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Initiation à la prière du temps présent

 

Initiation à la liturgie des Heures

Les samedis :

22 et 29 Avril / 10 juin

de 8h à 11h00

à Ste Suzanne Bagatelle

 

« La prière du Temps Présent est une école de prière pour prier continuellement avec l’église Universelle »

Trois rencontres sont nécessaires pour comprendre le déroulement de la prière du Temps Présent.

Il est important de se munir du livre du Temps Présent ou d’un téléphone connecté.

Thèmes abordés durant la session :

  • Connaitre le livre et son contenu, et comment l’utiliser

  • Le cycle liturgique

  • Célébrer les offices en temps ordinaires, temps privilégiés

  • Célébrer les Saints, les fêtes de Jésus et les mémoires

  • Comment chanter les psaumes, hymnes et cantiques

Vous pouvez vous inscrire dès à présent :

Email : secretariat@sedifop.com – Tel 0262 90 78 24  Ou

Email : yolain.itema@gmail.com – Tel 0692 38 94 00

Apprendre la louange avec les psaumes, c’est apprendre à se tenir devant Dieu en toutes circonstances (santé ou maladie, richesse ou pauvreté, honneur ou déshonneur, joie, émerveillement adoration, tristesse, combat…). C’est apprendre à orienter vers Dieu sa plainte ou sa supplication quand on est dans l’épreuve, c’est aussi apprendre à nommer Dieu quand on est dans le bonheur, pour le bénir ou lui rendre grâce.

 

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Initiation au chant des Psaumes

Le samedi

13 mai

de 8h à 11h00

à la salle du Pèlerin, Etang Salé les Hauts 

par Yolain ITEMA

Entrée libre…

 

 

 

 




« Jésus-Christ s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » – Conférence aux couples des Équipes Notre-Dame de La Réunion par Fr. Manuel Rivero O.P.

Carmel des Avirons, les 25-26 février 2023.

Fr. Manuel Rivero O.P., conseiller spirituel du secteur La Réunion.

Les Équipes Notre-Dame soutiennent les couples dans leur désir de mieux communiquer grâce aux réunions mensuelles de partage et de formation ainsi que par la pédagogie spirituelle de l’oraison, le cœur à cœur avec Dieu dans le silence, la prière et le devoir de s’asseoir.

 

Le devoir de s’asseoir

Ce devoir de s’asseoir que l’on pourrait aussi appeler « plaisir de s’asseoir » représente un apport original pour la croissance de l’amour conjugal. En quoi consiste-t-il ? Il s’agit d’un rendez-vous que le couple prend afin de se rendre disponible de manière réciproque dans un climat de prière, de calme et d’exigeante vérité. D’aucuns déclarent a priori qu’ils communiquent déjà beaucoup et qu’ils se voient tout le temps. À quoi bon ajouter un rendez-vous qui pourrait sembler artificiel ? En réalité, dans toutes les relations humaines il y a des non-dits, ces pensées que l’on garde en soi de peur de provoquer un conflit. Ces pensées cachées, fermées, fermentent petit à petit et elles peuvent tourner au « cancer » ou à « la gangrène ». Ces cellules infectieuses grandissent et finissent par rendre malade la relation du couple. Le malaise intérieur se manifeste aussi dans la violence verbale ou physique. Il convient d’arrêter la maladie en ses débuts. Le devoir de s’asseoir (DSA) permet l’expression et la libération de l’agressivité qui peut couver en chacun ;  il freine la violence qui provient de la frustration. Ce qui était négatif dans le silence intérieur peut devenir énergie positive par l’écoute, la compréhension et la réconciliation.

Au cours du devoir de s’asseoir on ne coupe pas la parole au conjoint qui s’exprime et on lui dit « merci » pour avoir partagé ce qu’il pensait même si cette pensée peut être erronée ou douloureuse à entendre. Habituellement trois questions scandent l’échange : est-ce que ça va ? ; est-ce que quelque chose te dérange ? ; y a-t-il quelque chose que tu aimerais ?. Plus les couples partagent en profondeur dans la bienveillance et la miséricorde et plus ils ont envie de mettre en commun davantage de sentiments et d’idées.

Communiquer à partir des fragilités et des pauvretés.

Habituellement les conjoints pensent que le partage des forces et des réussites apportera bonheur et estime réciproque. Ce n’est pas faux. Mais l’expérience montre que c’est dans la reconnaissance de ses propres faiblesses que la rencontre devient plus sincère et bienfaisante.

Ceux qui fréquentent des personnes handicapées avouent que ces personnes pauvres en pouvoir et en réussite sociale leur font du bien. Il en va de même dans la rencontre avec des personnes détenues en prison. Ils n’ont à offrir qu’eux-mêmes avec la grandeur de leur dignité humaine sacrée. En laissant tomber les masques, la personne manifeste son besoin d’aide et sa vulnérabilité. « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre » (Mt 5,3), enseigne Jésus dans les béatitudes. D’ailleurs, c’est la première des béatitudes qui figure comme le fondement du projet chrétien de réussite, non pas de la réussite « dans la vie » mais de « la réussite de la vie ». En effet, les pauvres ne seront plus pauvres. Dieu comble leur manque : « le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3).

Si le mariage unit des forces il n’en demeure pas moins l’union de deux solitudes et de deux pauvretés. Chaque conjoint porte en lui une solitude infinie, espace d’accueil de Dieu et pour les autres. Plutôt qu’un vide, la solitude peut devenir la demeure intérieure riche en hospitalité et en échange. Il importe de reconnaître sa propre fragilité et d’accepter avec amour la fragilité de l’autre.

Dieu a choisi de se révéler et de nous sauver en s’abaissant et en se dépouillant de la gloire qui était la sienne dès avant la fondation du monde. La science divine de la communication se trouve cachée en Jésus-Christ qui aurait pu nous sauver du haut du Ciel et dans sa toute-puissance mais qui a préféré le dépouillement et l’humilité jusqu’à l’humiliation et la douleur de la croix : « S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Ph 2,8).

Le couple chrétien devient disciple de Jésus en s’unissant aux sentiments du fils de Marie dans la méditation du Chemin de croix. Les récits de la Passion de Jésus représentent non pas un échec mais l’art d’aimer du Fils de Dieu fait homme.

Saint Paul le dit dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe : « Jésus-Christ s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » (2 Cor 8,9). Formule paradoxale ! Dans la logique humaine, la pauvreté ne peut pas enrichir. Pourtant dans la sagesse de Dieu le partage de la pauvreté enrichit le cœur et l’âme de l’amour de Dieu et de l’amour humain, amours inséparables dans la personne de Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme.  « Il n’y a qu’un amour », s’exclamait saint Augustin. L’amour de Dieu répandu dans le cœur des fidèles (cf. Rm 5,5) devient la force d’aimer les autres et soi-même. Le symbole du triangle équilatéral, où Dieu figure au sommet tandis que l’homme et la femme représentent les côtés, permet de visualiser ce qui se passe dans les âmes : plus les conjoints montent vers Dieu par la foi, la prière et la charité plus ils se rapprochent l’un de l’autre et non seulement de Dieu. Le mystère de l’amour chrétien abolit les séparations et il fait disparaître les compartiments étanches : l’oratoire et le laboratoire, l’église et l’entreprise, la foi et la raison, le quotidien du profane et le sacré dans les temples. « Dieu est dans les marmites », enseignait sainte Thérèse d’Avila. Dieu est partout. Pour le croyant, la vie ordinaire devient sacrement de la rencontre avec Dieu : « Voir Dieu en toutes choses et toute chose en Dieu », selon la spiritualité de saint Ignace de Loyola.

Les conjoints remettent souvent le devoir de s’asseoir à plus tard afin d’éviter des conflits ou la honte d’avoir à reconnaître leurs torts. Jésus a aimé les hommes alors qu’ils étaient coupables. Dans la lumière de l’amour de Jésus pour chacun, le rendez-vous des conjoints dépasse la peur du jugement pour partager la vulnérabilité et la pauvreté de chacun dans une démarche de miséricorde réciproque.

Lors de mon séjour en Haïti, à l’occasion d’une session de l’école des parents, un couple avait témoigné sur la communication conjugale en disant : « Dans le mariage, il est impossible de durer sans prononcer deux phrases : « Tu m’as fait mal » et « je te prie de m’excuser ». La souffrance doit être exprimée et le pardon accordé. Sans la verbalisation des sentiments douloureux l’agressivité, voire la haine grandissent jour et nuit. Sans les excuses pour les manques d’attention ou sans la demande de pardon pour les fautes commises, la confiance disparaît et les blessures restent ouvertes. L’envie de tout arrêter jaillit. Le besoin de reconnaissance de la vérité et la soif d’une vie meilleure poussent à la fuite et à la rupture des engagements. Il n’y a de liberté que dans la vérité : « La vérité rend libre » (Jn 8, 32), enseigne Jésus dans l’Evangile. Sans l’aveu des fautes et sans le pardon, les conjoints se condamnent à porter des « sacs de ciments » sur leurs têtes. Ces « sacs de ciment » sont déposés à terre dans le dialogue et la miséricorde. La réconciliation affermit alors l’estime réciproque, la confiance en soi-même et elle ouvre un chemin de lumière pour l’avenir.




Dimanche Pâques – par Francis COUSIN (Jn 20, 1-9)

« Christ est ressuscité !

Christ est vivant ! » 

Christ ! … L’oint ! …

Mais ce n’est pas n’importe quel oint … Il n’a pas reçu l’onction par un prophète …

Il est l’oint du Seigneur !

Celui qui fut oint lors de son baptême ! Mais on ne lui a pas versé de l’huile sur la tête … mais c’est l’Esprit Saint lui-même qui est descendu des cieux et a demeuré sur lui (cf Jn 1,32-34), et ensuite la voix de Dieu le Père qui traverse la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » (Mt 3,17).

Onction symbolique … Les trois personnes de la Trinité, unis dans un même amour pour attesté que Jésus est bien le Fils bien-aimé de Dieu : « Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. » (Jn 1,34).

Pourquoi parler du baptême de Jésus le jour de Pâques ?

Parce que c’est l’une des clefs de compréhension de la Résurrection … Non pas le baptême … mais ce qui est montré ce jour-là : l’Amour des trois personnes de la trinité.

Et on ne peut comprendre la résurrection de Jésus si on n’entre pas dans cet amour des personnes de la Trinité : Dieu est amour, le Fils est amour, l’Esprit Saint est amour !

Et seul l’amour permet de comprendre la résurrection.

On le voit bien dans le texte d’évangile de ce jour.

Tout commence avec Marie-Madeleine qui part au tombeau de grand matin, et qui voit la pierre d’entrée enlevée … son sang ne fait qu’un tour, elle court vers les apôtres pour dire : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. ».

Pierre et Jean partent en courant vers le tombeau, suivis par Marie-Madeleine qui essoufflée, prend le temps de respirer. Jean, plus jeune, arrive le premier, mais il n’entre pas dans le tombeau, il attend Pierre, le patriarche …

Quand Pierre arrive, il entre, et voit qu’il n’y a personne … Cela confirme l’annonce de Marie-Madeleine … mais il ne voit pas plus loin … Jésus a disparu ! …

Jean entre … lui dont l’évangéliste n’a pas manqué de rappeler au début du passage qu’il était « celui que Jésus aimait » …

« Il vit, et il crut. »

Qu’a-t-il vu de plus que Pierre ? Rien. La même chose. Mais il a pu l’interpréter différemment … parce qu’il avait un lien d’amour avec Jésus. Les linges disposés à plat, bien rangés, et le suaire « roulé à part à sa place » était le signe que Jésus n’avait pas été enlevé à la va-vite, comme on l’aurait fait en enlevant un corps, ou partis avec le corps … Il y avait autre chose …

Et Jean se rappelle ce que Jésus avait dit : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. » (Jn 14,3-4) ou « Voici que l’heure vient – déjà elle est venue – où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi. Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » (Jn 16,32-33). C’est à ce moment-là qu’il a compris qu’il « fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. ».

On aura la même chose quand Marie-Madeleine arrive au tombeau, après le départ des deux apôtres ; elle entre dans le tombeau ; deux anges sont là qui lui demande « Femme, pourquoi pleures-tu ? » … elle se retourne et voit un homme qui lui demande aussi « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Elle croyait que c’était un jardinier : « Où as-tu mis le corps. ? », et l’homme lui dit : « Marie ». Et elle le reconnaît : « Rabbouni ! », c’est Jésus ressuscité ! Elle l’a reconnu à la voix. (Jn 20,11-16). Or on sait les liens d’amitié qu’il y avait entre eux … Là encore, l’amour à permis de comprendre que Jésus est ressuscité …

Et pour nous, c’est pareil : on ne peut comprendre la résurrection de Jésus que si on l’aime, sinon, cela reste une construction intellectuelle que l’on a apprise, mais qui n’a aucune répercussion sur notre manière de vivre et de croire …

Or, si Jésus est ressuscité, c’est pour nous amener à la Vie Éternelle, Et nous ne pourrons y parvenir que si nous nous laissons transformer par sa présence agissante en nous.

« La Résurrection est la condition de la vraie présence du Christ en nous. La transcendance est ce qui dépasse toute limite. Dieu est transcendant, cela veut dire que toute limite est abolie. Or, comme Dieu est amour, ce sont les limites de l’amour qui sont abolies. Le Christ ressuscité est donc présent, d’une présence qui ne comporte aucune limite. La vraie transcendance, c’est abolition de toute limite. L’imagination nous porte à croire que le transcendant, c’est celui qui est dans les nuages. C’est tout le contraire. Dire que Jésus Christ ressuscité est transcendant, c’est dire qu’il est plus moi que moi et qu’aucune présence sur terre, même la présence des époux l’un à l’autre, même la présence d’amitié, aucune présence n’approche de loin de cette présence du Christ ressuscité en moi. (…) Il n’y a aucune limite à cette présence et ce qui est présent en moi, c’est un Christ qui a un corps, un corps spirituel, mais pleinement corps. C’est précisément parce que ce corps ressuscité est pleinement corps que sa communication avec moi et son action en moi sont possibles et m’atteignent au plus profond. » (François Varillon, ‘La Pâque de Jésus’)

Seigneur Jésus ressuscité,

puissions-nous prendre conscience

de ta présence en nous.

