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Audience Générale du Mercredi 11 Novembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 11 Novembre 2020


Catéchèse – 14. La prière persévérante

Chers frères et sœur, bonjour!

Nous continuons les catéchèses sur la prière. Quelqu’un m’a dit: «Vous parlez trop sur la prière. Ce n’est pas nécessaire». Si, c’est nécessaire. Parce que si nous ne prions pas, nous n’aurons pas la force d’avancer dans la vie. La prière est comme l’oxygène de la vie. Prier, c’est attirer sur nous la présence de l’Esprit Saint qui nous fait toujours avancer. C’est pour cette raison que je parle tant sur la prière.

Jésus a donné l’exemple d’une prière continue, pratiquée avec persévérance. Le dialogue constant avec le Père, dans le silence et dans le recueillement, est le centre de toute sa mission. Les Evangiles nous rapportent également les exhortations à ses disciples, pour qu’ils prient avec insistance, sans se lasser. Le Catéchisme rappelle les trois paraboles contenues dans l’Evangile de Luc qui souligne cette caractéristique de l’oraison (cf. CEC, n. 2613) de Jésus.

La prière doit tout d’abord être tenace: comme le personnage de la parabole qui, devant accueillir un hôte arrivé à l’improviste, va frapper en pleine nuit chez un ami et lui demande du pain. L’ami lui répond “non!”, parce qu’il est déjà au lit, mais il insiste et insiste jusqu’à ce qu’il l’oblige à se lever et à lui donner le pain (cf. Lc 11, 5-8). Une demande tenace. Mais Dieu est plus patient que nous, et celui qui frappe avec foi et persévérance à la porte de son cœur n’est pas déçu. Dieu répond toujours. Toujours. Notre Père sait bien de quoi nous avons besoin; l’insistance ne sert pas à l’informer ou à le convaincre, mais elle sert à alimenter en nous le désir et l’attente.

La deuxième parabole est celle de la veuve qui s’adresse au juge pour qu’il l’aide à obtenir justice. Ce juge est corrompu, c’est un homme sans scrupules, mais à la fin, exaspéré par l’insistance de la veuve, il se décide à la satisfaire (cf. Lc 18, 1-8). Et il pense: «Il vaut mieux que je résolve son problème et que je m’en débarrasse, et qu’elle arrête de venir sans cesse se plaindre à moi». Cette parabole nous fait comprendre que la foi n’est pas l’élan d’un moment, mais une disposition courageuse à invoquer Dieu, également à “discuter” avec Lui, sans se résigner devant le mal et l’injustice.

La troisième parabole présente un pharisien et un publicain qui vont prier au Temple. Le premier s’adresse à Dieu en se vantant de ses mérites; l’autre se sent indigne ne serait-ce que d’entrer dans le sanctuaire. Cependant, Dieu n’écoute pas la prière du premier, c’est-à-dire des orgueilleux, alors qu’il exauce celle des humbles (cf. Lc 18, 9-14). Il n’y a pas de vraie prière sans esprit d’humilité. C’est précisément l’humilité qui nous conduit à demander dans la prière.

L’enseignement de l’Evangile est clair: on doit toujours prier, même quand tout semble vain, quand Dieu nous apparaît sourd et muet et qu’il nous semble perdre notre temps. Même si le ciel s’assombrit, le chrétien ne n’arrête pas de prier. Son oraison va de pair avec la foi. Et la foi, en de nombreux jours de notre vie, peut sembler une illusion, une fatigue stérile. Il y a des moments sombres dans notre vie et dans ces moments, la foi semble une illusion. Mais pratiquer la prière signifie également accepter cette fatigue. «Père, je vais prier et je ne ressens rien… je me sens comme ça, avec le cœur sec, avec le cœur aride». Mais nous devons aller de l’avant, avec cette fatigue des moments difficiles, des moments où nous ne ressentons rien. De nombreux saints et saintes ont fait l’expérience de la nuit de la foi et du silence de Dieu – quand nous frappons et que Dieu ne répond pas – et ces saints ont été persévérants.

Dans cette nuit de la foi, celui qui prie n’est jamais seul. En effet, Jésus n’est pas seulement témoin et maître de prière, il est davantage. Il nous accueille dans sa prière, pour que nous puissions prier en Lui et à travers Lui. Et cela est l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est pour cette raison que l’Evangile nous aider à prier le Père au nom de Jésus. Saint Jean rapporte ces paroles du Seigneur: «Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, pour que le Père soit glorifié dans le Fils» (14, 13). Et le Catéchisme explique que «la certitude d’être exaucés dans nos demandes est fondée sur la prière de Jésus» (n. 2614). Celle-ci donne les ailes que la prière de l’homme a toujours désiré posséder.

Comment ne pas rappeler ici les mots du psaume 91, riches de confiance, jaillis d’un cœur qui espère tout de Dieu: «Il te couvre de ses ailes, tu as sous son pennage un abri. Armure et bouclier, sa vérité. Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole de jour, ni la peste qui marche en la ténèbre, ni le fléau qui dévaste à midi» (vv. 4-6). C’est dans le Christ que s’accomplit cette prière splendide, c’est en Lui que celle-ci trouve sa pleine vérité. Sans Jésus, nos prières risqueraient de se réduire à des efforts humains, destinés le plus souvent à l’échec. Mais Il a pris sur Lui chaque cri, chaque gémissement, chaque joie, chaque supplique… chaque prière humaine. Et n’oublions pas l’Esprit Saint qui prie en nous; il est Celui qui nous amène à prier, qui nous amène à Jésus. Il est le don que le Père et le Fils nous ont donné pour aller à la rencontre de Dieu. C’est l’Esprit Saint, quand nous prions, c’est l’Esprit Saint qui prie dans nos cœurs.

Le Christ est tout pour nous, même dans notre vie de prière. C’est ce que disait saint Augustin avec une expression éclairante que nous trouvons dans le Catéchisme: Jésus «prie pour nous en tant que notre prêtre, il prie en nous en tant que notre tête, il est prié par nous en tant que notre Dieu. Reconnaissons donc en Lui nos voix et sa voix en nous» (n. 2616). Et c’est pour cela que le chrétien qui prie ne craint rien, il se remet à l’Esprit Saint, qui nous a été donné comme don et qui prie en nous, en suscitant la prière. Que ce soit l’Esprit Saint, Maître de prière, à nous enseigner la voie de la prière.


Je salue cordialement les personnes de langue française. Aujourd’hui, dans plusieurs pays, on célèbre le souvenir des morts des guerres. Que notre prière pour toutes les victimes de la violence dans le monde nous incite à être des instruments de paix et de réconciliation. Que Dieu vous bénisse !

 


 




Audience Générale du Mercredi 4 Novembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 4 Novembre 2020


Catéchèse – 13. Jésus, maître de prière

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous avons malheureusement dû revenir à cette audience dans la bibliothèque, pour nous défendre des contagions du Covid. Cela nous enseigne également que nous devons être très attentifs aux prescriptions des autorités, que ce soient les autorités politiques ou les autorités sanitaires, pour nous défendre de cette pandémie. Offrons au Seigneur cette distance entre nous, pour le bien de tous et pensons, pensons beaucoup aux malades, à ceux qui entrent dans les hôpitaux déjà comme mis au rebut, pensons aux médecins, aux infirmiers, aux infirmières, aux bénévoles, aux nombreuses personnes qui travaillent avec les malades en ce moment: elles risquent leur vie, mais elles le font par amour de leur prochain, comme une vocation. Prions pour eux.

Au cours de sa vie publique, Jésus a constamment recours à la force de la prière. Les Evangiles nous le montrent lorsqu’il se retire dans des lieux apartés pour prier. Il s’agit d’observations sobres et discrètes, qui laissent seulement imaginer ces dialogues orants. Celles-ci témoignent cependant clairement que, également dans les moments de plus grand dévouement aux pauvres et aux malades, Jésus ne négligeait jamais son dialogue intime avec le Père. Plus il était plongé dans les besoins des personnes, plus il sentait la nécessité de reposer dans la Communion trinitaire, de revenir avec le Père et l’Esprit.

Il y a donc un secret dans la vie de Jésus, caché aux yeux humains, qui représente le centre de tout. La prière de Jésus est une réalité mystérieuse, dont nous n’avons qu’une petite intuition, mais qui permet de lire dans la juste perspective la mission tout entière. Pendant ces heures solitaires – avant l’aube ou pendant la nuit –, Jésus se plonge dans son intimité avec le Père, c’est-à-dire dans l’Amour dont chaque âme a soif. C’est ce qui apparaît dès les premiers jours de son ministère public.

Un samedi, par exemple, la petite ville de Capharnaüm se transforme en  “hôpital de campagne”: après le coucher du soleil, tous les malades sont amenés à Jésus, et Il les guérit. Cependant, avant l’aube, Jésus disparaît: il se retire dans un lieu solitaire et il prie. Simon et les autres le cherchent et, quand ils le trouvent, ils lui disent: “Tout le monde te cherche!”. Que répond Jésus: “Je dois aller prêcher dans les autres villages; c’est pour cela que je suis venu” (cf. Mc 1, 35-38). Jésus est toujours un peu au-delà, au-delà dans la prière avec le Père et au-delà, dans d’autres  villages, d’autres horizons pour aller prêcher, d’autres peuples.

La prière est le gouvernail qui guide la route de Jésus. Ce qui guide les étapes de sa mission ne sont pas les succès, ce n’est pas le consensus, ce n’est pas cette phrase séduisante “tout le monde te cherche”. Ce qui trace le chemin de Jésus c’est la voie la moins commode, qui cependant obéit à l’inspiration du Père, que Jésus écoute et accueille dans sa prière solitaire.

Le Catéchisme affirme: «Quand Jésus prie, il nous enseigne déjà à prier» (n. 2607). C’est pourquoi, de l’exemple de Jésus nous pouvons tirer certaines  caractéristiques de la prière chrétienne.

