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Le prologue du Livre de l’Apocalypse (Ap 1,1-3)

    « Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt; Il envoya son Ange pour la faire connaître à Jean son serviteur, lequel a attesté la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ : toutes ses visions. Heureux le lecteur et les auditeurs de ces paroles prophétiques s’ils en retiennent le contenu, car le Temps est proche ! »

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            Dès le premier verset, Dieu le Père apparaît comme celui qui révèle son Fils en lui donnant de se manifester aux « serviteurs » qu’il a choisis. La « révélation de Jésus Christ » est donc toute à la fois une Révélation qui vient par le Christ et qui porte sur son Mystère. Les « serviteurs » seront ainsi avant tout « les témoins » de ce qu’ils auront perçu du Mystère du Christ (Lc 24,44-48 ; Ac 1,21‑22 ; 26,12-18 ; 22,12-15).

            L’expression grecque « en takhei » traduite par « bientôt » dans nos Bibles n’apparaît que deux fois dans le Livre de l’Apocalypse : ici, au tout début (1,1), et à la fin en 22,6. Comparons ces deux passages :

 

Ap 1,1-3 : Révélation de Jésus Christ :

            Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt.

            Il la fit connaître

                        en envoyant son ange à Jean son serviteur,

                        lequel a attesté comme Parole de Dieu et témoignage de Jésus Christ

                                   tout ce qu’il a vu.

            Heureux celui qui lit, et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie

                        et gardent ce qui s’y trouve écrit,

            car le temps est proche.

 

Ap 22,6-8a.10 : Ces paroles sont certaines et véridiques ;

            le Seigneur, le Dieu des esprits des prophètes, a envoyé son ange,

            pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt. 

            Voici, je viens bientôt.

            Heureux celui qui garde les paroles prophétiques de ce livre. 

            Moi, Jean, j’ai entendu et j’ai vu cela…

            Ne garde pas secrètes les paroles prophétiques de ce livre,

                        car le temps est proche.

 

            Les ressemblances sont donc nombreuses. Nous avons là ce que l’on appelle « une inclusion » au sens où tout le Livre de l’Apocalypse est « inclus » entre ces deux passages quasiment identiques. Cette simple remarque permet déjà de répondre à la question : mais qu’est-ce qui doit arriver bientôt ? Tout simplement ce qui se trouve entre ces deux passages, c’est-à-dire Celui qui est au centre de la Révélation transmise par le Livre de l’Apocalypse, « Jésus Christ et son Mystère ». Et de fait, le verset 22,7 donne une réponse semblable : « Je viens bientôt », une affirmation reprise par trois fois en cette fin de l’ouvrage (Ap 22,12 ; 22,20 ; cf. 3,11 ; 2,25). Le retour du Christ est donc tout proche, voilà ce qui doit arriver bientôt… « Bientôt », au Jour que Dieu seul connaît en ce qui concerne la fin du monde (Ac 1,7 ; Mt 24,36), « bientôt », au jour de la mort de chacun d’entre nous, et nul ne sait ni le jour ni l’heure, demain peut-être ?

 IlEsprit Saint y a donc urgence à se convertir, c’est-à-dire à se tourner de tout cœur vers le Christ, ce Christ qui est notre à-venir à tous par-delà notre mort. Mais sa rencontre n’est pas réservée au seul « au-delà ». Bien que nous ne puissions le voir avec nos yeux de chair, Il est là, Présent à notre vie (Mt 28,20), frappant à la porte de notre cœur (Ap 3,20) par sa Parole que l’Esprit Saint ne cesse de nous dire et de nous redire à sa façon à Lui (Jn 15,26 ; 3,8)… Telle est aujourd’hui encore « la voix du Christ » (Jn 5,25), mystérieuse, insaisissable, indescriptible mais synonyme pour celui qui l’accueille de Vie, de Lumière, de Bonheur et de Paix… Alors, « heureux es-tu Simon, fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16,17), par l’action de l’Esprit Saint, source de joie (1Th 1,5-6). « Puis, se tournant vers ses disciples, il leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! » (Mt 16,17 ; Lc 10,23-24). Et « heureux le lecteur et les auditeurs de ces paroles prophétiques s’ils en retiennent le contenu, car le Temps est proche ! »… Il vient bientôt, Celui qui est déjà là, offert en Mystère de Communion par le don de sa Vie (1Jn 1,1-4 ; 1Co 6,17 ; 1Th 5,9-10). Tel est ce Royaume « tout proche » (Mt 3,2 ; 4,17 ; 10,7) qui se propose à notre foi, un Royaume qui est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), Mystère de Communion (2Co 13,13) et de Vie (Ga 5,25 ; Jn 6,63 (TOB)) qui vient soutenir notre espérance (Rm 15,13). « Après tout, cela m’est égal de vivre ou de mourir. Je ne vois pas bien ce que j’aurais de plus après la mort que je n’aie déjà en cette vie. Je verrai le bon Dieu, c’est vrai, mais pour ce qui est d’être avec Lui, j’y suis déjà tout à fait sur cette terre » (Ste Thérèse de Lisieux). « C’est si bon cette Présence de Dieu ! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme que j’aime le trouver puisqu’il ne me quitte jamais… Et vous êtes vous-mêmes la retraite où il s’abrite, la demeure où il se cache… Pensez à ce Dieu qui habite en vous, dont vous êtes le Temple (1Co 3,16-17 ; 6,19 ; Jn 14,23). C’est Saint Paul qui parle ainsi, nous pouvons le croire. Petit à petit, l’âme s’habitue à vivre en sa douce compagnie, elle comprend qu’elle porte en elle un petit ciel où le Dieu d’Amour a fixé son séjour. Alors, c’est comme une atmosphère divine en laquelle elle respire… Ah ! Je voudrais pouvoir dire à toutes les âmes quelles sources de force, de paix et aussi de bonheur, elles trouveraient si elles consentaient à vivre en cette intimité  » (Ste Elisabeth de la Trinité)…Tel est ce « trésor » caché au plus profond de nos cœurs et qui n’est comparable à aucune richesse de cette terre (Mt 13,44-46 ; Sg 7,7-14). Celui ou celle qui le découvre ne peut qu’être profondément « heureux »… Ce mot revient sept fois dans le Livre de l’Apocalypse en signe de Plénitude (Ap 1,3 ; 14,13 ; 16,15 ; 19,9 ; 20,6; 22,7 ; 22,14). Et pourtant, il a été écrit dans un contexte de persécutions et donc de souffrances ! Mais telle est « la Bonne Nouvelle » par excellence : le Christ vient régner au cœur de nos épreuves. Nos croix sont habitées par sa Lumière. « Heureux ceux qui pleurent »… « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,2-12). La persécution ne peut que faire souffrir, pleurer… Mais le soutien réconfortant du Christ ressuscité est source de Consolations… Par amour, Il vient porter avec nous ces fardeaux qui, sans Lui, nous écraseraient (Mt 11,28-30). Et alors même que nous peinons sur les chemins de la vie, Christ est envers et contre tout joie pour celui qui l’accueille. « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos détresses » (2Co 1,3)… Et la Bible de Jérusalem écrit en note : « Cette consolation consiste essentiellement dans la fin de l’épreuve et dans le début d’une ère de paix et de joie » (cf. 1Jn 2,8). « Mais, dans le Nouveau Testament, le monde nouveau est présent au sein du monde ancien et le chrétien uni au Christ est consolé au sein même de sa souffrance »… Et  « Paul insiste constamment sur la présence de réalités antagonistes, voire contradictoires, dans le Christ, l’apôtre et le chrétien : souffrance et consolation, mort et vie, pauvreté et richesse, faiblesse et force. C’est le mystère pascal, la présence du Christ ressuscité au milieu du monde ancien de péché et de mort ».