Que cela nous oblige à nous laisser

transformer par ta présence

qui ne peut être qu’une présence d’amour.

 

Francis Cousin    

 

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Image dim Pâques A 1°




Résurrection du Seigneur (Messe du jour) – Homélie du Père Louis DATTIN (Jn 20, 1-9)

 Vie nouvelle

 Jn 20, 1-9

« Nous allons tenter le tout pour le tout », ont expliqué quelques grands professeurs de l’école de médecine aux parents de l’enfant. Ils ont l’air grave, ils pèsent leurs mots. De toutes façons, l’enfant est condamné : il n’a plus que quelques jours, tout au plus, à vivre, peut-être quelques heures. Ces médecins ne se font pas d’illusions et n’en donnent pas non plus aux parents : « De 5 à 10% de chances de le sauver, pas plus ; acceptez-vous l’intervention ? Vous êtes libres… de toutes façons, il n’y a que cette issue. Toutes les autres sont fermées ». Sans dire un mot, le père regarde sa femme et tous deux, ils baissent la tête pour dire qu’ils acceptent.

Et c’est pour eux deux, la longue attente, l’angoisse : « De toutes façons, avait dit un spécialiste, il faudra attendre 3 jours pour savoir si l’opération a réussi, si votre fils a quelque chance de survivre ». 3 jours sous la chape de plomb de l’anxiété, de l’incertitude, de la gorge serrée, de l’attente interminable, pour lire sur le visage du médecin, rien qu’à son regard, que tout est fini, qu’il n’y a plus rien à faire ou, au contraire, que la vie a été la plus forte, que l’espoir s’est épanoui, que les nuages noirs se sont dissipés pour faire place au soleil levant, la joie, la joie immense et débordante, celle aussi qui fait monter les larmes, inonde ceux qui sont passés par cette épreuve pour laisser déborder leurs émotions tremblantes et chargées d’allégresse.

C’est l’histoire de Pâques, C’est la Bonne Nouvelle qui nous est signifiée mais peut-être sommes-nous un peu trop habitués, accoutumés, pour avoir vécu, pendant cette semaine, à la fois cette expérience de douleur et de désespoir, cet état de cœur serré, pour pouvoir goûter ensuite cette joie intense, cette renaissance à l’espoir et à la vie qu’est, en fait, la Résurrection de Jésus et la nôtre avec la sienne ! Parce qu’il faut bien réaliser que Pâques, c’est cela : cet abîme de mort et de désespérance. « Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur » dans laquelle est plongée l’humanité avec son matérialisme décadent et déchéant, son égoïsme paralysant, sa méchanceté meurtrière, ses guerres dévastatrices, ses cupidités dévorantes, avec tous ses instincts non dominés qui font des hommes un peuple d’esclaves.

Oui, nous sommes condamnés, à moins que Dieu lui-même se greffant à cette humanité par l’Incarnation de son fils n’accepte cette intervention.  Sans lui, pas d’issue, aucune chance de nous sauver. La souffrance, puis la mort, auront le dernier mot, inexorablement… à moins que, à moins que Dieu qui devient alors ‘’fils de l’homme’’ ne régénère cette condition humaine en lui infusant cet amour plus fort que la mort, cette lumière plus forte que la nuit, cette eau vive plus forte que nos sécheresses de cœurs.

Qui n’a vu l’effet d’une perfusion, d’une transfusion sanguine sur un organisme à qui l’on ne donnait plus guère de chances de vivre ? Après avoir fermé ses paupières sur un monde de haine, de mensonges et de violence, victime de ses intolérances et de sa volonté de dominer les autres, l’homme est mort, mort de tous les carcans spirituels qu’il a laissé se développer en lui.

 

Mais grâce au goutte à goutte, celui du sang versé sur la Croix « Ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés », il peut de nouveau ouvrir les yeux sur un monde nouveau, monde de paix et d’amour, monde de lumière et de joie.

« Alors, nous dit Jean, je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. Ce sera la demeure de Dieu avec les hommes et Dieu sera le ‘’Dieu qui est avec eux’’. Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus. Il n’y aura ni deuil, ni larmes, ni souffrances et le monde ancien a disparu et celui qui siège sur le trône dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles. A celui qui a soif, je donnerai de la source d’eau vive. Le vainqueur recevra cet héritage et je serai leur Dieu et ils seront mes fils ! »

C’est cela la Résurrection ! C’est cela Pâques : la joie après l’épreuve, la vie après la mort, la lumière après la nuit, le calme après la tempête, la sérénité après l’angoisse !

Alors, comment, nous chrétiens, porteurs et bénéficiaires de cette bonne nouvelle, n’irions-nous pas la clamer autour de nous ? Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez l’annoncer à mes frères, en Galilée, c’est là qu’ils me verront ».

AMEN     ALLELUIA !

 




Audience Générale du Mercredi 29 Mars 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 29 Mars  2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 9. Les témoins. Saint Paul 1

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours catéchétique sur le zèle apostolique, nous commençons aujourd’hui à considérer certaines figures qui, de manières et à des époques différentes, ont donné un témoignage exemplaire de ce que signifie la passion pour l’Évangile. Le premier témoin est bien naturellement l’apôtre Paul. Je voudrais lui dédier deux catéchèses.

L’histoire de Paul de Tarse est emblématique à ce sujet. Dans le premier chapitre de la Lettre aux Galates, tout comme dans le récit des Actes des Apôtres, nous voyons que son zèle pour l’Évangile apparaît après sa conversion, et prend la place de son zèle précédent pour le judaïsme. C’était un homme zélé pour la loi de Moïse, pour le judaïsme, et après sa conversion, ce zèle s’est poursuivi, mais pour proclamer, pour prêcher Jésus-Christ. Paul était un passionné de Jésus. Saul – le nom initial de Paul – était déjà zélé, mais le Christ convertit son zèle : de la Loi à l’Évangile. Son zèle voulait d’abord détruire l’Église, plus tard au contraire, il la construit. Nous pouvons nous demander : que s’est-il passé ? Comment fait-il le passage de la destruction à la construction ? Qu’est-ce qui a changé chez Paul ? Dans quel sens son zèle, son élan pour la gloire de Dieu ont-ils été transformés ?

Saint Thomas d’Aquin enseigne que la passion, d’un point de vue moral, n’est ni bonne ni mauvaise : son utilisation vertueuse la rend moralement bonne, le péché la rend mauvaise [1]. Dans le cas de Paul, ce qui l’a changé, ce n’est pas une simple idée ou conviction : c’est la rencontre avec le Seigneur ressuscité – ne l’oubliez pas, ce qui change une vie, c’est la rencontre avec le Seigneur – ce fut pour Saül la rencontre avec le Seigneur Ressuscité qui a transformé tout son être. L’humanité de Paul, sa passion pour Dieu et sa gloire n’est pas anéantie, mais transformée, « convertie » par l’Esprit Saint. Le Saint-Esprit est l’unique capable de changer nos cœurs. Il en va de même pour tous les aspects de sa vie. Exactement comme dans l’Eucharistie : le pain et le vin ne disparaissent pas, mais deviennent le Corps et le Sang du Christ. Le zèle de Paul demeure, mais devient le zèle pour le Christ. Le sens change mais le zèle reste le même. Le Seigneur, nous le serons avec notre humanité, avec nos prérogatives et nos caractéristiques, mais ce qui change tout, ce n’est pas une idée, mais la vie elle-même, comme le dit Paul lui-même : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. » (2 Co 5,17). La rencontre avec Jésus-Christ te change de l’intérieur, elle fait de toi une personne différente. Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature, c’est le sens d’être une nouvelle créature. Devenir chrétien n’est pas un maquillage qui change ta face, non ! Si tu es chrétien, cela change ton cœur, mais si tu es un chrétien d’apparence, ce n’est pas bon… des chrétiens de maquillage, ce n’est pas bon. Le vrai changement, c’est celui du cœur. C’est ce qui est arrivé à Paul.

La passion pour l’Évangile n’est pas une question de compréhension ou d’étude, qui sont utiles mais ne la suscitent pas ; elle signifie plutôt passer par cette même expérience de  » chute et de résurrection  » que Saul/Paul a vécue et qui est à l’origine de la transfiguration de son élan apostolique. Tu peux étudier toute la théologie que tu veux, tu peux étudier la Bible et tout ça et devenir athée ou mondain, ce n’est pas une question d’étude ; il y a eu beaucoup de théologiens athées tout au long de l’histoire ! L’étude sert mais ne génère pas la vie nouvelle de la grâce. En effet, comme le dit saint Ignace de Loyola : « Ce n’est pas tant la connaissance qui satisfait et rassasie l’âme, mais le fait de sentir et de goûter intérieurement les choses » [2]. Il s’agit des choses qui te changent de l’intérieur, qui te font connaître quelque chose d’autre, goûter quelque chose d’autre. Que chacun d’entre nous y réfléchisse : « Suis-je un religieux ? » – « Très bien » – « Est-ce que je prie ? » – « Oui » – « Est-ce que j’essaie d’observer les commandements ? » – « Oui » – « Mais où est Jésus dans ta vie ? » – Ah, non, je fais les choses que l’Église commande. Mais Jésus où est-il ? As-tu rencontré Jésus, as-tu parlé à Jésus ? Prends-tu l’Évangile ou parles-tu avec Jésus, te souviens-tu qui est Jésus ? Et c’est quelque chose qui nous échappe si souvent. Quand Jésus entre dans ta vie, comme il est entré dans la vie de Paul, Jésus entre, tout change. Tant de fois nous avons entendu des commentaires sur des personnes : « Mais regarde celui-là qui était un malheureux et qui maintenant est un homme bon, une femme bonne… Qui l’a changé ? Jésus, il a trouvé Jésus. Ta vie de chrétien a-t-elle changé ? « Et non, plus ou moins, oui… ». Si Jésus n’est pas entré dans ta vie, elle n’a pas changé. Tu peux être chrétien de l’extérieur seulement. Non, Jésus doit entrer dans ta vie et cela te change, et c’est ce qui est arrivé à Paul. On a besoin de trouver Jésus et c’est pourquoi Paul a dit que l’amour du Christ nous saisit, ce qui te fait progresser. Le même changement s’est produit pour tous les saints qui, lorsqu’ils ont trouvé Jésus, ont progressé.

Nous pouvons faire une autre réflexion sur le changement qui s’opère chez Paul, qui de persécuteur est devenu apôtre du Christ. Nous constatons qu’il se produit chez lui une sorte de paradoxe : en effet, tant qu’il se considère juste devant Dieu, il se sent autorisé à persécuter, à arrêter, voire à tuer, comme dans le cas d’Étienne ; mais lorsque, illuminé par le Seigneur Ressuscité, il découvre qu’il a été  » un blasphémateur et un homme violent  » (cf. 1 Tm 1, 13), – C’est ce qu’il dit de lui-même : « J’étais un blasphémateur et un homme violent » – alors il commence à être vraiment capable d’aimer. Et voici comment. Si l’un d’entre nous dit : « Ah, merci Seigneur, parce que je suis une bonne personne, je fais de bonnes choses, je ne commets pas de gros péchés… » : ce n’est pas un bon chemin, c’est un chemin d’autosuffisance, c’est un chemin qui ne te justifie pas, qui fait de toi un catholique élégant, mais un catholique élégant n’est pas un saint catholique, il est élégant. Le vrai catholique, le vrai chrétien est celui qui reçoit Jésus à l’intérieur, qui change son cœur. C’est la question que je vous pose à tous aujourd’hui : que signifie Jésus pour moi ? Est-ce que je l’ai laissé entrer dans mon cœur, ou est-ce que je le garde à portée de main, mais je ne le laisse pas entrer tellement à l’intérieur ? Me suis-je laissé changer par lui ? Ou bien Jésus n’est-il qu’une idée, une théologie qui se poursuit… Et c’est cela le zèle, quand on trouve Jésus, on sent le feu et, comme Paul, on doit prêcher Jésus, parler de Jésus, aider les gens, faire de bonnes choses. Quand on trouve l’idée de Jésus, on reste un idéologue du christianisme et cela ne sauve pas, seul Jésus nous sauve, si tu l’as rencontré et si tu lui as ouvert la porte de ton cœur. L’idée de Jésus ne te sauve pas ! Que le Seigneur nous aide à trouver Jésus, à rencontrer Jésus, et que ce Jésus de l’intérieur change notre vie et nous aide à aider les autres.


[1] Cf. Quaestio “De veritate” 24, 7.

[2] Exercices spirituels, Annotations, 2, 4




L’Église, notre mère (conférence de carême, 29 Mars 2023) par Fr. Manuel Rivero O.P.

Cathédrale de Saint-Denis (La Réunion)

 

« Femme, voici ton fils » (Jn 19, 26) , a dit Jésus à sa mère, Marie, sur le Calvaire, en voyant son disciple Jean. Les théologiens chrétiens ont interprété cette dernière parole de Jésus en croix, comme l’achèvement du mystère de la Rédemption de l’humanité, qui comprend le don et l’accueil de la Mère du Messie comme modèle et mère spirituelle des croyants.

Jésus a dit aussi à son disciple bien-aimé : Voici ta mère » (Jn 19,27). Jean, habité par la lumière de l’amour, a accueilli chez lui la mère de Jésus. « Chez lui » veut dire dans son âme et non seulement dans sa maison. Visiblement Joseph était déjà parti vers Dieu quand Jésus a expiré sur la croix ; autrement Marie aurait été confiée à son époux. Il n’est pas question non plus de frères et de sœurs de Jésus sur le Golgotha. Si la Vierge Marie avait eu d’autres enfants, Jésus leur aurait demandé de prendre soin de leur mère. L’accueil dont il est question ici dépasse l’hospitalité matérielle, bonne et nécessaire, pour conduire les disciples de Jésus vers la maternité spirituelle de Marie qui veillera par son intercession sur la foi et la croissance de l’Église, Corps du Christ, dont son fils Jésus-Christ en est la tête, et les baptisés ses membres.

