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14ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 05 juillet 2015

 

Ézékiel 2, 2-5 (« C’est une engeance de rebelles ! Qu’ils sachent qu’il y a un prophète au milieu d’eux ! »)

 

Ézékiel, prêtre et prophète exilé à Babylone, a un sens aigu de la noblesse de Dieu. Il n’imagine pas que le Seigneur puisse lui parler directement. Il faut d’abord que l’esprit lui soit donné. Cet esprit faisait entrer en extase les anciens prophètes (cf. 1 Samuel 10, 10). Cet esprit renouvellera le cœur humain et ressuscitera les morts (Ézékiel 36 – 37). Ici, cet Esprit met Ézékiel debout, comme au garde-à-vous, pour que retentisse l’ordre de mission. Plus de quatre-vingt-dix fois au long du livre, l’envoyé s’entendra appeler par Dieu « fils d’homme », comme pour entretenir son humilité. Il n’est qu’un humain. Un abîme de sainteté le sépare du Créateur qui seul est responsable du message dont il charge le prophète.

  D’emblée, dans sa vocation, Ézékiel apprend qu’il s’adressera à un peuple rebelle, obstiné. Car les Israélites déportés à Babylone n’ont pas encore compris que leur exil est la conséquence de leur révolte contre Dieu, à travers l’idolâtrie et l’injustice sociale, et qu’ils doivent réformer leur conduite. Le mot hébreu traduit ici par « rebelle » désigne plusieurs fois dans l’Ancien Testament les révoltes des rois d’Israël à l’égard des souverains voisins avec qui, de gré ou de force, ils avaient fait alliance (par exemple 2 Rois 18, 7.20 ; 24, 1).

  Les prophètes emploient la formule des messagers royaux (Ainsi parle le roi) : « Ainsi parle le Seigneur Dieu ». En entendant ces mots, les Israélites exilés sauront qu’Ézékiel s’engage comme prophète, messager du Seigneur. Libre à eux de refuser de l’écouter. Mais, au moins, Dieu aura tout fait pour engager avec eux un nouveau dialogue.

  Ce texte est choisi en raison de la dernière phrase : « Ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. » Et cette déclaration veut introduire le constat de Jésus à Nazareth (évangile) : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. »

 

 

2 Corinthiens 12, 7-10 (« Je mettrai ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. »)

 

A Corinthe, certains missionnaires rivaux de Paul font leurs tournées. Ils ont leur succès. Car ils se prévalent de leurs expériences mystiques. Paul pourrait, lui aussi, se vanter de « révélations extraordinaires ». Pour comprendre ces quelques versets, victimes de l’amputation liturgique, on doit absolument lire 2 Corinthiens 12, 1-6.

  Mais, même s’il le voulait, ces révélations exceptionnelles n’auraient aucune valeur pour le service apostolique. Car ce qui saute aux yeux de tous dans la personne de Paul, c’est l’énigmatique « *écharde pour la chair » qu’inflige à l’Apôtre, littéralement, « un ange du satan ».

  Pour Paul, l’Évangile se résume en la puissance du Christ qui transforme la vie des hommes. Or, cette puissance a pour terreau nourricier la faiblesse de la Croix. Quand donc l’Apôtre traduit-il ce paradoxe fécond ? Quand il accepte « les faiblesses, les insultes, les contraintes… », bref, quand il assume la faiblesse du Crucifié, celui-là même que contestaient les gens de Nazareth (évangile).

  « Lorsque je suis faible, écrit-il, c’est alors que je suis fort ». Je suis fort parce que je prouve ceci : Ce ne sont pas mes capacités humaines qui agissent, mais la puissance du Christ qui habite en moi. Être apôtre, c’est accepter une forme particulière du mystère pascal. Ainsi, écrit encore Paul, « la mort fait son œuvre en nous (les apôtres), et la vie en vous (les croyants) » (2 Corinthiens 4, 12).

 

* « L’écharde pour la chair ». Quelle écharde ? Pour certains, il s’agirait d’une tentation obsédante, de type sexuel. Mais Paul ne donne pas l’impression d’être un obsédé. En outre, sous sa plume, le mot « chair » désigne simplement la fragilité de l’existence humaine, non le sexe. D’autres, plus nombreux, pensent à une maladie chronique de l’Apôtre, voire une affection des yeux. Ils relient astucieusement Galates 4, 13.15 et 6, 11. Mais il s’agit d’une attaque venue du dehors, infligée par « un ange du satan ». Dans la Bible, « l’écharde dans les flancs » (Nombres 33, 55) désigne les ennemis d’Israël. En résumé, Paul évoque ici ses adversaires, des missionnaires éloquents et autoritaires. Il vient justement de les traiter de « serviteurs du satan » (2 Corinthiens 11, 13-15) parce qu’ils déforment le sens de l’Évangile. Paul a prié le Seigneur « par trois fois » d’écarter cet obstacle de son apostolat, de les faire taire. Mais le Christ semble mieux supporter la contestation que son Apôtre. Et les oppositions aideront Paul à approfondir le sens de sa mission.

 

Marc 6, 1-6 (« Un prophète n’est méprisé que dans son pays. »)

 

Trois aspects sont à souligner dans cet épisode. C’est l’amorce d’une rupture décisive de Jésus avec « son pays », Nazareth, une rupture liée à l’absence d’écoute du « fils de Marie » et, finalement, liée à la non-foi.

 

Vers une rupture 

Pour ceux qui l’écoutaient, Jésus a manifesté sa « sagesse » par son discours en paraboles. Pour ceux qui l’ont suivi, il s’est révélé par de « grands miracles » (cf. Marc 4–5). L’évangéliste avait déjà signalé une tension entre Jésus et sa famille, en Marc 3, 21.31-5. Avec l’ultime visite à Nazareth, la rupture sera consommée.

 

L’enseignement de Jésus et les réactions 

Le passage évangélique, avec quelque dédain, estime inutile de nommer ce « pays » (Nazareth)  peu accueillant. En revanche, Marc souligne la présence des disciples. Bientôt Jésus les enverra eux-mêmes en mission (6, 7-12). Il importe donc qu’ils voient à l’œuvre leur Maître et modèle.

  La réaction des auditeurs est une surprise à la fois émerveillée et sceptique. Ils s’expriment par des questions. Les trois premières portent sur son enseignement, sa sagesse et ses miracles. « D’où cela lui vient-il ? » Puisque l’on connaît sa famille, somme toute banale, qui lui a « donné » ces talents ? Cela vient-il de Dieu, d’une prétention humaine outrancière, voire d’une manipulation par le satan ? Comparer Marc 3, 22.30 ; 11, 30.

  Les deux dernières questions portent sur l’origine de Jésus. On connaît sa mère, ses *frères et ses sœurs. Si donc on connaît si bien sa famille, comment pourrait-il être le Messie caché ? L’appellation traditionnelle « le fils du charpentier » devient ici « le charpentier, fils de Marie ». Car sans doute Joseph est-il déjà mort lorsque la tradition compose cet épisode. Notons en passant que le mot grec téktôn traduit traditionnellement par « charpentier » désigne en fait un artisan travaillant le bois, les métaux, la pierre et jouissant souvent d’une belle notoriété dans les bourgades de Palestine.

 

Le manque de foi 

Les auditeurs sont « choqués », plus exactement ils buttent sur ce qui leur semble non crédible parce qu’ils ne sortent pas de leurs idées toutes faites. Un tel refus ne dessert pas l’identité de Jésus. Au contraire, il replace celui-ci dans la lignée des vrais prophètes, tel Ézékiel (1ère lecture) et surtout Jérémie (11, 21 ; 12, 6), haï des gens d’Anatot, son village. Mais le refus est profond. Car en énumérant le pays, la parenté et la maison, le texte évoque les relations sociales les plus étroites.

  Jésus n’accomplit aucun miracle, non pas par impuissance. L’impossibilité vient de la non-foi des gens. Car le miracle n’est jamais qu’une réponse à la foi. Mais comment ne pas croire, quand on a entendu ce que Jésus a déjà fait ? Marc insère quand même la mention de quelques guérisons, soulignant par là la miséricorde de Jésus et préparant ainsi la mission prochaine des disciples qui guériront les malades (cf. Marc 6, 13, dimanche prochain). D’ailleurs, nullement rebuté par le mépris, le Missionnaire du règne de Dieu poursuit son œuvre dans « les villages d’alentour ».