Tout d’abord, celle-ci possède un primat: elle est le premier désir de la journée, quelque chose que l’on pratique à l’aube, avant que le monde ne se réveille. Celle-ci donne une âme à ce qui autrement resterait sans souffle. Un jour vécu sans prière risque de se transformer en une expérience fastidieuse, ou ennuyeuse: tout ce qui nous arrive pourrait tourner pour nous en destin mal supporté et aveugle. Jésus éduque en revanche à l’obéissance à la réalité et donc à l’écoute. La prière est tout d’abord écoute et rencontre avec Dieu. Alors, les problèmes de tous les jours ne deviennent pas des obstacles, mais des appels de Dieu lui-même à écouter et rencontrer celui qui est en face de nous. Les épreuves de la vie se transforment ainsi en occasions pour grandir dans la foi et dans la charité. Le chemin quotidien, y compris les difficultés, acquiert la perspective d’une “vocation”. La prière a le pouvoir de transformer en bien ce qui, dans la vie, serait autrement une condamnation; la prière a le pouvoir d’ouvrir un grand horizon à l’esprit et d’élargir le cœur.

En deuxième lieu, la prière est un art à pratiquer avec insistance. Jésus lui-même nous dit: frappez, frappez, frappez. Nous sommes tous capables de prières épisodiques, qui naissent de l’émotion d’un moment; mais Jésus nous éduque à un autre type de prière: celle qui connaît une discipline, un exercice, et qui est pratiquée dans une règle de vie. Une prière persévérante produit une transformation progressive, elle rend forts dans les périodes de tribulation, elle donne la grâce d’être soutenus par Celui qui nous aime et nous protège toujours.

Une autre caractéristique de la prière de Jésus est la solitude. Celui qui prie ne s’évade pas du monde, mais privilégie les lieux déserts. Là, dans le silence, peuvent apparaître de nombreuses voix que nous cachons au plus profond de nous-mêmes: les désirs les plus cachés, les vérités que nous nous obstinons à étouffer et ainsi de suite. Et, surtout, dans le silence Dieu parle. Chaque personne a besoin d’un espace pour elle-même, où cultiver sa propre vie intérieure, où les actions retrouvent un sens. Sans vie intérieure nous devenons superficiels, agités, anxieux – comme l’anxiété nous fait mal! C’est pourquoi nous devons pratiquer la prière; sans vie intérieure, nous fuyons la réalité et nous nous fuyons aussi nous-mêmes, nous sommes des hommes et des femmes toujours en fuite.

Enfin, la prière de Jésus est le lieux où l’on perçoit que tout vient de Dieu et retourne à Lui. Parfois, nous les êtres humains, nous croyons être les maîtres de tout, ou bien au contraire nous perdons toute estime de nous-mêmes, nous allons d’un côté et de l’autre. La prière nous aide à retrouver la juste dimension, dans la relation avec Dieu, notre Père, et avec toute la création. Enfin, la prière de Jésus est s’abandonner entre les mains du Père, comme Jésus au jardin des oliviers, dans cette angoisse: “Père, si c’est possible…, mais que ta volonté soit faite”. L’abandon entre les mains du Père. C’est une belle chose quand nous sommes agités, un peu préoccupés et que l’Esprit Saint nous transforme de l’intérieur et nous conduit à cet abandon entre les mains du Père: “Père, que ta volonté soit faite”.

Chers frères et sœurs, redécouvrons, dans l’Evangile, Jésus Christ comme maître de prière, et mettons-nous à son école. Je vous assure que nous trouverons la joie et la paix.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Le Christ nous révèle que son secret se trouve dans la prière. Elle a le pouvoir de transformer en bien et de donner vie à ce qui semble voué à l’échec. Apprenons, à l’école de Jésus, à nous retirer dans le silence de la prière afin d’offrir avec lui les difficultés et les souffrances du monde au Père.

Que Dieu vous bénisse !


Appel à l’issue de l’audience générale

En ces jours de prière pour les défunts, nous avons rappelé et nous rappelons encore aujourd’hui les victimes sans défense du terrorisme, dont  la cruauté toujours plus grande est en train de se diffuser en Europe. Je pense, en particulier, au grave attentat de ces jours derniers à Nice, dans un lieu de culte, et à celui d’avant-hier dans les rues de Vienne, qui ont provoqué de l’effroi et la réprobation de la population et de ceux qui ont à cœur  la paix et le dialogue.  Je confie à la miséricorde de Dieu les personnes tragiquement disparues et j’exprime ma proximité spirituelle à leurs familles et à tous ceux qui souffrent à cause de ces déplorables événements, qui cherchent à compromettre par la violence et la haine la collaboration fraternelle entre les religions.





Audience Générale du Mercredi 28 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 28 Octobre 2020


Catéchèse – 12. Jésus homme de prière

Chers frères et  sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, au cours de cette audience, comme nous l’avons fait lors des audiences précédentes, je resterai ici. J’aimerais beaucoup descendre, saluer chacun, mais nous devons garder les distances, car si je descends, il se crée immédiatement un rassemblement pour saluer et cela va contre les mesures, les précautions que nous devons avoir devant cette «dame» qui s’appelle Covid et qui nous fait tant de mal. Excusez-moi donc si je ne descends pas vous saluer: je vous salue d’ici, mais je vous porte tous dans mon cœur. Et vous, portez-moi dans votre cœur et priez pour moi. A distance, on peut prier l’un pour l’autre; merci de la compréhension.

Dans notre itinéraire de catéchèse sur la prière, après avoir parcouru l’Ancien  Testament, nous arrivons à présent à Jésus. Et Jésus priait. Le début de sa mission publique a lieu avec le baptême dans le fleuve Jourdain. Les évangélistes sont d’accord pour attribuer une importance fondamentale à cet épisode. Ils racontent que tout le peuple s’était recueilli en prière, et ils spécifient que ce rassemblement avait  clairement un caractère pénitentiel (cf. Mc 1, 5; Mt 3, 8). Le peuple allait auprès de Jean se faire baptiser pour le pardon des péchés: il y a un caractère pénitentiel, de conversion.

Le premier acte public de Jésus est donc la participation à une prière chorale du peuple, une prière du peuple qui va se faire baptiser, une prière pénitentielle, où tous se reconnaissaient pécheurs. C’est pourquoi Jean-Baptiste voudrait s’opposer et dit: «C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi?» (Mt 3, 14). Jean-Baptiste comprend qui était Jésus. Mais Jésus insiste: son acte est un acte qui obéit à la volonté du Père (v. 15), un acte de solidarité avec notre condition humaine. Il prie avec les pécheurs du peuple de Dieu. Mettons-nous cela en tête: Jésus est le Juste, il n’est pas pécheur. Mais Il a voulu descendre jusqu’à nous, pécheurs, et Il prie avec nous, et quand nous prions, Il est avec nous en train de prier; Il est avec nous, parce qu’il est au ciel en train de prier pour nous. Jésus prie toujours avec son peuple, il prie toujours avec nous: toujours. Nous ne prions jamais seuls, nous prions toujours avec Jésus. Il ne reste pas sur la rive opposée du fleuve – «Je suis le juste, vous des pécheurs» – , pour marquer sa différence et sa distance du peuple désobéissant, mais il plonge ses pieds dans les mêmes eaux de purification. Il fait comme un pécheur. C’est la grandeur de Dieu qui envoya son Fils qui s’anéantit lui-même et qui apparut comme un pécheur.

Jésus n’est pas un Dieu lointain, et il ne peut pas l’être. L’incarnation l’a révélé de manière accomplie et humainement impensable. Ainsi, en inaugurant sa mission, Jésus se met à la tête d’un peuple de pénitents, comme s’il se chargeait d’ouvrir une brèche à travers laquelle nous tous, après Lui, nous devons avoir le courage de passer. Mais la route, le chemin est difficile; mais Lui avance, en ouvrant le chemin. Le Catéchisme de l’Eglise catholique explique que c’est la nouveauté de la plénitude des temps. Il dit: «La prière filiale, que le Père attendait de ses enfants, va enfin être vécue par le Fils unique Lui-même dans son humanité, avec et pour les hommes» (n. 2599). Jésus prie avec nous. Mettons-nous cela dans la tête et dans le cœur: Jésus prie avec nous.

Ce jour-là, sur les rives du fleuve Jourdain, il y a donc toute l’humanité, avec ses aspirations inexprimées de prière. Il y a surtout le peuple des pécheurs: ceux qui pensaient ne pas pouvoir être aimés par Dieu, ceux qui n’osaient pas aller au-delà du seuil du temple, ceux qui ne priaient pas parce qu’ils ne s’en sentaient pas dignes. Jésus est venu pour tous, même pour eux, et il commence précisément en s’unissant à eux, comme un chef de file.

L’Evangile de Luc souligne en particulier le climat de prière dans lequel a eu lieu le baptême de Jésus: «Or quand tout le peuple eut été baptisé et au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, le ciel s’ouvrit» (3, 21). En priant, Jésus ouvre la porte des cieux, et de cette brèche descend l’Esprit Saint. Et d’en-haut, une voix proclame la vérité merveilleuse: «Tu es mon Fils bien-aimé; tu as toute ma faveur» (v. 22). Cette simple phrase contient un immense trésor: elle nous fait comprendre quelque chose du mystère de Jésus et de son cœur toujours tourné vers le Père. Dans le tourbillon de la vie et du monde qui arrivera à le condamner, même dans les expériences les plus dures et les plus tristes qu’il devra supporter, même quand il fait l’expérience de ne pas avoir de place où poser la tête (cf. Mt 8, 20), également quand autour de Lui se déchaînent la haine et la persécution, Jésus ne reste jamais sans le refuge d’une demeure: il habite éternellement dans le Père.

Voilà la grandeur unique de la prière de Jésus: l’Esprit Saint prend possession de sa personne et la voix du Père atteste qu’Il est le bien-aimé, le Fils dans lequel Il se reflète pleinement.

Cette prière de Jésus, qui sur les rives du fleuve Jourdain est totalement personnelle – et il en sera ainsi pendant toute sa vie terrestre –, lors de la Pentecôte deviendra par grâce la prière de tous les baptisés dans le Christ. Il a Lui-même obtenu ce don pour nous, et il nous invite à prier comme Il priait.

