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28ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (11 Octobre)

Accueillir avec Jésus la vraie Joie (Mc 10,17-30)

En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul.
Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. »
L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. »
Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. »
Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! »
Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu !
Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Jésus les regarde et dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. »
Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre
sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.

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            Un Juif fervent demande à Jésus : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Nous sommes bien dans la logique pharisienne : « faire pour avoir ». Mais après un « faire », « l’avoir » est souvent considéré comme un mérite, un salaire, un dû… Dans un premier temps, Jésus rejoint cet homme dans son système de pensée, et lui redit tout simplement quelques « commandements » extraits du cœur de la Loi, « les dix commandements » (Ex 20,1-17). « Maître, tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse ». Mais quel but a-t-il vraiment poursuivi ? Le faisait-il pour plaire à Dieu, ou pour se rechercher lui-même ? Accomplir de belles œuvres peut en effet être un moyen de se glorifier soi-même, comme « ceux qui sonnent de la trompette » quand ils font l’aumône, « afin que tout le monde les voit » (Mt 6)…

            Cette logique n’est pas celle de Dieu, et Jésus l’a suggéré dès le début quand cet homme l’a appelé « bon Maître » et qu’il lui a répondu : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul ». Pourtant Jésus, le Fils, est Dieu ! Mais il est « Dieu né de Dieu », « né du Père avant tous les siècles », et c’est de Lui qu’il tient de toute éternité l’Être et la vie… Sans Lui, il n’est rien, il ne peut rien (Jn 5,19-20 ; 5,26). Ainsi, avec Jésus, le Dieu Tout Puissant se révèle ainsi comme étant « pauvre de cœur » (Mt 5,3 avec Jn 15,11), « doux et humble » (Mt 11,29), …

            « Jésus le regarda et l’aima »… Or « aimer », pour Dieu, c’est « tout donner » (Jn 3,35), tout ce qu’il a, tout ce qu’il est (Jn 16,15 ; 17,10 ; Lc 15,31). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), Dieu est Saint ? Avec ce « Jésus l’aima », le Don de l’Esprit Saint qui est Vie, Paix et Joie vient frapper à la porte de son cœur… Ouvrira-t-il ? Un choix s’impose… Ou bien la logique de l’argent : amasser pour soi au détriment des autres… Ou bien la logique de Dieu : donner, partager pour le bien des autres (Lc 3,11). Ici, Jésus est radical : « Va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel », le trésor de l’Esprit Saint offert dès maintenant à notre foi. « Puis viens, suis-moi », abandonne-moi ta vie et je te conduirai, pour le meilleur, car l’Amour ne peut que vouloir le meilleur pour celles et ceux qu’il aime… Aujourd’hui, « à ces mots, il devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens ». Mais demain, peut-être, avec le secours d’en haut, réussira-t-il à renoncer à ses biens ; alors il recevra « le centuple dès maintenant » avec ce Trésor de l’Esprit qui est Amour, Paix, Joie… DJF

 

            




Rencontre autour de l’Evangile – 28ème dimanche du Temps Ordinaire

 « Posant son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer…. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Mc 10, 17-30

L’appel de l’homme riche fait suite à cette scène étonnante où Jésus accueille les enfants face aux prétentions orgueilleuses des disciples. Il s’agit dans ce passage du dépouillement nécessaire pour celui qui veut suivre le Christ.

Regardons-réfléchissons-méditons

Faire lire lentement le texte, suivre les personnages et entrer dans le dialogue.

Un homme accourut vers Jésus : La démarche de cet homme !

Se mit à genoux : son geste.

Bon maître : Cette manière de s’adresser à Jésus.

Dieu seul est bon : Réplique étonnante de Jésus.

Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?

Une question qui révèle le souci de ce juif pieux

Les commandements : Jésus cite l’essentiel de la Loi. L’importance du Décalogue.

J’ai observé… depuis ma jeunesse : Révélation de la droiture et de la fidélité religieuse de ce juif pieux.

Posant son regard : Souvent il est question du regard de Jésus  dans l’évangile.

« Jésus se mit à l’aimer » : Expression qui en dit long sur l’amour de Dieu, amour gratuit qui est toujours premier.

Une seule chose te manque : Jésus va lui adresser un appel d’une exigence rare.

« Viens, suis-moi » : C’est la pointe de l’appel.

Trésor dans le ciel : Image chère à Jésus. « Là où est ton trésor là aussi sera ton cœur ! »

Il avait de grands biens : L’obstacle majeur au dépassement que Jésus demande de cet homme.

  

Pour l’animateur

La démarche de l’homme, qui accourt vers Jésus montre qu’il y a chez lui un désir pressant de rencontrer Jésus et son geste de se mettre à genoux exprime une grande vénération pour Jésus reconnu comme un « bon maître ».

« Personne n’est bon, sinon Dieu seul » : Cette réplique de Jésus est étonnante, mais on la comprend, parce que Jésus est devant un Juif qui connaît bien la Torah (la Loi) et il tient d’abord à réaffirmer l’essentiel de la foi juive : Dieu et lui seul possède la « Bonté ».

L’héritage de la vie éternelle : Le souci de parvenir au bonheur futur est louable chez le juif pieux, et Jésus accueille avec bienveillance sa question. En bon connaisseur de la Loi, Jésus cite d’abord les commandements divins est la voie, normale, suffisante pour parvenir à la « vie éternelle ». On découvre que ce juif est un familier de la Torah. Sa réponse  révèle sa droiture et sa fidélité religieuse (« J’ai observé… depuis ma jeunesse »). Jésus le reconnaît, et son regard sur cet homme est un regard de tendresse et d’estime. « Il se mit à l’aimer » : Tout comme l’amour de Dieu est au départ du choix d’Israël, le regard de Jésus le pousse à porter son choix sur ce juif fidèle. Ce choix, Jésus va l’exprimer par un appel particulièrement exigent. Jésus lui dit : «  Viens, suis-moi », c’est à dire, dépasse la foi de tes pères, et deviens disciple du Messie que je suis. Dépassement difficile. Il ne s’agit plus de suivre une loi, mais de suivre quelqu’un. On découvre seulement à la fin que cet homme était très riche et que cette richesse l’a empêché de répondre positivement à l’appel de Jésus.

Dans l’entretien particulier avec ses disciples, Jésus insiste sur le fait que la possession de la richesse est un obstacle majeur quand quelqu’un veut se mettre en route à sa suite . Marc nous fait assister à une vocation manquée. Jésus vient révéler une exigence plus haute que la religion juive, dont le Décalogue pourtant était pour Israël un chemin en direction de la vie éternelle.

La Bonne nouvelle proposée par Jésus est l’appel à un dépassement. Pour se dire chrétien, il ne suffit pas d’être fidèle aux commandements de Dieu, il faut se mettre à la suite de la personne même du Messie. La foi chrétienne vient accomplir la foi juive. Suivre le Christ ne va pas sans un certain dépouillement. N’oublions pas que Jésus marche vers sa Passion.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, tu es venu, non pour abolir la Loi, mais pour l’accomplir. A celui qui pratique les commandements, tu adresses l’appel à te suivre, à devenir ton disciple. A celui qui est encombré par ses richesses, ses biens matériels, tu demandes le détachement, pour te suivre avec un cœur libéré. A certains, tu adresses l’appel à tout quitter pour te suivre de plus près.

 

 TA PAROLE DANS NOTRE VIE

 La Parole aujourd’hui dans notre vie

Quelle est la bonne nouvelle que nous apporte cet évangile ?

Quel visage de Dieu Jésus nous révèle-t-il dans cette rencontre avec l’homme riche ? 

Cet homme  a accouru vers Jésus et s’est mis à genoux devant lui :

Qu’est-ce qui empêche les gens d’aujourd’hui d’aller à Jésus ?

Cet homme avait de grands biens : Qu’est-ce qui encombre les gens d’aujourd’hui et qui les empêches d’entendre l’appel de Jésus ?

La foi chrétienne, est-ce seulement suivre les commandements ?