À La Réunion, les catholiques aiment « Maman Marie », notre Mère du Ciel. Notre île brille comme une île mariale par sa foi et par sa prière. De nombreux pèlerinages témoignent de l’attachement et la proximité des fidèles envers la Mère de Dieu : pèlerinage de la Salette, de la Vierge Noire, de la Vierge au Parasol … Des grottes de Lourdes et des statues de la Vierge Marie marquent les routes et les chemins comme des invitations à des haltes d’élévation spirituelle dans la prière. Les mères veillent sur le fruit de leurs entrailles. La Vierge Marie demeure attentive aux besoins de ses enfants à La Réunion.

Les catholiques croient en un seul Dieu. Ils n’ont pas besoin d’une déesse. Marie n’est pas une déesse mais une créature, la plus grande des sauvés par la foi en son Fils Jésus. Les catholiques adorent le Fils de Dieu, Jésus. Ils vénèrent la Vierge Marie, la Mère de Dieu.

Loin de représenter un obstacle pour la foi en Jésus, comme le craignent quelques protestants qui critiquent la ferveur mariale, la dévotion envers la Vierge Marie garantit la véritable foi en Jésus, le Fils de Dieu fait homme, seul médiateur entre Dieu et les hommes, le seul Sauveur.

Il arrive que des sociologues s’étonnent de l’impact de la spiritualité mariale auprès des chrétiens qui ont subi la violence, l’emprisonnement, la pauvreté et toutes sortes de persécutions. Avec la Vierge Marie, ils ont gardé la foi au Christ.

Notre âme s’appelle « Marie »

C’est ainsi que l’âme, par la foi, peut devenir mère du Christ et elle reçoit le nom de la mère de Jésus « Marie ». Saint Ambroise de Milan (†397) enseigne ce mystère : « Lorsque cette âme commence à se convertir au Christ, elle s’appelle « Marie » : c’est-à-dire qu’elle reçoit le nom de celle qui a mis au monde le Christ ; elle est devenue une âme qui engendre le Christ de manière spirituelle[1] ». Le chrétien devient mère du Seigneur. Le Christ Jésus va grandir en lui à l’image du bébé porté par la mère dans son sein et qui se développe de jour en jour, jour et nuit. Il s’agit d’accueillir le Christ Jésus comme Marie l’a fait à l’Annonciation. Selon la chair, il n’y a qu’une maternité divine, celle de Marie, « mais selon la foi, le Christ est le fruit de tous[2] ».

 

Mère spirituelle des chrétiens, Mère de l’Église, la Vierge Marie, femme au regard pénétrant, active dans son amour, conduit au Christ comme elle l’a fait lors des noces de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).

Le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem notait dans son Journal spirituel au cours de son noviciat au couvent royal de Saint-Maximin : « La bienheureuse Vierge Marie a détruit dans sa personne toutes les hérésies : elle est Mère de Dieu, donc, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, n’est qu’une seule Personne, et il a deux natures puisqu’il est aussi vraiment son Fils, né de sa substance[3] ». Les hérésies font de Jésus un Dieu sans humanité ou un homme sans divinité. Marie conduit à l’unité du mystère de Jésus, « visage humain de Dieu et visage divin de l’homme » selon la belle expression du saint pape Jean-Paul II dans Ecclesia in America (n°47), le seul pape qui soit venu dans notre île et traversé l’allée centrale de cette cathédrale.

La conférence de ce soir a pour titre « L’Église, notre Mère ». J’ai choisi de commencer par l’évocation de la Vierge Marie comme Mère spirituelle des chrétiens car les titres attribués à la Vierge Marie ont d’abord concerné l’Église, notre Mère par la transmission de la Parole de Dieu et de la grâce pascale dans les sacrements.

Et si l’Église est appelée Mère, c’est grâce à l’Esprit Saint qui donne la vie, comme nous le disons dans le Credo de Nicée-Constantinople à la messe du dimanche : « Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie »[4].

C’est pourquoi il y aura trois parties dans mon exposé : la Vierge Marie, notre Mère ; l’Église, notre Mère ; l’Esprit Saint qui donne la vie et qui fait renaître.

La Vierge Marie, Mère du Christ, Mère de l’Église, notre mère

C’est le saint pape Paul VI qui a tenu à vénérer la Vierge Marie sous le vocable de « Mère de l’Église » au cours du concile Vatican II, le 21 novembre 1964, lors du discours d’approbation de la Constitution dogmatique sur l’Église « Lumen Gentium », tout en ne faisant pas partie de celle-ci. De son côté, le Catéchisme de l’Église catholique a intégré officiellement dans la foi catholique ce vocable riche en signification théologique, même s’il n’a pas été le résultat d’un vote lors de ce concile (n°963).

Le saint pape Paul VI avait déclaré lors de la clôture du concile Vatican II le 8 décembre 1965 : « Alors que nous clôturons le concile œcuménique, nous honorons la Très Sainte Vierge Marie, Mère du Christ, et, par conséquent, (…) la Mère de Dieu et notre Mère spirituelle (…) c’est la femme, la vraie femme idéale et réelle (…) cette femme qui est tout à la fois notre humble sœur et notre céleste Mère et Reine ».

La foi de l’Église trouve sa naissance dans la Bible. La prière de l’Église manifeste aussi le projet de salut de Dieu pour l’humanité : « Lex orandi, lex credendi » (« La loi de la prière est la loi de la foi »). C’est pourquoi, il convient de faire appel à la liturgie de l’Église pour comprendre le mystère de la Vierge Marie. À l’Annonciation, la Vierge Marie est devenue la Mère du Fils de Dieu fait homme, qui recevra le nom de Jésus. L’événement de l’Annonciation représente non seulement la nouveauté de l’Incarnation mais aussi le commencement de l’Église. La liturgie de cette fête appelée par certains Pères de l’Église « la fête de la racine », car cachée et fondatrice, exprime le mystère de l’accueil du Fils de Dieu « par la foi de Marie » et sa tendresse maternelle envers le corps de son fils Jésus (cf. Préface de la messe), tandis que la prière sur les offrandes met en lumière la naissance de l’Église, Corps du Christ : « L’Église n’oublie pas qu’elle a commencé le jour où ton Verbe s’est fait chair ».

Si Marie est mère de Jésus, elle est aussi la mère de l’Église. Étant la Mère de la Tête du Corps elle demeure aussi la Mère du reste du Corps, les membres unis au Christ par la foi et le baptême. S’il n’est pas possible de séparer la Tête du Corps ; il n’est pas possible non plus de séparer la maternité divine de Marie de sa maternité spirituelle envers le Corps de son Fils Jésus, l’Église.

Un théologien du XIIe siècle, Isaac de l’Étoile[5], moine cistercien, a su mettre en valeur l’union du Christ et de l’Église, la maternité de Marie envers le Christ et à l’égard de l’Église : « ʺCe que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare donc pas. Ce mystère est grand, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église.ʺ Garde-toi bien de séparer la tête du corps ; n’empêche pas le Christ d’exister tout entier ; car le Christ n’existe nulle part tout entier sans l’Église, ni l’Église sans le Christ. Le Christ total, intégral, c’est la tête et le corps. [6] »

Et dans un autre sermon sur l’Assomption, Isaac d’enseigner : « Ce Christ unique est le Fils d’un seul Dieu, dans le ciel et d’une seule mère sur la terre. Il y a beaucoup de fils, et il n’y a qu’un seul fils. Et, de même que la tête et le corps sont un seul fils et plusieurs fils, de même Marie et l’Église sont une seule mère et plusieurs mères, une seule vierge et plusieurs vierges. L’une et l’autre ont conçu du Saint-Esprit, sans attrait charnel (…). L’une a engendré, sans aucun péché, une tête pour le corps ; l’autre a fait naître, dans la rémission des péchés, un corps pour la tête. L’une et l’autre sont mères du Christ, mais aucune des deux ne l’enfante tout entier sans l’autre. Aussi c’est à juste titre que, dans les Écritures divinement inspirées, ce qui est dit en général de la vierge mère qu’est l’Église, s’applique en particulier à la Vierge Marie ; et ce qui est dit de la vierge mère qu’est Marie, en particulier, se comprend en général de la vierge mère qu’est l’Église.

De plus, chaque âme croyante est également, à sa manière propre, épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ, vierge et féconde. Ainsi donc c’est la Sagesse même de Dieu, le Verbe du Père, qui désigne à la fois l’Église au sens universel, Marie, dans un sens très spécial et chaque âme croyante en particulier.

C’est pourquoi l’Écriture dit : « Je demeurerai dans l’héritage du Seigneur ». L’héritage du Seigneur, dans sa totalité, c’est l’Église, c’est tout spécialement Marie, et c’est l’âme de chaque croyant en particulier. En la demeure du sein de Marie, le Christ est resté neuf mois ; en la demeure de la foi de l’Église, il restera jusqu’à la fin du monde ; et dans la connaissance et l’amour du croyant, pour les siècles des siècles[7] ».

Au XIIIe siècle, le grand théologien dominicain, saint Thomas d’Aquin voit dans les noces de Cana l’image de l’union mystique du Christ et de l’Église, union commencée à l’Annonciation : « Ces épousailles eurent leur commencement dans le sein de la Vierge, lorsque Dieu le Père unit la nature humaine à son Fils dans l’unité de la personne, en sorte que le lit nuptial de cette union fut le sein virginal … Ce mariage fut rendu public lorsque l’Église s’est unie au Verbe par la foi[8] ».

Le Docteur Angélique s’inspire de la pensée de saint Augustin pour qui le sein de la Vierge Marie est une chambre nuptiale où s’unissent dans la personne du Verbe la nature divine et la nature humaine. Pour saint Augustin, le corps de Jésus s’unit à l’Église formant ainsi « le Christ total, Tête et Corps[9] ».

L’Incarnation comporte une dimension ecclésiale. Marie a accueilli le Verbe au nom de l’humanité et pour l’humanité. Marie, nouvelle Ève, accomplit la prophétie du livre de la Genèse en écrasant la tête du serpent par sa foi (cf. Gn 3,15). Elle est aussi la femme de l’Apocalypse qui enfante une nouvelle humanité (cf. Ap 12).

La Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps « Gaudium et spes » enseigne que « par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (n°22,2). Par conséquent, la Vierge Marie est devenue aussi mère de cette humanité ce qui peut expliquer en partie la dévotion des croyants des religions non chrétiennes qui se rendent en pèlerinage dans les sanctuaires mariaux comme Lourdes ou Notre-Dame de la Garde à Marseille.

L’Église, notre mère

Le concile Vatican II dans sa constitution dogmatique sur l’Église « Lumen Gentium » (« Lumière des nations ») a choisi de ne pas présenter la Vierge Marie pour elle-même. Dans le chapitre VIIIe, Lumen Gentium met en lumière la grâce et la mission de la Vierge Marie, Mère de Dieu, « dans le mystère du Christ et de l’Église » : « La bienheureuse Vierge se trouve en intime union avec l’Église : de l’Église, selon l’enseignement de saint Ambroise, la Mère de Dieu est le modèle dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ » (n°63). Le concile Vatican II relie la maternité divine de la Vierge Marie à la maternité de l’Église. Jésus, le Fils de Dieu, a été engendré en Marie par l’Esprit Saint. Ceux qui croient en Jésus sont engendrés aussi par l’Esprit Saint pour devenir fils de Dieu en union avec le Fils unique engendré du Père. Le Prologue de saint Jean révèle cette nouvelle naissance par la foi au Verbe : « À tous ceux qui l’ont accueilli, le Verbe a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12). Marie qui occupe la première place dans l’Église a été enveloppé par l’Esprit Saint donnant naissance au « premier-né parmi une multitude de frères » (Rm 8,29). Cette multitude de frères c’est l’Église : « L’Église devient à son tour une Mère, grâce à la parole de Dieu qu’elle reçoit dans la foi : par la prédication et par le baptême elle engendre, à une vie nouvelle et immortelle, des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu » (Lumen Gentium n° 64).

La maternité de l’Église grandit par la prédication de l’Évangile. Les prédicateurs, les catéchistes et tous les témoins du Seigneur actualisent par la parole et par l’exemple le mystère de la charité du Christ, présent et agissant, ici et maintenant, dans l’histoire de l’humanité. L’Église ne se développe pas par le prosélytisme mais par l’attraction de Jésus glorifié qui touche les cœurs par l’Esprit Saint, Amour : « élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,32). L’Église est mère à la manière de la Vierge Marie, par la foi, le service dans l’humilité, la proclamation des merveilles de Dieu et la prière.

L’Esprit Saint, qui a fait jaillir la vie du Fils de Dieu dans le sein de Marie, fait jaillir la grâce divine dans le sein de l’Église au baptême. L’eau baptismale devient le liquide amniotique qui donne la vie de Dieu par l’action de l’Esprit Saint.

L’Esprit Saint a formé le corps de Jésus en Marie. Aujourd’hui l’Esprit Saint forme le Corps du Christ, l’Église. L’Esprit Saint forme le Corps et le sang de Jésus dans l’eucharistie au moment miraculeux de l’épiclèse : « Toi qui es vraiment saint, sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit ; qu’elles deviennent pour nous le Corps et le Sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur » (Prière eucharistique n°2). Former le Corps du Christ est la spécialité de l’Esprit Saint. Former le Corps du Christ devient la spécialité de l’Église par l’Esprit Saint. L’Esprit Saint formera aussi nos corps de gloire à la résurrection finale.

Le pape François a donné un bel enseignement sur « l’Église, mère des chrétiens » citant la symbolique baptismale : « Si vous allez au baptistère de Saint-Jean-de-Latran, à la cathédrale du pape, il y a à l’intérieur une inscription latine qui dit plus ou moins ceci : « Ici naît un peuple d’origine divine, engendré par l’Esprit Saint qui féconde ces eaux ; notre mère l’Église met au monde ses enfants dans ces flots ». (11 septembre 2013, audience générale).

Saint Paul, célèbre le Christ « Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Église » (Col 1,18). Dans son épître aux Colossiens, l’apôtre des nations appelle l’Église « Corps du Christ » (Col 1,24). L’image du corps humain avec la tête et ses membres correspond au Christ total, qui rassemble dans l’unité le Christ, sa Tête, et les chrétiens, ses membres. Dans son épître aux Corinthiens (1 Cor 12,12.27), saint Paul explique la dépendance des membres du même corps avec ses différentes fonctions, image qui s’applique à l’Église, « le Christ répandu et communiqué », selon la belle formule de Bossuet, où chaque baptisé participe à la vie du Fils de Dieu en tant que membre vivant de son Corps.

