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L’auteur et les destinataires du Livre de l’Apocalypse : des chrétiens persécutés (Ap 1,9)…

            « Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l’épreuve, la royauté et la constance, en Jésus. Je me trouvais dans l’île de Patmos, à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus ».

 

            jean_le_theologienJean est tout d’abord un témoin (Ap 1,1-2.9 ; cf. Jn 19,35 ; 21,24 ; 1Jn 1,1-4 ). Avec lui, nous sommes tout de suite entraînés au cœur du Mystère Chrétien. En effet, le Christ Lui-même fut un témoin de la Présence et de l’Action du Père dans sa vie et dans celle des hommes (Ap 1,5 ; 3,14 ; Jn 18,37). Il n’a fait que dire ce que le Père lui montrait (Jn 5,19-20), ce qu’il a vu et entendu (Jn 3,31-34 ; 6,46 ; 8,26.38.40 ; 15,15).  Et le Père (Jn 5,37 ; 8,18 ; 12,27-30 ; 1Jn 5,9-10 ; Mt 3,17 ; 17,5) et l’Esprit Saint (Jn 15,26 ; 1Jn 5,6) lui rendront témoignage à leur tour … Chacun s’occupe ainsi avant tout de l’autre… Et tout chrétien est invité à entrer dans cette dynamique (Jn 15,27 ; 2Co 5,15) : rendre témoignage à ce Dieu d’Amour et de Tendresse qu’il a découvert en Jésus Christ, un Dieu qui ne recherche que le bien de sa créature et l’accompagne sans cesse dans sa vie pour son bien (Jr 32,40‑41). Jean va donc témoigner de ce qui lui aura été donné de percevoir du Mystère du Christ. Il dira tout simplement ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu, ce qu’il a vécu … Et l’Esprit de Vérité rendra témoignage à la vérité de ses paroles au cœur de ceux et celles qui lui feront bon accueil (1Jn 2,20.27 ; 5,5-12).
            Jean s’adresse ici avant tout à la communauté chrétienne pour l’encourager à demeurer fidèle au Christ malgré toutes ces persécutions qu’ils doivent endurer à cause de leur foi… Il écrit ainsi pour ses « frères », ses « compagnons », littéralement en grec « tous ceux et celles qui sont en communion avec » le Christ. La grande œuvre du Christ est en effet de nous introduire dans un Mystère de Communion avec Lui. Il est venu nous réconcilier avec Dieu (2Co 5,17-21 ; Rm 5,10-11). Jour après jour, il frappe à la porte de nos cœurs (Ap 3,20) pour nous offrir le pardon de toutes nos fautes (1Jn 1,9 ; Col 2,13 ; 3,13 ; Lc 1,76-79 ; 5,20-25). Par ce pardon, il reconstruit notre relation de cœur avec notre Dieu et Père, une relation vitale puisque le grand cadeau que Dieu veut offrir à toutes ses créatures est sa propre Vie éternelle. Mais encore faut-il se tourner vers Lui et l’accueillir. L’œuvre du Christ Sauveur, du Bon Pasteur, est ainsi de partir à la recherche de toutes les brebis perdues (Lc 15,1-7), pour les ramener à l’unique Source d’Eau Vive qui pourra combler leur cœur. Si elles se laissent faire, elles recevront cette Vie de Dieu grâce à laquelle il nous est possible de vivre dès maintenant en communion avec Lui (Jn 3,36 ; 5,24 ; 6,47.57 ; Ac 11,18 ; 2Co 2,15-16 ; 1Jn 5,12-13). Tel est le Royaume des Cieux déjà commencé sur cette terre par le don de l’Esprit qui vivifie (Rm 14,17 ; Jn 6,63), un don proposé à notre foi. Heureux alors ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20,29)… Ils ne voient rien, ils n’entendent rien de particulier, mais ils vivent déjà « quelque chose » de cette Plénitude du Royaume qui est Repos, Silence, Paix du cœur, grâce à la Présence en eux de cet Esprit (Jn 14,15-17) qui est aussi Amour (Jn 4,24 avec 1Jn 4,8.16 ; Rm 5,5), Lumière (Jn 4,24 avec 1Jn 1,5) et Vie (Jn 4,24 et 1Jn 1,5 avec Jn 1,4 ; 8,12 ; puis Jn 6,63 ; Ga 5,25)…
             Jean écrit donc à tous ses « frères » dans la foi « qui sont en communion avec » lui par leur foi au Christ et l’action de l’Esprit qui vivifie… Et tous, à cette époque, vivaient une persécution déclenchée par les Romains. Ils étaient ainsi « dans la souffrance, la royauté et la constance en Jésus », une expression qui résume tout l’évangile. En effet, l’homme sur cette terre ne peut que connaître l’épreuve, d’une manière ou d’une autre. Par leurs injustices, leur méchanceté, leur violence, leur « cœur de pierre », leur égoïsme, leur course à l’argent, leur soif de pouvoir et de domination, leurs passions déréglées… les pécheurs (et nous le sommes tous !) sèment la souffrance sur leur passage, une souffrance qui devient intolérable lorsqu’elle touche des innocents… Et Dieu respecte infiniment notre liberté à tous ! « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45). Ce « soleil » se fera pour ces « méchants » et ces « injustes » invitation patiente mais ferme à la conversion. En agissant ainsi, Dieu les aime et poursuit toujours leur bien car il ne peuvent que vivre en eux-mêmes les conséquences de leurs péchés : « souffrance, angoisse » (Rm 2,9), « mort spirituelle » (Rm 6,23), mal-être (Lc 6,24-26), tristesse (Lc 18,18-23). Et « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’ils vivent », qu’il se tourne vers le Soleil de Vie, Celui qui se donne et se donne sans cesse pour le bien de ceux qu’il a créés et qu’il aime. Alors, « ils vivront » de sa Vie (Sg 1,13 ; Ez 18,23 ; 33,11)… « Gloire, honneur et paix » en effet « à quiconque fait le bien » (Rm 2,10)…

l'amour de dieu

Mais en attendant, les souffrances et les épreuves demeurent, d’autant plus que nous sommes tous pécheurs, et donc tous plus ou moins responsables de ce mal qui nous blesse en premier et qui, hélas, blesse aussi trop souvent tous ceux et celles qui nous entourent… Mais la Bonne Nouvelle est justement cette Présence parmi nous du Christ Ressuscité, une Présence qui nous rejoint au plus profond de nous-mêmes si nous acceptons de l’accueillir. Au cœur de la souffrance, fût-elle la conséquence de notre misère, elle se fera alors soutien, réconfort, encouragement, force, paix et joie envers et contre tout (cf. 2Co 1,3-7 avec notamment les notes de la Bible de Jérusalem)… Et c’est ainsi qu’Antoine, douze ans, crucifié avec d’autres chrétiens pour sa foi en 1597 à Nagasaki, chantait sur la croix avec ses « compagnons »… Il manifestait ainsi à quel point le Christ peut régner dans nos épreuves. « Je surabonde de joie dans toutes nos souffrances », écrivait ainsi St Paul (2Co 7,4). Dans les circonstances concrètes et difficiles de son ministère, il vivait les béatitudes : « Heureux ceux qui pleurent » (Lc 6,21), ceux qui humainement ont toutes les raisons de pleurer, mais qui essayent de vivre leurs épreuves avec le Christ. Il les consolera sur leur lit de souffrance (2Co 4,7-12), en attendant ce Jour où « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde aura disparu » (Ap 21,4). Et Jean, dans sa persécution, pouvait reprendre à son compte cette autre béatitude : « Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse » (Mt 5,10-12)… Ainsi, tout disciple de Jésus qui désire marcher à sa suite doit essayer de prendre chaque jour le plus courageusement possible « sa croix ». Elle sera avant tout la croix de son péché, due à la présence en lui de ce « vieil homme » égoïste qui a tant de mal à mourir (Ep 4,20‑24) et qu’il devra « renier » (Lc 9,23), soutenu par la force de la grâce de Dieu (Tt 2,11-14). Cette croix pourra aussi être celle de la maladie qui survient à l’improviste, celle du péché de ses frères qu’il portera avec eux en les invitant à la conversion et en luttant contre toute forme d’injustice, celle de toutes ces situations humaines difficiles qu’il essaiera d’améliorer autant que possible… Mais cette croix, le Christ l’appelle ailleurs « son joug », car par amour, il a voulu nous rejoindre et porter avec nous toutes nos croix, toutes nos épreuves, toutes nos difficultés. Ainsi, nous ne sommes plus seuls dans le combat de cette vie. Le Christ, par amour, veut le mener avec nous et pour nous… Tout notre travail consistera alors à demeurer en Lui (Jean 15,9-11), unis à Lui (1Co 6,17 ; 1Th 5,9-10) et il portera avec nous cette souffrance contre laquelle nous n’aurons rien pu faire. Le Christ viendra l’habiter de sa Présence et de sa Paix. Avec Lui, la Croix devient Glorieuse, cette Croix, notre croix, qu’il appelle « son joug » : « Il s’est chargé de nos maladies, et il a pris sur lui toutes nos infirmités » corporelles ou spirituelles (Matthieu 8,17 pour les porter avec nous, pour nous soulager et éviter ainsi qu’elles nous écrasent… « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger » (Mt 11,28‑30).
            pape françoisLe chrétien est ainsi un homme comme tous les autres hommes. Il connaît lui aussi les épreuves de la vie, les souffrances, les maladies, les tentations de toutes sortes, les combats, les persécutions… Certes, il essaye comme il peut de construire un monde plus juste, plus humain, plus fraternel comme beaucoup d’hommes et de femmes de bonne volonté. Mais lorsqu’il a fait tout son possible et que la souffrance se présente à lui sans nul moyen de la combattre, alors il peut se tourner de tout cœur vers le Christ et compter sur Lui. « Le Seigneur est mon Berger. Je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer… Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure » (Ps 23(22),1-4)[1]. Telle est la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Le disciple de Jésus qui connaît l’épreuve découvrira ainsi par lui-même, en le vivant, qu’il n’est pas seul au milieu de tous ses combats. Son cœur sera envers et contre tout rempli d’une Paix, d’un Silence, d’un Repos qui, déjà ici-bas, fera toute sa joie (Col 3,15)… Ainsi nos Croix sont dorénavant inséparables de Celui qui est Lumière et qui a voulu les remplir de sa Lumière. D’une manière ou d’une autre, elles sont maintenant avec Lui et grâce à Lui des « Croix Glorieuses »… Certes, la souffrance demeure, mais la Gloire du Christ Ressuscité la transfigure et la remplit déjà d’un Bonheur qui n’est pas de ce monde. Ste Thérèse de Lisieux, qui n’a jamais cultivé la souffrance pour elle-même (elle est un mal !)[2] disait : « Il n’y a pas de plus pur bonheur qu’aimer en souffrant »… Elle vivait cette Présence du Christ, son soutien, qui lui permettait de tenir bon dans l’épreuve, ce qu’elle n’aurait jamais pu faire par elle-même si elle avait été laissée à ses propres forces. « Je n’ai jamais rien pu faire toute seule », disait-elle. « Qu’est-ce que je ferais, qu’est ce que je deviendrais si je m’appuyais sur mes propres forces ? » Le Christ était ainsi à la source de sa patience, de son endurance, de sa constance. Avec Lui et grâce à Lui, elle pouvait tenir bon. « Je comprends très bien que St Pierre soit tombé. Ce pauvre St Pierre, il s’appuyait sur lui-même au lieu de s’appuyer uniquement sur la force du Bon Dieu »…
            Nous voyons à quel point St Jean a comme résumé toute la vie chrétienne en une seule phrase : « Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans la souffrance, la royauté et la constance en Jésus » (Ap 1,9). Comme tous les autres chrétiens de son époque, et peut-être plus qu’eux puisqu’il avait été déporté par les Romains sur l’île de Patmos en raison de sa foi, il a connu « la souffrance ». Mais par sa foi et dans la foi, il a laissé le Christ Ressuscité s’unir à lui dans la Communion d’un même Esprit. Le Christ a pu alors exercer en sa faveur le Mystère de sa « Royauté ». Sa Présence dans cette persécution est devenue Règne de sa Grâce, de sa Force et de sa Paix, et donc aussi Source de « constance », de « persévérance » (Ap 1,9 ; 2,2.3.19 ; 3,10 ; 13,10 ; 14,12)…

                                                                            D. Jacques Fournier      

 

[1] La TOB traduit ainsi le verset 4 : « Même si je marche dans un ravin d’ombre et de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi ; ton bâton, ton appui, voilà qui me rassure ».