 

* Les frères de Jésus. Le Nouveau Testament mentionne plusieurs fois les frères de Jésus. Le plus célèbre est Jacques, « le frère du Seigneur » (Galates 1, 19) qui dirigera l’Église de Jérusalem (Actes 21, 18). De nombreux interprètes comprennent le mot « frère » au sens strict d’enfants de mêmes parents et admettent que Marie a eu d’autres enfants. La tradition catholique, qui souligne le titre de « Marie toujours Vierge », exclut cette interprétation. Elle donne au mot « frère » un sens sémitique large de cousin, beau-frère… Relevons trois points : 1) L’examen rigoureux du Nouveau Testament ne permet pas de trancher entre le sens strict et le sens large. 2) La position protestante ne remet pas en question la conception de Jésus comme un acte créateur de Dieu se substituant à l’engendrement ordinaire. 3) « La virginité perpétuelle de Marie est quelque chose qui va au-delà de toute la documentation dont nous disposons et qui représente un éloge de Marie jailli de notre foi (…), de la réflexion chrétienne sur la sainteté de Marie… » (R. E. Brown).

 




14ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (5 juillet)

Chercher la Vérité au-delà des seules apparences (Mc 6,1-6)…

 

En ce temps-là,  Jésus se rendit dans son lieu d’origine, et ses disciples le suivirent.
Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?
N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à son sujet.
Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. »
Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains.
Et il s’étonna de leur manque de foi. Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.

 

 14ième dimanche TO année B

        

        

Jésus est à Nazareth, le pays qui l’a vu grandir… Le sabbat, il va à la synagogue, comme autrefois. On lui demande de faire la seconde lecture et le commentaire qui suit. Il obéit et « se mit à enseigner ». Et là stupéfaction : ce sont « des paroles pleines de grâce qui sortent de sa bouche » (Lc 4,16-22), des paroles pleines de « l’Esprit de grâce » (Hb 10,29). En effet, « celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, car il ne mesure pas le don de l’Esprit » (Jn 3,34). Accueillir sa Parole de tout cœur, c’est accueillir avec elle le Don sans mesure de l’Esprit dont le fruit est vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), Plénitude de vie (Ep 5,18 ; Col 2,9-10), bonheur profond… « Tu as les paroles de la vie éternelle », disait Pierre à Jésus (Jn 6,68), car il avait « accueilli, lui aussi, la Parole avec la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,5-6). « Heureux ceux qui croient » (Jn 20,29), car « tu mets dans mon cœur plus de joie, que toutes leurs vendanges et leurs moissons » (Ps 4).

« Père, les paroles que tu m’as données, je les leur ai données » (Jn 17,8)… Et l’on pourrait dire aussi : « Père, l’Esprit que tu m’as donné, et qui m’engendre en Fils de toute éternité, je le leur ai donné… Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), et avec lui, cette Plénitude de Paix, de Joie, de Vie que l’on ne peut expérimenter que dans le cadre d’une relation de cœur avec Dieu…  Ses auditeurs, ici, reconnaissent « la sagesse qui lui a été donnée ». Ils ont aussi entendu parler « des grands miracles qui se réalisent par ses mains ». Tout cela ne fait aucun doute… Et pourtant, leur question – « D’où cela lui vient-il ? » – restera sans réponse… Ils n’arriveront pas à aller plus loin que ce « fils de Marie » qu’ils croient si bien connaître, d’autant plus que ses « frères » et « sœurs », c’est-à-dire ses cousins et ses cousines, sont toujours parmi eux : « Jacques (le petit) et José », fils d’une autre Marie (Mc 15,40.47), « Jude et Simon »…

« Vous me connaissez », mais hélas, seulement selon les apparences, « et vous savez d’où je suis », ou du moins s’arrêtent-ils à Nazareth ; « et pourtant ce n’est pas de moi-même que je suis venu, mais celui qui m’a envoyé est véridiqueJe sais d’où je suis venu et où je vais, mais vous, vous jugez selon la chair » (Jn 5,28-29 ; 8,14-16). Quand donc leur cœur s’ouvrira-t-il pour accueillir cette Plénitude d’Amour et de Vie que le Père veut communiquer à tous les hommes, ses enfants ? Jésus offrira sa vie pour cela, et juste après sa mort, beaucoup partiront en se frappant la poitrine (Lc 23,48)… Enfin !  

                                                                                                       DJF

                                                                                                                     




Rencontre autour de l’Evangile – 14ème dimanche du Temps Ordinaire

«Nul n’est prophète dans son pays. »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Mc 6,1-6)

             « Le Maître revient à son village. Il semble ne pas y être retourné depuis le début de sa mission : son baptême par Jean-Baptiste (1,9). C’est Capharnaüm qui est devenu le point d’attache de son ministère itinérant. Nazareth, où il rentre, est le berceau de son enfance et de sa jeunesse. Là se trouvent sa famille et ses amis de voisinage. Les évènements ont mis entre eux un certain éloignement. Que va-t-il se passer ? » (Jacques Hervieux, dans « Les Evangiles, textes et commentaires » ; Bayard Compact, p. 381).

 

Le sens des mots

  • « Jésus est parti pour son pays et ses disciples le suivent »… Relire l’appel des disciples en Mc 1,16-20 et Mc 2,13-14 : que retrouvez-vous ? Qu’est-ce qui caractérise donc avant tout un disciple de Jésus ? Que sous-entend une telle démarche ?

  • « Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue »… Le sabbat, notre samedi, était ce jour où l’on arrêtait toutes ses occupations habituelles pour se consacrer à Dieu. La communauté se rassemblait à la synagogue, priait, écoutait la Parole de Dieu : une première lecture extraite de « la Loi » (En hébreu, la Torah, constituée par les cinq premiers livres de la Bible), la seconde étant prise dans les prophètes. En St Luc (Lc 4,16-30), Jésus lit Isaïe 61,1-2. Puis, le chef de la synagogue pouvait inviter quelqu’un de l’assemblée à les commenter. C’est ce que fait ici Jésus… L’auditoire est-il sensible à son intervention ? Quel  talent lui reconnaissent-ils ? Et qu’ont-ils par ailleurs entendu dire de lui ?

  • Ces points ayant été reconnus, sur quoi pourtant vont-ils buter ? Il faut bien comprendre ici le sens des mots « frère» et « sœur»… Que dit, depuis les tout premiers siècles, la foi de l’Eglise à ce sujet : Jésus a-t-il eu, de Marie et de Joseph, des frères et des sœurs de sang ? Comment Marie et Joseph ont-ils vécu toute leur vie ?

            Pourquoi « un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison » ?

  • « Là, Jésus ne pouvait accomplir aucun miracle… Il s’étonna de leur manque de foi»… Que diriez-vous de la foi, qu’est-elle en fait ? Pourquoi Jésus ne peut-il rien faire ici ? Avec lui et par lui, n’est-ce pas le Dieu Tout Puissant, le Créateur de l’univers qui est à l’œuvre ? Que révèle donc, du côté de Dieu, cette impossibilité d’agir ? On peut se souvenir d’Ap 3,20 où parle le Christ Ressuscité : « Je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui »…

 

 

Pour l’animateur

  • « Au bord du lac de Galilée, Jésus voit Simon et son frère André et il les appelle : « Venez à ma suite». Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent» De même pour « Jacques, fils de Zébédée et Jean son frère » : « Il les appela… et ils partirent à sa suite ». Être disciple de Jésus, c’est donc, de tout cœur, le suivre, avec son aide et son soutien… Le Christ a la première place et l’initiative : cela suppose obéissance, docilité, souplesse, détachement…

