyé de Dieu pour introduire dans une révélation plus profonde du Mystère qui s’est révélé en Jésus Christ, « le Verbe fait chair, le Fils Unique-Engendré » (Jn 1,14), «  envoyé dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui » (Jn 3,16-18). Cet Ange était déjà intervenu au tout début du Livre : « Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt ; il envoya son Ange pour la faire connaître à Jean son serviteur » (1,1). Notons que ce terme de « serviteur », sous entendu ‘de Dieu’, employé ici pour St Jean, apparaît aussi en 15,3, pour Moïse, et en 22,9 pour l’Ange (littéralement « serviteur-avec, compagnon de service ») qui déclare à St Jean : « Je suis un serviteur comme toi et tes frères les prophètes et ceux qui gardent les paroles de ce livre ».

Vézelay, fraternité monastique de Jérusalem en prière       Cet Ange serviteur de Dieu a « en sa main la clef de l’Abîme. » « Avoir la clef » d’une réalité, c’est pouvoir en disposer librement : « Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux », avait dit Jésus à St Pierre : « quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié » (Mt 16,19). Le Royaume des Cieux étant « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), et donc Mystère de communion dans l’unité d’un même Esprit (2Co 13,13 ; Ph 2,1 ; Jn 10,30 ; 17,20-23 ; 1Co 1,9 ; 1Jn 1,1-4), l’Esprit d’Amour (Jn 4,24 avec 1Jn 4,8.16 ; et donc Rm 5,5 ; Ga 5,22), Pierre, « serviteur et apôtre de Jésus Christ » (2P,1,1), reçoit de Jésus, « le Serviteur » du Père (Ac 3,13.26 ; 4,27), tout pouvoir pour « se mettre au service » de ses frères dans l’ordre de l’Amour : tous les liens d’Amour qu’il aura contribué à tisser sur cette terre le seront encore dans les cieux, et tous les liens du péché et du mal qu’il aura contribué à délier sur cette terre pour une plus grande liberté des personnes concernées, et donc un plus grand amour, seront aussi déliés dans les cieux. En effet, « le Seigneur, c’est l’Esprit, et où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2Co 3,17 ; Lc 4,18 ; Ga 5,1). Et « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité, – non qu’elle l’eût voulu, mais à cause de celui qui l’y a soumise, – c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8,19-21).

 Dieu-lumiere      L’Ange qui a « en main la clef de l’Abîme » a donc pour mission de révéler et de mettre en œuvre la souveraineté de Dieu sur l’Abîme, sur les profondeurs du Royaume des morts et des ténèbres… Sur Lui, « le Prince de ce Monde », le Prince de l’Abîme, « n’a aucun pouvoir » (Jn 14,30) : sa Lumière, par sa simple Présence, triomphe des ténèbres (Jn 1,5), sa Vie triomphe de la mort et cela au bénéfice de tous ceux et celles qui accepteront de lui ouvrir la porte de leur cœur (Ap 3,20), pour leur plus grand bonheur : « Je t’envoie, moi, vers les nations païennes, pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la Lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,17‑18). Et cette « part d’héritage » n’est autre que « le Don du Saint Esprit », cet Esprit promis dans l’Ancienne Alliance (Ez 36,24‑28 ; Joël 3,1-5), répandu en surabondance au jour de la Pentecôte (Ac 2,1‑41), « l’Esprit de la Promesse, l’Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). Et c’est dans l’accueil de ce Don offert gratuitement aux pécheurs (Lc 5,31-32), dans l’attitude de cœur sans cesse renouvelée d’un repentir sincère (Ac 2,38 ; 5,30-32 ; 1Th 4,8), que nous sommes invités, dès maintenant, dans la foi et par notre foi, à « trouver » notre « Plénitude » :

colombe_677« Et moi, je vous dis : demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on ouvrira. Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson, et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent ? Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient ! » (Lc 11,9-13). « Cherchez donc dans l’Esprit votre Plénitude » (Ep 5,18). En le recevant du Père, jour après jour, de repentir en repentir, de pardon en pardon, « l’homme intérieur se fortifiera en vous, le Christ habitera en vos cœurs par la foi et vous serez enracinés, fondés dans l’Amour. Vous recevrez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l’Amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre Plénitude dans toute la Plénitude de Dieu » (Ep 3,14-21).

       A « la clef de l’Abîme » est associée « une énorme chaîne », une image qui renvoie encore à la Maîtrise de Dieu sur toute forme de mal. Si, par cette « chaîne », Dieu « maîtrise le Dragon, l’antique Serpent, le Diable, Satan », s’il « l’enchaîne pour mille années », au même moment « les chaînes tombent des mains » (Ac 12,7) de celles et ceux qui étaient esclaves du mal, opprimés par le mal, prisonniers du mal (Lc 4,18-19 ; Rm 6), et donc finalement ‘mal-heureux’ (Rm 2,9 ; 7,15.19.24-25 ; Ap 3,17 ; Lc 6,24‑26)… « En effet, ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de Force, d’Amour et de Maîtrise de soi » (2Tm 1,7). Satan est jugé, « jeté dehors », dans ses ténèbres, tandis que tous les hommes pécheurs (Rm 3,9‑24) qui, d’une manière ou d’une autre, étaient pris dans ses filets par leur connivence avec le mal, sont invités à se laisser attirer vers Dieu : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,31-32). Et c’est encore Lui qui, en les rejoignant (Lc 15,4-7) les aidera à se repentir (Ac 5,30), à se tourner vers Lui de tout cœur, tels qu’ils sont, avec « toutes leurs ordures et toutes leurs souillures ». baptemeAlors, dit‑il, « je verserai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai » (Ez 36,25). Cela se réalisera, très concrètement, par l’Eau Pure et Vive de l’Esprit Saint qui purifie et vivifie (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), sanctifie, justifie (1Co 6,9-11). Et pour Dieu, un homme ‘juste’ est un homme qui correspond à son projet lorsqu’il décida de le créer. Or Dieu nous a tous faits « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27) pour que nous soyons comme Lui en participant à la Plénitude de sa nature divine (2P 1,4), comblé par elle, et donc « remplis » par son Esprit Saint, puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu est Saint » (Lv 11,45 ; 19,2 ; Is 6,3 ; 1P 1,16). « Le salaire du péché, c’est la mort », au sens de privation d’une Plénitude de Vie (Rm 6,23) ? La situation d’un tel homme n’est pas « juste ». Aussi, Dieu travaillera-t-il à ce que justice soit faite en mettant tout en œuvre pour que cet état « injuste » cesse enfin : et il lui proposera un pardon surabondant que son repentir sincère ne pourra qu’accueillir… Et avec ce pardon, il sera comblé de cette Vie divine pour laquelle Dieu nous a tous créés. « Prenant la parole, Jésus leur dit : Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin, mais les malades ; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir. » « Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Lc 5,31-32 ; Jn 10,10). « Le salaire du péché, c’est la mort ? Le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ? » (Rm 3,23). Cette situation n’est pas juste aux yeux de Dieu ! Le Père a donc envoyé son Fils dans le monde « pour accomplir toute justice » (Mt 3,15) en comblant les pécheurs repentant par la surabondance de sa Miséricorde (Rm 5,20), et en leur donnant gratuitement, par amour, tout ce dont ils étaient privés par suite de leur faute : « Père », disait Jésus, « je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22), en leur donnant cet Esprit Saint par lequel le Père engendre le Fils de toute éternité… Esprit Saint« Dieu vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8), « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). « Cherchez donc dans l’Esprit votre plénitude » (Ep 5,18). Là Est la Vraie Joie (1Th 1,7). Et Dieu sera le premier à se réjouir (So 3,14-18) en voyant sa Joie régner au cœur de ses créatures (Jn 15,10). Voilà pour Lui ce qui est « juste » ! « Heureux celles et ceux qui croient » (Jn 20,29)…

