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Audience Générale du Mercredi 13 janvier 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 13 janvier 2021


Catéchèse – 21. La prière de louange

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons notre catéchèse sur la prière, et nous nous consacrons aujourd’hui à la dimension de la louange.

Nous partons d’un passage critique de la vie de Jésus. Après les premiers miracles et la participation des disciples à l’annonce du Royaume de Dieu, la mission du Messie traverse une crise. Jean-Baptiste est pris d’un doute et lui fait parvenir ce message – Jean est en prison: « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11, 3) ; Il sent cette angoisse de  ne pas savoir s’il s’est trompé dans son annonce. Il y a toujours dans la vie des moments sombres, des moments de nuit spirituelle, et Jean traverse l’un de ces moments. Il règne une certaine hostilité dans les villages sur le lac, où Jésus avait accompli de nombreux signes prodigieux (cf. 11, 20-24). A présent, précisément en ce moment de déception, Matthieu rapporte un fait véritablement surprenant : Jésus n’élève pas une lamentation vers le Père, mais un hymne de jubilation : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). C’est-à-dire en pleine crise,  en pleine obscurité dans l’âme de tant de personnes, comme Jean-Baptiste,  Jésus bénit le Père, Jésus   loue le Père. Mais pourquoi ?

Avant tout il le loue pour ce qu’il est : « Père,  Seigneur du ciel et de la terre ». Jésus se réjouit dans son esprit parce qu’il sait et il sent que son Père est le Dieu de l’univers, et inversement, le Seigneur de tout ce qui existe est le Père, « mon Père ». C’est de cette expérience de se sentir « fils du Très-Haut » que jaillit la louange. Jésus se sent fils du Très-Haut.

Puis Jésus loue le Père parce qu’il privilégie les petits. C’est ce dont il fait lui-même l’expérience, en prêchant dans les villages : les « sages » et les « intelligents » sont suspicieux et fermés, font des calculs; tandis que les « petits » s’ouvrent et accueillent le message. Cela ne peut qu’être la volonté du Père, et Jésus s’en réjouit. Nous aussi nous devons nous réjouir et louer Dieu parce que les personnes humbles et simples accueillent l’Evangile. Je me réjouis quand je vois ces gens simples, ces gens humbles qui vont en pèlerinage, qui vont prier, qui chantent, qui louent, des gens auxquels il manque peut-être beaucoup de choses, mais l’humilité les conduit à louer Dieu. Dans l’avenir du monde et dans les espérances des Eglises, il y a toujours les « petits » : ceux qui ne se considèrent pas meilleurs que les autres, qui sont conscients de leurs limites et de leurs péchés, qui ne veulent pas dominer les autres, qui, en Dieu le Père, se reconnaissent tous frères.

Donc, en ce moment d’échec apparent, où tout est obscur, Jésus prie en louant le Père. Et sa prière nous conduit aussi, nous lecteurs de l’Evangile, à juger de manière différente nos échecs personnels, les situations où nous ne voyons pas clairement la présence et l’action de Dieu, quand il semble que prévaut le mal et qu’il n’existe aucune façon de l’arrêter. Jésus, qui a pourtant tant recommandé la prière de demande, précisément au moment où il aurait eu un motif de demander des explications au Père,  se met en revanche à le louer. Cela semble une contradiction, mais c’est là, la vérité.

 

A qui sert la louange ? A nous ou à Dieu ? Un texte de la liturgie eucharistique nous invite à prier Dieu de cette manière, il dit:  « Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ notre Seigneur » (Missel romain, préface commune IV). En louant, nous sommes sauvés.

La prière de louange nous sert à nous aussi. Le Catéchisme la définit ainsi : « Elle participe à la béatitude des cœurs purs qui l’aiment dans la foi avant de le voir dans la Gloire » (n. 2639). Paradoxalement, elle doit être pratiquée non seulement quand la vie nous remplit de bonheur, mais surtout dans les moments difficiles, dans les moments sombres quand le chemin grimpe. Cela aussi est le temps de la louange, comme Jésus, qui dans les moments sombres, loue le Père. Parce que nous apprenons qu’à travers cette montée, ce sentier difficile, ce sentier fatigant, ces passages difficiles, on arrive à voir un panorama nouveau, un horizon plus ouvert. Louer est comme respirer de l’oxygène pur : cela purifie ton âme, porte ton regard au loin, ne te laisse pas prisonnier dans les moments difficiles et sombres des difficultés.

Il y a un grand enseignement dans la prière qui depuis huit siècles, n’a jamais cessé de vibrer, et que saint François composa vers la fin de sa vie : le « Cantique de frère soleil » ou « des créatures ». Le « Poverello » ne la composa pas dans un moment de joie, de bien-être, mais au contraire au milieu des difficultés. François est désormais presque aveugle, et il ressent dans son âme le poids d’une solitude qu’il n’avait jamais éprouvée auparavant : le monde n’a pas changé depuis le début de sa prédication, certains se laissent encore déchirer par les querelles, et de plus, il perçoit les pas de la mort qui se font plus proches. Ce pourrait être le moment de la déception de cette déception  extrême, et de la perception de son échec. Mais à cet instant de tristesse, en cet instant sombre, François prie : « Loué sois-tu, mon Seigneur… ». Il prie en louant. François loue Dieu pour tout, pour tous les dons de la création, et aussi pour la mort, qu’il appelle avec courage « sœur », « sœur mort ». Ces exemples des saints, des chrétiens, et aussi de Jésus, de louer Dieu dans les moments difficiles, nous ouvrent  les portes d’un chemin très grand vers le Seigneur et nous purifient toujours. La louange purifie toujours.

Les saints et les saintes nous montrent que l’on peut toujours louer, dans le bien et dans le mal, parce que Dieu est l’Ami fidèle.  Tel est le fondement de la louange : Dieu est l’Ami fidèle, et son amour  ne fait jamais défaut. Il est toujours à nos côtés, Il nous attend toujours. Quelqu’un disait : « C’est la sentinelle qui est à tes côtés et qui te fait aller de l’avant dans la sécurité ». Dans les moments difficiles et obscurs, trouvons le courage de dire : « Béni sois-tu, ô Seigneur ». Louer le Seigneur, cela nous fera beaucoup de bien.


Je suis heureux de saluer les personnes de langue française ! En cette année consacrée à Saint Joseph, qu’au milieu de nos joies et de nos crises, nos cœurs soient toujours habités par l’esprit de louange.

A tous, je donne ma bénédiction !





Audience Générale du Mercredi 16 décembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 16 décembre 2020


Catéchèse – 19. La prière d’intercession

Résumé :

Frères et sœurs, une prière qui ne recueille pas les joies et les douleurs, les espérances et les angoisses de l’humanité devient une activité « décorative ». Nous avons tous besoin de nous retirer dans un espace et un temps consacrés à notre relation avec Dieu. Les hommes et les femmes de prière cherchent la solitude et le silence pour mieux écouter la voix de Dieu. Quiconque peut frapper à la porte de la personne qui prie et trouver en elle un cœur plein de compassion. Il y a une expérience de l’humain dans chaque prière, car les personnes, quelles que soient leurs erreurs, ne doivent pas être refusées ou rejetées. Lorsqu’un croyant, mû par l’Esprit Saint, prie pour les pécheurs, il ne fait pas de sélection et n’émet pas de jugements de condamnation. Le monde va de l’avant grâce à ceux qui prient en intercédant. L’Eglise, dans tous ses membres, a la mission de pratiquer la prière d’intercession, particulièrement ceux qui ont un rôle de responsabilité. Nous sommes tous des feuilles du même arbre : chacune, lorsqu’elle se détache, nous rappelle que nous devons nous soutenir les uns les autres dans la prière.

Je suis heureux de saluer les personnes de langue française ! Dans l’attente de l’Emmanuel, le Bon Pasteur, soyons des hommes et des femmes qui assument les joies et les douleurs, les espérances et les angoisses de l’humanité dans la prière d’intercession.

A tous, je donne ma bénédiction !





Audience Générale du Mercredi 9 décembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 9 décembre 2020


Catéchèse – 18. La prière de demande

Chers frères et sœur, bonjour!

Nous poursuivons nos réflexions sur la prière. La prière chrétienne est pleinement humaine – nous prions comme des personnes humaines, comme nous le sommes –, elle comprend la louange et la supplique. En effet, quand Jésus a enseigné à ses disciples à prier, il l’a fait avec le « Notre Père », afin que nous nous plaçions avec Dieu dans une relation de confiance filiale et que nous lui adressions toutes nos demandes. Nous implorons Dieu pour les dons les plus grands: la sanctification de son nom parmi les hommes, l’avènement de son règne, la réalisation de sa volonté de bien à l’égard du monde. Le Catéchisme rappelle: «Il y a une hiérarchie dans les demandes : d’abord le Royaume, ensuite ce qui est nécessaire pour l’accueillir et pour coopérer à sa venue» (n. 2632). Mais dans le “Notre Père” nous prions également pour les dons plus simples, pour les dons de tous les jours, comme le “pain quotidien” – qui signifie également la santé, une maison, un travail, les choses de tous les jours; et cela veut aussi dire pour l’Eucharistie, nécessaire pour la vie en Christ –; de même que nous prions pour le pardon des péchés – qui est une chose quotidienne; nous avons toujours besoin de pardon – ensuite pour la paix dans nos relations; et, enfin, pour qu’Il nous aide dans les tentations et qu’il nous libère du mal.