C’est pourquoi, si un soir de prière nous nous sentons faibles et vides, s’il  nous semble que notre vie a été entièrement inutile, nous devons en cet instant supplier que la prière de Jésus devienne aussi la nôtre. «Je ne peux pas prier aujourd’hui, je ne sais pas quoi faire: je ne m’en sens pas capable, je suis indigne, indigne». A ce moment-là, il faut s’en remettre à Lui pour qu’il prie pour nous. Lui, à ce moment-là, est devant le Père en train de prier pour nous, il est l’intercesseur; il fait voir pour nous, ses plaies au Père. Ayons confiance en cela! Si nous avons confiance, alors nous entendrons une voix du ciel, plus forte que celle qui monte des bas-fonds de nous-mêmes, et nous entendrons cette voix murmurer des paroles de tendresse: “Tu es le bien-aimé de Dieu, tu es le fils, tu es la gloire du Père des cieux”. C’est précisément pour nous, pour chacun de nous que retentit la parole du Père: même si nous étions refusés par tous, si nous étions des pécheurs de la pire espèce. Jésus ne descendit pas dans les eaux du Jourdain pour lui-même, mais pour nous tous. C’était tout le peuple de Dieu qui s’approchait du Jourdain pour prier, pour demander pardon, pour faire ce baptême de pénitence. Et comme le dit ce théologien, il s’approchait du Jourdain «l’âme nue et les pieds nus». Voilà ce qu’est l’humilité. Pour prier, il faut de l’humilité. Il a ouvert les cieux, comme Moïse avait ouvert les eaux de la mer Rouge, pour que nous puissions tous passer derrière Lui. Jésus nous a offert sa propre prière, qui est son dialogue d’amour avec le Père. Il nous l’a offert comme une semence de la Trinité, qui veut s’enraciner dans notre cœur. Accueillons-la! Accueillons ce don, le don de la prière. Toujours avec Lui. Et nous ne nous tromperons pas.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Jésus nous offre sa prière, son dialogue d’amour avec le Père. Puissions-nous la faire nôtre, surtout dans les moments difficiles, afin de les traverser dans la foi, avec le secours de sa tendresse.

Que Dieu vous bénisse.



 




Audience Générale du Mercredi 21 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 21 Octobre 2020


Catéchèse – 11. La prière des Psaumes. 2

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, nous devrons changer un peu la manière d’organiser cette audience en raison du coronavirus. Vous êtes séparés, également avec la protection du masque, et je suis un peu éloigné et je ne peux pas faire ce que je fais toujours, m’approcher de vous, car il arrive que chaque fois que je m’approche, vous venez tous ensemble et on perd la distance, le danger de la contagion existe alors pour vous. Je suis désolé de faire cela, mais c’est pour votre sécurité. Au lieu de venir près de vous et de serrer les mains et saluer, nous nous saluerons de loin, mais sachez que je suis proche de vous avec le cœur. J’espère que vous comprenez pourquoi je fais cela. Ensuite, alors que les lecteurs lisaient le passage biblique, mon attention a été attirée par ce petit garçon ou cette petite fille qui pleurait.

Et je voyais sa mère qui caressait et allaitait l’enfant et j’ai pensé: «Dieu fait ainsi avec nous, comme cette mère». Avec combien de tendresse elle cherchait à déplacer l’enfant, à allaiter. Ce sont de très belles images. Et quand cela arrive à l’église, quand un enfant pleure, on sait que là, il y a la tendresse d’une mère, comme aujourd’hui, il y a la tendresse d’une mère qui est le symbole de la tendresse de Dieu avec nous. Il ne faut jamais faire taire un enfant qui pleure à l’église, jamais, car c’est la voix qui attire la tendresse de Dieu. Merci pour ton témoignage.

 

 

Nous complétons aujourd’hui la catéchèse sur la prière des Psaumes. Nous remarquons tout d’abord que dans les Psaumes apparaît souvent une figure négative, celle de l’“impie”, c’est-à-dire celui ou celle qui vit comme si Dieu n’existait pas. C’est la personne sans aucune référence au transcendant, sans aucun frein à son arrogance, qui ne craint pas les jugements sur ce qu’elle pense et ce qu’elle fait.

C’est pour cette raison que le Psautier présente la prière comme la réalité fondamentale de la vie. La référence à l’absolu et au transcendant – que les maîtres d’ascétique appellent la “sainte crainte de Dieu” – est ce qui nous rend pleinement humains, c’est la limite qui nous sauve de nous-mêmes, en empêchant que nous nous jetions sur cette vie de manière prédatrice et vorace. La prière est le salut de l’être humain.

Assurément, il existe également une prière fausse, une prière faite seulement pour être admirée par les autres. Celle de celui ou de ceux qui vont à la Messe uniquement pour faire voir qu’ils sont catholiques ou pour faire voir le dernier modèle qu’ils ont acheté, ou pour faire bonne figure socialement. Ils récitent une fausse prière. Jésus a admonesté avec force à cet égard (cf.  Mt 6, 5-6; Lc 9, 14). Mais quand le vrai esprit de la prière est accueilli avec sincérité et descend dans le cœur, alors celle-ci nous fait contempler la réalité avec les yeux mêmes  de Dieu.

Quand on prie, chaque chose acquiert de l’“épaisseur”. Cela est curieux dans la prière, nous commençons peut-être par une chose imperceptible, mais dans la prière cette chose acquiert de l’épaisseur, acquiert du poids, comme si Dieu la prenait par la main et la transformait. Le pire service que l’on puisse rendre à Dieu et également à l’homme, est de prier avec lassitude, de manière routinière. Prier comme des perroquets. Non, on prie avec le cœur. La prière est le centre de la vie. S’il y a la prière, notre frère, notre sœur, également notre ennemi,  deviennent eux aussi importants. Un antique dicton des premiers moines chrétiens dit ainsi: «Bienheureux le moine qui, après Dieu, considère tous les hommes comme Dieu» (Evagrio Pontico, Traité sur la prière, n. 123). Celui qui adore Dieu aime ses enfants. Celui qui respecte Dieu, respecte les êtres humains.

C’est pourquoi la prière n’est pas un calmant pour atténuer l’anxiété de la vie; de toutes façons, une prière de ce genre n’est sûrement pas chrétienne. La prière responsabilise plutôt chacun de nous. Nous le voyons clairement dans le «Notre Père», que Jésus a enseigné à ses disciples.

Pour apprendre cette manière de prier, le Psautier est une grande école. Nous avons vu que les Psaumes n’utilisent pas toujours des paroles raffinées et gentilles, et ils portent souvent imprimées les cicatrices de l’existence. Pourtant, toutes ces prières ont été utilisées auparavant dans le Temple de Jérusalem et ensuite dans les synagogues; même celles plus intimes et personnelles. Le Catéchisme de l’Eglise catholique s’exprime ainsi: «Les expressions multiformes de la prière des Psaumes prennent forme à la fois dans la liturgie du temple et dans le cœur de l’homme» (n. 2588). Et ainsi, la prière personnelle puise et se nourrit tout d’abord à celle du peuple d’Israël, et ensuite à  celle du peuple de l’Eglise.

Même les psaumes à la première personne du singulier, qui confient les pensées et les problèmes les plus intimes d’un individu, sont un patrimoine collectif, jusqu’à être priés par tous et pour tous. La prière des chrétiens a ce «souffle», cette «tension» spirituelle qui garde ensemble le temple et le monde. La prière peut commencer dans la pénombre d’une nef, mais ensuite elle termine sa course dans les rues de la ville. Et vice versa, elle peut germer pendant les occupations quotidiennes et arriver à son accomplissement dans la liturgie. Les portes des églises ne sont pas des barrières, mais des «membranes» perméables, disponibles à recueillir le cri de tous.

Dans la prière du Psautier, le monde est toujours présent. Les psaumes, par exemple, donnent voix à la promesse divine de salut des plus faibles: «A cause du malheureux qu’on dépouille, du pauvre qui gémit, maintenant je me lève, déclare Yahvé, j’assurerai le salut à ceux qui en ont soif» (12, 6). Ou bien, ils avertissent du danger des richesses mondaines, car «l’homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail qu’on abat» (48, 21). Ou bien encore, ils ouvrent l’horizon au regard de Dieu sur l’histoire: «Yahvé déjoue les plans des nations, il empêche les pensées des peuples; mais le plan de Yahvé subsiste à jamais, les pensées de son cœur, d’âge en âge» (33, 10-11).

En somme, là où Dieu est présent, l’homme doit aussi être présent. L’Ecriture Sainte est catégorique: «Quant à nous, aimons, puisque Lui nous a aimés le premier. Mais Lui va toujours avant nous. Il nous attend toujours, parce qu’Il nous aime le premier, Il nous regarde le premier, Il nous comprend le premier. Il nous attend toujours. Si quelqu’un dit: ‘J’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur: celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Si tu pries de nombreux chapelets chaque jour, mais qu’ensuite tu fais des commérages sur les autres et que tu as de la rancœur en toi, tu as de la haine contre les autres, c’est de l’artifice pur, ce n’est pas la vérité. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de Lui: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère» (1 Jn 4, 19-21). L’Ecriture admet le cas d’une personne qui, bien que cherchant sincèrement Dieu, ne réussit jamais à le rencontrer; mais elle affirme également que l’on ne peut jamais nier les larmes des pauvres, sous peine de ne pas rencontrer Dieu. Dieu ne supporte pas l’ «athéisme» de celui qui nie l’image divine qui est imprimée dans chaque être humain. Cet athéisme de tous les jours: je crois en Dieu, mais avec les autres je garde la distance et je me permets de haïr les autres. C’est de l’athéïsme pratique. Ne pas reconnaître la personne humaine comme image de Dieu est un sacrilège, c’est une abomination, c’est la pire offense que l’on peut faire au temple et à l’autel.

Chers frères et sœurs, que la prière des psaumes nous aide à ne pas tomber dans la tentation de l’«impiété», c’est-à-dire de vivre, et peut-être également de prier, comme si Dieu n’existait pas, et comme si les pauvres n’existaient pas.


Je suis heureux de saluer les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Toulouse, avec l’Archevêque Mgr Le Gall. La prière des psaumes est l’école de la vie avec Dieu et de la responsabilité vis-à-vis des personnes pauvres et vulnérables. Demandons la grâce de mettre Dieu et la personne humaine au centre de notre prière.

A tous, je donne ma bénédiction !


 




Audience Générale du Mercredi 14 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 14 Octobre 2020


Catéchèse – 10. La prière des Psaumes. 1

Chers frères et sœurs, bonjour!

En lisant la Bible, on trouve sans cesse des prières de divers genres. Mais on trouve également un livre composé seulement de prières, un livre qui est devenu la patrie, le terrain d’exercice et la maison d’innombrables orants. Il s’agit du Livre des Psaumes. Il y a 150 psaumes pour prier.