       Cet Ange, avec lequel et par lequel Dieu agit, « enchaîna le Diable pour mille années (…) afin qu’il cessât de fourvoyer les nations jusqu’à l’achèvement des mille années »… Cette expression « mille années » intervient encore quatre fois par la suite (20,4.5.6.7), soit six fois en tout. Or le chiffre six, sept moins un, sept étant symbole de perfection, renvoie à une réalité imparfaite. Nous avons donc ici un premier élément pour l’interprétation de ces « mille années ».

       Ce chiffre grec « χίλιοι, mille » intervient également en Ap 11,3 et 12,6, où il évoque la durée symbolique de 1260 jours, soit trois années et demi, la moitié de sept années, une durée qui peut certes être longue à l’échelle humaine, mais qui en soit est très limitée. En Ap 14,20 ce sang versé « hors de la ville » de Jérusalem « monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades ». Or, écrit Jean-Pierre Prévost, « plutôt que de voir dans cette scène l’effusion du sang des ennemis (cf. Is 63,1‑6), il est plus indiqué d’y voir une Martyr chrétien Mosaïqueréférence au sang versé des martyrs chrétiens (cf. 6,10 ; 16,6 ; 19,2), dont la mise à mort s’est faite, comme celle de Jésus (Hb 13,12) « hors de la ville » (cf. Lc 4,29 ; 23,33 ; Ac 7,58 ; 14,19). Quant à l’ampleur du phénomène, la description de Jean est manifestement hyperbolique : le texte grec parle d’une étendue de « mille six cents stades ». Jouant sur les propriétés du chiffre quatre », symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest), « et de son multiple quarante (40×40), Jean voudrait ainsi indiquer l’universalité : le sang des martyrs aura une influence décisive sur l’issue du jugement universel » (L’Apocalypse ; Bayard Editions/Centurion ; Paris 1995 ; p. 119).

       Le mot « χιλιάς, millier » apparaît quant à lui en Ap 5,11 ; 7,4-8 ; 11,13 ; 14,1.3 et 21,16. Son usage est à nouveau symbolique pour évoquer une réalité immense et donc en fait innombrable :

  • « La multitude des Anges rassemblés autour du Trône, qui se comptent en myriades de myriades et par milliers de milliers » (Ap 5,11). La myriade, quant à elle, équivaut à « 10 à la puissance de quatre », soit 10.000…

multitude d'anges

  • « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres, que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. Et j’appris combien furent alors marqués du sceau : cent quarante-quatre mille de toutes les tribus des fils d’Israël. » Suit alors l’énumération des « douze mille » des douze tribus d’Israël (Ap 7,4-8). Mais puisque la vision concerne le ciel, et donc la fin ultime de l’Histoire humaine, bien après la période historique des douze tribus d’Israël et la mort sur la Croix à Jérusalem du Fils Unique, ce chiffre de 144.000 évoque la foule des hommes de tous les temps qui auront accepté de s’en remettre avec confiance à l’Amour de leur Créateur et Père. Elle est d’ailleurs évoquée juste après, au verset 9, par une expression qui emploie quatre termes pour la décrire, le chiffre 4 étant symbole d’universalité : « Après quoi, voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation (1), race (2), peuple (3) et langue (4) ; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main, ils crient d’une voix puissante : Le salut est donné par notre Dieu, Lui qui siège sur le trône, et par l’Agneau ! » St Jean évoque ainsi de manière symbolique, l’accomplissement de la volonté de Dieu exprimée si clairement par St Paul : Jésus Eglise« Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme luimême, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés », tous, sans aucune exception, et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait au ciel et sur la terre, dans les mers et jusqu’au fond des abîmes » (Ps 135(134),6 ; 115(113B),3). Et comment le fait-il ? St Jean a déjà répondu : « Le salut est donné par notre Dieu, Lui qui siège sur le trône, et par l’Agneau ! » (cf. Ep 2,4-10). L’Esprit Saint est donné, gratuitement, par Amour : «  Dieu vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8). A nous maintenant de consentir à ce que sa volonté soit faite, envers et contre tout… Sa Miséricorde est infinie… Et la première démarche à laquelle Dieu nous invite lorsque nous acceptons de répondre à son appel est celle du baptême où nous recevons « le sceau de l’Esprit Saint ». Or, ce « sceau » est celui-là même que le Fils reçoit du Père de toute éternité, ce Don qui le constitue en Fils « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père » (Crédo), et le Père est Esprit, le Père est Saint… « Travaillez donc non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, car c’est lui que le Père, Dieu, a marqué de son sceau » (Jn 6,27). C’est ce que Jean-Baptiste a « vu » au moment du baptême de Jésus, une réalité qui, pour le Fils, est en fait éternelle : « Et Jean rendit témoignage en disant : J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel », venant du Père, « et demeurer sur lui » (Jn 1,32). Or, tout homme a été créé pour recevoir ce même sceau et devenir ainsi, selon sa condition de créature, comme le Fils, « reproduisant l’image du Fils » en participant à ce que le Fils Est en Lui-même ! Il sera alors « l’aîné d’une multitude de frères ». Voilà ce à quoi tout homme a été « prédestiné ». Et d’une manière ou d’une autre, le Père nous « appelle » tous, ne serait-ce que par notre conscience, à nous tourner de tout cœur vers Lui pour recevoir avec le Fils ce que le Fils reçoit du Père de toute éternité ! Quiconque répond de tout cœur à cet appel, faisant ce qu’il peut pour que toute sa vie réponde à cette exigence de justice et de vérité qu’il porte déjà au plus profond de lui‑même, ne peut donc que recevoir ce Don de l’Esprit Feuille lumière viequi ne cesse de jaillir du Père engendrant son Fils, et cet Esprit va lui donner d’être en cet état « juste » que Dieu veut pour nous tous : comblés par l’Esprit, glorifiés par sa simple Présence en nos cœurs… « Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,28‑30) par le Don de cet « Esprit de Gloire » (1P 4,14). Ce Don résume et englobe en lui-même « toutes les bénédictions spirituelles » dont Dieu veut nous combler, et qu’il destine tout particulièrement aux pécheurs car ce sont eux qui en ont le plus besoin, eux qui sont privés de tous ces Biens par suite de leurs fautes…