Demander, supplier. Cela est très humain. Ecoutons encore le Catéchisme: «C’est par la prière de demande que nous traduisons la conscience de notre relation à Dieu : créatures, nous ne sommes ni notre origine, ni maître des adversités, ni notre fin ultime, mais aussi, pécheurs, nous savons, comme chrétiens, que nous nous détournons de notre Père. La demande est déjà un retour vers Lui» (n. 2629).

Si quelqu’un se sent mal parce qu’il a fait de mauvaises choses – c’est un pécheur – quand il prie le Notre Père, il se rapproche déjà du Seigneur. Parfois nous pouvons croire que nous n’avons besoin de rien, que nous nous suffisons à nous-mêmes et que nous vivons dans l’autosuffisance complète. Parfois cela arrive! Mais tôt ou tard, cette illusion s’évanouit. L’être humain est une invocation, qui parfois devient un cri, souvent retenu. L’âme ressemble à une terre desséchée, assoiffée, comme le dit le Psaume (cf. Ps 63, 2). Nous faisons tous l’expérience, à un moment ou l’autre de notre existence, du temps de la mélancolie ou de la solitude. La Bible n’a pas honte de montrer la condition humaine marquée par la maladie, par les injustices, par la trahison des amis, ou par les menaces des ennemis. Il semble parfois que tout s’effondre, que la vie vécue jusqu’à présent a été vaine. Et dans ces situations apparemment sans débouché, il y a une unique issue: le cri, la prière: «Seigneur, aide-moi!». La prière ouvre des soupiraux de lumière dans les ténèbres les plus sombres. «Seigneur, aide-moi!». Cela ouvre la route, ouvre le chemin.

Nous les êtres humains, nous partageons cette invocation d’aide avec toute la création. Nous ne sommes pas les seuls à “prier” dans cet univers infini: chaque fragment de la création porte inscrit le désir de Dieu. Et saint Paul l’a exprimé de cette manière. Il dit ce qui suit: «Nous le savons en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement» (Rm 8, 22-24). En nous retentit le gémissement multiforme des créatures: des arbres, des rochers, des animaux … Chaque chose aspire à un accomplissement. Tertullien a écrit: «Chaque être créé prie, les animaux et les fauves prient et s’agenouillent; quand ils sortent des étables ou des tanières, ils lèvent la tête vers le ciel et ne restent pas la bouche fermée, ils font retentir leur cri selon leurs habitudes. Et les oiseaux aussi, dès qu’ils prennent leur envol, s’élèvent vers le ciel et ouvrent leurs ailes comme si c’était des mains en forme de croix, en gazouillant quelque chose qui ressemble à une prière » (De oratione, XXIX). Il s’agit d’une expression poétique pour faire un commentaire à ce que saint Paul dit, « que toute la création gémit, prie»Mais nous sommes les seuls à prier de manière consciente, à savoir que nous nous adressons au Père et à entrer en dialogue avec le Père.

Nous ne devons donc pas nous scandaliser si nous sentons le besoin de prier, ne pas avoir honte. Et surtout, quand nous sommes dans le besoin, demander. En parlant d’un homme malhonnête qui doit faire ses comptes avec son maître, Jésus dit cela: “Demander, j’ai honte”. Et beaucoup d’entre nous éprouvent ce sentiment: nous avons honte de demander; de demander de l’aide, de demander quelque chose à quelqu’un pour nous aider à faire, à arriver à ce but, et aussi honte de demander à Dieu. Il ne faut pas avoir honte de prier et de dire: “Seigneur, j’ai besoin de cela”, “Seigneur, je suis en difficulté”, “Aide-moi!”. C’est le cri du cœur vers Dieu qui est Père. Et nous devons apprendre à le faire également dans les moments heureux; rendre grâce à Dieu pour chaque chose qui nous a été donnée, et ne rien considérer comme évident ou dû: tout est grâce. Le Seigneur nous donne toujours, toujours, et tout est grâce, tout. La grâce de Dieu. Cependant, n’étouffons pas la supplique qui naît en nous spontanément. La prière de demande va de pair avec l’acceptation de notre limite et de notre condition de créature. On peut aussi ne pas arriver à croire en Dieu, mais il est difficile de ne pas croire dans la prière: celle-ci existe simplement; elle se présente à nous comme un cri; et nous avons tous affaire avec cette voix intérieure qui peut peut-être se taire pendant longtemps, mais qui un jour se réveille et crie.

Frère et sœurs, nous savons que Dieu répondra. Il n’y a pas d’orant dans le Livre des Psaumes qui élève sa lamentation et qui ne soit pas écouté. Dieu répond toujours: aujourd’hui, demain, mais il répond toujours, d’une manière ou d’une autre. Il répond toujours. La Bible le répète un nombre infini de fois : Dieu écoute le cri de celui qui l’invoque. Même nos demandes balbutiantes, celles qui sont restées au fond de notre cœur, que nous avons honte d’exprimer, le Père les écoute et il veut nous donner son Esprit Saint, qui anime chaque prière et transforme chaque chose. C’est une question de patience, toujours, de supporter l’attente. A présent, nous sommes dans le temps de l’Avent, un temps typique d’attente pour Noël. Nous sommes en attente. On le voit bien. Mais toute notre vie est également en attente. Et la prière est toujours en attente, parce que nous savons que le Seigneur répondra. Même la mort tremble quand un chrétien prie, car elle sait que chaque orant a un allié plus fort qu’elle: le Seigneur Ressuscité. La mort a déjà été vaincue dans le Christ, et le jour viendra où tout sera définitif, et elle ne se moquera plus de notre vie et de notre bonheur. Apprenons à être dans l’attente du Seigneur. Le Seigneur vient nous rendre visite, pas seulement pendant ces grandes fêtes – Noël, Pâques -, le Seigneur nous rend visite chaque jour dans l’intimité de notre cœur si nous sommes dans l’attente. Et très souvent, nous ne nous rendons pas compte que le Seigneur est proche, qu’il frappe à notre porte et nous le laissons passer. “J’ai peur de Dieu quand il passe; j’ai peur qu’il passe et de ne pas m’en apercevoir”, disait saint Augustin. Et le Seigneur passe, le Seigneur vient, le Seigneur frappe. Mais si tu as les oreilles pleines d’autres bruits, tu n’entendras pas l’appel du Seigneur.

Frères et sœurs, être dans l’attente: voilà ce qu’est la prière!


Je salue cordialement les personnes de langue française. Hier nous avons célébré la solennité de l’Immaculée Conception. Apprenons de la Vierge Marie à nous tourner avec confiance vers son Fils Jésus, et confions-lui toutes nos demandes pour qu’elle les lui présente. Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 2 décembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 décembre 2020


Catéchèse – 17. La bénédiction

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur une dimension essentielle de la prière: la bénédiction. Nous continuons les réflexions sur la prière. Dans les récits de la création (cf.  Gn 1-2) Dieu bénit sans cesse la vie, toujours. Il bénit les animaux (1, 22), il bénit l’homme et la femme (1, 28), enfin il bénit le sabbat, jour du repos et de la jouissance de toute la création (2, 3). C’est Dieu qui bénit. Dans les premières pages de la Bible, c’est une répétition incessante de bénédictions. Dieu bénit, mais les hommes aussi bénissent, et très vite on découvre que la bénédiction possède une force spéciale, qui accompagne pendant toute sa vie celui qui la reçoit, et qui dispose le cœur de l’homme à se laisser changer par Dieu (Conc. Oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 61).

Au début du monde, il y a donc Dieu qui  “dit-bien”, bien-dit [bénir : du latin benedicere, littéralement dire du bien], dit-bien. Il voit que chaque œuvre de ses mains est bonne et belle, et quand il arrive à l’homme, et que la création s’accomplit, il reconnaît qu’elle est «très bonne» (Gn 1, 31). Peu après, cette beauté que Dieu a imprimée dans son œuvre s’altérera, et l’être humain deviendra une créature dégénérée, capable de diffuser dans le monde le mal et la mort; mais rien ne pourra jamais effacer la première empreinte de Dieu, une empreinte de bonté que Dieu a placée dans le monde, dans la nature humaine, en nous tous: la capacité de bénir et le fait d’être bénis. Dieu ne s’est pas trompé avec la création  et pas davantage avec la création de l’homme. L’espérance du monde réside entièrement dans la bénédiction de Dieu: Il continue à nous aimer, Lui le premier, comme le dit le poète Péguy,[1] continue à espérer notre bien.

