1

Audience Générale du Mercredi 23 Août 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 23 Août 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 18.  L’annonce [de l’Évangile] dans la langue maternelle : saint Juan Diego, messager de la Vierge de Guadalupe

Chers frères et sœurs, bonjour !

Sur notre chemin à la redécouverte de notre passion pour l’annonce de l’Evangile, pour voir comment le zèle apostolique, cette passion pour annoncer l’Evangile s’est développée dans l’histoire de l’Eglise, sur ce chemin, nous nous tournons aujourd’hui  vers les Amériques. Ici, l’évangélisation a une source toujours vivante: Guadalupe. C’est une source vivante. Les Mexicains sont contents!  Bien sûr, l’Evangile y était déjà parvenu avant ces apparitions, mais il avait malheureusement été aussi accompagné d’intérêts mondains. Au lieu du chemin de l’inculturation, on a trop souvent emprunté le raccourci de la transplantation et de l’imposition de modèles pré-constitués — européens, par exemple —, sans respect pour les peuples autochtones. La Vierge de Guadalupe, en revanche, apparaît vêtue des habits des autochtones, parle leur langue, accueille et aime la culture locale: Marie est Mère et sous son manteau chaque enfant trouve sa place. En Elle, Dieu s’est fait chair et, à travers Marie, il continue à s’incarner dans la vie des peuples. La Vierge, en effet, annonce Dieu dans la langue la plus appropriée, c’est-à-dire la langue maternelle. Oui, l’Evangile est transmis dans la langue maternelle. Et à nous aussi la Vierge parle dans une langue maternelle, celle que nous connaissons bien. Oui, l’Evangile se transmet dans la langue maternelle. Et je voudrais dire merci aux nombreuses mères et aux nombreuses grands-mères qui le transmettent à leurs enfants et petits-enfants: la foi passe avec la vie, c’est pourquoi les mères et les grands-mères sont les premières annonciatrices. Un applaudissement aux mères et aux grands-mères! Et l’Evangile se communique, comme le montre Marie, dans la simplicité: la Vierge choisit toujours des personnes simples, sur la colline de Tepeyac au Mexique comme à Lourdes et à Fatima: en leur parlant, elle parle à chacun, dans un langage adapté à tous, dans un langage compréhensible, comme celui de Jésus.

Arrêtons-nous donc sur le témoignage de saint Juan Diego, qui est le messager, c’est le garçon, c’est l’au-tochtone qui a reçu la révélation de Marie: le messager de la Vierge de Guadalupe. C’était une personne humble, un Indien du peuple: Sur lui, s’est posé le regard de Dieu, qui aime accomplir  des miracles à travers les petits. Juan Diego était venu à la foi déjà adulte et marié. En décembre 1531, il avait environ 55 ans. En chemin, il aperçoit sur une colline la Mère de Dieu, qui l’appelle tendrement, et comment la Vierge l’appelle-t-elle? «Mon petit fils bien-aimé Juanito» (Nican Mopohua, 23). Elle l’envoie ensuite auprès de l’évêque pour lui demander de construire un temple à l’endroit où elle était apparue. Juan Diego, simple et disponible, y va avec la générosité de son cœur pur, mais il doit attendre longtemps. Il parle enfin à l’évêque, mais on ne le croit pas. Parfois, nous évêques… Il rencontre à nouveau la Vierge, qui le console et lui demande d’essayer à nouveau. L’indien retourne auprès de l’évêque et, non sans grande difficulté, le rencontre, mais ce dernier, après l’avoir écouté, le renvoie et envoie des hommes le suivre. Voilà la difficulté, l’épreuve de l’annonce: malgré le zèle, arrivent les imprévus,  parfois de l’Eglise elle-même. Pour annoncer, en effet, il ne suffit pas de témoigner du bien, il faut pouvoir supporter le mal. N’oublions pas cela: c’est très important pour annoncer l’Evangile, il ne suffit pas de témoigner le bien, mais il faut savoir supporter le mal. Un chrétien fait le bien, mais il supporte le mal. Les deux choses vont ensemble, la vie est ainsi.  Aujourd’hui aussi, dans de nombreux endroits, l’inculturation de l’Evangile et l’évangélisation des cultures exigent persévérance et patience, il ne faut pas craindre les conflits, ni perdre confiance. Je pense à un pays où les chrétiens sont persécutés, parce qu’ils sont chrétiens et ne peuvent pas  pratiquer leur religion  bien et dans la paix. Juan Diego, découragé, parce que l’évêque le ren-voyait, demande à la Vierge de le dispenser et de nommer quelqu’un de plus estimé et plus capable que lui, mais il est invité à persévérer. Il y a toujours le risque d’une certaine capitulation dans l’annonce: une chose ne va pas et on fait marche arrière, en se décourageant et en se réfugiant peut-être dans ses propres certitudes, dans les petits groupes et dans quelques dévotions intimistes. La Vierge, au contraire, tout en nous consolant, nous fait avancer et ainsi, nous fait grandir, comme une bonne mère qui, tout en suivant les pas de son fils, le lance dans les défis du monde.

