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27ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 4 octobre 2015

Genèse 2, 18-24 (Tous deux ne feront plus qu’un)

Ce passage du début de la Genèse appartient au second récit de la création qui s’inspire des mythes égyptiens sur le dieu potier façonnant l’être humain. Dans la deuxième partie de cet épisode, le Seigneur offre à l’homme une compagne. Dans l’antique culture méditerranéenne de l’auteur biblique, la femme est souvent considérée comme inférieure à l’homme et parfois presque au rang de l’animal. Notre passage prend le contre-pied de ces conceptions. Si Adam peut nommer les animaux, faisant ainsi de par le Seigneur acte de propriété et de domination, il ne trouve en eux « aucune aide qui lui corresponde ». Une expression qu’une version araméenne de la Bible traduira par cette formule : « aucune partenaire semblable à lui. »

  La femme sera pour le mâle un cadeau gratuit de Dieu ; elle est tirée de la même nature que lui. Elle est « l’os de mes os », déclare Adam, c’est-à-dire, selon le langage sémitique ancien, ma substance même. La langue hébraïque accentue d’ailleurs cette parenté, puisque « l’homme » se dit îsh et « la femme » ishâh.

  En outre, on notera la critique du système patriarcal, si persistant en maintes cultures d’aujourd’hui : l’homme quittera son clan familial, si étouffant trop souvent, et, avec son épouse, il formera un couple autonome. Contrairement à un certain discours ecclésiastique mettant en avant, comme dans le judaïsme ancien, le devoir de procréation, ce second récit de création souligne simplement la beauté de *la vie conjugale : « Ils deviendront une chair unique ». Cette première lecture veut éclairer la leçon de Jésus sur l’indissolubilité du mariage.

* La vie conjugale. « Le mariage unit les corps et les âmes ; il mêle deux esprits et confond deux chairs. Comment te séparer sans tourment de celle que tu as nouée à ta vie, non point servante d’occasion, mais sœur, mais épouse ? Sœur selon la création et les origines. Vous êtes tous deux faits du même limon, de la même argile. Épouse, par le lien conjugal et le code du mariage. Quel nœud vas-tu trancher, toi qu’attachent la loi et la nature ? Comment oseras-tu trahir les serments que tu as prononcés le jour de tes noces ? (Astère d’Amasée [5e siècle]).

Hébreux 2, 9-11 (Jésus, notre Sauveur et notre frère)

Pendant sept dimanches, en cette fin d’année liturgique, nous lisons en lecture semi-continue des extraits de « la lettre aux Hébreux » Au vrai, ce texte n’est pas une « épître », malgré une formule épistolaire finale « bidon » (Hébreux 13, 23-25). Il s’agit, en fait, d’une homélie, d’une circulaire.

  Lorsqu’on présente Jésus comme Christ, « Messie », on se rappelle que, dans l’Ancien Testament, le mot messie signifie oint par l’huile et que l’onction peut évoquer trois personnages, trois figures : le roi, le prophète et le grand prêtre. Les évangiles se sont concentrés sur les figures royale et prophétique pour présenter Jésus comme Messie. Apparemment, seul l’auteur de la Lettre aux Hébreux s’est risqué à présenter Jésus comme Messie en tant que grand prêtre juif, grand prêtre par son entrée dans le sanctuaire du ciel à travers sa Passion et sa Résurrection. Ce texte peut sembler difficile pour celles et ceux qui s’avouent légitimement ignorants des rites juifs anciens. Mais, en même temps, par le biais de la figure humaine du grand prêtre, aucun autre auteur du Nouveau Testament n’a autant souligné la fraternité du Christ, * notre médiateur médiateur de notre humanité. Judaïsant que je suis, l’auteur de cet écrit… est mon ami !

  La lecture d’aujourd’hui commence par une citation, selon la Bible traduite en grec, du Psaume 8 qui chante la gloire de l’homme dans la création : « Tu l’as fait un peu au-dessous des anges. » Mais, par sa résurrection, le Christ a été élevé au-dessus des anges. Il est le seul à avoir réalisé, le premier, la beauté de la vocation humaine. Il nous précède dans « la gloire et l’honneur ». Il nous précède, parce qu’il est, en frère, « de la même race que nous ».

* Notre médiateur. « Ô Seigneur médiateur, Dieu plus haut que nous, homme à cause de nous, je reconnais ici ta miséricorde. Car, que toi, qui es si grand, tu sois ainsi troublé par une attention de ton amour, cela console bien les membres de ton corps, qui sont troublés par leur faiblesse, et cela les empêche de désespérer et de périr » (Saint Augustin).

 

Marc 10, 2-16 (Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas !) 

En son plein milieu, nous voici dans le discours de Jésus « sur le chemin », selon le montage de l’évangile de Marc. Ce discours n’évoque nullement des problèmes de prière ou de sacrements, mais seulement la question des relations humaines au sein de la communauté chrétienne qui, par sa conversion, acceptera et suivra le chemin de croix de Jésus. Vu le statut de mineure sociale de la femme dans le monde juif où vivait Jésus, on comprend le jumelage établi par le texte entre la situation de la femme et celle des petits enfants.

La question du divorce

Les pharisiens invitent Jésus à se situer dans une querelle académique sur l’interprétation de Deutéronome 24, 1 concernant l’acte écrit de divorce. En fait, ce texte de l’Ancien Testament défendait le droit de la femme renvoyée par son mari, en disant que le document officiel de répudiation interdisait à l’homme tout droit de propriété à l’égard de son ex-épouse, devenue libre à jamais de se « recaser ». Mais, au temps du Christ, ce texte biblique faisait l’objet d’une autre question : sous quel prétexte peut-on divorcer de son épouse ? Selon l’école du maître juif Shammaï, on ne peut renvoyer sa femme qu’en cas de flagrant d’adultère. Selon l’école de Hillel, on peut se séparer d’elle sous le simple prétexte qu’elle a manqué la cuisson d’un plat (sic !).

  Jésus refuse de se placer sur ce terrain de la casuistique. Il en revient au projet fondamental du Créateur, l’indissolubilité de l’union matrimoniale (cf. 1ère lecture) : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » Ce verbe « unir » devrait se traduire plus littéralement par ceci : « ceux que Dieu a mis sous le même joug », comme deux bœufs attelés ensemble, selon une formule de style que l’on appelle en littérature moderne le « zeugma ».

  Pour Jésus, le couple est tellement infrangible que le remariage équivaut à un adultère. Deux points doivent ici retenir l’attention. D’une part, le Nouveau Testament souligne le caractère conjugal du mariage, sur la base de Genèse 2, 34 : « Ils seront une seule chair », alors que les maîtres juifs anciens fondent leur morale matrimoniale sur le commandement de la procréation – ils en font de fait un commandement : « Croissez et multipliez » (Genèse 1, 28). D’autre part, écrivant au sein du droit romain, Marc envisage aussi le divorce sur l’initiative de l’épouse (« si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre… »). Ce cas était impensable en milieu palestinien où la répudiation ne pouvait venir que du mâle. C’est pourquoi Matthieu 19, 1-9 élimine cette précision de Marc. En outre Matthieu ajoutera le motif du célibat vécu pour le service du Royaume des Cieux (Matthieu 19, 10-12).

Parole juridique ou parole prophétique ?

En notre monde où les divorces sont fréquents, souvent, hélas, pour des raisons vitales, en ce monde de familles recomposées, comment comprendre les paroles du Seigneur ? Quand il dit : « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus » (Matthieu 22, 14), nous comprenons qu’il s’agit d’une interpellation prophétique invitant à la conversion, et non d’une condamnation juridique. Qu’en est-il des paroles de Jésus sur le divorce ? Très tôt, les Églises les ont prises en un sens juridique ; à commencer par Matthieu 19, 9 : « Quiconque renvoie sa femme – sauf pour impudicité – et en épouse une autre, est adultère », et les historiens s’interrogent sur le sens du mot énigmatique « impudicité » qui déjà modère l’indissolubilité matrimoniale. Jésus voulait-il imposer une législation ou voulait-il livrer un idéal prophétique, pas toujours possible, à cette union du couple ? La question reste ouverte.

Les petits enfants

Dans le monde oriental ancien, un Rabbi tel que Jésus ne doit pas s’abaisser à accueillir en public des marmots et à les embrasser. D’ailleurs, les disciples veulent sauvegarder sa dignité (ils « les écartèrent vivement »). Le Royaume de Dieu appartient aux petits enfants. Ceux-ci, dans le monde culturel de Jésus, ne sont pas un symbole d’innocence, mais de dépendance des adultes et de naïveté. À l’évidence, ils ne comprennent rien au « Royaume de Dieu ». Nous non plus, adultes ! Qu’il nous suffise de faire confiance à Jésus qui nous accueille en ce Royaume. Par la phrase « ne les empêchez pas », l’Église antique a justifié le baptême des bébés.

  Dans notre culture occidentale où l’enfant est roi, on s’interrogera par rapport au monde dans lequel le Christ a vécu. Les petits que nous méprisons ne sont pas forcément les mouflets, sauf en cas d’abus évidents. Le sort de la femme et de l’homme qu’en parallèle Jésus défend, dans le problème du divorce, est-il toujours d’actualité ?




27ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (4 Octobre)

« Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mc 10,2-16).

Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? »
Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle.
Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme.
À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère,
il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question.
Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle.
Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement.
Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

 

     couple       

            Ce passage doit être restitué dans son contexte : « Des Pharisiens abordent Jésus pour le mettre à l’épreuve ». Ils ne croient pas en lui. Ils veulent juste lui tendre un piège pour l’enfermer ensuite dans l’une de leurs catégories, laxiste ou rigoriste, et ainsi le condamner… « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »

            Jésus va partir de leur Loi : « Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, et qu’elle cesse de trouver grâce à ses yeux, parce qu’il découvre en elle une tare, il lui écrira une lettre de répudiation et la lui remettra en la renvoyant de sa maison » (Dt 24,1). Nous retrouvons ici un de ces nombreux textes que Jésus qualifie de « traditions humaines » car ils annulent la Parole de Dieu (Mc 7,1-13). Grâce à eux, ces « scribes et Pharisiens hypocrites » pouvaient justifier leurs pratiques scandaleuses…

            Alors, comme toujours, Jésus revient à la source : le projet de Dieu sur l’humanité. Et il cite le Livre de la Genèse (1,1.27 ; 2,24) : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair ». Et il insiste : « Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair ». Leur amour les unit, et cet amour, s’il est authentique, vient de Dieu. En effet, « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et parce qu’il est Amour, il est Don de Lui-même, gratuitement, par amour… « L’amour de Dieu », « l’amour dont Dieu nous aime » précise en note la Bible de Jérusalem, « a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et ceci est tout spécialement vrai pour un amour authentique entre un homme et une femme : chacun a reçu, pour l’autre, le Don de cet Amour et c’est ce Don qui les unit. Tel est donc le trésor qu’ils doivent cultiver jour après jour… « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » Que nul ne se permette donc de « renvoyer sa femme » pour toutes sortes de raisons futiles au nom d’une soi-disant Loi qui n’est en fait qu’une belle façade pour cacher son incrédulité et ses perversités… Qu’il se convertisse plutôt, et qu’il manifeste son choix sincère de Dieu en aimant sa femme !

            Telle est la réaction de Jésus face à l’hypocrisie qui montre beau visage et se flatte de bien agir… Mais telle n’est pas du tout son attitude envers les blessés de la vie qui, pour toutes sortes de raisons, se retrouvent dans des situations chaotiques. Son seul souci est alors de les aider à se relever en leur donnant de pouvoir prendre conscience de la volonté de Dieu pour qu’ils puissent vivre désormais de manière responsable en assumant leur passé… Et il sera toujours là, avec eux, pour que l’amour fleurisse enfin là où il n’y avait que des ruines. Et si un homme et une femme arrivent ainsi à se reconstruire, « ce que Dieu a uni », dans son infinie Miséricorde, là encore, « que l’homme ne le sépare pas »…         DJF.

           




26ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 27 septembre 2015

Nombres 11, 25-29 (L’Esprit de Dieu souffle où il veut)

L’épisode s’inscrit dans la marche d’Israël au désert, depuis le mont Sinaï jusqu’aux plaines de Moab (Nombres 10, 11 – 21, 35). Plus précisément, notre page s’enchaîne avec le récit d’une révolte : le peuple se lasse de la manne quotidienne et réclame de la viande, qui lui sera donnée (Nombres 11, 31-32). Pour l’heure, désemparé et écœuré, Moïse se plaint d’une responsabilité insupportable auprès de Dieu qui lui demande alors de rassembler, dans « la tente de la Rencontre », dressée hors du camp d’Israël, soixante-dix anciens qui l’épauleront dans sa fonction. Le Seigneur leur conférera pour cela une part de « l’esprit » de Moïse, de la force et de la sagesse divines à lui accordées (Nombres 11, 4-23).

  Voici, avec notre passage, le don de cet esprit aux anciens. Ils se mettent à prophétiser. Entendons qu’ils entrent en transe et prononcent des oracles mystérieux, comme Saül pris dans une bande de prophètes (1 Samuel 10, 10-12). Mais, ajoute notre texte, « cela ne dura pas ». La tr   ansmission de la phrase est mal assurée. La version latine de saint Jérôme a compris qu’ils « ne purent s’arrêter ». En fait, le texte originel voulait assurer la supériorité prophétique de Moïse sur les anciens. Une tradition juive ancienne prend en réponse cette parabole : un cierge qui en allume soixante-dix autres ne perd rien de sa lumière. De même, le don de l’esprit aux anciens n’enlevait rien à Moïse.

  La pointe porte sur l’acte II de la pièce, avec Eldad et Médad qui ne se sont pas rendus à la Tente et se mettent à prophétiser à l’intérieur du camp. Les légendes juives anciennes se plairont à mettre en leurs bouches une prophétie, totalement absente du texte biblique, sur l’histoire d’Israël. Les deux personnages n’ont donc pas honoré le rendez-vous sous la tente sacrée. D’où la réaction de Josué, l’auxiliaire de Moïse : « Arrête-les ! » C’est cette phrase qui commande le choix de cette lecture afin d’éclairer l’évangile où Jean dit avoir voulu « empêcher » un exorciste qui ne fait pas partie des disciples de Jésus.

  Moïse déclare à Josué : « Serais-tu jaloux pour moi ? » L’Esprit de Dieu est libre ; il agit où et quand il le veut. Le rédacteur de cet épisode veut montrer que la prophétie reste libre, sans lien obligé avec l’institution. Amos (7, 14) revendiquera cette liberté, en ces termes : « « Je ne suis prophète, ni fils de prophète. » Bien plus, le Moïse du récit souhaite que le don de prophétie s’étende à tout le peuple de Dieu. Joël, de manière solennelle, reprendra le souhait de Moïse comme une réelle promesse (Joël 3, 1-3) et saint Luc verra dans la Pentecôte l’accomplissement de cet oracle (Actes 2, 16-21).

Jacques 5, 1-6 (Vos richesses sont pourries)

Dans sa série de conseils et de reproches relatifs à la vie chrétienne, Jacques vient d’évoquer les négociants (Jacques 4, 13-17). Il ne dénonce nullement chez eux une malhonnêteté, mais le danger de tout miser sur les affaires et d’ignorer la fragilité de leurs spéculations et de leur existence. À présent, l’homélie s’en prend plus directement aux propriétaires terriens et critique leur injustice. Le discours, sous l’horizon du jugement de Dieu (« nous sommes dans les derniers temps »), se divise en deux parties.

  1. C’est d’abord une attaque générale contre les richesses périssables selon des images fréquentes dans la tradition biblique (le pourrissement, les vers, la rouille, le feu qui ruine tout ; comparer Matthieu 6, 19-21). Retentit aussi comme en écho l’exclamation de Jésus : « Malheureux êtes-vous, les riches ! Car vous avez votre consolation » (Luc 6, 24).

  2. La seconde partie en vient au fait : la dénonciation de certains riches qui retiennent le salaire des journaliers. Dans ce monde ignorant les comptes bancaires, le salaire devait être versé avant le coucher du soleil : Lévitique 19, 13 ; Deutéronome 24, 14-15 ; comparer la scène de Matthieu 20, 9. « Leur salaire crie vengeance » : l’expression rappelle à la fois la justice sociale et le droit divin selon lequel, si le pauvre exploité en appelle au Seigneur, celui-ci punira l’oppresseur (Deutéronome 15, 9). La fin de l’exposé, évoquant massacres et tueries, est une exagération dramatique intentionnelle.

Marc 9, 38-43.45.47-48 (« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. « )

Nous poursuivons la lecture, en saint Marc, du discours communautaire de Jésus, le discours « sur le chemin ». L’articulation de cette séquence n’est pas évidente pour notre logique moderne. Elle se fait par l’association de mots-crochets (« en ton nom…, en mon nom…, au nom de… » et le verbe « scandaliser » [= « entraîner la chute »]). On peut ainsi distinguer trois sections.

Contre le sectarisme

Les disciples ont vu quelqu’un chasser des démons au nom de Jésus et l’en ont empêché, parce qu’il n’appartient pas au groupe des croyants. Celui qui rapporte cette controverse est Jean. De fait, son frère et lui, les « fils du tonnerre » (Marc 3, 17), brillent par leur esprit de domination (voir Marc 10, 35-45). Au fond, à travers cet incident, c’est la prétention à être « le plus grand » (cf. 9, 34) qui continue, cette fois vis-à-vis de ceux du dehors. La réponse de Jésus va dans le sens d’une grande ouverture : personne ne peut se servir de son nom pour faire le bien et maudire ensuite sa personne. L’influence bénéfique du Christ déborde largement le cercle de ses disciples. Les exorcistes et les thaumartuges agissaient, rappelons-le « au nom » d’une autorité. Flavius Josèphe, l’historien juif du 1er siècle, dit avoir vu un certain Éléazar qui chassait les démons au nom du roi Salomon. Parenthèse : Josèphe appelle Éléazar les personnages juifs dont il ne connaît pas le nom ! Pierre opérera des miracles « au nom » de Jésus (Actes 3, 6).

  Au prédicateur itinérant, il arrivera que de simples sympathisants offrent gentiment un verre d’eau, simplement parce qu’il a pour étiquette le « nom du Christ ». Cette expression et l’emploi du « nous » dans ces versets montrent qu’au-delà de la personne de Jésus, l’évangéliste pense à la situation de son Église et vise des responsables autoritaires et sectaires. Paul dénoncera des missionnaires itinérants qui se font entretenir grassement par les communautés, sous prétexte qu’ils sont « du Christ », qu’ils ont cheminé avec lui sur les routes de Galilée. Paul, qui n’a pas connu le Jésus historique, se dit « du Christ » sur d’autres fondements. Voir 1 Corinthiens 1, 12 et surtout 2 Corinthiens 11, 23-29.

« Ces petits qui croient en moi »

Dans « ces petits qui croient en moi », lisons ceux qui sont faibles dans la foi et risquent de d’être désorientés, de tomber, à cause de la liberté de conduite affichée par certains, surtout les responsables de la communauté. Saint Paul s’est affronté à ce genre de problème à propos de la consommation des viandes offertes aux idoles (1 Corinthiens 8 – 10). À ceux qui font chuter les faibles, Jésus souhaite la pire condamnation.

« Coupe-la… coupe-le… arrache-le »

La suite vise encore ces personnes qui risquent d’entraîner les faibles vers la chute. Pour qu’elles enrayent ce danger de manière radicale, elles doivent procéder sur elles-mêmes à des « ablations chirurgicales », au sens figuré bien sûr. Mieux vaut arracher les tentations, plutôt être manchot ou borgne… !, et accepter une douleur momentanée que de succomber à l’irrémédiable.