Il fait partie des livres sapientiels, car il communique le “savoir prier” à travers l’expérience du dialogue avec Dieu. Dans les psaumes, nous trouvons tous les sentiments humains: les joies, les douleurs, les doutes, les espérances, les amertumes qui colorent notre vie. Le Catéchisme affirme que chaque psaume  «est d’une sobriété telle qu’il peut être prié en vérité par les hommes de toute condition et de tout temps» (CEC, n. 2588). En lisant et en relisant les psaumes, nous apprenons le langage de la prière. Dieu le Père, en effet, les a inspirés avec son Esprit dans le cœur du roi David et d’autres orants, pour enseigner à chaque homme et femme comment le louer, comment le remercier et le supplier, comment l’invoquer dans la joie et dans la douleur, comment raconter les merveilles de ses œuvres et de sa Loi. En synthèse, les psaumes sont la parole de Dieu que nous, les humains, nous utilisons pour parler avec Lui.

Dans ce livre, nous ne rencontrons pas de personnes éthérées, des personnes abstraites, des gens qui confondent la prière avec une expérience esthétique ou aliénante. Les psaumes ne sont pas des textes nés à un bureau ; ce sont des invocations, souvent dramatiques, qui jaillissent du vif de l’existence. Pour les prier, il suffit d’être ce que nous sommes. Nous ne devons pas oublier que pour bien prier, nous devons prier tels que nous sommes, sans maquillage. Il ne faut pas maquiller son âme pour prier. «Seigneur, je suis ainsi», et se présenter devant le Seigneur tels que nous sommes, avec les belles choses et aussi avec les choses laides que personne ne connaît, mais que nous, à l’intérieur, nous connaissons. Dans les psaumes, nous entendons les voix d’orants en chair et en os, dont la vie, comme celle de tous, est remplie de problèmes, de difficultés, d’incertitudes. Le psalmiste ne conteste pas de manière radicale cette souffrance: il sait qu’elle appartient à la vie. Dans les psaumes, cependant, la souffrance se transforme en question. De la souffrance à la question.

Et parmi les nombreuses questions, il y en a une qui reste suspendue, comme un cri incessant qui traverse le livre entier de part en part. Une question, que nous répétons tant de fois: “Jusqu’à quand, Seigneur? Jusqu’à quand?”. Chaque douleur réclame une libération, chaque larme invoque une consolation, chaque blessure attend une guérison, chaque calomnie une sentence d’absolution. «Jusqu’à quand, Seigneur, devrais-je endurer cela? Ecoute-moi, Seigneur !»: combien de fois avons-nous prié ainsi, avec «Jusqu’à quand ?», cela suffit Seigneur!

En posant sans cesse des questions de ce genre, les psaumes nous enseignent à ne pas nous habituer à la douleur, et ils nous rappellent que la vie n’est pas sauvée si elle n’est pas guérie. L’existence de l’homme est un souffle, son histoire est fugace, mais l’orant sait qu’il est précieux aux yeux de Dieu, c’est pourquoi crier a un sens. Et cela est important. Quand nous prions, nous le faisons parce que nous savons que nous sommes précieux aux yeux de Dieu. C’est la grâce de l’Esprit Saint qui, de l’intérieur, suscite en nous cette conscience: d’être précieux aux yeux de Dieu. Et pour cette raison, nous sommes poussés à prier.

La prière des psaumes est le témoignage de ce cri: un cri multiple, car dans la vie la douleur a mille forme, et prend le nom de maladie, haine, guerre, persécution, méfiance… Jusqu’au “scandale” suprême, celui de la mort. La mort apparaît dans le Psautier comme l’ennemie la plus déraisonnable de l’homme: quel délit mérite une punition aussi cruelle, qui comporte l’anéantissement et la fin? L’orant des psaumes demande à Dieu d’intervenir là où tous les efforts humains sont vains. Voilà pourquoi la prière, déjà en elle-même, est une chemin de salut et un début de salut.

Tous souffrent dans ce monde: aussi bien celui qui croit en Dieu que celui qui le repousse. Mais dans le Psautier, la douleur devient relation, rapport: un cri d’aide qui attend d’intercepter une oreille attentive. Elle ne peut pas rester sans sens, sans but. Même les douleurs que nous subissons ne peuvent pas être seulement des cas spécifiques d’une loi universelle: ce sont toujours “mes” larmes. Pensez à cela: les larmes ne sont pas universelles, ce sont «mes» larmes. Chacun a les siennes. «Mes» larmes et «ma» douleur me poussent à aller de l’avant avec la prière. Ce sont «mes» larmes, que personne n’a jamais versées avant moi. Oui, beaucoup de personnes ont pleuré, beaucoup. Mais «mes» larmes sont les miennes, «ma» douleur est la mienne, «ma» souffrance est la mienne.

Avant d’entrer dans la salle, j’ai rencontré les parents de ce prêtre du diocèse de Côme qui a été tué; il a précisément été tué dans son service pour aider. Les larmes de ces parents sont «leurs» larmes et chacun d’eux sait combien il a souffert en voyant ce fils qui a donné sa vie dans le service aux pauvres. Quand nous voulons consoler quelqu’un, nous ne trouvons pas les mots. Pourquoi? Parce que nous ne pouvons pas arriver à sa douleur, parce que «sa» douleur est la sienne, «ses» larmes sont les siennes. C’est la même chose pour nous: les larmes, «ma» douleur est la mienne, les larmes sont «les miennes» et avec ces larmes, avec cette douleur, je m’adresse au Seigneur.

Pour Dieu, toutes les douleurs des hommes sont sacrées. C’est ainsi que prie l’orant du psaume 56: «Toi, tu tiens le compte de chacun des pas de ma vie errante, et mes larmes même tu les gardes dans ton outre. Leur compte est inscrit dans ton livre» (v. 9). Devant Dieu, nous ne sommes pas des inconnus, ou des numéros. Nous sommes des visages et des cœurs, connus un par un, par leur nom.

Dans les psaumes, le croyant trouve une réponse, Il sait que, même si toutes les portes humaines étaient fermées, la porte de Dieu est ouverte. Même si tout le monde avait prononcé un verdict de condamnation, en Dieu se trouve le salut.

“Le Seigneur écoute”: quelquefois dans le prière, il suffit de savoir. Les problèmes ne se résolvent pas toujours. Celui qui prie n’est pas un naïf: il sait que de nombreuses questions de la vie d’ici-bas restent sans solution, sans issue; la souffrance nous accompagnera et après une bataille gagnée, il y en aura d’autres qui nous attendent. Mais si nous sommes écoutés, tout devient plus  supportable.

La pire chose qui puisse arriver est de souffrir dans l’abandon, sans qu’on se souvienne de nous. La prière nous sauve de cela. Car il peut arriver, et même souvent, de ne pas comprendre les desseins de Dieu. Mais nos cris ne stagnent pas ici-bas: ils montent jusqu’à Lui, qui a un cœur de Père, et qui pleure Lui-même pour chaque fils et fille qui souffre et qui meurt. Je vais vous dire quelque chose: cela me fait du bien, dans les mauvais moments, de penser aux pleurs de Jésus, quand il pleura en regardant Jérusalem, quand il pleura devant la tombe de Lazare. Dieu a pleuré pour moi, Dieu pleure, il pleure pour nos douleurs. Car Dieu a voulu se faire homme – disait un auteur spirituel – pour pouvoir pleurer. Penser que Jésus pleure avec moi dans la douleur est une consolation: il nous aide à aller de l’avant. Si nous restons dans la relation avec Lui, la vie ne nous épargne pas les souffrances, mais elle s’ouvre à un grand horizon de bien et se met en marche vers son accomplissement. Courage, allons de l’avant avec la prière. Jésus est toujours à nos côtés.


Je salue cordialement les personnes de langue française. Alors que l’humanité souffre encore de la pandémie, je vous invite à lire et à prier les psaumes, assurés que Dieu nous écoute et qu’il n’abandonne jamais ceux qui mettent leur confiance en lui. En ce mois du Rosaire, que la Vierge Marie vous garde et vous protège !


Résumé de la catéchèse du Saint-Père :

Frères et sœurs, dans les Psaumes nous trouvons tous les sentiments humains : les joies, les souffrances, les doutes, les espérances, les amertumes qui colorent notre vie. En lisant les psaumes nous apprenons le langage de la prière. Ils sont la parole de Dieu que nous utilisons pour parler avec lui. Ils sont des invocations, souvent dramatiques, qui surgissent du vif de l’existence. Pour les prier, il suffit d’être ce que nous sommes. En eux la souffrance se transforme en demande. Celui qui prie sait qu’il est précieux aux yeux de Dieu, pour qui crier a un sens. La prière des psaumes est le témoignage de ce cri. Celui qui prie les psaumes demande à Dieu d’intervenir là où tous les efforts humains sont vains. Et alors la souffrance devient relation : c’est l’appel à l’aide qui attend d’être intercepté par une oreille qui entende. Pour Dieu, toutes les douleurs des hommes sont sacrées. Devant lui nous ne sommes pas des inconnus ou des numéros. Nous sommes connus chacun par notre nom. Sa porte est toujours ouverte. Parfois, il suffit de savoir qu’il écoute. Celui qui prie sait que bien des questions de la vie demeurent sans solution. Mais si nous sommes écoutés, tout devient plus supportable. Le pire c’est de souffrir abandonnés. La prière nous sauve de cela. La vie ne nous épargne pas les souffrances, mais si nous demeurons en relation avec Dieu, elle s’ouvre à un large horizon de bien et s’achemine vers son accomplissement.




Audience Générale du Mercredi 7 Octobre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 7 Octobre 2020


Catéchèse – 9. La prière d’Elie

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous reprenons aujourd’hui les catéchèses sur la prière, que nous avons interrompues pour passer à la catéchèse sur la sauvegarde de la création, et maintenant nous reprenons ; et nous rencontrons l’un des personnages les plus passionnants de toute l’Ecriture Sainte : le prophète Elie. Il transcende les frontières de son époque et nous pouvons déceler sa présence également dans certains épisodes de l’Evangile. Il apparaît aux côtés de Jésus, avec Moïse, au moment de la Transfiguration (cf. Mt 17, 3). Jésus lui-même fait référence à sa figure pour accréditer le témoignage de Jean-Baptiste (cf. Mr 17, 10-13).