C’est une erreur que d’imaginer l’Église comme existant sans le Christ. L’Église, c’est nous tous et non seulement les évêques ou les prêtres. Quand des chrétiens critiquent l’Église ils se critiquent eux-mêmes. Le Catéchisme de l’Église catholique rappelle « l’esprit filial à l’égard de l’Église » (n°2040).

L’Église est appelée « notre mère » (cf. LG n°6 ; Ga 4,26 ; cf. Ap 12,17) parce qu’elle nourrit ses enfants du pain de la Parole de Dieu et de l’eucharistie. L’Église prend soin de ses enfants malades dans le sacrement de l’onction des malades. Elle éduque par la catéchèse. L’Église nous accompagne dans notre croissance spirituelle à travers les étapes parfois difficiles, voire tourmentés de notre existence. Mère fidèle, elle est toujours là, heureuse d’accueillir ses enfants quand ils reviennent à la maison. L’Église travaille pour la paix dans le monde à travers la doctrine sociale de l’Église et la diplomatie vaticane. L’Église divinise l’amour humain dans le sacrement du mariage. L’Église se construit et se développe à travers les sacrements de la Confirmation et des ordinations diaconales, presbytérales et épiscopales.

C’est l’Église, par son rayonnement universel du mystère du Christ Sauveur, qui évangélise et convertit. Si chaque chrétien est appelé à témoigner de sa foi et à favoriser la conversion joyeuse des hommes, c’est en réalité le témoignage et la prédication qui convertit. On raconte cet aveu d’un vieux prêtre : « Jeune prêtre j’aspirais à convertir le monde ; au bout de vingt ans, je me suis dit qu’arriver à convertir quelques personnes ce serait bien ; maintenant après tant d’années de sacerdoce, je me dis : si j’arrive à me convertir moi-même ce sera déjà très bien ».

Au cours des premiers siècles de l’histoire de l’Église, les grands théologiens ont été africains. Les Pères de l’Église ont mis en lumière la maternité spirituelle de la Vierge Marie envers les chrétiens. C’est ainsi que saint Cyprien, évêque de Carthage, martyr en l’an 258, déclarait : « On ne peut pas avoir Dieu pour père quand on n’a pas l’Église pour mère[10] ».

Plus tard, saint Augustin (+430) prêchera à ses fidèles : « Nul ne peut compter sur la grâce de Dieu son Père, s’il méprise l’Église sa mère[11] ».

Au VIIIe siècle, en Angleterre, saint Bède le Vénérable, écrira : « Toujours à nouveau l’Église engendre le Christ, chaque jour l’Église engendre l’Église[12] ». Par le sacrement du baptême, par la prédication et le témoignage, l’Église donne naissance au Christ dans le cœur des hommes. En engendrant le Christ, elle s’engendre elle-même.

L’Esprit Saint qui donne la vie

Dieu est Esprit, il n’a pas de sexe. Pour nous adresser à Dieu qui est au-delà de tout, au-delà de tous nos mots et concepts, nous utilisons des exemples, des métaphores et des analogies. Les amoureux connaissent bien les limites du langage pour partager les émotions du cœur qui dépassent les déclarations d’amour. Pourtant les mots demeurent une médiation nécessaire pour communiquer. Les amoureux font aussi appel à la communication non verbale, aux symboles et aux cadeaux pour manifester l’amour caché dans le cœur, invisible aux regards extérieurs.

Il en va de même dans notre relation de foi et d’amour envers Dieu. Nous avons besoin de mots, de symboles et des réalités tangibles comme l’eau, le pain, le vin ou l’huile.

Dans la révélation biblique Dieu est appelé Père mais il a des sentiments maternels de tendresse et de miséricorde. L’hébreu de l’Ancien Testament trouve dans l’utérus maternel, « rahamin », qui frémit devant la souffrance des enfants, une image des sentiments de Dieu envers l’humanité dans la douleur. En Dieu il y a des sentiments propres à l’homme et à la femme, au père et à la mère, tout en restant au-delà de tout ce que nous connaissons. À proprement parler, en rigueur de termes, Dieu n’est ni père, ni mère, mais Esprit qui donne la vie.

Les mères donnent la vie. La Vierge Marie est appelée « notre mère » parce qu’elle nous donne Jésus. L’Église est appelée « notre Mère » parce qu’elle nous donne la Parole de Dieu et les sacrements de la vie divine. En réalité, la Vierge Marie et l’Église transmettent ce qu’elles reçoivent de Dieu : l’Esprit Saint. C’est l’Esprit Saint qui nous engendre à une vie nouvelle et qui nous fait renaître.

Jésus a bien déclaré à Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jn 3,3). Et comme Nicodème ne comprenait pas cette parole qu’il interprétait au sens matériel d’un retour au sein maternel, Jésus lui a précisé : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jn 3, 5-6).

Naissance mystérieuse mais bien réelle : « Le vent souffle où il vaut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. » (Jn 3,8).

Cette nouvelle naissance nous rappelle le don de Dieu aux fidèles annoncé dans le livre de l’Apocalypse : « Un caillou blanc portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit » (Ap 2, 17). 

Ce nom nouveau reçu au baptême est bien « enfant de Dieu ».

Puissions-nous nous souvenir non seulement du jour anniversaire de notre naissance mais aussi du jour anniversaire de notre nouvelle naissance dans le baptême. Au jour de notre naissance, nous sommes nés de notre père et de notre mère. Au jour de notre nouvelle naissance, nous sommes renés du Père de Jésus et nous avons eu pour mère l’Église qui nous transmis la vie de l’Esprit Saint.

Nous sommes dans la cathédrale du diocèse, l’Église-mère du diocèse, signe de l’unité du peuple de Dieu. Dans la tradition ecclésiale, les ordinations épiscopales et presbytérales ont lieu à la cathédrale, c’est dans sa cathédrale que l’évêque célèbre la messe chrismale où sont bénies les saintes huiles pour tout le diocèse : huile de catéchumène, le Saint Chrême et huile pour l’onction des malades. C’est dans sa cathédrale que l’évêque promulgue ses orientations pastorales pour dynamiser la mission. La cathédrale manifeste la dimension maternelle de l’Église.

Les mères rassemblent les enfants. La cathédrale rassemble les fidèles venus de plusieurs villes du diocèse.

C’est curieux, le carreau-cathédrale est devenu le lieu du rassemblement à Saint-Denis. Il doit y avoir une plusieurs raisons pour cela. Ne faut-il pas y penser aussi à l’attrait spirituel et maternel de la cathédrale, Église mère ?

La Vierge Marie nous a été donnée pour mère spirituelle par Jésus lui-même. Elle nous accompagne de manière fidèle tout au long de notre vie, de la naissance à la mort, comme la Mère Église, depuis notre naissance dans les eaux baptismales jusqu’au jour de la mort, naissance au Ciel. Aussi prions-nous dans l’Ave Maria : « Prie pour nous, maintenant et à l’heure de notre mort ». L’heure de notre mort étant l’heure de la rencontre avec Dieu où nous ouvrons les yeux à la lumière de la gloire de Dieu.

C’est l’Esprit Saint qui donne la vie et qui accomplira cela, nous dit saint Paul : « Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11).

« À Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir, à Lui la gloire, dans l’Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles. Amen » (Ep 3,20-21).

 

[1] Saint Ambroise de Milan, Sur la Virginité, IV, 20 (P.L. XVI, 271 B).

[2] Saint Ambroise de Milan, Traité sur l’Évangile de Luc, II, 26, édition « Sources chrétiennes », tome I, p. 84.

[3] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel. Paris. Édition du Cerf. 2014. 16 novembre 1880. P. 104.

[4] Voir Edward Schillebeeckx, Mariologia : ayer, hoy y mañana. Conférence donnée au mois d’octobre 1990 à Huissen (Pays-Bas) lors du congrès international des Frères prêcheurs sur la Vierge Marie. Salamanca. Ediciones Sígueme. 2000. P. 29-76.

[5] Isaac de l’Étoile (1100-1178), moine de Pontigny, puis abbé de l’Étoile en Poitou, ami de saint Thomas Becket.

[6] Sermon d’Isaac de l’Étoile. Liturgie des heures IV. Temps ordinaire. 23e semaine.

[7] Sermon d’Isaac de l’Étoile pour l’Assomption. Marie et l’Église. La liturgie des heures I. Avent – Noël. II Samedi de l’Avent.

[8] Saint Thomas d’Aquin, In Ioan. 1, n°338.

[9] Cf. Jean-Pierre TORRELL, Le Christ en ses mystères. La vie et l’œuvre de Jésus selon saint Thomas d’Aquin, tome I. Paris. Desclée. 1999.  PP. 76-77.

[10] Saint Cyprien de Carthage : « Habere non potest Deum patrem qui ecclesiam non habet matrem », De catholica ecclesiae unitate, 6 (CSEL 3/1,214).

[11] Saint Augustin, Sermo 92 : De Alleluia (Miscellanea Agostiniana I, Rome, 1930, 332-333).

[12] Saint Bède, Expl. Apoc., 11,12 (PL 93, 166D)




Dieu est « Source de Vie », offert à tous pour le bonheur de tous (D. Jacques FOURNIER)

« Dieu est Esprit » nous dit St Jean (Jn 4,24) et il a créé l’homme « esprit » pour lui donner de pouvoir participer à ce qu’Il Est Lui-même. Notre « esprit » peut ainsi être comparé à une « capacité spirituelle » que Dieu désire « remplir » de ce qu’Il Est Lui‑même : son Esprit qui est Vie…

             Le prophète Jérémie présente ainsi deux fois « Dieu » comme étant « une Source d’Eau Vive » :

Jr 2,13 : « Mon peuple a commis deux crimes : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive

pour se creuser des citernes, citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau. »

Jr 17,13 : « Espoir d’Israël, Yahvé, tous ceux qui t’abandonnent seront honteux,

ceux qui se détournent de toi seront inscrits dans la terre,

car ils ont abandonné la source d’eaux vives, Yahvé. »

Le Psaume 36 présente également Dieu comme une Source :

Ps 36,10 : « En toi (Seigneur) est la source de vie,

par ta lumière nous voyons la lumière. »

 Jésus MiséricordieuxSt Jean reprendra l’image de l’Eau Vive en expliquant qu’elle représente l’Esprit de Dieu, et donc ce que Dieu Est en Lui-même :

Jn 7,37-39 : « Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s’écria :

Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi !  

selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive.

Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui »…

Et puisque Dieu nous a tous créés pour être remplis de l’Eau Vive de son Esprit, tous les hommes ont un désir spirituel, une faim spirituelle, une soif spirituelle… Comme image, nous pouvons prendre notre corps qui a été créé pour vivre de ce qu’il reçoit : nourriture et boisson… Pour cela il dispose d’un « estomac » qui est « capacité corporelle » destinée à être remplie de ce pour quoi elle a été faite… Et lorsque notre « estomac » est vide, tout le corps réclame de la nourriture : nous avons faim, nous ne pouvons plus vivre pleinement, nous expérimentons une souffrance, un mal-être général… Par contre, quand il est plein, nous ressentons une impression de bien-être. Il en est de même de notre dimension spirituelle… Lorsque notre esprit ou notre cœur est vide des réalités spirituelles pour lesquelles il a été créé, nous expérimentons un manque, une faim, une soif de plénitude, le désir d’un bonheur profond qui n’est pas au rendez-vous, un mal-être difficile à exprimer, une tristesse générale mêlée de souffrance et d’angoisse : « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9)… Et pourtant, Dieu n’a qu’un seul désir : nous « remplir », car il nous a tous créés pour cela…

C’est pourquoi le psalmiste exprime ce désir avec l’image de « la soif de Dieu », car il est une révélation indirecte de ce pour quoi nous avons tous été créés : pour être remplis par l’Esprit de Dieu, cette « Eau Vive » qui est Plénitude de Vie, de Paix et donc Bonheur profond, la seule qui peut vraiment combler notre soif…

Cerf altéré - St Clément Rome

Ps 42,2-3 : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,

ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu.

Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant.

Quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu ? »

Or, comme le disait le prophète Jérémie, en abandonnant Dieu « Source d’Eau Vive », l’homme se prive par lui-même de la Plénitude de cette Eau Vive, la Plénitude de la Vie éternelle… Mais comme nous avons tous été créés pour être comblés, pour être heureux, l’homme va se lancer dans une quête éperdue de bonheur… Et il le cherchera dans une quête effrénée des plaisirs de la vie, du pouvoir, de l’argent, des réalités matérielles… Mais s’il est sincère avec lui-même, il ne pourra que constater que le vrai bonheur n’est toujours pas au rendez-vous… Alors, faut-il « avoir » plus ? Il essaiera, sans résultat… Peut-être faut-il être plus haut placé dans la société ? Il essaiera, sans résultat… Toutes ces quêtes sont comme des citernes qu’il prend beaucoup de peine à creuser en espérant qu’un jour elles seront pleines d’eau, et donc de vie, de promesses de vie, de rassasiement, de bonheur… Mais comme l’écrit Jérémie, elles sont fissurées dès le départ … Elles ne peuvent retenir l’eau et offrir le vrai bonheur, la vraie vie… L’espérance de plénitude ne peut qu’être déçue… Pire, le fait qu’elles soient à sec est synonyme de mort…

« Le salaire du péché, c’est la mort, mais le Don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus » (Rm 6,23). « Dis-leur : Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. Pourquoi mourir, maison d’Israël ? » (Ez 33,11). Le Père va donc envoyer le Fils dans le monde pour chercher toutes les brebis perdues, c’est-à-dire, tous les hommes, et cela « jusqu’à ce qu’il les retrouve ». Car, nous dit Jésus en parlant comme le prophète Ezéchiel, « il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion » (Lc 15,4-7). Et cela est vrai pour tout homme, quel qu’il soit, tout homme « créé à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28), et donc enfant d’un Père Unique, « Notre Père » à tous, Le Père qui a tant veillé le retour de son fils prodigue (Rembrandt)qui veut le salut pour tous ses enfants : « Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). « Dieu », en effet, « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise » (Jn 3,16-17). Toute la mission de Jésus consiste donc à nous proposer le pardon de nos péchés et à nous permettre de retrouver gratuitement, avec lui, tout ce que nous avions perdu par suite de nos fautes. Tel est l’Amour qui ne cherche et ne poursuit que le bien de l’être aimé, et Dieu aime tout homme du même Amour : « Je vais les rassembler de tous les pays où » ils ont été dispersés par suite de leurs fautes. « En ce lieu », c’est-à-dire près de moi, unis à moi dans la communion d’un même Esprit, « je les ramènerai et les ferai demeurer en sécurité », dans la paix du cœur. « Alors ils seront mon peuple et moi, je serai leur Dieu. Je leur donnerai un seul cœur et une seule manière d’agir, de façon qu’ils soient toujours tournés vers moi, pour leur bien et celui de leurs enfants après eux. Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien et je ferai en sorte que leur cœur reste tourné vers moi pour qu’ils ne s’écartent plus de moi. » Je pourrai alors les combler pour leur seul bien, leur joie, leur bonheur… Car « je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement en ce pays », c’est-à-dire tout près de moi, « de tout mon cœur et de toute mon âme », et Dieu est infini ! « Oui, je leur amènerai tout le bien que je leur promets » (Jr 32,37-43).