       Le Don de cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Rm 8,2.11 ; Ga 5,25) sera pleinement manifesté, avec une intensité insoutenable, lorsque le soldat romain transpercera le Cœur du Fils sur la Croix (Jn 19,33-35)… Ce qui remplit son Cœur sera alors totalement répandu, totalement donné… Or les anciens croyaient que « la vie de la chair est dans le sang » (Lv 17,11), « la vie de toute chair, c’est son sang » (Lv 17,14). Ce sang si cruellement versé renvoie donc à la Vie de Jésus, cette Vie qu’il reçoit du Père en Fils (Jn 5,26 ; 6,57) « né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé » (Crédo). Et le Père l’engendre en se donnant totalement à Lui, en lui donnant « l’Esprit qui vivifie », c’est-à-dire tout ce qu’Il Est Lui-même, Lui qui Est Esprit, Lui qui Est Vie. Le Cœur de Jésus est ainsi « rempli par l’Esprit » (Lc 4,1) qui vient du Père, et cela depuis toujours et pour toujours, et cet Esprit est Vie… Son sang qui coule de son Cœur de chair transpercé par le soldat, est donc une Parole silencieuse adressée à tout homme : l’Esprit de Vie qu’il reçoit du Père et qui remplit son Cœur est totalement répandu, totalement donné, gratuitement, par Amour, à quiconque consentira à le recevoir par son repentir sincère… Avec ce Don de l’Esprit librement accueilli source_de_vies’accomplira alors le Mystère de notre Rédemption car c’est « l’Esprit Saint qui sanctifie » (2Th 2,13) les pécheurs, « l’Esprit de Gloire » qui glorifie les pécheurs, « l’Esprit de Justice » (Is 28,6 ; Rm 14,17) qui justifie les pécheurs en leur donnant de retrouver cet état « juste » pour lequel Dieu nous a tous créés : que nous soyons tous « remplis par l’Esprit » (Lc 1,15.41.67 ; Ac 2,4 ; 4,8.31 ; 6,3.5 ; 7,55 ; 9,17 ; 11,24 ; 13,9.52), et donc par le Lumière et la Vie du Dieu Vivant… « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé. En lui nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, qu’Il nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence : Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’Il avait formé en lui par avance, pour le réaliser quand les temps seraient accomplis : ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres… C’est en lui que vous aussi », les païens, « après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,3-10).

 foule      Et St Jean rapporte dans le Livre de l’Apocalypse ce qu’il a « vu » de la réalisation de ce projet de Dieu : « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres, que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. Et j’appris combien furent alors marqués du sceau : cent quarante-quatre mille de toutes les tribus des fils d’Israël », un chiffre qui renvoie, nous l’avons vu, à l’humanité toute entière appelée à consentir à l’œuvre de Dieu, Lui qui se propose de nous marquer d’un sceau et de mettre dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit (2Co 1,22)… Et tout notre « travail » consistera ensuite, jour après jour, soutenus par la Miséricorde de Dieu, à essayer de contrister le moins possible cet Esprit qui habite en nous : « Ne contristez pas l’Esprit Saint de Dieu, qui vous a marqués de son sceau pour le jour de la rédemption » (Ep 4,30).

  • En Ap 11,13, nous lisons : « À cette heure-là, il se fit un violent tremblement de terre, et le dixième de la ville croula, et dans le cataclysme périrent sept mille personnes. Les survivants, saisis d’effroi, rendirent gloire au Dieu du ciel. » Et la note de la Bible de Jérusalem précise : « Chiffre symbolique : des gens de toutes les catégories (7), en grand nombre (1000) ».

  • En Ap 14,1.3, nous retrouvons le chiffre de 144.000 qui renvoie à l’humanité tout entière appelée au salut… Et Jean voit cette multitude innombrable de celles et ceux qui ont ainsi consenti à l’Amour gratuit de Dieu et se sont laissés racheter par Lui en offrant la vérité de leurs misères à la Vérité de sa Miséricorde : « Voici que l’Agneau apparut à mes yeux ; il se tenait sur le mont Sion, avec cent quarante-quatre milliers de gens portant inscrits sur le front son nom et le nom de son Père ». On se souvient que le « nom » dans la Bible renvoie au Mystère de celui qui le porte, et donc ici au Mystère de Dieu Lui-même… Or « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu Est Saint » (Lv 11,45). Ainsi, « le nom » du Fils et le « nom » du Père sont identiques en tant que le Père est Dieu, et que le Fils « est Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père », c’est-à-dire « Esprit » et « Saint ». ‘Recevoir le sceau de l’Esprit Saint’ ou ‘porter inscrit sur son front le nom du Fils et le nom de son Père’ sont donc deux expressions qui renvoie à une seule et même réalité : participer à ce que Dieu Est, à sa « nature divine » (2P 1,4), celle que le Fils reçoit du Père de toute éternité, et telle est la vocation de tout homme sur cette terre.

 que-joie

      Et puisque « tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu » (Rm 3,23), rachetés, ils ont ainsi retrouvé avec le Don de ce « Nom » divin, « l’Esprit de Gloire », tout ce qu’ils avaient perdu par suite de leurs fautes… Et « ils chantent un cantique nouveau devant le trône et devant les quatre Vivants et les Vieillards. Et nul ne pouvait apprendre le cantique, hormis les cent quarante-quatre milliers, les rachetés à la terre », eux qui ont accepté, librement, de recevoir le Don de Dieu. Souvenons-nous d’ailleurs de ce « cantique nouveau » chanté par « les rachetés de la terre », tel qu’il a déjà été présenté en Ap 5,9-10 : « Ils chantaient un cantique nouveau : Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation ; tu as fait d’eux pour notre Dieu une Royauté de Prêtres régnant sur la terre ». Et rappelons-nous ce que chantent, en Ap 7,9, ces « cent quarante quatre mille », cette « foule immense de toute nation, race, peuple et langue » : « Le salut est donné par notre Dieu, Lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ».