Ce qui nous distingue, ce ne sont pas de beaux enseignements et de belles prières. On trouve cela également dans d’autres religions. Ce que nous sommes  les seuls à avoir, c’est un Maître qui peut nous dire : « Viens et suis-moi », car lui-même a marché sur nos route humaines. Il nous a ouvert le chemin de la résurrection.

 

ENSEMBLE PRIONS

Dieu notre Père, tu as toujours appelé l’homme à dépasser son égoïsme. Ton Fils Jésus est venu nous montrer le chemin du don total pour ceux que l’on aime. Nous ne pouvons pas dire que nous avons fait assez pour suivre Jésus ton Fils. Quand l’Évangile nous paraît difficile, quand il nous semble impossible de tout donner pour suivre Jésus, toi-même tu nous donnes ta force et nous permets d’avancer sur le chemin de la foi.

Notre Père…..

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Audience Générale du Mercredi 30 Septembre 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 30 Septembre 2015
 


 

Avant de se rendre sur la place Saint-Pierre, le Pape a rencontré dans la salle Paul VI de nombreux malades. Il leur a adressé le salut suivant :

Bonjour !

Je vous salue tous. L’Audience d’aujourd’hui aura lieu dans deux endroits : ici et sur la place. Étant donné que le temps semblait un peu mauvais, nous avons pris la décision de vous faire rester ici, pour que vous soyez tranquilles, plus à l’aise, et que vous puissiez suivre l’audience sur l’écran géant. Je vous remercie beaucoup pour cette visite et je vous demande de prier pour moi. La maladie est quelque chose de difficile, il y a les médecins — ils sont doués ! — les infirmiers, les infirmières, les médicaments, tout, mais c’est toujours difficile. Mais il y a la foi, la foi qui nous encourage, et cette pensée qui nous vient à tous : Dieu s’est fait malade pour nous, c’est-à-dire qu’il a envoyé son Fils, qui a assumé toutes nos maladies, jusqu’à la croix. Et en regardant Jésus avec sa patience, notre foi devient plus forte. Et, toujours avec notre maladie, nous allons, avec Jésus à nos côtés, avec Jésus qui nous prend la main. Il sait ce que signifie la souffrance, il nous comprend et nous réconforte et nous donne la force.

Et à présent, je vous donne à tous la Bénédiction, je demande que le Seigneur vous bénisse et vous accompagne. Mais avant, prions la Vierge. [Je vous salue Marie… Bénédiction]

Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Audience d’aujourd’hui aura lieu en deux endroits : ici, sur la place, et également dans la salle Paul VI, où il y a de nombreux malades qui la suivent sur un écran géant. Étant donné que le temps est un peu mauvais, nous avons décidé qu’ils restent à l’intérieur et ainsi, ils seront à l’abri et plus tranquilles là-bas. Unissons-nous les uns les autres et saluons-nous.

Au cours des derniers jours, j’ai accompli un voyage apostolique à Cuba et aux États-Unis d’Amérique. Celui-ci est né de la volonté de participer à la Rencontre mondiale des familles, en programme depuis longtemps à Philadelphie. Ce « noyau originel » s’est étendu à une visite aux États-Unis d’Amérique et au siège central des Nations unies, puis également à Cuba, qui est devenu la première étape de l’itinéraire. J’exprime à nouveau ma reconnaissance au président M. Castro, au président M. Obama et au secrétaire général M. Ban Ki-moon pour l’accueil qu’ils m’ont réservé. Je remercie de tout cœur mes frères évêques et tous les collaborateurs pour le travail important accompli et pour l’amour de l’Eglise qui l’a animé.

« Misionero de la Misericordia » : c’est ainsi que je me suis présenté à Cuba, une terre riche de beauté naturelle, de culture et de foi. La miséricorde de Dieu est plus grande que toute blessure, tout conflit, toute idéologie ; et avec ce regard de miséricorde, j’ai pu embrasser tout le peuple cubain, dans sa patrie et en dehors, au-delà de toute division. Le symbole de cette unité profonde de l’âme cubaine est la Vierge de la Charité del Cobre, qui il y a cent ans précisément, a été proclamée patronne de Cuba. Je me suis rendu en pèlerinage au sanctuaire de cette Mère d’espérance, Mère qui guide sur le chemin de justice, de paix, de liberté et de réconciliation.

J’ai pu partager avec le peuple cubain l’espérance de l’accomplissement de la prophétie de saint Jean-Paul II: que Cuba s’ouvre au monde et que le monde s’ouvre à Cuba. Plus jamais de fermeture, plus jamais d’exploitation de la pauvreté, mais liberté dans la dignité. Telle est la voie qui fait vibrer le cœur de tant de jeunes Cubains: non pas une voie d’évasion, de gains faciles, mais de responsabilité, de service au prochain, de soin de la fragilité. Un chemin qui puise sa force dans les racines chrétiennes de ce peuple, qui a tant souffert. Un chemin sur lequel j’ai encouragé de façon particulière les prêtres et toutes les personnes consacrées, les étudiants et les familles. Que l’Esprit Saint, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, fasse grandir les semences que nous avons jetées.

De Cuba aux États-Unis d’Amérique : cela a été un passage emblématique, un pont qui grâce à Dieu est en train de se reconstruire. Dieu veut toujours construire des ponts; c’est nous qui construisons des murs ! Et les murs s’écroulent, toujours !

Aux États-Unis, ensuite, j’ai accompli trois étapes : Washington, New York et Philadelphie.

À Washington, j’ai rencontré les autorités politiques, la population, les évêques, les prêtres et les personnes consacrées, les plus pauvres et marginalisés. J’ai rappelé que la plus grande richesse de ce pays et de son peuple réside dans le patrimoine spirituel et éthique. Et ainsi, j’ai voulu encourager à mener de l’avant la construction sociale dans la fidélité à son principe fondamental, c’est-à-dire que tous les hommes sont créés par Dieu égaux et dotés de droits inaliénables, tels que la vie, la liberté et la poursuite du bonheur. Ces valeurs, qui peuvent être partagées par tous, trouvent dans l’Évangile leur plein accomplissement, comme l’a bien souligné la canonisation du père Junípero Serra, franciscain, grand évangélisateur de la Californie. Saint Junípero montre la voie de la joie ; aller et partager avec les autres l’amour du Christ. Telle est la voie du chrétien, mais également de tout homme qui a connu l’amour : ne pas le garder pour soi, mais le partager avec les autres. C’est sur cette base religieuse et morale que sont nés et se sont développés les États-Unis d’Amérique, et c’est sur cette base qu’ils peuvent continuer d’être une terre de liberté et d’accueil et contribuer à un monde plus juste et fraternel.

À New York, j’ai pu visiter le siège central de l’ONU et saluer le personnel qui y travaille. J’ai eu des entretiens avec le secrétaire général et les présidents des dernières assemblées générales et du Conseil de sécurité. En parlant aux représentants des nations, dans la lignée de mes prédécesseurs, j’ai renouvelé l’encouragement de l’Église catholique à cette institution et à son rôle dans la promotion du développement et de la paix, en rappelant en particulier la nécessité de l’engagement commun et concret pour la sauvegarde de la création. J’ai répété également l’appel à faire cesser et prévenir les violences contre les minorités ethniques et religieuses et contre les populations civiles.

Nous avons prié pour la paix et la fraternité au mémorial de Ground Zero, avec les représentants des religions, les familles des nombreuses victimes et la population de New York, si riche de variétés culturelles. Et j’ai célébré l’Eucharistie pour la paix et la justice au Madison Square Garden.

Tant à Washington qu’à New York, j’ai pu rencontrer certains organismes caritatifs et éducatifs, emblématiques de l’immense service que les communautés catholiques — prêtres, religieuses, religieux, laïcs — offrent dans ces domaines.