Et la Bible de Jérusalem a : « Passerais-je un ravin de ténèbre, je ne crains aucun mal car tu es près de moi ; ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent »…

  

[2] « Ce n’est pas la souffrance qui sauve le monde, c’est l’amour. Le Christ veut être uni à tous les hommes et il est uni d’une façon particulière à ceux qui souffrent. L’amour sans la souffrance peut se rencontrer, mais la souffrance sans l’amour n’a pas de sens ». Jean Paul II.




L’adresse du Livre de l’Apocalypse (Ap 1,4-8)

               Jean, aux sept Églises d’Asie. Grâce et paix vous soient données par  Il est, Il était et Il vient , par les sept Esprits présents devant son trône, et par Jésus Christ, le témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre. Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père : à lui donc la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen. Voici, il vient avec les nuées; chacun le verra, même ceux qui l’ont transpercé, et sur lui se lamenteront toutes les races de la terre. Oui, Amen! Voici, il vient avec les nuées; chacun le verra, même ceux qui l’ont transpercé, et sur lui se lamenteront toutes les races de la terre. Oui, Amen !

 7 églises de l'apocalypseJean s’adresse donc « aux sept Eglises d’Asie » qui seront énumérées par la suite : Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée. Il est possible de repérer ces villes sur les cartes que nous trouvons à la fin de nos Bibles.

L’Asie Mineure, l’actuelle Turquie, est essentiellement concernée, mais avec le choix de ce chiffre sept, symbole de perfection, c’est toute l’Eglise, l’Eglise Universelle, qui est visée…

            Avec « grâce » et « paix », Jean fait allusion aux salutations habituelles des Grecs et des Juifs. A l’époque, depuis l’invasion de tout le bassin méditerranéen par le grec Alexandre le Grand (4° siècle avant JC), le monde connu se partageait entre « les Juifs » et ceux qui avaient été marqués par la culture grecque, « les Grecs ». Parler de Juifs et de Grecs revient donc à évoquer le monde entier… Et c’est ce que Jean fait ici, avec une allusion au salut grec « Khaïré » par un mot très proche, « kharis, grâce », et au salut Juif, « Shalom, paix ! ». Tout homme est ainsi invité à recevoir gratuitement du Christ Sauveur cette « grâce » qui est « paix » (Jn 14,27). Avec Lui et par Lui, « la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, s’est manifestée » (Tt 2,11), pour que « la paix du Christ règne dans nos cœurs » (Col 3,15). Telle est « la Bonne Nouvelle de la Paix » (Ep 6,15). Alors, « à vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ » (Rm 1,7 ; 5,1 ; 15,33 ; 16,20 ; 1Co 1,3 ; 2Co 1,2 ; 13,11 ; Ga 1,3)…

            Et de fait, cette Paix est donnée ici en premier lieu par Celui qui est Source de tout et qui est nommé « Il est, il était et il vient ». Jean fait ici allusion au Nom divin révélé à Moïse en Ex 3,13-15 : « Je suis qui je suis » ou « Je suis ». Or, en hébreu, la langue de l’Ancien Testament, cette forme verbale du verbe être peut très bien se traduire, selon le contexte, par un présent, un imparfait ou un futur[1], c’est-à-dire par « je suis », « j’étais » ou « je serai »… Avec « Il est, il était et il vient », Jean reprend ces possibilités à la troisième personne du singulier, en changeant la dernière. Celui qui sera, c’est Celui qui vient avec son Fils et par Lui…

            Et son Fils « Jésus[2] Christ[3], est le Témoin Fidèle » (Ap 1,5) du Père et de la Vérité de ce Mystère de Communion qu’il vit avec Lui et qu’il est venu nous proposer. Et il est aussi « le Premier Né d’entre les morts » (Col 1,15-20), par sa Résurrection qui inaugure la résurrection à venir de tous ceux et celles qui auront cru en Lui. Il sera alors « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,29), Lui qui « ne rougit pas de nous appeler ses frères » (Hb 2,11 ; Mt 12,48-49 ; 25,40 ; 28,10 ; Jn 20,17). Il est enfin « le Prince des rois de la terre », « le très haut parmi les rois de la terre » (Ps 89(88),27-30), notamment par sa Résurrection et son Ascension au plus haut des Cieux, quand le Père lui a donné « le Nom qui est au-dessus de tout nom afin qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux sur la terre et sous la terre et que toute langue proclame que le Seigneur c’est Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,9‑11 ; Ep 1,18-23)…

 

            ESTE TRINITEn Ap 1,4-5, Jean évoque donc le Père, « Il est, Il était et Il vient », le Fils, « Jésus Christ, le témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre », et aussi l’Esprit Saint avec « les sept Esprits présents devant son trône ». Le chiffre sept évoque à nouveau la Plénitude, ici celle de l’Esprit Troisième Personne de la Trinité… Comme nous le disons dans notre Crédo : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire »… Et notons la place où il intervient en Ap 1,4-5 : entre le Père et le Fils… Il est en effet l’Amour qui unit le Père au Fils, Celui par qui le Père donne tout à son Fils, Celui par qui le Fils reçoit tout du Père… Et il en sera de même pour nous tous, si nous l’acceptons. C’est l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, qui, par notre foi au Fils, nous communique en effet tous les dons que le Père veut nous transmettre, et ces dons ne seront que participation à la Plénitude que le Fils reçoit de toute éternité de son Père par ce même Esprit. Jésus dit ainsi à son sujet : « (L’Esprit Saint) recevra de ce qui est à moi, et il vous le communiquera » (Jn 16,14). Comme le Fils, c’est donc par l’Esprit Saint que nous sommes engendrés à la vie nouvelle et éternelle en fils et filles de Dieu… Et c’est toujours ce même Esprit qui nous transmet les charismes que nous serons ensuite invités à mettre au service de nos frères (1Co 12,11)… L’Esprit Saint est ainsi Celui par qui nous recevons tout du Père. Et ces donc reçus nous établissent en communion d’Etre et de Vie avec le Père, avec le Fils, avec tous ceux et celles qui mettent leur foi dans le Fils, mais aussi avec tous les hommes de bonne volonté qui, en suivant des chemins de vérité et de justice, ouvrent leur cœur à Celui-là seul qui est Vérité (Jn 14,6 ; 14,17a ; 17,3) et Justice…

 

            Toute l’œuvre du Christ est ensuite résumée en quelques lignes… « Il nous aime »… On peut noter le présent, un présent éternel qu’il nous est déjà possible d’accueillir dès aujourd’hui dans le présent et l’invisible de la foi. Et ce présent est participation à l’éternel présent de cet Amour que le Père vit avec son Fils : « Le Père aime le Fils » (Jn 3,35 ; 5,20)… Et le Fils répond à l’Amour du Père par l’Amour : « Il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que j’agis conformément à ce que le Père m’a prescrit » (Jn 14,31). Or, qu’est-ce que le Père lui a prescrit, quelle est sa volonté ? Manifester l’Amour de Dieu jusqu’au bout, jusqu’à donner sa vie, pour que le monde le reconnaisse, l’accepte et puisse se détourner, avec Lui et grâce à Lui, de ce mal qui le détruit… Le Père a ainsi envoyé son Fils dans le monde avec comme but ultime : que le monde soit sauvé… « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui ». Ainsi, « je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or c’est la volonté de celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné » (Jn 3,16-17 ; 6,38-39)… Et le Fils a accompli (Jn 19,30) ce Salut du monde en s’offrant Lui-même jusqu’au bout, ne cessant de répondre à tout le mal qu’on lui faisait par de l’amour… « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34)… « C’est pour vous », dira St Pierre, vous qui avez contribué à sa mort d’une manière ou d’une autre, « que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,26). Ainsi le Fils, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin » (Jn 13,1), « jusqu’à l’extrême de l’amour », précise en note la Bible de Jérusalem, en vivant sa Passion, sa mort et sa résurrection pour chacun d’entre nous. « Il nous a ainsi aimés » (Jn 13,34 ; 15,9 ; 15,12) en nous révélant l’Amour du Père et en prenant sur Lui toutes les conséquences de nos fautes pour que nous puissions avoir part à sa Vie et à sa Gloire, ce dont nous étions justement privés par suite de nos fautes (Rm 3,23 ; 6,23 ; Ep 2,4-10). Par amour, il a donné sa vie pour chacun d’entre nous (Jn 15,13) en prenant sur lui nos infirmités (Mt 8,17) et en portant sur le bois de la Croix les conséquences de nos fautes (1P 2,21-25). Lui qui n’avait jamais péché (Jn 8,46), il est ainsi devenu « péché pour nous afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (1Co 5,21)… Grâce à son offrande, si nous l’acceptons, « nous sommes lavés de nos péchés par son sang » (Ap 1,5) qui « purifie notre conscience de toutes les œuvres mortes que nous aurions pu accomplir » (Hb 9,14). C’est ainsi que le Christ nous a aimés… Ressuscité, il continue de nous aimer en intercédant pour nous auprès du Père (1Jn 2,1-2) et en actualisant jour après jour les fruits de sa Passion et de sa Résurrection dans nos vies par le don de l’Esprit. Avec Lui et par Lui, Il vient se proposer à tout homme de bonne volonté, pour s’unir à lui et le soutenir dans sa vie. Et cela se vérifie tout spécialement dans l’épreuve et la souffrance, fussent-elles les conséquences de nos péchés. Inlassablement, l’Agneau de Dieu se proposera pour prendre sur Lui sa brebis perdue (Lc 15,4-7 ; Jn 14,1-3), pour enlever son péché (Jn 1,29) par l’œuvre purificatrice de l’Esprit (1Co 6,9-11), pour porter avec elle sa souffrance et la remplir ainsi de la Lumière et de la Force de sa Présence. Mais accueillir cette Présence compatissante du Christ ne peut qu’être au même moment synonyme de renoncement à tout ce qui peut s’opposer à sa Lumière, à sa Vérité et à son universelle Bienveillance…

 paix

            « Il a fait de nous une Royauté de Prêtres » (Ap 1,6). Le Christ Lui-même est Roi (Jn 18,37 ; Mt 21,5 ; 25,31-40 ; 1Co 15,22-28) par l’Esprit qui l’habite en Plénitude, un Esprit de Lumière qui brille dans les ténèbres et que les ténèbres n’ont pu saisir (Jn 1,4-5), un Esprit de Paix qui désire régner au cœur de tout homme pour faire de Lui un artisan de Paix (Col 3,15 ; Mt 5,9), un Esprit d’Amour et de Vie qui se révèle plus fort que le mal et la mort (Ps 117(116) ; Rm 5,15-21). En se faisant homme, il a voulu s’unir à nos ténèbres pour régner en elles et nous donner ainsi de pouvoir bénéficier de sa Lumière et de sa Vie. Lui qui n’avait jamais commis de faute, il a voulu assumer notre nature humaine blessée par le péché, ce que St Paul appelle notre « condition d’esclave » (Ph 2,6-11), pour régner en elle et nous permettre de partager ainsi sa Liberté (Jn 8,31‑36 ; Ga 5,1), sa Gloire (Rm 3,23 ; Jn 17,22-23) sa Plénitude (Jr 2,5 (TOB) ; Col 2,9-10), et sa Joie (Jn 15,11)… C’est donc par cette union de Miséricorde avec nous qu’il élève ceux et celles qui acceptent de le recevoir (Lc 1,52), et qu’il les fait asseoir sur son Trône de Lumière (Lc 22,28-30 ; 2Tm 2,12)…