La grande bénédiction de Dieu est Jésus Christ, c’est le grand don Dieu, son Fils. C’est une bénédiction pour toute l’humanité, c’est une bénédiction qui nous a tous sauvés. Il est la Parole éternelle avec laquelle le Père nous a bénis «alors que nous étions encore pécheurs» (Rm 5, 8) dit saint Paul: Parole faite chair et offerte pour nous sur la croix.

Saint Paul proclame avec émotion le dessein d’amour de Dieu et il dit ainsi: «Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé» (Ep 1, 3-6). Il n’y a pas de péché qui puisse effacer complètement l’image du Christ présent en chacun de nous. Aucun péché ne peut effacer cette image que Dieu nous a donnée. L’image du Christ. Il peut la défigurer, mais pas la soustraire à la miséricorde de Dieu. Un pécheur peut rester dans ses erreurs pendant très longtemps, mais Dieu patiente jusqu’au bout, en espérant qu’à la fin ce cœur s’ouvre et change. Dieu est comme un bon père et comme une bonne mère, Lui aussi est une bonne mère: ils ne cessent jamais d’aimer leur enfant, pour autant qu’il puisse se tromper, toujours. Il me vient à l’esprit les nombreuses fois où j’ai vu des gens faire la queue pour entrer dans une prison. Tant de mères faisant la queue pour entrer et voir leur fils détenu: elles ne cessent pas d’aimer leur fils et elles savent que les gens qui passent en bus pensent: «Ah, c’est la mère d’un détenu». Pourtant elles n’ont pas honte de cela, ou plutôt, elles ont honte mais elles vont de l’avant, parce que leur fils est plus important que la honte. De même, nous sommes plus importants pour Dieu que tous les péchés que nous pouvons commettre, car Il est père, il est mère, il est amour pur, Il nous a bénis pour toujours. Et il ne cessera jamais de nous bénir.

Une expérience forte est de lire ces textes bibliques de bénédiction dans une prison, ou dans une communauté de réinsertion. Faire sentir à ces personnes qu’elles restent bénies malgré leurs graves erreurs, que le Père céleste continue à vouloir leur bien et à espérer qu’elles s’ouvrent finalement au bien. Même si leurs parents les plus proches les ont abandonnées, parce qu’ils les jugent désormais irrécupérables, pour Dieu ce sont toujours ses enfants. Dieu ne peut pas effacer en nous l’image du fils, chacun de nous est fils, est fille. On voit parfois des miracles se produire: des hommes et des femmes qui renaissent. Car ils trouvent cette bénédiction qui les a oints comme fils. Car la grâce de Dieu change la vie: elle nous prend comme nous sommes, mais elle ne nous laisse jamais comme nous sommes.

Pensons par exemple à ce qu’a fait Jésus avec Zachée (cf. Lc 19, 1-10). Tous voyaient le mal en lui; Jésus, en revanche, y aperçoit une lueur de bien, et de là, de sa curiosité de voir Jésus, il fait passer la miséricorde qui sauve. C’est ainsi qu’a d’abord changé le cœur de Zachée et ensuite sa vie. Dans les personnes rejetées et refusées, Jésus voyait la bénédiction indélébile du Père. Zachée est un pécheur public, il a fait beaucoup de mauvaises choses, mais Jésus voyait ce signe indélébile de la bénédiction du Père, d’où sa compassion. Cette phrase qui revient si souvent dans l’Evangile, «il en eut compassion», et cette compassion le conduit à l’aider et à changer son cœur.  Plus encore, il est arrivé à s’identifier lui-même avec chaque personne dans le besoin (cf. Mt 25, 31-46). Dans le passage du «protocole» final selon lequel nous serons tous jugés, Matthieu25, Jésus dit: «J’avais faim, j’étais nu, j’étais en prison, j’étais à l’hôpital, j’étais là…».

A Dieu qui bénit, nous répondons nous aussi en bénissant – Dieu nous a enseigné à bénir et nous devons bénir – : c’est la prière de louange, d’adoration, d’action de grâce. Le Catéchisme écrit: «La prière de bénédiction est la réponse de l’homme aux dons de Dieu: parce que Dieu bénit, le cœur de l’homme peut bénir en retour Celui qui est la source de toute bénédiction» (n. 2626). La prière est joie et reconnaissance. Dieu n’a pas attendu que nous nous convertissions pour commencer à nous aimer, mais Il l’a fait bien avant, quand nous étions encore dans le péché.

Nous ne pouvons pas seulement bénir ce Dieu qui nous bénit, nous devons tout bénir en Lui, tous les gens, bénir Dieu et bénir nos frères, bénir le monde: c’est la racine de la douceur chrétienne, la capacité de se sentir bénis et la capacité de bénir. Si nous faisions tous ainsi, les guerres n’existeraient sûrement pas. Ce monde a besoin de bénédiction et nous pouvons donner la bénédiction et recevoir la bénédiction.  Le Père nous aime. Et il ne nous reste que la joie de le bénir et la joie de lui rendre grâce, et d’apprendre de Lui à ne pas maudire, mais à bénir. Et à présent, juste un mot pour les gens qui sont habitués à maudire, les gens qui ont toujours dans leur bouche, également dans leur cœur, une mauvaise parole, une malédiction. Chacun de nous peut se demander: est-ce que j’ai cette habitude de maudire ainsi? Et demander au Seigneur la grâce de changer cette habitude, car nous avons un cœur béni et d’un cœur béni ne peut pas sortir la malédiction. Que le Seigneur nous enseigne à ne jamais maudire, mais à bénir.


[1] Le porche du mystère de la deuxième vertu, première éd.  1911.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Frères et sœurs, en ce temps de l’Avent, apprenons de la Vierge Marie, à être porteurs d’une parole de bénédiction pour ceux qui souffrent et qui ont perdu toute espérance.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 25 Novembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 25 Novembre 2020


Catéchèse – 16. La prière de l’Eglise naissante

Chers frères et sœurs, bonjour!

Les premiers pas de l’Eglise dans le monde ont été rythmés par la prière. Les écrits apostoliques et la grande narration des Actes des apôtres nous décrivent l’image d’une Eglise en chemin, une Eglise active, qui trouve cependant dans les réunions de prière la base et l’impulsion pour l’action missionnaire. L’image de la communauté primitive de Jérusalem est un point de référence pour toute autre expérience chrétienne. Luc écrit dans le Livre des Actes: «Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières» (2, 42). La communauté persévère dans la prière.

Nous trouvons ici quatre caractéristiques essentielles de la vie ecclésiale: premièrement, l’écoute de l’enseignement des apôtres; deuxièmement,  la préservation de la communion réciproque; troisièmement, la fraction du pain et, quatrièmement,  la prière. Celles-ci nous rappellent que l’existence de l’Eglise a un sens si elle reste solidement unie au Christ, c’est-à-dire dans la communauté, dans sa Parole, dans l’Eucharistie et dans la prière. C’est la manière de nous unir, nous, au Christ. La prédication et la catéchèse témoignent des paroles et des gestes du Maître; la recherche constante de la communion fraternelle préserve des égoïsmes et des particularismes; la fraction du pain réalise le sacrement de la présence de Jésus parmi nous: Il ne sera jamais absent, dans l’Eucharistie, c’est vraiment Lui.  Il vit et marche avec nous. Et enfin, la prière, qui est l’espace de dialogue avec le Père, à travers le Christ dans l’Esprit Saint.

Tout ce qui dans l’Eglise grandit en dehors de ces “coordonnées”, est privé de fondement. Pour discerner une situation, nous devons nous demander comment sont, dans cette situation, ces quatre coordonnées: la prédication, la recherche constante de la communion fraternelle – la charité -, la fraction du pain – c’est-à-dire la vie eucharistique – et la prière. Toute situation doit être évaluée à la lumière de ces quatre coordonnées. Ce qui ne rentre pas dans ces coordonnées est privé d’ecclésialité, n’est pas ecclésial. C’est Dieu qui fait l’Eglise, pas la clameur des œuvres. L’Eglise n’est pas un marché; l’Eglise n’est pas un groupe d’entrepreneurs qui vont de l’avant avec cette entreprise nouvelle. L’Eglise est l’œuvre de l’Esprit Saint, que Jésus nous a envoyé pour nous rassembler. L’Eglise est précisément le travail de l’Esprit dans la communauté chrétienne, dans la vie communautaire, dans l’Eucharistie, dans la prière, toujours. Et tout ce qui grandit en dehors de ces coordonnées est privé de fondement, est comme  une maison construite sur le sable (cf. Mt 7, 24). C’est Dieu qui fait l’Eglise pas la clameur des œuvres. C’est la parole de Jésus qui remplit de sens nos efforts. C’est dans l’humilité que se construit l’avenir du monde.