  • L’auditoire est touché par son enseignement. « Tous lui rendaient témoignage; et ils s’étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche » (Lc 4,22). Ils reconnaissent donc « cette sagesse qui lui a été donnée » et ils ont entendu parler « de ces grands miracles qui se réalisent par ses mains». Noter comment St Marc s’exprime dans les deux cas : « la sagesse lui a été donnée» sous entendu par Dieu le Père, qui « réalise » aussi Lui-même « ces grands miracles » « par les mains » de Jésus, son Fils… Nous pressentons ici le grand Mystère de Jésus « Serviteur » du Père (Ac 3,13 ; 3,26 ; 4,27 ; 4,30) et donc de tous les hommes que le Père aime (Jn 3,16-17) et veut sauver (1Tm 2,3-6). Il dira ainsi clairement en St Jean : « En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement » (Jn 5,19-20). La Parole de Jésus est celle du Père, les actes accomplis par Jésus sont « réalisés » par le Père…

  • « Frère» peut s’appliquer bien sûr aux frères de sang, comme l’étaient « Simon et André », et aussi « Jacques et Jean, fils de Zébédée » (Mc 1,16 ; 1,19). « Frère » peut aussi désigner « un demi-frère », par exemple Philippe et Hérode Antipas qui avaient le même père, le roi Hérode le Grand, et deux mères différentes, Cléopâtre et Malthacé (Mc 6,17). « Frère » peut encore s’appliquer à des cousins éloignés, comme ici « Jacques et José », fils d’une autre Marie qui sera présente elle aussi au pied de la Croix (Mc 15,40 ; 15,47). Enfin, « frères » peut désigner les disciples de Jésus (Mc 3,31-35) : c’est ainsi qu’il les appelle (Mc 3,31-35 ; Jn 20,17 ; Hb 2,11), et eux-mêmes, en se tournant vers leur Créateur et en l’appelant « Notre Père » comprennent que tous les hommes, quels qu’ils soient, sont « frères », enfants d’un même Père…

            Ici, les habitants de Nazareth croient bien connaître Jésus, « le fils de Marie », et tous ses cousins « Jacques, José, Jude et Simon »… Ils l’ont vu grandir, jouer, apprendre et exercer le métier de charpentier… Ils ne peuvent imaginer une seule seconde qu’ils ont, face à eux, le Fils Eternel de Dieu…

  • La foi est avant tout « relation à un Autre que soi-même », « Dieu », en qui l’on a reconnu l’Amour d’un Père plein de Tendresse (1Jn 4,7-16). Le premier fruit est alors la confiance en Lui… Que Jésus ne puisse rien faire ici manifeste le respect que Dieu nous porte : il ne nous forcera jamais à recevoir tout ce Bien qu’il veut nous donner… pour notre seul bien, pour notre vrai bonheur…

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

« Celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Ainsi, quiconque accueille ta Parole de tout cœur reçoit avec elle l’Eau Vive de l’Esprit qui lave, purifie, rafraîchit, apaise et donne la Vie… Avec ce Don de l’Esprit qui se joint toujours à elle, cette Parole est vraiment un « glaive » qui « pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit » (Hb 4,12), jusqu’au plus profond de nous-mêmes… Tous étaient dans l’étonnement en t’entendant, et ils en sont restés là… Garde-nous fidèles à cette Parole, jour après jour. Alors, avec elle et grâce à l’Esprit, nous grandirons dans cette Communion profonde à ta Vie, à laquelle tu nous appelles tous

 

 

TA PAROLE DANS NOTRE VIE

  • Seigneur Jésus, les habitants de Nazareth t’ont vu grandir au fil des années, toi et tes cousins, tes cousines… Tu as couru, joué dans les rues du village, tu es allé à la petite école de la Synagogue, tu as appris puis exercé le métier de charpentier… Tous te connaissaient si bien, ou du moins le croyaient-ils… Mais lorsque tu as commencé ton ministère, tout « rempli de l’Esprit Saint» (Lc 4,1) qui demeure « sur toi » depuis toujours et pour toujours (Lc 4,16-22 ; Jn 1,31‑34), tu as donné les Paroles que le Père t’avait données (Jn 17,8), tu as accompli en Serviteur « les œuvres de ton Père » (Jn 10,37 ; 5,36 ; 10,25). Mais ils n’ont pas su reconnaître que Dieu agissait en toi, avec toi et par toi.

            Et moi, aujourd’hui, suis-je capable de reconnaître que cette même Présence peut me rejoindre par les membres de ma famille, par mes voisins, par les frères et sœurs de ma communauté paroissiale ? L’Eglise n’est-elle pas « le Corps du Christ » (1Co 12,27) ? Nous croyons si bien nous connaître les uns les autres… Mais savons-nous, en regardant ce « Corps du Christ » que nous formons tous ensemble, en pécheurs pardonnés et réconciliés, reconnaître la Présence de Dieu au milieu de nous (Mt 18,20), avec nous (Mt 28,20), en chacun de nos cœurs (1Co 3,16-17 ; 2Co 4,6), un Dieu qui peut parler et agir pour nous par les uns et par les autres, quels qu’ils soient ? 

  • « Il ne pouvait accomplir aucun miracle »… « Il s’étonna de leur manque de foi »… Dieu ne fera jamais rien en nous sans notre « Oui ! »… Savons-nous lui donner ce « Oui ! » tel qu’il est, en comptant sur son aide et son soutien ?

 

ENSEMBLE PRIONS 

            Dieu qui a relevé le monde par les abaissements de ton Fils, donne à tes fidèles une joie sainte : tu les as tirés de l’esclavage du péché ; fais-leur connaître le bonheur impérissable. Nous te le demandons par Jésus, ton Fils, notre Seigneur. Amen.

 

 

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 




Comment Dieu communique-t-il ?

Le Père « communique » par son Fils éternel, Lui que nous appelons « le Verbe fait chair » (Jn 1,14) lorsque nous évoquons son Incarnation. Et c’est en tant que Fils qu’il est Parole éternelle du Père. En effet, le Père ne cesse de lui dire : « Tu es mon Fils bien aimé » (Mc 1,11 ; 9,7), autrement dit « je t’aime »… Mais « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16) et c’est parce qu’Il Est Amour qu’il est éternellement Don gratuit de Lui-même, Don gratuit de ce qu’Il Est en Lui-même… Cette réalité est évoquée dans la Bible par l’image de la Source d’Eau Vive (Jr 2,13 ; 17,13 ; Ps 42-43…), du Soleil (Ps 84,12 (TOB) ; Mt 5,43), de la pluie (Is 55,10-11 ; Mt 5,43), etc… Autrement dit, le Père Amour ne cesse de donner au Fils, et cela de toute éternité, tout ce qu’Il Est en Lui-même, lui donnant ainsi d’Être ce que Lui, le Père, Il Est de toute éternité : « Le Père aime le Fils et il a tout donné (« et il donne tout » ; parfait grec) en sa main » (Jn 3,35). Le Fils est alors cet Unique Engendré (Jn 1,14.18), fruit éternel de l’amour du Père en acte… C’est à ce titre qu’il est tout entier « Parole de Dieu », Parole du Père, qui, en acte, ne cesse de lui dire « je t’aime » en se donnant tout entier à lui… Bien distinct du Père, le Fils est alors « né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé, de même nature que le Père, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo).