             Le Père a ainsi envoyé son Fils dans le monde pour nous annoncer cette Bonne Nouvelle de sa Présence inconditionnelle à nos côtés, continuellement offerte pour notre seul bien… A ce titre, le Fils a été « le messager » du Père, Celui qui nous a transmis « les Paroles » de son Père (Jn 17,8 ; 12,50 ; 8,26 ; 15,15). Or, le mot « angélos, ange » signifie en grec « messager ». C’est pour cela que la Bible de Jérusalem écrit en note pour Ap 1,1 : « L’Ange représente probablement le Christ Lui‑même ». Envoyé par le Père, il est venu révéler à « Jean son serviteur » « qui » Il Est grâce à son Père qui l’engendre de toute éternité, et « quelle » est cette œuvre du Père qu’il est venu accomplir dans le cœur et la vie de ceux et celles qui accepteront de l’accueillir. Le Père veut en effet de tout son Etre que tous les hommes soient sauvés (1Tm 2,3-7) et reçoivent par son Fils et par l’action de l’Esprit Saint, le don de sa Vie éternelle (Jn 17,1-3)…

             Jean témoignera alors tout simplement de ce qu’il a vu et entendu, et notamment que « le témoignage de Jésus Christ » est « Parole de Dieu ». La Parole du Christ naît en effet de l’action de Dieu dans sa vie. Elle est témoignage rendu à cette action du Père de qui il reçoit tout, son être et sa vie (Jn 5,26), et sans qui il ne peut rien (Jn 5,19-20.30). Aussi, Jésus ne cesse-t-il de se tourner de tout cœur vers le Père (Jn 1,18) qui est toujours avec Lui (Jn 8,29), uni à Lui dans la communion d’un même Esprit (Jn 10,30), et le Père Lui montre tout ce qu’il fait. « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5,8). Le Fils, vrai Dieu et vrai homme, a un cœur parfaitement pur, et c’est par ce regard du cœur, dans la foi, qu’il voit (Jn 5,19-20 ; 3,31‑32 ; 6,46 ; 8,38) et entend le Père (Jn 5,30 avec note BJ ; 8,26 ; 15,15). Ensuite, il ne fait que témoigner de ce qu’il a vécu, vu et entendu auprès de son Père (Jn 3,31-36 ; 8,14.18 ; 18,37). Et c’est par ce témoignage que le Fils désire nous entraîner dans le mystère de sa relation avec son Père : que nous puissions nous aussi recevoir du Père ce que lui‑même reçoit, que nous puissions vivre nous aussi par Lui, avec Lui et comme Lui en communion avec le Père (Jean 6,57 ; 15,9-11 ; 17,20‑23)… Le Christ était ainsi le premier à vivre le Mystère de ce Royaume des Cieux qu’il n’a cessé d’annoncer. Il fut le « témoin fidèle » (Ap 1,5 ; 3,14) de la Présence du Père au cœur de sa Vie dans un Mystère de Communion qui est justement le Mystère du Royaume…

                                                                                                               D. Jacques Fournier

     

 

 

 

  

 




16ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 19 juillet 2015

 

Jérémie 23, 1-6 (« Je ramènerai le reste de mes brebis ; je susciterai pour elles des pasteurs. « ) 

Dieu rend ses prophètes lucides sur les événements politiques et sociaux. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont prophètes. Ainsi, Jérémie a prévu la déportation des Judéens à Babylone, dont la première se produira en 597 avant notre ère. Il a composé un livret sévère contre les derniers rois de Jérusalem (Jérémie 21 – 22). Nous en lisons ici la conclusion. Dieu condamne l’incompétence de ces souverains, comparés à des pasteurs selon l’image orientale traditionnelle sur les rois. Il est probable que Ézékiel, dans son chapitre 34 sur les pasteurs et les brebis, s’est inspiré de ces pages de Jérémie

  La condamnation n’est pas le dernier mot. Après l’exil et la dispersion, Dieu, vrai souverain, s’occupera personnellement de son peuple. Il lui donnera des bergers dignes de ce nom. Surtout, il suscitera un « Germe », rejeton qui assure la croissance ultérieure. Ce « Germe juste » ressuscitera la dynastie de David. Il est « juste » sous trois aspects : 1) comme descendant légitime de David, 2) parce qu’en son avènement se manifeste la justice de Dieu, la fidélité à ses promesses ; 3) juste, par la qualité de son gouvernement. Son surnom sera « le Seigneur est notre justice ». Le trait est un peu perfide, puisque ce surnom correspond au nom hébreu de Sédécias (« Le Seigneur est justice »), le roi indécis dans ses alliances politiques néfastes et sous le règne duquel Jérémie conclut son livret contre les rois, avant la catastrophe de l’exil à Babylone.

  Le Germe juste, ou rejeton, évoque le plant nouveau issu de la famille de David (cf. Isaïe 11, 1-2), apportant une nouvelle prospérité. Pour les chrétiens, ce Germe sera Jésus, fils de David, berger qui rassemble « les brebis sans berger » (évangile).

 

Éphésiens 2, 13-18 (« Le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité. « )

 

Pour l’auteur, le mystère du Christ se révèle dans une Église qui, à cette époque, unit à égalité des Juifs, issus *d’Israël, et des païens, ici interpellés (« vous »). Rappelons que cet auteur est sans doute, dans les années 80, un disciple de Paul qui entend actualiser le message de l’Apôtre disparu. Ajoutons, en le glosant, le verset qui suit notre lecture : « Vous [chrétiens d’origine païenne] n’êtes plus des étrangers et des immigrés, mais vous êtes concitoyens des saints [chrétiens d’origine juive], et des gens de la famille de Dieu » (Éphésiens 2, 19). Il y a là quelque ironie. Pendant des siècles, les Juifs de la Diaspora ont lutté pour obtenir la pleine citoyenneté dans les pays de l’Empire où ils étaient dispersés. À présent, ce sont les chrétiens d’origine païenne qui demandent leur pleine citoyenneté dans le peuple de Dieu. Toutes ces discriminations n’ont plus d’importance. Dans l’Église, le Christ veut faire de tous « un seul Homme nouveau ». Deux symboles sous-tendent la méditation  déroulée par cette page :

1) Le début et la fin s’appuient sur Isaïe 57, 19. « Ceux qui sont proches » (de Dieu) sont les membres Israël. « Ceux qui sont loin » sont les païens. Mais cela valait pour la période de l’ancienne Alliance. Maintenant, Jésus, le messager de la paix (voir Isaïe 9, 6 ; 52, 7), a réalisé la réconciliation. Il ne l’a pas imposée par la force. Au contraire, acceptant la croix, c’est-à-dire une condamnation proférée par son peuple et le rejetant de fait comme étranger, il a montré que la division menait à la mort.

2) Dans le Temple de Jérusalem, un muret de pierre, assorti de pancartes gravées, séparait le parvis des païens et le parvis d’Israël. L’étranger qui enjambait ce mur était passible de lynchage immédiat. D’un côté, ceux que consacraient « les prescriptions juridiques de la Loi » ; de l’autre, les exclus de l’histoire sainte. Ce « mur de la haine » est aboli. La haine qui a tué Jésus n’avait-elle pas ravalé celui-ci, comme un transfuge, au rang des païens ? 

* Israël. « Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile veut encourager et recommander entre eux la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel (…) En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs » (Vatican ii, L’Église et les religions non chrétiennes, § 4).

 

 

Marc 6, 30-34 (« Ils étaient comme des brebis sans berger. « )

Jésus avait choisi *les Douze, il leur avait révélé le règne de Dieu par ses paraboles et ses miracles. Il les avait envoyés pour accomplir une première expérience missionnaire (cf. dimanche dernier). À présent, il va les associer plus intimement à son activité pour que, par la bouche de Pierre, ils découvrent enfin qu’il est le Christ (Marc 8, 29). 

Le cadre 

« Reposez-vous un peu ». C’est un clin d’œil vers le Psaume 22 du bon berger : « Sur des près d’herbe fraîche il me fait reposer. » Car Jésus va agir en berger d’Israël et comme un nouveau Moïse, médiateur du don de la manne nouvelle, « dans un endroit désert ». 