Parfois, je ressens une grande tristesse quand je vois certaines communautés qui, avec de la bonne volonté, se trompent de chemin, parce qu’elles pensent faire l’Eglise avec des rassemblements, comme si c’était un parti politique:  la majorité, la minorité, que pense celui-là, celui-ci, l’autre… “C’est comme un synode, un chemin synodal que nous devons faire”. Je me demande: où est l’Esprit? Où est la prière? Où est l’amour communautaire? Où est l’Eucharistie? Sans ces quatre coordonnées, l’Eglise devient une société humaine, un parti politique – majorité, minorité  –, on fait les changements comme s’il s’agissait d’une entreprise, par majorité ou minorité… Mais ce n’est pas l’Esprit Saint. Et la présence de l’Esprit Saint est précisément garantie par ces quatre coordonnées. Pour évaluer une situation, si elle est ecclésiale ou si elle n’est pas ecclésiale, demandons-nous s’il y a ces quatre coordonnées: la vie communautaire, la prière, l’Eucharistie… [la prédication], comment se développe la vie dans ces quatre coordonnées. Si cela manque, l’Esprit manque, et si l’Esprit manque nous serons une belle association humanitaire, de bienfaisance, c’est bien, c’est bien, également un parti, disons ainsi, ecclésial, mais il n’y a pas l’Eglise. Et c’est pourquoi l’Eglise ne peut pas grandir avec ces choses: elle grandit non par prosélytisme, comme n’importe quelle entreprise, mais par attraction. Et qui anime l’attraction? L’Esprit Saint. N’oublions jamais cette parole de Benoît XVI: “L’Eglise ne grandit pas par prosélytisme, elle grandit par attraction”. Si l’Esprit Saint manque, alors que c’est ce qui attire à Jésus, il n’y a pas l’Eglise. Il y a un beau club d’amis, c’est bien, avec de bonnes intentions, mais il n’y a pas l’Eglise, il n’y a pas de synodalité.

En lisant les Actes des apôtres, nous découvrons alors que le puissant moteur de l’évangélisation sont les réunions de prière, où celui qui participe fait l’expérience vivante de la présence de Jésus et est touché par l’Esprit. Les membres de la première communauté – mais cela est toujours valable, également pour nous aujourd’hui – perçoivent que l’histoire de la rencontre avec Jésus ne s’est pas arrêtée au moment de l’Ascension, mais continue dans leur vie. En racontant ce qu’a dit et fait le Seigneur – l’écoute de la Parole – , en priant pour entrer en communion avec Lui, tout devient vivant. La prière diffuse la lumière et la chaleur: le don de l’esprit fait naître en elles la ferveur.

A ce propos, le Catéchisme a une expression très riche. Il dit ainsi: «L’Esprit Saint […] rappelle ainsi le Christ à son Eglise orante, la conduit aussi vers la Vérité tout entière et suscite des formulations nouvelles qui exprimeront l’insondable Mystère du Christ, à l’œuvre dans la vie, les sacrements et la mission de son Eglise» (n. 2625). Voilà l’œuvre de l’Esprit dans l’Eglise: rappeler Jésus. Jésus lui-même l’a dit: Il vous enseignera et vous rappellera. La mission est rappeler Jésus, mais pas comme un exercice mnémonique. Les chrétiens, en marchant sur les chemins de la mission, rappellent Jésus alors qu’ils le rendent  à nouveau présent; et de Lui, de son Esprit, ils reçoivent l’“élan” pour aller, pour annoncer, pour servir. Dans la prière, le chrétien se plonge dans le mystère de Dieu qui aime chaque homme, ce Dieu qui désire que l’Evangile soit prêché à tous. Dieu est Dieu pour tous, et en Jésus chaque mur de séparation est définitivement détruit: comme le dit saint Paul, Il est notre paix, c’est-à-dire «celui qui des deux n’a fait qu’un peuple» (Ep 2, 14). Jésus a fait l’unité.

Ainsi, la vie de l’Eglise primitive est rythmée par une succession incessante de célébrations, de convocations, de temps de prière aussi bien communautaire que personnelle. Et c’est l’Esprit qui donne la force aux prédicateurs qui se mettent en voyage, et qui par amour de Jésus sillonnent les mers, affrontent des dangers, se soumettent à des humiliations.

Dieu donne de l’amour, Dieu demande de l’amour. Telle est la racine mystique de toute la vie croyante. Les premiers chrétiens en prière, mais également nous qui venons de nombreux siècles après, vivons tous la même expérience. L’Esprit anime chaque chose. Et chaque chrétien qui n’a pas peur de consacrer du temps à la prière peut faire siennes les paroles de l’apôtre Paul: «Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi» (Ga 2,20). La prière te rend conscient de cela. Ce n’est que dans le silence de l’adoration que l’on fait l’expérience de toute la vérité de ces paroles. Nous devons retrouver le sens de l’adoration. Adorer, adorer Dieu, adorer Jésus, adorer l’Esprit. Le Père, le Fils et l’Esprit: adorer. En silence. La prière d’adoration est la prière qui nous fait reconnaître Dieu comme début et fin de toute l’histoire. Et cette prière est le feu vivant de l’Esprit qui donne force au témoignage et à la mission. Merci.


Je salue cordialement les personnes francophones. L’Eglise entrera dimanche dans le temps de l’Avent. Accompagnés de la Mère de Jésus sur le chemin vers Noël, en ces temps difficiles pour beaucoup, sachons retrouver la grande espérance et la joie que nous donne la venue du Fils de Dieu dans le monde. Que le Seigneur vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 18 Novembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 18 Novembre 2020


Catéchèse – 15. La Vierge Marie, femme de prière

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dans notre chemin de catéchèse sur la prière, nous rencontrons aujourd’hui la Vierge Marie, comme femme de prière. La Vierge priait. Quand le monde l’ignore encore, quand elle est encore une simple jeune fille fiancée à un homme de la maison de David, Marie prie. Nous pouvons imaginer la jeune fille de Nazareth recueillie en silence, en dialogue permanent avec Dieu, qui bientôt devait lui confier sa mission. Elle est déjà pleine de grâce et immaculée depuis sa conception, mais elle ne sait encore rien de sa vocation surprenante et extraordinaire et de la mer en tempête qu’elle devra sillonner. Une chose est certaine: Marie appartient au grand groupe de ces humbles de cœur que les historiens officiels n’insèrent pas dans leurs livres, mais avec lesquels Dieu a préparé la venue de son Fils.

Marie ne dirige pas sa vie de façon autonome: elle attend que Dieu prenne les rênes de son chemin et la guide où Il veut. Elle est docile, et avec cette disponibilité elle prédispose les grands événements auxquels Dieu participe dans le monde. Le Catéchisme nous rappelle sa présence constante et attentive dans le dessein bienveillant du Père et tout au long de la vie de Jésus (cf. CEC, nn. 2617-2618).

Marie est en prière, quand l’archange Gabriel vient lui apporter l’annonce à Nazareth. Son “Me voici”, petit et immense, qui à ce moment-là fait sursauter de joie la création tout entière, avait été précédé dans l’histoire du salut par tant d’autres “me voici”, par tant d’obéissances confiantes, par tant de disponibilités à la volonté de Dieu. Il n’y a pas de meilleure manière de prier que de se mettre, comme Marie, dans une attitude d’ouverture, de cœur ouvert à Dieu: “Seigneur, ce que Tu veux, quand Tu veux et comme Tu veux ”. C’est-à-dire le cœur ouvert à la volonté de Dieu. Et Dieu répond toujours. Combien de croyants vivent ainsi leur prière! Ceux qui sont les plus humbles de cœur prient ainsi: avec l’humilité essentielle, disons-le ainsi; avec une humilité simple: «Seigneur, ce que Tu veux, quand Tu veux et comme Tu veux». Et ces derniers prient ainsi, en ne se mettant pas en colère parce que les journées sont pleines de problèmes, mais en allant vers la réalité et en sachant que dans l’amour humble, dans l’amour offert dans chaque situation, nous devenons des instruments de la grâce de Dieu. Seigneur, ce que Tu veux, quand Tu veux et comme Tu veux. Une prière simple, mais c’est mettre notre vie entre les mains du Seigneur: que ce soit Lui qui nous guide. Nous pouvons tous prier ainsi, presque sans mots.

La prière sait adoucir l’inquiétude: mais, nous sommes inquiets, nous voulons toujours les choses avant de les demander et nous les voulons tout de suite. Cette inquiétude nous fait mal, et la prière sait adoucir l’inquiétude, elle sait la transformer en disponibilité. Quand je suis inquiet, je prie et la prière ouvre mon cœur et me rend disponible à la volonté de Dieu. La Vierge Marie, en ces quelques instants de l’Annonciation, a su repousser la peur, tout en ayant le présage que son “oui” lui aurait procuré des épreuves très dures. Si, dans la prière, nous comprenons que chaque jour donné à Dieu est un appel, alors nous élargissons notre cœur et nous accueillons tout. On apprend à dire: “Ce que Tu veux Seigneur. Promets-moi que tu seras présent à chaque pas de mon chemin”. Cela est important : demander sa présence au Seigneur à chaque pas de notre chemin : qu’il ne nous laisse pas seuls, qu’il ne nous abandonne pas dans la tentation, qu’il ne nous abandonne pas dans les mauvais moments. Le final du Notre Père est ainsi : la grâce que Jésus lui-même nous a enseignée à demander au Seigneur.