Le sommet du voyage a été la Rencontre des familles à Philadelphie, où l’horizon s’est élargi au monde entier, à travers le « prisme » pour ainsi dire, de la famille. La famille, c’est-à-dire l’alliance féconde entre l’homme et la femme, est la réponse au grand défi de notre monde, qui est un double défi: la fragmentation et la massification, deux extrêmes qui coexistent et qui se soutiennent réciproquement, et qui soutiennent ensemble le modèle économique consumériste. La famille est la réponse parce qu’elle est la cellule d’une société qui équilibre la dimension personnelle et la dimension communautaire, et qui dans le même temps, peut être le modèle d’une gestion durable des biens et des ressources de la création. La famille est la protagoniste d’une écologie intégrale, parce qu’elle est le sujet social primaire, qui contient en son sein les deux principes bases de la civilisation humaine sur la terre: le principe de communion et le principe de fécondité. L’humanisme biblique nous présente cette icône: le couple humain, uni et fécond, placé par Dieu dans le jardin du monde, pour le cultiver et le protéger.

Je désire adresser un remerciement fraternel et chaleureux à Mgr Chaput, archevêque de Philadelphie, pour son engagement, sa piété, son enthousiasme et son grand amour de la famille dans l’organisation de cet événement. À bien y voir, ce n’est pas un hasard, mais il est providentiel que le message, ou plutôt le témoignage de la Rencontre mondiale des familles soit venu en ce moment des États-Unis d’Amérique, c’est-à-dire du pays qui, au cours des siècles, a atteint développement économique et technologique le plus élevé sans renier ses racines religieuses. À présent, ces racines exigent de repartir de la famille pour repenser et changer le modèle de développement, pour le bien de la famille humaine tout entière.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le pèlerinage national de Guinée, accompagné de Monseigneur Coulibaly, Archevêque de Conakry, et les personnes venues de Suisse, de Belgique, de Côte d’Ivoire, et de France.

Je porte particulièrement dans ma prière vos familles pour qu’elles persévèrent à témoigner autour d’elles la joie de l’Évangile, et je vous demande de bien vouloir prier pour moi et pour le prochain synode des Évêques qui commence dans quelques jours.

Que Dieu vous bénisse !

    

 

 

 

 




Rencontre autour de l’Evangile – 27ème dimanche du Temps Ordinaire

 « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a unit. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

 Situons le texte et lisons (Mc 10,2-16)

          En Mc 8,27, Jésus était à Césarée de Philippe, en terre païenne, à une trentaine de kilomètres au nord de la Galilée. C’est en partant de là, direction plein sud, qu’il a entamé son dernier voyage à Jérusalem. Il sait ce qui l’attend et il annoncera par trois fois à ses disciples les souffrances de sa Passion, sa mort, mais aussi sa résurrection… Et tout au long de cet ultime voyage, il enseignera, à tous ceux et celles qu’il rencontrera, Juifs ou païens, les mystères du Royaume des Cieux…

Le sens des mots

  • « Des Pharisiens abordèrent Jésus pour le mettre à l’épreuve »… Qui étaient ces Pharisiens ? Et quelles sont ici leurs dispositions à son égard ?

  • « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » La question délicate du divorce est donc évoquée. Il importe de bien prendre conscience du contexte. Et déjà, on peut remarquer que seul « le mari », l’homme, peut renvoyer sa femme. Cette dernière, en Israël, était considérée comme sa propriété… Elle n’avait aucun droit et ne pouvait témoigner en justice… La clause de la Loi de Moïse à laquelle ils font allusion est la suivante : « Soit un homme qui a pris une femme et consommé son mariage ; mais cette femme n’a pas trouvé grâce à ses yeux, et il a découvert une tare à lui imputer ; il a donc rédigé pour elle un acte de répudiation et le lui a remis, puis il l’a renvoyée de chez lui » (Dt 24,1). En pensant tout particulièrement à la condition de la femme, que pensez-vous de cette Loi ? Si vous aviez comme souci, dans le contexte de l’époque, de venir en aide aux femmes, dans quelle direction iriez-vous : une application de la Loi telle qu’elle est formulée, ou plus de rigueur dans la compréhension de l’engagement qu’est le mariage ?

  • Dans son argumentation, à quoi Jésus fait-il référence, jusqu’où remonte-t-il ?

  • « On présentait à Jésus des enfants pour les lui faire toucher ; mais les disciples les écartèrent vivement »… Que suggère la réaction des disciples sur la manière dont on considérait habituellement les enfants à l’époque ? Et en prenant ces enfants comme un des exemples de condition sociale rejetée, que retrouve-t-on comme « constante » dans l’attitude de Jésus ?

  • « Accueillir le Royaume des Cieux à la manière d’un enfant »… « Le Royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent »… Que dirions-nous pour préciser ou illustrer ce que Jésus dit ici ?


  

Pour l’animateur

 

  • « Pharisiens» vient d’un mot hébreu perushîm, qui signifie « les séparés », ceux qui font « bande à part ». Issus de toutes les couches sociales de la société, leur désir était de mettre en pratique de la façon la plus radicale possible tous les préceptes de la Loi. Ce faisant, ils allaient se ‘séparer’ ou des Juifs trop peu scrupuleux dans l’observation de la Loi, ou des païens qui, bien sûr, ne pratiquaient pas la Loi puisqu’ils ne la connaissaient pas…

         Ici, ils veulent mettre Jésus à l’épreuve, le piéger, le « cataloguer » pour ensuite mieux le critiquer… Ils ont vraiment le cœur « endurci », un « cœur de pierre » et non pas ce « cœur de chair », ce cœur ‘humain’ que Dieu voudrait voir en chacun d’entre nous (cf. Ez 36,24-28)…

  • « Jésus n’ignore pas que la tradition juive a péché, par excès de laxisme, au bénéfice du seul partenaire masculin. L’homme pouvait répudier son épouse, même pour des raisons les plus futiles » (Jacques Hervieux). Voilà contre quoi Jésus part ici en guerre, pour protéger les femmes des abus scandaleux dont elles souffraient à l’époque. Face à ce laisser-aller inacceptable, Jésus ne peut que rappeler, avec rigueur, les fondements du mariage et de la vie familiale (Gn 1,26-31 ; 2,18-25). Le projet de Dieu est que l’homme et la femme soient unis l’un à l’autre dans la communion d’un même amour. De leur union corporelle, qui manifeste et exprime leur union de cœur, naîtront alors ces enfants que Dieu leur confie pour les conduire, le mieux possible, vers leur pleine stature d’adulte. Cela exige du temps, de la fidélité, un amour qui ne peut que s’inscrire dans la durée… Et l’aventure est possible, car tout amour authentique vient de ce Dieu qui est Amour et qui nous a tous créés pour aimer et donc nous donner, d’une manière ou d’une autre, les uns aux autres. Jésus, en rappelant le projet de Dieu sur l’homme et sur la femme, invite ainsi ces hommes à corriger ce qui doit l’être dans leurs comportements. D’acte de répudiation en acte de répudiation, ils pouvaient ainsi passer de l’une à l’autre et changer quand l’envie leur en prenait… Pour eux, c’était légal… Pour Jésus, c’est de l’adultère…

         Nous voyons bien que nous ne sommes pas ici dans le contexte de déchirures parfois humainement dramatiques, ni de familles recomposées sur la base d’un amour honnête, sincère et qui s’inscrit loyalement dans la durée… Il ne peut s’agir pour l’Eglise d’exclure qui que ce soit : la préoccupation première de Jésus étant justement « les exclus », nous allons en avoir un nouvel exemple… Certes, nous devons vivre l’obéissance dans la confiance en l’Eglise et en ces « entrailles de Miséricorde de notre Dieu », qui nous accueille sans cesse tels que nous sommes et travaille avec nous au ‘meilleur’ de notre vie. Et si telle ou telle disposition disciplinaire actuelle nous semble devoir changer, obéissons et prions pour que l’Eglise continue d’avancer vers toujours plus d’humanité. Lorsqu’elle sera pleinement humaine, elle sera pleinement divine…

  • « On est choqué par l’attitude franchement hostile des disciples. C’est un mouvement violent d’exclusion. Pourquoi ? La raison est à chercher dans les mœurs de la société antique. Au temps de Jésus, les enfants sont objets de mépris de la part des adultes. Cette marmaille qui grouille et qui fait tant de bouches affamées à nourrir n’est pas en grande considération dans un monde où règne la pauvreté. De plus, tous ces gosses qui pullulent dans la société juive sont encore ignorants de la Loi de Moïse. On les traite donc comme des « hors la Loi ». ils sont mis au rang des « exclus », comme les malades, les femmes, les esclaves… Ce mépris que manifestent à l’égard des enfants ses propres amis heurte profondément le Maître »… En effet, « les enfants, comme les autres « exclus », ont leur place dans le Royaume » (Jacques Hervieux).