4ième dimanche de paques1Telle est donc toute la mission de Jésus, le Fils Unique : donner aux hommes de pouvoir retrouver avec Lui le chemin qui conduit à Dieu et donc à l’Eau Vive de l’Esprit qui ne cesse de jaillir de Lui pour combler ses créatures… « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi », disait St Augustin. Le Christ est ainsi venu offrir aux hommes, gratuitement, par amour, cette Plénitude d’Esprit et donc de Vie pour laquelle nous avons tous été créés… En effet, « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et le propre de l’Amour est d’être Don de soi, Don de ce qu’Il Est en Lui-même, gratuitement, par amour. C’est ce que le Père fait vis-à-vis du Fils, et cela de toute éternité : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 5,26). Tout, tout ce qu’Il Est, tout ce qu’il a, toute la Plénitude de sa Vie, et c’est ainsi qu’il l’engendre en Fils « né du Père avant tous les siècles », lui donnant d’être « Dieu né de Dieu, Lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo), et cela gratuitement, par amour… « Tout ce qu’a le Père est à moi »… Ainsi, « comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même… Je vis par le Père » (Jn 17,10 ; 5,26 ; 6,57), en recevant du Père, gratuitement, par amour, la Plénitude de son Esprit, un Esprit qui est vie, un « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), un Esprit qui est « Eau vive ».

Christ Forêt de Bélouve Réunion 3Dans l’Evangile selon St Jean, au chapitre 4, Jésus est ainsi présenté comme étant assis près d’un puits… Cette image visible est la révélation invisible de ce qu’Il Est de toute éternité : le Fils qui est tourné vers le Père « Source d’Eau Vive ». Voilà ce qu’il reçoit de Lui depuis toujours et pour toujours : l’Eau Vive de l’Esprit. Jésus assis près du puits est donc une image d’une réalité éternelle : le Fils près du Père, toujours tourné de cœur vers le Père (Jn 1,18), recevant du Père la Vie que le Père a en lui-même (Jn 5,26). Et il va dire « J’ai soif » à une femme samaritaine pour entamer la conversation avec elle, son seul but étant de faire en sorte qu’elle aussi reçoive gratuitement, par amour, ce que Lui reçoit du Père, gratuitement, par amour… Il va donc l’inviter à se tourner elle aussi de tout cœur vers le Père, tout comme Lui est toujours tourné de tout cœur vers Lui, recevant de Lui cette Plénitude d’Eau Vive qui l’engendre en Fils de toute éternité… Et Jésus se moque des obstacles. Son seul souci est le bien profond de cette femme. La Loi en effet interdisait à un homme d’aborder une femme seule, et les Juifs n’entretenaient pas de relations avec les Samaritains, leurs ennemis « héréditaires ». Mais Jésus fait tomber toutes ces barrières car son seul désir est de partager avec elle ce Don de la Plénitude de l’Eau Vive de l’Esprit qu’il ne cesse de recevoir de son Père et qui comble son cœur… Alors, il va lui mettre « l’eau à la bouche » et lui parler de cette Eau Vive en espérant que viendra le moment où elle aussi lui dira « J’ai soif » de recevoir cette Vie dont tu me parles…

Jn 4,10 : Jésus lui dit :

A – Si tu savais le don de Dieu Le Don de Dieu est évoqué

        B – et qui est celui qui te dit : Jésus demande à la femme

                 C – Donne-moi à boire, Donne-moi à boire

         B’ – c’est toi qui l’aurais prié La femme aurait demandé à Jésus

A’ – et il t’aurait donné de l’eau vive. Le Don de Dieu est précisé : l’Eau Vive

Jésus et la SamaritaineLe texte est très bien construit : Jésus dit à la Samaritaine « Donne-moi à boire » pour qu’un jour la Samaritaine lui dise « Donne-moi à boire »… Jésus lui révèle ainsi le Don qu’il est venu offrir à tous les hommes : l’Eau Vive de l’Esprit, la seule réalité capable de remplir nos cœurs et donc de nous offrir la vraie Vie, le vrai Bonheur… Souvenons-nous de Jn 7,37-39 lu au tout début.

Et c’est aussi la raison pour laquelle il nous invite en St Luc à demander cet Esprit avec une incroyable insistance :

Lc 11,9-13 : « Et moi, je vous dis :

                            demandez et l’on vous donnera ;

                                      cherchez et vous trouverez ;

                                               frappez et l’on vous ouvrira.

(10)                    Car quiconque demande reçoit ;

                                       qui cherche trouve ;

                                                 et à qui frappe on ouvrira.

(11) Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

        et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent ?

(12) Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ?

(13) Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

Dieu est amour 2

Demander, librement, manifestera alors notre désir de recevoir… Et nous ne pourrons qu’être exaucés car « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16) de toute éternité, il ne cesse de « donner » gratuitement par Amour « l’Eau Vive de l’Esprit », le Père la donnant au Fils de toute éternité, le Père et le Fils la donnant à l’Esprit Saint de toute éternité, l’Esprit Saint ne cessant de la proposer à tout homme, Lui qui « Est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo) en donnant l’Eau Vive de l’Esprit… La Source d’Eau Vive n’a donc pas attendu notre demande pour couler : elle coule de toute éternité… Alors, quiconque demande de tout cœur ne peut que recevoir… Demander exprimera en fait notre désir libre de recevoir… C’est ce que Dieu attend, Lui qui, dans son Amour, ne veut contraindre personne, forcer personne, n’obliger personne, alors même qu’il sait bien que ce Don de l’Esprit fera notre bonheur éternel, dès maintenant, dans la foi, et au ciel pour l’éternité… Nous avons été créés pour cela… Mais l’Amour respecte infiniment notre liberté… Il ne fera rien pour nous sans notre consentement…

sainte famille2Le Psalmiste exprime également ce Mystère de l’Amour de Dieu avec l’image du Soleil… Dieu est un Soleil, il ne cesse de briller, il ne cesse de donner la Lumière et il « Est Lumière » (1Jn 1,5)… Autrement dit, il ne cesse de donner ce qu’il est en Lui‑même… Nous retrouvons ce principe vu avec l’image de la Source : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Eau Vive de l’Esprit » ? Il est Source, et ne cesse de donner cette Eau Vive de l’Esprit, gratuitement, par amour… Se tourner de tout cœur vers Lui, c’est donc déjà recevoir, gratuitement dans l’amour, en acceptant de nous laisser aimer tels que nous sommes… Nous retrouvons cette phrase de Ste Thérèse de Lisieux, à appliquer littéralement à Dieu qui est Amour : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ». « Dieu est Esprit » ? Il donne l’Eau Vive de l’Esprit… « Dieu est Lumière », Soleil ? Il donne la Lumière, une Lumière qui est Vie, la Lumière de la Vie…

Ps 84,12 : « Le Seigneur Dieu est un Soleil…

                                              Il donne la grâce, il donne la gloire »…

Jn 8,12 : « Je Suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres,

                                    mais il aura la lumière de la vie ».

jésus enseignant 2Alors, si nous répondons à l’appel de Dieu, « repentez-vous, tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les lointains de la terre » (Is 45,22), en tournant notre cœur vers la Source d’Eau Vive, nous recevrons cette Eau Vive qui donne la vie, et qui est au même moment l’eau pure qui nous purifie de toutes nos fautes. C’est ainsi que nous comprenons que la Miséricorde est le visage de l’Amour face à notre misère. Notre misère en effet ne l’empêche pas de nous aimer, bien au contraire. Puisque cette misère nous plonge dans un état de misère, de ténèbres, de tristesse, de mort spirituelle, voilà justement ce que Dieu ne supporte pas pour ses enfants, tous les hommes qu’il aime… Et leur état misérable le poussera à nous aimer encore plus, à se donner encore plus, pour nous guérir, nous purifier, nous sauver, nous combler et voie enfin sa Joie rayonner sur nos visages. Et notre joie fera sa Joie… Tout simplement parce qu’il ne cesse de nous aimer, et donc de désirer notre bien, notre bonheur profond…

Ez 36,24-28 : « Je vous prendrai parmi les nations,

je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol.

(25) Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ;

de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.

(26) Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau,

j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.

(27) Je mettrai mon Esprit en vous

et je ferai que vous marchiez selon mes lois

et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes.

(28) Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères.

Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu. »

ciel-LumièreCe « pays » donné, c’est « le Royaume des Cieux » donné, un Royaume qui est Mystère de Communion avec Dieu dans « l’unité d’un même Esprit » (Ep 4,3), Dieu le donnant gratuitement par Amour, l’homme étant invité à le recevoir de tout cœur, gratuitement,  dans l’Amour, en se détournant bien sûr au même moment, avec l’aide de Dieu, de tout ce qui lui est contraire…

Lc 12,32 : « Sois sans crainte, petit troupeau,

car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume ».

Rm 14,17 : « Le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson,

il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint ».

Jn 20,22 : « Recevez l’Esprit Saint. »

Ga 5,22 : « Le fruit de l’Esprit », l’Eau Vive de l’Esprit,

« est amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres »…

Alors, tous ceux et celles qui consentent à se laisser ainsi aimer par Celui qui, de son côté, ne désire que leur bien seront intérieurement comme un jardin tout irrigué par « l’Eau Vive de l’Esprit » :

Is 58,11 : « Le Seigneur sans cesse te conduira,

il te rassasiera dans les lieux arides,

il donnera la vigueur à tes os,

et tu seras comme un jardin arrosé,

comme une source jaillissante dont les eaux ne tarissent pas. »

 Herbe-arrosée-300x183C’est ce que dit Jésus à la Samaritaine :

Jn 4,13-14 : « Jésus lui dit :

Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau ;

mais qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ;

l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. »

Et comme « un homme ne peut rien recevoir si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3,27), celui qui a, c’est qu’il a reçu… S’il a reçu, c’est qu’il est tourné vers Dieu et ouvert à Dieu. Et comme Dieu est Source, il recevra et recevra encore : « C’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu’on versera dans votre sein » (Lc 6,38)…

Crucifix séminaire de RennesEt le Christ va mourir sur la croix pour que nous puissions recevoir cette Eau Vive de l’Esprit. Là encore, le corporel est signe visible du spirituel. Un soldat romain va transpercer son cœur de chair d’où s’écouleront sur la terre toute « l’eau et le sang » qui le remplissaient (Jn 19,33-35). Or dans la Bible, les deux sont symbole de vie. Ainsi, tout comme le cœur de chair est dorénavant ouvert, tout ce qui le remplissait étant versé sur la terre, donné aux hommes, en surabondance, le cœur « spirituel » de Jésus est lui aussi ouvert à tout homme, ce qui le remplit étant aussi donné à tout homme, en surabondance : « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Jn 10,10). Et qu’est-ce qui remplit le cœur de Jésus ? L’Eau Vive de l’Esprit qu’il reçoit du Père de toute éternité, un Don par lequel le Père l’engendre à la Vie en Fils « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo). Et si nous recevons à notre tour, par notre foi en Jésus, ce même Don, ce Don nous engendrera nous aussi à la Plénitude de la vie de Dieu, « à l’image du Fils » (Rm 8,29)…

Col 1,18-20 + 2,9-10 : « Jésus, le Fils, « est le Principe, Premier-Né d’entre les morts,

il fallait qu’il obtînt en tout la primauté,

(19) car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude

(20) et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui,

aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix.

(2,9) Car en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité,

(10) et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude »…

saint-espritTelle est la vocation de tout homme : participer, gratuitement, par Amour, à la Plénitude même de Dieu, une Plénitude de Vie, de Paix, de Joie… Et tout ceci se réalise par le Don de l’Eau Vive de l’Esprit…

Jn 14,27 : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix »…

Jn 15,11 : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. »

Lc 5,31-32 : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin,

mais les malades; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir. »

 

Jn 20,22 : « Recevez l’Esprit Saint », et avec lui, le pardon et la Vie…

                                                                                                                           D. Jacques Fournier

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Alphonse RATISBONNE, le converti de la Médaille Miraculeuse (Noéline FOURNIER)

La nouvelle de la conversion de Marie Alphonse RATISBONNE fut donnée à l’archiconfrérie du Saint Cœur de Marie, le dimanche 30 janvier 1842, à l’office du soir, par son frère, l’abbé Théodore RATISBONNE, le sous-directeur.

Théodore Ratisbonne

Et voilà ce qu’il dit :

« Voulant faire partager à tous nos confrères la sainte joie qui remplit nos cœurs, et ne voulant rien présenter que d’exact, nous avons prié M. Marie Alphonse RATISBONNE de nous donner lui-même la relation de sa conversion.

Voici l’extrait d’une lettre qu’il nous a écrite :

Collège de Juilly, 12 avril 1842

Ma première pensée et le premier cri de mon cœur, au moment de ma conversion, fut d’ensevelir ce secret avec mon existence tout entière au fond d’un cloître afin d’échapper au monde, qui ne pouvait plus me comprendre, et de me donner tout à mon Dieu, qui m’avait fait entrevoir et goûter les choses d’un autre monde.