 

Dans la Bible, Elie apparaît à l’improviste, de façon mystérieuse, provenant d’un petit village tout à fait marginal (cf. 1 R 17, 1) ; et à la fin, il sortira de scène, sous les yeux du disciple Elisée, sur un char de feu qui le conduit au ciel (cf 2 R 2, 11-12). Il s’agit donc d’un homme sans origine précise, et surtout sans but, enlevé au ciel : c’est pourquoi son retour était attendu avant l’avènement du Messie, comme un précurseur. Ainsi l’on attendait le retour d’Elie.

L’Ecriture nous présente Elie comme un homme à la foi limpide : dans son nom même, qui pourrait signifier « Yahvé est Dieu », est contenu le secret de sa mission. Il en sera ainsi tout au long de sa vie : homme intègre, incapable de compromis mesquins. Son symbole est le feu, image de la puissance purificatrice de Dieu. Il sera le premier à être mis à dure épreuve, et demeurera fidèle. Il est l’exemple de toutes les personnes de foi qui connaissent les tentations et les souffrances, mais qui ne trahissent pas l’idéal pour lequel elles sont nées.

La prière est la sève qui alimente constamment son existence. C’est pourquoi c’est l’un des personnages les plus chers à la tradition monastique, au point que certains l’ont élu comme père spirituel de la vie consacrée à Dieu. Elie est l’homme de Dieu, qui s’élève au rang de défenseur du primat du Très Haut. Et pourtant, lui aussi est contraint à se mesurer avec sa propre fragilité. Il est difficile de dire quelles expériences lui furent les plus utiles : avoir vaincu les faux prophètes sur le mont Carmel (cf. 1 R 18, 20-40), ou bien l’égarement au cours duquel il constate « n’être pas meilleurs que ses pères » (1 R 19, 4). Dans l’âme de celui qui prie, la conscience de sa faiblesse est plus précieuse que les moments d’exaltation, quand il semble que la vie est une chevauchée de victoires et de succès. Dans la prière il arrive toujours ceci : des moments de prière qui nous élèvent, nous donnent de l’enthousiasme, et des moments de prière ou nous ressentons de la douleur, de l’aridité, de l’épreuve. La prière est ainsi : se laisser porter par Dieu et se laisser frapper aussi par de mauvaises situations et également par les tentations. C’est l’une des réalités que l’on retrouve dans de nombreuses autres vocations bibliques, également dans le Nouveau Testament, pensons par exemple à saint Pierre et à saint Paul. Même leur vie était ainsi : des moments d’exaltation et des moments d’abattements, de souffrance.

Elie est l’homme de la vie contemplative et, dans le même temps, de la vie active, préoccupé par les événements de son temps, capable de se dresser contre le roi et la reine  après qu’ils ont fait tué Nabot pour s’emparer de sa vigne (cf. 1 R 21, 1-24). Combien avons-nous besoin de croyants, de chrétiens zélés, qui agissent face à des personnes qui ont des responsabilités de direction avec le courage d’Elie, pour dire : « Cela ne va pas ! Cela est un assassinat ! ». Nous avons besoin de l’esprit d’Elie. Il nous montre qu’il ne doit pas y avoir de séparation dans la vie de celui qui prie : on se tient devant le Seigneur et l’on va à la rencontre de ses frères auxquels Il nous envoie. La prière ce n’est pas se renfermer avec le Seigneur pour se maquiller l’âme : non, cela n’est pas la prière, c’est une fausse prière. La prière est une confrontation avec Dieu et se laisser envoyer pour servir nos frères. Le banc d’essai de la prière est l’amour concret pour le prochain. Inversement, les croyants agissent dans le monde après s’être tus et avoir prié ; autrement, leur action est impulsive, elle est privée de discernement, c’est une course effrénée sans but. Les croyants se comportent ainsi, ils commettent de nombreuses injustices, parce qu’ils ne se sont pas présentés devant le Seigneur pour prier, pour discerner ce qu’ils doivent faire.

Les pages de la Bible laissent supposer que la foi d’Elie a elle aussi connu un progrès : lui aussi a grandi dans la prière, il l’a affinée peu à peu. Le visage de Dieu est devenu pour lui plus clair au cours du chemin. Jusqu’à atteindre son point culminant dans cette expérience extraordinaire, quand Dieu se manifeste à Elie sur le mont (cf. 1 R 19 ; 9-13). Il se manifeste non pas dans la tempête impétueuse, non pas dans le tremblement de terre ou dans le feu dévorant, mais dans « le bruit d’une brise légère » (v. 12). Ou mieux encore, une traduction qui reflète bien cette expérience : dans un courant de silence sonore. Ainsi se manifeste Dieu à Elie. C’est à travers ce signe humble que Dieu communique avec Elie, qui à ce moment est un prophète en fuite qui a égaré la paix. Dieu va à la rencontre d’un homme fatigué, un homme qui pensait avoir échoué sur tous les fronts, et avec cette brise légère, avec ce courant de silence sonore, il fait revenir le calme et la paix dans son cœur.

Telle est l’histoire d’Elie, mais elle semble écrite pour nous tous. Certains soirs, nous pouvons nous sentir inutiles et seuls. C’est alors que la prière  viendra frapper à la porte de notre cœur. Nous pouvons tous saisir un pan du manteau d’Elie, comme son disciple Elisée a saisi la moitié du manteau  Et même si nous avions commis des erreurs, ou si nous nous sentions menacés et effrayés, en revenant devant Dieu avec la prière, la sérénité et la paix reviendront aussi comme par miracle. C’est ce que nous enseigne l’exemple d’Elie.


Je suis heureux de saluer les personnes de langue française. Demandons par l’intercession de Notre-Dame du Rosaire la grâce d’être des hommes et des femmes intègres et dignes de foi, afin que, dans la prière, le Seigneur rejoigne chacun de nous dans sa vie et lui donne la paix et la sérénité.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 30 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 30 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour!

Ces dernières semaines, nous avons réfléchi ensemble, à la lumière de l’Evangile, sur la façon de guérir le monde qui souffre d’un malaise que la pandémie a souligné et accentué. Il y avait un malaise: la pandémie l’a souligné davantage, l’a accentué. Nous avons parcouru les voies de la dignité, de la solidarité et de la subsidiarité, des voies indispensables pour promouvoir la dignité humaine et le bien commun. Et en tant que disciples de Jésus, nous nous sommes proposés de suivre ses pas en optant pour les pauvres, en repensant l’usage des biens et en prenant soin de la maison commune. Au milieu de la pandémie qui nous frappe, nous nous sommes ancrés aux principes de la doctrine sociale de l’Eglise, en nous laissant guider par la foi, par l’espérance et par la charité. Nous avons trouvé là une aide solide pour être des agents de transformation qui rêvent en grand, qui ne s’arrêtent pas aux mesquineries qui divisent et blessent, mais qui encouragent à engendrer un monde nouveau et meilleur.

Je voudrais que ce chemin ne finisse pas avec mes catéchèses, mais que nous puissions continuer à avancer ensemble, «en gardant le regard fixé sur Jésus» (He 12, 2), comme nous avons entendu au début; le regard sur Jésus qui sauve et guérit le monde. Comme nous le montre l’Evangile, Jésus a guéri des malades de tous les types (cf. Mt 9, 35), il a rendu la vue aux aveugles, la parole aux muets, l’ouïe aux sourds. Et quand il guérissait les maladies et les infirmités physiques, il guérissait aussi l’esprit en pardonnant les péchés, parce que Jésus pardonne toujours, ainsi que les “douleur sociales” en incluant les exclus (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1421). Jésus, qui renouvelle et réconcilie chaque créature (cf. 2 Co 5, 17; Col 1, 19-20), nous offre les dons nécessaires pour aimer et guérir comme Il savait le faire (cf. Lc 10, 1-9; Jn 15, 9-17), pour prendre soin de tous sans distinctions de race, de langue ou de nation.

Afin que cela arrive réellement, nous avons besoin de contempler et d’apprécier la beauté de chaque être humain et de chaque créature. Nous avons été conçus dans le cœur de Dieu (cf. Ep 1, 3-5). «Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun de nous est aimé, chacun est nécessaire» (Benoît XVI, Homélie pour le début du ministère pétrinien,  24 avril 2005); cf. Enc. Laudato si’, n. 65). En outre, chaque créature a quelque chose à nous dire du Dieu créateur (cf. Enc. Laudato si’, nn. 69. 239). Reconnaître cette vérité et rendre grâce pour les liens intimes de communion universelle avec toutes les personnes et avec toute les créatures, met en œuvre «une protection généreuse et pleine de tendresse» (ibid., n. 220). Et nous aide également à reconnaître le Christ présent dans nos frères et sœurs pauvres et qui souffrent, à les rencontrer et à écouter leur cri et le cri de la terre qui s’en fait l’écho (cf. ibid., n. 49).

Intérieurement mobilisés par ces cris qui réclament que nous prenions une autre route (cf.  ibid., n. 53), qui réclament que nous changieons, nous pourrons contribuer à la guérison des relations avec nos dons et nos capacités (cf. ibid., n. 19). Nous pourrons régénérer la société et ne pas revenir à la soi-disant “normalité”, qui est une normalité malade, et d’ailleurs malade depuis même avant la pandémie: la pandémie l’a soulignée! «A présent revenons à la normalité»: non, cela ne va pas, car cette normalité était malade d’injustices, d’inégalités et de dégradation environnementale. La normalité à laquelle nous sommes appelés est celle du Royaume de Dieu, où «les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres» (Mt 11, 5). Et que personne ne fasse l’innocent en regardant d’un autre côté. C’est ce que nous devons faire, pour changer. Dans la normalité du Royaume de Dieu, le pain arrive à tous et il en reste, l’organisation sociale se base sur la contribution, le partage et la distribution, pas sur la possession, l’exclusion et l’accumulation (cf. Mt 14, 13-21). Le geste qui fait avancer une société, une famille, un quartier, une ville, tout le monde, est celui de se donner, de donner; ce n’est pas faire l’aumône, mais c’est une manière de se donner qui vient du cœur. Un geste qui éloigne l’égoïsme et l’angoisse de posséder. Mais la manière chrétienne de faire cela n’est pas une manière mécanique: c’est une manière humaine. Nous ne pourrons jamais sortir de la crise que la pandémie a soulignée, mécaniquement, avec de nouveaux instruments – qui sont très importants, qui nous font aller de l’avant et dont il ne faut pas avoir peur –  en sachant que pas même les moyens les plus sophistiqués pourront faire beaucoup de choses, mais il y a une chose qu’ils ne pourront pas faire: donner de la tendresse. Et la tendresse est le signal propre de la présence de Jésus. Cette manière de s’approcher de son prochain pour marcher, pour guérir, pour aider, pour se sacrifier pour l’autre.