Juan Diego, ainsi encouragé, retourne auprès de l’évêque qui lui demande un signe. La Vierge le lui promet et le réconforte par ces mots: «Que ton visage et ton cœur ne se troublent pas: […] Ne suis-je pas ici, ta mère?» (ibid., 118-119). C’est beau cela, très souvent, comme nous sommes  en proie au découragement, à la tristesse, aux difficultés,  la Vierge nous le dit à nous aussi, dans le cœur: «Ne suis-je pas ici, moi qui suis ta mère?». Toujours proche pour nous réconforter, et nous donner la force d’aller de l’avant.  Elle lui demande ensuite d’aller cueillir des fleurs au sommet de  la colline aride. C’est l’hiver, mais Juan Diego en trouve de très belles, les met dans son manteau et les offre à la Mère de Dieu, qui l’invite à les apporter à l’évêque comme preuve. Il s’y rend, attend patiemment son tour et finalement, en présence de l’évêque, ouvre sa tilma  — qui est ce qu’utilisaient les autochtones pour se couvrir — il ouvre sa tilma  en montrant les fleurs et voici:  sur le tissu du manteau apparaît l’image de la Madone, la Vierge extraordinaire et vivante que nous connaissons tous, dans les yeux de laquelle les protagonistes de l’époque se reflètent encore. Voici la surprise de Dieu: quand il y a disponibilité et quand il y a  obéissance, Il peut accomplir quelque chose d’inattendu, en des temps et des manières que nous ne pouvons pas prévoir. C’est ainsi que le  sanctuaire demandé par la Vierge a été construit et qu’aujourd’hui, on peut le visiter.

Juan Diego quitte tout et, avec la permission de l’évêque, consacre sa vie au sanctuaire. Il accueille les pèlerins et les évangélise. C’est ce qui a lieu dans les sanctuaires mariaux, destinations de pèlerinage et  lieux d’annonce, où chacun se sent chez soi — parce que c’est la maison de la mère, c’est la maison de la mère — et éprouve la nostalgie de sa maison, c’est-à-dire  la nostalgie du lieu où se trouve la Mère, le Ciel. Là, la foi est accueillie de manière simple, la foi est accueillie de façon authentique, de façon populaire, et  la Vierge, comme elle l’a dit à Juan Diego, écoute nos pleurs et guérit nos peines (cf. ibid., 32). Apprenons cela: quand il y a des difficultés dans la vie, allons voir la Mère; et quand la vie est heureuse, allons voir la Mère pour partager cela également. Nous avons besoin de nous rendre dans ces oasis de consolation et de miséricorde, où la foi s’exprime dans la langue maternelle, où nous déposons les difficultés de la vie dans les bras de la Vierge et où nous retournons à la vie avec la paix dans le cœur, peut-être avec la paix des enfants.

____________________________________________________

Je salue cordialement les personnes de langue française, particulièrement les pèlerins venus du Burkina Faso.

Frères et sœurs, apprenons à fréquenter les sanctuaires mariaux où, dans un langage maternel, nous déposerons les difficultés de la vie dans les mains de la Vierge Marie. Elle nous consolera et nous aidera à retrouver la paix du cœur.

Que Dieu vous bénisse !

__________________________

Je salue cordialement les Polonais. Dans quelques jours, vous célébrerez la solennité de la Bienheureuse Vierge Marie de Częstochowa. Que celle vers laquelle les fidèles se rendent en pèlerinage comme à la maison de leur mère bien-aimée soit pour vous un modèle d’écoute et de méditation humble des paroles de Jésus Christ. Vous témoignerez ainsi concrètement de l’amour du prochain, en particulier à l’égard du peuple ukrainien qui souffre de la guerre. Je vous bénis de tout cœur.

_____________________________

Je pense maintenant aux jeunes, aux malades, aux personnes âgées et aux jeunes mariés. Que l’exemple de l’apôtre saint Barthélemy, dont nous célébrerons la fête demain, vous aide à être des témoins sincères de Jésus et à supporter avec foi les souffrances, en pensant à celles qu’ont subies les apôtres de l’Evangile. A l’intercession de saint Barthélemy, nous confions également la chère Ukraine, si durement éprouvée par la guerre. Frères et sœurs, prions pour nos frères et sœurs ukrainiens: ils souffrent tant. La guerre est cruelle! Tant d’enfants ont disparu, tant de gens sont morts. Prions, s’il vous plaît! N’oublions pas l’Ukraine tourmentée. Aujourd’hui est une date importante pour leur pays.




Audience Générale du Mercredi 7 juin 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 7 juin 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 16. Les témoins : Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne des missions

Chers frères et sœurs, bienvenus, bonjour !