Un retour de mission 

« Venez à l’écart», dit Jésus. Plusieurs scènes de « retour de mission » reviennent à la fois dans les évangiles (Luc 10, 17-24) et dans les Actes des Apôtres (15, 3-4). Elles comportent toujours deux aspects : elles sont un bilan sur la tâche accomplie ; elles sont un temps d’écoute et de contact avec le Maître en vue de nouvelles missions.

  C’est la seule fois où Marc appellent « *apôtres » ces Douze, parce qu’ils viennent d’être « envoyés », selon le sens du mot apôtre qui n’aura son sens plein qu’après la résurrection du Christ. Pour l’heure, ceux-ci font le rapport de leur prédication (« ils proclamèrent qu’il fallait se convertir »), de leurs exorcismes et guérisons, selon Marc 6, 12-13. On voit combien l’apostolat identifie les envoyés à celui qui les envoie. Comme Jésus (Marc 3, 20), ils n’ont pas le temps de manger, tant sont fortes les sollicitations de ceux qui vont et viennent autour d’eux. Comme lui (Marc 1, 35), ses apôtres cherchent un lieu solitaire pour se ressourcer. 

Un passage 

La mention de la barque fait le lien avec les épisodes précédents de la mission de Jésus (cf. Marc 4, 1.35 ; 5, 18.21) et représente l’Église. Mais notons le pluriel : « ils les virent », et non « ils le virent ». Désormais, Jésus et les Douze sont unis dans la même œuvre. Et, puisque l’on vient « de toutes les villes », la mission concerne tout le peuple d’Israël. Enfin, « l’endroit désert » ne sera pas un lieu anecdotique, mais le « désert » biblique où, par Moïse, Dieu avait guidé, enseigné Israël et lui avait donné la manne. Car notre texte sert d’introduction à la première multiplication des pains (Marc 6, 35-44). 

Vers une nouvelle mission 

La caméra de l’évangéliste revient en gros plan sur Jésus. Il est le modèle des apôtres à qui il dira, dans un instant : « Donnez-leur vous-mêmes à manger  » (Marc 6, 37). Sa pitié pour la foule n’est pas simple sentiment humain, c’est la tendresse du Messie pour ceux vers qui Dieu l’envoie. C’est la tendresse du Pasteur, du bon roi qui doit conduire son peuple (1ère lecture) « par le juste chemin » (Psaume). Dans la tradition juive ancienne, les deux pasteurs modèles sont David (Psaume 77, 70-72) et Moïse (Psaume 76, 21). Jésus est le nouveau Moïse qui commence par instruire son peuple, le nourrissant de sa parole avant de lui multiplier le pain ; nourrir par la Parole et par le Pain, c’est déjà le plan de nos célébrations dominicales.

  Dans ceux qui viennent à lui, Jésus voit « comme des brebis sans berger ». L’expression est récurrente dans l’Ancien Testament, notamment dans un épisode concernant Moïse (Nombres 27, 15-17). Ici, dans la pensée de Jésus, telle que la suppose l’évangéliste, c’est le fait que les maîtres d’Israël, prêtres et pharisiens, ont mal dirigé et mal nourri ceux qui étaient confiés à leurs soins. Bientôt, les Douze vont découvrir la véritable source de leur mission, à savoir le regard de tendresse que Jésus porte sur les gens désemparés (« Il fut saisi de compassion envers eux »). 

* Les Douze et les Apôtres. Les deux titres ne se recouvrent pas. Le cercle des Douze est fondé par Jésus (Marc 3, 13-19) comme les chefs de file d’un Israël (Matthieu 19, 28) qui serait renouvelé par l’accueil de l’Évangile. Après la résurrection du Seigneur, ces Douze, dont le leader est Pierre, restent la référence centrale pour les chrétiens. Mais les apôtres sont un groupe plus large, chargés de mission par le Christ et par les Églises, fondant eux-mêmes des Églises et se réclamant d’abord de Jacques, le frère du Seigneur (1 Corinthiens 5, 7). Ainsi, Paul ne s’égale pas aux Douze, mais se considère comme un apôtre (1 Corinthiens 9, 1-2) Il cite aussi d’autres apôtres ou « délégués » (le terme est flou), restés ignorés par l’histoire (Romains 16, 7). On voit la complexité de l’idée de « succession apostolique ». Dans le missel, on comparera avec fruit les deux préfaces proposées pour les fêtes d’apôtres.

 

 

 

 

 




Rencontre autour de l’Evangile – 16ème dimanche du Temps Ordinaire

« Jésus fut pris de compassion pour la foule parce que ces gens étaient comme des brebis sans berger. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Mc 6, 30-34

Au retour de mission, les apôtres sont fatigués. Jésus les invite à se retirer pour prendre un peu de repos. Mais les foules ne le lâchent plus. 

Regardons-réfléchissons-méditons : 

Pourquoi cette démarche des Apôtres au retour de leur mission ?   

Quel est le souci de Jésus ?  

Qu’est-ce que cela nous révèle de Jésus ?  

Qu’est-ce qui faisait courir les foules après Jésus ? 

Quelle est la réaction de Jésus en débarquant ? 

Par quoi Jésus commence-t-il pour répondre aux attentes de cette foule ?

 

Pour l’animateur

C’est pour rendre compte de leur mission que les disciples rejoignent leur Maître ; c’est l’heure du premier bilan. Démarche importante quand on a reçu une mission. 

Jésus invite ses amis à prendre du recul par rapport au monde pour jouir d’un repos bien mérité : Cela nous révèle la sollicitude de Jésus pour tous ceux qu’il envoie en mission.  

Ces foules courent après Jésus parce qu’ils ont été témoins de sa bonté en le voyant accueillir les gens, guérir  les malades et les infirmes. Jésus ne peut ni ne veut  fuir  cette foule. 

Tout au contraire, Jésus est saisi de pitié (il est ému jusqu’aux entrailles). La compassion de Jésus est comparée à celle d’un berger pour ses brebis. Jésus apparaît comme le Berger divin qui vient enfin prendre le plus grand soin de son peuple. 

Jésus commence par instruire longuement la foule. Avant de lui donner du pain, (la suite du récit) c’est d’abord par sa parole que Jésus nourrit les hommes en abondance. C’est par « la Parole » que Jésus s’efforce de rassembler la foule en un nouveau Peuple de Dieu. 

Dès le début, l’Église a uni dans l’Eucharistie les « deux tables » : celle de la Parole d’abord, puis celle des pains. 

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Jésus, quand nous avons peiné pour la mission, pour témoigner de toi, pour porter aux foules le pain de l’évangile, il est bon de nous retrouver auprès de toi, pour t’en parler, pour te rendre grâce, pour nous reposer.

Tu es le bon Pasteur pour ton peuple. Tu es plein de compassion pour toutes ces foules d’aujourd’hui qui cherchent, qui courent après le bonheur. Donne-nous un cœur semblable au tien, capable de s’émouvoir devant tous ces gens qui ont faim, d’être attentif à leur recherche.

 

TA PAROLE DANS NOTRE VIE

Quand on a reçu une mission d’Église (pour la catéchèse, pour animer un service d’Église, pour un mouvement) il est indispensable de rendre compte de temps en temps à celui qui nous a confié cette responsabilité : sinon on finit par se croire propriétaire de la mission reçue, on devient à soi-même son maître. Posons-nous la question : à qui je rends compte de la responsabilité qui m’a été confiée ? (Une révision de vie apostolique est nécessaire).

Nous sommes envoyés par Jésus dans le monde d’aujourd’hui : nous sommes ses apôtres dans notre famille, dans notre rue, dans notre quartier, ou notre immeuble, ou notre lieu de travail, ce n’est pas chose facile. Nous avons besoin de nous retrouver auprès de lui de temps en temps : pour lui parler de notre vie, de ce que nous avons pu faire pour vivre en chrétien, pour le remercier du travail qu’il a fait dans le cœur des personnes, pour nous ressourcer.

Prenons-nous le temps de faire silence près du Christ, de nous retremper dans son l’intimité ? Peut-être en profitant d’un temps de vacances.

