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La vision de l’homme d’après la Bible (Anthropologie biblique)

La Bible nous présente l’homme comme étant « un ». Ainsi, il serait plus juste de dire, non pas « l’homme a un corps », mais il est corps; non pas « l’homme a une âme », mais il est âme; non pas « l’homme a un esprit », mais il est esprit. Il est ainsi tout à la fois corps, âme et esprit. Ces trois termes renvoient ainsi à trois points de vue différents d’une seule et même réalité : l’homme. Notons que seul St Paul nous présente ces trois termes à la fois: « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, celui qui vous appelle : c’est encore lui qui fera cela » (1Th 5,23-24).

Nous verrons que le coeur ultime de l’homme, ce qui fait que l’homme est homme, est sa réalité spirituelle. Il est la seule créature en Gn 2 pour laquelle la vie a été suscitée par le Souffle de Vie que Dieu lui a communiqué. Or cette image évoque souvent l’Esprit Saint: Dieu est Esprit (Jn 4,24), Dieu est Saint (Lv 19,2). Et il va susciter l’homme dans l’existence en lui donnant, à lui aussi, d’être « Esprit Saint », c’est-à-dire de participer à ce que Dieu Est en Lui-même… Et l’Esprit de Dieu est Vie !

Pour des raisons pratiques, nous vous invitons à cliquer sur le document PDF ci-joint, ce qui permettra d’afficher ces trois mots hébreux principaux que l’Ancien Testament utilise pour parler de l’homme.

La vision de l’homme d’après la Bible – Document PDF




Témoignage de Chow Ching Lie : Marie, Mère de tous les hommes…

              « Les invités qui entrent pour la première fois dans mon appartement ne manquent pas de lever bien haut les sourcils lorsqu’ils voient, sur l’autel toujours fleuri où j’ai placé la statue de ma chère Bouddha Kuan Yin, une autre statue, celle de la Vierge de Lourdes.

            J’ai une vénération particulière pour Notre Dame.

            Je l’ai rencontrée, si j’ose dire, voilà bien des années, alors que je me rendais en Espagne avec des amis, pour quelques jours de vacances.

            Nous passions par Lourdes. J’insistai pour m’y arrêter. J’avais entendu parler des visions de la petite bergère Bernadette et des miracles qui s’y accomplissaient. J’étais curieuse de voir la grotte, mais je ne m’attendais pas à ressentir une émotion particulière.

            Pourtant, devant la statue de Notre Dame, ma gorge se serra. Son visage si doux me remplit à la fois de joie et de chagrin. J’éprouvai le besoin de prier à ses pieds comme je l’aurais fait devant Bouddha Kuan Yin.

            Autour de moi, d’autres personnes étaient abîmées dans leurs dévotions, attendant de la Vierge une consolation. Envahie par la pitié, je me joignis à elles. Je ne connaissais pas les mots des chrétiens, je priais avec ceux des bouddhistes, tout particulièrement pour les enfants infirmes, paralysés, ligotés dans leur petite voiture.

            En voyant ces malheureux, je songeai à ma chance d’avoir de beaux enfants, sains de corps et d’esprit. Devant tant de misère, j’hésitais presque à demander une faveur pour moi-même. Puis j’osai. Notre Dame était mère elle aussi. Elle pouvait me comprendre. Je la suppliai de tout mon cœur pour que ma belle-famille me rende mon fils qui, en ce temps-là, grandissait loin de moi à Hong Kong, et je déposai à ses pieds un gros bouquet de fleurs roses et blanches.

            Lorsque je me relevai enfin, je me sentis enveloppée par un parfum que je connaissais bien. Non pas celui des fleurs qui s’amoncelaient aux alentours, mais celui du bois de santal que l’on brûle dans nos temples.

            Il n’y a pas de bois de santal à Lourdes.

            Le parfum pourtant persistait, il s’amplifiait, me suivait. Les amis qui m’accompagnaient le percevaient eux aussi.

            Etait-ce un signe que la Vierge avait entendu ma prière ? Pouvais-je croire au miracle ?

            J’eus la réponse en rentrant chez moi quelques jours plus tard. Je trouvai au courrier une lettre de ma belle-famille m’annonçant la décision de laisser Paul me rejoindre en France. »

 

                                                           Extrait du livre « Dans la main de Bouddha »

                                                           Presses de la Renaissance.

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Un beau retour à Jésus…

            Je m’appelle Louison MAMODE, j’ai 46 ans. Je suis veuve  depuis 16 ans, suite à un accident de la circulation, accident qui s’est produit devant l’église de SAVANNAH à Saint-Paul et dans lequel j’ai été polytraumatisée. A l’hôpital, le chirurgien qui m’a opérée m’a dit que j’étais une miraculée. Ma mère qui nous suivait en voiture juste derrière nous (nous étions en moto et elle en voiture) a assisté à toute la scène. Mon mari a été tué sur le coup et moi j’ai été éjectée sur 50 mètres en hauteur et suis retombée juste devant la croix jubilée de l’église. Maman, voyant que son gendre était mort et moi inconsciente, s’est agenouillée sur la route devant l’église et a crié : « Jésus, ne prends pas mon enfant ! » L’accident a eu lieu un dimanche soir. Le samedi suivant maman était à l’église pour dire merci à JESUS qui l’avait écoutée.(Trois mois plus tôt, elle avait perdu son plus jeune frère âgé de 46 ans, victime d’une crise cardiaque).

             Etant donné que j’avais épousé un musulman, je m’étais convertie à l’islam et j’avais commencé à apprendre à lire l’alphabet arabe et les prières. En 1996, deux ans après l’accident, j’ai accompagné ma famille au sanctuaire marial de la Salette à Grenoble. On était au mois de juillet, il faisait chaud et j’avais soif. Je suis allée boire à la source qui coule au pied de la vierge. Mes cousins, pour me charrier, m’ont dit : « Tu bois l’eau de la Salette, mais ALLAH te vois ! » Je leur ai répondu : « Tant pis mais j’ai soif » !

             De retour à la Réunion, je n’avais plus envie d’aller apprendre à lire et un soir de veillée pascale, je me suis retrouvée seule à la maison car toute ma famille était à l’église. Je crois que là ça a été le déclic ! Et puis, au fond de moi, j’avais envie de « revenir » vers mon église, car j’avais besoin de prier avec mes mots, de parler à Dieu et dans l’islam je ne pouvais pas le faire. Je pense que l’eau de la Salette avait déjà fait le nettoyage !

             Mon envie de rejoindre l’église grandissait toujours. J’en ai parlé à ma mère qui est aussi mon amie et ma confidente. Elle m’a répondu qu’elle serait la plus heureuse si je revenais et m’a proposé de rencontrer notre curé de l’époque, le père Jean Claude IMOUCHE.

             Je l’ai rencontré pendant trois samedis de suite. Je pense qu’il m’a fait patienter pour que je sois sûre de ma décision ; puis le quatrième samedi, j’ai pu me confesser, assister à la messe et aller communier.

             A cette communion, c’était comme si je recevais Jésus pour la première fois, mais je n’étais pas innocente comme le petit enfant qui fait sa première communion. Je revenais comme l’enfant prodigue et là j’ai apprécié de recevoir ce Jésus tout neuf pour moi ! A la fin de la messe, maman, ma tante et mes cousines m’ont prise dans leur bras et m’ont embrassée.

             Depuis ce jour, je ne vais plus à la messe comme avant ! Lorsque je vois Jésus sur la croix, le premier mot qui me vient à la bouche c’est MERCI. Merci pour ma vie d’abord et merci de m’avoir rachetée.  Et à chaque fois je lui demande d’augmenter ma foi et que je ne sois plus jamais séparée de lui !

             J’avais envie de faire quelque chose pour me rapprocher encore plus de lui, mais je ne savais pas quoi. Alors, un jour il m’a appelé pour faire la lecture dans ma paroisse du Chaudron. Depuis je continue à le faire une fois par mois, mais j’ai toujours cette soif de mieux le connaître et de le servir.

             L’année dernière, je me suis inscrite à KEKAKO pour pouvoir évangéliser mais je n’étais pas satisfaite de la formation. Une participante m’a parlé du SEDIFOP et je me suis renseignée, mais la formation du cycle long avait déjà commencé et j’avais perdu quelques dimanches. J’ai patienté et un peu oublié, mais le Seigneur ne nous lâche pas comme ça !

             Il y a deux semaines à la sortie de la messe, je reçois un document me proposant la formation au SEDIFOP. Je me suis inscrite. Cependant, avant de commencer j’avais des craintes quant à mon assiduité : je me demandais si je serai assez sérieuse pour aller jusqu’au bout, car deux ans, c’est court  et c’est long et d’habitude, j’entreprends des choses que je ne finis pas toujours !

             Le 18 janvier 2011, la veille de la réunion de « rentrée » pour les premières années j’arrive au bureau toujours avec mes craintes et mes doutes et quelque chose me pousse à aller sur internet sur le site de Marie Reine de la Paix que je consulte de temps en temps. Je clique sur la pensée du jour et voici ce que Jésus me dit ce jour là.  «  Mon enfant sois sans crainte, ne permets pas à ton cœur de se laisser envahir par la crainte ou la peur de l’échec. Tourne ton regard vers moi. Regarde l’amour que j’ai pour toi et les tiens. Regarde ce que j’ai accompli en toi et autour de toi. Regarde aussi ce que je commence à accomplir à travers toi ! »

 Je suis restée devant mon écran dix minutes à ne plus pouvoir rien faire et là je lui ai répondu :

 Me voici Seigneur je viens faire ta volonté !

             Je sais que Jésus a pris ma main dans la sienne et qu’il ne me lâchera plus et j’espère pouvoir faire de belles choses avec son aide !

        

      

        

         

                                                                     

           

 

 

 

 

 

 

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« Avance au large… »

Témoignage de Sr Alixe Caro, Carmélite.

 

           Je suis l’aînée d’une fratrie de 4 : 2 filles, 2 garçons. Ma famille est de la Rivière. Le quartier d’origine de mon père s’appelle Le Ruisseau.

          Par le baptême, le petit ruisseau que je suis s’est jeté dans la rivière en l’église Notre Dame du Rosaire, dont c’est la fête aujourd’hui, pour aller vers le grand large de l’amour de Dieu par les Avirons.

         J’utilise cette image de l’eau pour jeter un rapide coup d’œil sur ma vie parce que le Seigneur s’est amusé à m’interpeller de cette façon. Avant de vous dire comment, je préciserai que ma mère née à Cilaos a grandi à la Rivière dans une famille d’adoption qui a eu pitié de la grande misère que vivaient ses parents. Cette famille a été une providence pour elle comme pour nous par la suite. Tout cet environnement familial était très pratiquant mais sans manifestation excessive de dévotion. Je les ai vus surtout s’investir dans les œuvres de solidarité. Par exemple, mes parents qui vivaient plutôt chichement à cette époque, ont trouvé un soir un vieux monsieur à la rue : ils l’ont invité à passer la nuit à la maison : il y est resté une dizaine d’années.

         Dans cette ambiance j’ai grandi sans jamais remettre ma foi en question même si à certaines périodes elle a été bien tiède ! Je ne me suis non plus jamais posé la question de la vie consacrée : ce n’était la préoccupation de personne. A tel point que je me disais souvent, je ne sais pas quelle voie je suivrai, mais je suis sûre d’une chose, je ne serai jamais bonne sœur !

         Et pourtant l’appel à la vie consacrée s’est fait entendre à l’âge de 26 ans au cours d’une retraite au monastère des Dominicaines à St Denis que je découvrais en même temps que je découvrais la vie monastique. Retraite en solitude mais néanmoins solidement nourrie des enseignements enregistrés du Frère Jean-Claude Sagne dont l’amitié et la prière m’ont toujours accompagnée.

        Cet appel est lié à une image souvenir que les sœurs m’ont donnée à la fin de mon séjour. Elle représentait leur monastère vu de chez elle et qui me rappelait le pont des paquebots que j’avais souvent visité dans mon adolescence. « Tu veux m’embarquer pour une croisière, mon bon Jésus, ok »…

        Et j’ai continué à travailler à la Préfecture où j’étais depuis 6 ans déjà, j’ai continué mon engagement dans le groupe de prière que je fréquentais depuis un peu plus de 3 ans, me disant : j’attends qu’il me précise un peu l’itinéraire de notre croisière.

        Le second signe m’est venu par une de mes connaissances qui m’envoie une carte de vœux avec la photo d’un voilier, voile repliée et la légende « A la veille de grand départ. » Le départ se rapproche mais pour où ?

        Le troisième signe m’est donné à l’occasion des vœux perpétuels d’une sœur de St Joseph de Cluny que je connaissais bien. Quelques semaines après la célébration elle me donne une image souvenir de l’évènement ; la photo : 7 barques amarrées accompagnée d’une phrase du Cardinal Etchegaray: «  Le Christ nous appelle à prendre le large. »

         Le large, est-ce partir en Suisse où une bourse m’est proposée pour suivre l’Ecole de la Foi ?

         Finalement, la réponse me vient quelques mois plus tard quand une amie me remet le dépliant réalisé par les sœurs du Carmel récemment arrivées dans le diocèse et qui s’activaient pour l’implantation d’un monastère. Ce qui m’a touché en plein cœur, c’est le nom de baptême de ce monastère : Notre Dame du Grand Large. Impossible de douter, le Christ ne m’appelait pas seulement au large mais au Grand Large. Le déplacement prévu n’était pas vers l’extérieur mais vers l’intérieur. Et cette fois-ci, sur la photo, plus de paquebot, ni de voilier, ni de barques mais trois rochers et la mer à perte de vue !