Cette normalité du Royaume de Dieu est donc importante: que le pain arrive à tous, que l’organisation sociale se base sur la contribution, le partage, la distribution, avec tendresse, pas sur la possession, l’exclusion et l’accumulation. Car à la fin de notre vie nous n’emporterons rien dans l’autre vie!

Un petit virus continue à causer des blessures profondes et démasque nos vulnérabilités physiques, sociales et spirituelles. Il a mis à nu la grande inégalité qui règne dans le monde: l’inégalité des opportunités, des biens, de l’accès à la santé, à la technologie, à l’éducation : des millions d’enfants ne peuvent pas aller à l’école, et la liste continue ainsi. Ces injustices ne sont pas naturelles ni inévitables. Elles sont l’œuvre de l’homme, elles proviennent d’un modèle de croissance détaché des valeurs plus profondes. Le gaspillage des restes d’un repas: avec ce gaspillage on peut donner à manger à tous. Et cela a fait perdre l’espérance à de nombreuses personnes et a augmenté l’incertitude et l’angoisse. C’est pourquoi, pour sortir de la pandémie, nous devons trouver le remède non seulement pour le coronavirus – qui est important! –  mais également pour les grands virus humains et socio-économiques. Il ne faut pas les cacher, en passant un coup de peinture pour qu’ils ne se voient pas. Et assurément nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le modèle économique qui est à la base d’un développement inique et non durable résolve nos problèmes. Il ne l’a pas fait et il ne le fera pas, parce qu’il ne peut pas le faire, même si certains faux prophètes continuent à promettre  “l’effet en cascade” qui n’arrive jamais (“Trickle-down effect” en anglais, “derrame” en espagnol; cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 54) ). Peut-être avez-vous entendu parler du théorème du verre: l’important est que le verre se remplisse et ainsi le contenu se répand sur les pauvres et sur les autres, et ils reçoivent des richesses. Mais il se produit un phénomène : le verre commence à se remplir et quand il est presque plein, il grandit, il grandit et grandit encore, et la cascade n’a jamais lieu. Il faut faire attention.

Nous devons nous mettre à travailler urgemment pour générer de bonnes politiques, définir des systèmes d’organisation sociale où soient récompensés la participation, le soin et la générosité, plutôt que l’indifférence, l’exploitation et les intérêts particuliers. Nous devons avancer avec tendresse. Une société solidaire et équitable est une société plus saine. Une société participative – où les “derniers” sont tenus en considération comme les “premiers” – renforce la communion. Une société où l’on respecte la diversité est beaucoup plus résistante à tout type de virus.

Plaçons ce chemin de guérison sous la protection de  la Vierge Marie, Mère de la Santé. Que Celle qui porta Jésus dans son sein nous aide à être confiants. Animés par l’Esprit Saint, nous pourrons travailler ensemble pour le Royaume de Dieu que le Christ a inauguré dans ce monde, en venant parmi nous. C’est un Royaume de lumière au milieu de l’obscurité, de justice au milieu des nombreux outrages, de joie au milieu des multiples douleurs, de guérison et de salut au milieu des maladies et de la mort, de tendresse au milieu de la haine. Que Dieu nous accorde de “viraliser” l’amour et de mondialiser l’espérance à la lumière de la  foi.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Frères et sœurs, sous la protection de la Vierge Marie, mettons-nous à l’œuvre, chacun selon nos moyens, pour réaliser autour de nous une société où les derniers sont pris en considération au même titre que les premiers. Que Dieu vous bénisse !


 

 




Audience Générale du Mercredi 16 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 16 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour!

Pour sortir d’une pandémie, il est nécessaire de se soigner et de nous soigner mutuellement. Et il faut soutenir ceux qui prennent soin des plus pauvres, des malades et des personnes âgées. On a l’habitude de laisser de côté les personnes âgées, de les abandonner: cela n’est pas bien. Ces personnes – bien définies par le terme espagnol “cuidadores”, ceux qui prennent soin des malades – exercent un rôle essentiel dans la société d’aujourd’hui, même si souvent elles ne reçoivent pas la reconnaissance et la rémunération qu’elles méritent. Prendre soin est une règle d’or de notre condition d’êtres humains, et cela apporte en soi la santé et l’espérance  (cf.  Enc. Laudato si’ [LS], n. 70). Prendre soin de celui qui est malade, de celui qui a besoin, de celui qui est laissé de côté: c’est une richesse humaine et également chrétienne.

Ce soin, nous devons également l’apporter à notre maison commune: à la terre et à chaque créature. Toutes les formes de vie sont liées (cf. ibid., nn. 137-138), et notre santé dépend des écosystèmes que Dieu a créés et dont il nous a chargé de prendre soin (cf. Gn 2, 15). En abuser, en revanche, est un grave péché qui crée des dommages, qui fait mal et qui rend malade (cf. LS, n. 8; n. 66). Le meilleur antidote contre cette usage impropre de notre maison commune est la contemplation (cf. ibid., n. 85; 214). Mais comment cela se fait-il? N’y a-t-il pas un vaccin pour cela, pour le soin de la maison commune, pour ne pas la laisser de côté? Quel est l’antidote contre la maladie de ne pas prendre soin de la maison commune? C’est la contemplation.  «Quand quelqu’un n’apprend pas à s’arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour lui objet d’usage et d’abus sans scrupule» (ibid., n. 215). Toutefois, notre maison commune, la création, n’est pas une simple “ressource”. Les créatures ont une valeur en elles-mêmes et «reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et bonté infinies de Dieu» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 339). Cette valeur et ce rayon de lumière divine doit être découvert et, pour le découvrir, nous avons besoin de rester en silence, nous avons besoin d’écouter, et nous avons besoin de contempler. Même la contemplation guérit l’âme.

Sans contemplation, il est facile de tomber dans un anthropocentrisme déséquilibré et orgueilleux, le “moi” au centre de tout, qui surdimensionne notre rôle d’êtres humains, en nous plaçant comme les dominateurs absolus de toutes les autres créatures. Une interprétation déformée des textes bibliques sur la création a contribué à cette vision erronée, qui conduit à exploiter la terre jusqu’à l’étouffer. Exploiter la création: voilà quel est le péché. Nous croyons être au centre, en prétendant occuper la place de Dieu et, ainsi, nous détruisons l’harmonie de la création, l’harmonie du  dessein de Dieu. Nous devenons des prédateurs, nous oublions notre vocation de gardiens de la vie. Certes, nous pouvons et nous devons travailler la terre pour vivre et nous développer. Mais le travail n’est pas synonyme d’exploitation, et il est toujours accompagné par le soin: labourer et protéger, travailler et prendre soin… Telle est notre mission (cf. Gn 2, 15). Nous ne pouvons pas prétendre continuer à grandir au niveau matériel, sans prendre soin de la maison commune qui nous accueille. Nos frères les plus pauvres et notre mère la terre gémissent à cause des dommages et de l’injustice que nous avons provoqués et ils réclament une autre route. Ils réclament de nous une conversion, un changement de route: prendre soin également de la terre, de la création.

Il est donc important de retrouver cette dimension contemplative, c’est-à-dire de regarder la terre, la création comme un don, pas comme quelque chose à exploiter pour le profit. Quand nous contemplons, nous découvrons chez les autres et dans la nature quelque chose de beaucoup plus grand que leur utilité. Le coeur du problème est là: contempler c’est aller au-delà de l’utilité d’une chose. Contempler la beauté ne veut pas dire l’exploiter: contempler est gratuité. Nous découvrons la valeur intrinsèque des choses que Dieu leur a conférée. Comme l’ont enseigné de nombreux maîtres spirituels, le ciel, la terre et la mer, chaque créature possède cette capacité iconique, cette capacité mystique de nous reconduire au Créateur et à la communion avec la création. Par exemple, saint Ignace de Loyola, à la fin de ses exercices spirituels, invite à se mettre en “contemplation pour parvenir à l’amour”, c’est-à-dire à considérer comment Dieu regarde ses créatures et à se réjouir avec elles; à découvrir la présence de Dieu dans ses créatures et, avec liberté et grâce, les aimer et en prendre soin.

La contemplation, qui nous conduit à une attitude de soin, n’est pas le fait de regarder la nature de l’extérieur, comme si nous n’y étions pas plongés. Mais nous sommes à l’intérieur de la nature, nous faisons partie de la nature. Elle se fait plutôt à partir de l’intérieur, en nous reconnaissant comme une partie de la création, en devenant des protagonistes et non de simples observateurs d’une réalité amorphe qui s’agirait seulement d’exploiter. Celui qui contemple de cette manière éprouve de l’émerveillement non seulement pour ce qu’il voit, mais également parce qu’il se sent faire partie intégrante de cette beauté; et il se sent également appelé à la préserver, à la protéger. Et il y a une chose que nous ne devons pas oublier: celui qui ne sait pas contempler la nature, la création, ne sait pas contempler les personnes dans leur richesse. Et celui qui vit pour exploiter la nature, finit par exploiter les personnes et les traiter comme des esclaves. C’est une loi universelle: si tu ne sais pas contempler la nature, il sera très difficile que tu saches contempler les gens, la beauté des personnes, ton frère, ta soeur.

Celui qui sait contempler se mettra plus facilement à l’œuvre pour changer ce qui cause la dégradation et des dommages à la santé. Il s’engagera à éduquer et à promouvoir de nouvelles habitudes de production et de consommation, à contribuer à un nouveau modèle de croissance économique qui garantisse le respect de la maison commune et le respect pour les personnes.  Le contemplatif en action tend à devenir un gardien de l’environnement: cela est beau! Chacun de nous doit être un gardien de l’environnement, de la pureté de l’environnement, en cherchant à conjuguer les savoirs ancestraux de cultures millénaires avec les nouvelles connaissances techniques, afin que notre style de vie soit toujours durable.