  Ces versets sont les seuls où, par trois fois, Marc emploie le mot « géhenne », ce lieu que Matthieu appellera « le feu éternel préparé pour le diable et ses anges » (Matthieu 25, 41). Ce mot, lieu de damnation, connu des apocalypses juives, a pour origine « la Géhenne », une vallée située au sud de Jérusalem, une décharge publique où l’on brûlait continuellement les ordures. Ce « lieu où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas », dont parle Isaïe 66, 24, repris ici par Jésus, a été compris par le judaïsme ancien comme désignant cette réalité infernale.

  On notera la subtilité qui enchaîne les symboles : la main, le pied, l’œil. Dans la symbolique du monde sémitique, la main désigne le début de l’action, le pied évoque la mise en route de l’action et l’œil signifie le projet intérieur, bon ou mauvais, qui commande l’action. L’enjeu est l’entrée finale « dans la vie », autrement dit « dans le royaume de Dieu ». C’est sans doute aussi cela « la récompense » finale que connaîtra celui qui simplement aura accueilli un disciple du Christ.

 

 




26ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (27Septembre)

Être bienveillants les uns envers les autres (Mc 9,38-43.45.47-48)

En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »
Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ;
celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.
« Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.
Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas.
Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds.
Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux,
là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas.

 

     fraternite       

            Conséquences de notre humanité blessée, la communauté chrétienne n’est pas comme le Christ voudrait qu’elle soit : « Père, qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17,22)… Et pourtant, catholiques, orthodoxes, protestants, anglicans, tous, nous avons reconnu en Jésus Christ le Fils Unique du Père, celui qui, en vrai homme et vrai Dieu, est « le Sauveur du monde », « l’unique médiateur entre Dieu et les hommes » (Jn 4,42 ; 3,16-171Tm 2,3-6). Et chacun d’entre nous, dans la barque qui est la sienne, peut être tenté de regarder les autres avec méfiance… « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom, quelqu’un qui ne nous suit pas, et nous voulions l’en empêcher parce qu’il ne nous suivait pas », disent ici les disciples. « Ne l’en empêchez pas », leur répond Jésus, « car il n’est personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après mal parler de moi. Qui n’est pas contre nous est pour nous ».

            L’important est donc avant tout la bienveillance mutuelle… En effet, nul homme ne peut « faire un miracle » par lui-même : c’est Dieu et Dieu seul qui l’accomplit… Et Jésus nous entraîne encore plus loin : Lui, qui est vrai homme et vrai Dieu, il ne peut rien par Lui-même ! « En vérité, en vérité, je vous le dis », dit-il solennellement, « le Fils ne peut rien faire de lui même, qu’il ne le voie faire au Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu’il fait… Je ne puis rien faire de moi-même » (Jn 5,19-20.30). Les miracles de Jésus sont donc « les œuvres de mon Père », dit-il (Jn 10,37). Combien plus ce principe, vrai pour lui, le Serviteur du Père, est-il vrai pour tout disciple de Jésus ! Et c’est bien ce qu’il dira : « Je suis la vigne, et vous les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5).

            C’est donc clair… Tout miracle authentique est l’œuvre de Dieu… Alors si quelqu’un, qui n’appartient pas « socialement » au groupe des disciples, accomplit une œuvre bonne, c’est Dieu en fait qui l’accomplit avec lui et par lui. Et c’est avant tout cela qu’il s’agit de reconnaître, de discerner : est-il, oui ou non, vraiment, un serviteur de Dieu et des hommes ? Si c’est « oui », alors tout va bien, dit ici Jésus… La communauté des serviteurs de Dieu est donc bien plus large que le seul petit cercle qui l’accompagnait alors… Et ce principe, là encore, est toujours valable aujourd’hui…                         DJF




Rencontre autour de l’Evangile – 26ème dimanche du Temps Ordinaire

 « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

 (Mc 9, 38-48)

Après avoir instruit ses disciples, surtout ceux qui seront les premiers responsables de son Église, sur l’humilité et le service, Jésus donne plusieurs consignes à l’adresse de la communauté chrétienne.

Regardons-réfléchissons-méditons

Faire lire lentement le texte

La démarche de Jean auprès de Jésus

Qu’est-ce que Jésus n’approuve pas dans son attitude ?

Quel enseignement pour une communauté chrétienne ?

L’appartenance au Christ est-elle limitée à ceux qui font partie du groupe des disciples, à l’Église ?

Celui qui entraînera la chute

Le ton des paroles de Jésus devient plus grave : Pourquoi ? 

Ces petits qui croient en moi : Qui sont ces petits ?

Si ta main… si ton pied… si ton œil t’entraînent au péché, coupe-le, arrache-le : Pourquoi Jésus signale ces trois organes ? 

Comment interpréter ces paroles dures de Jésus ?

La géhenne :   Qu’est-ce que c’était au temps de Jésus ?

                          Comment l’interpréter au sens spirituel ?

 

  

Pour l’animateur

La démarche de Jean révèle une certaine intolérance du groupe des disciples de Jésus. Jésus n’approuve pas cet « esprit » de clocher. Il demande à ses disciples d’être ouverts au frère qui leur est proche. L’appartenance au Christ n’est pas le monopole de ceux qui sont de la communauté chrétienne. Ceux qui invoquent « le nom de Jésus » ne sont pas nécessairement en pleine communion avec l’Église.

Quand Marc écrit son évangile, la persécution pousse les chrétiens à se replier sur eux eux-mêmes. En se rappelant la parole de Jésus « qui n’est pas contre nous est pour nous », ils sont invités à l’ouverture envers ceux qui ne manifestent pas d’opposition. Il va même plus loin avec l’exemple du verre d’eau, si rafraîchissant et vital en Orient : le plus petit geste de charité en faveur d’un chrétien, même dans un climat d’opposition, prend toute sa valeur. Le Christ s’en souviendra au jour du jugement.

Jésus se montre sévère pour ceux qui « entraînent la chute » d’un petit qui croit en lui : Il ne faut pas « dresser d’obstacle » sur la route des croyants. C’est ce qu’on appelle le « scandale » qui met en danger la foi des « petits », c’est à dire ceux dont la foi naissante est encore fragile.

Jésus demande  à chaque frère de sa communauté de veiller à ses relations avec les autres : il faut absolument prévenir tout scandale.

Si ton pied…si ta main…si ton œil… ce sont les organes principaux de la communication. C’est toute la personne qui est engagée par chacun de ces organes : il est des cas où l’amputation d’un membre peut sauver l’homme tout entier.

Ne pas prendre à la lettre les paroles de Jésus : Il ne s’agit pas ici mutilation physique. Jésus pense à notre vie spirituelle et à notre destinée. Le chrétien doit savoir « couper court », c’est à dire prendre une décision radicale, pour se détacher de ce qui est mauvais en lui pour assurer son salut.

La géhenne, qui était un lieu sauvage, une décharge publique dans une vallée proche de Jérusalem : saletés et  pourritures de toutes sortes étaient la proie des vers et un feu y brûlait en permanence. Jésus utilise cette image qui pour ses contemporains évoquait le sort de ceux, dont le cœur est endurci et qui restent sourds à aux appels de Dieu. Se trouver privé de la communion divine, être séparé éternellement de l’Amour de Dieu, voilà le pire qui puisse arriver à l’homme ; ce serait la mort éternelle,  alors qu’il est fait pour « entrer dans la vie éternelle ».

L’enfer, certes est bien attesté dans l’Écriture ; mais il demeure néanmoins une réalité mystérieuse, difficile à relier avec le Dieu Amour.

  

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, tu nous mets en garde contre tout comportement sectaire, et contre l’intolérance. Tu nous recommandes aussi de prendre soin de tous ceux qui ont encore une foi fragile et de veiller à nos comportements dans la communauté chrétienne. Donne-nous le courage, d’arracher de notre vie tout ce qui est mauvais en nous, même si cela nous demande un effort qui coûte. Oriente notre cœur vers les biens du Royaume de Dieu.

 TA PAROLE DANS NOTRE VIE

La Parole aujourd’hui dans notre vie

Ni un groupe fermé et intolérant, ni un groupe de purs qui méprisent les humbles, ni un groupe de tièdes qui font bon ménage avec le mal : Reconnaissons-nous notre communauté paroissiale ?

Jésus nous met en garde contre tout comportement sectaire et intolérant : Est-ce que nos groupes divers sont ouverts et accueillants ?

Aucun groupe ne peut prétendre avoir le monopole de l’Esprit Saint.

Nous ne sommes pas les seuls à faire de bonnes actions : Savons-nous les reconnaître quand elles sont posées par une personne qui ne croit pas tout à fait comme nous, un non-pratiquant, ou un croyant d’une autre religion,  ou par un incroyant ?

Avons-nous le respect des personnes à la foi fragile, à la conscience craintive, pour les aider patiemment en évitant de les choquer inutilement ?

Jésus nous adresse un appel urgent à la conversion : Avons-nous choisi résolument la vie avec le Christ ? 

ENSEMBLE PRIONS

Inviter le groupe à formuler des intentions de prière pour la paroisse, pour les groupes qui la composent.

Prier aussi pour tous  les « petits » dont parle Jésus.

Demander la grâce d’une conversion authentique par un choix radical de vie avec le Christ, ce qui implique rupture courageuse avec le mal.

Notre  Père

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




25ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 20 septembre 2015

Sagesse 2, 12.17-22 (Condamnons-le à une mort infâme)

Les impies qui se détournent de la sagesse prononcent ici un discours contre le juste, avant que l’auteur du livre dénonce leur erreur funeste, leur condamnation, et le triomphe des justes qui, passées les épreuves, goûteront une immortalité victorieuse (Sagesse 2, 21 – 3, 12).