  • Quelques traits de l’enfance : confiance en l’amour des parents et donc insouciance ; simplicité de cœur, joyeuse naïveté, fraîcheur, vérité, etc…

 TA PAROLE DANS NOTRE VIE

Le mariage, l’amour dans le couple et la famille, la fidélité, sont les piliers du projet de Dieu sur les hommes. En effet, Dieu est Mystère de Communion de Trois Personnes divines distinctes dans l’unité d’un même Esprit, d’un même Amour… Et il a créé « l’humanité », sens premier du mot ‘homme’ en Gn 1,26, pour qu’elle soit « à son image et ressemblance », c’est-à-dire Mystère de Communion elle aussi dans l’unité d’un même Esprit, d’un même Amour, le sien… Et ce Mystère commence à se réaliser dans la famille… Prenons-nous suffisamment au sérieux les exigences qui en découlent pour notre couple, notre famille ? Avons-nous à cœur de prendre les moyens nécessaires pour construire cette famille unie que Dieu désire, sur la base du Don de cet Esprit d’Amour qu’il ne cesse de proposer à nos cœurs par sa Parole, la prière, les sacrements ?

  • Les divorcés remariés ne sont exclus ni de l’Amour de Dieu, ni de l’Eglise. Leurs parcours est souvent le résultat de souffrances dont nous n’avons pas idée et que Dieu seul connaît… Et même « là où le péché a abondé », avec son cortège de blessures et de souffrances, « la grâce » de salut, de guérison, « a surabondé» pour les cœurs de bonne volonté… Avons-nous bien ce regard de Miséricorde qui ne juge pas mais cherche à comprendre, cette attitude d’accueil inconditionnel à leur égard, ce souci de vivre avec eux l’Eglise et sa Mission ?

 

ENSEMBLE PRIONS 

         Dieu notre Père, que ton Esprit d’Amour soit sur toutes nos familles. Donne nous la Force de vivre le pardon, jour après jour. Que ta Miséricorde soit le ciment de notre unité. Et qu’elle nous apprenne à ouvrir largement nos bras à tous ceux et celles qui ont pu connaître dans leur vie la souffrance d’un échec, d’une déchirure. Par Jésus, ton Fils notre Seigneur. Amen.          

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




27ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 4 octobre 2015

Genèse 2, 18-24 (Tous deux ne feront plus qu’un)

Ce passage du début de la Genèse appartient au second récit de la création qui s’inspire des mythes égyptiens sur le dieu potier façonnant l’être humain. Dans la deuxième partie de cet épisode, le Seigneur offre à l’homme une compagne. Dans l’antique culture méditerranéenne de l’auteur biblique, la femme est souvent considérée comme inférieure à l’homme et parfois presque au rang de l’animal. Notre passage prend le contre-pied de ces conceptions. Si Adam peut nommer les animaux, faisant ainsi de par le Seigneur acte de propriété et de domination, il ne trouve en eux « aucune aide qui lui corresponde ». Une expression qu’une version araméenne de la Bible traduira par cette formule : « aucune partenaire semblable à lui. »

  La femme sera pour le mâle un cadeau gratuit de Dieu ; elle est tirée de la même nature que lui. Elle est « l’os de mes os », déclare Adam, c’est-à-dire, selon le langage sémitique ancien, ma substance même. La langue hébraïque accentue d’ailleurs cette parenté, puisque « l’homme » se dit îsh et « la femme » ishâh.

  En outre, on notera la critique du système patriarcal, si persistant en maintes cultures d’aujourd’hui : l’homme quittera son clan familial, si étouffant trop souvent, et, avec son épouse, il formera un couple autonome. Contrairement à un certain discours ecclésiastique mettant en avant, comme dans le judaïsme ancien, le devoir de procréation, ce second récit de création souligne simplement la beauté de *la vie conjugale : « Ils deviendront une chair unique ». Cette première lecture veut éclairer la leçon de Jésus sur l’indissolubilité du mariage.

* La vie conjugale. « Le mariage unit les corps et les âmes ; il mêle deux esprits et confond deux chairs. Comment te séparer sans tourment de celle que tu as nouée à ta vie, non point servante d’occasion, mais sœur, mais épouse ? Sœur selon la création et les origines. Vous êtes tous deux faits du même limon, de la même argile. Épouse, par le lien conjugal et le code du mariage. Quel nœud vas-tu trancher, toi qu’attachent la loi et la nature ? Comment oseras-tu trahir les serments que tu as prononcés le jour de tes noces ? (Astère d’Amasée [5e siècle]).

Hébreux 2, 9-11 (Jésus, notre Sauveur et notre frère)

Pendant sept dimanches, en cette fin d’année liturgique, nous lisons en lecture semi-continue des extraits de « la lettre aux Hébreux » Au vrai, ce texte n’est pas une « épître », malgré une formule épistolaire finale « bidon » (Hébreux 13, 23-25). Il s’agit, en fait, d’une homélie, d’une circulaire.

  Lorsqu’on présente Jésus comme Christ, « Messie », on se rappelle que, dans l’Ancien Testament, le mot messie signifie oint par l’huile et que l’onction peut évoquer trois personnages, trois figures : le roi, le prophète et le grand prêtre. Les évangiles se sont concentrés sur les figures royale et prophétique pour présenter Jésus comme Messie. Apparemment, seul l’auteur de la Lettre aux Hébreux s’est risqué à présenter Jésus comme Messie en tant que grand prêtre juif, grand prêtre par son entrée dans le sanctuaire du ciel à travers sa Passion et sa Résurrection. Ce texte peut sembler difficile pour celles et ceux qui s’avouent légitimement ignorants des rites juifs anciens. Mais, en même temps, par le biais de la figure humaine du grand prêtre, aucun autre auteur du Nouveau Testament n’a autant souligné la fraternité du Christ, * notre médiateur médiateur de notre humanité. Judaïsant que je suis, l’auteur de cet écrit… est mon ami !

  La lecture d’aujourd’hui commence par une citation, selon la Bible traduite en grec, du Psaume 8 qui chante la gloire de l’homme dans la création : « Tu l’as fait un peu au-dessous des anges. » Mais, par sa résurrection, le Christ a été élevé au-dessus des anges. Il est le seul à avoir réalisé, le premier, la beauté de la vocation humaine. Il nous précède dans « la gloire et l’honneur ». Il nous précède, parce qu’il est, en frère, « de la même race que nous ».

* Notre médiateur. « Ô Seigneur médiateur, Dieu plus haut que nous, homme à cause de nous, je reconnais ici ta miséricorde. Car, que toi, qui es si grand, tu sois ainsi troublé par une attention de ton amour, cela console bien les membres de ton corps, qui sont troublés par leur faiblesse, et cela les empêche de désespérer et de périr » (Saint Augustin).

 

Marc 10, 2-16 (Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas !) 

En son plein milieu, nous voici dans le discours de Jésus « sur le chemin », selon le montage de l’évangile de Marc. Ce discours n’évoque nullement des problèmes de prière ou de sacrements, mais seulement la question des relations humaines au sein de la communauté chrétienne qui, par sa conversion, acceptera et suivra le chemin de croix de Jésus. Vu le statut de mineure sociale de la femme dans le monde juif où vivait Jésus, on comprend le jumelage établi par le texte entre la situation de la femme et celle des petits enfants.

La question du divorce

Les pharisiens invitent Jésus à se situer dans une querelle académique sur l’interprétation de Deutéronome 24, 1 concernant l’acte écrit de divorce. En fait, ce texte de l’Ancien Testament défendait le droit de la femme renvoyée par son mari, en disant que le document officiel de répudiation interdisait à l’homme tout droit de propriété à l’égard de son ex-épouse, devenue libre à jamais de se « recaser ». Mais, au temps du Christ, ce texte biblique faisait l’objet d’une autre question : sous quel prétexte peut-on divorcer de son épouse ? Selon l’école du maître juif Shammaï, on ne peut renvoyer sa femme qu’en cas de flagrant d’adultère. Selon l’école de Hillel, on peut se séparer d’elle sous le simple prétexte qu’elle a manqué la cuisson d’un plat (sic !).