         Je prends alors contact avec la communauté ; quelques retraites ; un bref séjour dans un monastère en métropole lors d’un congé ; un stage de 3 trois mois dans la communauté fin 1983. Je me sens confirmée dans mon appel et j’en fait part à ma famille qui à une ou deux exceptions près ne manifeste aucun enthousiasme. Et le 15 août 1984, embarquement pour le Grand Large ! L’expression s’est révélée encore plus exacte quand pour l’inauguration du monastère en 1987, la chapelle s’est ornée du vitrail représentant la barque église sur les flots agités.

         J’ai lu que le Seigneur ne promet pas une traversée tranquille mais une arrivée à bon port.  Dés la 2eme année, les vents ont commencé à souffler : me rappelant l’épisode de l’Evangile où Jésus dort sur la banquette à l’arrière du bateau, je me suis dit : «  Je ne regarderai pas les vagues se jetant par-dessus bord, ni le vent qui agite tout, je veux rester assise à regarder Jésus dormir. Même quand il dort je suis en sécurité ! »

         Un autre épisode évangélique de tempête apaisée (Jean 6,21) s’achève ainsi « … mais aussitôt, la barque atteignit le rivage à l’endroit où ils se rendaient ». Et j’ai vraiment eu le sentiment d’aborder à un nouveau rivage où le Seigneur me découvrait des paysages tout neufs. Bien sûr, mon environnement était le même, mais c’est mon regard qui avait changé !

          C’est dire que tempête ou temps favorable, la croisière se poursuit de découvertes en découvertes. Ce que j’ai appris sur le monde (après tout le Carmel est implanté sur les 5 continents), sur les autres (la communauté et son réseau de relations n’est-elle pas un concentré d’humanité ?), sur moi-même (pas moyen de me fuir !), aucun voyage aussi bien organisé soit-il n’aurait pu me l’apprendre.

         Par-dessus tout c’est la Parole de Dieu et la présence maternelle de Marie qui m’ont servie et me servent de guide.

        Ainsi pendant une tempête qui a duré à peu près 2 ans c’est une parole du livre de Job (5,18) qui m’a fait tenir « C’est lui qui, en faisant souffrir, répare, lui, dont les mains, en brisant, guérissent »  Le Seigneur réalisait une intervention chirurgicale ! On n’a aucune envie de sauter au cou du chirurgien tant que tout n’est pas définitivement rentré dans l’ordre ! Mais après,  quelle légèreté !

        A travers ces étapes on devient plus libre, plus certaine de l’amour de Dieu.

        Il n’empêche que lors d’une nouvelle tempête, je me suis sérieusement disputée avec le Seigneur. Je lui ai  dit comme le prophète Jérémie : « Tu as abusé de ma naïveté ». « Tu sais bien que je n’aime la mer que de loin, que je ne connais rien à la navigation ni au monde marin où il n’y a pas d’appui solide. » Un peu calmée, j’ai ajouté: « J’aimerai bien savoir ce que tu as à me répondre ! » Et bien, je l’ai su. Prenant ma bible, j’ai trouvé : « … c’est ta providence, ô Père, qui tient la barre : tu as tracé un chemin sur la mer, un sentier assuré parmi les flots, montrant par là que tu peux sauver de tout danger, même si l’on prend la mer sans aucune compétence » (Sagesse 14, 3-5).

       Tout cela pour dire que je découvre toujours plus un Dieu dont l’amour s’intéresse à la minuscule créature que je suis dans le cosmos en perpétuelle naissance et qu’il m’appelle à lui ressembler de plus en plus. Il m’appelle à vivre aimée, aimante, libre et heureuse.

      J’ajouterai que tout ce chemin je n’ai pu le parcourir que parce qu’un homme libre et heureux, le Père Louis Rigolet, récemment décédé, m’a servi de guide pendant presque 30 ans.

                                                                     

           

 

 

 

 

 

 

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Audience Générale du Mercredi 15 Avril 2015

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 15 avril 2015


 

Frères et Sœurs, l’homme et la femme sont à la fois différents et complémentaires. Cette différence est présente dans la création ; mais dans le cas de l’homme et de la femme, elle porte l’image et la ressemblance de Dieu. La culture moderne introduit des doutes sur la compréhension de cette différence, ne voulant plus, parfois, la reconnaître, parce que ne sachant plus l’assumer. Pour résoudre leurs difficultés de relations, l’homme et la femme doivent mieux se connaître dans leur différence, et s’aimer davantage, afin de pouvoir projeter une union matrimoniale pour toute la vie. Il est vrai, cependant, que nous devons faire davantage en faveur de la femme si nous voulons redonner plus de force à cette réciprocité. La communion avec Dieu se reflète dans la communion du couple humain, et la perte de confiance dans le Père céleste génère divisions et conflits entre l’homme et la femme. La terre sera plus harmonieuse quand l’alliance entre l’homme et la femme sera bien vécue.

Je salue cordialement les pèlerins venus de Suisse, de Belgique, de Turquie, du Canada et de France, en particulier un groupe de prêtres du diocèse de Fréjus-Toulon avec Monseigneur Dominique Rey et le Séminaire Saint Irénée de Lyon.

Je souhaite à tous un bon pèlerinage dans la joie du Seigneur ressuscité, vous invitant à entrer dans le mystère de sa miséricorde infinie. Que Dieu vous bénisse.

 




Le Livre de l’Apocalypse : Introduction

jésus christ 1.

Dans la Bible, nous allons le voir, le Livre de l’Apocalypse n’a pas pour sujet la fin du monde, mais la Révélation du Mystère du Christ, vrai Dieu et vrai homme, mort et ressuscité pour le salut de tous les hommes… « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 6,38), et « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4)…

Introduction générale au Livre de l’Apocalypse

 

             A l’exception de l’Evangile selon St Matthieu qui avait peut-être un original en araméen, tous les Livres du Nouveau Testament ont été rédigés en grec et le titre « Livre de l’Apocalypse » ne fait que reprendre le premier mot grec de cet ouvrage : « Apocalypse de Jésus Christ ». Or, « apokalupsis » en grec ne renvoie pas à des catastrophes ou à des bouleversements, mais il signifie : « Révélation »…

            Le « Livre de l’Apocalypse » est donc une « Révélation de Jésus Christ », de son Mystère, de son œuvre universelle de Salut par sa Mort et sa Résurrection. Le premier bénéficiaire de cette « Révélation » fut son auteur lui-même qui raconte au tout début « la vision » qu’il eut du Christ Ressuscité « le Jour du Seigneur », c’est-à-dire un Dimanche. Et toute la suite du Livre ne fera que raconter les conséquences de cette Présence du Ressuscité au cœur de son Eglise, et donc au cœur du monde… L’auteur en parlera immédiatement en termes de bonheur : « Heureux » celui ou celle qui accueillera dans son cœur et dans sa vie le Mystère de ce Fils Ressuscité qui désire nous rejoindre au plus profond de nous-mêmes pour nous communiquer sa Vie et vivre tout simplement notre vie « avec nous »…

             Et pourtant, le Livre de l’Apocalypse a été écrit dans un contexte de persécution des chrétiens, pour soutenir leur foi, leur espérance et les aider dans leur combat. Ils avaient déjà connu la souffrance avec l’empereur romain Néron (54-68 après J.C.). C’est lui en effet qui décida de la mort de St Pierre et de St Paul dans les années 64-67. Mais il s’agit très probablement ici de la persécution qui éclata sous l’empereur Domitien (90-95 après JC). C’est ainsi que « La Bête » désigne avant tout dans l’Apocalypse l’Empire Romain avec Rome, sa capitale, que l’auteur nomme « Babylone la Grande », en référence à l’Ancien Testament. Ses « sept Têtes » font allusion aux « sept collines » sur lesquelles la ville était construite. Et 666, « le chiffre de la Bête », renvoie, selon le langage codé de l’époque ou bien à des surnoms de l’empire romain, « Latin », « Titan », ou bien, (616 selon certains manuscrits) à l’empereur Caligula ou à tout empereur divinisé.

            Les circonstances difficiles dans lesquelles ce Livre a été écrit ont déterminé son style, avec l’emploi continuel d’images et de symboles… En effet, « en période de persécution, Jean se doit de faire appel à un langage codé, qui pourra ranimer l’espérance des chrétiens sans les exposer ouvertement à la tyrannie du pouvoir impérial romain. Jean fait donc usage d’un langage que seuls les chrétiens pourront décoder et comprendre pleinement »[1]. L’auteur utilise ainsi :

1 – des symboles universels, comme par exemple le chiffre 4, qui renvoie aux quatre points cardinaux et souligne justement la dimension d’universalité ; ou encore l’épée, symbole de violence qui n’hésite pas à répandre le sang…

2 – des symboles déjà utilisés dans l’Ancien Testament,  facilement compréhensibles par ceux-là seuls qui connaissent les Saintes Ecritures. On trouve ainsi « le Fils de l’Homme » du Livre de Daniel, « l’arbre de vie » du Livre de la Genèse, « la manne cachée » qui renvoie au Livre de l’Exode…

 3 – des symboles dévoilés par l’auteur lui-même que seule une lecture attentive et assidue permet de comprendre : ainsi « les étoiles » qui renvoient au mystère des différentes Eglises locales…

 4 – des symboles créés par l’auteur à interpréter à la lumière de l’ensemble du Livre, et il est parfois difficile de choisir entre plusieurs possibilités… Mais si elles sont toutes en cohérence avec l’ensemble, pourquoi choisir ?… Le sens n’en est alors que plus riche…

             Selon Justin (+150) et Irénée de Lyon (+180), l’auteur du Livre de l’Apocalypse, qui se nomme lui-même « Jean », serait St Jean l’Evangéliste. Mais beaucoup pensent à un disciple qui, selon la tradition de l’époque, aurait repris le nom de son Maître pour honorer sa mémoire… Les destinataires sont les chrétiens « des sept Eglises » mentionnées aux chapitres deux et trois. Mais le chiffre sept étant symbole de perfection, c’est toute l’Eglise d’Asie Mineure, et même l’Eglise Universelle, qui est concernée.

                                                                                                                                  D. Jacques Fournier

 Tenture Apocalypse Angers 14°s

Tenture de l’Apocalypse exposée à Angers (14° s)

Introduction proposée par la nouvelle Traduction Liturgique (CNPL)

 Heureux lecteur !

 L’Apocalypse est un livre à lire. Jean, qui se présente comme son auteur, y promet du bonheur : “ Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui est écrit en elle, car le temps est proche ” (1,3). Cest que ce livre-prophétie porte le beau nom grec d’apokalupsis (Ἀποκάλυψις) qui ne signifie nullement malheur ou catastrophe, mais révélation, dévoilement. Et il s’agit, selon les premiers mots du livre, de la “ révélation de Jésus Christ ” (1,1). Cette révélation est confiée à la lettre du texte, que Jean présente comme l’aboutissement d’une chaîne de transmission qui part de Dieu et aboutit au livre. Entre deux, les relais-témoins nécessaires ont été Jésus Christ lui-même, mais aussi l’ange et finalement Jean, qui atteste “ comme parole de Dieu et témoignage de Jésus Christ tout ce qu’il a vu ” (1,2).

 Apostolicité, inspiration, canonicité. La question de l’auteur

 L’auteur de l’Apocalypse dit s’appeler Jean (1,1.4.9 ; 22,8). Cherchant à l’identifier historiquement, la tradition des deux premiers siècles y voit l’Apôtre Jean des Évangiles, l’un des Douze, à qui est attribué aussi le Quatrième Évangile (hypothèse à laquelle a succédé celle, privilégiée aujourd’hui, du “ disciple bien-aimé ”, maître d’une école johannique). C’est l’interprétation de Justin déjà (Dialogue avec Tryphon, 81,4), puis d’Irénée (Contre les hérésies, IV.20.11) qui n’hésite pas à prêter longue vie à l’Apôtre puisqu’il situe cette révélation sous le règne de Domitien, vers 94-95 ap. J.-C. (hypothèse encore majoritairement suivie aujourd’hui, aux dépens de celle des années 68-70, sous Néron). Durant cette période, en Occident et à Alexandrie, du fait de son apostolicité reconnue, l’Apocalypse est reçue comme livre inspiré, donc canonique. On ne sait trop pourquoi certaines Églises d’Orient par contre ne l’inscrivent que tardivement au canon de leurs Écritures (VIe siècle en Syrie, plus tard encore en Grèce).

C’est pourtant à Rome que le prêtre Caïus, au IIIe siècle déjà, considérant l’Apocalypse comme un écrit gnostique, la fait proscrire comme hérétique et apocryphe. Peu après, Denys, évêque d’Alexandrie de 248 à 264, sans pourtant la rejeter hors du canon, refuse d’y voir la main de l’Apôtre, la différence de style et de thèmes avec le Quatrième Évangile lui paraissant trop marquée. Prolongeant cette quête d’auteur, Eusèbe de Césarée propose d’identifier Jean de Patmos avec le “ presbytre Jean, disciple du Seigneur ” dont il trouve mention dans un écrit de Papias. La question est donc posée: l’auteur est-il Jean l’Apôtre, ou un autre Jean ? L’enquête historienne ne permet pas d’en décider.

S’intéressant, comme Denys déjà, à la question littéraire, l’exégèse critique du XIXe siècle échafaude quant à elle deux hypothèses, perdurant jusqu’à aujourd’hui, qui sont diamétralement opposées. Se basant sur des critères de langue et de style, la première juge impossible qu’une même main s’exprime de manière incorrecte dans l’Apocalypse (au grec truffé d’erreurs) et raffinée dans l’Évangile. Elle renverse donc l’ordonnance chronologique la plus communément postulée, et fait de l’Apocalypse une œuvre antérieure du seul Apôtre Jean (peu cultivé et relégué sur son île de Patmos), et de l’Évangile un écrit plus tardif rédigé à Éphèse par des disciples lettrés. Quant à la seconde, se fondant principalement sur des repérages thématiques, elle juge que la présence dans l’Apocalypse de figures johanniques caractéristiques (l’Agneau, l’eau de la vie, etc.) permet de postuler une identité d’auteur. Nouvelle énigme, donc.