  Notons le jeu subtil du pluriel et du singulier : le juste est seul dans l’épreuve ; « ceux qui méditent le mal » contre lui sont nombreux. Mais, dans l’heureux dénouement, « les âmes des justes » (Sagesse 3, 1) deviennent plurielles. Expérience des justes qui, en tous les temps, se sentent minoritaires et, cependant, gardent l’espérance. Le même jeu grammatical se trouve déjà dans le Psaume 1, avec le retournement final du verset 6.

  Le juste reproche à ses détracteurs d’avoir abandonné « la Loi » et, littéralement, leur « éducation ». Ce dernier mot revient plusieurs fois dans le livre, sous la plume de l’auteur qui écrit peu de temps avant notre ère dans la grande cité d’Alexandrie. Ceux qu’il dénonce ici ne sont donc pas des païens, mais des Juifs qui ont abandonné leurs traditions culturelles et religieuses au profit d’idéologies grecques matérialistes.

  Se comprend alors leur attitude. Dans « l’apostasie », dans l’abandon de la foi, il y a souvent une mémoire coupable du passé et une sorte de rancœur à l’égard de celui qui est resté fidèle à son « éducation ». Cette animosité se fait alors persécution cynique. Puisqu’il compte sur Dieu, testons-le ! Qui aura raison : lui qui compte encore sur un Être mythique ? Nous qui avons choisi une totale liberté ?

  Entre d’autres termes forts qui mériteraient l’examen, relevons cette proposition conditionnelle : « Si le juste est fils de Dieu… ». Parmi diverses significations de l’expression fils de Dieu dans l’Ancien Testament (le messie, Israël, les anges…), elle désigne ici le juste opprimé qui, comme un petit enfant jeté du haut d’un mur par des méchants, ne se confie que dans son père qui, en bas, le recevra forcément dans ses bras. C’est en ce sens qu’au Golgotha, selon Matthieu, les adversaires de Jésus ironisent sur son titre de fils de Dieu (Matthieu 27, 42). C’est aussi pourquoi la liturgie d’aujourd’hui prend le Livre de la Sagesse pour éclairer dans notre page d’évangile la deuxième annonce de la Passion.

Jacques 3, 16 – 4, 3 (C’est dans la paix qu’est semée la justice)

Peut-on résumer cette page de « l’encyclique » attribuée à Jacques (cf. Jacques 1, 1) ? Le lectionnaire a omis trois versets (Jacques 3, 13-15) insistant sur la différence radicale entre la sagesse divine et la sagesse humaine, un passage qui semble mettre en cause certains dirigeants des communautés auxquelles s’adresse l’auteur. Dans le texte d’aujourd’hui, nous distinguons deux vagues. La première conclut ce discours omis par la liturgie. La seconde, à partir de la question « d’où viennent les guerres », est une exhortation plus directe. La logique de l’ensemble présente un certain flou, car il puise dans des traditions catéchétiques antérieures.

  1. La première vague présente une liste de vices et de vertus qui s’inspire des exhortations apostoliques. Les défauts qui perturbent la vie communautaire se trouvent déjà en 2 Corinthiens 12, 20 ou Galates 5, 19-22. La vertu de ceux « qui font la paix » rappelle la béatitude de Matthieu 5, 9 ; mais le lien entre la justice et la paix relève aussi de l’Ancien Testament.

  2. Les « guerres » qu’évoque la seconde partie ne concernent pas les relations internationales, mais les rapports entre chrétiens. La convoitise et la jalousie qui déchirent la communauté sont par essence meurtrières, parce qu’elles recouvrent des désirs démesurés qui, irréalisables, entraînent la violence du dépit.

  Dans ce contexte, l’auteur introduit le motif de la prière. « Les prières sont mauvaises lorsque leur objet, au lieu d’être primordialement subordonné à la volonté de Dieu (…), vise les seuls désirs personnels ou égoïstes » (J. Cantinat). Le début de l’épître indiquait que la vraie prière est celle qui demande à Dieu la sagesse (Jacques 1, 5-8). La fin louera la prière en toute circonstance, « la supplication fervente du juste », et donnera pour modèle le prophète Élie (Jacques 5, 13-18).

Marc 9, 30-37 (Deuxième annonce de la Passion et appel à l’humilité)

Ici commence le grand moment de « la section du chemin » construite par Marc. Il s’agit d’un discours communautaire, l’invitation à une conversion des relations entre les disciples. Si autrefois les auditeurs de Jésus formaient un cercle (Marc 3, 32-35), ce cercle s’est brisé et la vie chrétienne devient un cheminement à la suite du Crucifié. Telle est l’orientation de ces chapitres (Marc 9, 30 – 10, 52) qui nous tiendront en haleine pendant six dimanches.

Le chemin

Notre texte mentionne deux fois un déplacement et deux fois « le chemin ». Ce sera un chemin de conversion proposant de sortir de l’aveuglement. De manière symbolique, cette mise en scène s’achèvera en épilogue par l’illumination de Bartimée : « Aussitôt l’homme se mit à voir et il suivait Jésus sur le chemin » (10, 52).

La Passion

Pour la deuxième fois Jésus annonce sa Passion. La troisième et dernière annonce se trouvera en Marc 10, 32-34, et tout le discours communautaire aura été construit entre ces deux annonces. Cet encadrement a un sens profond et reflète la théologie de saint Paul : pour vivre en chrétien, il faut mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui (voir Romains 6, 5).

  Pour l’heure, c’est une confidence adressée aux seuls disciples proches, les Douze, puisque Jésus veut qu’on ignore son voyage à travers la Galilée ; mais ces derniers ne comprennent pas le message de mort et de vie qu’il leur délivre. Pire encore, ils ont peur, peur de l’interroger, un motif qui reviendra de manière plus dramatique en Marc 10, 32. En ménageant ce climat de crainte, l’évangéliste veut, à l’adresse de ses lecteurs, souligner le sérieux et la gravité du discours de Jésus.

  Constatons que Jésus ne dit pas : Je suis livré, mais « le Fils de l’homme est livré ». L’expression est volontairement ambiguë. Elle implique à la fois un « parce que » et un « bien que ». Parce que Jésus est un fils d’homme, appartenant pleinement au genre humain, il va vers la mort qui est l’issue commune. Mais l’expression « Fils de l’homme » désigne, dans les apocalypses juifs, un mystérieux personnage céleste à qui Dieu confie le jugement final de l’univers. Ainsi, bien que conscient de cette dignité, Jésus accepte sa mort.

Le plus grand ?

« En chemin », sur le chemin de l’enseignement de Jésus, les disciples ont discuté pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand et, d’après leur silence devant la question de Jésus, ils en ont quelque honte. La déclaration de Jésus est solennelle, puisqu’il s’assied, en maître qui enseigne, et elle signifie un renversement des valeurs. Aux yeux de Dieu, le plus grand n’est pas celui que l’on considère comme tel ou qui veut être tel. La domination sur les autres doit se renverser en service de tous, à la dernière place. Dans le dialogue avec Jacques et Jean, en forme d’épilogue au discours communautaire, Jésus reprendra les mêmes formules et avancera son propre exemple : donner sa vie (Marc 10, 43-45).

  Ici, pour illustrer son enseignement, il place un petit enfant – « un petit gars », comme on pourrait traduire le mot grec – au centre du groupe des grands. L’enfant devient le centre… Relevons un détail : « il l’embrassa. » Dans le monde culturel ancien, un maître aussi célèbre que lui ne montre pas en public, sans faire rire, un signe gratuit d’affection pour les enfants. Dans certaines cultures d’aujourd’hui, on écarte à gentils coups de cailloux les gamins qui s’approchent trop d’une réunion d’adultes. Comparer la réaction des disciples en Marc 10, 13. La leçon est celle-ci : se faire le serviteur de tous peut s’exprimer par le renoncement du pouvoir attribué communément aux adultes vis-à-vis des petits, un pouvoir que Paul cite, sans moraliser, comme un fait avéré dans son monde sémitique : « Aussi longtemps qu’il est un enfant, l’héritier, quoique propriétaire de tous les biens, ne diffère en rien d’un esclave » (Galates 4, 1).

  Jésus ne donne pas une leçon de science pédagogique, en cette scène qui est une parabole. Il veut désarmer la volonté de puissance, de domination. Il se réfère à la notion d’accueil et, pour cela, il établit une certaine équivalence entre l’accueil bienveillant fait à l’enfant, à lui-même et à Dieu qui l’a envoyé pour délivrer ce message.

 

 

 

 

 




25ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (20 Septembre)

La grandeur du serviteur (Mc 9,30-37)…

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache,
car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

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                       Jésus annonce de nouveau sa Passion et sa Résurrection prochaines… Mais dès qu’il parle de résurrection, les disciples ne comprennent pas… Comment est-il possible de revenir de la mort ? « Je vous le dis maintenant, avant que cela n’arrive, pour qu’au moment où cela arrivera, vous croyiez » (Jn 14,29). Et en effet, après le bouleversement provoqué par les évènements de la Passion, « quand il fut relevé d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à la parole qu’il avait dite » (Jn 2,22). Jésus construit donc ici la foi future de ses disciples, car ils auront à vivre toute leur mission dans la foi…

            Pour l’instant, ils ne comprennent pas et pensent toujours que Jésus sera le prochain roi d’Israël… Qui donc, parmi eux, aura alors la meilleure place ? « Qui est le plus grand », se demandent-ils ? Voilà bien l’échelle de valeurs qui règne dans le monde… Mais « mon Royaume n’est pas de ce monde », dira Jésus… Certes, « je suis Roi » (Jn 18,33-37), mais « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10,45). Or « le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Il suffit pour le disciple qu’il devienne comme son maître » (Mt 10,24-25). C’est pourquoi, dit-il ici, « si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». C’est ce qu’il fit Lui-même tout au long de sa vie, touchant un lépreux, l’être le plus impur qui soit à l’époque (Mc 1,40-45), mangeant au milieu des pécheurs (Mc 2,15-17), pour finalement mourir au milieu de deux « brigands » (Mc 15,27), à la dernière place… Jésus est en effet « l’Astre d’en haut qui nous a visités dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,78), se mettant tout entier au service des hommes, et tout spécialement des pécheurs, ces « perdus » (Lc 15,1-7), ces souffrants (Rm 2,9), avec comme unique but, leur bien, leur salut…  