Il leur donne ainsi de participer à sa Royauté et à son Sacerdoce, les deux n’étant que l’expression de son Amour. « Je vous exhorte, frères, par la miséricorde de Dieu », écrivait St Paul aux chrétiens de Rome, « à vous offrir vous‑mêmes en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre » (Rm 12,1). Cette aventure sera possible grâce à l’action de l’Esprit Saint qu’ils ont reçu au jour de leur baptême. C’est Lui qui, petit à petit, fera mourir en eux le mal qui les habite (Rm 8,13) et leur permettra de faire le bien (Ga 5,16 ; 5,22-25). Il leur donnera de se donner, comme le Christ, au service de leurs frères et sœurs en humanité… « La mort du Christ fut en effet une mort au péché, une fois pour toutes », et maintenant, Ressuscité, « sa vie est une vie à Dieu » (Rm 6,10). Or tous les croyants ont été unis à la mort et à la Résurrection du Christ par leur baptême (Rm 6,1-11). Tout leur travail consistera donc à laisser l’Esprit du Christ les associer à cette mort au péché que le Christ a vécu « une fois pour toutes » et pour nous tous, afin que notre vie soit comme la sienne, une vie pour Dieu et pour nos frères. « Ainsi, vous de mêmes », écrit encore St Paul, « considérez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ Jésus » (Rm 6,11). Et encore : « L’amour du Christ nous presse, à la pensée que, si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts », sous entendu, au péché. « Et il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus égoïstement pour eux‑mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,14-15). En vivant pour le Christ, ils vivront alors pour le Père et pour tous leurs frères les hommes, car la volonté du Père est notre salut à tous… Voilà ce qu’affirme ici le Livre de l’Apocalypse : grâce à son Amour de Miséricorde, en nous lavant de toutes nos fautes par son sang, le Christ a fait de nous, et continue de faire de chacun d’entre nous, « une Royauté de Prêtres pour Dieu son Père » (2Co 5,16-21). Ainsi, en laissant le Christ accomplir en eux son œuvre de mort au péché et de communication de la Vie nouvelle et éternelle, les chrétiens s’offrent en fait à l’action de l’Esprit Saint. Ils reçoivent alors des dons, des grâces, des charismes qu’ils sont invités à mettre en œuvre au service de leurs frères, pour que le projet d’amour de Dieu sur chacun d’entre nous s’accomplisse le plus pleinement possible. En s’offrant eux-mêmes à l’Esprit, ils contribuent ainsi, grâce à la Force de ce même Esprit, au retour et à l’offrande à Dieu de la création tout entière (Rm 8,18‑22). « Prêtres, unis au Christ Prêtre » grâce à son Amour de Miséricorde, « ils offriront à Dieu l’univers entier en sacrifice de louange » (Note de la Bible de Jérusalem pour « Royauté de Prêtres ») … Ils rendront grâces pour tant de grâces reçues, et ils oseront laisser éclater leur joie… « A lui la Gloire et la Puissance pour les siècles des siècles ! »

L’auteur termine enfin avec une allusion au retour du Christ (cf. Lc 21,27), soit au dernier jour du monde, soit à notre dernier jour à tous. « Chacun alors le verra, même ceux qui l’ont transpercé » (Ap 1,7 ; Jn 19,37). L’allusion à la Passion est claire, mais elle déborde aussi le seul événement historique. Le Christ est toujours persécuté dans les chrétiens qui souffrent en raison de leur foi (Ac 9,1-6), et nous tous, de par notre péché, nous participons, d’une manière ou d’une autre, au mystère de son rejet, de sa mise à l’écart et de sa mort au monde… Alors, « sur lui se lamenteront toutes les races de la terre » (Za 12,10)… La vision est encore universelle : toute la famille humaine est concernée, tous les hommes et toutes les femmes « de toute race, langue, peuple et nation »[4] que le Christ « a racheté au prix de son sang » (Ap 5,9-10 ; 7,9-10). Et cette notion de « lamentation », première étape de la conversion, ouvre à l’espérance de l’accueil du salut par cette multitude que Dieu n’a jamais cessé d’aimer, un salut « qui est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau » (Ap 7,10)… D’ailleurs, juste avant cette « lamentation » sur « celui qu’ils ont transpercé », Dieu promet, dans le Livre de Zacharie, d’envoyer l’Esprit : « Je répandrai sur la Maison de David et sur Jérusalem un Esprit de grâce et de supplication » (BJ), « un Esprit de bonne volonté et de supplication », traduit la TOB qui précise en note : « Transformation intérieure qui place l’homme dans une attitude de confiance et d’ouverture à Dieu »… « La lamentation » sur « celui qu’ils ont transpercé » apparaît alors comme le fruit de l’œuvre de l’Esprit dans le cœur des pécheurs… L’Esprit, en nous révélant notre misère, nous pousse ainsi à demander à Dieu ce qu’il veut nous donner : le salut…

Le Père, aujourd’hui encore, continue donc, par son Fils Ressuscité et par l’Esprit, de chercher toutes les brebis perdues de ce monde jusqu’à ce qu’il les retrouve (Lc 15,4‑7). « Je me tiens à la porte et je frappe : si tu m’ouvres ton cœur, je ferai chez toi ma demeure » (Ap 3,20)… « Zachée », et nous tous avec lui, « descend vite » dans la vérité de ta vie blessée, « car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi » (Lc 19,1-10), pour te guérir et connaître la joie de te voir tel que j’ai voulu que tu sois de toute éternité : « à l’image du Fils » (Rm 8,28-30), rempli de sa vie (Jn 10,10), de sa Lumière (Jn 12,46 ; 8,12), de sa Gloire (Jn 17,22-23) …

Dès que cette porte du cœur commence à s’ouvrir, à consentir à la Présence de Celui qui ne cesse de venir à notre rencontre, l’Esprit manifeste aussitôt l’intensité de l’Amour et de la Miséricorde du Père, il enveloppe de sa Tendresse le fils prodigue (Lc 15,20), et laisse éclater la joie des retrouvailles. Sur cette misère acceptée et offerte, « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils », le Père pourra verser en surabondance l’Eau Vive de l’Esprit qui lave, purifie, vivifie… C’est ce qu’évoque Zacharie après la « lamentation » rencontrée précédemment : « En ce jour-là, il y aura une fontaine ouverte pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem, pour laver péché et souillure » (Za 13,1). « Le péché » et « la souillure », qui avaient provoqué, en les reconnaissant, cette « lamentation », sont vite lavés par cette « fontaine ouverte »…

Cette prophétie de Zacharie s’est pleinement accomplie, non seulement pour « la maison de David et les habitants de Jérusalem », mais encore pour « toutes les tribus de la terre ». Du côté transpercé du Christ crucifié ont en effet jailli des Fleuves d’Eau Vive en signe de cette grâce donnée en surabondance aux pécheurs (Jn 19,33-35 ; 7,37‑39 ; Rm 5,20).

 

« « Je suis plein d’allégresse dans le Seigneur,

mon âme exulte en mon Dieu,

car il m’a revêtu des vêtements de salut,

il m’a drapé dans un manteau de justice,

comme l’époux qui se coiffe d’un diadème,

comme la fiancée qui se pare de ses bijoux ». 

Alors, Jérusalem, ta justice jaillira comme une clarté,

et ton salut comme une torche allumée. 

Alors les nations verront ta justice,

et tous les rois ta gloire.

Alors on t’appellera d’un nom nouveau

que la bouche du Seigneur dictera. 

Tu seras une couronne de splendeur dans la main du Seigneur,

un turban royal dans la main de ton Dieu, » 

(« une Royauté de Prêtres pour ton Dieu et Père »)…

« Comme un jeune homme épouse une vierge,

ton bâtisseur t’épousera.

Et c’est la joie de l’époux au sujet de l’épouse

que ton Dieu éprouvera à ton sujet »…             

 

                                                                                  (Is 61,10-62,5 ; Ap 1,6)

 

 

        fils prodigue  Souvenons-nous du Fils prodigue… Dès qu’il commence à dire à son Père ce qu’il n’avait cessé de répéter tout le long du chemin du retour,  « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi », le Père le coupe et ne lui laisse pas le temps de dire la suite : « Je ne mérite pas d’être appelé ton Fils, traite-moi comme l’un de tes serviteurs ». Il n’est pas question qu’il ne le regarde plus comme son fils ! Il est son fils, désiré et attendu depuis toujours et pour toujours ! Aussi, dit-il à ses serviteurs, « Vite, apportez la plus belle robe et revêtez l’en »… Si cette robe est « la plus belle » que Dieu possède, elle ne peut qu’être la sienne, une robe de Splendeur, de Majesté et de Gloire… Tel est « le vêtement de salut » : « le manteau de justice » et « le diadème » qui évoque la participation à la Justice et à la Royauté mêmes de Dieu… Le résultat sera « clarté », « gloire » par le don de « l’Esprit de gloire » (1P 4,14), création « nouvelle » car renouvelée par le Don de l’Esprit (2Co 5,17-18 ; Tt 2,4-7), et enfin joie, « joie de l’Esprit » (1Th 1,6), joie des sauvés qui ont reçu l’Esprit (1Th 4,8) et joie de Dieu à qui appartient la Plénitude de l’Esprit (Jn 4,24 ; Ep 3,18 ; 5,18 ; Col 2,9-10)…

            Alors, « Oui, Amen ! », un mot qui, en hébreu, signifie : « C’est vrai, c’est du solide, on peut faire confiance », comme l’écrit St Paul en 1Tm 1,12-17 : « Elle est sûre cette parole » (BJ), « elle est digne de confiance » (TOB), « elle mérite d’être pleinement accueillie par tous » (TOB), « elle est digne d’une entière créance » (BJ) : « le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis, moi, le premier » ». Alors, « Oui, Amen ! », que cette Parole déjà accomplie dans le cœur de Dieu (Ps 103(102),1-5.10-13), déjà accomplie dans le cours du temps et de l’Histoire par la mort et la résurrection du Christ (Jn 19,30 ; Rm 4,23-25 ; 5,8 ; 8,31-39 ; 1Co 15,3-8 ; Ga 1,3-5 ; 2,19-20 ; Ep 2,4-6 ; 5,1-2 ; 5,25-27 ; Col 1,21-22 ; Tt 2,11‑14), s’accomplisse maintenant en plénitude dans le cœur de tous les hommes… Que tous osent s’ouvrir à cette Miséricorde, à cette Tendresse, à cette Bonté qui ne désire qu’une seule chose : notre Plénitude et notre Vie à tous…

         Et cette déclaration se termine en Ap 1,8 par ce qui ressemble à une signature de Dieu le Père en personne : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, « Il est, Il était et Il vient », le Maître-de-tout ». Nous retrouvons l’expression déjà rencontrée en Ap 1,4. Et Dieu se présente aussi comme « l’Alpha et l’Oméga ». Or, alpha (a) est la première lettre de l’alphabet grec, et oméga (v) la dernière… Dieu est ainsi Celui qui Est au commencement, et Celui qui est à la fin, l’Eternel Présent à ce monde qu’il a créé (Jn 1,4 ; 1,9) en vue de notre naissance à la vie éternelle… Jean reprend ici un titre déjà apparu dans le Livre d’Isaïe : « Qui a agi et accompli ? Celui qui dès le commencement appelle les générations ; moi, le Seigneur, je suis le premier, et avec les derniers je serai encore… Ainsi parle le Seigneur, le roi d’Israël, le Seigneur Tout Puissant, son rédempteur : Je suis le premier et je suis le dernier, à part moi, il n’y a pas de dieu » (Is 41,4 ; 44,6 ; cf. 48,12).