Mais qu’en dit le texte de Jean lui-même ? À y regarder de près, l’on découvre que l’auteur, qui parle des Apôtres (18,20) et du groupe des “ douze Apôtres de l’Agneau ” (21,14), ne se présente jamais lui-même comme tel. Il ne s’attribue pas plus le titre d’Ancien, alors qu’il fait des vingt-quatre Anciens une figure majeure de son livre (4,4.10 ; 5,8 ; 11,16 ; 19,4 ; sans le chiffre : 5,5.6.11.14 ; 7,11.13 ; 14,3). De plus, en déclinant son nom à plusieurs reprises (“ moi, Jean ”), il ne se cache derrière aucun pseudonyme, à la différence notamment de nombreuses apocalypses juives contemporaines, ou de Daniel dans le Premier Testament. D’où tire-t-il dès lors son autorité ? Il l’indique lui-même dans le récit de sa vision inaugurale (1,9-20). Le Vivant, mort mais désormais vivant pour les siècles des siècles, lui apparaît sur l’île de Patmos et lui dit : “ Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises ” (1,11, ordre réitéré en 1,19). Cette parole donne à Jean mission d’écrivain. Sans identité historique précise, il n’en est ainsi pas moins investi d’une solide identité et autorité littéraire. Les nombreux “ j’entendis ” et “ je vis ” qui ponctuent sa prophétie le rappellent au lecteur : c’est de la parole d’un autre et d’une vision qui lui advient qu’il est le témoin, autorisé.

Structure du livre

Qu’en est-il de la structure du livre ? Les multiples détours, ruptures et répétitions du texte ont fait émettre l’hypothèse, invérifiable, de plusieurs manuscrits ou rédactions successives. Ce qui est sûr, par contre, c’est que le livre, en son état final, ne se laisse enfermer dans aucune logique d’évidence. De multiples propositions de plan ont été suggérées, dont certaines, se fondant sur des critères chronologiques, veulent rapporter au présent des Églises les chapitres 1 à 3, puis à l’avenir du monde les chapitre 4 à 21. Cette proposition ne prend pas en compte le fait que l’Apocalypse brouille du début à la fin tout repère temporel par des allers-retours incessants entre présent, passé et futur. D’autres lectures optent dès lors pour l’observation de critères formels d’ordre littéraire, parmi lesquels sont patents, sur fond d’enchaînement continu des visions, la récurrence de l’expression “ je fus saisi (ou transporté) en esprit ” (1,10, puis 4,2 et 17,3) ainsi que quatre séries de sept éléments nommés “ septénaires ”. Prenant notamment en compte ces indices, la Table proposée ci-après permet au lecteur qui se risque à une lecture suivie du livre de ne pas s’égarer en chemin. Quelques remarques suffiront à en expliciter les principaux axes signifiants.

                   I – Le lecteur est tout d’abord invité à passer par le porche monumental que constitue la Vision inaugurale et les Lettres aux sept Églises d’Asie (1,9 à 3,22).

Christ - Angers

 

Vision inaugurale du Christ ressuscité, au milieu des sept candélabres, les sept Eglises… 

« De sa bouche sort une épée acérée à double tranchant », la Parole de Dieu (Angers)

 – Dans l’île de Patmos, Jean est gratifié de la vision d’un “ être qui semblait un fils d’homme ” (1,13) mais dont l’aspect et les attributs revêtent un caractère glorieux et transcendant (1,9-20).

 – Se manifestant à lui comme le Vivant, ce personnage majestueux lui intime l’ordre d’écrire aux sept Églises d’Asie, pour lesquelles il lui dicte le contenu de sept lettres (ch. 2–3). Chacun de ces messages, destiné à la lecture de toutes les Églises, est nommément adressé à chacune d’elles, et déployé dans une structure récurrente d’une Lettre à l’autre. Ce premier septénaire, de facture moins apocalyptique que la suite, présente ainsi les sept Églises d’Asie comme les destinataires internes du livre. Il permet aussi au lecteur de s’apprivoiser à l’univers apocalyptique étonnant qui s’offre à lui. 

7 Eglises-Angers

Les sept Eglises (Angers)

                   II – Une première série de visions s’ouvre alors, qui se déploie de 4,1 à 11,19.

 – Elle s’inaugure par l’immense liturgie des ch. 4–5. Celle-ci met en place les acteurs qui organiseront bientôt la dynamique du septénaire des sceaux : Trône divin, Siégeant, Vivants, Anciens du ch. 4, Livre scellé et Agneau du ch. 5. Tous ces acteurs sont d’abord positionnés de manière statique, puis progressivement articulés les uns aux autres quand la scène s’anime en liturgie d’adoration et de louange. Vient alors la séquence du deuxième septénaire, celui des sept sceaux (6,1–8,5). Le rythme d’ouverture des sceaux du Livre y est d’abord rapide (succession des quatre premiers éléments), puis ralenti. Les cinquième, sixième et septième sceaux sont détachés les uns des autres, et surtout un long intermède vient s’intercaler entre le sixième et le septième, avec les épisodes des 144.000 protégés et de la foule immense au ciel (ch. 7). C’est dire que le texte éprouve la patience du lecteur : réjoui d’abord, celui-ci est ensuite déçu par le parcours des visions, qui s’achève, avec l’ouverture du septième sceau, non sur la révélation de la Fin, mais sur “ un silence d’environ une demi-heure ” qui précède une petite liturgie céleste (8,1-5). Le lecteur reste étonné : qu’est-ce qui se révèle là, en fait de signe à lire et de parole à entendre ?

 – Heureusement pour lui, le troisième septénaire, celui des trompettes (8,6 à 11,19) qui s’ouvre alors, ne succède pas chronologiquement à celui des sceaux, comme si l’Apocalypse consistait en une suite continue d’événements allant jusqu’à la parousie prochaine. Mettant en œuvre le principe dit de la “ récapitulation ”, ce nouveau septénaire reprend et reparcourt ce qui a été raconté ou annoncé plus ou moins explicitement dans le précédent. On y retrouve la même dynamique. Après la sonnerie des quatre premières trompettes, la cinquième ouvre un épisode plus long, et entre la sixième et la septième s’insère un nouvel intermède : l’évocation de la manducation d’un petit livre par Jean, ainsi instauré prophète d’un temps nouveau (ch. 10) et celle de la destinée de deux témoins prophètes (ch. 11).

                   III – Une deuxième série de visions s’étend de 12,1 à 22,5. Au cœur de cette longue plage textuelle se donne à lire le quatrième et dernier septénaire, celui des coupes (ch. 16).

 – Cette série s’ouvre à nouveau par une grande vision céleste, celle de la Femme couronnée d’étoiles et du Dragon, avec le combat qui les oppose (ch. 12). Elle est suivie de la vision, sur terre, d’un autre combat : celui que mènent deux Bêtes, celle de la mer, puis celle de la terre (nommée “ faux prophète ” en 16,13 ; 19,20 et 20,10), qui, se mettant au service du Dragon, égarent les habitants de la terre, les fourvoient dans l’idolâtrie et mettent à mort ceux qui leur résistent (ch. 13). Le ciel ne reste pourtant pas inactif, puisqu’on y célèbre, comme en contrepoint à ce désastre et pour en révéler l’issue lumineuse, la victoire de l’Agneau et de ses 144.000 compagnons (14,1-5).

 – Vient alors une séquence organisée autour du septénaire des coupes (14,6 à 16,21) : on y annonce et prépare le Jugement (14,6-20), y résonne déjà le Cantique des vainqueurs (15,1-4) et se déploie la série de déversements des sept coupes de la colère de Dieu, selon un rythme déjà connu (six premiers éléments, puis intermède, puis septième élément).

 Le Jugement et la chute de Babylone la Grande, la prostituée, “ mère des prostitutions et des abominations de la terre ” (17,5) sont ensuite montrés au visionnaire et présentés au lecteur dans une série de tableaux impressionnants (ch. 17–18). Au terme, et en contraste avec les lamentations de ceux qui, peu avant, pleurent sur Babylone dévastée, un grand “ alléluia ” s’élève dans le ciel (19,1-10) : il associe foule nombreuse, Anciens et Vivants dans la même acclamation du Dieu qui a jugé la grande prostituée.

Chute de Babylone - Angers

Chute de Babylone (Angers)

 – C’est l’heure désormais où les ennemis de Dieu et de son règne sont l’un après l’autre neutralisés. Se succèdent : la victoire du Cavalier sur la Bête, le faux prophète et les rois (19,11-21) ; l’enchaînement du Dragon et le règne de mille ans avec le Christ (le millénaire de 20,1-6) ; le combat final et la victoire sur Satan (20,7-10) ; le jugement des morts et la neutralisation de la Mort et du Séjour des morts (20,11-15).

 – Le lecteur est ainsi acheminé vers la vision de l’avènement du monde nouveau (21,1–22,5) : ciel nouveau et terre nouvelle ; Jérusalem nouvelle, qui descend du ciel pour devenir la demeure de Dieu parmi les hommes. 

                   IV – Reste l’écrin de l’Apocalypse, son prélude et son final.

 – Au début, nous l’avons indiqué déjà, un prélude (1,1-8) offre au livre de se présenter lui-même à son lecteur comme porteur de “ la révélation de Jésus Christ ” au travers de paroles prophétiques écrites pour son bonheur (1,1-3). Une adresse (1,4-8) précise ensuite qui parle à qui. La voix du texte y délègue d’abord la parole à Jean, qui souhaite grâce et paix aux Églises “ de la part de Celui qui est, qui était et qui vient, de la part des sept esprits qui sont devant son trône, de la part de Jésus Christ… ”, dont l’œuvre libératrice est ensuite solennellement déployée (1,4-5). Y répond comme la voix d’une assemblée qui donne, par son “ amen ”, plein accord aux paroles proférées (1,6). Résonne alors une autre voix, anonyme, annonçant : “ Voici qu’il vient avec les nuées… ” (1,7), puis une voix présentée comme parole du “ Seigneur Dieu ” : “ Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers ” (1,8). Le “ nous ” que Jean introduit à trois reprises en ces versets invite le lecteur à s’associer lui aussi à ce dialogue. Le Christ y est acclamé, en son amour sauveur : “ À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen ” (1,5-6).

 – Tout à la fin du livre et comme en écho à ce prélude se retrouvent, dans le final (22,6‑21), des expressions et surtout le ton du début, comme si tout le livre se présentait comme une longue lettre. C’est là que le souffle qui l’anime d’un bout à l’autre trouve à s’exprimer avec le plus de force, dans l’intensité d’un nouveau dialogue liturgique où le désir de la venue de Jésus se dit sur ses lèvres (“ Oui, je viens sans tarder ”) et dans la demande de son partenaire (“ Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! ”, 22,20). Le désir parlé, échangé, entre l’Église-Épouse et son Époux, aux derniers versets de la Bible chrétienne, dit clairement que ces réalités sont à disposition des lecteurs, maintenant.

 La structure de l’Apocalypse porte ainsi en elle un dynamisme d’épiphanie vocale qui trouve sa pleine force d’expression dans l’échange des voix du final. L’irréductible et l’indomptable de la parole qui porte la prophétie y manifeste toute sa vigueur. L’alternance entre récits en prose et poèmes liturgiques (cf. les cantiques des chapitres 4–5, 11–12, 15 et 19, repris et chantés dans la Liturgie des Heures) convie comme tout naturellement le lecteur à joindre sa voix à celles qui y célèbrent le triomphe de la vie sur les puissances du mal et de la mort.

Agneauimmole

« Gloire à l’Agneau Immolé ! »

Apocalypse et littérature de crise

 Peut-on dès lors trouver issue à l’une des énigmes auxquelles est affrontée l’exégèse du livre : s’agit-il d’une littérature évoquant une situation réelle de persécution plus ou moins active de certaines communautés chrétiennes dans l’empire romain idolâtre de la fin du Ier siècle (hypothèse longtemps privilégiée) ? Ou d’une fiction dans laquelle l’écriture apocalyptique a pour fonction de faire naître la crise au sein même de ces communautés, de les provoquer à un regard critique en dénonçant leur trop facile compromission avec le milieu ambiant (hypothèse nouvellement soutenue) ? Sans doute, ces deux interprétations ne se contredisent-elles pas, dans la mesure où l’orientation du livre convie bel et bien son lecteur à discerner, pour s’en distancer, toute forme d’asservissement à des pensées ou comportements idolâtres, qu’ils soient individuels ou collectifs. À plusieurs reprises, le lecteur est invité à faire preuve de sagesse et d’intelligence (cf. 13,18 ; 17,9) pour interpréter sa vie et le fonctionnement des institutions sociales, politiques et religieuses à la lumière du vrai, et non de l’illusion ou du mensonge. Les chapitres 12 et 13 sont à ce titre exemplaires, qui mettent en scène le processus idolâtrique, au sein duquel blasphème divin et meurtre des frères s’enchaînent et s’appellent comme deux formes de la même perversion.

Pluralité des lectures

             L’Apocalypse est un livre aux richesses aussi étonnantes que foisonnantes. Aucune des méthodes de lecture mises en œuvre au cours des siècles pour le lire n’en épuise la signification. Et toutes y trouvent de quoi s’y exercer : lecture historico-critique (questions d’auteur, de rédaction, de milieu de production, de cadre socio-historique des communautés d’Asie Mineure du Ier siècle, de données archéologiques, etc.), lecture féministe (l’Apocalypse figure la Femme enfantant un fils, puis l’Épouse de l’Agneau, mais aussi, en contraste, la grande prostituée, et Jézabel, la femme qui se dit prophétesse, etc.), lecture écologiste (figuration du cosmos, des astres, de la terre et du ciel, des arbres, de l’eau, des fleuves…), libérationniste (sociologique et politique, qui exploite la critique apocalyptique du pouvoir mondial de l’argent et du commerce), spirituelle (son langage amoureux fait écho à celui du Cantique des Cantiques), etc. Recevant l’Apocalypse dans toute sa force d’œuvre littéraire et s’appliquant à la lire en son statut synchronique final, l’exégèse des dernières décennies s’est quant à elle enrichie des outils fournis par les sciences du langage (narratologie et sémiotique notamment) et les sciences humaines (psychologie et psychanalyse entre autres).