  Jésus refuse de se placer sur ce terrain de la casuistique. Il en revient au projet fondamental du Créateur, l’indissolubilité de l’union matrimoniale (cf. 1ère lecture) : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » Ce verbe « unir » devrait se traduire plus littéralement par ceci : « ceux que Dieu a mis sous le même joug », comme deux bœufs attelés ensemble, selon une formule de style que l’on appelle en littérature moderne le « zeugma ».

  Pour Jésus, le couple est tellement infrangible que le remariage équivaut à un adultère. Deux points doivent ici retenir l’attention. D’une part, le Nouveau Testament souligne le caractère conjugal du mariage, sur la base de Genèse 2, 34 : « Ils seront une seule chair », alors que les maîtres juifs anciens fondent leur morale matrimoniale sur le commandement de la procréation – ils en font de fait un commandement : « Croissez et multipliez » (Genèse 1, 28). D’autre part, écrivant au sein du droit romain, Marc envisage aussi le divorce sur l’initiative de l’épouse (« si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre… »). Ce cas était impensable en milieu palestinien où la répudiation ne pouvait venir que du mâle. C’est pourquoi Matthieu 19, 1-9 élimine cette précision de Marc. En outre Matthieu ajoutera le motif du célibat vécu pour le service du Royaume des Cieux (Matthieu 19, 10-12).

Parole juridique ou parole prophétique ?

En notre monde où les divorces sont fréquents, souvent, hélas, pour des raisons vitales, en ce monde de familles recomposées, comment comprendre les paroles du Seigneur ? Quand il dit : « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus » (Matthieu 22, 14), nous comprenons qu’il s’agit d’une interpellation prophétique invitant à la conversion, et non d’une condamnation juridique. Qu’en est-il des paroles de Jésus sur le divorce ? Très tôt, les Églises les ont prises en un sens juridique ; à commencer par Matthieu 19, 9 : « Quiconque renvoie sa femme – sauf pour impudicité – et en épouse une autre, est adultère », et les historiens s’interrogent sur le sens du mot énigmatique « impudicité » qui déjà modère l’indissolubilité matrimoniale. Jésus voulait-il imposer une législation ou voulait-il livrer un idéal prophétique, pas toujours possible, à cette union du couple ? La question reste ouverte.

Les petits enfants

Dans le monde oriental ancien, un Rabbi tel que Jésus ne doit pas s’abaisser à accueillir en public des marmots et à les embrasser. D’ailleurs, les disciples veulent sauvegarder sa dignité (ils « les écartèrent vivement »). Le Royaume de Dieu appartient aux petits enfants. Ceux-ci, dans le monde culturel de Jésus, ne sont pas un symbole d’innocence, mais de dépendance des adultes et de naïveté. À l’évidence, ils ne comprennent rien au « Royaume de Dieu ». Nous non plus, adultes ! Qu’il nous suffise de faire confiance à Jésus qui nous accueille en ce Royaume. Par la phrase « ne les empêchez pas », l’Église antique a justifié le baptême des bébés.

  Dans notre culture occidentale où l’enfant est roi, on s’interrogera par rapport au monde dans lequel le Christ a vécu. Les petits que nous méprisons ne sont pas forcément les mouflets, sauf en cas d’abus évidents. Le sort de la femme et de l’homme qu’en parallèle Jésus défend, dans le problème du divorce, est-il toujours d’actualité ?




27ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (4 Octobre)

« Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mc 10,2-16).

Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? »
Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle.
Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme.
À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère,
il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question.
Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle.
Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement.
Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

 

     couple       

            Ce passage doit être restitué dans son contexte : « Des Pharisiens abordent Jésus pour le mettre à l’épreuve ». Ils ne croient pas en lui. Ils veulent juste lui tendre un piège pour l’enfermer ensuite dans l’une de leurs catégories, laxiste ou rigoriste, et ainsi le condamner… « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »

            Jésus va partir de leur Loi : « Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, et qu’elle cesse de trouver grâce à ses yeux, parce qu’il découvre en elle une tare, il lui écrira une lettre de répudiation et la lui remettra en la renvoyant de sa maison » (Dt 24,1). Nous retrouvons ici un de ces nombreux textes que Jésus qualifie de « traditions humaines » car ils annulent la Parole de Dieu (Mc 7,1-13). Grâce à eux, ces « scribes et Pharisiens hypocrites » pouvaient justifier leurs pratiques scandaleuses…

            Alors, comme toujours, Jésus revient à la source : le projet de Dieu sur l’humanité. Et il cite le Livre de la Genèse (1,1.27 ; 2,24) : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair ». Et il insiste : « Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair ». Leur amour les unit, et cet amour, s’il est authentique, vient de Dieu. En effet, « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et parce qu’il est Amour, il est Don de Lui-même, gratuitement, par amour… « L’amour de Dieu », « l’amour dont Dieu nous aime » précise en note la Bible de Jérusalem, « a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et ceci est tout spécialement vrai pour un amour authentique entre un homme et une femme : chacun a reçu, pour l’autre, le Don de cet Amour et c’est ce Don qui les unit. Tel est donc le trésor qu’ils doivent cultiver jour après jour… « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » Que nul ne se permette donc de « renvoyer sa femme » pour toutes sortes de raisons futiles au nom d’une soi-disant Loi qui n’est en fait qu’une belle façade pour cacher son incrédulité et ses perversités… Qu’il se convertisse plutôt, et qu’il manifeste son choix sincère de Dieu en aimant sa femme !

            Telle est la réaction de Jésus face à l’hypocrisie qui montre beau visage et se flatte de bien agir… Mais telle n’est pas du tout son attitude envers les blessés de la vie qui, pour toutes sortes de raisons, se retrouvent dans des situations chaotiques. Son seul souci est alors de les aider à se relever en leur donnant de pouvoir prendre conscience de la volonté de Dieu pour qu’ils puissent vivre désormais de manière responsable en assumant leur passé… Et il sera toujours là, avec eux, pour que l’amour fleurisse enfin là où il n’y avait que des ruines. Et si un homme et une femme arrivent ainsi à se reconstruire, « ce que Dieu a uni », dans son infinie Miséricorde, là encore, « que l’homme ne le sépare pas »…         DJF.

           




26ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 27 septembre 2015

Nombres 11, 25-29 (L’Esprit de Dieu souffle où il veut)

L’épisode s’inscrit dans la marche d’Israël au désert, depuis le mont Sinaï jusqu’aux plaines de Moab (Nombres 10, 11 – 21, 35). Plus précisément, notre page s’enchaîne avec le récit d’une révolte : le peuple se lasse de la manne quotidienne et réclame de la viande, qui lui sera donnée (Nombres 11, 31-32). Pour l’heure, désemparé et écœuré, Moïse se plaint d’une responsabilité insupportable auprès de Dieu qui lui demande alors de rassembler, dans « la tente de la Rencontre », dressée hors du camp d’Israël, soixante-dix anciens qui l’épauleront dans sa fonction. Le Seigneur leur conférera pour cela une part de « l’esprit » de Moïse, de la force et de la sagesse divines à lui accordées (Nombres 11, 4-23).

  Voici, avec notre passage, le don de cet esprit aux anciens. Ils se mettent à prophétiser. Entendons qu’ils entrent en transe et prononcent des oracles mystérieux, comme Saül pris dans une bande de prophètes (1 Samuel 10, 10-12). Mais, ajoute notre texte, « cela ne dura pas ». La tr   ansmission de la phrase est mal assurée. La version latine de saint Jérôme a compris qu’ils « ne purent s’arrêter ». En fait, le texte originel voulait assurer la supériorité prophétique de Moïse sur les anciens. Une tradition juive ancienne prend en réponse cette parabole : un cierge qui en allume soixante-dix autres ne perd rien de sa lumière. De même, le don de l’esprit aux anciens n’enlevait rien à Moïse.