Enfin, « Tout Puissant » (environ 170 fois dans la traduction grecque de l’AT dont 60 dans le seul Livre de Zacharie) renvoie non seulement à la Puissance créatrice du Roi de l’Univers mais aussi à la Toute Puissance de sa Miséricorde (Lc 1,49-50) qu’aucune de nos misères ne peut mettre en échec dans la mesure où nous la lui offrons avec un désir sincère de repentir…              

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[1] Il suffit pour s’en convaincre de comparer les traductions pour Ex 3,12 (BJ : « Je serai avec toi » ; TOB : « Je suis avec toi »), Ex 3,14 (BJ : « Je suis celui qui est » ; TOB : « Je suis qui je serai ») ; Ex 4,15 (BJ : « Moi, je serai avec ta bouche » ; TOB : « Et moi, je suis avec ta bouche »)…

[2] Lorsque l’Ange Gabriel annonça à Marie qu’elle allait « être enceinte  et enfanter un fils », il lui indiqua le nom qu’il fallait donner à l’enfant : « tu l’appelleras du nom de Jésus » (Lc 1,26-33). « Jésus » (Yéhoshua ou Yeshua en hébreu) signifie « Yah(vé) sauve ». Or Yahvé, dans l’Ancien Testament, est le Nom du Dieu de l’Alliance (Ex 3,13-15, traduction Bible de Jérusalem), Celui qui dans le Nouveau Testament s’est révélé comme étant « Notre Père ». Le nom de « Jésus » renvoie donc au Père en tant qu’Il nous sauve. Avec son Fils et par Lui, Dieu le Père en personne vient sauver tous les hommes, ses enfants…

[3] « Christ » vient du verbe grec « kriô » qui signifie « oindre, enduire » ; « kristos » sera donc « celui qui a reçu l’onction ». Le mot « Messie » a exactement la même signification, mais lui vient de l’hébreu, la langue de l’Ancien Testament. « Massah » signifie « asperger, oindre », et « massiah » ou « messiah », « celui qui a reçu l’onction ». Dans l’Ancien Testament, le roi était « l’Oint du Seigneur » par excellence, celui que Dieu avait « élu » pour gouverner son Peuple. L’onction d’huile lui était appliquée par un homme de Dieu, prophète ou prêtre. Le roi David, par exemple, fut oint par le prophète Samuel (1 Sm 16,1-13). Et sur la base de la promesse faite par Dieu à David en 2Sm 7,16, les Juifs, à l’époque de Jésus, attendaient ce Messie « Fils de David », qui devait, du moins le pensaient-ils, rétablir la royauté en Israël en chassant l’occupant romain (Lc 24,21 ; Ac 1,6). Mais Jésus accomplira toutes ces prophéties en se manifestant par sa Parole, les signes accomplis, sa mort et sa Résurrection, comme le Roi vainqueur du mal et de la mort. Et il désire que nous soyons tous les heureux bénéficiaires de sa victoire…

[4] Nous l’avons noté : quatre termes sont employés. Or « quatre » symbolise l’universalité déjà évoquée par les mots employés : « toute race, langue, peuple et nation »… L’auteur souligne ainsi à quel point « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6).

 

 

     

 

 

 

  

 




Le prologue du Livre de l’Apocalypse (Ap 1,1-3)

    « Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt; Il envoya son Ange pour la faire connaître à Jean son serviteur, lequel a attesté la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ : toutes ses visions. Heureux le lecteur et les auditeurs de ces paroles prophétiques s’ils en retiennent le contenu, car le Temps est proche ! »

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            Dès le premier verset, Dieu le Père apparaît comme celui qui révèle son Fils en lui donnant de se manifester aux « serviteurs » qu’il a choisis. La « révélation de Jésus Christ » est donc toute à la fois une Révélation qui vient par le Christ et qui porte sur son Mystère. Les « serviteurs » seront ainsi avant tout « les témoins » de ce qu’ils auront perçu du Mystère du Christ (Lc 24,44-48 ; Ac 1,21‑22 ; 26,12-18 ; 22,12-15).

            L’expression grecque « en takhei » traduite par « bientôt » dans nos Bibles n’apparaît que deux fois dans le Livre de l’Apocalypse : ici, au tout début (1,1), et à la fin en 22,6. Comparons ces deux passages :

 

Ap 1,1-3 : Révélation de Jésus Christ :

            Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt.

            Il la fit connaître

                        en envoyant son ange à Jean son serviteur,

                        lequel a attesté comme Parole de Dieu et témoignage de Jésus Christ

                                   tout ce qu’il a vu.

            Heureux celui qui lit, et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie

                        et gardent ce qui s’y trouve écrit,

            car le temps est proche.

 

Ap 22,6-8a.10 : Ces paroles sont certaines et véridiques ;

            le Seigneur, le Dieu des esprits des prophètes, a envoyé son ange,

            pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt. 

            Voici, je viens bientôt.

            Heureux celui qui garde les paroles prophétiques de ce livre. 

            Moi, Jean, j’ai entendu et j’ai vu cela…

            Ne garde pas secrètes les paroles prophétiques de ce livre,

                        car le temps est proche.

 

            Les ressemblances sont donc nombreuses. Nous avons là ce que l’on appelle « une inclusion » au sens où tout le Livre de l’Apocalypse est « inclus » entre ces deux passages quasiment identiques. Cette simple remarque permet déjà de répondre à la question : mais qu’est-ce qui doit arriver bientôt ? Tout simplement ce qui se trouve entre ces deux passages, c’est-à-dire Celui qui est au centre de la Révélation transmise par le Livre de l’Apocalypse, « Jésus Christ et son Mystère ». Et de fait, le verset 22,7 donne une réponse semblable : « Je viens bientôt », une affirmation reprise par trois fois en cette fin de l’ouvrage (Ap 22,12 ; 22,20 ; cf. 3,11 ; 2,25). Le retour du Christ est donc tout proche, voilà ce qui doit arriver bientôt… « Bientôt », au Jour que Dieu seul connaît en ce qui concerne la fin du monde (Ac 1,7 ; Mt 24,36), « bientôt », au jour de la mort de chacun d’entre nous, et nul ne sait ni le jour ni l’heure, demain peut-être ?

 IlEsprit Saint y a donc urgence à se convertir, c’est-à-dire à se tourner de tout cœur vers le Christ, ce Christ qui est notre à-venir à tous par-delà notre mort. Mais sa rencontre n’est pas réservée au seul « au-delà ». Bien que nous ne puissions le voir avec nos yeux de chair, Il est là, Présent à notre vie (Mt 28,20), frappant à la porte de notre cœur (Ap 3,20) par sa Parole que l’Esprit Saint ne cesse de nous dire et de nous redire à sa façon à Lui (Jn 15,26 ; 3,8)… Telle est aujourd’hui encore « la voix du Christ » (Jn 5,25), mystérieuse, insaisissable, indescriptible mais synonyme pour celui qui l’accueille de Vie, de Lumière, de Bonheur et de Paix… Alors, « heureux es-tu Simon, fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16,17), par l’action de l’Esprit Saint, source de joie (1Th 1,5-6). « Puis, se tournant vers ses disciples, il leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! » (Mt 16,17 ; Lc 10,23-24). Et « heureux le lecteur et les auditeurs de ces paroles prophétiques s’ils en retiennent le contenu, car le Temps est proche ! »… Il vient bientôt, Celui qui est déjà là, offert en Mystère de Communion par le don de sa Vie (1Jn 1,1-4 ; 1Co 6,17 ; 1Th 5,9-10). Tel est ce Royaume « tout proche » (Mt 3,2 ; 4,17 ; 10,7) qui se propose à notre foi, un Royaume qui est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), Mystère de Communion (2Co 13,13) et de Vie (Ga 5,25 ; Jn 6,63 (TOB)) qui vient soutenir notre espérance (Rm 15,13). « Après tout, cela m’est égal de vivre ou de mourir. Je ne vois pas bien ce que j’aurais de plus après la mort que je n’aie déjà en cette vie. Je verrai le bon Dieu, c’est vrai, mais pour ce qui est d’être avec Lui, j’y suis déjà tout à fait sur cette terre » (Ste Thérèse de Lisieux). « C’est si bon cette Présence de Dieu ! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme que j’aime le trouver puisqu’il ne me quitte jamais… Et vous êtes vous-mêmes la retraite où il s’abrite, la demeure où il se cache… Pensez à ce Dieu qui habite en vous, dont vous êtes le Temple (1Co 3,16-17 ; 6,19 ; Jn 14,23). C’est Saint Paul qui parle ainsi, nous pouvons le croire. Petit à petit, l’âme s’habitue à vivre en sa douce compagnie, elle comprend qu’elle porte en elle un petit ciel où le Dieu d’Amour a fixé son séjour. Alors, c’est comme une atmosphère divine en laquelle elle respire… Ah ! Je voudrais pouvoir dire à toutes les âmes quelles sources de force, de paix et aussi de bonheur, elles trouveraient si elles consentaient à vivre en cette intimité  » (Ste Elisabeth de la Trinité)…Tel est ce « trésor » caché au plus profond de nos cœurs et qui n’est comparable à aucune richesse de cette terre (Mt 13,44-46 ; Sg 7,7-14). Celui ou celle qui le découvre ne peut qu’être profondément « heureux »… Ce mot revient sept fois dans le Livre de l’Apocalypse en signe de Plénitude (Ap 1,3 ; 14,13 ; 16,15 ; 19,9 ; 20,6; 22,7 ; 22,14). Et pourtant, il a été écrit dans un contexte de persécutions et donc de souffrances ! Mais telle est « la Bonne Nouvelle » par excellence : le Christ vient régner au cœur de nos épreuves. Nos croix sont habitées par sa Lumière. « Heureux ceux qui pleurent »… « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,2-12). La persécution ne peut que faire souffrir, pleurer… Mais le soutien réconfortant du Christ ressuscité est source de Consolations… Par amour, Il vient porter avec nous ces fardeaux qui, sans Lui, nous écraseraient (Mt 11,28-30). Et alors même que nous peinons sur les chemins de la vie, Christ est envers et contre tout joie pour celui qui l’accueille. « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos détresses » (2Co 1,3)… Et la Bible de Jérusalem écrit en note : « Cette consolation consiste essentiellement dans la fin de l’épreuve et dans le début d’une ère de paix et de joie » (cf. 1Jn 2,8). « Mais, dans le Nouveau Testament, le monde nouveau est présent au sein du monde ancien et le chrétien uni au Christ est consolé au sein même de sa souffrance »… Et  « Paul insiste constamment sur la présence de réalités antagonistes, voire contradictoires, dans le Christ, l’apôtre et le chrétien : souffrance et consolation, mort et vie, pauvreté et richesse, faiblesse et force. C’est le mystère pascal, la présence du Christ ressuscité au milieu du monde ancien de péché et de mort ».