             En résulte, pour la lecture de l’Apocalypse, une capacité nouvelle de prêter attention à la parole qui cherche à se faire entendre entre Jean et ses destinataires du Ier siècle (les sept Églises d’Asie mineure) et qui continue à se dire, en tout lieu et toute époque, entre le texte et ses lecteurs. Car l’actualité du livre prend source aux questionnements humains fondamentaux qu’il met en travail : vie et mort, au-delà et jugement, salut et rétribution, bien et mal, injustices sociales et pouvoirs totalitaires… L’Apocalypse, qui clôture la Bible chrétienne, n’achève donc en rien sa lecture mais la stimule. Elle convie, plus qu’aucun autre livre, à l’incessant labeur d’interprétation qui incombe à chaque génération et à tout lecteur. Si celle-ci a pu donner lieu à des dérives sectaires, teintées de fanatisme et d’illuminisme, (et cela se trouve parfois aujourd’hui encore), elle contribue surtout à nourrir la foi des communautés chrétiennes en la conduisant au lieu de la plus grande contemplation et de la plus vive action : celle de l’Alliance entre Dieu et les hommes, en sa forme nuptiale, dans les noces de l’Agneau et de l’Église (21,2).

 En clôture du Livre chrétien : place à la parole, dans la chair

 L’Apocalypse renouvelle le langage de la foi chrétienne. Elle permet une exploration du mystère qui sous-tend tout le Nouveau Testament, celui de Jésus Christ crucifié, relevé d’entre les morts et devenu participant de la royauté souveraine de Dieu. Tout au long du livre se donne à entendre le lien qui unit les fidèles (saints, élus, martyrs aussi) à Jésus, Christ, Agneau immolé debout (5,6), Cavalier triomphant nommé “ Parole de Dieu ” (19,13), le Vivant (1,18) loué comme “ Roi des rois et Seigneur des seigneurs ” (17,14 ; 19,16). Éminemment christologique, l’Apocalypse mérite bien, ne serait-ce qu’à ce titre, la qualification de “ Cinquième Évangile ” qui lui est parfois attribuée.

Elle déploie de plus une théologie des Églises et de l’Église (chandeliers et étoiles du ch. 1 ; messages des ch. 2-3 ; Femme mère d’un enfant mâle et d’une nombreuse descendance du ch. 12 ; Femme Épouse de l’Agneau de 21,9…) et une admirable évocation, tout au long du livre, du témoignage de ceux qui partagent avec Jean “ la détresse, la royauté et la patience en Jésus ” (1,9). Elle ouvre l’espace et le temps terrestres aux horizons du ciel et de l’éternité, avec l’espérance que fonde, pour les morts, la résurrection du Christ. La “ première résurrection ” (ch. 20) rend participant chaque être créé de l’actuelle puissance de la résurrection.

On peut regretter, sans doute, qu’un tel ferment d’espérance ne s’élève que trop peu au cœur des liturgies de l’Église (catholique). En dehors du temps pascal (chaque deux ans, en semaine), où en sont proposés de larges extraits, le cycle liturgique ne prévoit de lire l’Apocalypse qu’en la solennité du Christ Roi (1,9-20), de l’Assomption de Marie (ch. 12) et en la fête de tous les Saints (ch. 7).

 Reste que cette parole de Dieu attestée en Jésus Christ retentit jusqu’en la pierre des tympans des cathédrales, dans la lumière de leurs vitraux, dans les lettres vivaces et les couleurs de chaudes enluminures, et qu’elle se donne aujourd’hui encore à lire, écouter, garder en ce livre toujours disponible à la lecture. Là commence, pour chacun, la vraie “ apocalypse ” : quand se joue, dans la chair, l’écoute de la parole et sa pratique. Jean n’a-t-il pas lui-même mangé le petit livre que lui tendait l’ange descendu du ciel (ch. 10), éprouvant en lui douceur et amertume, et figurant par cette manducation le trajet de la parole jusqu’au plus intime du corps de l’homme ? L’Apocalypse, écriture de la Fin et fin de l’Écriture, clôt la Bible chrétienne. Réécrivant l’histoire, elle réinterprète tout. Le Livre complet, achevé, définitif, laisse place au Christ Vivant et au travail de la parole en la chair des humains. Lisant le Livre, sachant qu’il n’y a rien à y ajouter ou retrancher désormais (22,18-19), le lecteur peut librement en sortir pour vivre en régime d’incarnation. Ce travail d’humanisation prolonge l’œuvre du Verbe dans la chair des hommes, pour la joie d’une vie sauve. Le lecteur est ainsi convié à laisser place en lui, ici et maintenant, à une “ apocalypse ” désirée : “ Viens, Seigneur Jésus ”, toi qui te tiens à la porte (2,20) !

                                                                                                                     D. Jacques Fournier

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[1] « L’APOCALYPSE », Jean-Pierre PRÉVOST (Bayard Editions/Centurion » ; Collection Commentaires ; Paris 1995) p. 17.




Une rose rouge

Ma mère est décédée le 26 mai 1997 à Bettancourt-le-Ferrée, près de St-Dizier, en Haute-Marne.

En cette année 1997, l’Eglise célébrait le centenaire de la mort de la « Petite Thérèse », décédée à Lisieux le 30 septembre 1897.

 Or ce jour-là, je devais terminer l’enregistrement de 6 chants que j’avais composés sur 6 poèmes de la Petite Thérèse, pour célébrer, à ma façon, ce centenaire. Pour les voix féminines, j’avais opté d’enregistrer les Sœurs Carmélites de Verdun et pour les voix masculines, j’avais fait appel aux ténors et basses des Petits Chanteurs de Bar-le-Duc.

Au matin de ce 26 mai, je me trouvais dans la maison de mes parents où j’avais passé la nuit auprès de ma mère, afin de soulager ma belle-sœur, fatiguée de tant de nuits de veille auprès de celle que tout le monde appelait « Maman Paule ».

Vers 8h, je pris congé de maman que je trouvais assez fatiguée, en lui expliquant que je devais me rendre à Verdun pour enregistrer les Sœurs du Carmel et que je reviendrais en fin d’après-midi. Ses dernières paroles furent : « Dépêche-toi, ne sois pas en retard pour dire ta messe… ! » C’était bien elle !!

Je partis donc célébrer la messe dans ma paroisse de Vavincourt, puis aussitôt le repas de midi, je pris la route de Verdun.

J’avais hâte de retourner auprès de ma mère et je terminais l’enregistrement à 15h45. J’expliquais aux religieuses combien j’étais pressé de retrouver ma mère qui me semblait arriver au terme de sa vie terrestre. A 16h00, j’allais monter dans ma voiture, quand une vieille sœur, voûtée, s’approche de moi et me tend une magnifique rose rouge cueillie dans le jardinet qui accueille les visiteurs. « Tenez, monsieur l’Abbé, c’est pour votre maman ».

Devant tant de délicatesse, je remercie la Sœur en l’embrassant et je lui dis : « Oh, comme maman va être contente, elle qui aime tant la Petite Thérèse » et je dépose la rose rouge sur le siège arrière de la voiture.

rose rouge 1

Rapidement, je prends la route de St-Dizier où j’arrive vers 17h00, la rose rouge à la main. Je trouve ma belle-sœur en train de ranger des affaires dans la salle-à-manger. Etonné, je lui demande : « Et maman, comment va-t-elle ?… » – «  Maman Paule ?… Elle nous a quittés il y a une heure, à 16h00 ! » C’était l’heure où la religieuse m’avait offert la magnifique rose rouge : « pour votre maman » !! Quel merveilleux signe de tendresse de la part de Sainte Thérèse, la carmélite !

Je me suis approché du lit où maman reposait et je lui mis la rose rouge entre ses mains jointes : « Tiens, maman, c’est la petite Thérèse qui te l’offre ! »…

Deux jours plus tard, au moment de la mise en bière, l’employé des Pompes funèbres me demanda : « Monsieur l’Abbé, qu’est-ce que je fais de la rose ?… – « Oh, c’est à elle, laissez-lui… C’est le cadeau de la Petite Thérèse ! ». Il m’a regardé : je ne suis pas sûr qu’il ait compris !…

Parmi les 6 chants enregistrés avec les carmélites, l’un s’intitule « Une rose effeuillée »…

Un nouvel enregistrement de ces 6 chants est en cours de réalisation et le CD sortira pour la fête de Ste Thérèse, le 2 octobre 2013… Encore un cadeau de la Petite Thérèse !

  

                                                                                     Père Jean-Marie Vincent.

           

 

 

 

 

 

 

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« Jésus et Allah s’entendaient bien chez nous »…

          Ce n’est pas facile de parler de soi …

         Mais pour préparer ce moment de partage avec vous, j’ai pris le temps de me demander qui je suis, de réfléchir à ce qui est important dans ma vie, de penser à ma vie en tant que chrétienne…

          Pour commencer par le commencement, je suis née un 1er janvier 1943 à St Denis… juste en face de la cathédrale de Saint-Denis ! N’y voyez pas un signe du ciel ! A l’époque la maternité était située à cet endroit.

          Mes parents étaient catholiques, c’est donc tout naturellement que j’ai été baptisée, puis que j’ai suivi un enseignement religieux, (catéchisme, 1ère communion, confirmation) tout comme mes 6 frères et sœurs .

          A cette époque, il me semblait que la pratique religieuse était une chose simple et évidente.

          Pour mes parents, il n’y avait pas à discuter. « Mon enfant, Dieu c’est Dieu. C’est Lui le Maître de tout, du ciel,  de la terre, du Monde entier. Aime Dieu et obéis à Dieu ! »

         Dieu a donc toujours occupé la 1ère place dans notre famille.

          Pour nous, il était évident que le dimanche était avant tout le jour de la messe. A  chaque fois qu’on coupait un gâteau, on réservait la 1ère part, qu’on appelait la part du pauvre et que l’on devait donner au premier pauvre qui passait. Pour la petite anecdote, mon père s’est rendu compte que mon frère aîné prenait souvent la place du pauvre !

         Avant Pâques, pour le Vendredi Saint, toute la famille était réunie… on vivait ensemble le chemin de croix (anecdote) : Ma mère installait le Christ sur une table, au milieu du salon. A 15h on s’agenouillait, maman lisait l’évangile de la Passion, nous priions, chantions, récitions le chapelet. Maman  nous invitait  à demander pardon à celui qu’on avait blessé, à haute voix. Le «blessé» se levait, prenait son frère ou sa sœur dans ses bras, accordait son pardon, sans explications. Grande leçon d’humilité qui nous permettait de repartir à zéro, le cœur libéré vers la joie de Pâques.

         Pour La Pentecôte, c’était une fête pour nous les enfants lorsque maman nous réunissait pour « tirer au sort les dons de l’Esprit Saint » (anecdote) : Maman découpait des petites colombes sur lesquelles elle notait un don de l’Esprit Saint. Elle les  mettait dans un chapeau et chacun retirait sa colombe et découvrait quel don il recevait ce jour-là !

          J’ai le sentiment que j’ai grandi en me construisant une identité de créole, de française, de catholique … tout ça en même temps … sans me poser de questions.

         Il faut dire que l’école des sœurs, la religion, la maison et l’école ne faisaient qu’un… la morale, l’éducation religieuse étaient en cohérence l’une avec l’autre… Il me semblait alors normal de commencer les cours en m’agenouillant pour prier.

         C’est en arrivant au collège, à l’école laïque, que j’ai réalisé que tous les enfants ne disaient pas leur prière à l’école (anecdote) : en 6ème à la rentrée je me suis agenouillée dans la classe, mon Professeur a été très indulgente en me disant qu’au collège on ne  priait pas avant les cours.

         J’ai commencé alors à réaliser que les autres enfants avaient d’autres religions, certains même disaient ne pas croire en Dieu … difficile à comprendre pour moi qui avait grandi avec la certitude que Dieu voyait tout… je me demandais s’il voyait même ceux qui ne croyaient pas en lui…

         Dans cette période de ma vie, je garde un beau souvenir des moments partagés avec Marraine Jeanine.

         Marraine Jeannine était ma tante. La sœur de ma mère. La vie lui avait volé son seul enfant qui était mort à l’âge de 9 ans. Cette vieille tante était ce que l’on pourrait appeler de nos jours une « grenouille de bénitier » … Elle passait tout son temps libre à l’église Saint-Jacques. Pour moi, elle était un genre de personnalité qui avait tous les passe-droits … elle allait et venait dans l’église comme elle voulait ! Alors que tous les autres restaient sagement assis sur les bancs à prier, ou agenouillés devant l’autel, Marraine Jeanine, elle, montait SUR l’autel ! Elle rectifiait les bouquets, dressait la nappe… allait vérifier si les hosties étaient assez nombreuses … Elle allait quand elle voulait dans le confessionnal. Elle était dans l’équipe du Rosaire … J’étais admirative de toutes ses responsabilités. Je passais beaucoup de temps avec elle, et en particulier, une à deux fois dans l’année, on allait  ensemble, en bus, en pèlerinage !

         Quelle expédition!

         Depuis la veille, je dormais chez elle… Le jour J, réveil à 5 heures du matin… et toute une journée dans le bus, direction La Salette à Saint-Leu, La Vierge au Parasol, Notre-Dame des Laves à chanter les psaumes et les cantiques … moyenne d’âge dans le bus? 60 ans … Je représentais à moi toute seule la relève ! La jeunesse !!!