  La pointe porte sur l’acte II de la pièce, avec Eldad et Médad qui ne se sont pas rendus à la Tente et se mettent à prophétiser à l’intérieur du camp. Les légendes juives anciennes se plairont à mettre en leurs bouches une prophétie, totalement absente du texte biblique, sur l’histoire d’Israël. Les deux personnages n’ont donc pas honoré le rendez-vous sous la tente sacrée. D’où la réaction de Josué, l’auxiliaire de Moïse : « Arrête-les ! » C’est cette phrase qui commande le choix de cette lecture afin d’éclairer l’évangile où Jean dit avoir voulu « empêcher » un exorciste qui ne fait pas partie des disciples de Jésus.

  Moïse déclare à Josué : « Serais-tu jaloux pour moi ? » L’Esprit de Dieu est libre ; il agit où et quand il le veut. Le rédacteur de cet épisode veut montrer que la prophétie reste libre, sans lien obligé avec l’institution. Amos (7, 14) revendiquera cette liberté, en ces termes : « « Je ne suis prophète, ni fils de prophète. » Bien plus, le Moïse du récit souhaite que le don de prophétie s’étende à tout le peuple de Dieu. Joël, de manière solennelle, reprendra le souhait de Moïse comme une réelle promesse (Joël 3, 1-3) et saint Luc verra dans la Pentecôte l’accomplissement de cet oracle (Actes 2, 16-21).

Jacques 5, 1-6 (Vos richesses sont pourries)

Dans sa série de conseils et de reproches relatifs à la vie chrétienne, Jacques vient d’évoquer les négociants (Jacques 4, 13-17). Il ne dénonce nullement chez eux une malhonnêteté, mais le danger de tout miser sur les affaires et d’ignorer la fragilité de leurs spéculations et de leur existence. À présent, l’homélie s’en prend plus directement aux propriétaires terriens et critique leur injustice. Le discours, sous l’horizon du jugement de Dieu (« nous sommes dans les derniers temps »), se divise en deux parties.

  1. C’est d’abord une attaque générale contre les richesses périssables selon des images fréquentes dans la tradition biblique (le pourrissement, les vers, la rouille, le feu qui ruine tout ; comparer Matthieu 6, 19-21). Retentit aussi comme en écho l’exclamation de Jésus : « Malheureux êtes-vous, les riches ! Car vous avez votre consolation » (Luc 6, 24).

  2. La seconde partie en vient au fait : la dénonciation de certains riches qui retiennent le salaire des journaliers. Dans ce monde ignorant les comptes bancaires, le salaire devait être versé avant le coucher du soleil : Lévitique 19, 13 ; Deutéronome 24, 14-15 ; comparer la scène de Matthieu 20, 9. « Leur salaire crie vengeance » : l’expression rappelle à la fois la justice sociale et le droit divin selon lequel, si le pauvre exploité en appelle au Seigneur, celui-ci punira l’oppresseur (Deutéronome 15, 9). La fin de l’exposé, évoquant massacres et tueries, est une exagération dramatique intentionnelle.

Marc 9, 38-43.45.47-48 (« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. « )

Nous poursuivons la lecture, en saint Marc, du discours communautaire de Jésus, le discours « sur le chemin ». L’articulation de cette séquence n’est pas évidente pour notre logique moderne. Elle se fait par l’association de mots-crochets (« en ton nom…, en mon nom…, au nom de… » et le verbe « scandaliser » [= « entraîner la chute »]). On peut ainsi distinguer trois sections.

Contre le sectarisme

Les disciples ont vu quelqu’un chasser des démons au nom de Jésus et l’en ont empêché, parce qu’il n’appartient pas au groupe des croyants. Celui qui rapporte cette controverse est Jean. De fait, son frère et lui, les « fils du tonnerre » (Marc 3, 17), brillent par leur esprit de domination (voir Marc 10, 35-45). Au fond, à travers cet incident, c’est la prétention à être « le plus grand » (cf. 9, 34) qui continue, cette fois vis-à-vis de ceux du dehors. La réponse de Jésus va dans le sens d’une grande ouverture : personne ne peut se servir de son nom pour faire le bien et maudire ensuite sa personne. L’influence bénéfique du Christ déborde largement le cercle de ses disciples. Les exorcistes et les thaumartuges agissaient, rappelons-le « au nom » d’une autorité. Flavius Josèphe, l’historien juif du 1er siècle, dit avoir vu un certain Éléazar qui chassait les démons au nom du roi Salomon. Parenthèse : Josèphe appelle Éléazar les personnages juifs dont il ne connaît pas le nom ! Pierre opérera des miracles « au nom » de Jésus (Actes 3, 6).

  Au prédicateur itinérant, il arrivera que de simples sympathisants offrent gentiment un verre d’eau, simplement parce qu’il a pour étiquette le « nom du Christ ». Cette expression et l’emploi du « nous » dans ces versets montrent qu’au-delà de la personne de Jésus, l’évangéliste pense à la situation de son Église et vise des responsables autoritaires et sectaires. Paul dénoncera des missionnaires itinérants qui se font entretenir grassement par les communautés, sous prétexte qu’ils sont « du Christ », qu’ils ont cheminé avec lui sur les routes de Galilée. Paul, qui n’a pas connu le Jésus historique, se dit « du Christ » sur d’autres fondements. Voir 1 Corinthiens 1, 12 et surtout 2 Corinthiens 11, 23-29.

« Ces petits qui croient en moi »

Dans « ces petits qui croient en moi », lisons ceux qui sont faibles dans la foi et risquent de d’être désorientés, de tomber, à cause de la liberté de conduite affichée par certains, surtout les responsables de la communauté. Saint Paul s’est affronté à ce genre de problème à propos de la consommation des viandes offertes aux idoles (1 Corinthiens 8 – 10). À ceux qui font chuter les faibles, Jésus souhaite la pire condamnation.

« Coupe-la… coupe-le… arrache-le »

La suite vise encore ces personnes qui risquent d’entraîner les faibles vers la chute. Pour qu’elles enrayent ce danger de manière radicale, elles doivent procéder sur elles-mêmes à des « ablations chirurgicales », au sens figuré bien sûr. Mieux vaut arracher les tentations, plutôt être manchot ou borgne… !, et accepter une douleur momentanée que de succomber à l’irrémédiable.

  Ces versets sont les seuls où, par trois fois, Marc emploie le mot « géhenne », ce lieu que Matthieu appellera « le feu éternel préparé pour le diable et ses anges » (Matthieu 25, 41). Ce mot, lieu de damnation, connu des apocalypses juives, a pour origine « la Géhenne », une vallée située au sud de Jérusalem, une décharge publique où l’on brûlait continuellement les ordures. Ce « lieu où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas », dont parle Isaïe 66, 24, repris ici par Jésus, a été compris par le judaïsme ancien comme désignant cette réalité infernale.

  On notera la subtilité qui enchaîne les symboles : la main, le pied, l’œil. Dans la symbolique du monde sémitique, la main désigne le début de l’action, le pied évoque la mise en route de l’action et l’œil signifie le projet intérieur, bon ou mauvais, qui commande l’action. L’enjeu est l’entrée finale « dans la vie », autrement dit « dans le royaume de Dieu ». C’est sans doute aussi cela « la récompense » finale que connaîtra celui qui simplement aura accueilli un disciple du Christ.

 

 




26ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (27Septembre)

Être bienveillants les uns envers les autres (Mc 9,38-43.45.47-48)

En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »
Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ;
celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.
« Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.
Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas.
Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds.
Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux,
là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas.

 

     fraternite       

            Conséquences de notre humanité blessée, la communauté chrétienne n’est pas comme le Christ voudrait qu’elle soit : « Père, qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17,22)… Et pourtant, catholiques, orthodoxes, protestants, anglicans, tous, nous avons reconnu en Jésus Christ le Fils Unique du Père, celui qui, en vrai homme et vrai Dieu, est « le Sauveur du monde », « l’unique médiateur entre Dieu et les hommes » (Jn 4,42 ; 3,16-171Tm 2,3-6). Et chacun d’entre nous, dans la barque qui est la sienne, peut être tenté de regarder les autres avec méfiance… « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom, quelqu’un qui ne nous suit pas, et nous voulions l’en empêcher parce qu’il ne nous suivait pas », disent ici les disciples. « Ne l’en empêchez pas », leur répond Jésus, « car il n’est personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après mal parler de moi. Qui n’est pas contre nous est pour nous ».