Or toute la mission de Jésus consiste à nous révéler le projet de Dieu sur nous. Et nous avons tous été créés gratuitement, par amour, par le Don du Souffle de Dieu qui, en nous, est à l’origine de notre vie (Gn 2,4b-7), et cela « pour reproduire l’image du Fils » (Rm 8,29). Autrement dit, nous sommes tous appelés à recevoir nous aussi, gratuitement, par amour, ce Don que le Père ne cesse de faire au Fils, ce Don par lequel le Père l’engendre en Fils, ce Don qui est l’expression même de son « Je t’aime » éternel… Mais alors… si nous acceptons de le recevoir, gratuitement, et cela sans aucun mérite de notre part, ce serait plutôt le contraire (…), ce Don va lui aussi faire en nous ce qu’il fait dans le Fils de toute éternité : nous engendrer en fils, à l’image du Fils, en nous donnant de participer nous aussi, selon notre condition de créatures, à la Plénitude de cette nature divine qui est celle du Fils, en tant qu’il la reçoit lui aussi du Père depuis toujours et pour toujours… Voilà pourquoi le Fils est tout entier « Parole » pour nous, puisque nous sommes tous appelés, tel est le projet de Dieu, à être un jour, pleinement, ce qu’Il Est Lui-même ! Mais bien sûr en tant que personnes humaines créées, Lui étant une Personne divine non créée, engendrée par le Père depuis toujours et pour toujours, et c’est « par Lui que tout a été fait » (Jn 1,3), nous compris…

Mais ce verbe « communiquer » peut prendre pour Dieu un autre sens… Le Père « communique » avec nous par celui qui est tout entier « Parole » pour nous, et donc « chemin » à suivre en faisant comme Lui : nous tourner de tout cœur vers le Père (« Repentez-vous », première Parole de Jésus en St Marc, 1,15), pour demeurer dans l’Amour du Père, en acceptant d’en être nous aussi les heureux bénéficiaires, comblés par le Don de l’Amour qui accomplira en nous son œuvre : nous engendrer à la Plénitude de la vie divine, en fils à l’image du Fils. « Si vous gardez mes commandements », et « son commandement est vie éternelle », « vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour » (Jn 15,10 ; 12,50). Et c’est là où le verbe « communiquer » a un double sens en Dieu : Dieu « communique », au sens de « donner », par notre foi au Fils qui se traduira alors par un « recevoir ». Mais cette œuvre est cette fois celle de l’Esprit Saint, qui procède du Père et du Fils, autrement dit qui se reçoit de toute éternité du Père et du Fils, comme le Fils se reçoit de toute éternité du Père… La traduction de la TOB pour Jn 16,12-15 est tout particulièrement belle à ce sujet : « Il me glorifiera », dit Jésus de l’Esprit Saint, « l’Esprit de vérité », « car il recevra de ce qui est à moi », et c’est bien ce qu’il fait depuis toujours et pour toujours, « et il vous le communiquera. Tout ce que possède mon Père est à moi », puisque le Père donne tout ce qu’il est, tout ce qu’il a au Fils, l’engendrant ainsi en Fils, « c’est pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi », et cette fois, Jésus emploie bien un présent pour le verbe « recevoir », qui de fait est éternel : l’Esprit ne cesse de se recevoir (du Père) et du Fils en tant qu’il « procède du Père et du Fils » (Crédo)…

Autrement dit, par l’Esprit Saint qui est « Seigneur et qui donne la vie » (Crédo), « Dieu communique » en nous donnant d’avoir part à ce qu’Il Est en lui‑même… « Dieu est Amour », et donc Don de Lui-même… « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ? Il donne l’Esprit, un Esprit qui est Vie, un Esprit qui vivifie… Et c’est ainsi que nous disons : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie ».

Voilà comment Dieu ne cesse de nous parler en silence en nous donnant l’Esprit qui est tout à la fois Vie, Paix, Joie douce et discrète… Et le Père n’a qu’une Parole à nous dire, une Parole qui correspond en fait à ce qu’il vit continuellement à notre égard : « Je vous aime ». C’est le résumé de tout ce que Jésus a à nous transmettre de la part du Père : « Le Père Lui-même vous aime » (Jn 16,27). Et il le fait en « témoin », puisque c’est ce qu’il « entend » du Père depuis toujours et pour toujours… Voilà pourquoi il nous dit : « Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15,15). « Père, les paroles que tu m’as données », « Tu es mon Fils bien-aimé », « je t’aime », « je les leur ai données », « le Père Lui-même vous aime » (Jn 17,8)…

Tout ceci se résume avec Jn 3,34 :

  • Dieu communique par une Parole audible, intelligible: « Celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu » (Jn 3,34 a)…
  • Dieu communique par le Don qu’il ne cesse de faire de Lui-même (« Dieu est Esprit » (Jn 4,24), il donne donc l’Esprit) : … « car il donne l’Esprit sans mesure» (Jn 3,34b), un « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), un « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6).

A nous maintenant de nous convertir, de nous repentir, jour après jour, avec le secours et la grâce de Dieu, pour nous tourner de tout cœur vers le Père, comme le Fils l’est de toute éternité (Jn 1,18), et demeurer ainsi avec Lui dans cet Amour du Père qui n’est que Don de Lui-même, un Don par lequel il ne cesse d’engendrer à la vie, à sa Vie… Alors, nous recevrons nous aussi, avec le Fils, ce Don que le Fils reçoit du Père de toute éternité, un Don par lequel le Père l’engendre en Fils, un Don par lequel nous serons engendrés à notre tour en Fils à l’image du Fils… Alors notre vocation sera accomplie, et telle est la vocation de tout homme quel qu’il soit sur cette terre… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté » (Lc 2,14 ; St Jérôme)… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa complaisance » (Lc 2,14 BJ). « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix pour ses bien-aimés » (Lc 2,14 TOB), car Dieu dans son Amour ne cesse de répandre en surabondance sur le monde tout ce qu’Il Est en Lui-même… « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ? Gratuitement, par amour, il ne cesse de donner l’Esprit, et « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… Alors, « paix à tous les hommes de bonne volonté »…

                                                                                                                                            D. Jacques Fournier

Comment Dieu communique-t-il? : en cliquant sur ce titre vous accéderez à un document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




13ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 28 juin 2015

 

Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24 (« C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde « ) 

Vers 50 avant notre ère, l’auteur anonyme invite ses contemporains juifs d’Alexandrie à chercher Dieu sous la conduite de sa Sagesse. Il use de la fiction, en laissant supposer que c’est le roi Salomon qui écrit, un roi réputé pour sa sagesse (voir 1 Rois 5, 9-14, passage fort éclairant pour l’ensemble du Livre de la Sagesse). Notre auteur attaque rudement (ch. 2) les impies qui ne croient qu’en la vie terrestre, suivent leur plaisir et traquent ceux qui les dérangent par leur conduite exemplaire. Au contraire, aux « justes » qui cherchent et font la volonté de Dieu, celui-ci promet le don de l’immortalité auprès de lui.

  « Dieu n’a pas fait la mort ». L’auteur ne parle pas de la mort physique, laquelle est naturelle : « Je suis moi aussi un être mortel, pareil à tous, un descendant du premier être formé de la terre » (Sagesse 7, 1 ; comparer 9, 15). Il évoque une réalité révoltante : la Mort qui ampute l’homme de ses relations, celle qu’il s’inflige, par ses péchés, en se séparant de son Créateur. Dieu ne veut pas cette mort-là. Il a tout créé pour la vie. Si des poisons poussent sur la terre, aucun d’eux n’engendre une telle mort spirituelle, et celui qui pratique la justice est voué à l’immortalité. L’auteur médite sur le récit des origines (Genèse 1 – 3). L’homme avait pour vocation d’être l’image de Dieu, et ce lien incluait l’immortalité. C’est le *diable, jaloux de la destinée immortelle des humains, qui a introduit la mort en les séparant de leur Dieu.

  Jésus apparaîtra comme le vainqueur de la mort en ressuscitant la fille de Jaïre (évangile de ce jour) ; il révélera ainsi le projet tenace d’un Dieu qui veut la vie de ses créatures. 

* Le diable. Ce texte est le premier, dans la Bible, à identifier le serpent de la Genèse (ch. 3) au démon. Voir, par la suite, Apocalypse 12, 9 ; 20, 2. Selon de belles légendes juives anciennes, l’ange déchu a été chassé des cieux parce qu’il a refusé de reconnaître en Adam la gloire de Dieu. La tentation d’Ève fut sa vengeance. 

 

2 Corinthiens 8, 7.9.13-15 (« Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres « ) 

L’Église de Jérusalem avait dispensé les chrétiens d’origine païenne de l’observance des lois de Moïse, à la différence des Églises d’origine juive. Comment éviter alors le paradoxe d’Églises parallèles et indépendantes ? Par la réalisation d’une collecte des chrétiens grecs en faveur des pauvres de l’Église de Jérusalem. L’opération avait commencé dans les Églises turques. Les Corinthiens avaient adhéré au projet (1 Corinthiens 16, 1-4), puis les Macédoniens, c’est-à-dire les Églises de Philippes et de Thessalonique (2 Corinthiens 8, 1-5). Mais les Corinthiens, eux, n’avaient toujours pas ouvert leurs porte-monnaie, et Paul revient donc ici à la charge.