         Quelle fierté mes amis … pour moi, mais surtout pour Marraine Jeannine quand ses copines la félicitaient d’avoir une nièce si pieuse … C’est que je connaissais parfaitement toutes mes prières ! Des plus ordinaires (Ave Maria, Notre Père …) aux plus rares (acte de foi, acte de contrition , souvenez-vous)…

          J’ai continué comme ça mon chemin, personnel, professionnel, spirituel… J’ai fini mes études et j’ai  passé le concours d’institutrice.

          On ne peut pas parler du chemin personnel sans parler de … l’amour !

         J’avais 24 ans quand je suis tombée amoureuse de celui qui allait devenir mon mari : Idriss. Il était … vous vous en doutez, beau, gentil, drôle… et … musulman.

         Au début de notre relation, c’était un fait… voilà tout.

         J’étais catholique, lui musulman.

         Dès que nous avons compris que c’était « du sérieux » comme on dit, je l’ai présenté à ma famille et de même il m’a présentée à ses parents. C’est là que nous avons réalisé que les choses allaient être plus compliquées que prévu.

De mon côté, mon père m’a juste dit : « Mé li lé zarab … mi èspèr ke lé pa sérië ! »

         Quant à mon futur beau-père, dès la première rencontre, il a abordé clairement la question: « Ou koné Idriss lé zarab ? Si ou i èm ali, ifo ou rant zarab pou zot guingn fé nikka»…

          Dans notre couple, quoiqu’en disent nos parents, on avait décidé de se respecter tels qu’on était.

         Quand on a commencé à préparer le mariage, la décision était prise : je resterai catholique et lui musulman.

          C’était en 1970, j’avais 27 ans … on ne parlait pas encore de l’Inter-religieux à cette époque !

          Au début de notre mariage, il n’a pas toujours été facile de faire accepter à nos familles notre choix, mais avec l’arrivée de nos enfants les choses se sont adoucies.

         On était heureux et on prouvait à tout le monde que Jésus et Allah s’entendaient bien chez nous. On enseignait  à nos enfants qu’il y avait un Dieu « Miséricordieux » un Dieu « Amour » qui veillait sur nous.

         Mon mari, ancien élève du Collège St Michel, me disait souvent : « Mi koné out priyèr pliss ke ou ! » et il récitait le Notre Père ou l’Ave Maria pour m’épater !

         On passait de longs moments à parler de Dieu à nos filles.

         On était vigilants, chacune de nos filles a eu deux prénoms : un musulman et un catholique.

                                      Véronique Yasmina

                                      Isabelle Farida

                                      Shanaz Emmanuelle

         On pratiquait  notre foi dans la  complicité et  le respect.

         On passait de l’Eïd à Pâques, de Noël au Ramadan  sans problème.

         Dans le grand puzzle de ma vie, Idriss était la pièce juste que Dieu avait préparée pour moi…

         Huit ans après notre mariage, je me retrouvais veuve, à 35 ans, avec mes 3  filles, qui avaient alors 7, 5 et 2 ans.

          J’ai traversé cette épreuve mon chapelet dans la main, assise dans l’église, tous les jours, avec mes enfants.

         Ma mère me répétait qu’un croyant a le droit d’être parfois découragé mais jamais désespéré !

         Mon père, égal à lui-même, m’a dit une bonne fois pour toutes :« Bondieu  la jamais abandonne personne, arrête pleuré ! »

         Je restais accrochée à mon Dieu de toutes mes forces !

         C’est Lui qui m’a permis de réaliser que je devais continuer, pour mes enfants surtout… Ma foi a été ma force dans ce moment si difficile.

         « Dieu est mon roc… »

          J’ai repris le travail, j’ai recommencé à rire, à jouer… à raconter des histoires à mes filles.

         J’ai lu et relu  la bible … « Frappez on vous ouvrira … demandez vous recevrez »

         J’ai traversé des moments de révolte pendant lesquels j’avais envie de dire à Dieu : « Je frappe Seigneur …  tu n’entends pas ? J’appelle, je crie, je pleure… quand est-ce que je recevrai ? »

          C’est ma mère, encore elle … si sage … qui m’a dit un jour : « ‘Non’ peut être aussi la réponse à une prière. » C’est difficile à accepter… mais c’est tellement vrai.

          J’ai compris peu à peu que ce que Dieu me donnait était tout de même le plus important : la santé, des enfants en pleine forme, qui réussissaient leurs études … une famille autour de moi.

          J’ai pris ma retraite en 1990, à l’âge de 47 ans. Cela m’a permis d’élever tranquillement mes enfants et surtout de découvrir une nouvelle manière de vivre ma foi.

          Je suis entrée comme bénévole à la Fondation Abbé Pierre.

         J’ai tout de suite choisi d’aider les SDF (Sans Domicile Fixe). Quand je suis arrivée à la Boutique de Solidarité, ce lieu n’était qu’un lieu d’accueil temporaire pour les SDF. Ils venaient pour passer le temps, être à l’abri …

         Moi, j’étais une maman, une maman expérimentée… J’ai porté sur eux un regard pragmatique. Pour moi, ils étaient un peu comme des enfants perdus. Alors, je me suis posé des questions très simples : de quoi ont-ils le plus besoin?

De manger ? J’ai fait le tour des boulangeries du quartier et très vite j’ai obtenu qu’ils me donnent chaque jour le pain de la veille, les viennoiseries invendues … et j’ai commencé à organiser de bons petits-déjeuners à la Boutique de Solidarité…

         Ils avaient aussi besoin de s’habiller … en avant pour la collecte de vêtements…

         Et c’est dans ces petits gestes quotidiens, dans ces petits moments d’échanges que j’ai vécu des moments inoubliables … de vraies confidences… la confiance qui s’installe… l’amitié…

         C’est dans ces moments là que tu te dis: ce SDF, cette SDF…, c’est mon frère, c’est ma sœur. Il suffit d’un rien (ou parfois de grands drames ) pour qu’une vie bascule.

          J’ai eu le privilège aussi de rencontrer l’Abbé Pierre lors de son passage à la Réunion.

         Je garde en mémoire cet entretien qu’il m’a accordé c’était court mais tellement fort !

         Il a mis la main sur mon épaule et il m’a dit :  « On a besoin de petites femmes comme toi. »

          Ces années de bénévolat m’ont permis de consolider ma foi en Dieu, d’apprendre à regarder l’Autre et à ne pas avoir les yeux fixés sur ma petite personne. Cela m’a appris à relativiser beaucoup de choses, à comprendre que le bonheur n’est pas d’avoir ce que l’on veut, mais peut-être de vouloir ce que l’on a.

          Et le temps a continué à passer… Mes filles ont grandi… Elles se sont mariées à leur tour… et m’ont donné 6 petits-enfants!

         Pablo , Naïla, Luna, Marie, Alexis et Axel.

         6 petits-enfants qui font chanter ma vie et pour eux, c’est moi, la grenouille de bénitier !

         Dans la vie d’aujourd’hui, ce n’est plus aussi évident … Le dimanche est le jour de la plage, le jour du repos, des tournois de handball ou de judo… plus forcément le jour de la messe !

         Et la Mamouche  que je suis représente la religion, la foi.

          Une évaluation de maths est prévue pour lundi ?

– « Allô Mamouche ! Tu pourras prier pour moi de 9heures 10 à 10h steplait ? »

         Un coup de soleil à la plage ?

– «Allô Mamouche, tu pourrais faire une prière pour moi steplait ? »

          Mais c’est aussi des moments de complicité, où mes petits-enfants viennent d’eux-mêmes me demander à apprendre à prier le chapelet, où mon petit-fils garde comme un trésor le Coran de son papi … des échanges sur la foi, la pratique, l’église .

         Les jeunes d’aujourd’hui se questionnent et cherchent Dieu … sur Skype, Facebook ou avec leur mamie.

          De mon côté, je vis toujours ma foi comme un témoignage.

         J’ai envie de montrer à tout le monde que c’est formidable de croire en Dieu !

         Choisir un  chemin spirituel, c’est un  choix individuel … un chemin parfois difficile mais qui conduit à la joie, au partage, à la sérénité. C’est ce que j’essaye de transmettre à mes petits-enfants.

          Il y a 5 ans environ, le hasard (certains disent que ce n’est que l’ombre de Dieu) m’a donné l’occasion de retrouver mon ami Idriss que j’avais perdu de vue.

On discute, on prend des nouvelles l’un de l’autre… et voilà qu’on parle religion !

Il m’invite très vite à rejoindre le GDIR (Groupe de Dialogue Inter-Religieux)… et voilà un nouveau cadeau de Dieu ! Une nouvelle aventure pour vivre encore ma foi d’une manière renouvelée.

         J’en profite donc pour remercier tous les membres du GDIR, leur dire combien je m’enrichis à leur contact, combien j’apprécie les moments où nous prions ensemble .

          Oui, le bonheur est de vouloir ce que l’on a !

 Psaume 8 :

          « Seigneur, notre Seigneur,  que ton nom est magnifique  par toute la terre ! »

                                                                                            Danièle Moussa

                                                                                            tsaana@orange.fr

 

 

 

 

 

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La maladie de Papa…

 Un jour, en juin 2009, tout a basculé pour mon père. Mon père est un homme simple. Orphelin  à douze ans il a été élevé par ses frères et sœurs. Il a été servant de messe toute sa jeunesse et plus tard il a accompagné plusieurs curés surtout le père Chevalier et le père Bail lors de leur déplacement. C’était le chauffeur du quartier,  l’ami de tout le monde. Ces dernières années il se réveillait tôt le matin pour le nettoyage de l’Eglise et était quêteur lors des célébrations. Ce n’était pas un Saint mais quelqu’un de bien toujours disponible.

 Au mois de mai 2009, grâce à la campagne de dépistage du cancer colorectal mis en place par le Conseil Général,  il apprend, après avoir réalisé un test Hémoccult, que le résultat  est positif. Des examens complémentaires sont nécessaires. Il ne se sentait pas malade, avait certes perdu un peu de poids ces derniers temps mais était suivi régulièrement par son médecin pour sa tension et pas d’inquiétude de la part de celui-ci, pour nous tout allait bien et il était en forme.

Papa prend donc contact  avec son médecin traitant afin de décider de la conduite à tenir. Celui-ci l’envoi chez un spécialiste et une coloscopie est programmée à la clinique du Tampon. Suite à cet examen le médecin lui annonce qu’il a pu enlever quelques polypes mais qu’il faut prendre rendez vous à l’hôpital de Saint-Pierre avec un chirurgien parce qu’il n’a pas pu intervenir sur un polype. Le chirurgien lui  programme un scanner.

L’annonce : Juillet 2009, j’accompagne mon père pour cet examen. Après consultation et lecture de l’image du scanner le chirurgien remplaçant dit à mon père qu’il faut l’opérer d’urgence car il risque de faire une occlusion intestinale s’il n’intervenait pas rapidement et une opération est programmée dans la semaine qui suit.  Le chirurgien explique  le déroulement de l’opération. Mon père est serein, il plaisante avec le chirurgien et pour bien faire comprendre qu’il avait bien compris ce qu’il allait faire avec lui il dit : «C’est comme si on avait un morceau de tuyau abimé, on coupe le morceau pourri, on le jette et on recolle les deux bouts sains». Le chirurgien un peu troublé répond positivement à sa traduction de la situation. Alors mon père lui donne le feu vert.

 Moi silencieuse jusqu’à présent, toute renversée et surprise du diagnostic,  demande au chirurgien en toute confiance : docteur nous ne parlons pas encore de cancer ! L’annonce est brutale : cancer du colon. Il faut faire vite.  Sa réponse reste bloquée dans ma gorge. Je restais là assise en face du chirurgien et c’est mon père qui brisa le silence en continuant à converser avec le chirurgien comme si rien ne venait de se dire.

 Nous prenons congé et je pris rendez vous avec l’anesthésiste dans la foulée. Je ne pouvais parler à personne tellement j’avais la gorge nouée et mon père était là assis à coté de moi et faisait comme si rien ne venait de se passer et comme à son habitude continuait à discuter dans la salle d’attente avec les autres patients.

Nous arrivons à la maison et maman voit très bien que la situation est grave mais je laisse mon père annoncer la nouvelle à sa façon. Il ne parle pas de cancer, il parle de l’intervention qui va avoir lieu dans les prochains jours et de la  guérison possible. Je suis anéantie, je n’interviens pas, je rentre chez moi le cœur lourd mais les larmes n’arrivent pas, je ne me donne pas le droit de pleurer car j’admire le courage de mon père pour accepter aussi facilement son opération et je suis très embêtée d’apprendre à ma famille ce que je venais d’entendre.

Plus tard ma  mère et mon frère viennent me voir et c’est à ce moment là que je leur apprends la nouvelle  et je leur demande de ne rien dire à papa car  je ne savais pas à ce moment là s’il avait connaissance de ce qu’il avait en réalité. Il fallait  être fort car les nouvelles n’étaient pas bonnes du tout. Après avoir digéré plus au moins la nouvelle je fais des recherches sur le net et là je découvre beaucoup de choses.  Je prends donc avec ma mère la décision d’écrire toutes les questions qui nous intéressaient et d’aller toutes les deux voir le spécialiste qui nous a reçu sur le champ, entre deux consultations,  pour pouvoir avoir des réponses plus claires afin d’aider au mieux mon père. Le diagnostic  est le même,  et c’est à ce moment que le médecin nous dit également qu’il a des lésions hépatiques et pulmonaires. Nous prenons alors conscience que son cancer est très avancé (classement  T3 N1 M1) mais qu’il a une petite chance de gagner deux ans si on intervient.