Enfin, Contempler et prendre soin: voilà deux attitudes qui montrent la voie pour corriger et rééquilibrer notre relation d’êtres humains avec la création. Très souvent, notre relation avec la création semble être une relation entre ennemis: détruire la création à mon avantage; exploiter la création à mon avantage. N’oublions pas que cela se paye cher; n’oublions pas ce dicton espagnol: “Dieu pardonne toujours; nous pardonnons parfois; la nature ne pardonne jamais”. Aujourd’hui, je lisais dans le journal une nouvelle sur ces deux grands glaciers de l’Antarctique, près de la Mer d’Amundsen: il vont tomber. Ce sera terrible, parce que le niveau de la mer montera et cela provoquera de nombreuses, nombreuses difficultés et beaucoup de mal. Et pourquoi? A cause du réchauffement, du manque de soin de l’environnement, du manque de soin de la maison commune. En revanche, si nous avons cette relation – je me permets le mot – “fraternelle” au sens figuré avec la création, nous deviendons les gardiens de la maison commune, les gardiens de la vie et les gardiens de l’espérance, nous sauvegarderons le patrimoine que Dieu nous a confié afin que les générations futures puissent en jouir. Et certains peuvent dire: “Mais moi, je m’en tire bien comme ça”. Mais le problème n’est pas comment tu t’en tires aujourd’hui – c’était ce que disait un théologien allemand, protestant, compétent: Bonhoeffer – le problème n’est pas comment tu t’en tires toi, aujourd’hui; le problème est: quel sera l’héritage, la vie de la génération future. Pensons aux enfants, aux petits-enfants: que leur laisserons-nous si nous exploitons la création. Sauvegardons ce chemin, ainsi nous deviendrons des “gardiens” de la maison commune, des gardiens de la vie et de l’espérance. Sauvegardons le patrimoine que Dieu nous a confié, afin que les générations futures puissent en profiter. Je pense de manière particulière aux peuples autochtones, envers lesquels nous avons tous une dette de reconnaissance – et même de pénitence, pour réparer tout le mal que nous leur avons fait. Mais je pense également à ces mouvements, associations, groupes populaires, qui s’engagent pour protéger leur territoire avec ses valeurs naturelles et culturelles. Ces réalités sociales ne sont pas toujours appréciées, on leur fait même parfois obstacle, parce qu’elles ne produisent pas d’argent; mais en réalité, elles contribuent à une révolution pacifique, nous pourrions l’appeler la “révolution du soin”. Contempler pour prendre soin, contempler pour sauvegarder, nous sauvegarder, ainsi que la création, nos enfants, nos petits enfants et sauvegarder l’avenir. Contempler pour prendre soin et pour sauvegarder et pour laisser un héritage à la génération future.

Il ne faut cependant pas déléguer à certaines personnes ce qui est la tâche de chaque être humain. Chacun de nous peut et doit devenir un “gardien de la maison commune”, capable de louer Dieu pour ses créatures, de contempler les créatures et de les protéger.


François a ensuite salué les pèlerins francophones:

Je suis heureux de saluer les personnes de langue française. Demandons la grâce de savoir contempler les merveilles de Dieu, afin que se développe une responsabilité individuelle et communautaire vis-à-vis de la protection et de la sauvegarde de la création.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 9 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 9 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour!

La crise que nous vivons à cause de la pandémie frappe tout le monde; nous pouvons en sortir meilleurs si nous cherchons tous ensemble le bien commun; dans le cas contraire, nous en sortirons pires.  Malheureusement, nous assistons à l’apparition d’intérêts partisans. Par exemple, certains voudraient s’approprier de solutions possibles, comme dans le cas des vaccins et ensuite les vendre aux autres. D’autres profitent de la situation pour fomenter des divisions: pour chercher des avantages économiques ou politiques, en engendrant ou en accroissant les conflits. D’autres ne s’intéressent tout simplement pas à la souffrance d’autrui, passent outre  et poursuivent leur chemin (cf. Lc 10, 30-32). Ce sont les fidèles de Ponce Pilate, ils s’en lavent les mains.

La réponse chrétienne à la pandémie et aux conséquentes crises socio-économiques se base sur l’amour, tout d’abord l’amour de Dieu qui nous précède toujours (cf. 1 Jn 4, 19). Il nous aime le premier, Il nous précède toujours dans l’amour et dans les solutions. Il nous aime de manière inconditionnée, et quand nous accueillons cet amour divin, alors nous pouvons répondre de manière semblable. Je n’aime pas seulement ceux qui m’aiment: ma famille, mes amis, mon groupe, mais aussi ceux qui ne m’aiment pas, j’aime aussi ceux qui ne me connaissent pas, j’aime aussi ceux qui sont des étrangers, et aussi ceux qui me font souffrir ou que je considère comme des ennemis (cf. Mt 5, 44). C’est la sagesse chrétienne, c’est l’attitude de Jésus. Et le point le plus élevé de la sainteté, disons ainsi, est d’aimer ses ennemis, et ce n’est pas facile. Certes, aimer tout le monde, y compris ses ennemis, est difficile – je dirais que c’est un art! Mais un art qu’on peut apprendre et améliorer. L’amour vrai, qui nous rend féconds et libres, est toujours expansif et inclusif. Cet amour soigne, guérit et fait du bien. Bien souvent, une caresse fait plus de bien que beaucoup d’arguments, une caresse de pardon et pas tant d’arguments pour se défendre. C’est l’amour inclusif qui guérit.

L’amour ne se limite donc pas aux relations entre deux ou trois personnes, ou aux amis, ou à la famille, il va au-delà. Il comprend les rapports civiques et politiques (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique [CEC], nn. 1907-1912), y compris le rapport avec la nature (Enc. Laudato si’ [LS], n. 231). Etant donné que nous sommes des êtres sociaux et politiques, l’une des plus hautes expressions de l’amour est précisément celle sociale et politique, décisive  pour le développement humain et pour affronter chaque type de crise (ibid., n. 231). Nous savons que l’amour féconde les familles et les amitiés; mais il est bon de rappeler qu’il féconde également les relations sociales, culturelles, économiques et politiques, en nous permettant de construire une “civilisation de l’amour”, comme aimait le dire saint Paul VI[1] et, dans son sillage, saint Jean-Paul II. Sans cette inspiration prévaut la culture de l’égoïsme, de l’indifférence, du rebut, c’est-à-dire mettre au rebut celui que je n’aime pas, celui que je ne peux pas aimer ou ceux qui me semblent inutiles dans la société. Aujourd’hui, à l’entrée, un couple m’a dit: “Priez pour nous, parce que nous avons un fils porteur de handicap”. J’ai demandé: “Quel âge a-t-il? – Il est grand – Et qu’est-ce que vous faites? – Nous l’accompagnons, nous l’aidons”. Toute la vie des parents donnée à ce fils porteur de handicap.  C’est de l’amour. Et les ennemis, les adversaires politiques, selon notre opinion, semblent être des porteurs de handicap politiques et sociaux, mais ils semblent. Dieu seul sait s’ils le sont ou pas. Mais nous devons les aimer, nous devons dialoguer, nous devons construire cette civilisation de l’amour, cette civilisation politique, sociale, de l’unité de toute l’humanité. Tout cela est l’opposé des guerres, des divisions, des envies, également des guerres en famille. L’amour inclusif est social, il est familial, il est politique: l’amour envahit tout!

Le coronavirus nous montre que le vrai bien pour chacun est un bien commun pas seulement individuel et, vice-versa, le bien commun est un vrai bien pour la personne (cf.  CEC, nn. 1905-1906). Si une personne cherche seulement son propre bien, elle est égoïste. En revanche, la personne est davantage une personne quand elle ouvre son propre bien à tous, qu’elle le partage. La santé, outre qu’un bien individuel, est également un bien public. Une société saine est celle qui prend soin de la santé de tous.

Un virus qui ne connaît pas de barrières, de frontières ou de distinctions culturelles et politiques doit être affronté avec un amour sans barrières, frontières ou distinctions. Cet amour peur engendrer des structures sociales qui nous encouragent à partager plutôt qu’à entrer en compétition, qui nous permettent d’inclure les plus vulnérables et de ne pas les exclure, et qui nous aident à exprimer le meilleur de notre nature humaine et non le pire. Le véritable amour ne connaît pas la culture du rebut, il ne sait pas ce que c’est. En effet, quand nous aimons et que nous engendrons la créativité, quand nous engendrons la confiance et la solidarité, c’est là qu’apparaissent des initiatives concrètes pour le bien commun.[2] Et cela vaut aussi bien au niveau des petites et des grandes communautés, qu’au niveau international. Ce que l’on fait en famille, ce que l’on fait dans le quartier, ce que l’on fait dans le village, ce que l’on fait dans la grande ville et au niveau international est la même chose: c’est la même semence qui grandit et porte du fruit. Si dans ta famille, dans ton quartier, tu commences avec l’envie, avec la lutte, à la fin il y aura la “guerre”. En revanche, si tu commences avec l’amour, à partager l’amour, le pardon, alors, il y aura l’amour et le pardon pour tous.

Au contraire, si les solutions à la pandémie portent l’empreinte de l’égoïsme, qu’il soit de personnes, d’entreprises ou de pays, nous pouvons peut-être sortir du coronavirus, mais certainement pas de la crise humaine et sociale que le virus a soulignée et accentuée. Faites donc attention à ne pas construire sur le sable (cf. Mt 7, 21-27)! Pour construire une société saine, inclusive, juste et pacifique, nous devons le faire sur le roc du bien commun.[3] Le bien commun est un roc. Et c’est la tâche de tous, pas seulement de quelques spécialistes. Saint Thomas d’Aquin disait que la promotion du bien  commun est un devoir de justice qui incombe à chaque citoyen. Chaque citoyen est responsable du bien commun. Et pour les chrétiens c’est aussi une mission. Comme l’enseigne saint Ignace de Loyola, orienter nos efforts quotidiens vers le bien commun est une manière de recevoir et de diffuser la gloire de Dieu.

Malheureusement, la politique ne jouit pas souvent d’une bonne réputation, et nous savons pourquoi. Cela ne veut pas dire que les politiciens soient tous mauvais, non, je ne veux pas dire cela. Je dis seulement que, malheureusement, la politique ne jouit pas souvent d’une bonne réputation. Il ne faut cependant pas se résigner à cette vision négative, mais réagir en démontrant par les faits qu’une bonne politique est possible, et même un devoir,[4] celle qui met au centre la personne humaine et le bien commun. Si vous lisez l’histoire de l’humanité, vous trouverez beaucoup d’hommes politiques saints, qui sont allés sur cette voie. Cela est possible dans la mesure ou chaque citoyen et, en particulier qui assume des engagements et des responsabilités sociales et politiques, enracine sa propre action dans les principes éthiques et l’anime avec l’amour social et politique. Les chrétiens, en particulier les fidèles laïcs, sont appelés à donner un bon témoignage de cela et ils peuvent le faire grâce à la vertu de la charité, en cultivant sa dimension sociale intrinsèque.