Agneau Mystique

  • Enfin, en Ap 21,16, nous découvrons les « mesures » de la Jérusalem, la Cité Sainte : « Celui qui me parlait tenait une mesure, un roseau d’or, pour mesurer la ville, ses portes et son rempart ; cette ville dessine un carré », signe de perfection, précise en note la Bible de Jérusalem : « sa longueur égale sa largeur. Il la mesura donc à l’aide du roseau, soit douze mille stades ; longueur, largeur et hauteur y sont égales ». Et à nouveau, une note précise : « 12 (le nombre de l’Israël nouveau) multiplié par mille (multitude) ».

      En conclusion, nous ne pouvons que constater que le chiffre 1000 ou la notion de milliers ont toujours, dans le Livre de l’Apocalypse, une signification symbolique, comme la plupart des autres chiffres qui y sont employés.

       L’interprétation du règne de « mille années » est donc à rechercher dans ce sens d’une multitude d’années, quasiment innombrables…

       Quel est son contenu, à quelle réalité renvoie-t-il ? Notons ce qui est dit de lui :

  • « Le Dragon, l’antique Serpent, le Diable, Satan » est « maîtrisé », « enchaîné », toujours bien vivant, mais ‘impuissant’ dans le cœur et la vie de celles et ceux qui s’en remettent, instant après instant, au Christ Vainqueur, Celui qui « s’appelle Fidèle et Vrai » (Ap 19,11), et qui ne peut donc que dire la vérité lorsqu’il déclare juste avant sa Passion et sa Résurrection : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi ». Et la note de la Bible de Jérusalem précise : « Satan dominait le monde (1Jn 5,19) ; la mort de Jésus affranchit les hommes de sa tyrannie ». Et encore : « En lui », Jésus, le Fils, « était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes, et la Lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie »… Et il déclare : « Moi, Lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. » « Je Suis la Lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la Lumière de la Vie » (Jn 1,4-5 ; 12,46 ; 8,12).

 Croix Alain Dumas

      Nous retrouvons ainsi cette Promesse de Jésus faite à Pierre : « Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle » (Mt 16,18).

  • « Puis je vis des trônes sur lesquels ils s’assirent et on leur remit le jugement » ; St Jean ne précise pas de qui il s’agit. On peut penser à cette Parole de Jésus adressée aux Apôtres peu avant sa Passion, et à travers eux à la communauté tout entière des croyants : « Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; et moi je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi : vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël » (Lc 22,28-30). Et en Ap 3,21 le Christ ressuscité, en s’adressant « au vainqueur », c’est-à-dire à celui qui lui a remis sa confiance et sa foi, déclare : « Le vainqueur, je lui donnerai de siéger avec moi sur mon trône, comme moi-même, après ma victoire, j’ai siégé avec mon Père sur son trône » (Ap 3,21). foule 2Nous aurions donc ici « les 144.000 », la multitude des « rachetés », qui œuvrent avec Dieu au salut du monde puisque, pour Dieu, « juger » c’est « sauver » (Jn 3,16-18 ; 5,22-30 ; 8,1-12). « Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre » disait Ste Thérèse de Lieux. Et St Jean poursuit : je vis « aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main (remarquer la similitude d’expression avec « le sceau », « le Nom sur le front » du baptême chrétien : dans son désir de prendre sa place, la Bête ‘singe’ Dieu, mais elle, ce n’est pas un ‘plus’ qu’elle propose, même si elle veut, bien sûr, nous faire croire le contraire, mais un ‘moins’, un ‘vide’, un ‘manque’, une ‘privation’ de la seule Plénitude qui peut nous combler, celle qui vient de Dieu, celle pour laquelle nous avons tous été créés) ; ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années. » Et la Bible de Jérusalem d’écrire en note : « Cette « résurrection » des martyrs est symbolique : c’est le renouveau de l’Eglise après la fin de la persécution romaine » qui s’achèvera avec la conversion de l’Empereur Constantin en 312, « renouveau de même durée que la captivité du Dragon. Les martyrs qui attendent sous l’autel (6,9-11) sont dès maintenant heureux avec le Christ (cf. Lc 23,43 ; 1Th 4,14 ; Sg 3,1-9). Le « règne de mille ans » est donc la phase terrestre du Règne de Dieu, de la chute de Rome à la venue du Christ » au dernier jour du monde.