Je ne voulais point parler sans la permission d’un prêtre : on me conduisit vers celui qui représentait Dieu pour moi. Il m’a ordonné de révéler ce qui m’était arrivé : je le fis, autant que cela m’est possible, de vive voix.

Si je devais vous raconter que le fait de ma conversion, un seul mot suffirait :

Le Nom de Marie !

Ma famille est assez connue, car elle est riche et bienfaisante, et à ces titres, elle tient depuis longtemps le premier rang en Alsace. Il y a eu dit-on beaucoup de piété dans mes aïeux : les chrétiens, aussi bien que les juifs ont béni le nom de mon grand-père, le seul juif qui, sous Louis XVI, obtint, non seulement le droit de posséder des propriétés à Strasbourg, mais encore des titres de noblesse. Telle fut ma famille, mais aujourd’hui, les traditions religieuses y sont entièrement effacées.

Et il raconte :

Je commençai mes études sur les bancs du collège royal de Strasbourg, où je fis plus de progrès dans la corruption du cœur que dans l’instruction de l’intelligence.

C’était vers l’années 1825 (je suis né le 1er mai 1814) ; à cette époque, un événement porta un rude coup à ma famille : mon frère Théodore, sur lequel on fondait de grandes espérances, se déclara chrétien ; et, bientôt après, malgré les plus vives sollicitations et la désolation qu’il avait causée, il alla plus loin, se fit prêtre, et exerça son ministère dans la même ville, sous les yeux de mon inconsolable famille.

Tout jeune que j’étais, cette conduite de mon frère me révolta, et je pris en haine son habit et son caractère. (…) Je n’avais éprouvé jusqu’alors ni sympathie ni antipathie pour le christianisme ; mais la conversion de mon frère, que je regardais comme une inexplicable folie, me fit croire au fanatisme des catholiques, et j’en eus horreur.

On me retira du collège pour me mettre dans une institution protestante à Paris dont le magnifique prospectus avait séduit mes parents. Je me présentais néanmoins aux examens en sortant de cette pension et, par un bonheur peu mérité, je fus reçu bachelier des lettres.

J’étais alors maître de mon patrimoine, puisque bien jeune encore je perdis ma mère, et, quelques années après, mon père : mais il me restait un digne oncle, le patriarche de ma famille, un second père, qui n’ayant point d’enfants, avait mis toute son affection dans les enfants de son frère. Il voulut m’attacher à la maison de banque dont il était le chef ; mais je fis d’abord mon droit à Paris, et après avoir reçu le diplôme de licencié et revêtu la robe d’avocat, je fus rappelé à Strasbourg par mon oncle pour me fixer après de lui.

Je ne saurais énumérer ses largesses : chevaux, voitures, voyages, milles générosités prodiguées, et il ne me refusait aucun caprice. Mon oncle ajouta à ces témoignages d’affection une marque plus positive de sa confiance : il me donna la signature de la maison, et me promit, en outre, le titre et les avantages d’associéPromesse qu’il réalisa en effet le 1er janvier de cette année 1842.

Alphonse Ratisbonne

C’est à Rome que j’en reçus la nouvelle.

Mon oncle ne me faisait qu’un seul reproche : mes fréquents voyages à Paris.

Tu aimes trop les Champs-Elysées, me disait-il avec bonté. Il avait raison. Je n’aimais que les plaisirs : les affaires m’impatientaient, l’air des bureaux m’étouffait.

J’étais juif de nom, voilà tout ; car je ne croyais même pas en Dieu.

Je n’ouvris jamais un livre de religion, et dans la maison de mon oncle, pas plus que chez mes frères et sœurs, on ne pratiquait la moindre prescription du judaïsme.

Un vide existait dans mon cœur, et je n’étais point heureux au milieu de l’abondance de toutes ces choses. Quelque chose me manquait ; mais cet objet me fut donné aussi, du moins je le croyais !

J’avais une nièce, la fille de mon frère aîné, qui m’était destinée depuis que nous étions enfants tous les deux. Elle se développait avec grâce sous mes yeux et, en elle, je voyais tout mon avenir et toute l’espérance du bonheur qui m’était réservé.

Elle était pour moi une création toute particulière, qui semblait faite uniquement pour compléter mon existence : et lorsque les vœux de toute ma famille, d’accord avec nos sympathies mutuelles, fixèrent enfin ce mariage si longtemps désiré, je crus que désormais rien ne manquerait plus à ma félicité. Je voyais toute ma famille au comble de la joie ; mes sœurs étaient heureuses ! Elles ne me faisaient qu’un seul reproche, c’était d’aimer trop ma fiancée, et elles s’avouaient jalouses ; car je dois dire ici qu’il est peu de familles où l’on s’aime plus que dans la mienne.

Il n’y avait qu’un seul membre de ma famille qui m’était odieux ; c’est mon frère Théodore. Et cependant il nous aimait aussi ; mais son habit me repoussait, sa présence m’offusquait, sa parole grave et sérieuse excitait ma colère.

Un an avant mes fiançailles, je ne pus retenir ces ressentiments, et je les lui exprimai dans une heure qui dut rompre à jamais tous rapports entre nous. Il continua ses relations avec le reste de la famille ; quant à moi, je ne voulus plus le voir, je nourrissais une haine amère contre les prêtres, les églises, les couvents, et surtout les Jésuites, dont le nom seul provoquait ma fureur.

Heureusement que mon frère quitta Strasbourg, c’était tout ce que je désirais.

Il fut appelé à Paris, à Notre-Dame-des-Victoires, où il ne cesserait, disait-il, en nous faisant ses adieux, de prier pour la conversion de ses frères et sœurs.

Son départ me soulagea d’un grand poids ; je cédais même aux instances de ma famille à l’occasion de mes fiançailles en lui écrivant quelques mots d’excuses. Il me répondit avec amitié, me recommandant ses pauvres, auxquels je fis en effet parvenir une petite somme.

Après cette espèce de raccommodement, je n’eux plus aucun rapport avec Théodore, et je ne pensais plus à lui, je l’oubliai… tandis que lui, il priait pour moi !

Je l’ai dit, je ne croyais en rien ; mais la vue de ma fiancée éveillait en moi je ne sais quel sentiment de dignité humaine ; je commençais à croire à l’immortalité de l’âme ; bien plus, je me mis instinctivement à prier Dieu ; je le remerciais de mon bonheur, et pourtant je n’étais pas heureux… Je ne pouvais me rendre compte de mes sentiments ; je regardais ma fiancée comme mon bon ange ; je le lui disais souvent, et, en effet, sa pensée élevait mon cœur vers un Dieu que je ne connaissais pas, que je n’avais jamais invoqué.

On jugea convenable, à cause de l’âge trop tendre de ma fiancée, de retarder le mariage.

Elle avait seize ans. Je dus faire un voyage d’agrément en attendant l’heure de notre union.

Je ne savais de quel côté diriger mes courses : une de mes sœurs établie à Paris, me voulait près d’elle ; un excellent ami m’appelait en Espagne…

Je m’arrêtait enfin à la pensée d’aller droit à Naples, de passer l’hiver à Malte afin d’y fortifier ma santé délicate, et de revenir ensuite par l’Orient ; je pris même des lettres pour Constantinople, et partis vers la fin de novembre 1841.

Je devais être de retour au commencement de l’été suivant. Oh ! Que mon départ fut triste ! Je laissais là une fiancée bien-aimée, un oncle qui ne s’épanouissait qu’avec moi, des sœurs, des frères, des nièces, des amis d’enfance que je ne pouvais quitter sans verser des larmes, car je les aimais et je les aime encore !

Partir seul et pour un long voyage ! Cette pensée me jetait dans une profonde mélancolie. « Mais, me disais-je, Dieu m’enverra peut-être un ami sur ma route ! »

Je voulus, avant de me mettre en voyage, donner ma signature à un grand nombre de quittances concernant la Société d’encouragement au travail… Je les datais d’avance le 15 janvier, et à force d’écrire cette date sur une foule de pièces, je me fatiguais, et je me disais en posant ma plume :

« Dieu sait où je me trouverai le 15 janvier, et si ce jour ne sera pas le jour de ma mort ! »

Ce jour-là je me trouvais à Rome, et ce jour sera pour moi l’aurore d’une nouvelle vie !

Je partis enfin. En sortant de Strasbourg, je pleurais beaucoup, j’étais agité d’une foule de craintes, de mille étranges pressentiments.

Le navire, avant d’arriver à Naples, fit une halte à Civitavecchia (port de Rome).

Au moment d’entrer au port, le canon du fort tonnait avec force. Je m’informai avec une maligne curiosité du motif de ce bruit de guerre sur les terres pacifiques du pape. On me répondit : « C’est la Fête de la Conception de Marie ».

Je haussais les épaules sans vouloir débarquer. Le lendemain, à la lumière d’un soleil magnifique qui étincelait sur la fumée du Vésuve, nous abordâmes à Naples.

Je passais un mois à Naples pour tout voir et tout écrire, j’écrivis surtout contre la religion et ses prêtres qui, dans cet heureux pays, me semblaient tout à fait déplacés.

Oh ! Que de blasphèmes dans mon journal !

Si j’en parle ici, c’est pour faire connaître la noirceur de mon esprit.

J’écrivis à Strasbourg que j’avais bu sur le Vésuve du Lacryma Christi (Larmes du Christ), vin Napolitain autrefois produit par des moines, se trouvant sur les pentes du célèbre Mont Vésuve) à la santé de l’Abbé RATISBONNE (son frère), et que de telles larmes me faisaient du bien à moi-même. Je n’ose transcrire les horribles jeux de mots que je me permis en cette circonstance.

Ma fiancée m’a demandé si j’étais de l’avis de ceux qui disent : « Voir Naples et mourir ». Je lui répondis : « Non ; mais voir Naples et vivre ; vivre pour la voir encore  ».

Telles étaient mes dispositions.

Je n’avais aucune envie d’aller à Rome, bien que deux amis de ma famille, que je voyais souvent, m’y engageassent vivement : c’était Mr COULMANN, protestant, ancien député de Strasbourg, et Mr Le Baron de ROTHSCHILD, dont la famille à Naples me prodiguait toute espèce de prévenances et d’agréments. Je ne pus que céder à leurs conseils.

Ma fiancée désirait que j’allasse droit à Malte, et elle m’envoya un ordre de mon médecin qui me recommandait d’y passer l’hiver en me défendant positivement d’aller à Rome à cause des fièvres malignes qui, disait-il, y régnaient.

Il y avait là plus de motifs qu’il n’en fallait pour me détourner du voyage de Rome, si ce voyage s’était trouvé sur mon itinéraire.

Mr COULMANN m’avait mis en rapport avec un aimable et digne homme qui devait faire comme moi le voyage à Malte ; j’étais heureux de cette rencontre, et je me disait : « Ah ! Voilà l’ami que le ciel m’a envoyé ! »

J’étais seul à Naples (…), je pensais à ma famille ; je versais des larmes, et la gaieté des Napolitains augmentait ma tristesse. Je sortis pour me distraire, en suivant machinalement le flot de la foule.

J’arrivais sur la place du Palais et me trouvais, je ne sais comment, à la porte d’une église. J’y entre. On y disait la messe, je crois. Quoi qu’il en soit, je me tins là, debout, appuyé contre une colonne, et mon cœur semblait s’ouvrir et aspirer une atmosphère inconnue : je priais à ma manière sans m’occuper de ce qui se passait autour de moi ; je priais pour ma fiancée, pour mon oncle, pour mon père défunt. Pour la bonne mère dont j’ai été privé si jeune, pour tous ceux qui me sont chers, et je demandais à Dieu quelques inspirations qui pussent me guider dans mes projets d’améliorer le sort des Juifs, pensée qui me poursuivait sans cesse.

Ma tristesse s’en est allée comme un noir nuage que le vent dissipe et chasse au loin ; et tout mon intérieur, inondé d’un calme inexprimable, ressentait une consolation semblable à celle que j’aurais éprouvée si une voix m’avait dit :

« Ta prière est exaucée ! »

Oh ! Oui, elle était exaucée au centuple et au-delà de toutes prévisions puisque le dernier jour du même mois, je devais recevoir solennellement le baptême dans une église de Rome !

Mais comment suis-je allé à Rome ?

Je ne puis le dire, je ne puis l’expliquer à moi-même. Je crois que je me suis trompé de chemin ; car au lieu de me rendre au bureau des places de Palerme, vers lequel je me dirigeais, je suis arrivé au bureau des diligences de Rome. J’y suis entré et pris ma place.

Je fis dire à Mr VIGNE, l’ami qui devait m’accompagner à Malte, que je n’avais pu résister à faire une courte excursion à Rome, et que je serais positivement de retour à Naples pour repartir le 20 JANVIER.

J’eus tort de m’engager ; car c’est Dieu qui dispose, et cette date du 20 janvier devait marquer autrement dans ma vie. Je quittais Naples le 5, et j’arrivais à Rome le 6, jour des rois.

Le 8 janvier, au milieu de mes courses, j’entends une voix qui m’appelle dans la rue ; c’était un ami d’enfance, Gustave de BUSSIÈRES. J’étais heureux de cette rencontre, car mon isolement me pesait. Nous allâmes dîner chez le père de mon ami.

Quand j’entrai dans le salon, Mr Théodore de BUSSIÈRES, le fils aîné de cette honorable famille, le quittait. Je ne connaissais point personnellement le baron Théodore, mais je savais qu’il était l’ami de mon frère, son homonyme : je savais qu’il avait abandonné le protestantisme pour se faire catholique ; c’en était assez pour m’inspirer une profonde antipathie. Il me semblait qu’il éprouvait à mon égard le même sentiment.

C’était le 15, et j’allai retenir ma place aux voitures de Naples ; mon départ est arrêté pour le 17 à trois heures du matin. Il me restait deux jours, je les employai à de nouvelles courses. Mais en sortant d’un magasin de librairie où j’avais vu quelques ouvrages sur Constantinople, je rencontre au Corso, un domestique de M De BUSSIÈRES, père ; il me salue et m’aborde. Je lui demande l’adresse de Mr Théodore de BUSSIÉRES : iI me répond avec l’accent alsacien : Piazza Nicosia, n˚ 38.

Il me fallut donc, bon gré, mal gré, faire cette visite ; cependant, je résistai vingt fois encore. Enfin, je décide de donner ma carte.