L’abandon : Nous proposons, à partir de  ce moment là, à papa de prier avec des amis qui viendraient à la maison et à notre étonnement, il accepte. La veille de sa consultation d’anesthésie, nous demandons à notre petite famille et à nos amis de venir prier avec nous. Fort a été ce moment de prière quand papa s’est mis à genou et a dit : Jésus tu as porté ta croix et bien je vais porter la mienne aussi, mais aide moi. A partir de là il nous annonce qu’il a un cancer et qu’il le savait depuis le début. En plus des messes dominicales nous nous rendons aussi aux messes en semaine et à la messe des malades tous les premiers vendredi du mois. Le lendemain j’accompagne mon père chez l’anesthésiste et je profite d’un moment de libre que j’ai (au moment de sa consultation),  à son insu, mais avec la complicité de ma mère de revoir le chirurgien avec une tante qui travaille dans le milieu hospitalier. Nous avons de la chance, il n’est pas en salle d’opération et sa secrétaire lui demande s’il peut nous recevoir. Réponse positive nous lui posons toutes les questions qui nous tracassent et il nous répond avec beaucoup de gentillesse. Au moment de partir nous lui demandons une dernière chose : docteur si vous savez qu’il n’y a plus rien à faire, s’il vous plaît laisse le, ne faite pas l’opération car nous préférons le voir un mois mais debout que deux ans et  dans un lit. Il nous répond :  je viens de perdre mon père suite à une occlusion intestinale et je vous assure que c’est une mort atroce. Votre père a toutes ses chances ; si mon père était encore là je l’aurais fait. Nous répondons : nous vous faisons confiance.

L’onction des malades : Papa nous soumet l’idée de voir un prêtre pour se confesser et recevoir l’onction des malades. Nous l’accompagnons dans cette démarche. La rencontre dure un bon moment et papa ressort de cet entretien avec une force nouvelle qui nous pousse à vivre cette aventure avec lui et  cela nous donne aussi le courage qui nous manquait pour continuer.

La confiance : L’opération devait se faire le lundi 3 Août 2009 et il devait être hospitalisé la veille. Nous devions nous rendre au  mariage de sa petite nièce le samedi 1er Août 2009. Aussi papa avait pris la décision, pendant toute cette période, de ne  rien dire à qui que ce soit de son état de santé pour ne pas contrarier cette fête. Il annoncerait lui-même la nouvelle au rogaton qui aurait lieu le jour de son hospitalisation. Nous nous préparons pour cette fête avec un cœur lourd. Le vendredi ma mère et moi nous étions en ville pour les derniers préparatifs et papa nous appelle pour nous dire que l’hôpital a appelé et que tout est annulé. Je dis à ma mère : il faut qu’on rentre à la maison, les nouvelles ne sont pas bonnes, papa ne sera plus opéré et nous avons dit à ce moment : merci Seigneur car le chirurgien nous a écoutés, il s’est rendu compte qu’il valait mieux le laisser, que c’était la meilleure solution. Nous avons tout remis dans les mains du Seigneur. Nous arrivons à la maison et nous essayons d’éclaircir les choses avec mon père qui à son habitude continue de plaisanter et de nous faire rire. J’essaie donc de téléphoner à l’hôpital malgré l’heure tardive et la secrétaire nous annonce que l’opération est reportée car le chirurgien préfère lui faire un examen complémentaire, un pep scan à l’hôpital de Bellepierre pour pouvoir mieux voir l’étendue de son cancer.

La charité : Sur le chemin de retour nous nous arrêtons à une air de pique nique pour déjeuner. Nous sommes interpellés au milieu de notre repas par un sans abri qui nous demande à manger. Il ne nous restait pas grand-chose. Papa lui propose sa bière qu’il n’avait pas encore bu et celui-ci lui répond qu’il ne boit pas d’alcool mais qu’il a faim. Nous sommes très mal à l’aise face à cet inconnu. Il nous restait quelques restes mais n’osions pas le  lui donner.   Alors mon père décide de lui laisser les paquets de gâteaux qu’on avait achetés et les boissons non alcoolisées qui nous restait.  L’inconnu nous remercie et s’éloigne pour savourer le peu de chose que nous lui avons donné. Nous lui demandons s’il est du coin et nous nous renseignons auprès de lui pour savoir s’il n’y a pas trop loin un petit bar pour lui acheter à manger. Il répond que non. Mon père n’oubliera pas cette rencontre, quand  nous étions à table et qu’il voyait les restes du repas il ne cessait de faire allusion à cette scène. La promesse qu’il se fait à lui-même est que  si un jour il rencontre à nouveau cet homme il irait même  faire un peu de route lui chercher à manger. Il n’a jamais eu  l’occasion de le faire.

La déception : Nous nous rendons au mariage de la petite nièce de mon père et tout se passe bien. Le lendemain nous allons aussi au rogaton et à la fin du repas, papa nous demande de dire à la famille son état de santé. Il est contrarié de voir comment certaines personnes reçoivent la nouvelle. Nous rentrons à la maison et il nous confie sa déception. Il dit : pourquoi ils pleurent, je ne suis pas encore mort. C’est ma croix que je porte. Il attendait quoi, je ne sais pas, mais c’était très douloureux de le voir ainsi. Il voulait bien parler de sa maladie même de sa mort mais il ne voulait surtout pas être pris en pitié encore moins qu’on se mette à sa place. Chacun son histoire il disait.

L’attente : Les jours qui suivirent furent longs car nous attendions le rendez vous sur St Denis pour le pep scan et papa angoissait un peu à l’idée de faire une occlusion intestinale. Il fait très attention à ce qu’il mange de manière à aller à la selle tous les jours.  Le jour du rendez-vous du pep scan arrive enfin mais il faut attendre encore une semaine pour avoir le résultat. Après une longue attente, le temps vous paraît interminable dans ces moments là, la consultation avec le chirurgien, le titulaire cette fois ci, arrive enfin et celui ci nous annonce  qu’une partie du foie devra être enlevée également et il demande à papa s’il veut que l ‘intervention se fasse en deux temps : à savoir l’intervention sur le côlon puis plus tard sur le foie.  Papa n’est pas abattu par le diagnostic, il écoute et demande même au chirurgien de ne pas hésiter d’enlever d’autres morceaux si cela s’avérait nécessaire. Il décide de la faire en une seule fois. Comme d’habitude nous le suivons et l’accompagnons. Le jour de l’opération arrive, une journée très longue pour nous, nous sommes le 21 aout. Le soir sa belle sœur qui travaille à l’hôpital nous appelle pour nous dire que papa va sortir du bloc opératoire et qu’il sera mis en réanimation. Nous avons voulu voir le chirurgien pour qu’il nous renseigne sur l’opération et là  désappointé il nous dit qu’il n’a pas pu tout enlever au niveau du foie. Déception totale car nous ne savons pas comment annoncer cela à papa car pour lui grâce à l’opération il serait totalement guéri.  Ma mère et moi nous nous sommes rendus à la chapelle de l’hôpital et on s’est totalement remis au Seigneur. Nous sommes vraiment trop petits face à ces situations, le mur est tellement épais qu’on a envie de partir alors nous nous agenouillions et nous faisons silence car rien ne sort de notre bouche et notre esprit est complètement déconnecté, le vide, le brouillard, pas d’issue possible. Il est resté trois jours dans ce service pour ensuite être transféré en chirurgie où ma mère a pu rester avec lui la nuit. Nous décidons de ne rien lui dire de ce que nous avons appris du chirurgien et c’est lui qui nous donne encore la force d’avancer et tout se remet en route. Il récupère  assez vite et bien de son opération et sort de l’hôpital au bout de six jours. Pendant son séjour à l’hôpital nous avions décidé de ne pas autoriser les visites mais donnions à la famille et aux amis, qui priaient aussi avec nous, des nouvelles régulièrement.

L’accueil : Papa est rentré à la maison et il fallait mettre beaucoup de choses en place pour son confort  et là encore son médecin traitant était disponible et avenant. Toutes les personnes qui venaient le voir étaient, malgré ses douleurs et sa fatigue, accueillies avec beaucoup d’humour et d’amour. Pas une plainte, pas un reproche, au contraire tous disaient qu’il leur remontait  le moral. Il disait à ses copains quêteurs : dès que j’irais mieux je reviendrais vous aider. Effectivement  dés qu’il le pouvait il se rendait à l’église  pour servir. Tous les premiers vendredi du mois il recevait la communion à la maison car il ne pouvait pas encore se déplacer pour aller à la messe. Toutes les semaines nous imprimons la lecture et l’homélie des lectures pour lui. Il a pu petit à petit reprendre une vie normale.

L’espoir : Vient la visite avec le chirurgien au mois de septembre 2009 et il annonce à papa la nécessité de faire une chimiothérapie pour venir à bout des nodules qui restaient. C’est à ce moment là qu’il apprend que, lors de l’opération, le chirurgien n’a pas pu tout enlever. Il accueille la nouvelle avec beaucoup de résignation et de force.  Revient une batterie d’examen qui montre bien des nodules au foie et aux poumons. Beaucoup de choses lui sont proposées à ce moment là mais lui préfère  faire la chimiothérapie. Le protocole de la chimiothérapie est mis en place, les séances de chimiothérapies commencent en octobre 2009 pour se terminer en mars 2010. Il se rendait à l’hôpital le jeudi matin et rentrait à la maison l’après midi avec sa petite gourde autour de sa hanche et l’infirmière qui avait l’habilité à le faire (encore un clin d’œil du ciel car si elle ne pouvait pas le faire il était obligé de rester à l’hôpital) venait le lui enlever en fin de matinée le samedi.  Il pouvait se rendre à la messe en toute tranquillité. Pendant trois mois tout se passe bien, il n’eut aucun effet secondaire. Il était pour ainsi dire en forme.  

Le courage : Nous sommes au mois de janvier 2010 et mon père n’est pas en forme. Il ne nous met pas au courant de son état tout de suite. Nous voyons qu’il souffre mais lui nous répond qu’il est ballonné  et que  ça va passer. Mais samedi les douleurs se font plus fortes et il doit se rendre à l’évidence que, malgré les médicaments qu’il prend, son état ne s’améliore pas. Nous l’emmenons en début d’après midi au groupe médical et le médecin après consultation lui prescrit  une radio à faire dès le lundi matin si son état restait stable, sinon il fallait se rendre aux urgences à Saint-Pierre dans les plus brefs délais. Ce week-end fut long. Lundi, dés l’ouverture de la radiologie, nous prenons rendez vous et nous nous rendons à Terre Sainte qui nous propose le rendez vous le plus rapide. Il souffrait et ne pouvait pas mettre la ceinture de sécurité alors nous avons mis un oreiller pour atténuer sa douleur, pour que celle-ci n’est pas de contact avec son ventre. Les résultats ne sont pas bons la secrétaire nous les donne en nous ordonnant d’aller en urgence chez notre médecin traitant. La voiture était garée un peu loin de la radiologie alors nous demandons à papa de nous attendre. Arrivés dans la voiture nous prenons connaissance des résultats : occlusion du grêle. Notre cœur bat à cent  à l’heure, papa fait une rechute. Pas trop le temps de réfléchir, sur le moment il faut faire vite. Papa nous attend et il ne faut surtout pas lui dire quoi que ce soit et faire bonne figure. Alors nous prions le Seigneur de venir à notre aide et de nous éclairer.

La confiance : Nous récupérons papa et il nous demande si nous allons tout de suite voir son médecin traitant. Alors à ce moment là avec le sourire et confiance je lui propose de faire voir ses analyses aux chirurgiens vu que nous ne sommes pas très loin et il accepte,  à mon grand soulagement. Arrivés devant l’hôpital nous ne trouvons pas de place pour nous garer alors papa nous propose de rester dans la voiture et de nous attendre et qu’il déplacerait la voiture en cas de besoin. Nous acceptons mais avec beaucoup de crainte car il n’était vraiment pas bien. Arrivés devant le bâtiment nous appelons sa belle sœur qui y travaille et nous lui demandons de venir nous voir afin de montrer les analyses au chirurgien et avoir son avis. Nous ne sommes pas tranquilles, papa souffre énormément et nous sommes sur le coup un peu en colère car nous ne pouvons rien faire pour lui. Nous nous remettons dans les bras du Seigneur. Nous récupérons la voiture et annonçons à papa que nous irons voir son médecin traitant car le chirurgien est en salle d’opération mais que j’ai remis un exemplaire du résultat de la radio à tatie qui la remettra au chirurgien. Arrivés face à la mairie de Grand Bois tatie nous appelle pour nous demander de ramener papa aux urgences. La seule chose que nous avons dite à papa à ce moment là : «Tu es béni de Dieu ». Il est resté trois jours à l’hôpital. C’était une inflammation et il fallait lui donner des antibiotiques par intraveineuse.  Par la suite les séances de chimiothérapies se poursuivent et tout se passe bien.

La conversion : Nous avions des voisins que nous ne fréquentions pas spécialement.  Un soir la voisine se rend à la messe et papa lui propose de la ramener chez elle. Puis il lui propose de l’emmener à la messe les autres samedis. Elle alla donc avec nous à la neuvaine de Saint-Joseph et à la veille de la fête de Saint-Joseph, lors de la  communion, elle se mit à pleurer. Nous lui demandions la cause de ses pleurs. Le prêtre, ce soir là, avait proposé aux personnes le désirant et qui ne pouvaient  pas recevoir Jésus de venir embrasser le calice et elle a été touchée par cette parole. Elle nous dit : j’aimerais moi aussi aller mais je ne peux pas parce que je ne suis pas mariée à l’Eglise. Alors nous lui proposons d’aller embrasser le calice et de donner cette peine à Jésus. Elle y  alla et qu’elle fut notre joie de la voir comblée, joyeuse. Dans la voiture, en rentrant à la maison, elle nous a raconté son histoire, elle était mariée à la mairie mais pas à l’Eglise parce que son mari n’était pas pratiquant. Nous lui proposons donc de parler à son mari et qu’on s’occuperait de les emmener recevoir ce sacrement s’il acceptait notre aide. C’est ce qu’elle fait. Et il répond positivement à son invitation. Merci Seigneur. La semaine suivante nous les emmenons voir le curé de leur choix et celui-ci les accueille d’une telle façon que notre voisin est prêt à poursuivre le cheminement. Tout va très vite,  il a soixante dix ans et elle soixante. Arrive le jour où nous les emmenons  pour leur confession et nous expliquons à notre voisin que maintenant il serait bien qu’il se rende à la messe. Au moins une fois avant son mariage, et il accepte mais à condition de ne pas aller en ville. Papa a partir de là prit la décision d’aller à la messe à la Passerelle ou à Grand Coude. Des voisins de toujours que nous ne fréquentions pas et qui aujourd’hui font partie de la famille.