            L’important est donc avant tout la bienveillance mutuelle… En effet, nul homme ne peut « faire un miracle » par lui-même : c’est Dieu et Dieu seul qui l’accomplit… Et Jésus nous entraîne encore plus loin : Lui, qui est vrai homme et vrai Dieu, il ne peut rien par Lui-même ! « En vérité, en vérité, je vous le dis », dit-il solennellement, « le Fils ne peut rien faire de lui même, qu’il ne le voie faire au Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu’il fait… Je ne puis rien faire de moi-même » (Jn 5,19-20.30). Les miracles de Jésus sont donc « les œuvres de mon Père », dit-il (Jn 10,37). Combien plus ce principe, vrai pour lui, le Serviteur du Père, est-il vrai pour tout disciple de Jésus ! Et c’est bien ce qu’il dira : « Je suis la vigne, et vous les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5).

            C’est donc clair… Tout miracle authentique est l’œuvre de Dieu… Alors si quelqu’un, qui n’appartient pas « socialement » au groupe des disciples, accomplit une œuvre bonne, c’est Dieu en fait qui l’accomplit avec lui et par lui. Et c’est avant tout cela qu’il s’agit de reconnaître, de discerner : est-il, oui ou non, vraiment, un serviteur de Dieu et des hommes ? Si c’est « oui », alors tout va bien, dit ici Jésus… La communauté des serviteurs de Dieu est donc bien plus large que le seul petit cercle qui l’accompagnait alors… Et ce principe, là encore, est toujours valable aujourd’hui…                         DJF




Rencontre autour de l’Evangile – 26ème dimanche du Temps Ordinaire

 « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

 (Mc 9, 38-48)

Après avoir instruit ses disciples, surtout ceux qui seront les premiers responsables de son Église, sur l’humilité et le service, Jésus donne plusieurs consignes à l’adresse de la communauté chrétienne.

Regardons-réfléchissons-méditons

Faire lire lentement le texte

La démarche de Jean auprès de Jésus

Qu’est-ce que Jésus n’approuve pas dans son attitude ?

Quel enseignement pour une communauté chrétienne ?

L’appartenance au Christ est-elle limitée à ceux qui font partie du groupe des disciples, à l’Église ?

Celui qui entraînera la chute

Le ton des paroles de Jésus devient plus grave : Pourquoi ? 

Ces petits qui croient en moi : Qui sont ces petits ?

Si ta main… si ton pied… si ton œil t’entraînent au péché, coupe-le, arrache-le : Pourquoi Jésus signale ces trois organes ? 

Comment interpréter ces paroles dures de Jésus ?

La géhenne :   Qu’est-ce que c’était au temps de Jésus ?

                          Comment l’interpréter au sens spirituel ?

 

  

Pour l’animateur

La démarche de Jean révèle une certaine intolérance du groupe des disciples de Jésus. Jésus n’approuve pas cet « esprit » de clocher. Il demande à ses disciples d’être ouverts au frère qui leur est proche. L’appartenance au Christ n’est pas le monopole de ceux qui sont de la communauté chrétienne. Ceux qui invoquent « le nom de Jésus » ne sont pas nécessairement en pleine communion avec l’Église.

Quand Marc écrit son évangile, la persécution pousse les chrétiens à se replier sur eux eux-mêmes. En se rappelant la parole de Jésus « qui n’est pas contre nous est pour nous », ils sont invités à l’ouverture envers ceux qui ne manifestent pas d’opposition. Il va même plus loin avec l’exemple du verre d’eau, si rafraîchissant et vital en Orient : le plus petit geste de charité en faveur d’un chrétien, même dans un climat d’opposition, prend toute sa valeur. Le Christ s’en souviendra au jour du jugement.

Jésus se montre sévère pour ceux qui « entraînent la chute » d’un petit qui croit en lui : Il ne faut pas « dresser d’obstacle » sur la route des croyants. C’est ce qu’on appelle le « scandale » qui met en danger la foi des « petits », c’est à dire ceux dont la foi naissante est encore fragile.

Jésus demande  à chaque frère de sa communauté de veiller à ses relations avec les autres : il faut absolument prévenir tout scandale.

Si ton pied…si ta main…si ton œil… ce sont les organes principaux de la communication. C’est toute la personne qui est engagée par chacun de ces organes : il est des cas où l’amputation d’un membre peut sauver l’homme tout entier.

Ne pas prendre à la lettre les paroles de Jésus : Il ne s’agit pas ici mutilation physique. Jésus pense à notre vie spirituelle et à notre destinée. Le chrétien doit savoir « couper court », c’est à dire prendre une décision radicale, pour se détacher de ce qui est mauvais en lui pour assurer son salut.

La géhenne, qui était un lieu sauvage, une décharge publique dans une vallée proche de Jérusalem : saletés et  pourritures de toutes sortes étaient la proie des vers et un feu y brûlait en permanence. Jésus utilise cette image qui pour ses contemporains évoquait le sort de ceux, dont le cœur est endurci et qui restent sourds à aux appels de Dieu. Se trouver privé de la communion divine, être séparé éternellement de l’Amour de Dieu, voilà le pire qui puisse arriver à l’homme ; ce serait la mort éternelle,  alors qu’il est fait pour « entrer dans la vie éternelle ».

L’enfer, certes est bien attesté dans l’Écriture ; mais il demeure néanmoins une réalité mystérieuse, difficile à relier avec le Dieu Amour.

  

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, tu nous mets en garde contre tout comportement sectaire, et contre l’intolérance. Tu nous recommandes aussi de prendre soin de tous ceux qui ont encore une foi fragile et de veiller à nos comportements dans la communauté chrétienne. Donne-nous le courage, d’arracher de notre vie tout ce qui est mauvais en nous, même si cela nous demande un effort qui coûte. Oriente notre cœur vers les biens du Royaume de Dieu.

 TA PAROLE DANS NOTRE VIE

La Parole aujourd’hui dans notre vie

Ni un groupe fermé et intolérant, ni un groupe de purs qui méprisent les humbles, ni un groupe de tièdes qui font bon ménage avec le mal : Reconnaissons-nous notre communauté paroissiale ?

Jésus nous met en garde contre tout comportement sectaire et intolérant : Est-ce que nos groupes divers sont ouverts et accueillants ?

Aucun groupe ne peut prétendre avoir le monopole de l’Esprit Saint.

Nous ne sommes pas les seuls à faire de bonnes actions : Savons-nous les reconnaître quand elles sont posées par une personne qui ne croit pas tout à fait comme nous, un non-pratiquant, ou un croyant d’une autre religion,  ou par un incroyant ?

Avons-nous le respect des personnes à la foi fragile, à la conscience craintive, pour les aider patiemment en évitant de les choquer inutilement ?

Jésus nous adresse un appel urgent à la conversion : Avons-nous choisi résolument la vie avec le Christ ? 

ENSEMBLE PRIONS

Inviter le groupe à formuler des intentions de prière pour la paroisse, pour les groupes qui la composent.

Prier aussi pour tous  les « petits » dont parle Jésus.

Demander la grâce d’une conversion authentique par un choix radical de vie avec le Christ, ce qui implique rupture courageuse avec le mal.

Notre  Père

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




25ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 20 septembre 2015

Sagesse 2, 12.17-22 (Condamnons-le à une mort infâme)

Les impies qui se détournent de la sagesse prononcent ici un discours contre le juste, avant que l’auteur du livre dénonce leur erreur funeste, leur condamnation, et le triomphe des justes qui, passées les épreuves, goûteront une immortalité victorieuse (Sagesse 2, 21 – 3, 12).

  Notons le jeu subtil du pluriel et du singulier : le juste est seul dans l’épreuve ; « ceux qui méditent le mal » contre lui sont nombreux. Mais, dans l’heureux dénouement, « les âmes des justes » (Sagesse 3, 1) deviennent plurielles. Expérience des justes qui, en tous les temps, se sentent minoritaires et, cependant, gardent l’espérance. Le même jeu grammatical se trouve déjà dans le Psaume 1, avec le retournement final du verset 6.