Nous voici devant les reliques de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne universelle des missions. Il est beau que cela se produise durant le moment de notre réflexion sur la passion pour l’évangélisation, sur le zèle apostolique. Aujourd’hui, donc, laissons-nous aider par le témoignage de Sainte Thérèse. Elle est née il y a 150 ans et, à l’occasion de cet anniversaire, j’ai l’intention de lui dédier une Lettre Apostolique.

Elle est la patronne des missions, bien qu’elle ne soit jamais partie en mission : comment explique-t-on cela ? Elle était carmélite et sa vie fut marquée par la petitesse et la faiblesse : elle se définissait elle-même comme « un petit grain de sable ». De santé fragile, elle mourut à l’âge de 24 ans seulement. Mais si son corps était infirme, son cœur était vibrant, était missionnaire. Dans son « diaire », elle raconte qu’être missionnaire était son désir et qu’elle voulait l’être non seulement pour quelques années, mais pour le reste de sa vie, voire jusqu’à la fin du monde. Thérèse fut la « sœur spirituelle » de plusieurs missionnaires : depuis le monastère, elle les accompagnait par ses lettres, ses prières et en offrant pour eux des sacrifices continuels. Sans en avoir l’air, elle intercédait pour les missions, cachée comme un moteur qui donne au véhicule la force pour avancer. Cependant, elle fut souvent incomprise par ses sœurs moniales : elle reçut d’elles « plus d’épines que de roses », mais elle accepta tout avec amour, avec patience, offrant, en même temps que sa maladie, les jugements et les incompréhensions. Et elle le fit avec joie, et elle le fit pour les besoins de l’Église, afin que, comme elle disait, se répandent « des roses sur tous », en particulier sur les plus éloignés.

Mais maintenant, je me demande, nous pouvons nous demander, d’où lui viennent ce zèle, cette force missionnaire et cette joie d’intercéder ? Deux épisodes survenus avant l’entrée de Thérèse au monastère nous aident à le comprendre. Le premier concerne le jour qui changea sa vie – un jour lui a changé la vie -, Noël 1886, où Dieu opère un miracle dans son cœur. Thérèse aura bientôt 14 ans. En tant que benjamine, elle est choyée par tout le monde à la maison mais non pas mal éduquée. Au retour de la messe de minuit, son père, très fatigué, n’a pas envie d’assister à l’ouverture des cadeaux de sa fille et dit : « Dieu merci, c’est la dernière année ! », parce qu’à l’âge de 15 ans, on ne le faisait déjà plus. Thérèse, de nature très sensible et prompte aux larmes, en fut blessée, monta dans sa chambre et pleura. Mais elle réprima rapidement ses larmes, redescendit et, pleine de joie, ce fut elle qui réjouit ainsi son père. Que s’est-il donc passé ? Cette nuit-là, alors que Jésus s’était fait faible par amour, elle était devenue forte dans son âme – un vrai miracle :  en quelques instants, elle était sortie de la prison de son égoïsme et de son apitoiement sur elle-même et elle commença à sentir que « la charité entrait dans son cœur- c’est ce qu’elle dit-, avec le besoin de s’oublier elle-même » (cf. Manuscrit A, 133-134). Dès lors, elle oriente son zèle vers les autres, pour qu’ils trouvent Dieu, et au lieu de chercher des consolations pour elle-même, elle se donne pour tâche de « consoler Jésus, [de] le faire aimer des âmes », car – note Thérèse – « Jésus est malade d’amour et […] la maladie de l’amour ne peut être guérie que par l’amour » (Lettre à Marie Guérin, juillet 1890). Voilà donc son objectif quotidien : « faire aimer Jésus » (Lettre à Céline, 15 octobre 1889), intercéder pour que les autres puissent l’aimer. Elle écrit : « Je voudrais sauver les âmes et m’oublier pour elles : je voudrais les sauver même après ma mort » (Lettre à l’abbé Roullan, 19 mars 1897). Plusieurs fois, elle dira : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre ». C’est le premier épisode qui a changé sa vie à l’âge de 14 ans.

Et son zèle était surtout dirigé vers les pécheurs, vers les « éloignés ». C’est ce que révèle le second épisode. C’est intéressant : Thérèse apprend l’existence d’un criminel condamné à mort pour des crimes horribles, il se nommait Enrico Pranzini – elle écrit le nom : reconnu coupable du meurtre brutal de trois personnes, il est destiné à la guillotine, mais ne veut pas recevoir les réconforts de la foi. Thérèse le prend à cœur et fait tout ce qu’elle peut : elle prie de toutes les manières pour sa conversion, afin que celui qu’elle appelle avec une compassion fraternelle « le pauvre Pranzini » ait un petit signe de repentir et fasse place à la miséricorde de Dieu, en qui Thérèse voue une confiance aveugle. L’exécution a lieu. Le lendemain, Teresa lit dans le journal que Pranzini, juste avant de poser sa tête sur l’échafaud, « soudain, saisi d’une inspiration subite, se retourne, saisit un Crucifix que le prêtre lui présentait et baise trois fois les plaies saintes » de Jésus. La sainte commente : « Alors son âme alla recevoir la sentence miséricordieuse de Celui qui a déclaré qu’au Ciel il y a plus de joie pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence ! » (Manuscrit A, 135).