  La collecte signifie une communion concrète (lire Romains 15, 25-27). Les Corinthiens sont comblés de tous les dons spirituels – « que vous tenez de nous », les apôtres, souligne l’ironie de Paul, et non de vos propres talents. Alors, sachez manifester votre reconnaissance !

  Le Christ « est devenu pauvre », en sa passion, pour enrichir les croyants par les énergies de sa résurrection. Voilà la source de la générosité des chrétiens qui ont tout reçu du Christ, « le don généreux » qui fait de la collecte une grâce accordée à la communauté des donateurs. Ce don de soi, essence de l’Évangile, se traduira, non par l’impossible imitation du Crucifié, mais par la recherche d’une égalité entre les communautés. Tout ce que nous avons est don de Dieu, comme la manne du désert que nul ne pouvait s’approprier sans dommage (cf. l’incident rapporté en Exode 16, 18-21).

  Contre ceux qui ne veulent « pas de bruit d’argent autour de l’autel », Paul affirme avec vigueur que l’eucharistie est vaine si elle ne traduit pas l’Évangile par une charité bien concrète et matérielle.

 

Marc 5, 21-43 (« Jeune fille, je te le dis : lève-toi « ) 

Puissant en paroles dans le discours en paraboles (Marc 4), Jésus se révèle tout aussi puissant en actes. Après avoir calmé la tempête et libéré le possédé de Gérasa, en terre païenne, il guérit une femme malade depuis douze ans et ressuscite une enfant de douze ans. La répétition du chiffre cimente les deux récits emboîtés l’un dans l’autre. L’imbrication numérique (comparer Luc 13, 4 et 13, 11 !) sert une progression dramatique : Jésus allait guérir la fille de Jaïre. Mais ce nom a valeur de programme ; Il signifie « Dieu illumine » ou « Dieu resssuscite ». Avec le retard dû à l’intervention de la femme, c’est un cadavre que Jésus trouvera chez le « chef de la synagogue », une fonction importante, qui compte pour le renom de Jésus. 

Ma fille, ta foi t’a sauvée 

La femme semble souffrir d’une métrorragie chronique. La perte du sang fait d’elle non seulement une malade, mais une impure contagieuse qui ne peut plus, depuis douze ans, participer aux assemblées religieuses (cf. Livre des Lévites 15, 19-30). Marc n’a point de mépris particulier contre le corps médical, quand il dit que la malheureuse s’était ruinée chez les médecins. L’évangéliste emprunte un lieu commun des ex-voto des temples grecs : quand tout remède a échoué, on recourt, dans un temple réputé, à un dieu guérisseur. De la culture antique viennent aussi deux détails : 1) l’idée que le contact physique du guérisseur, de son vêtement (comparer Marc 3, 10 ; 6, 56), agit comme une anti-contagion ; c’était même une vertu que l’on attribuait aux vêtements de l’empereur Vespasien ; 2) l’idée que la guérison s’opère par une force émanant du thaumaturge (comparer Luc 6, 19). Enfin, selon les règles juives, la suppliante contamine Jésus en touchant son vêtement. D’où sa crainte, lorsqu’elle se voit démasquée.

  Sur cet arrière-fond culturel, le récit souligne la confiance audacieuse de la malade. Elle dit « toute la vérité », elle confesse sa foi. En Jésus, elle ne cherchait pas seulement la guérison, mais à être « sauvée » de son exclusion. Jésus réintègre la femme dans la vie sociale et religieuse. Il la renvoie « en paix », c’est-à-dire dans la santé, l’intégrité personnelle, le bien-être, fruits de la foi en lui.

  En effet, le plus étonnant dans ce récit tient en cela que Jésus semble n’avoir rien fait, et, en vérité, il n’a rien fait. D’où la question de Jésus : « Qui m’a touché ? » et la réponse étonnée et bien normale des disciples. La foi de cette femme a tout fait. On mettra en regard l’échec de la visite de Jésus à Nazareth, visite qui va suivre ce chapitre : « Là, il ne pouvait accomplir aucun miracle, si ce n’est qu’il guérit quelques infirmes (…). Et il s’étonna de leur manque de foi » (Marc 6, 5-6, évangile de dimanche prochain). 

Jeune fille, lève-toi 

L’acte II s’orne d’un scepticisme qui n’imagine pas le Maître éveillant une morte. Mort bien réelle, comme l’atteste le concert des lamentations traditionnnelles. Quand Jésus dit : « elle dort », la caméra de l’évangéliste élargit son champ jusqu’au contexte de l’Église de son temps, lorsque, depuis la résurrection de Jésus, les chrétiens voient dans la mort un sommeil temporaire et s’interdisent tout deuil trop démonstratif (voir 1 Thessaloniens 4, 13), malgré les moqueries des païens qui pensent que les chrétiens ne savent pas honorer leurs morts.

  Comme tout thaumaturge d’alors, juif ou païen, Jésus opère dans le secret de la maison. Ainsi avaient agi Élie et Élisée (1 Rois 17, 17-24 ; 2 Rois 4, 18-37). Mais chez Jésus, plus grand qu’eux, ni prière ni mise en scène laborieuse. Le contact de sa main et sa simple parole suffisent à rendre la vie. La parole est prononcée en araméen, langue maternelle de Jésus : « Talitha koum » (avec une faute de syntaxe dans la transmission : ce devrait être koumi, au féminin !) Pour des lecteurs grecs, en tout cas, ce langage étranger rejoignait le charabia des exorcistes de leur temps.

La fillette marche et mange, preuve de son retour à la vie. Mais on doit garder le secret. Ce miracle révèle Jésus comme le Messie. Or Jésus ne peut être reconnu comme Messie qu’à travers toute sa destinée : la passion et la gloire, tout cela dont les trois disciples privilégiés, Pierre, Jacques et Jean, seront les témoins (en Marc 9, 2.9 ; 14, 32-42). « Les portes de la mort sont à Dieu, le Seigneur » (Psaume 68 [67], 21). En Jésus, Dieu manifeste sa victoire sur la mort, puisque « Dieu n’a pas fait la mort » (1ère lecture).

 

 

 




13ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER (28 juin)

Dans son Amour, Dieu sait ce qu’Il fait… (Mc 5,21-43)

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer.
Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds
et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »
Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.
Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… –
elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –…
cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. »
À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela.
Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques.
Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.
Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. »
Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant.
Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur.
Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.

 

 talitha koum 3

         

         Un papa nommé Jaïre est bouleversé par les souffrances et la maladie de sa petite fille… Il est bien ici « à l’image et ressemblance » du Dieu Père, bouleversé lui aussi par les souffrances des hommes, ses enfants… Lorsqu’ils refusent de l’écouter et s’engagent sur des chemins qui ne peuvent que les conduire à la catastrophe, il déclare par son prophète Osée : « Mon cœur est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent » (Os 11,7-9)… Et la note de la Bible de Jérusalem précise à propos du mot « bouleversé » : « Le mot est très fort, précisément celui qui est employé à propos de la destruction », par suite du péché des hommes, « des cités coupables. Osée laisse entendre » que ces conséquences dramatiques « sont comme vécues par avance dans le cœur de Dieu ». Et ensuite, il se désole : « Toute la tête est mal-en-point, tout le cœur est malade, de la plante des pieds à la tête, il ne reste rien de sain. Ce n’est que blessures, contusions, plaies ouvertes, qui ne sont pas pansées ni bandées, ni soignées avec de l’huile » (Is 1,5-6). Description saisissante d’Israël blessée par suite de ses fautes, un portrait qui est aussi celui du Christ en Croix : avec Lui et en Lui, Dieu en personne est venu porter nos souffrances pour nous en libérer, il a été blessé de nos blessures pour les guérir ! « Par tes blessures, ô Christ, nous sommes guéris » (1P 2,21-25).