Marie accompagne en prière toute la vie de Jésus, jusqu’à la mort et à la résurrection; et, à la fin elle continue, et elle accompagne les premiers pas de l’Eglise naissante (cf. Ac 1,14). Marie prie avec les disciples qui ont traversé le scandale de la croix. Elle prie avec Pierre, qui a cédé à la peur et a pleuré de remords. Marie est là, avec les disciples, parmi les hommes et les femmes que son Fils a appelés pour former sa communauté. Marie ne joue pas le rôle d’un prêtre parmi eux, non ! Elle est la mère de Jésus qui prie avec eux, en communauté, comme une personne de la communauté.  Elle prie avec eux et elle prie pour eux. Et, à nouveau, sa prière précède l’avenir qui va se réaliser: par l’œuvre de l’Esprit Saint, elle est devenue la Mère de Dieu, et par l’œuvre de l’Esprit Saint, elle devient la Mère de l’Eglise. En priant avec l’Eglise naissante, elle devient la Mère de l’Eglise, elle accompagne les disciples dans les premiers pas de l’Eglise dans la prière, en attendant l’Esprit Saint. En silence, toujours en silence. La prière de Marie est silencieuse. L’Evangile nous raconte seulement une prière de Marie: à Cana, quand elle demande à son Fils, pour ces pauvres gens qui allaient faire une mauvaise impression pendant cette fête. Imaginons: faire une fête de mariage et la finir avec du lait parce qu’il n’y avait plus de vin ! Quelle mauvaise impression! Et Elle prie et demande à son Fils de résoudre ce problème. La présence de Marie est en elle-même une prière, et sa présence parmi les disciples au Cénacle, en attendant l’Esprit Saint, est en prière. Ainsi, Marie fait naître l’Eglise, elle est la Mère de l’Eglise. Le Catéchisme explique: «Dans la foi de son humble servante le Don de Dieu – c’est-à-dire l’Esprit Saint – trouve l’accueil qu’il attendait depuis le commencement des temps.» (CEC, n. 2617).

Chez la Vierge Marie, l’intuition féminine naturelle est exaltée par son union très particulière avec Dieu dans la prière. C’est pourquoi, en lisant l’Evangile, nous remarquons qu’elle semble quelquefois disparaître, pour ensuite réaffleurer dans les moments cruciaux: Marie est ouverte à  la voix de Dieu qui guide son cœur, qui guide ses pas là où il y a besoin de sa présence. Une présence silencieuse de mère et de disciple. Marie est présente parce qu’elle est Mère, mais elle est également présente parce qu’elle est la première disciple, celle qui a le mieux appris les choses de Jésus. Marie ne dit jamais: « Venez, je résoudrai les choses». Mais elle dit: «Faites ce qu’Il vous dira», toujours en indiquant Jésus du doigt. Cette attitude est typique du disciple, et elle est la première disciple: elle prie comme Mère et elle prie comme disciple.

«Quant à Marie, elle conservait avec soin tous ces souvenirs et les méditait en son cœur» (Lc 2,19). C’est ainsi que l’évangéliste Luc décrit la Mère du Seigneur dans l’Evangile de l’enfance. Tout ce qui arrive autour d’elle finit par avoir un reflet au plus profond de son cœur: les jours pleins de joie, comme les moments les plus sombres, quand elle aussi a du mal à comprendre par quelles routes doit passer la Rédemption. Tout finit dans son cœur, pour être passé au crible de la prière et être transfiguré par celle-ci. Qu’il s’agisse des dons des Rois mages, ou bien de la fuite en Egypte, jusqu’à ce terrible vendredi de passion: la Mère conserve tout et porte tout dans son dialogue avec Dieu. Certains ont comparé le cœur de Marie à une perle d’une splendeur incomparable, formée et polie par l’accueil patient de la volonté de Dieu à travers les mystères de Jésus médités en prière. Comme il serait beau que nous puissions nous aussi ressembler un peu à notre Mère! Avec le cœur ouvert à la parole de Dieu, avec le cœur silencieux, avec le cœur obéissant, avec le cœur qui sait recevoir la Parole de Dieu et qui la laisse grandir avec une semence du bien de l’Eglise.


Je suis heureux de saluer les personnes de langue française ! Le “oui” de la Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Eglise, donne à sa prière une valeur incomparable. Demandons la grâce d’être comme elle des hommes et des femmes ouverts à Dieu, afin que le Christ, Roi de l’univers, soit accueilli dans nos cœurs et dans nos vies.

A tous, je donne ma bénédiction !





Audience Générale du Mercredi 11 Novembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 11 Novembre 2020


Catéchèse – 14. La prière persévérante

Chers frères et sœur, bonjour!

Nous continuons les catéchèses sur la prière. Quelqu’un m’a dit: «Vous parlez trop sur la prière. Ce n’est pas nécessaire». Si, c’est nécessaire. Parce que si nous ne prions pas, nous n’aurons pas la force d’avancer dans la vie. La prière est comme l’oxygène de la vie. Prier, c’est attirer sur nous la présence de l’Esprit Saint qui nous fait toujours avancer. C’est pour cette raison que je parle tant sur la prière.

Jésus a donné l’exemple d’une prière continue, pratiquée avec persévérance. Le dialogue constant avec le Père, dans le silence et dans le recueillement, est le centre de toute sa mission. Les Evangiles nous rapportent également les exhortations à ses disciples, pour qu’ils prient avec insistance, sans se lasser. Le Catéchisme rappelle les trois paraboles contenues dans l’Evangile de Luc qui souligne cette caractéristique de l’oraison (cf. CEC, n. 2613) de Jésus.

La prière doit tout d’abord être tenace: comme le personnage de la parabole qui, devant accueillir un hôte arrivé à l’improviste, va frapper en pleine nuit chez un ami et lui demande du pain. L’ami lui répond “non!”, parce qu’il est déjà au lit, mais il insiste et insiste jusqu’à ce qu’il l’oblige à se lever et à lui donner le pain (cf. Lc 11, 5-8). Une demande tenace. Mais Dieu est plus patient que nous, et celui qui frappe avec foi et persévérance à la porte de son cœur n’est pas déçu. Dieu répond toujours. Toujours. Notre Père sait bien de quoi nous avons besoin; l’insistance ne sert pas à l’informer ou à le convaincre, mais elle sert à alimenter en nous le désir et l’attente.

La deuxième parabole est celle de la veuve qui s’adresse au juge pour qu’il l’aide à obtenir justice. Ce juge est corrompu, c’est un homme sans scrupules, mais à la fin, exaspéré par l’insistance de la veuve, il se décide à la satisfaire (cf. Lc 18, 1-8). Et il pense: «Il vaut mieux que je résolve son problème et que je m’en débarrasse, et qu’elle arrête de venir sans cesse se plaindre à moi». Cette parabole nous fait comprendre que la foi n’est pas l’élan d’un moment, mais une disposition courageuse à invoquer Dieu, également à “discuter” avec Lui, sans se résigner devant le mal et l’injustice.

La troisième parabole présente un pharisien et un publicain qui vont prier au Temple. Le premier s’adresse à Dieu en se vantant de ses mérites; l’autre se sent indigne ne serait-ce que d’entrer dans le sanctuaire. Cependant, Dieu n’écoute pas la prière du premier, c’est-à-dire des orgueilleux, alors qu’il exauce celle des humbles (cf. Lc 18, 9-14). Il n’y a pas de vraie prière sans esprit d’humilité. C’est précisément l’humilité qui nous conduit à demander dans la prière.

L’enseignement de l’Evangile est clair: on doit toujours prier, même quand tout semble vain, quand Dieu nous apparaît sourd et muet et qu’il nous semble perdre notre temps. Même si le ciel s’assombrit, le chrétien ne n’arrête pas de prier. Son oraison va de pair avec la foi. Et la foi, en de nombreux jours de notre vie, peut sembler une illusion, une fatigue stérile. Il y a des moments sombres dans notre vie et dans ces moments, la foi semble une illusion. Mais pratiquer la prière signifie également accepter cette fatigue. «Père, je vais prier et je ne ressens rien… je me sens comme ça, avec le cœur sec, avec le cœur aride». Mais nous devons aller de l’avant, avec cette fatigue des moments difficiles, des moments où nous ne ressentons rien. De nombreux saints et saintes ont fait l’expérience de la nuit de la foi et du silence de Dieu – quand nous frappons et que Dieu ne répond pas – et ces saints ont été persévérants.