Frères et sœurs, voilà la force de l’intercession mue par la charité, voilà le moteur de la mission. Les missionnaires, en effet, dont Thérèse est la patronne, ne sont pas seulement ceux qui parcourent de longues distances, apprennent de nouvelles langues, font de bonnes œuvres et sont doués pour l’annonce ; non, missionnaire l’est aussi celui qui vit, là où il se trouve, comme instrument de l’amour de Dieu ; c’est celui qui fait tout pour que, par son témoignage, sa prière, son intercession, Jésus soit manifesté. Et c’est le zèle apostolique qui, rappelons-le toujours, ne procède jamais par prosélytisme – jamais ! – ou par contrainte– jamais ! -, mais par attraction : la foi nait par attraction, on ne devient pas chrétien parce qu’on y est forcé par quelqu’un, non, mais parce qu’on est touché par l’amour. Avant tant de moyens, de méthodes et de structures, qui parfois détournent de l’essentiel, l’Église a surtout besoin de cœurs comme celui de Thérèse, de cœurs qui attirent à l’amour et rapprochent de Dieu. Et demandons à la sainte – nous avons les reliques ici – demandons à la sainte la grâce de surmonter notre égoïsme et demandons la passion d’intercéder, d’intercéder pour que cet attrait soit plus grand chez les gens et pour que Jésus soit connu et aimé.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française en particulier les délégations des Diocèses Séez et de Bayeux-Lisieux conduites par leurs évêques respectifs, qui accompagnent les reliques de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus à l’occasion du 150ème anniversaire de sa naissance et du 100ème anniversaire de sa béatification. Demandons à notre Sainte la grâce d’aimer Jésus comme elle l’a aimé, de Lui offrir nos épreuves et nos peines comme elle l’a fait, pour qu’Il soit connu et aimé de tous.

Demain, à 13h00, l’Action catholique internationale propose  aux croyants des diverses confessions et religions de se recueillir en prière, en consacrant « Une minute pour la paix ». Accueillons cette invitation, en priant pour la fin des guerres dans le monde et en particulier pour la chère Ukraine martyrisée.




Audience Générale du Mercredi 24 Mai 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 24 Mai  2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 14. Les témoins : Saint André Kim

Frères et sœurs, nous sommes toujours à l’école des saints et des saintes qui ont été des témoins exemplaires et qui nous enseignent le zèle apostolique. Saint André Kim, martyr et premier prêtre coréen, est un bel exemple de passion pour l’évangélisation. Il y a 200 ans, la terre coréenne était le théâtre d’une dure persécution contre la foi chrétienne. Dans ce contexte, Saint André Kim, pour s’identifier auprès des fidèles sans être dénoncé, prononçait seulement les mots “disciple de Jésus”, une expression qui résume à elle seule l’identité chrétienne. Être disciple du Seigneur signifie le suivre, suivre son chemin, jusqu’à donner sa vie pour l’Évangile. Le chrétien est, de par sa nature, missionnaire et témoin, comme Jésus a été témoin et missionnaire du Père.  C’est de là que naît la passion pour l’évangélisation. Une fois, tombant inanimé sous la neige, après une longue marche sans manger, Saint André entendit une voix : « Lève-toi et marche ». Il se releva et il entrevit une ombre qui le guidait. Cette expérience révèle un aspect très important du zèle apostolique : il faut avoir le courage de se relever quand on tombe et de ne jamais renoncer à continuer à évangéliser, même dans les contradictions et les situations difficiles. La Résurrection du Christ est le mystère où s’enracine la possibilité de nous relever après les chutes ; elle est la source de la force qui nous permet d’aller de l’avant.

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les jeunes venus de France et les pèlerins venus de Belgique.

Frères et sœurs, pour être missionnaires et témoins du Seigneur, demandons à l’Esprit de force de toujours nous aider à persévérer dans l’épreuve et à nous relever après les chutes.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 10 Mai 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 10 Mai  2023


Frères et sœurs !

C’est avec une grande joie que je salue aujourd’hui Sa Sainteté Tawadros II, Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de Saint-Marc, ainsi que l’éminente délégation qui l’accompagne.

Sa Sainteté Tawadros a accepté mon invitation à venir à Rome pour célébrer avec moi le 50e anniversaire de la rencontre historique entre le pape saint Paul VI et le pape Chenouda III en 1973. Il s’agissait de la première rencontre entre un évêque de Rome et un patriarche de l’Église copte orthodoxe, qui a abouti à la signature d’une mémorable déclaration christologique commune le 10 mai. En souvenir de cet événement, Sa Sainteté Tawadros est venu me voir pour la première fois le 10 mai il y a dix ans, quelques mois après son élection et la mienne, et a proposé de célébrer chaque 10 mai la « Journée de l’amitié copte-catholique » que nous célébrons chaque année depuis lors.