             Le Père a ainsi envoyé son Fils dans le monde pour nous annoncer cette Bonne Nouvelle de sa Présence inconditionnelle à nos côtés, continuellement offerte pour notre seul bien… A ce titre, le Fils a été « le messager » du Père, Celui qui nous a transmis « les Paroles » de son Père (Jn 17,8 ; 12,50 ; 8,26 ; 15,15). Or, le mot « angélos, ange » signifie en grec « messager ». C’est pour cela que la Bible de Jérusalem écrit en note pour Ap 1,1 : « L’Ange représente probablement le Christ Lui‑même ». Envoyé par le Père, il est venu révéler à « Jean son serviteur » « qui » Il Est grâce à son Père qui l’engendre de toute éternité, et « quelle » est cette œuvre du Père qu’il est venu accomplir dans le cœur et la vie de ceux et celles qui accepteront de l’accueillir. Le Père veut en effet de tout son Etre que tous les hommes soient sauvés (1Tm 2,3-7) et reçoivent par son Fils et par l’action de l’Esprit Saint, le don de sa Vie éternelle (Jn 17,1-3)…

             Jean témoignera alors tout simplement de ce qu’il a vu et entendu, et notamment que « le témoignage de Jésus Christ » est « Parole de Dieu ». La Parole du Christ naît en effet de l’action de Dieu dans sa vie. Elle est témoignage rendu à cette action du Père de qui il reçoit tout, son être et sa vie (Jn 5,26), et sans qui il ne peut rien (Jn 5,19-20.30). Aussi, Jésus ne cesse-t-il de se tourner de tout cœur vers le Père (Jn 1,18) qui est toujours avec Lui (Jn 8,29), uni à Lui dans la communion d’un même Esprit (Jn 10,30), et le Père Lui montre tout ce qu’il fait. « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5,8). Le Fils, vrai Dieu et vrai homme, a un cœur parfaitement pur, et c’est par ce regard du cœur, dans la foi, qu’il voit (Jn 5,19-20 ; 3,31‑32 ; 6,46 ; 8,38) et entend le Père (Jn 5,30 avec note BJ ; 8,26 ; 15,15). Ensuite, il ne fait que témoigner de ce qu’il a vécu, vu et entendu auprès de son Père (Jn 3,31-36 ; 8,14.18 ; 18,37). Et c’est par ce témoignage que le Fils désire nous entraîner dans le mystère de sa relation avec son Père : que nous puissions nous aussi recevoir du Père ce que lui‑même reçoit, que nous puissions vivre nous aussi par Lui, avec Lui et comme Lui en communion avec le Père (Jean 6,57 ; 15,9-11 ; 17,20‑23)… Le Christ était ainsi le premier à vivre le Mystère de ce Royaume des Cieux qu’il n’a cessé d’annoncer. Il fut le « témoin fidèle » (Ap 1,5 ; 3,14) de la Présence du Père au cœur de sa Vie dans un Mystère de Communion qui est justement le Mystère du Royaume…

                                                                                                               D. Jacques Fournier

     

 

 

 

  

 




16ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 19 juillet 2015

 

Jérémie 23, 1-6 (« Je ramènerai le reste de mes brebis ; je susciterai pour elles des pasteurs. « ) 

Dieu rend ses prophètes lucides sur les événements politiques et sociaux. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont prophètes. Ainsi, Jérémie a prévu la déportation des Judéens à Babylone, dont la première se produira en 597 avant notre ère. Il a composé un livret sévère contre les derniers rois de Jérusalem (Jérémie 21 – 22). Nous en lisons ici la conclusion. Dieu condamne l’incompétence de ces souverains, comparés à des pasteurs selon l’image orientale traditionnelle sur les rois. Il est probable que Ézékiel, dans son chapitre 34 sur les pasteurs et les brebis, s’est inspiré de ces pages de Jérémie

  La condamnation n’est pas le dernier mot. Après l’exil et la dispersion, Dieu, vrai souverain, s’occupera personnellement de son peuple. Il lui donnera des bergers dignes de ce nom. Surtout, il suscitera un « Germe », rejeton qui assure la croissance ultérieure. Ce « Germe juste » ressuscitera la dynastie de David. Il est « juste » sous trois aspects : 1) comme descendant légitime de David, 2) parce qu’en son avènement se manifeste la justice de Dieu, la fidélité à ses promesses ; 3) juste, par la qualité de son gouvernement. Son surnom sera « le Seigneur est notre justice ». Le trait est un peu perfide, puisque ce surnom correspond au nom hébreu de Sédécias (« Le Seigneur est justice »), le roi indécis dans ses alliances politiques néfastes et sous le règne duquel Jérémie conclut son livret contre les rois, avant la catastrophe de l’exil à Babylone.

  Le Germe juste, ou rejeton, évoque le plant nouveau issu de la famille de David (cf. Isaïe 11, 1-2), apportant une nouvelle prospérité. Pour les chrétiens, ce Germe sera Jésus, fils de David, berger qui rassemble « les brebis sans berger » (évangile).

 

Éphésiens 2, 13-18 (« Le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité. « )

 

Pour l’auteur, le mystère du Christ se révèle dans une Église qui, à cette époque, unit à égalité des Juifs, issus *d’Israël, et des païens, ici interpellés (« vous »). Rappelons que cet auteur est sans doute, dans les années 80, un disciple de Paul qui entend actualiser le message de l’Apôtre disparu. Ajoutons, en le glosant, le verset qui suit notre lecture : « Vous [chrétiens d’origine païenne] n’êtes plus des étrangers et des immigrés, mais vous êtes concitoyens des saints [chrétiens d’origine juive], et des gens de la famille de Dieu » (Éphésiens 2, 19). Il y a là quelque ironie. Pendant des siècles, les Juifs de la Diaspora ont lutté pour obtenir la pleine citoyenneté dans les pays de l’Empire où ils étaient dispersés. À présent, ce sont les chrétiens d’origine païenne qui demandent leur pleine citoyenneté dans le peuple de Dieu. Toutes ces discriminations n’ont plus d’importance. Dans l’Église, le Christ veut faire de tous « un seul Homme nouveau ». Deux symboles sous-tendent la méditation  déroulée par cette page :

1) Le début et la fin s’appuient sur Isaïe 57, 19. « Ceux qui sont proches » (de Dieu) sont les membres Israël. « Ceux qui sont loin » sont les païens. Mais cela valait pour la période de l’ancienne Alliance. Maintenant, Jésus, le messager de la paix (voir Isaïe 9, 6 ; 52, 7), a réalisé la réconciliation. Il ne l’a pas imposée par la force. Au contraire, acceptant la croix, c’est-à-dire une condamnation proférée par son peuple et le rejetant de fait comme étranger, il a montré que la division menait à la mort.

2) Dans le Temple de Jérusalem, un muret de pierre, assorti de pancartes gravées, séparait le parvis des païens et le parvis d’Israël. L’étranger qui enjambait ce mur était passible de lynchage immédiat. D’un côté, ceux que consacraient « les prescriptions juridiques de la Loi » ; de l’autre, les exclus de l’histoire sainte. Ce « mur de la haine » est aboli. La haine qui a tué Jésus n’avait-elle pas ravalé celui-ci, comme un transfuge, au rang des païens ? 

* Israël. « Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile veut encourager et recommander entre eux la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel (…) En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs » (Vatican ii, L’Église et les religions non chrétiennes, § 4).

 

 

Marc 6, 30-34 (« Ils étaient comme des brebis sans berger. « )

Jésus avait choisi *les Douze, il leur avait révélé le règne de Dieu par ses paraboles et ses miracles. Il les avait envoyés pour accomplir une première expérience missionnaire (cf. dimanche dernier). À présent, il va les associer plus intimement à son activité pour que, par la bouche de Pierre, ils découvrent enfin qu’il est le Christ (Marc 8, 29). 

Le cadre 

« Reposez-vous un peu ». C’est un clin d’œil vers le Psaume 22 du bon berger : « Sur des près d’herbe fraîche il me fait reposer. » Car Jésus va agir en berger d’Israël et comme un nouveau Moïse, médiateur du don de la manne nouvelle, « dans un endroit désert ». 

Un retour de mission 

« Venez à l’écart», dit Jésus. Plusieurs scènes de « retour de mission » reviennent à la fois dans les évangiles (Luc 10, 17-24) et dans les Actes des Apôtres (15, 3-4). Elles comportent toujours deux aspects : elles sont un bilan sur la tâche accomplie ; elles sont un temps d’écoute et de contact avec le Maître en vue de nouvelles missions.

  C’est la seule fois où Marc appellent « *apôtres » ces Douze, parce qu’ils viennent d’être « envoyés », selon le sens du mot apôtre qui n’aura son sens plein qu’après la résurrection du Christ. Pour l’heure, ceux-ci font le rapport de leur prédication (« ils proclamèrent qu’il fallait se convertir »), de leurs exorcismes et guérisons, selon Marc 6, 12-13. On voit combien l’apostolat identifie les envoyés à celui qui les envoie. Comme Jésus (Marc 3, 20), ils n’ont pas le temps de manger, tant sont fortes les sollicitations de ceux qui vont et viennent autour d’eux. Comme lui (Marc 1, 35), ses apôtres cherchent un lieu solitaire pour se ressourcer. 

Un passage 

La mention de la barque fait le lien avec les épisodes précédents de la mission de Jésus (cf. Marc 4, 1.35 ; 5, 18.21) et représente l’Église. Mais notons le pluriel : « ils les virent », et non « ils le virent ». Désormais, Jésus et les Douze sont unis dans la même œuvre. Et, puisque l’on vient « de toutes les villes », la mission concerne tout le peuple d’Israël. Enfin, « l’endroit désert » ne sera pas un lieu anecdotique, mais le « désert » biblique où, par Moïse, Dieu avait guidé, enseigné Israël et lui avait donné la manne. Car notre texte sert d’introduction à la première multiplication des pains (Marc 6, 35-44). 

Vers une nouvelle mission 

La caméra de l’évangéliste revient en gros plan sur Jésus. Il est le modèle des apôtres à qui il dira, dans un instant : « Donnez-leur vous-mêmes à manger  » (Marc 6, 37). Sa pitié pour la foule n’est pas simple sentiment humain, c’est la tendresse du Messie pour ceux vers qui Dieu l’envoie. C’est la tendresse du Pasteur, du bon roi qui doit conduire son peuple (1ère lecture) « par le juste chemin » (Psaume). Dans la tradition juive ancienne, les deux pasteurs modèles sont David (Psaume 77, 70-72) et Moïse (Psaume 76, 21). Jésus est le nouveau Moïse qui commence par instruire son peuple, le nourrissant de sa parole avant de lui multiplier le pain ; nourrir par la Parole et par le Pain, c’est déjà le plan de nos célébrations dominicales.

  Dans ceux qui viennent à lui, Jésus voit « comme des brebis sans berger ». L’expression est récurrente dans l’Ancien Testament, notamment dans un épisode concernant Moïse (Nombres 27, 15-17). Ici, dans la pensée de Jésus, telle que la suppose l’évangéliste, c’est le fait que les maîtres d’Israël, prêtres et pharisiens, ont mal dirigé et mal nourri ceux qui étaient confiés à leurs soins. Bientôt, les Douze vont découvrir la véritable source de leur mission, à savoir le regard de tendresse que Jésus porte sur les gens désemparés (« Il fut saisi de compassion envers eux »). 

* Les Douze et les Apôtres. Les deux titres ne se recouvrent pas. Le cercle des Douze est fondé par Jésus (Marc 3, 13-19) comme les chefs de file d’un Israël (Matthieu 19, 28) qui serait renouvelé par l’accueil de l’Évangile. Après la résurrection du Seigneur, ces Douze, dont le leader est Pierre, restent la référence centrale pour les chrétiens. Mais les apôtres sont un groupe plus large, chargés de mission par le Christ et par les Églises, fondant eux-mêmes des Églises et se réclamant d’abord de Jacques, le frère du Seigneur (1 Corinthiens 5, 7). Ainsi, Paul ne s’égale pas aux Douze, mais se considère comme un apôtre (1 Corinthiens 9, 1-2) Il cite aussi d’autres apôtres ou « délégués » (le terme est flou), restés ignorés par l’histoire (Romains 16, 7). On voit la complexité de l’idée de « succession apostolique ». Dans le missel, on comparera avec fruit les deux préfaces proposées pour les fêtes d’apôtres.