Dans cette nuit de la foi, celui qui prie n’est jamais seul. En effet, Jésus n’est pas seulement témoin et maître de prière, il est davantage. Il nous accueille dans sa prière, pour que nous puissions prier en Lui et à travers Lui. Et cela est l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est pour cette raison que l’Evangile nous aider à prier le Père au nom de Jésus. Saint Jean rapporte ces paroles du Seigneur: «Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, pour que le Père soit glorifié dans le Fils» (14, 13). Et le Catéchisme explique que «la certitude d’être exaucés dans nos demandes est fondée sur la prière de Jésus» (n. 2614). Celle-ci donne les ailes que la prière de l’homme a toujours désiré posséder.

Comment ne pas rappeler ici les mots du psaume 91, riches de confiance, jaillis d’un cœur qui espère tout de Dieu: «Il te couvre de ses ailes, tu as sous son pennage un abri. Armure et bouclier, sa vérité. Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole de jour, ni la peste qui marche en la ténèbre, ni le fléau qui dévaste à midi» (vv. 4-6). C’est dans le Christ que s’accomplit cette prière splendide, c’est en Lui que celle-ci trouve sa pleine vérité. Sans Jésus, nos prières risqueraient de se réduire à des efforts humains, destinés le plus souvent à l’échec. Mais Il a pris sur Lui chaque cri, chaque gémissement, chaque joie, chaque supplique… chaque prière humaine. Et n’oublions pas l’Esprit Saint qui prie en nous; il est Celui qui nous amène à prier, qui nous amène à Jésus. Il est le don que le Père et le Fils nous ont donné pour aller à la rencontre de Dieu. C’est l’Esprit Saint, quand nous prions, c’est l’Esprit Saint qui prie dans nos cœurs.

Le Christ est tout pour nous, même dans notre vie de prière. C’est ce que disait saint Augustin avec une expression éclairante que nous trouvons dans le Catéchisme: Jésus «prie pour nous en tant que notre prêtre, il prie en nous en tant que notre tête, il est prié par nous en tant que notre Dieu. Reconnaissons donc en Lui nos voix et sa voix en nous» (n. 2616). Et c’est pour cela que le chrétien qui prie ne craint rien, il se remet à l’Esprit Saint, qui nous a été donné comme don et qui prie en nous, en suscitant la prière. Que ce soit l’Esprit Saint, Maître de prière, à nous enseigner la voie de la prière.


Je salue cordialement les personnes de langue française. Aujourd’hui, dans plusieurs pays, on célèbre le souvenir des morts des guerres. Que notre prière pour toutes les victimes de la violence dans le monde nous incite à être des instruments de paix et de réconciliation. Que Dieu vous bénisse !

 


 




Audience Générale du Mercredi 4 Novembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 4 Novembre 2020


Catéchèse – 13. Jésus, maître de prière

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous avons malheureusement dû revenir à cette audience dans la bibliothèque, pour nous défendre des contagions du Covid. Cela nous enseigne également que nous devons être très attentifs aux prescriptions des autorités, que ce soient les autorités politiques ou les autorités sanitaires, pour nous défendre de cette pandémie. Offrons au Seigneur cette distance entre nous, pour le bien de tous et pensons, pensons beaucoup aux malades, à ceux qui entrent dans les hôpitaux déjà comme mis au rebut, pensons aux médecins, aux infirmiers, aux infirmières, aux bénévoles, aux nombreuses personnes qui travaillent avec les malades en ce moment: elles risquent leur vie, mais elles le font par amour de leur prochain, comme une vocation. Prions pour eux.

Au cours de sa vie publique, Jésus a constamment recours à la force de la prière. Les Evangiles nous le montrent lorsqu’il se retire dans des lieux apartés pour prier. Il s’agit d’observations sobres et discrètes, qui laissent seulement imaginer ces dialogues orants. Celles-ci témoignent cependant clairement que, également dans les moments de plus grand dévouement aux pauvres et aux malades, Jésus ne négligeait jamais son dialogue intime avec le Père. Plus il était plongé dans les besoins des personnes, plus il sentait la nécessité de reposer dans la Communion trinitaire, de revenir avec le Père et l’Esprit.

Il y a donc un secret dans la vie de Jésus, caché aux yeux humains, qui représente le centre de tout. La prière de Jésus est une réalité mystérieuse, dont nous n’avons qu’une petite intuition, mais qui permet de lire dans la juste perspective la mission tout entière. Pendant ces heures solitaires – avant l’aube ou pendant la nuit –, Jésus se plonge dans son intimité avec le Père, c’est-à-dire dans l’Amour dont chaque âme a soif. C’est ce qui apparaît dès les premiers jours de son ministère public.

Un samedi, par exemple, la petite ville de Capharnaüm se transforme en  “hôpital de campagne”: après le coucher du soleil, tous les malades sont amenés à Jésus, et Il les guérit. Cependant, avant l’aube, Jésus disparaît: il se retire dans un lieu solitaire et il prie. Simon et les autres le cherchent et, quand ils le trouvent, ils lui disent: “Tout le monde te cherche!”. Que répond Jésus: “Je dois aller prêcher dans les autres villages; c’est pour cela que je suis venu” (cf. Mc 1, 35-38). Jésus est toujours un peu au-delà, au-delà dans la prière avec le Père et au-delà, dans d’autres  villages, d’autres horizons pour aller prêcher, d’autres peuples.

La prière est le gouvernail qui guide la route de Jésus. Ce qui guide les étapes de sa mission ne sont pas les succès, ce n’est pas le consensus, ce n’est pas cette phrase séduisante “tout le monde te cherche”. Ce qui trace le chemin de Jésus c’est la voie la moins commode, qui cependant obéit à l’inspiration du Père, que Jésus écoute et accueille dans sa prière solitaire.

Le Catéchisme affirme: «Quand Jésus prie, il nous enseigne déjà à prier» (n. 2607). C’est pourquoi, de l’exemple de Jésus nous pouvons tirer certaines  caractéristiques de la prière chrétienne.

Tout d’abord, celle-ci possède un primat: elle est le premier désir de la journée, quelque chose que l’on pratique à l’aube, avant que le monde ne se réveille. Celle-ci donne une âme à ce qui autrement resterait sans souffle. Un jour vécu sans prière risque de se transformer en une expérience fastidieuse, ou ennuyeuse: tout ce qui nous arrive pourrait tourner pour nous en destin mal supporté et aveugle. Jésus éduque en revanche à l’obéissance à la réalité et donc à l’écoute. La prière est tout d’abord écoute et rencontre avec Dieu. Alors, les problèmes de tous les jours ne deviennent pas des obstacles, mais des appels de Dieu lui-même à écouter et rencontrer celui qui est en face de nous. Les épreuves de la vie se transforment ainsi en occasions pour grandir dans la foi et dans la charité. Le chemin quotidien, y compris les difficultés, acquiert la perspective d’une “vocation”. La prière a le pouvoir de transformer en bien ce qui, dans la vie, serait autrement une condamnation; la prière a le pouvoir d’ouvrir un grand horizon à l’esprit et d’élargir le cœur.

En deuxième lieu, la prière est un art à pratiquer avec insistance. Jésus lui-même nous dit: frappez, frappez, frappez. Nous sommes tous capables de prières épisodiques, qui naissent de l’émotion d’un moment; mais Jésus nous éduque à un autre type de prière: celle qui connaît une discipline, un exercice, et qui est pratiquée dans une règle de vie. Une prière persévérante produit une transformation progressive, elle rend forts dans les périodes de tribulation, elle donne la grâce d’être soutenus par Celui qui nous aime et nous protège toujours.

Une autre caractéristique de la prière de Jésus est la solitude. Celui qui prie ne s’évade pas du monde, mais privilégie les lieux déserts. Là, dans le silence, peuvent apparaître de nombreuses voix que nous cachons au plus profond de nous-mêmes: les désirs les plus cachés, les vérités que nous nous obstinons à étouffer et ainsi de suite. Et, surtout, dans le silence Dieu parle. Chaque personne a besoin d’un espace pour elle-même, où cultiver sa propre vie intérieure, où les actions retrouvent un sens. Sans vie intérieure nous devenons superficiels, agités, anxieux – comme l’anxiété nous fait mal! C’est pourquoi nous devons pratiquer la prière; sans vie intérieure, nous fuyons la réalité et nous nous fuyons aussi nous-mêmes, nous sommes des hommes et des femmes toujours en fuite.

Enfin, la prière de Jésus est le lieux où l’on perçoit que tout vient de Dieu et retourne à Lui. Parfois, nous les êtres humains, nous croyons être les maîtres de tout, ou bien au contraire nous perdons toute estime de nous-mêmes, nous allons d’un côté et de l’autre. La prière nous aide à retrouver la juste dimension, dans la relation avec Dieu, notre Père, et avec toute la création. Enfin, la prière de Jésus est s’abandonner entre les mains du Père, comme Jésus au jardin des oliviers, dans cette angoisse: “Père, si c’est possible…, mais que ta volonté soit faite”. L’abandon entre les mains du Père. C’est une belle chose quand nous sommes agités, un peu préoccupés et que l’Esprit Saint nous transforme de l’intérieur et nous conduit à cet abandon entre les mains du Père: “Père, que ta volonté soit faite”.