Nous nous appelons au téléphone, nous nous envoyons des salutations et nous restons de bons frères, nous ne nous sommes pas disputés !

Cher ami et frère Tawadros, je vous remercie d’avoir accepté mon invitation à l’occasion de ce double anniversaire, et je prie pour que la lumière de l’Esprit Saint illumine votre visite à Rome, les réunions importantes que vous aurez ici, et surtout nos conversations personnelles. Je vous remercie sincèrement pour votre engagement en faveur de l’amitié croissante entre l’Église copte orthodoxe et l’Église catholique.

Votre Sainteté, chers évêques et amis, j’implore avec vous le Dieu tout-puissant, par l’intercession des saints et des martyrs de l’Église copte, afin que nous puissions grandir dans la communion, dans un unique et saint lien de foi, d’espérance et d’amour chrétien. En parlant des martyrs de l’Église copte qui sont les nôtres, je veux me souvenir des martyrs de la plage libyenne, qui ont été faits martyrs il y a quelques années.

Je demande à toutes les personnes présentes de prier Dieu de bénir la visite du pape Tawadros à Rome et de protéger l’ensemble de l’Église copte orthodoxe. Puisse cette visite nous rapprocher du jour béni où nous serons un dans le Christ ! Je vous remercie.


Je salue cordialement les personnes de langue française, particulièrement les pèlerins venus du diocèse de Gap-Embrun, les jeunes des collèges de France et le groupe de l’université catholique de Yaoundé.

Dans notre mission quotidienne de baptisés, que l’amour du Christ nous pousse à aller dans les périphéries de nos sociétés à la rencontre de nos frères et sœurs rejetés et abandonnés, afin de leur manifester la tendresse du Seigneur. Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 3 Mai 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 3 Mai  2023


Chers frères et sœurs, bonjour !

Il y a trois jours, je suis rentré du voyage en Hongrie. Je tiens à remercier tous ceux qui ont préparé et accompagné cette visite par la prière, et à renouveler ma gratitude aux Autorités, à l’Église locale et au peuple hongrois, un peuple courageux et riche de mémoire. Pendant mon séjour à Budapest, j’ai pu ressentir l’affection de tous les Hongrois. Aujourd’hui, je voudrais vous raconter cette visite à travers deux images : les racines et les ponts.

Les racines. Je me suis rendu en pèlerin chez un peuple dont l’histoire – comme l’a dit saint Jean-Paul II – a été marquée par « de nombreux saints et héros, entourés d’une foule de gens humbles et travailleurs » (Discours lors de la cérémonie d’accueil, Budapest, 6 septembre 1996). C’est vrai : j’ai vu tant de gens humbles et travailleurs soigner avec fierté le lien avec leurs racines. Et parmi ces racines, comme l’ont montré les témoignages recueillis lors des rencontres avec l’Église locale et avec les jeunes, il y a avant tout les saints : les saints qui ont donné leur vie pour le peuple, les saints qui ont témoigné de l’Évangile de l’amour et qui ont été des lumières dans les temps de ténèbres ; tant de saints du passé qui aujourd’hui nous exhortent à surmonter le risque du défaitisme et la peur du lendemain, en nous rappelant que le Christ est notre avenir. Les saints nous rappellent ceci : Christ est notre avenir.

Cependant, les solides racines chrétiennes du peuple hongrois ont été mises à l’épreuve. Leur foi a été éprouvée par le feu. En effet, au cours de la persécution athéiste du XXe siècle, les chrétiens ont été violemment frappés, des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs ont été tués ou privés de leur liberté. Et alors que l’on tentait d’abattre l’arbre de la foi, les racines restaient intactes : une Église cachée a résisté, mais vive, forte avec la force de l’Evangile. Et en Hongrie, cette extrême persécution, l’oppression communiste avait été précédée par l’oppression nazie, avec la tragique déportation de tant de juifs. Mais dans cet atroce génocide, beaucoup se sont distingués par leur résistance et leur capacité à protéger les victimes, et cela a été possible parce que les racines du vivre ensemble étaient solides. Nous à Rome, nous avons une brave poétesse hongroise qui a traversé toutes ces épreuves et qui transmet aux jeunes la nécessité de se battre pour un idéal, de ne pas se laisser vaincre par la persécution, par le découragement. Cette poétesse a 92 ans aujourd’hui : Joyeux anniversaire, Edith Bruck !