            « Si donc quelqu’un me sert, qu’il me suive et là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12,26). Ici, nous le voyons avec un « petit enfant », qu’il embrasse. Or, à l’époque, l’habitude des « bien pensants », des « sages », des « intelligents » (Lc 10,21-22), était de les mépriser. Mais non… Bien au contraire, « ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 26,40), dira Jésus. Il nous montre ainsi le Chemin de la vraie Vie… A nous maintenant de le suivre… DJF

               

 

          




Audience Générale du Mercredi 26 Août 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 26 Août 2015
 


 Frères et sœurs, le cœur humain recherche toujours la prière même sans le savoir, et il ne connaît pas la paix s’il ne la trouve. La prière est un langage d’amour affectif qui nous touche, nous émerveille et nous attendrit. Quand l’esprit de prière nous habite sans cesse, et quand Dieu est affectueusement présent à toutes nos pensées, comme une caresse qui nous tient en vie, alors nous sommes heureux en sa présence. Ainsi tout devient prière, alors que, sans affection pour Dieu, les paroles mêmes de la prière ne réchauffent pas la vie. En famille, au milieu de l’agitation et des préoccupations quotidiennes, la prière redonne du temps à Dieu, elle nous fait retrouver la paix des choses nécessaires et redécouvrir la joie de dons inattendus. Elle surgit de l’écoute de Jésus, de la familiarité avec sa parole.

Je vous invite à prier ensemble en famille à partir de la lecture de l’Évangile qui nourrit le cœur de chacun, et de la méditation du Rosaire. Vos familles s’en trouveront davantage unies dans les moments forts comme dans les moments difficiles.

Que Dieu vous bénisse !

 
    
 

 

 

 




Le Message du Christ Ressuscité à l’Eglise de Philadelphie (Ap 3,7-13)

            PhildelphieÀ l’Ange de l’Église de Philadelphie, écris : Ainsi parle le Saint, le Vrai, celui qui détient la clef de David : s’il ouvre, nul ne fermera, et s’il ferme, nul n’ouvrira. (8) Je connais ta conduite : voici, j’ai ouvert devant toi une porte que nul ne peut fermer, et, disposant pourtant de peu de puissance, tu as gardé ma parole sans renier mon nom. (9) Voici, je forcerai ceux de la synagogue de Satan – ils usurpent la qualité de Juifs, les menteurs -, oui, je les forcerai à venir se prosterner devant tes pieds, à reconnaître que je t’ai aimé. (10) Puisque tu as gardé ma consigne de constance, à mon tour je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va fondre sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre. (11) Mon retour est proche : tiens ferme ce que tu as, pour que nul ne ravisse ta couronne. (12) Le vainqueur, je le ferai colonne dans le temple de mon Dieu ; il n’en sortira plus jamais et je graverai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la Cité de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du Ciel, de chez mon Dieu, et le nom nouveau que je porte. (13) Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises.

Comme pour les cinq messages précédents, St Jean s’adresse à « l’Ange de l’Eglise de Philadelphie », et l’on se souvient que le mot « ange », « angélos » en grec, signifie « messager ». Il devra donc transmettre ce qu’il aura lui-même reçu et se faire ainsi le Serviteur de cette Parole que Dieu lui communique par l’intermédiaire de St Jean.  Nous retrouvons ainsi celui qui a la charge de « veiller » sur sa communauté chrétienne (« épiskopéô » en grec, qui donnera notre « épiscopal » en français) : aujourd’hui, nos Evêques…
jésus enseignant 2
« Celui qui parle », c’est toujours le Christ Ressuscité s’adressant à St Jean « le Jour du Seigneur » (Ap 1,10), le Dimanche, jour privilégié de la rencontre avec Lui. Or, avec son Fils et par son Fils, c’est Dieu le Père qui nous adresse en fait la Parole (cf. Jn 8,28-29 ; 12,49-50 ; 17,8), une Parole qui n’a d’autre but que notre Vie (cf. Jn 6,47.63.68). A nous maintenant de l’écouter et de la faire passer le plus concrètement possible dans notre existence quotidienne par les choix que nous faisons, instant après instant, et nous découvrirons alors qu’avec elle, nous suivons « le Christ », Lui qui est « la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), Plénitude de Vie (Col 2,9). Et il ne désire qu’une seule chose : que nous partagions avec Lui cette Plénitude qu’il tient de son Père (Jn 10,10 ; 5,26 ; 6,57). Et si Lui-même la reçoit par un cœur grand ouvert et toujours tourné vers le Père (Jn 1,18), nous ne pourrons la recevoir à notre tour que par un cœur grand ouvert et tourné le plus possible vers le Christ. Or, nos cœurs sont blessés par le mal que nous avons pu commettre, trop souvent fermés, repliés sur eux-mêmes, remplis de ténèbres et donc aveugles (Jn 12,40). Aussi, la grande mission de Jésus sera de nous offrir ce « pardon des péchés » (Lc 1,76‑79 ; 24,46-48 ; Ac 2,38-39) qui, petit à petit, jour après jour, de repentir en repentir, nous donnera la force de nous détourner du mal pour nous tourner vers Dieu et nous ouvrir à Lui. Alors, puisque Dieu est Lumière et qu’il n’est que Lumière (1Jn 1,5), sa Lumière ne pourra que commencer à remplir nos cœurs. Et avec elle, nous découvrirons la vraie Vie (Jn 1,4 ; 8,12), dans la Paix…
eucharistie1Ce cadeau, nous le devrons à la seule Miséricorde de ce Dieu qui, inlassablement, ne poursuit que notre Bien. Et il sait, puisque c’est Lui qui nous a créés, que nous ne pourrons trouver notre Bonheur qu’en partageant sa Lumière et sa Vie. Aussi, quel que soit l’obstacle qui pourrait nous empêcher de l’accueillir, son seul souci sera de l’enlever, de le faire disparaître. « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29)… Et c’est toujours Lui le premier qui viendra à nous (Ap 3,20) pour nous demander de lui offrir tout ce mal qui peut encore nous habiter. Si nous osons cette démarche de tout cœur, jour après jour, encore et encore, alors nous ne pourrons que constater qu’une réalité nouvelle commence à naître au plus profond de nous-mêmes: sa Vie, sa Force, que nous ne devrons qu’à sa seule Miséricorde…
Ainsi, « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16) et Amour toujours… Sa seule réponse à toute action, quelle qu’elle soit, est toujours de l’ordre de l’Amour, c’est-à-dire de la recherche du Bien de l’autre… Si le pécheur se détruit, se blesse et donc se plonge lui‑même dans la souffrance en commettant le mal, Dieu ne pourra que l’inviter à se convertir, à renoncer à ce mal qui le tue pour recevoir, grâce au pardon de toutes ses fautes, la vraie Vie et la Paix… Cette attitude foncièrement et éternellement bienveillante de Dieu constitue le Mystère de sa Sainteté, car cette notion de Sainteté renvoie à ce que Dieu Est en Lui-même… Très souvent, le prophète Isaïe appelle Dieu « le Saint d’Israël » (Is 1,4 ; 5,19.24 ; 10,20 ; 12,6 ; 17,7 ; 29,19 ; 30,11-12…), « le Dieu Saint » (Is 5,16) et même tout simplement « le Saint » (Is 40,25), car Il est le seul Saint, le Seul à Etre ce qu’Il est… Et c’est bien parce qu’il en est ainsi, nous dit le prophète Osée, que Dieu ne répond pas au mal par le mal : il ne se met pas en colère, il ne punit pas, il ne châtie pas, il n’en rajoute pas : « Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère… car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint, et je ne viendrai pas avec fureur » (Os 11,9).

Dieu-Amour

Aussi, « tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre ; il n’y a pas d’autre dieu que moi. Un dieu juste et sauveur, il n’y en a pas excepté moi » (Is 45,21-22). Dieu est le seul à Etre ce qu’Il Est, il est le seul Saint… Aussi, lorsque St Jean appelle Jésus « le Saint », nous avons ici une belle confession du Mystère de sa Divinité… Comme son Père, il est vrai Dieu tout en étant vrai homme. Et toute sa vie d’homme manifestera « Qui » est Dieu…
 Jésus christ           Jésus est aussi « le Vrai », « le Véridique », « le Véritable », un seul mot en grec, « aléthinos ». Or, pour St Jean, la notion de « véritable » renvoie à Dieu Lui‑même ou à tout ce qui gravite autour de Lui. « Celui qui m’a envoyé est véridique », dit Jésus (Jn 7,28), il est « le seul vrai Dieu » (Jn 17,3), « le Véritable » (1Jn 5,20 ; 1Th 1,9), et « ses Paroles sont vraies » (Ap 19,9 ; 21,5 ; 22,6) tout comme « ses jugements » (Ap 19,2). Et bien sûr, son Fils, « engendré non pas créé, de même nature que le Père » (Crédo) peut aussi être appelé ainsi : « Nous savons que le Fils de Dieu est venu et qu’il nous a donné l’intelligence afin que nous connaissions le Véritable. Nous sommes dans le Véritable, dans son Fils Jésus Christ. Celui-ci est le Dieu véritable et la Vie éternelle » (1Jn 5,20). Et la TOB explique en note à propos de la fin de ce verset : « Cette affirmation ne semble plus s’appliquer à Dieu, comme dans la première partie, mais au Christ, en qui Dieu se révèle », et elle choisit de traduire par : « Et nous sommes dans le Véritable, en son Fils Jésus Christ. Lui est le Véritable, il est Dieu et la vie éternelle ». Nous voyons donc que l’emploi de ce mot « véritable » en Ap 3,7 revient, dans un tel contexte, à affirmer à nouveau le Mystère de la Divinité du Christ, tout comme St Jean venait de le faire avec le mot Saint. Jésus est ainsi « le Véritable, il est Dieu et la vie éternelle », « la Lumière Véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9), « le Pain Véritable » (Jn 6,32) que le Père donne au monde pour lui communiquer sa Vie. Or cette Vie est celle de l’Esprit (Jn 6,63 ; Ga 5,25) que les Trois Personnes de la Trinité possèdent chacune en Plénitude. En donnant l’Esprit aux hommes (1Th 4,8), le Fils leur permet d’entrer à leur tour dans ce Mystère de communion qu’il vit de toute éternité avec le Père et l’Esprit Saint. Tous sont ainsi appelés à « être dans le Véritable », c’est-à-dire à être unis au Père, au Fils et au Saint Esprit dans la Communion d’un même Esprit… Pour décrire ce Mystère de Communion, les expressions sont nombreuses : être « en son Fils Jésus Christ » (Ap 5,20), « dans le Christ » (Rm 6,11.23 ; 8,1-2 ; 12,5…), « dans le Seigneur » (Rm 16,8-13 ; Ga 5,10), « demeurer dans le Fils et dans le Père » (1Jn 2,24), « en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ » (1Th 1,1) « dans l’Esprit » (Ep 2,22 ; 6,18 ; Ph 2,1 ; Col 1,8), « en Dieu » (Col 2,19)… Et « en Dieu », unis au Fils en un seul Esprit (1Co 6,17), nous sommes aussi avec Lui, « avec le Christ » : « Votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3)… Il en est de même pour Jésus : il est « dans le Père » et « avec Lui » (Jn 14,10-11 ; 8,29).