Chers frères et sœurs, redécouvrons, dans l’Evangile, Jésus Christ comme maître de prière, et mettons-nous à son école. Je vous assure que nous trouverons la joie et la paix.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Le Christ nous révèle que son secret se trouve dans la prière. Elle a le pouvoir de transformer en bien et de donner vie à ce qui semble voué à l’échec. Apprenons, à l’école de Jésus, à nous retirer dans le silence de la prière afin d’offrir avec lui les difficultés et les souffrances du monde au Père.

Que Dieu vous bénisse !


Appel à l’issue de l’audience générale

En ces jours de prière pour les défunts, nous avons rappelé et nous rappelons encore aujourd’hui les victimes sans défense du terrorisme, dont  la cruauté toujours plus grande est en train de se diffuser en Europe. Je pense, en particulier, au grave attentat de ces jours derniers à Nice, dans un lieu de culte, et à celui d’avant-hier dans les rues de Vienne, qui ont provoqué de l’effroi et la réprobation de la population et de ceux qui ont à cœur  la paix et le dialogue.  Je confie à la miséricorde de Dieu les personnes tragiquement disparues et j’exprime ma proximité spirituelle à leurs familles et à tous ceux qui souffrent à cause de ces déplorables événements, qui cherchent à compromettre par la violence et la haine la collaboration fraternelle entre les religions.





Audience Générale du Mercredi 28 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 28 Octobre 2020


Catéchèse – 12. Jésus homme de prière

Chers frères et  sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, au cours de cette audience, comme nous l’avons fait lors des audiences précédentes, je resterai ici. J’aimerais beaucoup descendre, saluer chacun, mais nous devons garder les distances, car si je descends, il se crée immédiatement un rassemblement pour saluer et cela va contre les mesures, les précautions que nous devons avoir devant cette «dame» qui s’appelle Covid et qui nous fait tant de mal. Excusez-moi donc si je ne descends pas vous saluer: je vous salue d’ici, mais je vous porte tous dans mon cœur. Et vous, portez-moi dans votre cœur et priez pour moi. A distance, on peut prier l’un pour l’autre; merci de la compréhension.

Dans notre itinéraire de catéchèse sur la prière, après avoir parcouru l’Ancien  Testament, nous arrivons à présent à Jésus. Et Jésus priait. Le début de sa mission publique a lieu avec le baptême dans le fleuve Jourdain. Les évangélistes sont d’accord pour attribuer une importance fondamentale à cet épisode. Ils racontent que tout le peuple s’était recueilli en prière, et ils spécifient que ce rassemblement avait  clairement un caractère pénitentiel (cf. Mc 1, 5; Mt 3, 8). Le peuple allait auprès de Jean se faire baptiser pour le pardon des péchés: il y a un caractère pénitentiel, de conversion.

Le premier acte public de Jésus est donc la participation à une prière chorale du peuple, une prière du peuple qui va se faire baptiser, une prière pénitentielle, où tous se reconnaissaient pécheurs. C’est pourquoi Jean-Baptiste voudrait s’opposer et dit: «C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi?» (Mt 3, 14). Jean-Baptiste comprend qui était Jésus. Mais Jésus insiste: son acte est un acte qui obéit à la volonté du Père (v. 15), un acte de solidarité avec notre condition humaine. Il prie avec les pécheurs du peuple de Dieu. Mettons-nous cela en tête: Jésus est le Juste, il n’est pas pécheur. Mais Il a voulu descendre jusqu’à nous, pécheurs, et Il prie avec nous, et quand nous prions, Il est avec nous en train de prier; Il est avec nous, parce qu’il est au ciel en train de prier pour nous. Jésus prie toujours avec son peuple, il prie toujours avec nous: toujours. Nous ne prions jamais seuls, nous prions toujours avec Jésus. Il ne reste pas sur la rive opposée du fleuve – «Je suis le juste, vous des pécheurs» – , pour marquer sa différence et sa distance du peuple désobéissant, mais il plonge ses pieds dans les mêmes eaux de purification. Il fait comme un pécheur. C’est la grandeur de Dieu qui envoya son Fils qui s’anéantit lui-même et qui apparut comme un pécheur.

Jésus n’est pas un Dieu lointain, et il ne peut pas l’être. L’incarnation l’a révélé de manière accomplie et humainement impensable. Ainsi, en inaugurant sa mission, Jésus se met à la tête d’un peuple de pénitents, comme s’il se chargeait d’ouvrir une brèche à travers laquelle nous tous, après Lui, nous devons avoir le courage de passer. Mais la route, le chemin est difficile; mais Lui avance, en ouvrant le chemin. Le Catéchisme de l’Eglise catholique explique que c’est la nouveauté de la plénitude des temps. Il dit: «La prière filiale, que le Père attendait de ses enfants, va enfin être vécue par le Fils unique Lui-même dans son humanité, avec et pour les hommes» (n. 2599). Jésus prie avec nous. Mettons-nous cela dans la tête et dans le cœur: Jésus prie avec nous.

Ce jour-là, sur les rives du fleuve Jourdain, il y a donc toute l’humanité, avec ses aspirations inexprimées de prière. Il y a surtout le peuple des pécheurs: ceux qui pensaient ne pas pouvoir être aimés par Dieu, ceux qui n’osaient pas aller au-delà du seuil du temple, ceux qui ne priaient pas parce qu’ils ne s’en sentaient pas dignes. Jésus est venu pour tous, même pour eux, et il commence précisément en s’unissant à eux, comme un chef de file.

L’Evangile de Luc souligne en particulier le climat de prière dans lequel a eu lieu le baptême de Jésus: «Or quand tout le peuple eut été baptisé et au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, le ciel s’ouvrit» (3, 21). En priant, Jésus ouvre la porte des cieux, et de cette brèche descend l’Esprit Saint. Et d’en-haut, une voix proclame la vérité merveilleuse: «Tu es mon Fils bien-aimé; tu as toute ma faveur» (v. 22). Cette simple phrase contient un immense trésor: elle nous fait comprendre quelque chose du mystère de Jésus et de son cœur toujours tourné vers le Père. Dans le tourbillon de la vie et du monde qui arrivera à le condamner, même dans les expériences les plus dures et les plus tristes qu’il devra supporter, même quand il fait l’expérience de ne pas avoir de place où poser la tête (cf. Mt 8, 20), également quand autour de Lui se déchaînent la haine et la persécution, Jésus ne reste jamais sans le refuge d’une demeure: il habite éternellement dans le Père.

Voilà la grandeur unique de la prière de Jésus: l’Esprit Saint prend possession de sa personne et la voix du Père atteste qu’Il est le bien-aimé, le Fils dans lequel Il se reflète pleinement.

Cette prière de Jésus, qui sur les rives du fleuve Jourdain est totalement personnelle – et il en sera ainsi pendant toute sa vie terrestre –, lors de la Pentecôte deviendra par grâce la prière de tous les baptisés dans le Christ. Il a Lui-même obtenu ce don pour nous, et il nous invite à prier comme Il priait.

C’est pourquoi, si un soir de prière nous nous sentons faibles et vides, s’il  nous semble que notre vie a été entièrement inutile, nous devons en cet instant supplier que la prière de Jésus devienne aussi la nôtre. «Je ne peux pas prier aujourd’hui, je ne sais pas quoi faire: je ne m’en sens pas capable, je suis indigne, indigne». A ce moment-là, il faut s’en remettre à Lui pour qu’il prie pour nous. Lui, à ce moment-là, est devant le Père en train de prier pour nous, il est l’intercesseur; il fait voir pour nous, ses plaies au Père. Ayons confiance en cela! Si nous avons confiance, alors nous entendrons une voix du ciel, plus forte que celle qui monte des bas-fonds de nous-mêmes, et nous entendrons cette voix murmurer des paroles de tendresse: “Tu es le bien-aimé de Dieu, tu es le fils, tu es la gloire du Père des cieux”. C’est précisément pour nous, pour chacun de nous que retentit la parole du Père: même si nous étions refusés par tous, si nous étions des pécheurs de la pire espèce. Jésus ne descendit pas dans les eaux du Jourdain pour lui-même, mais pour nous tous. C’était tout le peuple de Dieu qui s’approchait du Jourdain pour prier, pour demander pardon, pour faire ce baptême de pénitence. Et comme le dit ce théologien, il s’approchait du Jourdain «l’âme nue et les pieds nus». Voilà ce qu’est l’humilité. Pour prier, il faut de l’humilité. Il a ouvert les cieux, comme Moïse avait ouvert les eaux de la mer Rouge, pour que nous puissions tous passer derrière Lui. Jésus nous a offert sa propre prière, qui est son dialogue d’amour avec le Père. Il nous l’a offert comme une semence de la Trinité, qui veut s’enraciner dans notre cœur. Accueillons-la! Accueillons ce don, le don de la prière. Toujours avec Lui. Et nous ne nous tromperons pas.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Jésus nous offre sa prière, son dialogue d’amour avec le Père. Puissions-nous la faire nôtre, surtout dans les moments difficiles, afin de les traverser dans la foi, avec le secours de sa tendresse.