Sommes-nous, comme notre Maître, attentifs aux besoins et aux attentes des gens de notre temps, qui souvent courent, ici et  là, à la recherche d’un miracle, d’une guérison ? Sommes-nous compatissants à leurs souffrances, à leurs problèmes de vie ? Qu’est-ce que nous pouvons leur offrir ? Comme Jésus, est-ce que  nous avons le souci de leur donner la Parole pour nourrir leur foi ?

 

Ensemble prions

Chant : Sur les routes des hommes p. 312

Pour les pasteurs d’Église, afin que l’esprit de sagesse et de discernement leur soit toujours donné pour guider le peuple qui leur est confié, prions le Seigneur.

Tous : Seigneur, entends notre prière.

Pour les parents, les catéchistes, qui s’efforcent de faire connaître le Christ et son Évangile aux enfants, prions le Seigneur

Pour tous ceux qui sont à la recherche d’un sens à leur vie, pour tous ceux qui sont dans la détresse : qu’ils puissent rencontrer sur leur route de vrais témoins du Christ et de sa bonté., prions le Seigneur. 

Pour tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté  : qu’ils soient hommes et femmes de compassion.

 

 
 
 
 
 
 

 

 




17ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 26 juillet 2015

Les liturgies qui ont bâti le lectionnaire des dimanches et fêtes devaient « caser » l’évangile de Jean qui, dans le cycle triennal, ne dispose pas d’une année particulière. Ainsi, laissant Marc du 17e au 21e dimanche B, ils nous livrent l’épisode de la multiplication des pains selon Jean et le riche discours sur le Pain de Vie qui suit le miracle. Ce faisant, ils nous privent cependant de la belle séquence du deuxième évangile appelée « Section des pains » (Marc 6, 14 – 8, 30).

  

2 Rois 4, 42-44 (« On mangera, et il en restera. ») 

On ignore les circonstances de la multiplication des pains opérée par le prophète Élisée, héritier du prophète Élie (cf. 2 Rois 19, 15-21). En effet, ce miracle est le quatrième d’une série de dix légendes (2 Rois 4, 1 – 8, 15) qui, sans grands liens entre elles, ont pour bénéficiaires tantôt des Israélites, tantôt des étrangers. Elles mettent en valeur le rayonnement de « l’homme de Dieu », une manière de désigner les prophètes dans cette littérature, « le voyant » dans d’autres textes. Peut-être l’épisode des pains suggère-t-il ceci : l’esprit de Moïse, par qui la manne fut obtenue dans le désert (Exode 16), opère toujours chez les prophètes aux temps de famine. C’est bien dans le royaume d’Israël, le royaume de Samarie, qu’est promis qu’à chaque génération, un prophète semblable à Moïse serait offert au peuple (Deutéronome 18, 15.19). C’est bien dans cette perspective mosaïque que s’achèvera le récit de la multiplication des pains selon saint Jean : « C’est vraiment lui le grand Prophète » (Jean 6, 14). À titre anecdotique, sigalons que la localité de Baal-Shalisha est sans doute la résidence d’une confrérie de prophètes et que la tradition juive ultérieure célébrera cette région pour la précocité de ses produits agricoles.

  Le récit a servi de schéma aux quatre évangélistes pour raconter la multiplication des pains accomplie par Jésus : la disproportion (accrue dans les évangiles) entre le nombre des pains et celui des convives (ici vingt pains pour cent personnes), l’ordre de les nourrir, l’objection de l’entourage, et la mention des restes.

  Jean (évangile de ce jour) emprunte au récit deux détails : Il s’agit de pains d’orge de la saison pascale qui sont en possession d’un « jeune garçon », allusion au « jeune garçon », serviteur d’Élisée (2 Rois 4, 38). Le don miraculeux des pains signale Élisée comme un prophète authentique. Mais que doit-on attendre d’un prophète tel que Jésus ? C’est sur cette question que s’achèvera le récit de Jean.

 

 

Éphésiens 4, 1-6 (Un seul Corps, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. ) 

Par son chant « Un seul Seigneur » (I 46), Lucien Deiss a imprimé dans la mémoire des communautés chrétiennes, en diverses langues, les fortes paroles baptismales de cette lecture d’Éphésiens. Le baptême est l’entrée dans l’unité du Corps du Christ et de l’Esprit, dans l’unité du Père qui transcende tous nos clivages sociaux ou ethniques. En ce sens, Paul aime citer des extraits d’antiques liturgies baptismales : « Nous avons été baptisés dans l’unique Esprit, en un seul Corps. Tous nous avons été désaltérés par l’unique Esprit » (1 Corinthiens 12, 13).

  C’est Paul, en prison et bientôt martyr, qui est censé écrire cette lettre. En vérité, rappelons-le, nous avons affaire avec l’œuvre d’un disciple de l’Apôtre visant à sauver et à actualiser le message de ce dernier, à la fin du 1er siècle.

  L’encouragement, qui ouvre ici la seconde partie de cette « circulaire », reçoit de l’allusion au baptême une tragique insistance. Le passage devient très parlant si l’on se rappelle le but de l’auteur : inviter les Juifs et les païens qui composent l’Église à vivre dans l’harmonie. Par-delà cette situation première, toute communauté chrétienne se voit conviée à surmonter ses clivages.

  C’est la vocation même de l’Église : tous, ensemble, les chrétiens ont pour mission d’accueillir et de supporter l’autre tel qu’il est, en cultivant humilité, douceur et patience. Grâce à la paix, qui est un point de départ, on conservera l’unité qui est un don de l’Esprit. Car tous s’étaient mis en route, appelés « à une seule espérance », celle d’une réconciliation totale dans le Christ (cf. Éphésiens 1, 10).

  La vocation à s’unir au seul Corps du Christ et à l’unique Esprit s’inscrivait dès le baptême, le même pour tous, reçu une seule fois, et dont l’auteur rappelle les formules liturgiques de l’époque. La célébration baptismale culminait dans l’acclamation du Père qui règne « au-dessus de tous », surmontant, surplombant toute division et se communiquant à tous.

 

 

Jean 6, 1-15 (« Il distribua les pains aux convives, autant qu’ils en voulaient. « ) 

Pour rédiger l’épisode de la multiplication des pains, Jean dispose d’une tradition aussi ancienne que celle des trois autres évangiles, mais une tradition qui connaît quelques détails plus proches du miracle d’Élisée (1ère lecture). Surtout, l’évangéliste centre son récit sur l’initiative de Jésus et accumule des « clignotants » symboliques. Rien n’indique que la foule avait faim. À la différence des autres évangiles, c’est Jésus qui désire la nourrir. C’est sa mission.

La grande foule et l’ironie de Jésus 

1) Premier « clignotant » : un malentendu ! On suit Jésus parce qu’on l’a vu accomplir les signes, à savoir des guérisons. Mais qu’est-ce qu’un « signe » ? Saint Jean ne parle jamais de « miracles » ; il emploie le mot « signes ».  Si un acte est un signe, c’est que cet acte (signe de quoi ?) renvoie à autre chose que ce qu’il produit. Par ses signes, Jésus déclare son amour pour les humains. Certes, les hommes recherchent ses signes : cet homme nous fait tant de bien ! Mais ils ne comprennent pas le signe. Ils en restent à la satisfaction de leurs besoins. Trop intéressés, nous ne comprenons pas que Jésus veut tisser avec nous une relation vivante, qu’il désire se donner, nous donner sa vie. Il donne le pain. Mais il est lui-même le Pain de vie, comme le soulignera le discours qui suit.

2) Deuxième clignotant : la Pâque juive est proche. À la différence des autres évangiles, la chronologie de Jean évoque plusieurs Pâques dans le ministère de Jésus (Jean 2, 13.23 ; 6, 4 ; 11, 55 ; 13, 1 ; 18, 28.39). Jésus est l’agneau pascal, « l’Agneau de Dieu » (Jean 1, 36), qui va « passer de ce monde au Père » (Jean 13, 1).

  C’est le printemps pascal : il y a de l’herbe, selon le Psaume 22 [23], 2, célébrant le Pasteur d’Israël. On a déjà moissonné l’orge, plus précoce que le blé. La fête rappelle la libération de « la grande foule » d’Israël, sa route au désert, soutenue par l’aliment de la manne. D’ailleurs, gravissant la montagne, Jésus n’est-il pas le nouveau Moïse ?