Mais aujourd’hui encore, comme cela ressort des rencontres avec les jeunes et le monde de la culture, la liberté est menacée. Comment ? Surtout avec des gants blancs, par un consumérisme anesthésiant, où l’on se contente d’un peu de bien-être matériel et où, oubliant le passé, on « flotte » dans un présent fait à la mesure de l’individu. C’est la persécution dangereuse de la mondanité, induite par le consumérisme. Mais quand la seule chose qui compte est de penser à soi et de faire ce qui nous plaît, les racines s’étouffent. C’est un problème qui se pose dans toute l’Europe, où le dévouement aux autres, le sentiment de communauté, l’émotion de la beauté de rêver ensemble et de créer des familles nombreuses sont en crise. L’Europe entière est en crise. Réfléchissons donc à l’importance de préserver les racines, car ce n’est qu’en allant en profondeur que les branches pousseront vers le haut et porteront des fruits. Chacun de nous peut se demander, également comme peuple, chacun de nous : quelles sont les racines les plus importantes de ma vie ? Où suis-je enraciné ? Est-ce que je m’en souviens, est-ce que j’en prends soin ?

Après les racines, voici la seconde image : les ponts. Budapest, née il y a 150 ans de l’union de trois villes, est célèbre pour les ponts qui la traversent et unissent ses parties. Cela a mis en évidence, notamment lors des rencontres avec les autorités, l’importance de construire des ponts de paix entre les différents peuples. Telle est, en particulier, la vocation de l’Europe, qui est appelée, en tant que « pont de paix », à intégrer les différences et à accueillir ceux qui frappent à ses portes. En ce sens, c’est beau, le pont humanitaire créé pour tant de réfugiés de l’Ukraine voisine, que j’ai pu rencontrer, en admirant le grand réseau de charité de l’Église hongroise.

Le pays est également très engagé dans la construction de « ponts pour demain » : il se préoccupe beaucoup du soin de l’environnement- et c’est un aspect très, très beau de la Hongrie – l’attention portée au soin de l’environnement et d’un avenir « soutenable », et l’on s’y emploie à construire des ponts entre les générations, entre les personnes âgées et les jeunes, un défi auquel aujourd’hui personne ne peut renoncer. Il y a aussi des ponts que l’Église, comme il ressort de la rencontre spécifique, est appelée à jeter vers les gens d’aujourd’hui, parce que l’annonce du Christ ne peut pas consister uniquement à répéter le passé, mais doit toujours être adaptée, afin d’aider les femmes et les hommes de notre temps à redécouvrir Jésus. Enfin, en rappelant avec gratitude les beaux moments liturgiques, la prière avec la communauté gréco-catholique et la solennelle célébration eucharistique avec tant de participation, je pense à la beauté de construire des ponts entre les croyants : dimanche, à la messe, il y avait des chrétiens de différents rites et pays, et de différentes confessions, qui en Hongrie travaillent bien ensemble. Construire des ponts, des ponts d’harmonie et des ponts d’unité.

J’ai été frappé, lors de cette visite, par l’importance de la musique, qui est un trait caractéristique de la culture hongroise.

Il me plait enfin de rappeler, en ce début de mois de mai, que les Hongrois sont très dévots à la Sainte Mère de Dieu. Consacrés à elle par le premier roi, saint Étienne, par respect, ils s’adressaient habituellement à elle sans prononcer son nom, l’appelant seulement par les titres de Reine. À la Reine de Hongrie confions ce cher pays, à la Reine de la Paix confions la construction de ponts dans le monde, à la Reine du Ciel, que nous célébrons en ce temps pascal, confions-lui nos cœurs pour qu’ils soient enracinés dans l’amour de Dieu.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier le Pèlerinage National Notre-Dame de Salut, les différents établissements scolaires, les paroisses et groupes de pèlerins venus de France, et spécialement les Séminaristes de Saint Sulpice. Dans un monde matérialiste et individualiste, demandons au Seigneur de nous maintenir enracinés dans le Christ, qui nous apprends à nous donner sans cesse à nos frères et à devenir des ponts entre les hommes, pour bâtir un monde plus fraternel. Que Dieu vous bénisse.




Audience Générale du Mercredi 19 Avril 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 19 Avril  2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 11. Les témoins : les martyrs

Chers frères et sœurs, bonjour !

Au sujet de l’évangélisation et parlant du zèle apostolique, après avoir considéré le témoignage de Saint Paul, véritable “champion” du zèle apostolique, aujourd’hui nous jetons notre regard non pas sur une figure singulière, mais vers la colonne des martyrs, hommes et femmes de tous âges, de toutes langues et de toutes nations, qui ont donné leur vie pour le Christ, qui ont versé leur sang pour confesser le Christ. Après la génération des Apôtres, qui ont été par excellence les « témoins » de l’Évangile.