 La joie : Au mois d’avril 2010 nous nous rendons à son deuxième rendez-vous chez l’oncologue et les résultats sont plutôt bons. Le foie a bien repoussé, mais il y a apparition de deux nouveaux nodules aux poumons. Un pep scan confirme bien le diagnostic. Mais le médecin reste confiant car l’état général  de papa est plus que satisfaisant. Le médecin lui propose de continuer une nouvelle séance de chimiothérapie, il accepte, un nouveau protocole est mis en place.  Les séances reprennent donc en juin 2010 pour se terminer en décembre 2010 tout se passe bien plutôt bien, même si l’analyse sanguine montre à chaque fois une baisse des plaquettes.

L’abandon : Papa est fatigué par les séances de chimiothérapie et lors de la messe des malades du mois de décembre 2010, il demande à Jésus lors du passage du Saint Sacrement de faire quelque chose pour lui, de l’aider et Jésus lui répond : « Je ne peux plus rien pour toi». Etonnante réponse. Arrivé dans la voiture papa nous dit qu’il allait pleurer ce soir à la messe mais qu’il n’a pas pu. Il nous raconte sa rencontre avec Jésus.  Alors je lui propose d’aller témoigner mais il ne veut pas, pas pour le moment.

Le bonheur : en janvier 2011, nous avons rendez vous avec l’oncologue suite à une batterie d’examens faits au mois de décembre. Les examens ne sont pas bons, les plaquettes ne cessent de chuter, apparition de localisations hépatiques secondaires mais régression des deux nodules du poumon. Un pep scan confirmera ce résultat au mois de mars 2011. Le chirurgien décide d’arrêter la chimiothérapie et demande à mon père de sortir de la salle pour discuter avec la famille. Il nous annonce que papa n’en a plus pour très longtemps, trois voire quatre mois tout  au plus. Maman, timide d’habitude, dit à l’oncologue : « Je ne vous crois pas docteur» car papa était en forme si bien qu’elle pensait  qu’il était guéri.  Il avait repris ses activités comme auparavant. Le médecin lui répond : «Madame !  je n’ai pas fait plus de dix ans d’études pour vous annoncer une telle nouvelle si ce n’était pas le cas». Elle reste sur sa position. Nous rentrons à la maison le cœur lourd et papa qui ne cessait de nous poser des questions sur ce qui venait de se passer dans la salle avec le médecin.  Nous inventons n’importe quoi mais lui ce qu’il avait retenu de ses résultats : régression des nodules aux poumons donc tout va bien et en plus le médecin arrête la chimio donc super nouvelle. Il pense tout de suite à la messe des malades où il avait fait sa demande au Seigneur : que le docteur le laisse tranquille, qu’on arrête les séances de  chimiothérapie. Sa prière est exaucée et que ce qu’il avait demandé venait de se réaliser, merci Seigneur. Il était content. Il annonce à tout le monde qui vient lui rendre visite que tout va pour le mieux.

Le mensonge : Nous ne pouvions plus entendre papa dire qu’il allait bien suite à la conversation que nous avons eu avec l’oncologue. Nous décidons donc de le mettre au courant car nous nous sommes jurés de ne jamais nous mentir. Nous étions très mal à l’aise et nous décidons de lui dire la vérité. La tache n’est pas facile mais il faut le faire. Papa prit la nouvelle avec beaucoup de légèreté et nous dit que le médecin ne sait pas tout, et que lui s’est remis au Seigneur et c’est lui qui sait. ll continua à bien prendre soin de lui, bonne alimentation, sport etc.… nous étions très soulagés de lui  avoir avouer  l’exactitude de sa maladie et nous pouvions le regarder en face et avancer avec lui.

La force : Papa se remit  à aller nettoyer l’église tôt le samedi matin. Il s’occupe de son jardin, et aide ma mère à faire le ménage. Il reprend sa voiture. Les mois passent et  nous restons vigilants mais je sens très bien la présence de Jésus à nos cotés. Ma mère disait même que mon père était guéri et qu’il devait y avoir erreur avec  les analyses. C’est vrai que son médecin traitant ne comprenait pas toujours  les choses car il y avait discordance  entre la clinique et les résultats des examens. Papa avait un moral  formidable. Nous n’osions plus nous plaindre, faire des prévisions, nous vivions le temps présent. A partir de là, la vie nous a paru beaucoup  plus simple et nous avons pris la décision de ne plus nous prendre la tête mais de l’accompagner au jour le jour.

Pressentiment : Août 2012 les analyses montrent un taux de diabète très élevé. Papa avait beaucoup maigri. Le médecin le met donc sous insuline. Il dort beaucoup dans la journée et ne peut plus, depuis quelque mois, vaquer à ses occupations. Le mois précédent cette nouvelle il s’était rendu à Saint-Leu pour aller à la Salette avec des amis puis nous sommes venues le rejoindre à la plage, pour pouvoir le reconduire à la maison en cas de besoin car nous le sentions très fatigué. Son médecin nous avait déjà demandé de ne plus le laisser conduire mais il ne voulait rien entendre. Comme nous nous y attendions il refusa et il prit la voiture. Et ce jour là, un grand miracle s’est produit encore. Mon père a fait Saint-Leu Saint-Joseph sans se rendre compte du chemin qu’il venait de prendre. Arrivé à la maison il nous raconta son trajet et l’angoisse qu’il avait eu à un certain moment car il se demandait où il était. Ce fut la dernière fois qu’il prit le volant. Il ne souhaite plus de se faire soigner. Il nous demande de le laisser mourir en paix et il nous prescrit toutes les choses qu’il souhaite et celles qu’il ne veut plus.  Son plus grand désir : plus d’hospitalisation et pas d’acharnement thérapeutique.

La grâce : Papa n’avait plus  confiance en son médecin traitant. Plus tard, après son décès, nous avons su par ce médecin qu’il n’avait jamais vu papa aussi déterminé. Nous sommes inquiets, son état se dégrade à vue d’œil et  nous avons l’impression qu’il se laisse mourir. Il mange peu, et dort beaucoup. Nous décidons donc de faire appel à sa nièce qui est médecin pour qu’elle le prenne en charge, ce qu’il accepte, même si pour cette nièce, ce fût une décision très difficile à prendre.

Le détachement : Papa ne manquait jamais de faire un cadeau à maman quand c’était son anniversaire, mais en ce mois de juillet 2012, il ne vient pas me voir pour me demander de choisir quelque chose pour elle. Silence complet. Maman vient me voir un jour et me dit l’indifférence de papa envers elle. Je la rassure en lui disant qu’il n’est pas indifférent mais il te prépare à vivre sans lui. Rien n’avait plus aucune  importance pour lui, il savait qu’il n’en avait plus pour longtemps et nous préparait à sa mort prochaine. Un jour il dit à maman et à moi qu’il a beaucoup de chance d’être gâté par les siens. Il n’avait pas l’habitude de nous dire ce genre de chose et à ce moment là nous l’avons regardé et lui avons dit qu’on était content qu’il nous le dise.

Le combat : Novembre 2012 l’état de papa se dégrade de plus en plus. Il a une ascite, son ventre est gonflé, il mange mal, il a du mal à respirer. Sa nièce qui s’occupe de lui à ce moment là me demande de prendre rendez-vous à l’hôpital pour une ponction. Je leur faxe le bilan, on est vendredi, il me donne rendez-vous le jeudi de la semaine suivante. Nous ne sommes pas tranquilles, nous restons vigilants tout le week-end  toujours avec la grâce de Dieu. Le lundi, la secrétaire nous appelle. Une place s’est libérée pour le lendemain. Nous sommes soulagés, merci Seigneur. Trois litres d’ascite seront prélevés ce jour là.

L’amour : Je dois partir rendre visite à ma fille qui est en métropole au mois de décembre 2012. Le billet est pris depuis le mois juillet 2012. Malgré l’état de papa qui continue à se dégrader, et après beaucoup d’hésitation et de discussion avec ma mère et le médecin, je prends la décision de partir et de ne pas écourter mon séjour même si mon père décède, car nul ne pouvait savoir le temps qui lui restait pour vivre. Il n’en a plus pour beaucoup de temps certes mais nous ne pouvons en dire davantage. Nous parlions souvent de la mort avec papa ( la veillée, l’enterrement etc. …)  et souvent je lui disais que je ne voyais pas les choses comme tous les autres membres de la famille et lui me disait de ne pas m’en faire. Il savait aussi que je l’aimais et que je voulais garder de lui que le meilleur. Il me connaissait bien, et savait de quoi j’étais capable et  ce qui m’était insupportable. De plus il y  a un conflit qui nous divise ma belle sœur, ma nièce filleule et moi même. Mon père savait le mal être que nous avons à être ensemble. Ses derniers temps, il passait ses journées à dormir tellement il était fatigué. Il ne sortait plus. Le dimanche, avant mon départ, il est allé  fêter l’anniversaire de  son ami et il est resté éveillé toute la journée, au grand étonnement de tous, car de plus en plus il avait ce besoin de se reposer pendant la journée.  Le lundi, je commençais à préparer mes valises et il m’a aidé à les faire et même m’a accompagné pour aller chercher une petite que je garde, à son école, en plein midi. Pendant le trajet il me dit qu’il va mieux, qu’il va reprendre du safran le matin, etc. Il me rassure mais je comprends bien qu’il est entrain de me faire ses adieux après la conversation qu’on venait d’avoir. Le lendemain matin, le mardi très tôt, je pars. Et il est là avec son regard que je n’oublierai jamais et je sais que je ne le verrai plus.

 Le mercredi en fin de matinée j’appelle maman  et papa pour leur dire que nous avons bien voyagé et maman me passe papa car pour lui le temps avait paru bien long et qu’il avait besoin d’être rassuré, que nous étions bien arrivés chez sa petite fille. Nous le rassurons et lui disons qu’on le rappellera dès le vendredi. Ce soir je n’ai pas très bien dormi. J’ai eu la présence de petits enfants en blanc  qui dansaient devant mon lit. J’ai eu peur au départ puis après avoir fais une prière en disant  que cette maison appartient au Christ, la peur s’en est allée. J’ai été envahie par un sentiment de paix, j’ai pris mon chapelet et j’ai commencé à prier. A ce moment j’ai pensé à papa et je me suis endormie.

Jeudi il est midi chez nous en métropole, avant de quitter la maison je dis à mon époux qu’il faut que j’appelle maman car j’ai le pressentiment qu’il se passe quelque chose là bas. J’ai maman au téléphone, papa  n’est pas bien. Après avoir été déjeuné chez des amis le midi, il est entré à la maison, il commençait à vomir du sang,  elle a fait appel au médecin (sa nièce) qui n’allait pas tarder à arriver. Dans la soirée j’appelle mon frère et lui demande de me passer papa. Comme d’habitude il me rassure et me dis de ne pas m’inquiéter.

La grâce : Pendant toute sa maladie papa avait comme prière à Dieu de ne pas rester sur un lit, ne pas souffrir, pas d’acharnement thérapeutique, pas d’hospitalisation. Il a été béni, car toutes ses prières ont été exaucées. Il a accueilli sa maladie, il a demandé au Seigneur de l’aider à porter sa croix et tout s’est bien passé tant pour lui et pour toute la famille. Il a eu confiance jusqu’au bout.

Le passage : Après ce repas chez ses amis, maman le rejoint et le voit assis sur le bord du canapé, en souffrance. Elle lui propose quelque chose pour ses problèmes digestifs mais rien n’y fait.  Vers 16H30, papa se trouve dans la salle de bain, en proie à des vomissements de sang, il ne veut que personne ne le voit dans cet état. Il refuse même l’aide de maman, il se sent encore capable de faire les choses.  Malgré tout, elle le rejoint et l’enjoint de la laisser faire. Bon gré, mal gré, il accepte son aide.  Après avoir pris une douche, il accepte de se mettre au lit, il va de plus en plus mal. Maman appelle le médecin, sa nièce, qui arrive quelque temps après avec des médicaments. Il confirme à nouveau son désir de rester à la maison. A l’arrivée du médecin, son état s’est de nouveau dégradé, il est toujours conscient, sa tension est basse. Son ami se trouve près de lui, il continue à lui parler, demande à boire de l’eau puis son ami s’en va. Reste près de lui, maman, mon frère, ma belle sœur et ma tante. A tour de rôle, ils font des tournées auprès de lui. Il se dit fatigué, a besoin de dormir. Il se lève une dernière fois  pour aller aux toilettes, puis revient sur son lit. Il va de plus en plus mal. Vers 4H00 du matin, maman le rejoint, comme poussée par quelque chose, elle s’assoie au bord du lit, et là dans un dernier sursaut, il la prend dans ses bras, la regarde, lui donne toute sa force, tout le courage nécessaire pour qu’elle puisse à son tour avancer dans la vie avec tout ce qui l’attend, les bons comme les mauvais moments. Une chose est sûre, c’est que maman vit aujourd’hui dans la paix, dans la sérénité.