Mon entrée chez Mr. De BUSSIÉRES me causa de l’humeur ; car le domestique, au lieu de prendre ma carte que je tenais à la main, m’annonça et m’introduisit au salon. Je déguisai ma contrariété, tant bien que mal, sous les formes de sourire, et j’allais m’asseoir auprès de Mme la Baronne de BUSSIÈRES, qui se trouvait entouré de ses deux petites filles, gracieuses et douces, comme les anges de Raphaël.

Mr de BUSSIÈRES me parla des grandeurs du catholicisme ; je répondis par des ironies et des imputations que j’avais lues ou entendues si souvent ; encore imposai-je un frein à ma verve impie, par respect pour Mme de BUSSIÈRES et pour la foi des jeunes enfants qui jouaient à côté de nous.

« Enfin, me dit Mr de BUSSIÈRES, puisque vous détestez la superstition et que vous professez des doctrines si libérales, puisque vous êtes un esprit fort si éclairé, auriez-vous le courage de vous soumettre à une épreuve bien innocente ? –

Quelle épreuve ? –

Ce serait de porter sur vous un objet que je vais vous donner… Voici ! C’est une médaille de la Sainte Vierge.

Cela vous paraît bien ridicule, n’est-ce pas ?

Mais quant à moi, j’attache une grande valeur à cette médaille. »

La proposition, je l’avoue, m’étonna. Je ne m’attendais pas à cette chute. Mon premier mouvement « était de rire en haussant les épaules ; mais la pensée me vint que cette scène fournirait un délicieux chapitre à mes impressions de voyage, et je consentis à prendre la médaille comme une pièce à conviction que j’offrirai à ma fiancée. Aussitôt dit, aussitôt fait. On me passa la médaille au cou, non sans peine, car le nœud était trop court et le cordon ne passait pas. Enfin, à force de tirer, j’avais la médaille sur ma poitrine, et je m’écriais avec un éclat de rire : « Ah ! ah ! me voilà catholique, apostolique et romain ! »

C’était le démon qui prophétisait par ma bouche.

Mr de BUSSIÈRES triomphait naïvement de sa victoire, et voulut remporter tous les avantages.

Maintenant, me dit-il, il faut compléter l’épreuve.

Il s’agit de réciter matin et soir le Memorare, prière très courte et très efficace que Saint Bernard adressa à la Vierge Marie. – Qu’est-ce que votre Memorare ? m’écriai-je, laissons ces sottises !

Car en ce moment je sentais toute mon animosité se renouveler en moi.

Le nom de Saint Bernard me rappelait mon frère qui avait écrit l’histoire de ce saint, ouvrage que je n’avais jamais voulu lire ; et ce souvenir réveillait à son tour tous mes ressentiments contre le prosélytisme, et le jésuitisme, et ceux que j’appelais tartufes et apostats.

Je priai donc Mr de BUSSIÈRES d’en rester là ; et, tout en me moquant de lui, je regrettais de n’avoir pas moi-même une prière hébraïque à lui offrir pour que la partie fut égale : mais je n’en avais point et n’en connaissais point.

Cependant mon interlocuteur insista : il me dit qu’en refusant de réciter cette courte prière je rendais l’épreuve nulle, et que je prouvais par cela même la réalité de l’obstination volontaire qu’on reproche aux Juifs.

Je ne voulus point attacher trop d’importance à la chose, et je dis :

« Soit ! je vous promets de réciter cette prière : si elle ne me fait pas de bien, du moins ne me fera-t-elle pas de mal ! » Et Mr de BUSSIÈRES alla la chercher en m’invitant à la copier. J’y consentis, à la condition, lui répondis-je, « que je vous remettrai ma copie et garderai votre original ». Ma pensée était d’enrichir mes notes de cette nouvelle pièce justificative.

Nous nous séparâmes, et j’allai passer la soirée au spectacle, où j’oubliai et la médaille et le Memorare. Mais, en rentrant chez moi, je trouvai un billet de Mr de BUSSIÈRES, qui était venu rendre ma visite, et m’invitant à le revoir avant mon départ. J’avais à lui restituer son Memorare, et devant partir le lendemain, je fis mes malles et mes préparatifs ; puis je me mis à copier la prière, qui était conçue en ces propres termes :

« Souvenez-vous, Ô très pieuse Vierge Marie, qu’on a jamais ouï dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre secours et demandé de votre suffrage, ait été abandonné.

Plein d’une pareille confiance, je viens, Ô Vierge des Vierges, me jeter à vos bras, et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds.

Ô Mère du Verbe, ne dédaignez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer. »

J’avais copié machinalement ces paroles de Saint Bernard, sans presque aucune attention. J’étais fatigué ; l’heure était avancée, et j’avais besoin de prendre du repos.

Le lendemain 16 janvier, je fis signer mon passeport et achevai les dispositions du départ ; mais, chemin faisant, je redisais sans cesse les paroles du Memorare.

Comment donc, ô mon Dieu, ces paroles s’étaient-elles si vivement, si intimement emparées de mon esprit ? Je ne pouvais m’en défendre ; elles me revenaient sans cesse : je les répétais continuellement, comme ces airs de musique qui vous poursuivent et vous impatientent, et qu’on fredonne malgré soi, quelque effort qu’on fasse.

Vers onze heures, je me rendis chez Mr de BUSSIÈRES pour lui rapporter son inextricable prière.

« Mais, s’écria-t-il tout à coup, il est étrange que vous quittiez Rome dans un moment où tout le monde vient assister aux pompes de Saint-Pierre ! Peut-être ne reviendrez-vous jamais, et vous regretterez d’avoir manqué une occasion que tant d’autres viennent chercher avec une si avide curiosité. »

Je lui répondis que j’avais pris et payé ma place ; que déjà j’en avais donné avis à ma famille, et que, décidément, je partirai.

Cependant, par une influence incompréhensible, je me décidai à prolonger mon séjour à Rome.

Quelle était donc, ô mon Dieu ! cette impulsion irrésistible qui me faisait faire ce que je ne voulais pas ? N’était-ce pas la même qui, de Strasbourg, me poussait en Italie, malgré les invitations de Valence et de paris ?

La même qui, de Naples, me poussait à Rome, malgré ma détermination d’aller en Sicile ?

La même qui, à Rome, à l’heure de mon départ, me força de faire la visite qui me répugnait, tandis que je ne trouvais plus le temps de faire aucune de celles que j’aimais ?

Ô conduite providentielle ! Il y a donc une mystérieuse influence qui accompagne l’homme sur la route de la vie ?

J’avais reçu à ma naissance le nom de Tobie avec celui d’Alphonse.

J’oubliai mon premier nom ; mais l’ange invisible ne l’oublia point.

C’était là le véritable ami que le ciel m’avait envoyé ; mais je ne le connaissais pas. Hélas, il y a tant de Tobie dans le monde qui ne connaissent point ce guide céleste et

qui résistent à sa voix !

Mon intention n’était pas de passer le carnaval à Rome : mais je voulais voir le Pape ; et Mr de BUSSIÈRES m’avait assuré que je le verrai au premier jour à Saint Pierre.

Il me dit même une fois : « Malgré vos emportements, j’ai la conviction qu’un jour vous serez chrétien, car il y a en vous un fonds de droiture qui me rassure et me persuade que vous serez éclairé, dût pour cela le Seigneur vous envoyer un ange du ciel. »

Jeudi 20 janvier 1842 – Raconté par Théodore de BUSSIÈRES

Ratisbonne n’a point fait un seul pas vers la vérité, sa volonté est restée la même, son esprit toujours railleur, ses pensées toujours aux choses de la terre.

Il entre vers midi au café de la place d’Espagne pour y lire les journaux. Il y trouve Mr Edmond HUMANN, s’entretient avec lui des nouvelles du jour avec un abandon et une légèreté qui exclue l’idée de toute préoccupation grave.

  Il est une heure. Je dois prendre quelques arrangements à l’église St André delle fratte pour la cérémonie du lendemain. Mais voici Ratisbonne qui descend la via Condetti ; il viendra avec moi, m’attendra quelques minutes, et nous poursuivrons notre promenade. Nous entrons dans l’église. Ratisbonne apercevant les préparatifs du service, me demande pour qui ils sont destinés. Pour un ami que je viens de perdre, Mr de LAFERRONAYS, que j’aimais extrêmement.

Alors il se met à se promener dans la nef, son regard froid et indifférent semble dire : « Cette église est bien laide ».

Je le laisse du côté de l’épître, à droite d’une petite enceinte, disposée pour recevoir le cercueil, et j’entre dans l’intérieur du couvent.

Je n’ai que quelques mots à dire à l’un des moines ; je voudrais faire préparer une tribune pour la famille du défunt ; mon absence dure à peine dix ou douze minutes.

En rentrant dans l’église, je n’aperçois pas d’abord RATISBONNE ; puis je le découvre bientôt agenouillé devant la chapelle de l’ange saint Michel.

Je m’approche de lui, je le pousse trois ou quatre fois avant qu’il s’aperçoive de ma présence. Enfin, il tourne vers moi un visage baigné de larmes, joint les mains, et me dit avec une expression impossible à rendre :

« Oh ! Comme ce monsieur a prié pour moi »

J’étais moi-même stupéfait d’étonnement ; je sentais ce qu’on éprouve en présence d’un miracle.

Je relève RATISBONNE ; je le guide, je le porte, pour ainsi dire, hors de l’église, je lui demande ce qu’il a, où il veut aller :

« Conduisez-moi où vous voudrez, s’écrie-t-il, après ce que j’ai vu, j’obéis. »

Je le presse de m’expliquer ; il ne le peut pas, son émotion est trop forte.

Il tire de son sein la médaille miraculeuse, qu’il couvre de baisers et de larmes. Je le ramène chez lui, et malgré ses instances, je ne puis obtenir de lui que des exclamations entrecoupées de sanglots : « Ah ! Que je suis heureux ! Que Dieu est bon ! Quelle plénitude de grâces et de bonheur ! Que ceux qui ne savent pas sont à plaindre. »

Enfin, il me demande s’il n’est pas fou… « Mais non, s’écrie-t-il, je suis dans mon bon sens ; mon Dieu, mon Dieu ! Je ne suis pas fou ! Tout le monde sait bien que je ne suis pas fou ! »

Lorsque cette délirante émotion commence à se calmer, RATISBONNE, avec un visage radieux, je dirais presque transfiguré, me serre dans ses bras, m’embrasse, me demande de le mener chez un confesseur, veut savoir quand il pourra recevoir le baptême, sans lequel il ne saurait plus vivre, soupire après le bonheur des martyrs. Il me déclare qu’il ne s’expliquera qu’après avoir obtenu la permission d’un prêtre : « Car ce que j’ai à dire, ajoute-t-il, je ne puis le dire qu’à genoux. »

Je le conduis aussitôt au Gesu, près du père VILLEFORT, qui l’engage à s’expliquer.

Alors RATISBONNE tire sa médaille, l’embrasse, nous la montre, et s’écrie :

« JE L’AI VUE, JE L’AI VUE ! » et son émotion le domine encore. Mais bientôt plus calme, il peut s’exprimer ; voici ses paroles.

« J’étais depuis un instant dans l’église, lorsque tout d’un coup je me suis senti saisi d’un trouble inexprimable. J’ai levé les yeux ; tout l’édifice avait disparu à mes regards ; une seule chapelle avait, pour ainsi dire, concentré toute la lumière, et au milieu de ce rayonnement, apparut, debout devant l’autel, grande, brillante, pleine de majesté et de douceur, la Vierge Marie, telle qu’elle est sur ma médaille ; une force irrésistible m’a poussé vers elle.

La Vierge m’a fait signe de la main de m’agenouiller, elle a semblé me dire :

« C’est bien ». Elle ne m’a pas parlé, mais j’ai tout compris. » 

 

En quittant le père de VILLEFORT, nous allâmes rendre grâce à Dieu, d’abord à Sainte Marie Majeure, la chère basilique de la Vierge, puis à Saint Pierre.

Impossible de traduire les transports de RATISBONNE lorsqu’il se trouva dans ces églises :

« Ah ! Me disait-il en me pressant les mains, je comprends maintenant l’amour des catholiques pour leurs églises, et la piété qui les porte à les orner, à les embellir ! Comme on est bien ici ! On voudrait n’en jamais sortir… Ce n’est plus la terre, c’est presque le ciel. »

Auprès de l’autel du très saint Sacrement, la Présence Réelle de la Divinité l’écrasait à tel point qu’il allait perdre connaissance, s’il ne se fût éloigné aussitôt, tant il lui paraissait horrible d’être en présence du Dieu Vivant, avec la tâche originelle. Il alla se réfugier dans la Chapelle de la Sainte Vierge.

Ici, me dit-il, je ne puis pas avoir peur ; je sens que je suis protégé par une miséricorde immense »

Il pria avec la plus grande ferveur auprès du tombeau des Saints Apôtres.

L’histoire de la conversion de Saint Paul, que je lui racontai, lui fit encore verser d’abondantes larmes.

Je lui demandai de nouveaux détails sur la vision miraculeuse.

Il ne pouvait expliquer lui-même comment il était passé du côté droit de l’église à la chapelle qui est à gauche, et dont il était séparé par les préparatifs du service funèbre.

Il s’était tout à coup trouvé à genoux et prosterné auprès de cette chapelle.

Au premier moment, il avait pu apercevoir la Reine du Ciel dans toute la splendeur de sa beauté sans tache ; mais ses regards n’avaient pu soutenir l’éclat de cette lumière divine.

Trois fois il avait essayé de contempler encore la Mère des miséricordes ; trois fois ses inutiles efforts ne lui avaient permis de lever les yeux que jusqu’à ses mains bénies, d’où s’échappait en gerbes lumineuses, un torrent de grâce.

« Ô mon Dieu, s’écria-t-il, moi qui, une demi-heure auparavant, blasphémait encore !

Moi qui éprouvais une haine si violente contre la religion catholique !

Mas tous ceux qui me connaissent savent bien qu’humainement j’avais les plus fortes raisons pour rester juif.