            Jésus, en effet, nous a « visités dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu », écrit St Luc (Lc 1,76-79). Syméon attendait « la consolation d’Israël » ? Il reçoit l’enfant Jésus entre ses bras, car il est tout entier « consolation » offerte à l’homme qui souffre (Lc 1,25-32 ; 2Co 1,3-11)), même si cette souffrance est la conséquence de sa désobéissance ! Mais avec le soutien indéfectible du Christ, de Miséricorde en Consolation, il trouvera avec Lui la force de rejeter ce qui le fait souffrir, pour ensuite le suivre, pour son plus grand bonheur, sur un Chemin de Plénitude et de Vie !

« Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive », supplie Jaïre… Et Jésus obéira : « Il partit avec lui »… Ainsi va l’Amour qui ne peut rester insensible face à la souffrance de celles et ceux qu’il aime… Toujours il agit, toujours il répond, mais souvent il nous déroute, car « vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies » (Is 55,8-9). Et quelle est la pensée de Dieu ? Envers et contre tout, le meilleur pour chacun d’entre nous, car Il n’Est qu’Amour (1Jn 4,8.16).

                                                                                                                      DJF




Rencontre autour de l’Evangile – 13ème dimanche du Temps Ordinaire

«Talitha koum » : ‘Jeune fille, je te le dis, lève-toi.’

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Mc 5,21-43) 

            Juste avant notre épisode, Jésus était allé pour la première fois sur la rive Est du lac de Tibériade, en plein territoire païen, « au pays des Géraséniens. » Il y avait libéré « un homme possédé d’un esprit mauvais » qui vivait parmi les tombeaux, dans le royaume de la mort, et passait son temps « à crier et à se blesser avec des pierres »… Le Christ Sauveur revient ici en territoire d’Israël, certainement à Capharnaüm, pour continuer à manifester, en actes, sa victoire sur la mort. Le salut est donc offert à tout homme, qu’il soit Juif ou païen… 

Le sens des mots 

  • Jésus débarque à Capharnaüm. La synagogue est à moins de deux cents mètres. Une foule vient l’accueillir. Jaïre, « le chef de la Synagogue », la plus grande personnalité religieuse de la ville est là et, devant tout le monde, « il tombe aux pieds de Jésus et le supplie»… Quelle qualité de cœur manifeste-t-il ici ? « Viens»… Que fait Jésus ? Quelles qualités de cœur manifeste-t-il à son tour ? 

  • Une femme avait des pertes de sang… Notez tous les éléments qui soulignent la gravité de son état. Or, on croyait à cette époque, que « la vie de la chair est dans le sang» (Lv 17,11). Perdre son sang revenait à perdre sa vie et donc à être touché par la mort. Or tout ce qui tourne autour de la mort était considéré comme impur… Dans son état, la Loi permettait-elle à cette femme de toucher quelqu’un ? Mais quel désir l’habite ? Que fera-t-elle donc, pourquoi et comment ? Si un Pharisien l’avait su, quelle aurait été sa réaction à son égard ? Cela explique-t-il le fait que, découverte, elle se jette aux pieds de Jésus « craintive et tremblante, en lui disant toute la vérité » ? Mais Jésus, Lui, comment réagit-il ? Qu’est-ce qui est donc premier pour Lui ?

            Dieu seul peut accomplir de telles guérisons… « Elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt, Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui »… Qui donc est Jésus ? 

  • « Ta fille vient de mourir »… « Ne crains pas, crois seulement »… Au début, Jésus a obéi à Jaïre, et maintenant, qu’en est-il ? Qui prend les choses en main ? Pourquoi Pierre, Jacques et Jean sont-ils les seuls à pouvoir accompagner Jésus ?

            Notez la délicatesse et l’humanité avec lesquelles Jésus agit vis-à-vis du père, de la mère et de l’enfant… « Il pénètre là où reposait la jeune fille », dans le royaume de la mort, « il saisit la main de l’enfant », il établit le contact et lui dit : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! ». Quel unique moyen Jésus utilise-t-il ici ? Que vous rappelle cette manière d’agir ? De quoi ce miracle est-il le signe ? Que manifeste donc Jésus en tout ce passage ?

 

 

Pour l’animateur

  • Jésus n’avait fait aucune étude religieuse de renom, contrairement à St Paul, élève du prestigieux Gamaliel à l’école des Rabbins de la capitale, Jérusalem (Ac 22,3). Aux yeux de tous, il est simplement « le fils du charpentier » (Mt 13,55), originaire d’une petite ville sans importance : « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ?» (Jn 1,46). En tombant à ses pieds devant tout le monde, Jaïre, « le chef de la synagogue », manifeste son humilité et l’absence de tout ‘respect humain’… Sa démarche est authentique : elle vient du plus profond de son cœur, par amour pour sa petite fille…

                « Viens »… Jésus est toujours « bouleversé » de compassion « jusqu’au plus profond de lui-même » devant les souffrances des hommes (Lc 7,13 ; 10,33 ; 15,20). Touché au cœur lui aussi, il obéit à Jaïre et le suit… 

  • La Loi interdisait à cette femme de toucher qui que ce soit… Mais son désir de vivre est le plus fort ! Aussi va-t-elle « toucher » le vêtement de Jésus, « par derrière », en cachette… Sa confiance n’est pas déçue : en cet instant précis, elle vit ‘quelque chose’ d’unique et comprend qu’elle est « guérie de son mal. » Dans les Evangiles, les guérisons physiques sont toujours les signes visibles d’une guérison plus profonde, spirituelle, qui concerne toute la personne : cœur, âme et esprit… La maladie était comprise à tort à l’époque comme un châtiment du péché. Le péché sépare de Dieu ? « Guérie de son mal » et de toutes ses conséquences, elle lui est réconciliée… Il prive du Don de la Plénitude de sa Vie et plonge dans un état plus ou moins intense de mort spirituelle ? Elle est à nouveau vivifiée de l’intérieur par le Don de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). En un mot, « elle est sauvée » dès maintenant par sa foi et dans la foi, et cela pour toujours si elle demeure fidèle à Jésus Sauveur. Heureusement, à la prière du Fils, le Père nous « garde du Mauvais », uni à Lui, tout contre Lui, « dans son Nom», grâce à sa Miséricorde toujours offerte dès que nous trébuchons (Jn 17,11-15)… Il suffit alors de tout lui offrir et de le laisser agir…

                Cette femme a désobéi à la Loi ? Un Pharisien se serait mis en colère et l’aurait sévèrement reprise. Jésus, Lui, ne lui fait aucun reproche. Bien au contraire, il la confirme dans sa démarche… Cette Loi, dénaturée par quantité de traditions humaines, était devenue « inhumaine ». Or la Loi a été faite pour l’homme, pour le guider et le soutenir dans l’épanouissement de sa vie, comme le fait un tuteur pour une plante. Jésus veut rendre à la Loi sa vocation première, toute au service de l’homme… Ce sera l’œuvre de « la loi de l’Esprit qui donne la Vie dans le Christ Jésus » (Rm 8,2), Esprit d’Amour et de Tendresse donné aux cœurs ‘de pierre’ pour qu’ils deviennent ‘de chair’, « humains » (Ez 36,26). 

  • Jésus prend les choses en main… Pierre, Jacques et Jean l’accompagnent car Jésus veut faire d’eux ses témoins. Il ramènera à la vie la petite fille par sa seule Parole, à laquelle se joint toujours l’Esprit de force et de puissance. Son action est créatrice, comme dans la Genèse : « Il dit et cela fut ». Signe de la capacité de Dieu à ressusciter d’entre les morts, ce miracle manifeste la victoire de Dieu sur la mort… C’est ce que Jésus a fait en tout ce passage…

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

Seigneur Jésus, tu es toujours bouleversé devant les souffrances des hommes. Si elles sont les conséquences de nos mauvais choix, tu ne cesses, pour notre seul bien, de nous inviter au repentir et à la conversion. Et dans tous les cas, tu frappes à la porte de nos cœurs et tu te proposes de porter avec nous nos fardeaux. Ainsi, grâce à toi, à ta Présence, ils deviendront légers et nous trouverons paix et soulagement pour nos âmes. Bien plus, ton seul désir est que nous participions dès maintenant à ta Vie en attendant ce Jour où par delà notre mort, nous te verrons. Nous te rendons grâces pour ta Miséricorde toujours offerte. Elle seule, en nous relevant et en habitant nos efforts de l’intérieur, nourrit notre espérance de partager un Jour ta Plénitude…

 

 

TA PAROLE DANS NOTRE VIE

  • Jésus n’est jamais insensible à la souffrance des hommes, et il répond toujours aux appels qui lui sont faits… Et nous, que pourrions-nous faire pour aller davantage vers celles et ceux qui souffrent, déjà dans notre famille, nos proches, mais aussi parmi nos voisins, vers les malades ou les personnes seules, âgées peut-être, de notre quartier ? 