3) Troisième clignotant : « Lui-même savait bien ce qu’il allait faire », déclare Jean, selon sa thèse de l’omniscience de Jésus (Jean 2, 25 ; 4, 44 ; 13, 11) qui sert ici à mettre ses disciples à l’épreuve. Le dialogue fait ressortir, à travers Philippe et André, notre propre naïveté quand nous nous trouvons devant l’œuvre de Jésus.

Le festin 

Sur l’initiative de Jésus, c’est la fête, l’abondance, avec le poisson apprécié comme gâterie. Selon une légende juive ancienne, les cailles qui nourrirent Israël au désert venaient de la mer (Nombres 11, 31) et étaient donc… des poissons. C’est un festin, de la nourriture « autant qu’ils en voulaient ». Et, après le rassasiement général, il y a, littéralement, le « surplus » (traduction meilleure que « restes »), douze paniers, autant qu’il y a de tribus en Israël. D’ailleurs, le nombre des convives, environ « cinq mille » reflète l’organisation du peuple d’Israël au désert (voir Exode 18, 25 ; comparer Marc 6, 44). Mais de quel festin s’agit-il ? Deux clignotants symboliques s’allument de nouveau.

1) Sauf en prévision du sabbat, la manne du désert se consommait au jour le jour : le surplus pourrissait (Exode 16, 19-20). Telle n’est pas la nourriture surabondante de Jésus. Celui-ci n’est-il pas venu « pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10, 10) ?

2) Jésus prend les pains, rend grâce, les distribue. Dans ces expressions, comment les premiers lecteurs chrétiens n’auraient-ils pas perçu une allusion au sacrement de l’eucharistie ? 

Le malentendu 

La foule a compris quelque chose du « signe ». Elle se demande si Jésus n’est pas « le Prophète », c’est-à-dire Moïse, puisqu’il a réédité le miracle de la manne. En effet, la tradition juive attendait le retour de Moïse pour la fin des temps. Il reproduirait les merveilles de l’Exode et libérerait son peuple de l’oppression. À la différence de Marc 6, 43, et comme dans les autres recensions du récit, Jean ne dit rien des restes des poissons, tant il se concentre sur la symbolique du Pain.

  Mais les bénéficiaires du « signe » de la multiplication de pains s’en tiennent à une conséquence économique et politique – que Jésus soit leur roi, une réduction inacceptable pour Jésus qui se retire donc. Il lui faudra un long discours pour expliciter le sens de ce qu’il vient d’accomplir (cf. dimanches suivants). La liturgie de cette année passe par-dessus la marche de Jésus sur les eaux (Jean 6, 16-21), un épisode qui, dans la tradition des quatre évangiles, suit l’épisode de la multiplication des pains, comme le passage de la Mer, dans l’Ancien Testament, était lié au don de la manne au désert.




17ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (26 juillet)

« Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde » (Jn 6,1-15). 

En ce temps-là, Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade.
Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades.
Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples.
Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche.
Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire.
Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. »
Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
« Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »
Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.
Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient.
Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. »
Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. »
Mais Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.

 

 multiplication des pains 1

               

 

         « Une grande foule suivait Jésus, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades. » Et il les entraine sur « la montagne », vers le ciel, vers cette vie de foi où il veut les introduire : un Mystère de Communion avec Lui, dans l’invisible ici-bas de cet Esprit qui ne demande qu’à jaillir en Fleuves d’Eau Vive au plus profond de leurs cœurs (Jn 4,1-14 ; 7,37-39)…

            Les disciples eux aussi cheminent avec Jésus, et il va les inviter ici à aller plus loin… « Où pourrions-nous acheter du pain ? » leur demande-t-il. Mais l’endroit est désert, c’est impossible, et il le sait bien ! Et pourtant, ils ne réagissent pas… Ils vont au contraire calculer aussitôt la somme qui serait nécessaire pour tant de monde : « Le salaire de deux cents journées » de travail… C’est énorme, et bien sûr, ils n’ont pas une telle somme ! Et Jésus là encore le sait bien ! Mais ils ne réagissent toujours pas… Et lui, qui nulle part ailleurs ne se préoccupe « d’acheter » quoique ce soit, fait ici allusion au prophète Isaïe qu’ils connaissent bien : « Même si vous n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez ; venez, achetez sans argent… Ecoutez-moi et mangez ce qui est bon » (Is 55,1-3)… Mais toujours pas de réaction… Certes, « il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »

            Alors Jésus prend les choses en main, jusques dans les moindres détails : comme « il y a beaucoup d’herbe à cet endroit », il les fait asseoir… « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer… Tu prépares la table pour moi » (Ps 23)… Puis, « il prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives », lui-même, en personne… « Il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient ». Surabondance de Dieu, qui témoigne, une nouvelle fois ici, de son incroyable « humanité »…

            « Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. » Bientôt, à l’occasion de cette fête, il se donnera en « Pain de Vie » car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Et c’est ce qui est déjà dit, ici, en acte : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde », pour que tout soit sauvé (cf. Jn 3,16-17 ; 4,42). « Ils les rassemblèrent et remplirent douze paniers », un pour chacun des Douze apôtres que Jésus appellera ensuite à aller dans le monde entier pour que chaque homme puisse recevoir, lui aussi, « le pain de la vie », ce pain qui sauve…                        DJF

                                                                                                                     




Rencontre autour de l’Evangile – 17ème dimanche du Temps Ordinaire

« Ramassez les morceaux qui restent pour que rien ne se perde. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

(Jn 6, 1-15)

Le miracle de la multiplication est raconté par les quatre évangélistes. Jean lui donnera valeur de signe pour préparer les foules à entendre le discours sur le pain de vie.

Remarque importante

La méthode proposée pour le partage est un peu différente : il s’agit d’une contemplation de Jésus. C’est pourquoi nous sommes invités à fixer notre attention d’abord sur lui (ce qu’il fait, ce qu’il dit…) afin d’entrer dans ses pensées, son intention, selon le projet de l’évangéliste qui a écrit pour évangéliser catéchiser les lecteurs. 

 

Regardons Jésus et  suivons-le.

Où se trouve-t-il ? Qui est avec lui ? Quelle est la grande fête qui approche ? Que fait Jésus ?

Quelle est sa préoccupation devant la grande foule qui le suit ?

A qui Jésus s’adresse-t-il ? C’est le même disciple dont la foi sera mise à l’épreuve au chapitre 14, 8-10 ?

Que demande Jésus à ses disciples ? Quels sont les gestes et paroles de Jésus ?

Quelle sera sa réaction devant le comportement de la foule ?

 

Regardons les disciples

La réponse de Philippe  –  L’intervention d’André  –  Les services que Jésus leur demande.

 

Regardons la foule

Pourquoi suit-elle Jésus ? Quelle est sa réaction après avoir mangé à leur faim ?

 

Notons aussi les objets, les chiffres

Les cinq pains d’orge

Les deux poissons

L’herbe abondante

Noter les expressions qui expriment l’abondance. Les morceaux qui restent et les douze paniers.

 

 

Pour l’animateur

Tout le récit est centré  sur Jésus. Il est le personnage qui mène tout ; Il sait ce qu’il va faire. C’est lui qui a l’initiative, même pour la distribution des pains.

La foule qui a faim, la proximité de Pâques, la montagne… ces indications suggèrent un rapprochement avec l’Exode et Moïse. Plus loin, dans le discours à Capharnaüm, il sera question de la manne du désert.

De plus, en situant la multiplication des pains  à l’approche de Pâques, Jean nous fait penser à la Cène et au sacrifice de la Croix. Les paroles et gestes de Jésus pour nourrir la foule font penser à l’Eucharistie (Jésus prit les pains, rend grâce, les distribue). A noter que, comme à la Cène, c’est Jésus lui-même qui distribue, et non les disciples. Contrairement aux autres  évangélistes, ici  la participation des disciples à la réalisation du miracle est réduite. (La question à Philippe, André qui fait signale la présence du jeune garçon avec ses cinq pains d’orge et les deux poissons ; ils font asseoir la foule).