 Après lui : Nous ne pouvons pas être tristes. Nous avons vécu ces trois années et demi dans l’amour avec un grand A. Nous  avons donné à papa  tout ce que nous pouvions lui offrir : notre attention, notre présence. Il nous manquera encore beaucoup mais grâce à cette maladie nous avons appris à reconnaître la présence du Christ en toute chose. Nous nous sommes rendus compte que rien n’est impossible  avec Lui, qu’il suffit de mettre toute notre confiance en Lui seul.  Nous nous sommes vraiment laisser guider par Lui et même dans les moments les plus douloureux nous nous abandonnions encore davantage entre ses mains. Il était là nous consolant, nous donnant une force incroyable et  rien ne nous semblait impossible car  à chaque fois nous étions poussés  là où il fallait être comme si tout était prévu. Nous avons fait l’expérience de la présence du Christ et nous savons aujourd’hui que quelque soit l’épreuve qui nous attend Il est là présent et Il nous aime énormément plus que nous ne pouvons nous aimer nous mêmes.

 

                                                                                                                                                             Raymonde.

 

 

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Bonjour la vie

On ne sait jamais quand et comment l’amour de Dieu va se manifester à nous. Certains s’attendent à voir de grands signes dans le ciel, des miracles extraordinaires et cela arrive parfois. Cependant, d’autres miracles ont lieux tous les jours, plus petits, plus infimes mais pas moins importants. Le lever du soleil sur un jour nouveau, le vent qui caresse notre peau, la floraison des fleurs, le sourire ou la naissance d’un enfant, un individu tendant la main à un autre, je pense que Dieu est dans chacune de ces choses-là.

Cependant, l’amour et la force de Dieu peuvent nous le faire ressentir, je l’ai expérimenté le 13 février 2008 dans les alentours de midi.

Une journée de repos, enfin elle était censée l’être, mais un coup de téléphone du service Hémato-oncologie de Saint-Pierre vint tout changer, pas seulement pour moi mais mon entourage également. On me demandait de bien vouloir me rendre à l’hôpital de Saint-Pierre dans la matinée. Les résultats médicaux des analyses effectuées la veille montraient que je devais passer quelques jours à l’hôpital. Au final j’y resterai près d’un mois et demi.

Je voyais poindre les premiers signes d’angoisse et de stress chez maman, elle qui est si anxieuse mais seuls les médecins auraient pu à ce moment là, la rassurer.

Me voilà donc en train de préparer ma valise. Une cousine devait venir me chercher, ça me soulageait… Au moins qu’importe ce que dirait le médecin, maman avait quelqu’un pour la soutenir. Ce jour-là, une amie décidait de passer me voir, bienheureuse coïncidence me diriez-vous ? Je dirais plutôt, preuve d’amour du Père. Je suis intimement persuadé que quelqu’un là haut ne voulait pas que l’on soit seul ce jour là, ma famille et moi.

Nous voilà donc en route pour l’hôpital, mon admission au service Hémato-oncologie s’est effectuée sans anicroche, j’étais attendue. Comme je l’ai dit plus haut c’est dans les environs de midi que le médecin vint me parler. En termes simples, elle nous expliqua que mes globules blancs diminuaient et qu’ils ne se renouvelaient pas ; j’étais donc sans défense immunitaire.

Est-ce que tu sais ce que c’est ? Ce que j’essaie de t’expliquer ?

Toute au long de la journée, un calme étrange s’était emparé de moi, même à ce moment là je ne ressentais pas le besoin de m’agiter ou de chercher des réponses à tout prix. Face à mon médecin de toute façon, la réponse m’est apparue comme une évidence.

Je pense que c’est une leucémie.

Elle m’expliqua la forme de cette leucémie. Il y en a plusieurs et Dieu merci j’étais atteinte de la LAM 3 (traduisez par Leucémie Myéloïde Aigue de type 3). Pourquoi Dieu merci ? Parce que c’est la forme qui ne nécessite pas de greffe de moelle osseuse et qui présente également le moins de rechute.

Malgré tout, j’ai dû digérer cette nouvelle très vite ; le ciel m’en donna la force, parce que devant moi c’est une mère qui s’effondrait, la mienne. Avez-vous déjà été confronté à ce genre de situation ? Cela me permit de faire mon choix, et je décidais de me battre. Que ne ferait-on pas pour sa mère ! Mon père, lui a voulu se montrer fort ; je pense qu’il fit également un déni. Il n’arrivait pas à admettre que la situation lui échappait, qu’il ne pouvait rien faire pour sa fille sinon d’être là. Ce fut terrible pour eux. Ma petite sœur trop choquée ne sut rien dire ; après tout pour l’adolescente qu’elle était, ses points de repères se trouvaient complètement chamboulés.

Voilà donc le début de mon carême de l’année 2008, mon chemin de croix à moi si l’on peut dire ainsi. Cette journée fut vraiment éprouvante mais en même temps pleine de petits bonheurs. Comment est-ce possible me direz-vous ? C’est peut-être là que réside la plus belle grâce d’amour de Dieu. Ce jour là, il y eut des réconciliations dans ma famille, des mots d’amour et beaucoup de prière, la présence de ceux que j’aimais (que j’aime toujours d’ailleurs), ainsi que des gestes forts qui m’ont marquée à jamais. Mon formateur par exemple, était furieux : il ne comprenait pas, il n’acceptait pas cette situation. La scène me fait encore sourire. Imaginez Dominique qui déboule dans ma chambre et clame son indignation devant cette injustice, tout en étant que douceur à mon égard. Il ne le sait pas mais je lui en serais toujours reconnaissante. Essayez d’imaginer la scène, dans ma chambre d’à peu près 9 mètres carrés, déjà bondée de monde et mon formateur aux allures d’un Sébastien CHABAL m’offrant gentiment un livre (il connaissait ma joie de toujours avoir un livre près de moi), me prit la main, la serra doucement et me dit que je devais me battre, que je n’étais pas inutile. Je ne pensais pas qu’il avait vu ce que je cachais en moi : cette aptitude terrible qui fait que l’on a si peu confiance en soi.

Quel étrange chemin que le Père a pris pour me faire comprendre qu’à ce moment si difficile de ma vie, je n’étais pas abandonnée, que ma vie était précieuse, pas seulement pour moi mais également pour ceux qui m’entouraient et pour Dieu lui-même. J’étais réconfortée et prête à me battre, tant et si bien que j’engloutis ce soir là une pizza à moi toute seule, ne me doutant pas un seul instant que c’était la dernière avant bien longtemps.

Le lendemain, le 14 février jour où beaucoup recevaient un cadeau pour la Saint-Valentin, moi j’ai eu droit à mon cathéter ; c’est un peu moins drôle je l’avoue mais je devais m’y faire. Ce cathéter, je l’ai gardé jusqu’au 30 juillet 2008. Je devais donc le voir comme une partie de moi, du moins pour l’instant. C’est le 15 février que commença la première cure de chimiothérapie. C’est un traitement dur, implacable ; vous devez aller chercher cette force, que vous ne vous imaginez même pas posséder au plus profond de vous, pour vous lever le matin.

J’ai dû me faire au rythme du service et mes journées prirent une lente, très lente routine. Parce que quand vous êtes au fond d’un lit, dans un hôpital, au mieux en chambre normale, au pire en unité protégée, avec seulement six chaînes de télévision et presque pas de force, ne serait-ce pour lire, je peux vous dire que le temps paraît terriblement long. De plus, j’étais déjà en aplasie (sans aucune défense immunitaire) lors de mon admission dans le service. Mon état parut même inquiétant aux infirmiers et aux médecins. En plus là ou beaucoup n’ont que quelques effets secondaires, moi j’ai eu droit à tout. En même temps, avec moi c’est toujours pareil, je suis à la lettre toutes les indications de la notice et notamment pour les effets secondaires. Quand je suis sortie les infirmiers m’ont fait rire en me disant qu’ils n’avaient jamais vu quelqu’un avec autant d’effets secondaires. Je leur ai dit que c’était moi tout simplement. Mais le temps était vraiment long… Dieu, dans son infinie miséricorde, m’envoya ce que j’appelle mes compagnons d’arme, entre autres Jean-Paul. Dans cette unité protégée où je n’avais de contact physique avec personne, et où le téléphone mural était le seul moyen de communiquer avec l’extérieur, je me sentais seule. Dans ces moments là, la solitude est terrible à supporter ; famille et amis venaient me voir en fin de journée, ce qui me laissait le temps de me reposer, surtout les jours où ça allait mal. Au moins je leur offrais un visage souriant. Le matin par contre, c’est Jean-Paul qui me rendait visite. Lui aussi était hospitalisé, mais il rendait toujours visite aux autres patients. Il m’appelait la mascotte ; il voulait que je devienne le visage d’une association qu’il désirait créer. Cet homme était amour, littéralement… Un homme qui marche, qui est ensuite en fauteuil roulant, pour finir sa vie alité… Pourtant, à chaque phase, il avait un mot encourageant pour ceux qui l’entouraient. Un mot d’espoir, un mot d’amour. Mon seul regret, c’est de ne pas lui avoir offert autant, de ne pas avoir eu assez de force pour ne pas m’effondrer et rester auprès de lui dans ses derniers moments. Je suis la plus petite des servantes de Dieu mais je me mis à espérer que si je priais assez fort il serait alors auprès du Père. Après les visites de cet homme hors norme, venait la visite des médecins. Un rituel s’était installé : pour chaque cure de chimiothérapie, je regardais leur attirail ; s’ils ne portaient qu’une blouse simple et pas de masque je sortais, sinon, je savais qu’il me fallait encore attendre la prochaine prise de sang pour savoir si je sortais ou pas. Quant aux repas, pardonnez-moi, mais c’était tout bonnement immangeable. Heureusement que les infirmiers de ce service étaient de vrais anges gardiens ; les pauvres, la seule chose que je pouvais manger était le sosso maïs. C’est bien simple en temps normal d’en faire, en unité protégée c’est une autre paire de manche… Imaginez-vous en train d’en faire au micro-onde, ça a donné de drôles d’expériences. Le personnel soignant était aux petits soins avec les patients. Un dimanche, j’ai même eu droit à un gâteau au chocolat, toujours fait au micro-onde, mais imaginez mon bonheur !!!! Un gâteau au chocolat !!! Il faut dire qu’ils faisaient tout pour faciliter et adoucir la vie de leurs patients.

Vous me direz que finalement ce n’était pas si terrible ; en un sens non, mais d’un autre côté il nous faut aussi affronter la douleur physique et la douleur émotionnelle. Physiquement, ça fait mal, on se tord littéralement de douleur. Personnellement j’ai fini par être nourrie par intraveineuse et sous morphine. Vous savez ce que c’est d’être sous morphine ? Les infirmiers étaient inquiets. C’est sûr qu’un patient qui commence à parler avec ses mains a de quoi inquiéter n’importe qui ; malheureusement c’est le seul moyen d’échapper à la douleur. La souffrance est aux premières loges de ce combat, un ennemi qui ne lâche pas facilement. J’ai pu la cacher en partie à mes proches ; mes parents la sentaient mais ils ne pouvaient savoir ce qui se passait vraiment quand mon corps se relâchait et rompait les rangs face à la douleur. Leur peine était déjà bien assez grande pour que je ne leur offre pas une vision plus difficile encore, alors je souriais, même si tout dans leurs gestes, leurs mots et même leurs sourires, laissaient transparaitre leur souffrance grandissante devant leur enfant malade. Même si le Seigneur a écouté mes prières et fait en sorte que le plus gros de la douleur vienne en l’absence de mes proches, je n’ai pu leurs éviter l’inévitable.

Une semaine après le début de ma première chimio, alors que mes parents quittaient l’hôpital, j’ai eu un geste tout simple, celui de repousser mes cheveux en arrière. En regardant mes mains, mon cœur se serra : mes mains étaient noires, couvertes par mes cheveux. Je me souviens de mon cœur qui se serrait et de ce désarroi qui s’emparait déjà de moi. On m’avait prévenue mais c’est difficile à gérer. Je contenais mes larmes et retirais moi-même la plus grande partie de mes cheveux, remplissant lentement les charlottes mises à ma disposition pour me recouvrir la tête. Une des infirmières arriva à ce moment précis et m’arrêta, me consola et me promit de revenir le lendemain pour raser le peu de cheveux qui me restaient. Le lendemain, on me rasait la tête, et après la toilette la première chose qui me venait à l’esprit c’était qu’il faisait froid sans cheveux… Finalement ce sont mes proches qui ont été les plus choqués. Nous avons fait comme ci de rien était, il était inutile de rester sur ce fait, qui en somme ne causait de douleur qu’à mon égo, même si j’avoue que çela fait vraiment bizarre de se retrouver sans cheveux, surtout pour les femmes. Nous avons plus de mal à gérer, cette situation. C’est ainsi que se passèrent mes trois cures de chimio : des hauts des bas, des rencontres, des douleurs, des pertes aussi, parce que beaucoup, par peur ou par déni, vous tournent le dos, ne voulant pas entendre parler de maladie ; et puis il y a ceux qui sont partis à qui l’on pensera toujours. J’ai eu encore deux ans de traitements. Maintenant je n’ai que des rendez-vous en pointillés avec des résultats satisfaisants. Je remercie Dieu tous les jours parce qu’il m’a offert bien plus que la santé. Bien sûr, je reste fragile, je tombe malade assez souvent mais cette faiblesse physique, je la compense avec la force que Dieu m’a offerte.

Mon carême de 2008 fut donc ainsi mais ces moments douloureux furent ponctués de moments de grâce, comme la messe de Pâque, la fête des mères et la fête des pères où j’ai pu être avec ma famille, hors des murs de l’hôpital. Le Seigneur m’a aussi offert plein de soutien de la part de ma famille, de mes amis, du corps médical mais il m’a surtout offert le soutien entre malades. Je pense, entre autres, à Jean-Paul, Jeannette… A tous je leur rends hommage. Je remercie le ciel de m’avoir donné la force de livrer ce combat et aujourd’hui d’en témoigner et j’espère pouvoir demain, à mon tour, aider et soutenir ceux que Dieu placera sur ma route.

Pour tous ceux qui sont dans mon cas ou qui l’ont été, qui ont un proche malade, cancer ou autre, ne perdez pas la foi : c’est bien la plus grande source de force, de joie et de consolation que l’on puisse trouver.

Christelle