  • Cette femme qui souffrait de pertes de sang avait foi en Jésus, et sa confiance n’a pas été déçue… Qu’en est-il, de cœur, de la nôtre ? Comment vivons-nous les contrariétés, les épreuves de notre vie, la mort de nos êtres chers ? Les rejetons-nous par notre mauvaise humeur, notre révolte, ou essayons-nous de nous tourner de tout cœur vers Jésus pour ensuite, quoiqu’il arrive, porter et supporter tout cela avec Lui dans la prière ? 

  • Toute Loi, fut-elle religieuse, devrait être au service de l’homme. En avons-nous bien conscience ? Ne nous arrive-t-il pas parfois de critiquer, de juger, d’exclure peut-être quelqu’un parce que sa situation ne correspond pas à nos règles actuelles ?

 

ENSEMBLE PRIONS  

            Dieu, Maître de la vie, toi qui as créé toutes choses pour qu’elles subsistent, nous te prions : ne laisse pas la mort l’emporter ; que Jésus, ton Fils, nous relève, que ton Esprit nous ranime, et nous serons à toi dès aujourd’hui, et pour les siècles des siècles. Amen.

 

 

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 




Audience Générale du Mercredi 17 Juin 2015

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 17 juin 2015
 


Frères et sœurs, la mort est une expérience qui touche toutes les familles. Elle semble contredire la nature des relations qui donnent sens à la famille, lorsque des parents  perdent un enfant qui avait été l’objet de tant de joies, de sacrifices et de promesses ; ou bien lorsque de jeunes enfants souffrent l’expérience angoissante du vide et l’abandon causée par la mort d’un parent. La mort physique a pour « complice » le péché du monde, qui la rend plus douloureuse et injuste. Cependant dans la lumière de la résurrection nous pouvons empêcher la mort de nous faire sombrer dans la nuit. Beaucoup de familles endeuillées témoignent courageusement que la mort n’a pas le dernier mot. Le Seigneur a vaincu la mort pour toujours, et nos chers défunts ne sont pas retournés au néant, mais sont entre les mains de Dieu. Dans la foi, l’expérience du deuil peut rendre nos familles plus unies et plus ouvertes à la douleur des autres familles éprouvées.
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les personnes venues de Belgique et de France.
Je souhaite aujourd’hui me faire particulièrement proche, par la prière, des familles que la mort a douloureusement éprouvées. Qu’elles gardent ferme la foi en la résurrection des morts promise par le Seigneur, et que les secours de la grâce les rendent plus encore unies et solidaires.
Que Dieu vous bénisse !
 

 

 

 




Tous appelés à être sauvés par Dieu de la Colère de Dieu…

« Dieu est Amour » écrit par deux fois St Jean (1Jn 4,8.16). « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12), nous demande-t-il. « Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,43-45). « Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien« , nous dit St Paul (Rm 12,21). Or l’Ancien Testament nous présente très souvent Dieu comme se mettant en colère face au mal, une colère qui l’amène à répondre au mal par le mal avec parfois beaucoup de violence… Un texte va même jusqu’à nous le montrer prenant du plaisir à détruire ! « Parce que tu n’auras pas obéi à la voix de Yahvé ton Dieu, autant Yahvé avait pris plaisir à vous rendre heureux et à vous multiplier, autant il prendra plaisir à vous perdre et à vous détruire » (Dt 28,63). Et le prophète Ezéchiel nous le montre « allant même jusqu’à leur donner des lois qui n’étaient pas bonnes et des coutumes dont ils ne pouvaient pas vivre, et je les souillai par leurs offrandes, en leur faisant sacrifier tout premier-né, pour les frapper d’horreur, afin qu’ils sachent que je suis Yahvé » (Ez 20,25-26). Nous sommes ici au comble de l’horreur… 

Comment les auteurs de l’Ancien Testament ont-ils pu s’imaginer que Dieu pouvait être ainsi ? Quelle était donc leur compréhension du monde ? Comment percevaient-ils le problème du mal et de ses conséquences, et surtout quels liens établissaient-ils entre le mal et Dieu ? Gerhard Von Rad, dans sa « Théologie de l’Ancien Testament », a enquêté sur les croyances anciennes du monde oriental, des croyances qui ont influencé la manière dont les auteurs de l’Ancien Testament se représentaient Dieu et sa manière de réagir face au mal… Mais d’étape en étape, leur cheminement s’est affiné… jusqu’à atteindre son sommet: « Dieu est Amour‘, et il n’Est qu’Amour…

Nous commencerons ici par regarder le thème de la Colère de Dieu dans le Livre de l’Exode, en soulignant à quel point Dieu y est perçu de manière « humaine », et en mettant en lumière quelques belles contradictions… Puis nous regarderons rapidement les colères humaines dans la Bible, pour ensuite faire une rapide synthèse des informations trouvées dans les textes parlant de la Colère de Dieu: ses destinataires, les agents de cette Colère, ses effets, les raisons qui la déclenchent… Puis nous verrons, avec Gerhard Von Rad, comment deux principes simples peuvent nous aider à rendre compte de tout cela… Enfin, nous regarderons, avec de magnifiques textes de l’Ancien Testament lui-même, quelles sont les attitudes et les réactions de Dieu face au mal, autant d’éléments que l’on retrouve, avec une pureté inégalée, dans la vie et les Paroles du Christ…

En regardant cette « Colère de Dieu » bien en face, en l’interprétant à la lumière des clés qui ont présidé à une telle vision de Dieu, nous ne pourrons que constater à quel point c’est bien un seul et même Dieu qui a guidé tout ce cheminement biblique. Certes, il a pris les hommes tels qu’ils étaient, et heureusement, il en fait toujours de même avec nous. Mais avec une infinie patience, de génération en génération, par ses prophètes et dans la prière, sa Lumière, présente dès les tout débuts, a, petit à petit, percé nos ténèbres, illuminé nos intelligences, jusqu’à se révéler, dans toute sa splendeur,avec le Christ, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), « la Lumière du monde » (Jn 8,12), révélation parfaite du Mystère éternel d’un « Dieu Amour« … « Moi et le Père nous sommes un » (Jn 10,30), dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,3), d’une même Lumière (Jn 12,46; 1Jn 1,5)… « Recevez l’Esprit Saint« … C’est en ce Don que nous espérons aujourd’hui pour qu’il nous guide, jour après jour, vers la vérité tout entière… « L’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout… Il vous introduira dans la vérité tout entière » (Jn 14,26; 16,13)… A nous maintenant de lui demander sa Présence et son soutien, le plus simplement possible, et de partir à l’aventure dans la recherche de la vérité, en étant, avec Lui, ouvert à tout…

Bonne lecture à vous… 

D. Jacques Fournier

Pour des raisons de commodités au niveau de la mise en page et aussi parfois, au niveau des citations bibliques en leur langue originale, traduites et expliquées, nous vous invitons à cliquer sur le titre ci-dessous: il vous donnera accès au document en PDF… 

Sauvés par Dieu de la Colère de Dieu-PDF




12ième dimanche du temps ordinaire par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 21 juin 2015

 

Job 38, 1.8-11 ( » Ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots « ) 

Goûtons d’abord la poésie du texte, très bien traduit par le lectionnaire liturgique. Entrons ensuite dans la manière dont les  anciens Orientaux se représentent le monde. Si Dieu parle « du milieu de la tempête », c’est que le cosmos est un tourbillon de forces négatives et mortelles jugulées par le Créateur. Surtout, dans cette culture antique *la mer représente le mystère du mal dans lequel on se noie. Avant la création, il y avait l’abîme, l’océan abyssal. Par la création, Dieu impose des vannes à ce monde dangereux.