La foule mange à sa faim : Jésus est venu « pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » Les cinq pains d’orge (font penser au miracle d’Elisée à Sarepta (2R4, 42-44) et surtout à la manne du désert.

L’herbe abondante fait penser aux « verts pâturages » du psaume 23 où le messie berger conduira son troupeau.

Les douze paniers pleins des morceaux qui restent : douze (douze tribus du peuple de Dieu, douze apôtres) . Si rien ne doit se perdre, c’est que la vie en abondance apportée par Jésus doit atteindre l’ensemble de l’humanité.

Le récit s’achève sur un malentendu : La foule avait suivi Jésus à cause de tous les miracles qu’elle l’avait vu faire. Jean ne parle pas de miracles, mais de « signes ». Car pour Jésus c’était des signes à travers lesquels il voulait révéler quelque chose de lui-même et de sa mission. A travers le signe de la multiplication des pains,  Jésus a voulu faire comprendre quelque chose de son identité et de son enracinement dans l’histoire d’Israël. Il est bien le prophète annoncé par Moïse (« Yahvé, ton Dieu, suscitera pour toi, du milieu de toi, un prophète comme moi que vous écouterez. » Dt 18,15). Mais les juifs comprenaient un messie terrestre. C’est pourquoi Jésus s’enfuit, quand il voit les intentions de la foule. Plus tard il dira : « Mon Royaume n’est pas de ce monde. »

On peut noter que Jean, très habilement, superpose trois moments différents : Le temps d’Exode, la rencontre historique de la foule avec Jésus, et le temps de l’Église (avec l’eucharistie) : la même question demeure : Comment croire en Dieu ? dans le désert (avec le signe de la manne).à travers l’Incarnation (le « signe » de Jésus) ; dans l’Église (le « signe » de l’eucharistie). Suivre Jésus, c’est qu’a fait la foule. Oui, mais pourquoi ?

 

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, tu es le nouveau Moïse. Tu es venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance. Tu es venu nous le faire comprendre à travers des signes. Ouvre nos cœurs et nos intelligences pour que nous les accueillions avec foi et amour.

 

 TA PAROLE DANS NOTRE VIE

L’attention de Jésus à la faim de la foule qui le suit.

De quoi les gens ont faim autour de nous ?

Le jeune garçon à mis ce qu’il avait à la disposition de Jésus 

Et nous : qu’est-ce que nous pouvons mettre à sa disposition pour que sa vie en abondance nourrisse nos frères. La multiplication des pains se réalise pour nous à chaque eucharistie.

Comment vivons-nous ces rencontres avec le Christ ? Arrivons-nous à l’heure ? Est-ce que nous prenons le temps de préparer les lectures la veille ? Recevoir le Christ, pain partagé, nous amène-t-il à devenir des hommes et des femmes de partage, attentifs aux besoins de nos frères ?        

 

Ensemble prions

Chant : Pain de vie  (carnet des paroisses p.132   c.1,2,4)

 

Seigneur Jésus,

Tu as nourri les foules qui avaient faim de ta Parole.

Lorsqu’il nous semble que nous avons si peu à donner

à nos frères les hommes,

viens nous apprendre à partager.

Tu as besoin de nous pour nourrir aujourd’hui

ceux qui ont faim d’amour, de justice et de dignité.

Apprends-nous à communiquer la vie que

tu nous donnes en abondance,

toi le vivant pour les siècles des siècles.

 

 
 
 
 
 
 

 

 




16ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (19 juillet)

« Le Seigneur est mon berger » (Mc 6,30-34)

 En ce temps-là, après leur première mission, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné.
Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger.
Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart.
Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.

16ième dimanche temps ordinaire

 

             Les Apôtres reviennent de mission. « Ils se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné ». Et ils sont fatigués… Jésus le voit, et il va aller au-devant de leurs besoins, avant même qu’ils lui aient demandé quoique ce soit… Son attitude confirme ici ce qu’il leur avait dit un jour : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles, ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas. Car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l’ayez demandé ». Or, « moi et le Père, nous sommes un » (Mt 6,7-8 ; Jn 10,30)), unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour. La Lumière de l’Amour qui brille dans les yeux de Jésus est donc la même que celle du Père… Ils sont fatigués, ils n’ont rien demandé : « Venez à l’écart et reposez vous un peu »… « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer » (Ps 23)…

            « Venez à l’écart »… En effet, « ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger ». Jésus, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), vrai Dieu et vrai homme, est le plus humain qui soit. Et nous le voyons se préoccuper ici, très concrètement, de ses disciples : qu’ils puissent bien manger et bien se reposer… Et il fera de même un peu plus tard avec la foule venue à sa rencontre pour l’écouter, en plein désert… Ils ne lui demanderont rien, mais Jésus, voyant leurs besoins, accomplira pour eux la première multiplication des pains (Mc 6,35-44)…

            « Les disciples partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l’écart »… Mais en regardant la direction qu’ils prennent, les gens devinent l’endroit où ils vont accoster. Ils courent sur le bord du lac et arrivent avant eux… Dans leur vie d’hommes et de femmes, ils sont « comme des brebis sans berger », perdus dans ce monde si souvent difficile, ne sachant sur qui compter. Lorsque Jésus débarque, il voit cette grande foule, il perçoit leur détresse, et, littéralement, écrit St Marc, « il fut remué jusqu’aux entrailles », bouleversé de compassion jusqu’au plus profond de lui-même… Aussi va-t-il aller au devant de leurs besoins, avant même qu’ils lui aient demandé quoique ce soit, et « il se mit à les instruire longuement. » Il leur parlera du Père, de son Amour pour tous les hommes, de sa Présence agissante à leur côté, certes invisible à leurs yeux de chair, mais puissante en leur cœur, par le Don de l’Esprit… Alors, confiance et paix…           DJF

               

                                                                              




15ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 12 juillet 2015

 

Amos 7, 12-15 (« Va, tu seras prophète pour mon peuple. « )

 

Il existait, dans l’Antiquité biblique, un métier de prophète, à côté des sages (ou scribes) et des prêtres. Certains prophètes racontaient leurs visions – d’où leur désignation comme « voyants » – et ils délivraient leurs oracles dans les sanctuaires, sous le contrôle des prêtres. D’autres étaient des conseillers religieux et politiques du roi, tel Natan auprès de David. Parfois groupés en confréries (cf. 1 Rois 20, 35), on les appelait « fils de prophètes ». Or, Amos reconnaît qu’il n’est « pas prophète ni fils de prophète ».

  Amos est doublement un nouveau type de prophète, le plus ancien des « prophètes écrivains », comme ensuite Isaïe ou Jérémie, à la différence des anciens voyants Élie et Élisée. D’abord, Dieu choisit Amos et l’envoie alors qu’il n’est pas du métier. Éleveur et arboriculteur (itinérant ?), « inciseur de sycomores » (pour hâter la maturité ?), Amos se signale par une solide sagesse populaire, par une verdeur de langage calculée et une fine connaissance de la politique qui ne peut venir d’un simple bouvier. En second lieu, alors qu’il est de Judée, de Téqoa, près de Bethléem (Amos 1, 1), Dieu l’envoie hors de sa patrie, dans le royaume de Samarie, le royaume du Nord, et dans son grand sanctuaire de Béthel. Il doit y dénoncer la corruption sociale et religieuse, alors que ce pays est à l’apogée de sa prospérité, sous le long règne de Jéroboam II (787-747). Dieu ne connaît pas de frontières. Il appelle tous les hommes à la conversion et il demande à ses envoyés de transgresser ces frontières.

  Un jour, c’est à toutes les nations, sans distinction, que le Christ ressuscité enverra ses messagers, Mais, au départ, c’est dans la campagne galiléenne, leur pays, que Jésus envoie les Douze (évangile).

 

 

Éphésiens 1, 3-14 (Dieu nous a choisis depuis toujours.)