Les martyrs : le premier fut le diacre Saint Étienne, lapidé à mort hors des murs de Jérusalem. Le mot « martyre » vient du grec martyria, qui signifie précisément témoignage. C’est-à-dire qu’un martyr est un témoin, quelqu’un qui témoigne jusqu’à verser son sang. Cependant, le mot martyr a rapidement été utilisé dans l’Église pour désigner celui qui témoignait jusqu’à l’effusion de sang [1]. C’est-à-dire que le témoignage peut être celui de tous les jours, c’est un martyr. Mais il est utilisé par la suite pour qui donne le sang, qui donne la vie.

Les martyrs, cependant, ne doivent pas être considérés comme des « héros » qui ont agi individuellement, comme des fleurs qui poussent dans un désert, mais comme des fruits mûrs et excellents de la vigne du Seigneur, qui est l’Église. En particulier, les chrétiens, en participant assidûment à la célébration de l’Eucharistie, étaient conduits par l’Esprit à conformer leur vie sur ce mystère d’amour : c’est-à-dire sur le fait que le Seigneur Jésus avait donné sa vie pour eux et que, par conséquent, ils pouvaient et devaient eux aussi donner leur vie pour Lui et pour leurs frères et sœurs. Une grande générosité, le chemin du témoignage chrétien. Saint Augustin souligne souvent cette dynamique de gratitude et de réciprocité gratuite du don. Voici, par exemple, ce qu’il prêchait lors de la fête de Saint Laurent : « Saint Laurent était un diacre de l’Église de Rome », disait Saint Augustin. « C’est là qu’il était ministre du sang du Christ et c’est là qu’il a versé son sang pour le nom du Christ. Le bienheureux apôtre Jean a clairement exposé le mystère de la Cène, en disant : « Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. » (1 Jn 3, 16). Laurent, mes frères, a compris tout cela. Il l’a compris et l’a mis en pratique. Et il a vraiment rendu ce qu’il avait reçu à cette table. Il a aimé le Christ dans sa vie, il l’a imité dans sa mort » (Disc. 304, 14 ; PL 38, 1395-1397). C’est ainsi que saint Augustin explique le dynamisme spirituel qui animait les martyrs. En ces termes : les martyrs aiment le Christ dans sa vie et l’imitent dans sa mort.

Aujourd’hui, chers frères et sœurs, souvenons-nous de tous les martyrs qui ont accompagné la vie de l’Église. Comme je l’ai dit à maintes reprises, ils sont plus nombreux à notre époque qu’aux premiers siècles. Aujourd’hui, il y a tant de martyrs dans l’Église, tant de martyrs car, pour avoir confessé la foi chrétienne, ils sont chassés de la société ou vont en prison… Ils sont très nombreux. Le Concile Vatican II nous rappelle que « le martyre dans lequel le disciple est assimilé à son maître, acceptant librement la mort pour le salut du monde, et rendu semblable à lui dans l’effusion de son sang, ce disciple est considéré par l’Église comme une grâce éminente et la preuve suprême de la charité. » (Const. Lumen Gentium, 42). Les martyrs, à l’imitation de Jésus et avec sa grâce, transforment la violence de ceux qui refusent l’annonce en une grande opportunité d’amour, suprême, qui va jusqu’au pardon de leurs bourreaux. Ce détail est intéressant : les martyrs pardonnent toujours à leurs bourreaux. Étienne, le premier martyr, mourut en priant : « Seigneur, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Les martyrs prient pour leurs bourreaux.

Si le martyre n’est demandé qu’à quelques-uns, « tous cependant doivent être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la croix, à travers les persécutions qui ne manquent jamais à l’Église. » (ibid., 42). Mais ces persécutions sont-elles du passé ? Non, non : aujourd’hui. Aujourd’hui, il y a des persécutions contre les chrétiens dans le monde, beaucoup, beaucoup. Il y a plus de martyrs aujourd’hui que dans les premiers temps. Il y en a tellement. Les martyrs nous montrent que tout chrétien est appelé au témoignage de la vie, même s’il ne va pas jusqu’à l’effusion du sang, en faisant de lui-même un don à Dieu et à ses frères, à l’imitation de Jésus.

Et je voudrais conclure en rappelant le témoignage chrétien actuel dans tous les coins du monde. Je pense, par exemple, au Yémen, une terre blessée depuis de nombreuses années par une guerre terrible et oubliée, qui a causé tant de morts et qui fait encore souffrir tant de personnes, en particulier des enfants. Précisément dans ce pays, il y a eu des témoignages de foi éclatants, comme celui des Sœurs Missionnaires de la Charité, qui ont donné leur vie là. Aujourd’hui encore, elles sont présentes au Yémen, où elles offrent une assistance aux personnes âgées malades et aux personnes handicapées. Certaines d’entre elles ont souffert le martyre, mais les autres continuent, risquent leur vie mais vont de l’avant. Elles accueillent tout le monde, ces sœurs, quelle que soit la religion, car la charité et la fraternité n’ont pas de frontières. En juillet 1998, Sœur Aletta, Sœur Zelia et Sœur Michael, qui rentraient chez elles après la messe, ont été tuées par un fanatique, parce qu’elles étaient chrétiennes. Plus récemment, peu après le début du conflit toujours en cours, en mars 2016, Sœur Anselme, Sœur Marguerite, Sœur Reginette et Sœur Judith ont été tuées avec quelques laïcs qui les aidaient dans leur travail de charité auprès des plus petits. Ce sont les martyrs de notre temps. Parmi ces laïcs assassinés, en plus des chrétiens, il y avait des musulmans qui travaillaient avec les sœurs. C’est émouvant de voir comment le témoignage du sang peut unir des personnes de religions différentes. On ne doit jamais tuer au nom de Dieu, car pour Lui nous sommes tous frères et sœurs. Mais ensemble, nous pouvons donner notre vie pour les autres.