  Demandons-nous alors quel rôle joue ce poème dans le livre de Job. Pendant de longs chapitres, Job a hurlé sa révolte : Pourquoi le juste souffre-t-il ? La fin du livre apporte une réponse divine énigmatique : Ta question est une bonne question, mais elle part d’une sagesse limitée. Tu te heurtes à une sagesse mystérieuse, celle du Créateur qui, au long de l’histoire, sait museler les forces du mal.

  Ce texte prépare l’évangile. En Jésus qui apaise les flots, Dieu se révèle comme le maître de l’abîme de nos angoisses. Mais l’angoisse s’est déplacée. Pourquoi souffrons-nous, demande Job ? Pourquoi sommes-nous assaillis dans notre mission, demandent les témoins de Jésus ? 

* La mer. Dans le récit des possédés de Gérasa, les esprits impurs se précipitent dans la mer (Marc 5, 13). Maître des ennemis de l’homme, Jésus les renvoie dans leur lieu mythique des forces du mal. Selon le même symbole, l’Apocalypse (21, 1) dépeint ainsi l’univers à venir : « Le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus ». L’auteur sacré ignore, semble-t-il, les plaisirs balnéaires. Il souligne seulement que Dieu ne laissera pas l’humanité se noyer dans la mort et le désespoir. 

 

2 Corinthiens 5, 14-17 (« Un monde nouveau est déjà né « ) 

Paul s’achemine vers la conclusion de son débat avec les Corinthiens, débat commencé en 2 Corinthiens 2, 14. Ceux-ci se sont laissé mener par certains missionnaires trop imbus d’eux-mêmes, trop prompts à se faire valoir par leur éloquence et leurs performances spirituelles. Paul veut ramener ses lecteurs au véritable évangile.

  « *L’amour du Christ nous saisit », nous les apôtres, écrit-il. L’Évangile se résume dans le don de soi de Jésus pour que les hommes vivent unis à lui et entre eux. Selon « la manière simplement humaine » de penser, la mort du Messie n’a-t-elle pas été un échec ? Non ! Elle invite à dépasser les jugements trop humains, puisque, par la croix, Jésus a inauguré un monde nouveau. Nous devons nous décentrer de nous-mêmes, nous renouveler, en suivant le chemin d’amour ouvert par Jésus.

  Incidemment, et la traduction liturgique ne permet pas de le saisir, Paul défend son statut d’apôtre. D’autres apôtres lui contestent son titre, lui reprochent de n’avoir pas connu le Christ « selon la chair », c’est-à-dire durant sa vie terrestre. Mais, pour Paul, dans le monde nouveau inauguré par la résurrection, tout croyant ressortit à une création nouvelle (et non « une créature nouvelle ») qui ne fonde pas plus sa foi simplement sur la connaissance de Jésus de Nazareth. Aujourd’hui se multiplie la vocation apostolique de celles et ceux qui n’ont pas connu Jésus sur les chemins de la Terre d’Israël.

  Implicitement, c’est donc à sa relation pastorale que songe Paul. Il voudrait que ses chers Corinthiens comprennent ses critiques et le désintéressement qui l’anime. Il voudrait que les relations entre l’Apôtre et ses correspondants repartent sur de nouvelles bases, plus évangéliques. Ceux-ci sont des « créatures nouvelles », adultes. Qu’ils se comportent aussi de manière adulte avec lui. 

* « L’amour du Christ » n’est pas l’amour que nous portons au Christ, mais l’amour du Christ pour les hommes. C’est l’amour de celui qui meurt pour tous, pour que tous se sentent concernés et entraînés par un tel désintéressement. Cet amour du Christ « saisit » les apôtres, ou les « coince », les « contraint » (le verbe grec est difficile à traduire). Il les contraint à annoncer l’Évangile avec désintéressement, contre vents et marées, malgré l’incompréhension ou les réticences de leurs auditeurs.

 

Marc 4, 35-41 (« Qui est donc celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? « ) 

Pour annoncer l’Évangile à la suite du Seigneur, même au quotidien, il nous faut nous risquer sur d’autres rives inconnues, et pour cela affronter des tempêtes. 

Passons sur l’autre rive 

La journée a été chargée. Par ses paraboles (Marc 4, 1-34), Jésus a révélé à la foule juive les richesses du règne de Dieu. Mais il y a urgence ; il part « comme il était » (sans changer de vêtements ?). Il a hâte d’étendre l’annonce de l’Évangile. « Sur l’autre rive », il va rencontrer le monde païen, enchaîné au mal, symbolisé par le possédé gérasénien (Marc 5, 1-20). En fait, ces épisodes sont une leçon de choses pour la future mission de l’Église. 

Survient une violente tempête 

Curieusement, Marc s’intéresse moins aux passagers qu’à la barque submergée, accompagnée tout aussi curieusement « d’autres barques » qui disparaitront aussitôt mentionnée de l’intérêt du narrateur. Simplement, à la manière laconique de Marc, ces mentions symboliques pointent vers le sort des communautés chrétiennes à venir. Quand l’Église sort d’elle-même pour aller témoigner, elle doit essuyer des tempêtes. D’ailleurs le récit s’inspire d’un précédent biblique, l’histoire de Jonas fuyant son envoi aux païens de Ninive.

  Comme Jonas (Jonas 1, 5), Jésus dort dans la tempête. Mais le sommeil de Jésus a une autre signification. Il signifie la mort de Jésus, sa disparition, son invisibilité. Il traduit l’angoisse des chrétiens de tous les temps. Ceux-ci veulent bien suivre leur Maître, mais ils s’inquiètent de son absence apparente, de son silence. Nous nous sentons perdus dans les tempêtes qui nous assaillent. 

Vous n’avez pas la foi ? 

Pourtant, Jésus est là. Il sait que notre angoisse n’est pas d’ordre météorologique. Elle s’enracine dans l’hostilité que les gens et l’univers entier semblent parfois opposer à la mission des croyants. C’est pourquoi Jésus s’adresse aux éléments en furie comme à des personnes, à des démons : il « menace » le vent et la mer en ces termes : *« Silence, tais-toi ! ». Ceux qui s’embarquent à la suite de Jésus ont raison de lui crier : « Nous sommes perdus. » Mais ils l’offensent par leur question : « Cela ne te fait rien ? » D’ailleurs, ils l’interpellent comme « Maître », et non comme « Seigneur » : ils n’accèdent pas encore à la foi pascale, une déficience que l’évangéliste soupçonne chez nous, ses lecteurs. 

Qui est-il donc ? 

De la peur, on passe à une « grande crainte », un respect teinté d’amour devant une issue qu’on n’osait pas espérer. Appuyons sur la touche « avance accélérée » du film de l’évangile de Marc et nous aboutirons à Marc 16, 8, à la crainte des saintes femmes entendant l’annonce la résurrection du Seigneur. Car, en fait, c’est de cela qu’il est question dans le récit de la tempête apaisée.

  Cet épisode aussi un appel à notre mémoire de croyants. N’est-il pas vrai que, dans nos vies, le vent et la mer obéissent au Seigneur ? Qui est-il donc ? La question demeure, vitale. Car la foi est toujours une question.

 

* « Silence, tais-toi ! » La signification profonde de la tempête apaisée apparaît dès Marc 1, 21-23, lors de la première action publique de Jésus. L’esprit impur proclame : « Je sais qui tu es : le Saint de Dieu; » Jésus « le menace » et dit : « Tais-toi et sors de lui ». L’auditoire réagit en ces termes : « Qu’est-ce que cela ? Même aux esprits impurs, il commande et ils lui obéissent. » De même, le vent et la mer représentent les forces du mal qui se calment sur l’ordre de Jésus, et les témoins réagissent en s’interrogeant sur son identité. Les démons savent ; les hommes s’interrogent. Dans les guérisons et les exorcismes de Jésus, les démons et autres puissances nuisibles ont avoué leur défaite et identifié leur vainqueur. Mais Jésus leur impose le silence (voir Marc 3, 11-12). Car les hommes, eux, ne connaîtront le vrai visage du Sauveur qu’après la croix, par leur foi en sa résurrection.