 

Une solennelle bénédiction préface cet écrit, rédigé par un disciple, inconnu, de Paul et réactualisant le message de l’Apôtre. Les trois premières lignes en annoncent le thème qui sera repris en de multiples variations. Le Dieu que nous bénissons est le Père du Seigneur et Messie Jésus. Il est « au ciel », lieu symbolique qui échappe aux fluctuations de l’histoire. De là-haut, il a planifié son projet : nous donner la pluie des « bénédictions de l’Esprit, dans le Christ ». Cette bénédiction se déploie ici en six mouvements :

(1) Dieu a pensé à nous choisir et à nous unir au Christ avant même la création.

(2) Il nous a destinés à devenir ses enfants, frères du Christ.

(3) Cela s’est réalisé par l’effusion d’un sang rédempteur (de la croix).

(4) Ce projet vise, au terme, à redonner à l’univers divisé une nouvelle unité sous une seule Tête, le Christ.

(5) Depuis toujours, Dieu nous avait destinés à être les bénéficiaires et les témoins de cette réunification.

(6) Nous en faisons déjà l’expérience grâce à l’Esprit Saint reçu au baptême.

  Cette symphonie spirituelle est ponctuée par de joyeux coups de trompette soulignant le bonheur de notre vocation : Nous sommes « en lui » (dans le Christ), « à la louange de la gloire » de Dieu, « dans l’amour ». Le texte reprend et adapte *une prière de la synagogue juive pour exprimer le mystère profond de l’Église. On remarquera notamment, comme dans notre lecture, la répétition de l’expression « dans l’amour ».

 

* Une prière de la synagogue. « D’un amour éternel tu nous as aimés, Seigneur, notre Dieu; d’une pitié grande et surabondante, tu as eu pitié de nous, notre Père, notre Roi (…) Notre Père, Père des miséricordes, miséricordieux, fais-nous miséricorde et donne à nos cœurs de discerner et de comprendre, d’entendre, d’être instruits et d’instruire, de garder, d’accomplir et de rendre stables toutes les paroles de l’instruction de ta Loi, dans l’amour. Illumine nos yeux dans ta Loi, attache nos cœurs à tes préceptes et unifie nos cœurs dans l’amour et la crainte de ton nom. Fais-nous entrer dans la paix des quatre extrémités de la terre, et conduis-nous, la tête haute, dans notre terre. Car tu es le Dieu qui accorde le salut et tu nous as choisis de tout peuple et de toute langue, et tu nous as fait approcher de ton grand nom pour toujours en vérité, pour te louer et proclamer ton unité dans l’amour. Béni sois-tu, Seigneur, qui as choisi ton peuple Israël dans l’amour » (Prière juive matinale, « D’un grand amour »).

 

 

Marc 6, 7-13 (« Il commença à les envoyer. »)

 

Jésus avait choisi les Douze « pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais » (Marc 3, 13-15). Ils viennent de vivre avec lui un compagnonnage suffisamment riche pour qu’il puisse à présent leur confier une première mission à travers la Galilée. Celle-ci préfigure leur futur *envoi, après la résurrection du Seigneur, quoique Marc n’en parle pas, son évangile authentique s’achevant de manière laconique en Marc 16, 8. Déjà il leur partage son pouvoir sur les forces du mal. Déjà ils vont deux par eux, comme plus tard Pierre et Jean ou Paul et Barnabé, car, dans le cadre juif, deux personnes sont requises pour assurer la vérité d’un témoignage. 

Partir avec un maigre trousseau 

Ceux qui annoncent le règne de Dieu éviteront tout « gadget » publicitaire. Par leur dénuement, ils montreront qu’ils mettent leur confiance en la seule puissance de ce Règne. Mais le dépouillement sera réaliste, adapté aux situations. On le voit bien si on compare ces instructions à leurs versions parallèles en Matthieu 10, 9-10, en Luc 9, 3 et 10, 4, de recensions plus anciennes ou plus idéalistes. Ce qui était possible en Galilée au temps de Jésus ne l’est plus au temps de Marc. Les prédicateurs ont droit désormais à des sandales et à un bâton, car les voyages missionnaires deviennent plus longs et les routes peu sûres. Comparer aussi Luc 22, 35-36.

  En revanche, pour la subsistance quotidienne, les prescriptions demeurent : ni provisions, ni argent, ni vêtement de rechange. Ces étranges voyageurs qui n’ont rien à vendre devront compter sur l’accueil de l’habitant. Car leurs hôtes, en les recevant, montreront que c’est le règne de Dieu qu’ils devinent et reçoivent à travers eux, comme dans l’épisode de la visite de Pierre chez Corneille, en Actes 10 – 11. « Quiconque vous donnera à boire une coupe d’eau pour le nom que vous êtes “du Christ”, amen ! je vous dis qu’il ne perdra pas sa récompense » (Marc 9, 41). 

Se faire accueillir 

Le messager se livre à l’accueil ou au refus des libertés humaines. En se fixant passagèrement dans une maison hospitalière, il espère que celle-ci deviendra à son tour un centre de rayonnement de l’Évangile, telle la demeure de dame Lydie en Actes 16, 13-15. Au contraire, on devra témoigner aux localités peu accueillantes qu’elles manquent une occasion de bienfaits. Certains Juifs secouaient la poussière de leurs pieds lorsqu’ils passaient d’une terre païenne en Terre sainte, pour ne pas souiller celle-ci par une poussière impure. Ce sera pour ceux qui refusent l’Évangile « un témoignage », le signe qu’ils ont manqué leur chance de devenir un peuple saint. Paul et Barnabé poseront ce geste symbolique en quittant Antioche de Pisidie (Actes 13, 51), cette fois contre les Juifs s’opposant au succès de l’Évangile parmi les païens. 

Ils partirent 

Au total, Marc mêle les souvenirs de ce qui se faisait au temps de Jésus et les pratiques ultérieures des missionnaires de sa propre Église. Cette généralisation se traduit, à la fin de la page, par le passage des verbes à l’imparfait, comme des pratiques coutumières. Ces envoyés, après Pâques, n’annoncent plus le règne de Dieu, comme le faisait Jésus (Marc 1, 14-15). Ils appellent à la conversion au Christ, ils exorcisent et guérissent, comme lui ; mais ils ne négligent pas l’usage tout humain de l’huile, un produit fréquemment utilisé comme remède dans la médecine antique. Il ne s’agit nullement du sacrement de « l’extrême onction ».

 

* L’envoi. Après le départ de Jésus, la mission des disciples s’exerça principalement dans les maisons qui cherchaient à savoir, avec sympathie, ce que ces chrétiens « avaient dans le ventre » puis dans les synagogues. Ces premiers témoins chrétiens étant juifs d’origine, la synagogue était pour eux le cadre idéal où ils pouvaient atteindre une communauté constituée de Juifs et de païens sympathisants du judaïsme. À partir des lectures bibliques du sabbat, la Loi et les Prophètes, ils expliquaient que Jésus, le Messie, accomplissait les promesses des saintes Écritures. Dans les maisons, ils rejoignaient la base du tissu social et créaient des réseaux de convertis. Il y eut un troisième lieu, plus inattendu, les tribunaux où les chrétiens devaient s’expliquer sur la nouveauté inquiétante, aux yeux des autorités politiques, de leur mouvement et ils donnaient ainsi une extraordinaire publicité à l’Évangile (voir Luc 21, 12-15 ; Actes 4, 4-12 ; 24, 10-21). Les situations et les moyens de communication changent. Mais la Mission continue. Les témoins du Christ cherchent tous les lieux de l’existence humaine, tous les médias, où l’Évangile peut se faire entendre.

 




15ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (12 juillet)

« L’envoi en mission » (Mc 6,7-13).

 

En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs,
et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture.
« Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »
Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ.
Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »
Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir.
Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.

 

 disciple en mission

               

La mission première de Jésus était d’annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux. La première phrase qu’il prononce dans l’Evangile de Marc est ainsi : « Le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l’Evangile » (Mc 1,15). Et juste avant notre passage, nous lisons : « Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant » (Mc 6,6).