 

Ainsi, la Vie donnée transforme la qualité de notre vie et nous ouvre à la relation avec tous ceux et celles qui la partagent : le Père, le Fils et l’Esprit Saint qui possèdent cette Vie en Plénitude et qui veulent nous la communiquer, mais aussi tous nos frères et sœurs dans la foi, qu’ils soient ici-bas sur cette terre où déjà au Ciel…
christ-souriant-04            Puis, après avoir présenté Jésus comme « le Saint », « le Véritable », St Jean écrit qu’il est également « Celui qui détient la clef de David : s’il ouvre, nul ne fermera, et s’il ferme, nul n’ouvrira ».  David est ce grand roi d’Israël qui régna de 1010 à 970 av. JC et le prophète Natân lui avait annoncé au Nom du Seigneur que « sa maison et sa royauté subsisteraient à jamais devant lui » (2Sm 7,12-16). « Avoir la clef de David », c’est donc « avoir la clef de sa Maison et de son Royaume », c’est en être l’héritier légitime. Jésus est donc bien ce « fils de David » (Mt 1,1 ; 21,9) promis par les Ecritures, ce « Roi d’Israël » tant attendu (Jn 12,13). Mais son Royaume n’est pas de ce monde (Jn 18,36) : il est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), Mystère de Communion dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,3). Puisque Jésus vit pleinement ce Mystère de Communion avec le Père et l’Esprit Saint, il s’est fait chair pour nous le révéler et nous donner d’y entrer à notre tour (Ep 2,18). Il est ainsi « le Chemin » qui y mène (Jn 14,6), « le Bon Pasteur » qui nous y conduit (Jn 10,11.14), « la Porte » qui nous permet d’y accéder (Jn 10,7)… Et l’entrée nous est gratuitement offerte si nous acceptons de nous confier en toute vérité entre ses mains. Nous lui offrirons alors tous nos péchés, toutes nos misères, et pas une ne pourra résister à la Toute Puissance de sa Miséricorde. Nous nous abandonnerons entre ses mains, et le Prince de ce Monde ne pourra l’empêcher de faire ce qu’Il veut, et Il veut que nous soyons tous « ses fils et ses filles », « par Jésus Christ », « saints et immaculés en sa Présence dans l’Amour » (Ep 1,4-5). S’il verse sur nous cette eau pure qui nous purifie de toute souillure (Ez 36,24-28), s’il nous ouvre la porte du Royaume par le Pardon de toutes nos fautes (Ep 1,7 ; 5,25-27 ; Col 1,12-14), « nul ne fermera », nul ne pourra l’empêcher d’accomplir sa volonté, car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4), et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait » (Ps 115(113B),3 ; 135(134),6)… A nous maintenant de le laisser faire et son Esprit nous arrachera à nos chemins d’impiété pour nous enraciner dès maintenant dans sa Vie… Si nous acceptons de nous laisser reprendre par ce Bon Pasteur qui cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve, il nous prendra sur ses épaules, il nous portera par son Esprit  il nous ramènera là où le Père veut que nous soyons : dans sa Maison, dans son Mystère de Communion, unis à Lui dans la communion d’un même Esprit, « en Dieu » (Lc 15,4-7 ; Jn 14,1-3 ; 17,24 lu avec 17,21). Alors rien, absolument rien ne pourra nous arracher à Lui (Rm 8,35-39) si nous nous abandonnons encore une fois avec confiance entre ses mains. « Nul en effet ne peut rien arracher de la main du Père » et « dès maintenant, le Prince de ce monde va être jeté dehors » (Jn 10,29 ; 12,31). Alors, si le Fils lui ferme la porte, « nul n’ouvrira »…

croix glorieuse

            Et c’est bien ce que le Christ déclare juste après : « j’ai ouvert devant toi une porte que nul ne peut fermer » (Ap 3,8). La Bible de Jérusalem précise en note : « J’ai donné le champ libre à ton apostolat » et elle cite Ac 14, 27 où Paul et Barnabé racontent « tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi ». Rien ni personne ne peut empêcher en effet la Lumière de briller dans les ténèbres (Jn 1,5), la Vérité de triompher du mensonge, la Justice de l’injustice. Voilà pourquoi Jésus déclare à propos de certains menteurs parmi la communauté juive de Philadelphie : « Voici, je forcerai ceux de la synagogue de Satan – ils usurpent la qualité de Juifs, les menteurs –, oui, je les forcerai à venir se prosterner devant tes pieds, à reconnaître que je t’ai aimé » (Ap 3,9). Et ce sera le plus beau cadeau qui pourra leur arriver. Car s’ils reconnaissent à quel point Dieu a aimé et continue d’aimer ces chrétiens de Philadelphie, ils prendront conscience que Dieu est Amour et qu’ils sont aimés eux-aussi du même Amour… La logique est identique à la fin de la grande prière de Jésus à son Père juste avant sa Passion. Il demande en effet que tous ceux qui ont cru en Lui « soient un comme nous sommes un », rassemblés dans la Communion d’un même Amour par cet Amour qui n’est que Miséricorde. Alors, tous ceux et celles qui n’auront pas encore été les heureux bénéficiaires de cette Miséricorde sans limites pourront « reconnaître que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,22‑23 ; cf. 1Tm 1,12-17)… Nous sommes ainsi tous invités à bénéficier de l’Amour du Père dont le Fils est comblé de toute éternité, un Amour qui est Don de soi et qui, par ce Don, engendre à la Vie tous ceux et celles qui acceptent de se laisser aimer, tels qu’ils sont… Et si nos cœurs doivent encore être guéris, purifiés, sanctifiés, l’Amour y travaillera inlassablement jusqu’à ce que Son Œuvre soit parfaite (1Th 5,23-24)…
 Christ souriant           Pour bénéficier de cet Amour, il suffit simplement de consentir à son action. Mais c’est justement la victoire sur toutes nos résistances qui prend du temps… Pourtant, petit à petit, c’est bien le fruit de l’œuvre de Dieu qui, de miséricorde en miséricorde, permet aux pécheurs aveuglés que nous sommes de pressentir quelque chose de la vraie Vie et de la vraie Lumière… Et ce « quelque chose » vécu et reconnu nous permet de dire de tout cœur : « Oui, je crois », dans l’attente de contempler enfin cette Plénitude que nous n’aurons fait que deviner sur cette terre… « Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu » (1Co 13,12).
Et de fait, le Christ déclare ici : « Je connais ta conduite » (Ap 3,8)… En effet, puisqu’il est vrai Dieu tout en étant vrai homme, il connaît ce que Dieu seul connaît, et Dieu est le seul à « sonder les cœurs et les reins » (Ps 7,10). Et St Jean nous raconte (Jn 2,23-25) : « Comme Jésus était à Jérusalem durant la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il faisait. Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et qu’il n’avait pas besoin d’un témoignage sur l’homme : car lui-même connaissait ce qu’il y avait dans l’homme ». Il en avait déjà donné un bel exemple en déclarant à Nathanaël qui le rencontrait pour la première fois : « Voici vraiment un Israélite sans détour »… Surprise pour Nathanaël : « D’où me connais-tu ? » (Jn 1,47‑48 ; cf. Jn 4,15-19 ; Lc 5,22).
Dans l’amour, le Christ connaît donc la conduite des chrétiens de Philadelphie. Il sait qu’ils ont gardé, grâce au secours de l’Esprit Saint accueilli fidèlement jour après jour (2Tm 1,12-14), « sa consigne de constance ». Ils participent ainsi par cet Esprit reçu du Christ à « la constance du Christ » (2Th 3,5) : « l’activité de votre foi, le labeur de votre charité, la constance de votre espérance sont dus à notre Seigneur Jésus Christ » (1Th 1,3). Le Christ sait donc bien que grâce à Lui ils ont pu « garder sa consigne de constance »… Il est heureux qu’ils aient été fidèles à sa grâce, une grâce qui n’a d’autre but que de les réconforter, les soutenir, les combler de sa Paix…