croix dans le ciel

       St Jean vient donc d’évoquer les martyrs et tous ceux qui ont « refusé d’adorer la Bête et son image » : ce sont les chrétiens qui ont répondu, et qui répondent chaque jour, à l’appel de Jésus : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15). Pécheurs, ils recommencent et recommencent encore à suivre Jésus, jour après jour, de nouveau départ en nouveau départ, en s’appuyant sur la Miséricorde de Dieu qui ne fera jamais défaut… « Si nous sommes infidèles, Dieu, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Tm 2,13). En effet, « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), Il n’Est qu’Amour, désirant, recherchant, poursuivant instant après instant le seul bien de tous les hommes qu’il aime… En nous créant « esprit » (1Th 5,23) « à son image » (Gn 1,26-27), Lui qui Est « Esprit » (Jn 4,24), il s’est déjà donné Lui-même tout entier pour que nous surgissions dans l’existence, et il ne cesse de le faire pour nous y maintenir : « S’il tournait vers Lui son cœur, s’il concentrait en lui son souffle et son haleine, toute chair expirerait à la fois et l’homme retournerait à la poussière » (Job 34,14-15). De plus, Il est le premier à mettre en pratique pour nous ce qu’il nous invite à faire pour Lui : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » (Mc 12,30). Et c’est bien ce qu’il déclare en Jérémie. Son peuple l’a abandonné ? Ils sont partis de tous côtés, loin de sa Maison ? « Moi, je vais les rassembler de tous les pays » où ils se sont dispersés par suite de leurs fautes ; « en ce lieu je les ramènerai et les ferai demeurer en sécurité. Alors Visage de Jésusils seront mon peuple et moi, je serai leur Dieu. Je leur donnerai un seul cœur et une seule manière d’agir, de façon qu’ils me craignent toujours, pour leur bien et celui de leurs enfants après eux. Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien et je mettrai ma crainte en leur cœur pour qu’ils ne s’écartent plus de moi. Je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement en ce pays, de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,37-42). Or, « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux), une phrase à prendre pour Dieu au pied de la lettre, comme nous le voyons dans le contexte éternel des relations entre le Père et le Fils : « Le Père aime le Fils et il a tout donné dans sa main » (Jn 3,35), tout, tout ce qu’Il Est, tout ce qu’Il a. « Tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15). « Tout ce qui est à toi est à moi » (Jn 17,10). Et cela tout simplement parce que le Père est éternellement Amour, et donc éternellement Don de Lui-même… Or, il en est de même pour nous tous : telle est la Présence qui, instant après instant, s’offre à notre foi, non pas parce que nous le méritons, nous sommes pécheurs, mais parce qu’Il Est ce qu’Il Est : Amour, et donc Don de Lui‑même, de tout ce qu’Il Est… « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5), Dieu Est Vie (Jn 1,4)… Ce Don de l’Esprit qui est Lumière et Vie ne cesse de frapper à la porte de nos cœurs (Ap 3,20), car il ne cesse de rayonner de ce Dieu qui Est « Soleil, qui donne la grâce, qui donne la gloire » (Ps 84(83),12). Tel est le Mystère que le Fils, le Verbe fait chair, est venu révéler aux hommes pécheurs… Qu’ils l’écoutent de tout cœur, qu’ils lui ouvrent leur cœur, et aussitôt cette réalité de Lumière et de Vie éternellement donnée par Dieu triomphera en eux de leurs ténèbres et de leur mort : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts », les morts spirituels, les pécheurs que nous sommes tous, « entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est Fils d’homme » (Jn 5,25‑27). Et exercer le jugement, pour Dieu, c’est donner la Vie aux pécheurs qui en étaient privés par suite de leurs fautes (Rm 6,23). Toute la Mission du Fils consiste donc à proposer à notre foi ce qu’il reçoit du Père de toute éternité : cette Plénitude de l’Esprit qui est Vie et qui le constitue en « vrai Dieu né du vrai Dieu »… « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » (St Irénée), et cela selon sa condition de créature… Christ souriant« Je suis venu pour qu’on ait la Vie et qu’on l’ait en surabondance… Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ! En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 10,10 ; 17,1-2 ; 6,47). Et le Père a donné au Fils le monde entier à sauver (Jn 3,16‑18 ; 4,42)… Quiconque croit, quiconque se repent de tout cœur, quiconque « produit un fruit qui exprime sa conversion » (Mt 3,8), ne peut que recevoir de celui qui est venu « baptiser dans l’Esprit Saint et le Feu » (Mt 3,11), ce Don de l’Esprit qui est Lumière et Vie. Tel est le grand Don qui jaillit éternellement du Dieu Amour et Don de Lui-même, un Don accueilli au Baptême, à la Confirmation, et renouvelé ensuite dans la célébration de tous les sacrements : Réconciliation, Eucharistie, Sacrement des malades, etc…

       Par ce Baptême, le disciple de Jésus devient prêtre, prophète et roi à l’image du Fils Prêtre, Prophète et Roi. En effet, tout ce qu’Est le Fils, il le doit au Don que le Père lui fait de Lui-même, Don de la Lumière qui règne sur les ténèbres (Jn 1,5), Don de l’Amour qui règne sur la haine (Lc 22,34), Don de la Vie qui règne sur la mort (Jn 5,26 ; 6,57 ; Rm 8,11). Autrement dit, le Fils est Roi non pas par Lui-même, mais par le Don qu’il reçoit de son Père de toute éternité (cf. 1Co 15,28). Et il en est de même pour sa dimension de Prêtre et de Prophète… Recevant par sa foi au Fils d’avoir part lui aussi à ce Don que le Fils reçoit du Père de toute éternité, le chrétien devient lui aussi, par ce Don même qu’il reçoit, Prêtre, Prophète et Roi. Il ne le doit pas à lui-même, à ses qualités, à ses mérites… Il le doit au « Don 6de Dieu » (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), fruit de son Amour gratuit, cet Esprit qui vient du Père et qui unit dans un même Mystère de Communion la terre et le Ciel, cet Esprit qui inspire des Paroles d’Amour et de Paix, cet Esprit qui règne sur le mal, ce dernier n’ayant sur lui aucun pouvoir (Jn 14,30). C’est ainsi que les chrétiens, jusqu’à la fin des temps, une ‘durée’ évoquée ici avec l’image des « mille années », « seront prêtres de Dieu et du Christ avec qui il règneront mille années », et cela dans « l’unité d’un même Esprit » (Ap 20,6 ; Ep 4,3). Car « Jésus Christ, le témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre, nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang », c’est-à-dire par l’Esprit qui est Vie et Vivifie, par ce même Esprit « Eau Vive », Eau Pure qui purifie… Par ce Don de l’Esprit, « il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père : à lui donc la gloire et la puissance pour les siècles des siècles » (Ap 1,5-6).

       Telle est « la première résurrection », accueillie par la foi, où il est déjà donné dès maintenant de vivre « quelque chose » qui est de l’ordre même de « la Vie éternelle » (Jn 6,47), de la Paix éternelle (Jn 14,27), de la Lumière éternelle (Jn 12,46 ; 1Jn 2,8). Cette réalité spirituelle accueillie par la foi et vécue dans la foi constitue dès ici-bas les fondements intérieurs (Mt 7,24‑27) du seul vrai Bonheur… Et ils sont inébranlables car, indépendamment de nous, Dieu Est toujours ce qu’Il Est : Amour, Eternel Don de Lui-même, de sa Paix, de sa Lumière, de sa Vie… Et cette réalité demeure ‘stable’ au plus profond de nous-mêmes, fusse au milieu des pires tempêtes de la vie. « Je m’arrange, même au milieu de la tempête, de Theresefaçon à me conserver bien en paix au dedans… Si mon âme n’était pas toute remplie d’avance par l’abandon à la volonté du bon Dieu, s’il fallait qu’elle se laisse submerger par les sentiments de joie ou de tristesse qui se succèdent si vite sur la terre, ce serait un flot de douleur bien amer, et je ne pourrais le supporter. Mais ces alternatives ne touchent que la surface de mon âme… Ah ! Ce sont pourtant de grandes épreuves… (Mais) mon cœur est plein de la volonté du bon Dieu ; aussi, quand on verse quelque chose par-dessus, cela ne pénètre pas à l’intérieur ; c’est un rien qui glisse facilement, comme l’huile qui ne peut se mélanger avec l’eau. Je reste toujours au fond dans une paix profonde que rien ne peut troubler » (Ste Thérèse de Lisieux).