Que Dieu vous bénisse.



 




Audience Générale du Mercredi 21 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 21 Octobre 2020


Catéchèse – 11. La prière des Psaumes. 2

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, nous devrons changer un peu la manière d’organiser cette audience en raison du coronavirus. Vous êtes séparés, également avec la protection du masque, et je suis un peu éloigné et je ne peux pas faire ce que je fais toujours, m’approcher de vous, car il arrive que chaque fois que je m’approche, vous venez tous ensemble et on perd la distance, le danger de la contagion existe alors pour vous. Je suis désolé de faire cela, mais c’est pour votre sécurité. Au lieu de venir près de vous et de serrer les mains et saluer, nous nous saluerons de loin, mais sachez que je suis proche de vous avec le cœur. J’espère que vous comprenez pourquoi je fais cela. Ensuite, alors que les lecteurs lisaient le passage biblique, mon attention a été attirée par ce petit garçon ou cette petite fille qui pleurait.

Et je voyais sa mère qui caressait et allaitait l’enfant et j’ai pensé: «Dieu fait ainsi avec nous, comme cette mère». Avec combien de tendresse elle cherchait à déplacer l’enfant, à allaiter. Ce sont de très belles images. Et quand cela arrive à l’église, quand un enfant pleure, on sait que là, il y a la tendresse d’une mère, comme aujourd’hui, il y a la tendresse d’une mère qui est le symbole de la tendresse de Dieu avec nous. Il ne faut jamais faire taire un enfant qui pleure à l’église, jamais, car c’est la voix qui attire la tendresse de Dieu. Merci pour ton témoignage.

 

 

Nous complétons aujourd’hui la catéchèse sur la prière des Psaumes. Nous remarquons tout d’abord que dans les Psaumes apparaît souvent une figure négative, celle de l’“impie”, c’est-à-dire celui ou celle qui vit comme si Dieu n’existait pas. C’est la personne sans aucune référence au transcendant, sans aucun frein à son arrogance, qui ne craint pas les jugements sur ce qu’elle pense et ce qu’elle fait.

C’est pour cette raison que le Psautier présente la prière comme la réalité fondamentale de la vie. La référence à l’absolu et au transcendant – que les maîtres d’ascétique appellent la “sainte crainte de Dieu” – est ce qui nous rend pleinement humains, c’est la limite qui nous sauve de nous-mêmes, en empêchant que nous nous jetions sur cette vie de manière prédatrice et vorace. La prière est le salut de l’être humain.

Assurément, il existe également une prière fausse, une prière faite seulement pour être admirée par les autres. Celle de celui ou de ceux qui vont à la Messe uniquement pour faire voir qu’ils sont catholiques ou pour faire voir le dernier modèle qu’ils ont acheté, ou pour faire bonne figure socialement. Ils récitent une fausse prière. Jésus a admonesté avec force à cet égard (cf.  Mt 6, 5-6; Lc 9, 14). Mais quand le vrai esprit de la prière est accueilli avec sincérité et descend dans le cœur, alors celle-ci nous fait contempler la réalité avec les yeux mêmes  de Dieu.

Quand on prie, chaque chose acquiert de l’“épaisseur”. Cela est curieux dans la prière, nous commençons peut-être par une chose imperceptible, mais dans la prière cette chose acquiert de l’épaisseur, acquiert du poids, comme si Dieu la prenait par la main et la transformait. Le pire service que l’on puisse rendre à Dieu et également à l’homme, est de prier avec lassitude, de manière routinière. Prier comme des perroquets. Non, on prie avec le cœur. La prière est le centre de la vie. S’il y a la prière, notre frère, notre sœur, également notre ennemi,  deviennent eux aussi importants. Un antique dicton des premiers moines chrétiens dit ainsi: «Bienheureux le moine qui, après Dieu, considère tous les hommes comme Dieu» (Evagrio Pontico, Traité sur la prière, n. 123). Celui qui adore Dieu aime ses enfants. Celui qui respecte Dieu, respecte les êtres humains.

C’est pourquoi la prière n’est pas un calmant pour atténuer l’anxiété de la vie; de toutes façons, une prière de ce genre n’est sûrement pas chrétienne. La prière responsabilise plutôt chacun de nous. Nous le voyons clairement dans le «Notre Père», que Jésus a enseigné à ses disciples.

Pour apprendre cette manière de prier, le Psautier est une grande école. Nous avons vu que les Psaumes n’utilisent pas toujours des paroles raffinées et gentilles, et ils portent souvent imprimées les cicatrices de l’existence. Pourtant, toutes ces prières ont été utilisées auparavant dans le Temple de Jérusalem et ensuite dans les synagogues; même celles plus intimes et personnelles. Le Catéchisme de l’Eglise catholique s’exprime ainsi: «Les expressions multiformes de la prière des Psaumes prennent forme à la fois dans la liturgie du temple et dans le cœur de l’homme» (n. 2588). Et ainsi, la prière personnelle puise et se nourrit tout d’abord à celle du peuple d’Israël, et ensuite à  celle du peuple de l’Eglise.

Même les psaumes à la première personne du singulier, qui confient les pensées et les problèmes les plus intimes d’un individu, sont un patrimoine collectif, jusqu’à être priés par tous et pour tous. La prière des chrétiens a ce «souffle», cette «tension» spirituelle qui garde ensemble le temple et le monde. La prière peut commencer dans la pénombre d’une nef, mais ensuite elle termine sa course dans les rues de la ville. Et vice versa, elle peut germer pendant les occupations quotidiennes et arriver à son accomplissement dans la liturgie. Les portes des églises ne sont pas des barrières, mais des «membranes» perméables, disponibles à recueillir le cri de tous.

Dans la prière du Psautier, le monde est toujours présent. Les psaumes, par exemple, donnent voix à la promesse divine de salut des plus faibles: «A cause du malheureux qu’on dépouille, du pauvre qui gémit, maintenant je me lève, déclare Yahvé, j’assurerai le salut à ceux qui en ont soif» (12, 6). Ou bien, ils avertissent du danger des richesses mondaines, car «l’homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail qu’on abat» (48, 21). Ou bien encore, ils ouvrent l’horizon au regard de Dieu sur l’histoire: «Yahvé déjoue les plans des nations, il empêche les pensées des peuples; mais le plan de Yahvé subsiste à jamais, les pensées de son cœur, d’âge en âge» (33, 10-11).

En somme, là où Dieu est présent, l’homme doit aussi être présent. L’Ecriture Sainte est catégorique: «Quant à nous, aimons, puisque Lui nous a aimés le premier. Mais Lui va toujours avant nous. Il nous attend toujours, parce qu’Il nous aime le premier, Il nous regarde le premier, Il nous comprend le premier. Il nous attend toujours. Si quelqu’un dit: ‘J’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur: celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Si tu pries de nombreux chapelets chaque jour, mais qu’ensuite tu fais des commérages sur les autres et que tu as de la rancœur en toi, tu as de la haine contre les autres, c’est de l’artifice pur, ce n’est pas la vérité. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de Lui: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère» (1 Jn 4, 19-21). L’Ecriture admet le cas d’une personne qui, bien que cherchant sincèrement Dieu, ne réussit jamais à le rencontrer; mais elle affirme également que l’on ne peut jamais nier les larmes des pauvres, sous peine de ne pas rencontrer Dieu. Dieu ne supporte pas l’ «athéisme» de celui qui nie l’image divine qui est imprimée dans chaque être humain. Cet athéisme de tous les jours: je crois en Dieu, mais avec les autres je garde la distance et je me permets de haïr les autres. C’est de l’athéïsme pratique. Ne pas reconnaître la personne humaine comme image de Dieu est un sacrilège, c’est une abomination, c’est la pire offense que l’on peut faire au temple et à l’autel.

Chers frères et sœurs, que la prière des psaumes nous aide à ne pas tomber dans la tentation de l’«impiété», c’est-à-dire de vivre, et peut-être également de prier, comme si Dieu n’existait pas, et comme si les pauvres n’existaient pas.


Je suis heureux de saluer les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Toulouse, avec l’Archevêque Mgr Le Gall. La prière des psaumes est l’école de la vie avec Dieu et de la responsabilité vis-à-vis des personnes pauvres et vulnérables. Demandons la grâce de mettre Dieu et la personne humaine au centre de notre prière.

A tous, je donne ma bénédiction !