Parmi ses disciples, il en avait choisi Douze « pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons » (Mc 3,13-19). Aujourd’hui, les Evêques sont leurs successeurs. Leur mission première, avec toute l’Eglise locale dont ils ont la charge, est donc de « prêcher » à la suite du Christ. Et c’est bien ce qu’ils font ici : « Ils partirent et proclamèrent qu’il fallait se convertir »…

Or, écrit St Jean, « celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu, car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Et ceci est vrai aussi bien pour le Christ, envoyé par le Père (Jn 3,17 ; 4,34 ; 5,23…), que pour l’Eglise envoyée par le Christ : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21). Or, c’est par le Don de cet Esprit Saint, qui se joint toujours à la Parole de Dieu pour leur rendre témoignage, que le Christ chassait les démons : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous » (Mt 12,28). L’Eglise, aujourd’hui, ne fait que reprendre les Paroles du Christ pour les annoncer le plus largement possible : « Père », disait Jésus, « les Paroles que tu m’as données, je les leur ai données » (Jn 17,8). Lorsqu’elle les proclame, avec elles et par elles, c’est donc toujours le même Esprit qui, en se joignant à elles, expulse les démons. Et c’est bien ce que Jésus suggère ici, en associant à l’action de prêcher celle d’expulser les démons : « Il appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs »…

« Chasser les démons » n’est donc pas le résultat d’un pouvoir « magique » que l’on exercerait en prononçant toutes sortes de paroles mystérieuses. C’est tout simplement le fruit de l’action de Dieu, qui, par son Esprit de Lumière, de Douceur et de Paix qui se joint toujours à sa Parole, ne peut que chasser les ténèbres : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée ». Bien plus, « les ténèbres s’en vont, puisque la véritable lumière brille déjà » (1Jn 2,8)…    

                                                                                                         DJF

                                                                                                                     




Rencontre autour de l’Evangile – 15ème dimanche du Temps Ordinaire

« Jésus appelle les douze, et les envoie deux par deux. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

(Mc 6, 7-13)

Après avoir été mal accueilli dans sa patrie, Nazareth, Jésus est allé dans les villages voisins pour sa mission, et pour la première fois il va associer le groupe des Douze à sa mission

 

Soulignons les mots importants

Jésus appelle :  Ce verbe « appelle  » est particulièrement important dans la foi des chrétiens : Pourquoi ?

Les Douze ? Qui étaient ces Douze ? Pourquoi Jésus les avait-il choisis ? Quelle était sa place parmi les disciples ?

Il les envoie : Quelle est l’importance de ce mot pour l’Église, pour nos communautés de chrétiens, pour chacun de nous ?  A quel sacrement il nous fait penser ? 

Deux par deux : Pourquoi Jésus organise ainsi la mission : Que veut-il nous faire comprendre ? 

Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais : Que signifiait l’expulsion des démons par Jésus ?

Ne rien emporter pour la route : Que signifie cette consigne donnée par Jésus à ceux qu’il envoie ?

« Un bâton…des sandales » : Que signifient ces objets que les missionnaires peuvent prendre avec eux ?

Hospitalité – accueillir- écouter : En quoi ces mots nous  indiquent la condition dans laquelle les apôtres doivent exercer leur mission ?

« En secouant la poussière de vos pieds » : Quel peut-être le sens de ce geste ?

Se convertir : Que signifie  « se convertir  » dans la prédication de Jésus et des apôtres ?

Chassaient beaucoup de démons : Que signifie pour l’Église, pour nous aujourd’hui,  cette action de chasser les démons ?

Faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades : Ce geste est-il encore pratiqué aujourd’hui dans l’Église ?

 

 

Pour l’animateur

  • Jésus appelle : Notre Dieu, le Dieu des chrétiens, est un Dieu qui appelle (Dieu appelle l’homme à vivre en amitié et dans le bonheur avec lui (Genèse), il appelle Abraham, Moïse, les prophètes… Jésus appelle « viens, suis-moi ». Parmi les disciples, Jésus appelle un groupe  « pour  être avec lui » : c’est le groupe des « Douze », qui rappelle les douze tribus d’Israël, sur lequel Jésus va fonder le peuple de la nouvelle alliance. Il passera du temps à former ce groupe d’intimes.

    Jésus les envoie : Quand Jésus appelle c’est pour envoyer.  Jésus  initie ses compagnons à la mission.

    Il les envoie deux par deux : le témoignage de deux personnes était important pour être entendu dans un procès. De plus, Jésus indique que la mission n’est pas une affaire individuelle, mais une démarche communautaire, une action d’équipe.

    Il partage avec eux son pouvoir sur les esprits mauvais. Là, l’expulsion des démons était signe de la venue du Royaume.

    Ne rien emporter pour la route : Il leur donne des consignes de dépouillement, de  pauvreté ; pour leur subsistance, les apôtres sont dépendants de l’accueil qui leur est fait.

    Hospitalité-accueillir-écouter : La mission ne consiste pas à imposer, mais à annoncer. La réussite dépend  également de l’accueil qui est fait à la Bonne Nouvelle.

    Le bâton et les sandales : Ce qu’il faut pour aller sur les routes. Les missionnaires sont itinérants.

    Secouer la poussière des pieds, était un geste symbolique fort qui marquait la rupture avec l’endroit qui avait refusé d’accueillir les apôtres.

    Se convertir : L’appel à la conversion faisait partie de la prédication de Jésus  « Le Royaume de Dieu s’est approché. Convertissez-vous ». Se convertir, signifie se détourner d’un genre de vie pour donner à sa vie une orientation nouvelle en accueillant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu qui est là avec Jésus son Envoyé.

    Ils chassaient beaucoup de démons : selon la croyance populaire du temps de Jésus, toutes les manifestations du mal (maladies physiques et mentales) étaient attribuées à la présence du démon. Lutter contre ces manifestations prenait souvent la forme d’un exorcisme.

    Tous les combats que l’Église engage aujourd’hui pour libérer l’homme de l’esclavage du mal sous toutes ses formes font partie de la Mission et toutes les victoires sont des signes du Royaume. Il ne s’agit pas de voir le démon partout et de multiplier les exorcismes, mais plutôt d’accueillir ceux qui sont encore sous l’emprise de la peur et des chaînes du mal et de  leur  faire connaître Celui qui nous apporte la réconciliation avec Dieu, la vraie liberté, la paix du cœur.

    L’onction de l’huile a un effet bénéfique lorsqu’elle pénètre le corps humain. Dès le début de l’Église, l’Onction des Malades a été pratiquée dans les communautés chrétiennes pour la guérison  corporelle et spirituelle. C’est le sacrement des malades.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, tu comptes sur nous depuis que tu nous as envoyés en mission, pour porter la Bonne Nouvelle de l’Amour du Père, là où nous vivons. Pardon de ne pas être fidèles ; de ne pas être à la hauteur de la confiance que tu nous fais. Fais de nous des apôtres pour notre temps, nourris de ta Parole, forts contre le mal, artisans d’un monde plus juste et plus fraternel.

 

 

TA PAROLE DANS NOTRE VIE

  • Depuis notre confirmation, nous sommes des envoyés en mission : Comment sommes-nous témoins du Christ et du Royaume de Dieu dans notre vie de tous les jours ? 

    Ce que Jésus veut, ce sont des apôtres disponibles, pas encombrés. Qu’est-ce qui est possible de faire avec nos petits moyens là où nous vivons ? Croyons-nous suffisamment à la force de l’Esprit Saint qui agit en nous et par nous ? 

    L’Envoyé de Jésus doit instaurer un monde plus juste, plus humain, plus fraternel : Est-ce que nous prenons notre part dans l’annonce de la Parole  (catéchèse, préparation au baptême , au mariage, témoignage), dans le combat contre les forces du mal (les  divisions, les mensonges, les injustices, les méchancetés…)  

    Quel accueil réservons-nous à la Parole de Dieu quand elle appelle à la conversion ? 

     

    ENSEMBLE PRIONS  

    Tous :  Tu nous appelles à t’aimer             Ou

                Sur les routes des hommes (carnet paroissial p. 313)