       « Heureux » donc qui, avec l’aide de Dieu, se détourne de tout cœur de tout ce qui Lui est contraire, pour se laisser combler (Ga 5,22 ; 1Th 1,6) et sanctifier (2Th 2,13) par ce Don de l’Esprit Saint : « il participe à la première résurrection ! La seconde mort, » la mort spirituelle et éternelle, la privation de la Plénitude divine de Lumière et de Vie, « n’a pas de pouvoir sur lui » car il s’est justement ouvert par sa foi à ce cadeau de Lumière et de Vie qui se propose de régner dans nos cœurs et cela dès maintenant sur la terre ! « La Lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5).

Saint Jean

       St Paul évoque aussi dans sa Lettre aux Ephésiens cette « première résurrection » qui renvoie en fait à notre vie de foi ici-bas : « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés! -, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu par là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,4-10). C’est à ce cadeau de la grâce de l’Esprit qui vivifie que nous acquiesçons par le « Oui ! » de notre foi, ce « Oui ! » qui est par excellence celui donné au jour de notre Baptême, de notre Confirmation, ou de la (re)découverte plus tard de ces trésors offerts à la foi : « Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés », une mort qui est « une mort au péché »… Mourir au péché est donc un Don de Dieu… « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle… Si donc nous sommes morts » au péché « avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui » (Noter le présent). « Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes ; mais sa vie est une vie à Dieu. Considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus » (Rm 6,1-11).

resurrection2

       Cette réalité de foi apparaît aussi dans les Paroles de Jésus à Marthe : « Je Suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra absolument jamais pour toujours (Triple négation !). Crois-tu cela ? » (Jn 11,26). En effet, « celui qui croit (en moi) a la vie éternelle », dans le présent de sa foi (Jn 6,47)… Comment donc pourrait-il mourir puisqu’il est déjà habité par une réalité éternelle et indestructible ? Ce qu’il a commencé à vivre dès ici‑bas dans la foi ne pourra que s’épanouir en Plénitude par-delà la mort… Ste Thérèse de Lisieux - Lourdes« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » disait Ste Thérèse de Lisieux, elle qui avait reconnu cette Présence spirituelle qui s’offre dès maintenant, jour après jour, à notre foi : « « La vie est bien mystérieuse. Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme ». « Après tout, cela m’est égal de vivre ou de mourir. Je ne vois pas bien ce que j’aurais de plus après la mort que je n’aie déjà en cette vie. Je verrai le bon Dieu, c’est vrai ! mais pour être avec lui, j’y suis déjà tout à fait sur la terre ».

Statue de Ste Thérèse de Lisieux, esplanade de Lourdes

       Par contre, celui qui refuse de croire, de consentir à la vérité – vérité de sa misère, vérité de la Miséricorde de Dieu -, celui qui refuse de faire preuve tout simplement de bonne volonté en restant dans l’injustice, le mensonge et l’hypocrisie (Mt 6,2.5.16 ; 15,7 ; 22,18 ; 23,13.15.23.25.27.29 ; 24,51), celui-là ne peut pas recevoir ce « je ne sais quoi » qui vient de Dieu, et qui est déjà, dans la foi, Lumière et Vie… « Les autres morts ne purent reprendre vie avant l’achèvement des mille années » (Ap 20,5).

       Mais l’expression « pas… avant l’achèvement des milles années » ouvre un espoir… En effet, que se passera-t-il donc après ? Jésus déclare en St Jean, à propos cette fois des morts à cette vie terrestre : « N’en soyez pas étonnés, car elle vient l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’Homme, et sortiront : ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement » (Jn 5,28-29). Nous venons de le voir avec Ep 2,4-10 et l’expression de St Paul, « pratiquer des bonnes œuvres », « faire le bien », comme dit ici St Jean, est un Don de Dieu car « hors de moi, vous ne pouvez rien faire, » nous dit Jésus (Jn 15,5). La bonne volonté demande certes à être éclairée par la foi, mais elle suffit, en s’ouvrant à la justice, à la vérité, au respect de l’autre, dans la recherche de son bien, à s’ouvrir à Dieu qui Est en Plénitude Justice, Vérité, Respect de l’Autre, Recherche du Bien de tous… Cette bonne volonté de cœur – encore mieux si elle s’accompagne d’une démarche de foi consciente – s’ouvre ainsi au Don de Dieu : l’Esprit d’Amour, de Lumière et de Vie, une Force donnée pour aimer et accomplir ainsi des « bonnes œuvres »… Celui qui est dans cette démarche accueille donc déjà en son cœur un Don de l’ordre de la Vie éternelle… Lors du passage par la mort de la terre au ciel, cette dynamique ne pourra que se poursuivre dans « une résurrection de Vie »… C’était « la première résurrection » vue précédemment…

Amour, pardon, réconciliation

       Mais « ceux qui auront fait le mal » sortiront des tombeaux, écrit St Jean, et cela « pour une résurrection de jugement »… La Résurrection est donc pour tous… Or, nous l’avons déjà vu, « juger », pour Dieu, c’est « sauver » (Jn 3,16‑18 ; 5,22-30 ; 8,1-12). Souvenons-nous des Paroles de Jésus à cette femme surprise en flagrant délit d’adultère : « « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle dit : « Personne, Seigneur. » Alors Jésus dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais, ne pèche plus », car « le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repenstoi et croie à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15), Bonne Nouvelle d’un Dieu qui n’est qu’Amour et qui ne cherche, ne poursuis que ton Bien… Bien en accord avec notre expression du Livre de l’Apocalypse, « pas… avant l’achèvement des milles années », qui suggère une possibilité de fin heureuse pour celles et ceux qui ne se seraient pas repentis pendant cette vie sur terre, la notion de « résurrection de jugement » en St Jean la prolonge et la précise en ouvrant une porte d’Espérance. Dieu proposera une nouvelle fois à la liberté de ses enfants la surabondance de son Amour et de sa Miséricorde, pour leur plus grand bien, pour leur Bonheur et leur Plénitude éternelle, pour leur Sainteté qui sera, à nouveau, le Fruit du Don de « l’Esprit qui sanctifie »…

       La suite du Livre de l’Apocalypse évoque un Satan « relâché de sa prison », « séduisant les nations des quatre coins de la terre » par « la séduction du péché » (Hb 3,13). A l’universalité de la perspective, doublement évoqué par le pluriel « les nations » et le chiffre quatre (les quatre points cardinaux), se joint l’énormité de la menace, « rassemblés pour la guerre, aussi nombreux que le sable de la mer », à tel point qu’ils sont capables de monter « sur toute l’étendue du pays » et là « ils investirent le camp des saints, la Cité Bien-aimée », « P1120145figure de toute l’Eglise » comme l’indique en note la Bible de Jérusalem. Humainement parlant, tout semble dit : la victoire de ces forces du mal ne semblent faire aucun doute… Mais la promesse faite autrefois à Pierre demeure jusqu’à la fin des temps :
«  Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle » (Mt 16,18). Alors que tout semble perdu, « un feu descendit du ciel et les dévora »… Ce feu est celui de l’Esprit Saint (Mt 3,12 où la Bible de Jérusalem donne en note : « Le feu, moyen de purification moins matériel et plus efficace que l’eau, symbolise déjà dans l’Ancien Testament (Is 1,25 ; Za 13,9 ; Ml 3,2-3 ; Si 2,5), l’intervention souveraine de Dieu et de son Esprit purifiant les consciences ».