Pape François

Le Christ se réjouit donc de leur vraie Joie car c’est bien pour nous donner d’avoir part à sa Joie qu’il est venu nous rejoindre en notre humanité : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11)… « Je trouverai ma joie à leur faire du bien », avait déjà dit le Seigneur par son prophète Jérémie (Jr 32,41). Un pécheur accueille ainsi sa Parole de Salut, sa Miséricorde, le Pardon de toutes ses fautes ? Dieu est le premier à se réjouir du vrai Bonheur qu’il aura ainsi retrouvé : « Il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion » (Lc 15,7). Il aura accueilli ce Dieu tout proche révélé par le Christ, un Dieu Source de Vie, Donateur de Vie, heureux de voir sa Vie régner dans nos cœurs : « Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! Il exultera pour toi de joie, il tressaillira dans son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête » (So 3,17-18 ; Is 62,5).
Alors, si l’épreuve survient, le Seigneur sera fidèle : « je te garderai de l’épreuve qui va fondre sur le monde entier » (Ap 3,10). A l’époque, cette épreuve était surtout celle des persécutions provoquées par les Romains. Mais le principe est toujours valable pour toutes les épreuves que les hommes de tous les temps auront à traverser : « Lorsque vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne vous effrayez pas » disait Jésus à ses disciples ; « car il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas de sitôt la fin… On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, par endroits, des pestes et des famines ; il y aura aussi des phénomènes terribles et, venant du ciel, de grands signes… On portera la main sur vous, on vous persécutera… mais c’est par votre constance que vous sauverez vos vies » (Lc 21,9-19). On retrouve « la constance », fruit de la grâce, qui permet au chrétien de tenir dans l’épreuve : « Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! Moi, j’ai vaincu le monde et je continue de le vaincre instant après instant » (Jn 16,33) par l’envoi de l’Esprit Saint, cet Esprit qui vient du Père, et qui est source de consolation, de réconfort et de force au cœur de l’épreuve. C’est ainsi que St Paul écrivait : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toute notre tribulation, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque tribulation que ce soit. De même en effet que les souffrances du Christ abondent pour nous, ainsi, par le Christ, abonde aussi notre consolation. Sommes-nous dans la tribulation ? c’est pour votre consolation et salut. Sommes-nous consolés ? c’est pour votre consolation, qui vous donne de supporter avec constance les mêmes souffrances que nous endurons, nous aussi. Et notre espoir à votre égard est ferme : nous savons que, partageant nos souffrances, vous partagerez aussi notre consolation » (2Co 1,3-7). Et un peu plus loin, St Paul écrit : « Je surabonde de joie dans toute notre tribulation » (2Co 7,4). Il vivait la Béatitude de l’Evangile : « Heureux les affligés, ils seront consolés » (Mt 5,5).

prodigue

Et nous sommes bien ici au cœur de l’Evangile. Le chrétien, comme tout homme, connaîtra les épreuves de la vie, les maladies, la souffrance de perdre ses proches, les difficultés professionnelles… Mais, et c’est l’énorme cadeau de la foi, il aura conscience de ne pas être tout seul pour les affronter et il pourra compter sur le Seigneur et sur sa grâce pour traverser ces moments difficiles…
Il pourra tenir jusqu’à la venue du Christ dans sa gloire, et « mon retour est proche », dit-il (Ap 3,11). Il se produira certainement, soit au dernier jour de la vie de chacun d’entre nous, soit en ce dernier Jour du monde où il viendra sur les nuées du ciel (Mt 24,30-31 ; 26,64). Mais pour l’instant, « tiens ferme ce que tu as pour que nul ne ravisse ta couronne » (Ap 3,11). Et « ce que tu as », c’est notamment cette Parole du Seigneur, qui, par l’action de l’Esprit qui lui rend témoignage en nos cœurs (Jn 15,26), est Lumière dans notre nuit (2P 1,19). Elle est « vivante et permanente » (1P 1,23), car, avec elle et par elle, « l’Esprit » nous « vivifie » (Jn 6,63 ; Ga 5,25). Avec St Pierre, nous pourrions la comparer à un « biberon » qui transmet aux « enfants nouveaux nés » que nous sommes ce « lait non frelaté » de l’Esprit qui nous fait « grandir pour le salut ». Et nous « goûterons » alors, en la gardant jour après jour dans nos vies, à quel point « le Seigneur est excellent » (1P 2,2-3). Comme le disait déjà le Psalmiste : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ; heureux qui s’abrite en lui » (Ps 34(33),9). Et souvenons-nous, « en lui » renvoie à ce Mystère de Communion dans l’unique Esprit où il désire nous introduire dès maintenant dans la foi et par notre foi… La lecture assidue de la Parole de Dieu, qui est tout simplement une manière de nous mettre à l’écoute du Christ Ressuscité, « Verbe fait chair » (Jn 1,14), est le Chemin par excellence qui nous y conduit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma Parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14,23). Cette Présence de Dieu en nous, et de nous en Lui, sera le fruit de l’action de l’Esprit Saint dont la mission première est de « nous introduire dans la vérité tout entière » (Jn 16,13), « dans le Véritable » (1Jn 5,20), « en Dieu » (Col 3,3)…

Esprit Saint

            Et telle est « la couronne » du chrétien : cette Présence de Dieu en Lui qui désire régner sur tout ce qui s’oppose à notre vie, sur tout ce qui pourrait la blesser : les ténèbres, le mal, l’injustice, l’épreuve, la souffrance, la maladie… Dieu et Dieu seul a vaincu le mal, le péché et la mort en son Fils Jésus Christ. Et il nous invite à nous laisser unir à Lui dans la communion d’un même Esprit (1Th 5,10) pour que nous puissions bénéficier nous aussi de sa Victoire… Le Psalmiste avait déjà fait l’expérience de la victoire de la Miséricorde de Dieu sur son péché (Ps 51(50)). C’est pourquoi, en regardant tout d’abord l’Amour de Dieu pour lui, il osait ensuite lui offrir toutes ses misères et le laisser remporter la victoire sur elles. Dans la traduction grecque du texte hébreu des Psaumes réalisée au 2° siècle avant JC par la communauté juive d’Alexandrie, nous avons : « Fais moi miséricorde, Dieu, selon ta grande miséricorde, et selon la multitude de tes gestes de compassion efface mes fautes. Lave-moi tout entier de mon mal et de mon péché, purifie moi ». « Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice » qui ne condamne pas le pécheur, mais bien au contraire « le justifie » (Rm 8,33 ; 3,21-26), « être juge et montrer ta victoire » sur le mal par ton Pardon et la surabondance de tes Miséricordes…
            « Le vainqueur », celui qui aura ainsi laissé la Miséricorde de Dieu remporter la victoire dans sa vie en l’arrachant à ses chemins d’injustices pour le lancer sur la voie de la vérité, de la droiture et de la justice, « je le ferai colonne dans le temple de mon Dieu : il n’en sortira plus jamais ». Petit à petit, jour après jour, il sera ainsi affermi dans ce Mystère de Communion qu’est Dieu, uni à Lui dans l’unité d’un même Esprit, et rien ni personne ne pourra ne pourra l’arracher de la main de Dieu (Jn 10,29), « il n’en sortira plus jamais », dès maintenant et pour toujours… « Vous qui jadis étiez loin », écrit St Paul, « vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ… Par lui, nous avons tous en effet libre accès auprès du Père en un seul Esprit. Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes ; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu. Car la construction que vous êtes a pour fondations les apôtres et prophètes, et pour pierre d’angle le Christ Jésus lui-même. En lui toute construction s’ajuste et grandit en un temple saint, dans le Seigneur ; en lui, vous aussi, vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu, dans l’Esprit » (Ep 2,13.18-22).
         baptême   Ce Mystère de Communion avec Dieu, dans l’Esprit, est pleinement mis en œuvre par le sacrement du baptême. Initialement, il était la réponse à la proclamation de la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus Christ. Par un « oui » donné en toute conscience, le nouveau converti s’offrait à la Miséricorde de Dieu, recevait l’eau pure de l’Esprit qui le lavait de toute souillure et lui donnait tout en même temps de participer à la Vie même de Dieu. St Paul écrit ainsi : « C’est en lui que vous aussi, (les païens), après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). Et il rappellera souvent les fruits de ce baptême : « Ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? Vous avez été bel et bien achetés ! Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1Co 6,19-20).  Dans un langage imagé, St Paul déclare ainsi que le Christ a payé notre rachat au prix de son sang « versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28)… « Tu fus égorgé », écrit St Jean, « et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation » (Ap 5,9). Dès lors, si nous acceptons de bénéficier de tout ce qu’il a déjà fait pour nous, nous n’appartenons plus aux ténèbres mais à la Lumière. « Dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur » (Rm 14,8) qui, au jour de notre baptême, a apposé sur chacun de nous son sceau, le sceau de l’Esprit Saint. Et par le don de cet Esprit Saint, nous participons selon notre condition de créature à ce que Dieu est en Lui-même… En effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), et « Dieu est Saint »… Et comme le nom dans la Bible renvoie au Mystère de la personne qui le porte, recevoir l’Esprit Saint c’est avoir « gravé sur soi le nom de Dieu »…
  Communion des saints          Mais « être gravé du Nom de Dieu » en recevant de pouvoir participer à la Plénitude de son Esprit, c’est aussi « être gravé du nom de la cité de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel, de chez mon Dieu » (Ap 3,12). En effet, le Mystère de Dieu est un Mystère de Communion de Trois Personnes divines distinctes qui possèdent chacune la Plénitude de cette nature divine qui est tout à la fois « Esprit » (Jn 4,24), « Amour » (1Jn 4,8.16), « Lumière » (1Jn 1,5), et l’on pourrait rajouter Vérité, Vie, Joie, Paix… « La cité de Dieu », tout comme « la Maison du Père » ou « le Royaume des Cieux » sont autant d’expressions différentes qui renvoient à ce Mystère de Communion dans lequel Dieu veut que nous entrions tous pleinement à notre tour. C’est pour cela qu’il est venu nous rejoindre avec et par son Fils Unique, « le Verbe fait chair », pour nous supplier de nous laisser réconcilier avec Lui (2Co 5,20‑21). Et cette réconciliation s’opère très concrètement par le don de l’Esprit Saint qui « descend du ciel » pour nous offrir le pardon des péchés, et au même moment cette Vie de Dieu qui nous introduit toujours plus profondément dans ce Mystère de Communion avec Dieu et donc entre nous. Avec l’Esprit, « nous entrons ainsi dans la vie » (Mc 9,43.45), c’est-à-dire « dans le Royaume de Dieu » (Mc 9,47)…

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Cette Vie est celle-là même qui a triomphé de la mort en ressuscitant le Christ et en l’arrachant aux ténèbres de son tombeau. Elle agira de même dans notre vie, en nous arrachant encore et encore à toutes les ténèbres de nos misères, et en nous redonnant inlassablement tout ce que nous avions perdu par suite de nos fautes : la Plénitude de la Vie, la Joie, la Paix… Alors, si le Christ porte désormais comme « Nom nouveau » celui de « ressuscité », tous ceux et celles qui par leur foi auront accepter de recevoir l’Esprit et la Vie du Ressuscité porteront eux aussi « le nom nouveau que je porte »…
« Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises », hier comme aujourd’hui…
                                                                                                                        D. Jacques Fournier

 

AP – SI – Fiche 11 – Ap 3,7-13 cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF.




22ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 30 Août 2015

 

Deutéronome 4, 1-2.6-8 (« Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne… vous garderez les commandements du Seigneur. »)

 

Par la bouche de Moïse, c’est le prédicateur du Deutéronome qui exprime sa haute conception de la Loi de Dieu. Et, en réalité, il s’adresse à une génération d’Israélites qui sont devenus sédentaires depuis longtemps et dont certains mettent en cause la valeur d’une Loi divine devenue trop peu moderne, venue des temps du désert.

  Contre la tentation de modifier les commandements pour un intérêt égoïste de circonstance, on se gardera de n’y rien ajouter et de *n’y rien retrancher. Certes, les lois ont besoin d’adaptations aux situations nouvelles. C’est même ce que fait le Deutéronome lui-même. Mais on se méfiera d’une facilité qui affadit l’esprit de l’Alliance. En ce sens, Jésus critiquera « la tradition des anciens » qui néglige le commandement de Dieu (évangile).

  Chaque nation se vante d’avoir la constitution la plus sage qu’on puisse forger. Le prédicateur du Deutéronome n’échappe pas ici à cette fierté légitime. Mais il vise des gens tentés de dévaluer leur patrimoine religieux. À l’expérience, leur demande-t-il, ne percevez-vous pas combien ces lois sont « justes », adaptées ? Cette justesse ne prouve-t-elle pas que notre Dieu est proche, qu’il sait si bien ce qui nous convient ?

 

* N’y rien retrancher. La Loi divine, le Pentateuque, fut traduite en grec à Alexandrie, vers 250 avant notre ère. C’est la « Bible des Septante ». De cette traduction, la légende juive dit que rien ne doit être retranché (Lettre d’Aristée). La Loi de Dieu est infrangible, mais elle doit toujours être adaptée en des situations nouvelles.

 

 

Jacques 1, 17-18.21b-22.27 (« Mettez la Parole en pratique. « )

Dans ce manuel de vie chrétienne qu’il compose, l’auteur supposé, Jacques, « le frère du Seigneur » (Galates 1, 19) et premier chef de l’Église de Jérusalem (Actes 12, 17) s’exprime par des maximes dont l’enchaînement n’est pas toujours clair, moins encore quand les ciseaux de la liturgie tronçonnent le texte. Distinguons trois vagues.

  1. La valeur d’un don dépend de la qualité du donateur. Si nos dons viennent « d’en haut », le donateur est « le Père des lumières », des astres. Ceux-ci sont sujets à des variations périodiques. Le Créateur, lui, ne varie pas dans ses bienveillantes intentions.

  2. Le don qu’il nous fait est « sa parole de vérité », c’est-à-dire l’Évangile, « semé » en nous par le baptême, capable de nous sauver. Mais ce salut qui brille pour nous requiert une condition : « Mettez la Parole en *pratique» C’est le résumé de la Lettre. Paul l’avait dit : « Ce ne sont pas les auditeurs de la Loi qui sont justes devant Dieu, mais les observateurs de la Loi » (Romains 2, 13). Il rejoignait là l’orientation du Deutéronome (1ère lecture).

  3. Les expressions synonymes « pur et sans souillure » désignent souvent des dispositions intérieures. L’auteur ne l’entend pas ainsi : la vraie religion est un agir qui secourt les orphelins et les veuves, les deux principales catégories sociales défavorisées de l’époque. Le chrétien agira ainsi parce que Dieu est Père, Père des orphelins et des veuves.

  Les successeurs de Martin Luther avaient supprimé la Lettre de Jacques du canon des Écritures, en raison de son apparente opposition à la théologie de Paul (« la foi sans les œuvres » !). Les successeurs… des successeurs de Luther réhabilitèrent vite cet écrit dans le canon, tant il est vrai que cette épître brille par son souci des relations de justice sociale, un motif fondamental dans les Églises protestantes.

 * La pratique. « La parole est vivante, lorsque ce sont les actions qui parlent. Je vous en prie, que les paroles se taisent, et que les actions parlent. Nous sommes pleins de paroles, mais vides d’actions ; à cause de cela, le Seigneur nous maudit, lui qui a maudit le figuier où il n’a pas trouvé de fruits, mais seulement des feuilles (…) Il perd son temps à répandre la connaissance de la loi, celui qui détruit son enseignement par ses actions » (Saint Antoine de Padoue, 13e siècle).

 

  

Marc 7, 1-8.14-15.21-23 (« Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »)

 

Nous avions laissé Marc au seuil de la multiplication des pains (16e dimanche) pour nous plonger dans l’évangile de Jean, avec son discours sur le Pain de vie. Nous revenons à notre évangéliste de l’année B dans une section où Jésus associe plus étroitement ses disciples à son œuvre. Ces chapitres déboucheront sur la confession de foi de Pierre (24e dimanche).

La tradition des anciens sur la pureté cultuelle

En multipliant les pains, Jésus a ouvert la table de Dieu aux affamés d’Israël. Il a annoncé par là la table de l’eucharistie. Désormais, la question se pose aux chrétiens, sur l’arrière-fond des coutumes juives : quelle est la *pureté requise pour approcher de ce sacrement ? Dans quel but Marc a-t-il conservé cet épisode de la vie de Jésus ? On conçoit bien qu’après la résurrection de Jésus, certains chefs judéo-chrétiens, Jacques de Jérusalem, par exemple, se soient préoccupés de la pureté rituelle des chrétiens juifs de Galilée. Pour ses lecteurs chrétiens de Rome, peu familiers de telles questions, Marc se permet d’expliquer ces rites en une longue parenthèse. L’enjeu est « la tradition des anciens » qui définit ces règles de pureté. Cette tradition, entretenue par les pharisiens et leurs scribes, se donne pour objectif de traduire concrètement, dans les détails, ce que les commandements divins exigent de l’homme. Elle devient une casuistique qu’hélas, les autorités de toutes religions ne manquèrent jamais, au fil de l’histoire, de compliquer, au détriment de la vie toute simple des croyants.

Quel culte ?

Jésus oppose à ses interlocuteurs une citation d’Isaïe (29, 13). La tradition des anciens risque de devenir un ensemble de règles formelles, un jeu de pratiques, un code qui évite à l’homme de se situer personnellement, de cœur, devant Dieu. On dit que les commissions parlementaires noient les problèmes. De même, la casuistique religieuse peut devenir un écran de fumée qui empêche de rendre à Dieu le culte intérieur que celui-ci attend de l’homme. Le danger, en effet, est le suivant, celui de la satisfaction égocentrique du devoir accompli, celui de penser que l’on est en règle avec Dieu, lorsqu’on s’est acquitté des obligations rituelles.

Quelle pureté ?

Jésus joue sur la notion d’extérieur et d’intérieur. Il parle d’abord des aliments qui ne font que traverser le corps et n’affectent en rien la nature humaine. Nulle responsabilité morale en cela. En revanche, l’impureté véritable procède de ce que l’homme sort de lui-même, de son « cœur », de ses intentions profondes qui se traduisent par des actes. Comprenons bien l’argumentation. Ce ne sont pas les douze actes répréhensibles dénoncés, tous nuisibles au prochain, que Jésus condamne, mais l’intention perverse, « le dedans », qui conduit à de tels vices. Notons que cette dernière partie du discours s’adresse aux seuls disciples « à l’écart de la foule », pour leur donner les directives morales dans leur futur rôle de pasteurs des communautés chrétiennes.

  Il est facile de dénoncer les souillures extérieures visibles. Elles nous apitoient sur nous-mêmes, servent d’excuse et conduisent à l’irresponsabilité. Il est plus difficile de nous remettre en cause, dans les motivations profondes qui nous rendent impurs aux yeux de Dieu, mais que personne ne voit. N’oublions pas qu’ici, avec l’épisode suivant de la Syrophénicienne (Marc 7, 24-30) et la seconde multiplication des pains (8, 1-10) l’évangéliste sous-entend les conditions de la participation à l’eucharistie.

* Le mot « pureté » recouvre deux sens, de même que notre mot « saleté » désigne soit une tache morale soit une inconvenance hygiénique ou une souillure matérielle. De même, il y a une pureté « rituelle » qui se préoccupe de la fidélité aux pratiques religieuses, et il y a la pureté « morale » qui cherche à agir avec droiture envers Dieu et envers les hommes. Le risque de la religion, est de polariser le fidèle sur les catégories du permis et du tabou, de lui éviter ainsi un jugement moral responsable. Ce travers est au centre de la critique de Jésus dans cette page d’évangile.