Ma famille est juive, ma fiancée est juive, mon oncle est juif… En me faisant catholique, je romps avec tous les intérêts et toutes les espérances de la terre, et pourtant je ne suis pas fou, on le sait bien que je ne suis pas fou, que ne l’ai jamais été ! On doit me croire. »

 

On rendait grâce à Dieu de se trouver à Rome dans un moment où il avait plu à son inépuisable bonté de ranimer notre confiance pour la Vierge Immaculée, en manifestant d’une manière si admirable la puissance de son intercession.

J’étais avec RATISBONNE chez le Père de VILLEFORT, lorsque le Général CHLAPOUSKI pénétra jusqu’à nous.

« Monsieur, vous avez donc vu l’image de la Sainte Vierge ? Et dites-moi comment »… L’image !

« Mais je l’ai vu elle-même, en réalité, en personne, comme je vous vois là », répond-il.

Car il n’y a dans la chapelle où s’est opéré le miracle, ni statue, ni tableau, ni image quelconque représentant la Vierge.

Dès le premier moment où il a demandé le baptême, on l’a conduit auprès du vénérable Père qui dirige une Société bien chère à tous les amis de Dieu.

Celui-ci, après l’avoir écouté avec une douce bonté, mais en même temps avec une grande gravité, lui a fait considéré attentivement les sacrifices qu’il aurait à faire, les graves obligations qu’il aurait à remplir, les combats particuliers qui l’attendaient, les tentations, les épreuves de toute nature auxquelles une résolution semblable allait l’exposer ; et lui montrant un crucifix qui était sur la table :

« Cette croix, lui dit-il, que vous avez vu pendant votre sommeil, quand une fois vous serez baptisé, non seulement il faudra l’adorer, mais la porter. »

Puis ouvrant le livre des Saintes Écritures, il cherche le deuxième chapitre de l’Ecclésiastique, et lut à Mr RATISBONNE ces paroles :

« Mon fils, lorsque vous vous engagez au service de Dieu, préparez votre âme à la tentation et à l’épreuve, et demeurez ferme dans la justice et dans la crainte du Seigneur ; tenez votre âme humiliée, et attendez dans la patience ; prêtez l’oreille aux paroles de la sagesse, et ne perdez point courage au moment de l’épreuve ; souffrez avec patience dans l’attente et les retards de Dieu. Demeurez uni à Dieu, et ne vous lassez pas d’attendre, acceptez de bon cœur tout ce qui vous arrivera, demeurez en paix dans votre douleur, et au temps de l’humiliation conservez la patience, car l’or et l’argent s’épurent par le feu, mais les hommes que Dieu veut recevoir au nombre des siens, il les éprouve dans le creuset de l’humiliation et de la douleur. Ayez confiance en Dieu, et il vous tirera de tous vos maux ; espérez en lui, conservez sa crainte, et vieillissez dans son amour » (Ecclésiastique 2,1-6).

 

La lecture de ces divines paroles fit sur RATISBONNE une profonde impression. Loin de le décourager, elles affirmèrent sa résolution, en le faisant entrer dès lors dans les sentiments du christianisme le plus sérieux et le plus fort.

Il les écouta néanmoins en silence ; mais à la fin de la retraite qui précéda son baptême, la veille de cette grande journée, il alla le soir, trouver le prêtre qui lui avait lu ces paroles huit jours auparavant, et lui demanda une copie, en disant qu’il voulait les conserver, et les méditer tous les jours de sa vie.

Tels sont les faits que je livre à la méditation de tous les hommes sérieux.

Je les ai exposés sans art, dans toute leur simplicité, dans toute leur vérité pour l’édification de ceux qui croient, pour l’enseignement de ceux qui cherchent encore le lieu de leur repos ; heureux si, après avoir erré longtemps dans les ténèbres et les contradictions, je pouvais, par ce simple récit, inspirer à quelque frère égaré la volonté de s’écrier, comme l’aveugle de l’Évangile : « Seigneur, faites que je vois » ; car celui qui prie ouvre bientôt les yeux au soleil de la vérité catholique.

Etienne Théodore de BUSSIERRE (par André Frossard)

Noëline FOURNIER




Dimanche des Rameaux et de la Passion – par Francis COUSIN (Matth 26, 14-27, 66)

En ce jour où nous fêtons l’entrée de Jésus dans Jérusalem et surtout sa passion, tournons-nous vers un épisode encore récent, à peine plus de huit ans, qui a bouleversé le monde entier, et qui est en adéquation avec la Passion de Jésus : le martyr de vingt coptes égyptiens et d’un chrétien ghanéen par des militants de Daesh, le 15 février 2015.

 

Tous venaient d’un même village, El Our, ou de ces alentours, et travaillaient en Lybie.

L’horreur suprême !

Vingt-et-une personnes, chacune accompagnée d’un bourreau cagoulé, qui défilent le long d’une plage de Lybie, puis qui seront mis à genoux, avant qu’on leur demande de renier leur foi en Jésus.

Aucun n’a renié Jésus, et tous ont confié leur amour de Jésus, tous ont murmuré « Seigneur Jésus » jusqu’à la fin.

Alors, l’un après l’autre, ils ont été égorgés par leur bourreau.

Leurs corps ont été retrouvés plus de deux ans après, les mains toujours menottées dans le dos.

Cet événement a ému beaucoup de monde, partout sur terre, et surtout en Égypte et dans leur village.

Les premières réactions ont été difficiles à vivre : des parents sont tombés en syncopes. « Quand mes parents ont appris la nouvelle, et qu’ils ont vu l’atroce vidéo de leur exécution, ils sont tombés. Tout le monde les a crus morts, leur cœur a cessé de battre pendant plusieurs minutes. On m’a dit qu’ils sont ressuscités grâce aux prières du prêtre, arrivé en courant. », d’autres ont eu du mal à accuser le coup … mais cela n’a pas duré …

L’espérance et le pardon ont pris le dessus.

Une semaine après, le chef de l’Église copte orthodoxe, Tawadros II, avait inscrit le nom des 21 victimes au livre des saints martyrs coptes.

Dans la petite église de El Our, les deux prêtres coptes disent : « Tous venaient des alentours de la ville ; six d’entre eux étaient diacres. Quant à Matthieu, le seul Noir du groupe, nous le surnommons l’Africain, pour que toute l’Afrique puisse en être fière et soit bénie par son intercession. Nous essayons de soulager le chagrin des familles. C’est leur foi impressionnante qui leur donne leur équilibre. Quand ils nous parlent, leur conversation ne porte que sur la vie éternelle. Même leurs mères disent : “S’ils étaient revenus vivants mais apostats, ils n’auraient plus été nos enfants”. Au village, certains prient pour la conversion des bourreaux de leurs enfants. La foi ardente de ces familles a influencé le reste du village »

« Ma mère a dit qu’elle avait pardonné au tueur de son fils, qu’elle demanderait à Dieu de le laisser entrer dans Sa maison parce qu’il avait permis à son fils d’entrer dans le Royaume des cieux ». « Je priais toujours pour que mon fils garde la foi, je suis tellement fier de lui ». « Nous rendons grâce à Dieu d’avoir été trouvés dignes devant Dieu que nos enfants soient martyrs. ». « Ils sont comme des médailles d’honneur et un exemple pour toute notre vie. Je remercie le Seigneur que Daech n’ait pas effacé de la vidéo leur prière “Seigneur Jésus ” jusqu’à leur dernier souffle. ».

Et puis une grande litanie des vingt-et-un martyrs coptes a été écrite ; on n’y demande rien pour les martyrs, mais on demande beaucoup pour les vivants, chrétiens ou non, pour les bourreaux, pour les membres de Daesh et ceux qui sont attirés par ce mouvement … Une très belle prière !

Depuis cette exécution massive, les relations entre l’État et les Coptes se sont considérablement améliorées en Égypte. Plus de sept cents églises coptes ont été autorisées à faire des travaux, ce qui était interdit avant, d’autres églises ont pu être construites, dont une basilique à El  Our en l’honneur des martyrs.

Plus extraordinaire encore a été la réaction très inhabituelle des musulmans. « Beaucoup sont venus soutenir les familles ».

Le martyr des vingt et un ouvriers coptes n’aura pas été vain.

« Le sang des martyrs est semence de chrétiens » disait Tertullien (160 – 220).

Prions avec le pape François :

« Ces vingt-et-un hommes ont été baptisés chrétiens avec de l’eau et de l’Esprit, et ce jour-là, ont aussi été baptisés avec du sang. Ces vingt-et-une victimes du groupe État islamique sont nos saints, les saints de tous les chrétiens, de toutes les confessions et traditions chrétiennes.

Ils sont morts en disant “Seigneur Jésus !”.

Par ce témoignage de foi, ils ont reçu le plus grand cadeau qu’un chrétien puisse recevoir : le témoignage de Jésus-Christ au point de donner sa vie.

Merci à Dieu notre Père parce qu’il nous a donné ces frères courageux ;

Merci au Saint-Esprit parce qu’il leur a donné la force et la consistance pour arriver à la confession de Jésus-Christ jusqu’au sang ».

Francis Cousin

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Image dim Passion du Christ A




Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur – Homélie du Père Louis DATTIN (Mt 26, 14-27)

 Entrée de Jésus à Jérusalem

Mt 26, 14-27

Au début de cette liturgie, nous voyons Jésus entrant dans les murs de Jérusalem : il est acclamé par une foule enthousiaste « Hosannah ! Béni celui qui vient ! ». Les branches agitées disent la création toute entière qui exulte : « Elle aussi, nous dit St-Paul, est libérée de la servitude ». Les manteaux et les châles sont étalés sur son passage. Tous crient : « Voici ton roi ! »

 

Quelques jours plus tard, cependant, voici Jésus. Il sort des murs de Jérusalem. L’âne n’est plus là pour le porter, au contraire, c’est Jésus qui porte sa croix, dépouillé de ses vêtements, il va mourir au milieu d’une foule haineuse ou indifférente.

Que s’est-il passé entre cette entrée triomphale et cette sortie misérable ? Voilà ce que la liturgie d’aujourd’hui nous force à revivre, bon gré mal gré, car aujourd’hui, nous aussi, nous avons fait entrer Jésus dans nos murs. C’était à nos risques : quelle bêtise ! Aucun de nous n’en sortira intact. Aucun de nous ne pourra supporter le regard et le silence de ce condamné. Nous le renierons, nous le tuerons, nous aussi, c’est sûr.

Nous serons à la fois tous les personnages de la Passion et nous le savons bien et nous le sentons bien ! Nous avons été les hommes de main qui ont arrêté Jésus, les grands prêtres et le Sanhédrin qui se sont permis de le juger.

Nous sommes aussi Ponce Pilate qui n’ose pas se compromettre et qui laisse faire et aussi Hérode, à la fois curieux et voulant lui faire faire des miracles comme un prestidigitateur.

Nous sommes Pierre, qui suit Jésus, de loin, et qui le renie trois fois : « Je ne connais pas cet homme ».

Nous sommes les valets et les soldats qui l’affublent comme un roi de comédie, le soufflètent et se moquent de lui et se mettent à genoux devant lui : « Salut, roi des juifs, devine qui t’a frappé ? »

Nous sommes cette foule qui a crié : « Hosannah ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » et qui maintenant réclame sa mort.

₋ « Vais-je le libérer ? »

₋ « Non ! Libère plutôt Barrabas ! »

₋ « Et lui ? Que vais-je en faire ? »

₋ « Crucifie-le ! », « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ».

Ils ne croyaient pas si bien dire. C’est le Baptême et l’Eucharistie qui sont annoncés.

Nous sommes Judas, qui, pendant ce temps-là, n’a pu survivre à sa trahison. Il n’a plus osé croiser le regard de Jésus, il savait, dès lors, que sa vie était finie, sans objet… A-t-on jamais été plus bas dans le désespoir ? Comme il a dû souffrir ! « Il eut mieux valu pour lui ne pas naître ».

Pierre, lui, a osé revoir Jésus et la miséricorde est venue sur lui à gros sanglots. Jésus est dans nos murs et nous n’allons pas nous en tirer à si bon compte. Judas, Pierre, Caïphe ou Pilate mais peut-être aussi ce drame va-t-il, non pas nous enfoncer mais nous promouvoir : pécheur libéré comme Barrabas, porteur de croix derrière Jésus comme Simon de Cyrène peut-être y a-t-il parmi nous des bons ou des mauvais larrons. Celui qui est sauvé : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis », « Seigneur, souviens-toi de moi », « Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même et nous avec toi ! », il ne croyait pas si bien dire, lui aussi !

Peut-être aussi pendant cette Sainte Semaine, serons-nous au pied de la croix, en compagnie de Madeleine qui comprend maintenant pourquoi elle a pu être pardonnée, en compagnie de Jean, le seul à avoir suivi Jésus jusqu’au bout, en compagnie de Marie qui se rappelle la prophétie de Siméon :

« Un glaive te transpercera le cœur », « Cet enfant causera la chute et le relèvement de beaucoup ».

Nous entendons les injures et les moqueries des passants, les soldats qui se partagent ses vêtements tandis que leur chef, en regardant Jésus, déclare : « Vraiment, cet homme est le Fils de Dieu ».

« Qu’il descende de la croix maintenant, crient certains, et nous croirons en lui » et c’est justement parce qu’il n’en est pas descendu, que nous croyons en lui, parce qu’il nous a aimés jusqu’au bout, jusqu’à la mort… et la mort de la croix !

 « Eh bien, voyons si Dieu va le sauver » ; oui il le sauvera, il le ressuscitera et nous avec lui ; c’est le sauvetage collectif de la mort et du péché.  Ce sera Pâques : le passage de la mort à la vie.  « Seigneur, laisse-moi malgré tout, t’acclamer aujourd’hui. Hosannah ! »

Cette semaine qui vient sera dure. Mon péché sera mis à nu ; ce sera l’agonie au Mont des Oliviers ; ce sera Vendredi Saint. Mais, mieux loti que Pierre ou Judas, je sais que ta miséricorde en moi, aura le dernier mot ; ce sera le dimanche de Pâques.

D’ici là, avec tous mes frères, je crie :

« Hosannah, au plus haut des cieux ! », « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ».

Le Royaume entrevu aujourd’hui sera mon espérance tout au long de cette semaine de descente aux enfers, avant de voir se lever le petit matin du soleil levant : celui de Pâques.  AMEN