       Et la victoire de Dieu est ici totale : « Alors, le diable, leur séducteur, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, y rejoignant la Bête et le faux prophète, et leur supplice durera jour et nuit, pour les siècles des siècles » et cela aussi longtemps que durera leur « non ! ». La Lumière de l’Esprit est Vie, Douceur et Paix pour quiconque y consent. Et cette même Lumière est « grincement de dents » (Mt 8,12 ; 13,42.50 ; 22,13 ; 24,51 ; 25,30), « charbons ardents » (Rm 12,20) pour quiconque la refuse et demeure ainsi dans les « supplices » intérieurs de la jalousie et de l’orgueil (Rm 2,9)…

       La perspective se termine sur celle du jugement final… Le Trône est « blanc », symbole, dans le Livre de l’Apocalypse, de cette nature divine (Ap 1,14 ; 6,2 ; 19,11.14 ; 14,14) que Dieu veut communiquer à tout homme (Ap  2,17 ; 3,4.5.18 ; 4,4 ; 6,11 ; 2P 1,4). Il est « très grand », à la mesure sans mesure de Dieu Lui-même et de son projet d’y faire « asseoir » la multitude innombrable de ses créatures (Ap 3,21). Comme en Ap 4,2, avec « siégeant sur le Trône, Quelqu’un », St Jean ne le nomme pas directement et l’évoque par l’expression « Celui qui siège dessus »… Et nous avons vu que l’Agneau Immolé est Lui aussi « au milieu de ce trône et des quatre vivants » (Ap 5,6 littéral), à la place centrale de Dieu Lui-même, une nouvelle façon d’affirmer indirectement le Mystère de sa divinité…

jésus enseignant 2

       « Le ciel et la terre s’enfuirent de devant sa face sans laisser de traces ». Nous sommes donc au dernier jour du monde… « Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le Trône ». Notons leur position : ils sont « devant » le Trône, et non pas « assis » sur lui. Or cet accueil de Dieu ‘sur son Trône’ commence dès la mort pour les pécheurs qui se confient en sa Miséricorde infinie : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23,43 ; cf. Ap 4,9-10 ; 6,9-11 ; 7,9‑17). « Les morts, grands et petits » qui apparaissent ici, sont donc plutôt ceux évoqués précédemment, « ces autres morts », qui « ne purent reprendre vie avant l’achèvement des mille années », autrement dit les pécheurs qui, sur terre, ont refusé de se repentir… Chacun est alors « jugé selon ses œuvres », évoquées ici par l’expression « on ouvrit des livres », les livres des vies de chacun… « Les premiers livres ouverts contiennent inscrites les actions bonnes ou mauvaises des hommes » (Bible de Jérusalem). « Puis (on ouvrit) un autre livre, celui de la vie » ; « le livre de vie (3,5) contient le nom des prédestinés (3,5 ; 17,8 ; 20,12.15 ; 21,27 ; cf Ph 4,3 ; Ac 13,48) » (Bible de Jérusalem) c’est-à-dire les nomes de tous les hommes de tous les temps puisque « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4).

je suis la vraie vigne

       Ces pécheurs qui, sur terre ont refusé de se repentir, sont donc « jugés selon leurs œuvres »… Mais souvenons-nous que Dieu ne juge pas au sens de condamner… Son jugement est certes selon la Vérité, mais il est Celui de la Miséricorde, de l’Amour éternel, de la Bonté, qui ne recherche et ne poursuit que le Bien de ses créatures, et cela inlassablement… Si la bonne volonté est au rendez-vous, alors chacun sera « jugé » en vérité « selon ses œuvres », de telle sorte que « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20), triomphant finalement de tout mal et de toutes ses conséquences…

       « Alors, la Mort et l’Hadés », le séjour des morts, « furent jetés dans l’étang de feu »… Eux disparaissent totalement… Il ne reste plus que la Vie, le Triomphe de la Vie, enfin réalisé pour le Bien éternel de celles et ceux qui auront accepté qu’il en soit ainsi…

       « Et celui qui ne se trouva pas inscrit dans le livre de vie, on, le jeta dans l’étang de feu »… Nous avons noté le singulier « celui »… Existe-t-il, puisque Dieu a tout créé pour la vie ? « Ne recherchez pas la mort par les égarements de votre vie et n’attirez pas sur vous la ruine par les œuvres de vos mains. Car Dieu n’a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. Il a tout créé pour l’être ; les générations dans le monde sont salutaires, en elles il n’est aucun poison destructeur, et l’Hadès ne règne pas sur la terre ; car la justice est immortelle » (Sg 1,12-15). Et la Bible de Jérusalem donne en note : « Dieu, « Celui qui Est » (Ex 3,14), a créé toutes choses pour qu’elles « soient », pour qu’elles aient une vie réelle, solide, durable ». Toutes ses créatures, sans aucune exception, sont donc « inscrites au livre de vie »… « Oui, Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature », une expression qui sous-entend une participation à « sa propre nature », et la « nature divine » est éternelle… Nous le retrouvons dans le simple fait que « Dieu qui Est Esprit » (Jn 4,24) a créé l’homme « esprit » (1Th 5,23) en « insufflant » en lui « une haleine de vie » (Gn 2,4b-7), le souffle de Dieu, dans la Bible, renvoyant à l’Esprit Saint : « Ainsi parle Dieu, le Seigneur, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le Souffle au peuple qui l’habite, et l’Esprit à ceux qui la parcourent » (Is 42,5). « C’est l’Esprit de Dieu qui m’a fait, le Souffle de Shaddaï qui m’anime » (Job 33,4). « Baptême de Jésus (2)Prophétise donc à l’Esprit, prophétise, fils d’homme. Tu diras à l’Esprit : ainsi parle le Seigneur Dieu. Viens des quatre vents, Esprit, souffle sur ces morts, et qu’ils vivent » (Ez 37,9). « Le vent (pneuma, en grec) souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit (pneuma) » (Jn 3,8). Tout homme, par le simple fait qu’il existe, qu’il a été créé, participe donc de par sa nature humaine à la nature divine qui est Esprit… Il est donc, par nature, immortel… « L’Église enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (cf. Pie XII, enc.  » Humani generis « , 1950 : DS 3896) – elle n’est pas « produite » par les parents – ; elle nous apprend aussi qu’elle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513 : DS 1440) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale » (Catéchisme Eglise Catholique & 366).