 

 

 

 

 




Rencontre autour de l’Evangile – 16ème dimanche du Temps Ordinaire

« Jésus fut pris de compassion pour la foule parce que ces gens étaient comme des brebis sans berger. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Mc 6, 30-34

Au retour de mission, les apôtres sont fatigués. Jésus les invite à se retirer pour prendre un peu de repos. Mais les foules ne le lâchent plus. 

Regardons-réfléchissons-méditons : 

Pourquoi cette démarche des Apôtres au retour de leur mission ?   

Quel est le souci de Jésus ?  

Qu’est-ce que cela nous révèle de Jésus ?  

Qu’est-ce qui faisait courir les foules après Jésus ? 

Quelle est la réaction de Jésus en débarquant ? 

Par quoi Jésus commence-t-il pour répondre aux attentes de cette foule ?

 

Pour l’animateur

C’est pour rendre compte de leur mission que les disciples rejoignent leur Maître ; c’est l’heure du premier bilan. Démarche importante quand on a reçu une mission. 

Jésus invite ses amis à prendre du recul par rapport au monde pour jouir d’un repos bien mérité : Cela nous révèle la sollicitude de Jésus pour tous ceux qu’il envoie en mission.  

Ces foules courent après Jésus parce qu’ils ont été témoins de sa bonté en le voyant accueillir les gens, guérir  les malades et les infirmes. Jésus ne peut ni ne veut  fuir  cette foule. 

Tout au contraire, Jésus est saisi de pitié (il est ému jusqu’aux entrailles). La compassion de Jésus est comparée à celle d’un berger pour ses brebis. Jésus apparaît comme le Berger divin qui vient enfin prendre le plus grand soin de son peuple. 

Jésus commence par instruire longuement la foule. Avant de lui donner du pain, (la suite du récit) c’est d’abord par sa parole que Jésus nourrit les hommes en abondance. C’est par « la Parole » que Jésus s’efforce de rassembler la foule en un nouveau Peuple de Dieu. 

Dès le début, l’Église a uni dans l’Eucharistie les « deux tables » : celle de la Parole d’abord, puis celle des pains. 

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Jésus, quand nous avons peiné pour la mission, pour témoigner de toi, pour porter aux foules le pain de l’évangile, il est bon de nous retrouver auprès de toi, pour t’en parler, pour te rendre grâce, pour nous reposer.

Tu es le bon Pasteur pour ton peuple. Tu es plein de compassion pour toutes ces foules d’aujourd’hui qui cherchent, qui courent après le bonheur. Donne-nous un cœur semblable au tien, capable de s’émouvoir devant tous ces gens qui ont faim, d’être attentif à leur recherche.

 

TA PAROLE DANS NOTRE VIE

Quand on a reçu une mission d’Église (pour la catéchèse, pour animer un service d’Église, pour un mouvement) il est indispensable de rendre compte de temps en temps à celui qui nous a confié cette responsabilité : sinon on finit par se croire propriétaire de la mission reçue, on devient à soi-même son maître. Posons-nous la question : à qui je rends compte de la responsabilité qui m’a été confiée ? (Une révision de vie apostolique est nécessaire).

Nous sommes envoyés par Jésus dans le monde d’aujourd’hui : nous sommes ses apôtres dans notre famille, dans notre rue, dans notre quartier, ou notre immeuble, ou notre lieu de travail, ce n’est pas chose facile. Nous avons besoin de nous retrouver auprès de lui de temps en temps : pour lui parler de notre vie, de ce que nous avons pu faire pour vivre en chrétien, pour le remercier du travail qu’il a fait dans le cœur des personnes, pour nous ressourcer.

Prenons-nous le temps de faire silence près du Christ, de nous retremper dans son l’intimité ? Peut-être en profitant d’un temps de vacances.

Sommes-nous, comme notre Maître, attentifs aux besoins et aux attentes des gens de notre temps, qui souvent courent, ici et  là, à la recherche d’un miracle, d’une guérison ? Sommes-nous compatissants à leurs souffrances, à leurs problèmes de vie ? Qu’est-ce que nous pouvons leur offrir ? Comme Jésus, est-ce que  nous avons le souci de leur donner la Parole pour nourrir leur foi ?

 

Ensemble prions

Chant : Sur les routes des hommes p. 312

Pour les pasteurs d’Église, afin que l’esprit de sagesse et de discernement leur soit toujours donné pour guider le peuple qui leur est confié, prions le Seigneur.

Tous : Seigneur, entends notre prière.

Pour les parents, les catéchistes, qui s’efforcent de faire connaître le Christ et son Évangile aux enfants, prions le Seigneur

Pour tous ceux qui sont à la recherche d’un sens à leur vie, pour tous ceux qui sont dans la détresse : qu’ils puissent rencontrer sur leur route de vrais témoins du Christ et de sa bonté., prions le Seigneur. 

Pour tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté  : qu’ils soient hommes et femmes de compassion.

 

 
 
 
 
 
 

 

 




17ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 26 juillet 2015

Les liturgies qui ont bâti le lectionnaire des dimanches et fêtes devaient « caser » l’évangile de Jean qui, dans le cycle triennal, ne dispose pas d’une année particulière. Ainsi, laissant Marc du 17e au 21e dimanche B, ils nous livrent l’épisode de la multiplication des pains selon Jean et le riche discours sur le Pain de Vie qui suit le miracle. Ce faisant, ils nous privent cependant de la belle séquence du deuxième évangile appelée « Section des pains » (Marc 6, 14 – 8, 30).

  

2 Rois 4, 42-44 (« On mangera, et il en restera. ») 

On ignore les circonstances de la multiplication des pains opérée par le prophète Élisée, héritier du prophète Élie (cf. 2 Rois 19, 15-21). En effet, ce miracle est le quatrième d’une série de dix légendes (2 Rois 4, 1 – 8, 15) qui, sans grands liens entre elles, ont pour bénéficiaires tantôt des Israélites, tantôt des étrangers. Elles mettent en valeur le rayonnement de « l’homme de Dieu », une manière de désigner les prophètes dans cette littérature, « le voyant » dans d’autres textes. Peut-être l’épisode des pains suggère-t-il ceci : l’esprit de Moïse, par qui la manne fut obtenue dans le désert (Exode 16), opère toujours chez les prophètes aux temps de famine. C’est bien dans le royaume d’Israël, le royaume de Samarie, qu’est promis qu’à chaque génération, un prophète semblable à Moïse serait offert au peuple (Deutéronome 18, 15.19). C’est bien dans cette perspective mosaïque que s’achèvera le récit de la multiplication des pains selon saint Jean : « C’est vraiment lui le grand Prophète » (Jean 6, 14). À titre anecdotique, sigalons que la localité de Baal-Shalisha est sans doute la résidence d’une confrérie de prophètes et que la tradition juive ultérieure célébrera cette région pour la précocité de ses produits agricoles.

  Le récit a servi de schéma aux quatre évangélistes pour raconter la multiplication des pains accomplie par Jésus : la disproportion (accrue dans les évangiles) entre le nombre des pains et celui des convives (ici vingt pains pour cent personnes), l’ordre de les nourrir, l’objection de l’entourage, et la mention des restes.

  Jean (évangile de ce jour) emprunte au récit deux détails : Il s’agit de pains d’orge de la saison pascale qui sont en possession d’un « jeune garçon », allusion au « jeune garçon », serviteur d’Élisée (2 Rois 4, 38). Le don miraculeux des pains signale Élisée comme un prophète authentique. Mais que doit-on attendre d’un prophète tel que Jésus ? C’est sur cette question que s’achèvera le récit de Jean.

 

 

Éphésiens 4, 1-6 (Un seul Corps, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. ) 

Par son chant « Un seul Seigneur » (I 46), Lucien Deiss a imprimé dans la mémoire des communautés chrétiennes, en diverses langues, les fortes paroles baptismales de cette lecture d’Éphésiens. Le baptême est l’entrée dans l’unité du Corps du Christ et de l’Esprit, dans l’unité du Père qui transcende tous nos clivages sociaux ou ethniques. En ce sens, Paul aime citer des extraits d’antiques liturgies baptismales : « Nous avons été baptisés dans l’unique Esprit, en un seul Corps. Tous nous avons été désaltérés par l’unique Esprit » (1 Corinthiens 12, 13).

  C’est Paul, en prison et bientôt martyr, qui est censé écrire cette lettre. En vérité, rappelons-le, nous avons affaire avec l’œuvre d’un disciple de l’Apôtre visant à sauver et à actualiser le message de ce dernier, à la fin du 1er siècle.

  L’encouragement, qui ouvre ici la seconde partie de cette « circulaire », reçoit de l’allusion au baptême une tragique insistance. Le passage devient très parlant si l’on se rappelle le but de l’auteur : inviter les Juifs et les païens qui composent l’Église à vivre dans l’harmonie. Par-delà cette situation première, toute communauté chrétienne se voit conviée à surmonter ses clivages.

  C’est la vocation même de l’Église : tous, ensemble, les chrétiens ont pour mission d’accueillir et de supporter l’autre tel qu’il est, en cultivant humilité, douceur et patience. Grâce à la paix, qui est un point de départ, on conservera l’unité qui est un don de l’Esprit. Car tous s’étaient mis en route, appelés « à une seule espérance », celle d’une réconciliation totale dans le Christ (cf. Éphésiens 1, 10).

  La vocation à s’unir au seul Corps du Christ et à l’unique Esprit s’inscrivait dès le baptême, le même pour tous, reçu une seule fois, et dont l’auteur rappelle les formules liturgiques de l’époque. La célébration baptismale culminait dans l’acclamation du Père qui règne « au-dessus de tous », surmontant, surplombant toute division et se communiquant à tous.

 

 

Jean 6, 1-15 (« Il distribua les pains aux convives, autant qu’ils en voulaient. « ) 

Pour rédiger l’épisode de la multiplication des pains, Jean dispose d’une tradition aussi ancienne que celle des trois autres évangiles, mais une tradition qui connaît quelques détails plus proches du miracle d’Élisée (1ère lecture). Surtout, l’évangéliste centre son récit sur l’initiative de Jésus et accumule des « clignotants » symboliques. Rien n’indique que la foule avait faim. À la différence des autres évangiles, c’est Jésus qui désire la nourrir. C’est sa mission.

La grande foule et l’ironie de Jésus 

1) Premier « clignotant » : un malentendu ! On suit Jésus parce qu’on l’a vu accomplir les signes, à savoir des guérisons. Mais qu’est-ce qu’un « signe » ? Saint Jean ne parle jamais de « miracles » ; il emploie le mot « signes ».  Si un acte est un signe, c’est que cet acte (signe de quoi ?) renvoie à autre chose que ce qu’il produit. Par ses signes, Jésus déclare son amour pour les humains. Certes, les hommes recherchent ses signes : cet homme nous fait tant de bien ! Mais ils ne comprennent pas le signe. Ils en restent à la satisfaction de leurs besoins. Trop intéressés, nous ne comprenons pas que Jésus veut tisser avec nous une relation vivante, qu’il désire se donner, nous donner sa vie. Il donne le pain. Mais il est lui-même le Pain de vie, comme le soulignera le discours qui suit.

2) Deuxième clignotant : la Pâque juive est proche. À la différence des autres évangiles, la chronologie de Jean évoque plusieurs Pâques dans le ministère de Jésus (Jean 2, 13.23 ; 6, 4 ; 11, 55 ; 13, 1 ; 18, 28.39). Jésus est l’agneau pascal, « l’Agneau de Dieu » (Jean 1, 36), qui va « passer de ce monde au Père » (Jean 13, 1).