Il est donc temps d’accroître notre amour social – je veux souligner cela: notre amour social –, en contribuant tous, à partir de notre petitesse. Le bien commun demande la participation de tous. Si chacun y met du sien, et si personne n’est laissé de côté, nous pourrons régénérer de bonnes relations au niveau communautaire, national, international et également en harmonie avec l’environnement (cf.  LS, n. 236). Ainsi dans nos gestes, même les plus humbles, deviendra visible quelque chose de l’image de Dieu que nous portons en nous, parce que Dieu est Trinité, Dieu est amour. C’est la plus belle définition de Dieu de la Bible. Elle nous est donnée par l’apôtre Jean, qui aimait tant Jésus: Dieu est amour. Avec son aide, nous pouvons guérir le monde en travaillant tous ensemble pour le bien commun, pas seulement pour notre propre bien, mais pour le bien commun, de tous.


[1] Message pour la Xe Journée mondiale de la paix 1er janvier 1977AAS 68 (1976), 709.

[2] Cf. S. Jean-Paul II, Enc. Sollicitudo rei socialis, 38.

[3]  Ibid., 10.

[4] Cf. Message pour la Journée mondiale de la paix 1er janvier 2019 (8 décembre 2018).


François a ensuite salué les pèlerins francophones:

Je salue cordialement les personnes de langue française.

La recherche du bien commun, dont nos sociétés ont tant besoin, demande la participation de chacun. Faisons grandir en nos cœurs l’amour pour la société dans laquelle nous vivons. Agissons dans le souci du bien de nos frères dans nos gestes quotidiens, et rendons ainsi témoignage de l’amour de Dieu qui nous habite.

Que Dieu vous bénisse.




Audience Générale du Mercredi 2 Septembre 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Septembre 2020


Chers frères et sœurs, bonjour !

Après tant de mois, nous reprenons notre rencontre face à face et non devant un écran. Face à face. C’est beau ! L’actuelle pandémie a mis en évidence notre interdépendance : nous sommes tous liés, les uns aux autres, tant dans le mal que dans le bien. C’est pourquoi, pour sortir meilleurs de cette crise, nous devons le faire ensemble. Ensemble, pas tout seuls, ensemble. Seuls non, parce que l’on ne peut pas ! Ou on le fait ensemble, ou on ne le fait pas. Nous devons le faire ensemble,  tous, dans la solidarité. Je voudrais souligner ce mot aujourd’hui : solidarité.

En tant que famille humaine, nous avons notre origine commune en Dieu ; nous habitons dans une maison commune, la planète-jardin, la terre dans laquelle Dieu nous a placés ; et nous avons une destination commune dans le Christ. Mais quand nous oublions tout cela, notre interdépendance devient dépendance de certains à l’égard d’autres – nous perdons cette harmonie de l’interdépendance dans la solidarité – qui accroît l’inégalité et la marginalisation ; le tissu social s’affaiblit et l’environnement se dégrade. Toujours la même chose. La même façon d’ agir.

C’est pourquoi, le principe de solidarité est aujourd’hui plus que jamais nécessaire, comme l’a enseigné saint Jean-Paul II (cf. Enc. Sollicitudo rei socialis, nn. 38-40). Dans un monde interconnecté, nous faisons l’expérience de ce que signifie vivre dans le même « village global ». Cette expression est belle : le grand monde n’est autre qu’un village global, parce que tout est lié. Mais nous ne transformons pas toujours cette interdépendance en solidarité.  Il y a un long chemin entre l’interdépendance et la solidarité. Les égoïsmes – individuels, nationaux et des groupes de pouvoir – ainsi que les rigidités idéologiques alimentent au contraire des « structures de péché » (ibid., n. 36).

« Le mot “solidarité” est un peu usé et, parfois, on l’interprète mal, mais il désigne beaucoup plus que quelques actes sporadiques de générosité. C’est plus que cela ! Il demande de créer une nouvelle mentalité qui pense en termes de communauté, de priorité de la vie de tous sur l’appropriation des biens par quelques-uns » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 188). Cela signifie solidarité. Il ne s’agit pas seulement d’aider les autres – c’est bien de le faire, mais c’est plus que cela –  il s’agit de justice (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, nn. 1938-1940). L’interdépendance, pour être solidaire et porter des fruits, a besoin de fortes racines dans l’humain et dans la nature créée par Dieu, elle a besoin du respect des visages et de la terre.

Dès le début, la Bible nous avertit. Pensons au récit de la Tour de Babel (cf. Gn 11, 1-9), qui décrit ce qui se produit quand nous cherchons à atteindre le ciel – notre objectif – en ignorant le lien avec l’humain, avec la création et avec le Créateur. C’est une façon de dire : cela arrive chaque fois que l’on veut monter, monter, sans tenir compte des autres. Moi seulement ! Pensons  à la tour. Nous construisons des tours et des gratte-ciels, mais nous détruisons la communauté. Nous unifions les édifices et les langues, mais nous mortifions la richesse culturelle. Nous voulons être les maîtres de la Terre, mais nous détruisons la biodiversité et l’équilibre écologique. Je vous ai raconté au cours d’une autre audience l’histoire de ces pêcheurs de  San Benedetto del Tronto qui sont venus cette année et qui m’ont dit : « Nous avons récupéré de la mer 24 tonnes de déchets, dont la moitié était du plastique ». Imaginez ! Ces hommes capturent des poissons, oui, mais ils ont aussi l’idée de capturer les déchets et de les extraire pour nettoyer la mer. Mais cette [pollution] signifie détruire la terre, ne pas avoir de solidarité avec la terre qui est un don et l’équilibre écologique.

Je me souviens d’un récit médiéval qui décrit ce « syndrome de Babel », qui se produit quand il n’y a pas de solidarité. Ce récit médiéval  dit que, lors de la construction de la tour, quand un homme tombait – c’étaient des esclaves – et mourait, personne ne disait rien, au mieux : « Le pauvre, il s’est trompé et est tombé ». Mais si une brique tombait, tous se plaignaient. Et si quelqu’un était coupable, il était puni ! Pourquoi ? Parce qu’une brique coûtait cher à fabriquer, à préparer, à cuire. Il fallait du temps et du travail pour fabriquer une  brique. Une brique valait plus que la vie humaine. Que chacun de nous pense à ce qui se produit aujourd’hui. Malheureusement, aujourd’hui aussi, quelque chose de ce genre peut se produire. Le marché financier perd quelques points – nous l’avons vu sur les journaux ces jours-ci – et la nouvelle est rapportée par toutes les agences. Des milliers de personnes tombent à cause de la faim, de la misère, et personne n’en parle.

En opposition totale à Babel, nous trouvons la Pentecôte, nous l’avons entendu au début de l’audience (cf. Ac 2, 1-3). L’Esprit Saint, en descendant d’en haut comme le vent et le feu, investit la communauté enfermée au cénacle, lui insuffle la force de Dieu, la pousse à sortir et à annoncer à tous le Seigneur Jésus. L’Esprit crée l’unité dans la diversité, il crée l’harmonie. Dans le récit de la Tour de Babel, il n’y avait pas l’harmonie : il y avait le fait d’aller de l’avant pour gagner de l’argent. Là, l’homme n’était qu’un simple instrument, une simple « force de travail », mais ici, avec la Pentecôte, chacun de nous est un instrument, mais un instrument communautaire qui participe de tout son être à l’édification de la communauté. Saint François d’Assise le savait bien et, animé par l’Esprit, il donnait à toutes les personnes, et même aux créatures, le nom de frère ou sœur (cf. LS, n. 11; cf. Saint Bonaventure, Legenda maior, VIII, 6: FF 1145). Même le frère loup, rappelons-nous.

Avec la Pentecôte, Dieu se fait présent et inspire la foi de la communauté unie dans la diversité et dans la solidarité. Diversité et solidarité unies dans l’harmonie, telle est la voie. Une diversité solidaire possède les « anticorps » afin que la particularité de chacun – qui est un don, unique et irrépétible – ne tombe pas malade à cause de l’individualisme, de l’égoïsme. La diversité solidaire possède également les anticorps pour guérir les structures et les processus sociaux qui ont dégénéré en systèmes d’injustice, en systèmes d’oppression (cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n. 192). La solidarité est donc aujourd’hui la voie à parcourir vers un monde après la pandémie, vers la guérison de nos maladies interpersonnelles et sociales. Il n’y en a pas d’autre. Ou nous allons de l’avant sur la voie de la solidarité ou les choses seront pires. Je veux le répéter : on ne sort pas pareils qu’avant d’une crise. La pandémie est une crise. On sort d’une crise meilleurs ou pires. Nous devons choisir. Et la solidarité est précisément une voie pour sortir meilleurs de la crise, pas avec des changements superficiels, avec un coup de peinture comme ça tout va bien. Non ! Meilleurs !

Au milieu de la crise, une solidarité guidée par la foi nous permet de traduire l’amour de Dieu dans notre culture mondialisée, non pas en construisant des tours ou des murs – et combien de murs se construisent  aujourd’hui – qui divisent mais ensuite s’écroulent, mais en tissant des communautés et en soutenant des processus de croissance véritablement humaine et solide. C’est pour cela que la solidarité peut aider. Je pose une question : est-ce que je pense aux besoins des autres ? Que chacun réponde dans son cœur.

Au milieu des crises et des tempêtes, le Seigneur nous interpelle et nous invite à réveiller et à rendre active cette solidarité capable de donner une solidité, un soutien et un sens à ces heures où tout semble sombrer. Puisse la créativité de l’Esprit Saint nous encourager à engendrer de nouvelles formes d’accueil familial, de fraternité féconde et de solidarité universelle. Merci.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

En ces temps difficiles que nous traversons je vous encourage à répondre dans la foi aux appels que l’Esprit-Saint nous adresse à faire preuve de solidarité envers les personnes que nous rencontrons et qui comptent sur notre soutien fraternel.

Que Dieu vous bénisse !