       Et maintenant, pour que sa vie soit pleine, heureuse, comblée, Dieu, dans le respect infini de sa liberté, l’appelle inlassablement sa créature faire le choix de l’Amour… « Tu fais Miséricorde à tous, parce que tu peux tout, tu fermes les yeux sur les péchés des hommes, pour qu’ils se repentent. Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue ? Ou comment ce que tu n’aurais pas appelé aurait-il été conservé ? En réalité, tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie ! Car ton Esprit incorruptible est en toutes choses ! Aussi est-ce peu à peu que tu reprends ceux qui tombent ; tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pèchent, pour que, s’étant débarrassés du mal, ils croient en toi, Seigneur » (Sg 11,23-12,2), et pour qu’en croyant, ils reçoivent de toi de pouvoir participer à la Plénitude de ta Vie éternelle. « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47).

la transfiguration 4

       Oui, « voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6)…

                                                                                                                      D. Jacques Fournier

AP – SI – Fiche 34 – Ap 20 : en cliquant sur le titre précédent, vous accédez au document PDF de cet article, pour lecture ou impression.




« La joie du pardon »

Qu’elle est grande la joie du pardon ! Entrons dans l’action de grâces pour le pardon que Dieu nous donne, pour cette grâce de paternité. Pardonner comme Dieu pardonne.

Voici une histoire, simple, bouleversante, mais si lumineuse. C’est le père Henri CAFFAREL, fondateur des Equipes Notre-Dame, qui nous la raconte.

Il recevait une veuve qui lui demandait de l’accompagner dans sa vie spirituelle. Le père CAFFAREL l’invite à lui dire son itinéraire avec le Seigneur. Voici sa réponse.

« C’est à Serge, mon mari, que je dois ma vie intérieure.

Plus précisément à son attitude envers moi lors d’une phase peu glorieuse de ma vie conjugale : mariée depuis cinq ans, mère de deux enfants, je lui étais infidèle. Je l’aimais pourtant. Ne voulant pas saccager son bonheur, je veillais à ce qu’il ne pût rien soupçonner.

Son amour pour moi, d’une exceptionnelle qualité, s’approfondissait de jour en jour. Au cours d’une veillée – je m’en souviens comme si c’était hier – il m’exprima, en termes qui m’atteignirent au cœur, sa tendresse, son estime, son admiration. C’en était trop. Je laissai échapper : « Si tu savais ! » – « Je sais », me répond-il.

Ces mots firent exploser en moi une indignation aussi violente qu’injuste : « Alors, pourquoi me jouer cette affreuse comédie ? De deux choses l’une : ou tu ne souffres pas de ce que tu sais et c’est la preuve que tu ne m’aimes pas, ou tu es bouleversé et ta sérénité n’est que mensonge ! » J’étais hors de moi, agressive, railleuse, blessante. Il attendit que l’orage se fût apaisé.

Puis, calmement, gravement, tendrement, il ajouta : « Comprends ! Depuis six mois j’ai cruellement souffert, mais ma souffrance à moi était supportable car elle ne m’abîmait pas, tandis que toi, ton mal t’abîmait, chose intolérable à mon amour. Je vis clairement ce que j’avais à faire, cela seul que je pouvais faire : t’aimer plus encore qu’auparavant pour que tu ressuscites à l’amour et que cet amour tout neuf, non seulement brûle ton mal à sa flamme mais te fasse un cœur nouveau, une pureté nouvelle, une beauté plus rayonnante que jamais. » Et l’amour de Serge fit de moi cet être nouveau. »

Ce récit est un des plus beaux hymnes à l’amour, à la force de l’Amour de Dieu incarné dans l’amour humain. Le pardon est ici le beau nom de l’Amour.

Rm 5,5 : « Et l’Espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné ».

Ah, si nous regardions avec cette tendresse et cette Espérance !

Rm 8, 35-38 : « Qui nous séparera de ‘Amour du Christ ? »

Noéline FOURNIER, tiré du livre « Pardonner jusqu’où ? »

                                                        de Paul-Dominique MARCOVITS




Que dit l’Église de la Crémation ou Incinération ?

     Autrefois, quand le choix de se faire incinérer exprimait le refus de croire à la résurrection des corps, essentielle à la foi chrétienne, l’Église interdisait la crémation. Car nier la résurrection des hommes c’était du même coup donc nier aussi la Résurrection du Christ. L’apôtre saint Paul ne dit-il pas «  s’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité…et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est illusoire…dès lors ceux qui sont mort en Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non, le Christ est ressuscité, prémices de ceux qui se sont endormis.» (1 Co 15, 12…20)

obsècle
     Aujourd’hui, sans doute nombre de personnes ont du mal à croire à la Résurrection ; mais le choix de se faire incinérer s’explique par d’autres raisons. L’Église ne l’interdit plus, mais elle manifeste sa préférence pour l’inhumation, pour imiter l’ensevelissement du Seigneur. Depuis ces jour où Jésus Christ as reposé trois jours en terre, la tombe des hommes est devenue pour les croyants signe d’’espérance en la résurrection.
Préférence de l’Église

Père Antoine DENNEMONT




Audience Générale du Mercredi 4 Novembre 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 4 Novembre 2015
 


 Frères et sœurs, dans un monde qui est souvent aride et qui manque d’amour, les familles nous parlent du don et du pardon réciproques et elles nous y entraînent. On ne peut pas vivre sans se pardonner, surtout en famille, car des torts partagés provoquent des blessures réciproques tous les jours. Il est très important de les guérir au plus vite, car, si l’on attend trop, tout devient plus difficile. Par le pardon mutuel, la famille se fortifie et devient de plus en plus solide. Mais pardonner est une grâce ; et c’est en recevant le pardon de Dieu que l’on peut à son tour pardonner aux autres. Le pardon vécu en famille – et c’est l’une de ses vocations – rend capable d’aider la société à être moins cruelle et moins mauvaise. Les familles aident aussi l’Église elle-même à rendre témoignage de la force rénovatrice du pardon de Dieu, et à progresser sur la voie des Béatitudes.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le collège Fénelon-Sainte Marie, de Paris, et les autres personnes venues de Suisse et de France.

Chères familles, je souhaite que vous puissiez redécouvrir, à l’occasion de l’Année de la Miséricorde, le trésor du pardon réciproque, et je prie pour que vous en soyez toujours les joyeux témoins.

Que Dieu vous bénisse !