  C’est le printemps pascal : il y a de l’herbe, selon le Psaume 22 [23], 2, célébrant le Pasteur d’Israël. On a déjà moissonné l’orge, plus précoce que le blé. La fête rappelle la libération de « la grande foule » d’Israël, sa route au désert, soutenue par l’aliment de la manne. D’ailleurs, gravissant la montagne, Jésus n’est-il pas le nouveau Moïse ?

3) Troisième clignotant : « Lui-même savait bien ce qu’il allait faire », déclare Jean, selon sa thèse de l’omniscience de Jésus (Jean 2, 25 ; 4, 44 ; 13, 11) qui sert ici à mettre ses disciples à l’épreuve. Le dialogue fait ressortir, à travers Philippe et André, notre propre naïveté quand nous nous trouvons devant l’œuvre de Jésus.

Le festin 

Sur l’initiative de Jésus, c’est la fête, l’abondance, avec le poisson apprécié comme gâterie. Selon une légende juive ancienne, les cailles qui nourrirent Israël au désert venaient de la mer (Nombres 11, 31) et étaient donc… des poissons. C’est un festin, de la nourriture « autant qu’ils en voulaient ». Et, après le rassasiement général, il y a, littéralement, le « surplus » (traduction meilleure que « restes »), douze paniers, autant qu’il y a de tribus en Israël. D’ailleurs, le nombre des convives, environ « cinq mille » reflète l’organisation du peuple d’Israël au désert (voir Exode 18, 25 ; comparer Marc 6, 44). Mais de quel festin s’agit-il ? Deux clignotants symboliques s’allument de nouveau.

1) Sauf en prévision du sabbat, la manne du désert se consommait au jour le jour : le surplus pourrissait (Exode 16, 19-20). Telle n’est pas la nourriture surabondante de Jésus. Celui-ci n’est-il pas venu « pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10, 10) ?

2) Jésus prend les pains, rend grâce, les distribue. Dans ces expressions, comment les premiers lecteurs chrétiens n’auraient-ils pas perçu une allusion au sacrement de l’eucharistie ? 

Le malentendu 

La foule a compris quelque chose du « signe ». Elle se demande si Jésus n’est pas « le Prophète », c’est-à-dire Moïse, puisqu’il a réédité le miracle de la manne. En effet, la tradition juive attendait le retour de Moïse pour la fin des temps. Il reproduirait les merveilles de l’Exode et libérerait son peuple de l’oppression. À la différence de Marc 6, 43, et comme dans les autres recensions du récit, Jean ne dit rien des restes des poissons, tant il se concentre sur la symbolique du Pain.

  Mais les bénéficiaires du « signe » de la multiplication de pains s’en tiennent à une conséquence économique et politique – que Jésus soit leur roi, une réduction inacceptable pour Jésus qui se retire donc. Il lui faudra un long discours pour expliciter le sens de ce qu’il vient d’accomplir (cf. dimanches suivants). La liturgie de cette année passe par-dessus la marche de Jésus sur les eaux (Jean 6, 16-21), un épisode qui, dans la tradition des quatre évangiles, suit l’épisode de la multiplication des pains, comme le passage de la Mer, dans l’Ancien Testament, était lié au don de la manne au désert.




17ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (26 juillet)

« Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde » (Jn 6,1-15). 

En ce temps-là, Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade.
Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades.
Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples.
Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche.
Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire.
Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. »
Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
« Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »
Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.
Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient.
Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. »
Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. »
Mais Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.

 

 multiplication des pains 1

               

 

         « Une grande foule suivait Jésus, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades. » Et il les entraine sur « la montagne », vers le ciel, vers cette vie de foi où il veut les introduire : un Mystère de Communion avec Lui, dans l’invisible ici-bas de cet Esprit qui ne demande qu’à jaillir en Fleuves d’Eau Vive au plus profond de leurs cœurs (Jn 4,1-14 ; 7,37-39)…

            Les disciples eux aussi cheminent avec Jésus, et il va les inviter ici à aller plus loin… « Où pourrions-nous acheter du pain ? » leur demande-t-il. Mais l’endroit est désert, c’est impossible, et il le sait bien ! Et pourtant, ils ne réagissent pas… Ils vont au contraire calculer aussitôt la somme qui serait nécessaire pour tant de monde : « Le salaire de deux cents journées » de travail… C’est énorme, et bien sûr, ils n’ont pas une telle somme ! Et Jésus là encore le sait bien ! Mais ils ne réagissent toujours pas… Et lui, qui nulle part ailleurs ne se préoccupe « d’acheter » quoique ce soit, fait ici allusion au prophète Isaïe qu’ils connaissent bien : « Même si vous n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez ; venez, achetez sans argent… Ecoutez-moi et mangez ce qui est bon » (Is 55,1-3)… Mais toujours pas de réaction… Certes, « il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »

            Alors Jésus prend les choses en main, jusques dans les moindres détails : comme « il y a beaucoup d’herbe à cet endroit », il les fait asseoir… « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer… Tu prépares la table pour moi » (Ps 23)… Puis, « il prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives », lui-même, en personne… « Il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient ». Surabondance de Dieu, qui témoigne, une nouvelle fois ici, de son incroyable « humanité »…

            « Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. » Bientôt, à l’occasion de cette fête, il se donnera en « Pain de Vie » car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Et c’est ce qui est déjà dit, ici, en acte : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde », pour que tout soit sauvé (cf. Jn 3,16-17 ; 4,42). « Ils les rassemblèrent et remplirent douze paniers », un pour chacun des Douze apôtres que Jésus appellera ensuite à aller dans le monde entier pour que chaque homme puisse recevoir, lui aussi, « le pain de la vie », ce pain qui sauve…                        DJF

                                                                                                                     




Rencontre autour de l’Evangile – 17ème dimanche du Temps Ordinaire

« Ramassez les morceaux qui restent pour que rien ne se perde. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

(Jn 6, 1-15)

Le miracle de la multiplication est raconté par les quatre évangélistes. Jean lui donnera valeur de signe pour préparer les foules à entendre le discours sur le pain de vie.

Remarque importante

La méthode proposée pour le partage est un peu différente : il s’agit d’une contemplation de Jésus. C’est pourquoi nous sommes invités à fixer notre attention d’abord sur lui (ce qu’il fait, ce qu’il dit…) afin d’entrer dans ses pensées, son intention, selon le projet de l’évangéliste qui a écrit pour évangéliser catéchiser les lecteurs. 

 

Regardons Jésus et  suivons-le.

Où se trouve-t-il ? Qui est avec lui ? Quelle est la grande fête qui approche ? Que fait Jésus ?

Quelle est sa préoccupation devant la grande foule qui le suit ?

A qui Jésus s’adresse-t-il ? C’est le même disciple dont la foi sera mise à l’épreuve au chapitre 14, 8-10 ?

Que demande Jésus à ses disciples ? Quels sont les gestes et paroles de Jésus ?

Quelle sera sa réaction devant le comportement de la foule ?

 

Regardons les disciples

La réponse de Philippe  –  L’intervention d’André  –  Les services que Jésus leur demande.

 

Regardons la foule

Pourquoi suit-elle Jésus ? Quelle est sa réaction après avoir mangé à leur faim ?

 

Notons aussi les objets, les chiffres

Les cinq pains d’orge

Les deux poissons

L’herbe abondante

Noter les expressions qui expriment l’abondance. Les morceaux qui restent et les douze paniers.

 

 

Pour l’animateur

Tout le récit est centré  sur Jésus. Il est le personnage qui mène tout ; Il sait ce qu’il va faire. C’est lui qui a l’initiative, même pour la distribution des pains.

La foule qui a faim, la proximité de Pâques, la montagne… ces indications suggèrent un rapprochement avec l’Exode et Moïse. Plus loin, dans le discours à Capharnaüm, il sera question de la manne du désert.

De plus, en situant la multiplication des pains  à l’approche de Pâques, Jean nous fait penser à la Cène et au sacrifice de la Croix. Les paroles et gestes de Jésus pour nourrir la foule font penser à l’Eucharistie (Jésus prit les pains, rend grâce, les distribue). A noter que, comme à la Cène, c’est Jésus lui-même qui distribue, et non les disciples. Contrairement aux autres  évangélistes, ici  la participation des disciples à la réalisation du miracle est réduite. (La question à Philippe, André qui fait signale la présence du jeune garçon avec ses cinq pains d’orge et les deux poissons ; ils font asseoir la foule).

La foule mange à sa faim : Jésus est venu « pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » Les cinq pains d’orge (font penser au miracle d’Elisée à Sarepta (2R4, 42-44) et surtout à la manne du désert.

L’herbe abondante fait penser aux « verts pâturages » du psaume 23 où le messie berger conduira son troupeau.

Les douze paniers pleins des morceaux qui restent : douze (douze tribus du peuple de Dieu, douze apôtres) . Si rien ne doit se perdre, c’est que la vie en abondance apportée par Jésus doit atteindre l’ensemble de l’humanité.

Le récit s’achève sur un malentendu : La foule avait suivi Jésus à cause de tous les miracles qu’elle l’avait vu faire. Jean ne parle pas de miracles, mais de « signes ». Car pour Jésus c’était des signes à travers lesquels il voulait révéler quelque chose de lui-même et de sa mission. A travers le signe de la multiplication des pains,  Jésus a voulu faire comprendre quelque chose de son identité et de son enracinement dans l’histoire d’Israël. Il est bien le prophète annoncé par Moïse (« Yahvé, ton Dieu, suscitera pour toi, du milieu de toi, un prophète comme moi que vous écouterez. » Dt 18,15). Mais les juifs comprenaient un messie terrestre. C’est pourquoi Jésus s’enfuit, quand il voit les intentions de la foule. Plus tard il dira : « Mon Royaume n’est pas de ce monde. »

On peut noter que Jean, très habilement, superpose trois moments différents : Le temps d’Exode, la rencontre historique de la foule avec Jésus, et le temps de l’Église (avec l’eucharistie) : la même question demeure : Comment croire en Dieu ? dans le désert (avec le signe de la manne).à travers l’Incarnation (le « signe » de Jésus) ; dans l’Église (le « signe » de l’eucharistie). Suivre Jésus, c’est qu’a fait la foule. Oui, mais pourquoi ?

 

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, tu es le nouveau Moïse. Tu es venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance. Tu es venu nous le faire comprendre à travers des signes. Ouvre nos cœurs et nos intelligences pour que nous les accueillions avec foi et amour.

 

 TA PAROLE DANS NOTRE VIE

L’attention de Jésus à la faim de la foule qui le suit.

De quoi les gens ont faim autour de nous ?

Le jeune garçon à mis ce qu’il avait à la disposition de Jésus 

Et nous : qu’est-ce que nous pouvons mettre à sa disposition pour que sa vie en abondance nourrisse nos frères. La multiplication des pains se réalise pour nous à chaque eucharistie.

Comment vivons-nous ces rencontres avec le Christ ? Arrivons-nous à l’heure ? Est-ce que nous prenons le temps de préparer les lectures la veille ? Recevoir le Christ, pain partagé, nous amène-t-il à devenir des hommes et des femmes de partage, attentifs aux besoins de nos frères ?        

 

Ensemble prions

Chant : Pain de vie  (carnet des paroisses p.132   c.1,2,4)

 

Seigneur Jésus,

Tu as nourri les foules qui avaient faim de ta Parole.

Lorsqu’il nous semble que nous avons si peu à donner

à nos frères les hommes,

viens nous apprendre à partager.

Tu as besoin de nous pour nourrir aujourd’hui

ceux qui ont faim d’amour, de justice et de dignité.

Apprends-nous à communiquer la vie que

tu nous donnes en abondance,

toi le vivant pour les siècles des siècles.

 

 
 
 
 
 
 

 

 




16ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (19 juillet)

« Le Seigneur est mon berger » (Mc 6,30-34)

 En ce temps-là, après leur première mission, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné.
Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger.
Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart.
Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.