  Le juste reproche à ses détracteurs d’avoir abandonné « la Loi » et, littéralement, leur « éducation ». Ce dernier mot revient plusieurs fois dans le livre, sous la plume de l’auteur qui écrit peu de temps avant notre ère dans la grande cité d’Alexandrie. Ceux qu’il dénonce ici ne sont donc pas des païens, mais des Juifs qui ont abandonné leurs traditions culturelles et religieuses au profit d’idéologies grecques matérialistes.

  Se comprend alors leur attitude. Dans « l’apostasie », dans l’abandon de la foi, il y a souvent une mémoire coupable du passé et une sorte de rancœur à l’égard de celui qui est resté fidèle à son « éducation ». Cette animosité se fait alors persécution cynique. Puisqu’il compte sur Dieu, testons-le ! Qui aura raison : lui qui compte encore sur un Être mythique ? Nous qui avons choisi une totale liberté ?

  Entre d’autres termes forts qui mériteraient l’examen, relevons cette proposition conditionnelle : « Si le juste est fils de Dieu… ». Parmi diverses significations de l’expression fils de Dieu dans l’Ancien Testament (le messie, Israël, les anges…), elle désigne ici le juste opprimé qui, comme un petit enfant jeté du haut d’un mur par des méchants, ne se confie que dans son père qui, en bas, le recevra forcément dans ses bras. C’est en ce sens qu’au Golgotha, selon Matthieu, les adversaires de Jésus ironisent sur son titre de fils de Dieu (Matthieu 27, 42). C’est aussi pourquoi la liturgie d’aujourd’hui prend le Livre de la Sagesse pour éclairer dans notre page d’évangile la deuxième annonce de la Passion.

Jacques 3, 16 – 4, 3 (C’est dans la paix qu’est semée la justice)

Peut-on résumer cette page de « l’encyclique » attribuée à Jacques (cf. Jacques 1, 1) ? Le lectionnaire a omis trois versets (Jacques 3, 13-15) insistant sur la différence radicale entre la sagesse divine et la sagesse humaine, un passage qui semble mettre en cause certains dirigeants des communautés auxquelles s’adresse l’auteur. Dans le texte d’aujourd’hui, nous distinguons deux vagues. La première conclut ce discours omis par la liturgie. La seconde, à partir de la question « d’où viennent les guerres », est une exhortation plus directe. La logique de l’ensemble présente un certain flou, car il puise dans des traditions catéchétiques antérieures.

  1. La première vague présente une liste de vices et de vertus qui s’inspire des exhortations apostoliques. Les défauts qui perturbent la vie communautaire se trouvent déjà en 2 Corinthiens 12, 20 ou Galates 5, 19-22. La vertu de ceux « qui font la paix » rappelle la béatitude de Matthieu 5, 9 ; mais le lien entre la justice et la paix relève aussi de l’Ancien Testament.

  2. Les « guerres » qu’évoque la seconde partie ne concernent pas les relations internationales, mais les rapports entre chrétiens. La convoitise et la jalousie qui déchirent la communauté sont par essence meurtrières, parce qu’elles recouvrent des désirs démesurés qui, irréalisables, entraînent la violence du dépit.

  Dans ce contexte, l’auteur introduit le motif de la prière. « Les prières sont mauvaises lorsque leur objet, au lieu d’être primordialement subordonné à la volonté de Dieu (…), vise les seuls désirs personnels ou égoïstes » (J. Cantinat). Le début de l’épître indiquait que la vraie prière est celle qui demande à Dieu la sagesse (Jacques 1, 5-8). La fin louera la prière en toute circonstance, « la supplication fervente du juste », et donnera pour modèle le prophète Élie (Jacques 5, 13-18).

Marc 9, 30-37 (Deuxième annonce de la Passion et appel à l’humilité)

Ici commence le grand moment de « la section du chemin » construite par Marc. Il s’agit d’un discours communautaire, l’invitation à une conversion des relations entre les disciples. Si autrefois les auditeurs de Jésus formaient un cercle (Marc 3, 32-35), ce cercle s’est brisé et la vie chrétienne devient un cheminement à la suite du Crucifié. Telle est l’orientation de ces chapitres (Marc 9, 30 – 10, 52) qui nous tiendront en haleine pendant six dimanches.

Le chemin

Notre texte mentionne deux fois un déplacement et deux fois « le chemin ». Ce sera un chemin de conversion proposant de sortir de l’aveuglement. De manière symbolique, cette mise en scène s’achèvera en épilogue par l’illumination de Bartimée : « Aussitôt l’homme se mit à voir et il suivait Jésus sur le chemin » (10, 52).

La Passion

Pour la deuxième fois Jésus annonce sa Passion. La troisième et dernière annonce se trouvera en Marc 10, 32-34, et tout le discours communautaire aura été construit entre ces deux annonces. Cet encadrement a un sens profond et reflète la théologie de saint Paul : pour vivre en chrétien, il faut mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui (voir Romains 6, 5).

  Pour l’heure, c’est une confidence adressée aux seuls disciples proches, les Douze, puisque Jésus veut qu’on ignore son voyage à travers la Galilée ; mais ces derniers ne comprennent pas le message de mort et de vie qu’il leur délivre. Pire encore, ils ont peur, peur de l’interroger, un motif qui reviendra de manière plus dramatique en Marc 10, 32. En ménageant ce climat de crainte, l’évangéliste veut, à l’adresse de ses lecteurs, souligner le sérieux et la gravité du discours de Jésus.

  Constatons que Jésus ne dit pas : Je suis livré, mais « le Fils de l’homme est livré ». L’expression est volontairement ambiguë. Elle implique à la fois un « parce que » et un « bien que ». Parce que Jésus est un fils d’homme, appartenant pleinement au genre humain, il va vers la mort qui est l’issue commune. Mais l’expression « Fils de l’homme » désigne, dans les apocalypses juifs, un mystérieux personnage céleste à qui Dieu confie le jugement final de l’univers. Ainsi, bien que conscient de cette dignité, Jésus accepte sa mort.

Le plus grand ?

« En chemin », sur le chemin de l’enseignement de Jésus, les disciples ont discuté pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand et, d’après leur silence devant la question de Jésus, ils en ont quelque honte. La déclaration de Jésus est solennelle, puisqu’il s’assied, en maître qui enseigne, et elle signifie un renversement des valeurs. Aux yeux de Dieu, le plus grand n’est pas celui que l’on considère comme tel ou qui veut être tel. La domination sur les autres doit se renverser en service de tous, à la dernière place. Dans le dialogue avec Jacques et Jean, en forme d’épilogue au discours communautaire, Jésus reprendra les mêmes formules et avancera son propre exemple : donner sa vie (Marc 10, 43-45).

  Ici, pour illustrer son enseignement, il place un petit enfant – « un petit gars », comme on pourrait traduire le mot grec – au centre du groupe des grands. L’enfant devient le centre… Relevons un détail : « il l’embrassa. » Dans le monde culturel ancien, un maître aussi célèbre que lui ne montre pas en public, sans faire rire, un signe gratuit d’affection pour les enfants. Dans certaines cultures d’aujourd’hui, on écarte à gentils coups de cailloux les gamins qui s’approchent trop d’une réunion d’adultes. Comparer la réaction des disciples en Marc 10, 13. La leçon est celle-ci : se faire le serviteur de tous peut s’exprimer par le renoncement du pouvoir attribué communément aux adultes vis-à-vis des petits, un pouvoir que Paul cite, sans moraliser, comme un fait avéré dans son monde sémitique : « Aussi longtemps qu’il est un enfant, l’héritier, quoique propriétaire de tous les biens, ne diffère en rien d’un esclave » (Galates 4, 1).

  Jésus ne donne pas une leçon de science pédagogique, en cette scène qui est une parabole. Il veut désarmer la volonté de puissance, de domination. Il se réfère à la notion d’accueil et, pour cela, il établit une certaine équivalence entre l’accueil bienveillant fait à l’enfant, à lui-même et à Dieu qui l’a envoyé pour délivrer ce message.