16ième dimanche temps ordinaire

 

             Les Apôtres reviennent de mission. « Ils se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné ». Et ils sont fatigués… Jésus le voit, et il va aller au-devant de leurs besoins, avant même qu’ils lui aient demandé quoique ce soit… Son attitude confirme ici ce qu’il leur avait dit un jour : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles, ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas. Car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l’ayez demandé ». Or, « moi et le Père, nous sommes un » (Mt 6,7-8 ; Jn 10,30)), unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour. La Lumière de l’Amour qui brille dans les yeux de Jésus est donc la même que celle du Père… Ils sont fatigués, ils n’ont rien demandé : « Venez à l’écart et reposez vous un peu »… « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer » (Ps 23)…

            « Venez à l’écart »… En effet, « ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger ». Jésus, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), vrai Dieu et vrai homme, est le plus humain qui soit. Et nous le voyons se préoccuper ici, très concrètement, de ses disciples : qu’ils puissent bien manger et bien se reposer… Et il fera de même un peu plus tard avec la foule venue à sa rencontre pour l’écouter, en plein désert… Ils ne lui demanderont rien, mais Jésus, voyant leurs besoins, accomplira pour eux la première multiplication des pains (Mc 6,35-44)…

            « Les disciples partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l’écart »… Mais en regardant la direction qu’ils prennent, les gens devinent l’endroit où ils vont accoster. Ils courent sur le bord du lac et arrivent avant eux… Dans leur vie d’hommes et de femmes, ils sont « comme des brebis sans berger », perdus dans ce monde si souvent difficile, ne sachant sur qui compter. Lorsque Jésus débarque, il voit cette grande foule, il perçoit leur détresse, et, littéralement, écrit St Marc, « il fut remué jusqu’aux entrailles », bouleversé de compassion jusqu’au plus profond de lui-même… Aussi va-t-il aller au devant de leurs besoins, avant même qu’ils lui aient demandé quoique ce soit, et « il se mit à les instruire longuement. » Il leur parlera du Père, de son Amour pour tous les hommes, de sa Présence agissante à leur côté, certes invisible à leurs yeux de chair, mais puissante en leur cœur, par le Don de l’Esprit… Alors, confiance et paix…           DJF

               

                                                                              




15ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 12 juillet 2015

 

Amos 7, 12-15 (« Va, tu seras prophète pour mon peuple. « )

 

Il existait, dans l’Antiquité biblique, un métier de prophète, à côté des sages (ou scribes) et des prêtres. Certains prophètes racontaient leurs visions – d’où leur désignation comme « voyants » – et ils délivraient leurs oracles dans les sanctuaires, sous le contrôle des prêtres. D’autres étaient des conseillers religieux et politiques du roi, tel Natan auprès de David. Parfois groupés en confréries (cf. 1 Rois 20, 35), on les appelait « fils de prophètes ». Or, Amos reconnaît qu’il n’est « pas prophète ni fils de prophète ».

  Amos est doublement un nouveau type de prophète, le plus ancien des « prophètes écrivains », comme ensuite Isaïe ou Jérémie, à la différence des anciens voyants Élie et Élisée. D’abord, Dieu choisit Amos et l’envoie alors qu’il n’est pas du métier. Éleveur et arboriculteur (itinérant ?), « inciseur de sycomores » (pour hâter la maturité ?), Amos se signale par une solide sagesse populaire, par une verdeur de langage calculée et une fine connaissance de la politique qui ne peut venir d’un simple bouvier. En second lieu, alors qu’il est de Judée, de Téqoa, près de Bethléem (Amos 1, 1), Dieu l’envoie hors de sa patrie, dans le royaume de Samarie, le royaume du Nord, et dans son grand sanctuaire de Béthel. Il doit y dénoncer la corruption sociale et religieuse, alors que ce pays est à l’apogée de sa prospérité, sous le long règne de Jéroboam II (787-747). Dieu ne connaît pas de frontières. Il appelle tous les hommes à la conversion et il demande à ses envoyés de transgresser ces frontières.

  Un jour, c’est à toutes les nations, sans distinction, que le Christ ressuscité enverra ses messagers, Mais, au départ, c’est dans la campagne galiléenne, leur pays, que Jésus envoie les Douze (évangile).

 

 

Éphésiens 1, 3-14 (Dieu nous a choisis depuis toujours.)

 

Une solennelle bénédiction préface cet écrit, rédigé par un disciple, inconnu, de Paul et réactualisant le message de l’Apôtre. Les trois premières lignes en annoncent le thème qui sera repris en de multiples variations. Le Dieu que nous bénissons est le Père du Seigneur et Messie Jésus. Il est « au ciel », lieu symbolique qui échappe aux fluctuations de l’histoire. De là-haut, il a planifié son projet : nous donner la pluie des « bénédictions de l’Esprit, dans le Christ ». Cette bénédiction se déploie ici en six mouvements :

(1) Dieu a pensé à nous choisir et à nous unir au Christ avant même la création.

(2) Il nous a destinés à devenir ses enfants, frères du Christ.

(3) Cela s’est réalisé par l’effusion d’un sang rédempteur (de la croix).

(4) Ce projet vise, au terme, à redonner à l’univers divisé une nouvelle unité sous une seule Tête, le Christ.

(5) Depuis toujours, Dieu nous avait destinés à être les bénéficiaires et les témoins de cette réunification.

(6) Nous en faisons déjà l’expérience grâce à l’Esprit Saint reçu au baptême.

  Cette symphonie spirituelle est ponctuée par de joyeux coups de trompette soulignant le bonheur de notre vocation : Nous sommes « en lui » (dans le Christ), « à la louange de la gloire » de Dieu, « dans l’amour ». Le texte reprend et adapte *une prière de la synagogue juive pour exprimer le mystère profond de l’Église. On remarquera notamment, comme dans notre lecture, la répétition de l’expression « dans l’amour ».

 

* Une prière de la synagogue. « D’un amour éternel tu nous as aimés, Seigneur, notre Dieu; d’une pitié grande et surabondante, tu as eu pitié de nous, notre Père, notre Roi (…) Notre Père, Père des miséricordes, miséricordieux, fais-nous miséricorde et donne à nos cœurs de discerner et de comprendre, d’entendre, d’être instruits et d’instruire, de garder, d’accomplir et de rendre stables toutes les paroles de l’instruction de ta Loi, dans l’amour. Illumine nos yeux dans ta Loi, attache nos cœurs à tes préceptes et unifie nos cœurs dans l’amour et la crainte de ton nom. Fais-nous entrer dans la paix des quatre extrémités de la terre, et conduis-nous, la tête haute, dans notre terre. Car tu es le Dieu qui accorde le salut et tu nous as choisis de tout peuple et de toute langue, et tu nous as fait approcher de ton grand nom pour toujours en vérité, pour te louer et proclamer ton unité dans l’amour. Béni sois-tu, Seigneur, qui as choisi ton peuple Israël dans l’amour » (Prière juive matinale, « D’un grand amour »).

 

 

Marc 6, 7-13 (« Il commença à les envoyer. »)

 

Jésus avait choisi les Douze « pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais » (Marc 3, 13-15). Ils viennent de vivre avec lui un compagnonnage suffisamment riche pour qu’il puisse à présent leur confier une première mission à travers la Galilée. Celle-ci préfigure leur futur *envoi, après la résurrection du Seigneur, quoique Marc n’en parle pas, son évangile authentique s’achevant de manière laconique en Marc 16, 8. Déjà il leur partage son pouvoir sur les forces du mal. Déjà ils vont deux par eux, comme plus tard Pierre et Jean ou Paul et Barnabé, car, dans le cadre juif, deux personnes sont requises pour assurer la vérité d’un témoignage. 

Partir avec un maigre trousseau 

Ceux qui annoncent le règne de Dieu éviteront tout « gadget » publicitaire. Par leur dénuement, ils montreront qu’ils mettent leur confiance en la seule puissance de ce Règne. Mais le dépouillement sera réaliste, adapté aux situations. On le voit bien si on compare ces instructions à leurs versions parallèles en Matthieu 10, 9-10, en Luc 9, 3 et 10, 4, de recensions plus anciennes ou plus idéalistes. Ce qui était possible en Galilée au temps de Jésus ne l’est plus au temps de Marc. Les prédicateurs ont droit désormais à des sandales et à un bâton, car les voyages missionnaires deviennent plus longs et les routes peu sûres. Comparer aussi Luc 22, 35-36.

  En revanche, pour la subsistance quotidienne, les prescriptions demeurent : ni provisions, ni argent, ni vêtement de rechange. Ces étranges voyageurs qui n’ont rien à vendre devront compter sur l’accueil de l’habitant. Car leurs hôtes, en les recevant, montreront que c’est le règne de Dieu qu’ils devinent et reçoivent à travers eux, comme dans l’épisode de la visite de Pierre chez Corneille, en Actes 10 – 11. « Quiconque vous donnera à boire une coupe d’eau pour le nom que vous êtes “du Christ”, amen ! je vous dis qu’il ne perdra pas sa récompense » (Marc 9, 41). 

Se faire accueillir 

Le messager se livre à l’accueil ou au refus des libertés humaines. En se fixant passagèrement dans une maison hospitalière, il espère que celle-ci deviendra à son tour un centre de rayonnement de l’Évangile, telle la demeure de dame Lydie en Actes 16, 13-15. Au contraire, on devra témoigner aux localités peu accueillantes qu’elles manquent une occasion de bienfaits. Certains Juifs secouaient la poussière de leurs pieds lorsqu’ils passaient d’une terre païenne en Terre sainte, pour ne pas souiller celle-ci par une poussière impure. Ce sera pour ceux qui refusent l’Évangile « un témoignage », le signe qu’ils ont manqué leur chance de devenir un peuple saint. Paul et Barnabé poseront ce geste symbolique en quittant Antioche de Pisidie (Actes 13, 51), cette fois contre les Juifs s’opposant au succès de l’Évangile parmi les païens. 

Ils partirent 

Au total, Marc mêle les souvenirs de ce qui se faisait au temps de Jésus et les pratiques ultérieures des missionnaires de sa propre Église. Cette généralisation se traduit, à la fin de la page, par le passage des verbes à l’imparfait, comme des pratiques coutumières. Ces envoyés, après Pâques, n’annoncent plus le règne de Dieu, comme le faisait Jésus (Marc 1, 14-15). Ils appellent à la conversion au Christ, ils exorcisent et guérissent, comme lui ; mais ils ne négligent pas l’usage tout humain de l’huile, un produit fréquemment utilisé comme remède dans la médecine antique. Il ne s’agit nullement du sacrement de « l’extrême onction ».

 

* L’envoi. Après le départ de Jésus, la mission des disciples s’exerça principalement dans les maisons qui cherchaient à savoir, avec sympathie, ce que ces chrétiens « avaient dans le ventre » puis dans les synagogues. Ces premiers témoins chrétiens étant juifs d’origine, la synagogue était pour eux le cadre idéal où ils pouvaient atteindre une communauté constituée de Juifs et de païens sympathisants du judaïsme. À partir des lectures bibliques du sabbat, la Loi et les Prophètes, ils expliquaient que Jésus, le Messie, accomplissait les promesses des saintes Écritures. Dans les maisons, ils rejoignaient la base du tissu social et créaient des réseaux de convertis. Il y eut un troisième lieu, plus inattendu, les tribunaux où les chrétiens devaient s’expliquer sur la nouveauté inquiétante, aux yeux des autorités politiques, de leur mouvement et ils donnaient ainsi une extraordinaire publicité à l’Évangile (voir Luc 21, 12-15 ; Actes 4, 4-12 ; 24, 10-21). Les situations et les moyens de communication changent. Mais la Mission continue. Les témoins du Christ cherchent tous les lieux de l’existence humaine, tous les médias, où l’Évangile peut se faire entendre.