Prions donc pour que nous ne nous lassions pas de témoigner de l’Évangile, même en temps de tribulation. Que tous les saints et les saints martyrs soient des semences de paix et de réconciliation entre les peuples pour un monde plus humain et plus fraternel, en attendant que le Royaume des cieux se manifeste pleinement, quand Dieu sera tout en tous (cf. 1 Co 15, 28). Merci.


 

[1] ORIGENE, In Johannem, II, 210 : « Quiconque rend témoignage à la vérité, soit en paroles, soit en actes, soit en œuvrant pour elle de quelque manière que ce soit, peut à bon droit être appelé témoin. Mais le nom de témoin ( martyrs) au sens propre, la communauté des frères, impressionnée par la force d’âme de ceux qui ont combattu pour la vérité ou la vertu jusqu’à la mort, a pris l’habitude de le réserver à ceux qui ont témoigné du mystère de la vraie religion par l’effusion du sang ».


 

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment les nombreux groupes de paroissiens, d’aumôneries et d’étudiants qui sont venus de Suisse, de Belgique et de France.

Chers frères et sœurs, prions afin de ne jamais nous lasser de témoigner de l’Évangile, même dans les temps de tribulation. Que le sang des martyrs devienne une semence de paix et de réconciliation entre les peuples.

Que Dieu vous bénisse et vous donne la force de témoigner !




Audience Générale du Mercredi 12 Avril 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 12 Avril  2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation :

le zèle apostolique du croyant – 10. Les témoins. Saint Paul 2

Frères et sœurs, après avoir parlé de l’empressement personnel de saint Paul pour l’Évangile, nous réfléchissons aujourd’hui sur le zèle apostolique décrit dans ses lettres. Fort de son expérience, Paul n’ignore pas le danger d’un zèle déformé, orienté dans la mauvaise direction. Il peut y avoir, en effet, un faux élan évangélique lorsque l’on poursuit en réalité sa propre gloire ou que l’on sert ses convictions personnelles. Les caractéristiques d’un zèle authentique, selon Paul, sont décrites dans la liste des “armes” que l’Apôtre estime nécessaires pour le combat spirituel. Parmi elles se trouve l’ardeur à annoncer l’Évangile, traduite comme “zèle” et comparé à des “souliers”, car celui qui va annoncer doit marcher. L’annonce s’appuie sur le zèle évangélique, et les annonciateurs sont un peu comme les pieds du Corps du Christ qu’est l’Église. Il n’y a pas d’annonce sans mouvement, sans “sortie”, sans initiative. L’Évangile est annoncé en se déplaçant, en marchant, en allant. Le terme grec utilisé par Paul pour désigner les souliers de celui qui porte l’Évangile évoque la promptitude, la préparation, la hâte. C’est le contraire du laisser-aller, incompatible avec l’amour. L’annonciateur est prêt à partir, il doit se libérer des schémas et être disposé à agir de manière inattendue et nouvelle. Celui qui annonce l’Évangile est prêt à suivre une sagesse qui n’est pas de ce monde.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les paroisses et les jeunes venus de Suisse et de France.

Frères et sœurs, remplis de la joie du Christ Ressuscité, demandons la grâce d’être l’Église “en sortie”, cette communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative et qui s’impliquent pour annoncer l’Évangile de la paix et de la miséricorde.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 29 Mars 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 29 Mars  2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 9. Les témoins. Saint Paul 1

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours catéchétique sur le zèle apostolique, nous commençons aujourd’hui à considérer certaines figures qui, de manières et à des époques différentes, ont donné un témoignage exemplaire de ce que signifie la passion pour l’Évangile. Le premier témoin est bien naturellement l’apôtre Paul. Je voudrais lui dédier deux catéchèses.

L’histoire de Paul de Tarse est emblématique à ce sujet. Dans le premier chapitre de la Lettre aux Galates, tout comme dans le récit des Actes des Apôtres, nous voyons que son zèle pour l’Évangile apparaît après sa conversion, et prend la place de son zèle précédent pour le judaïsme. C’était un homme zélé pour la loi de Moïse, pour le judaïsme, et après sa conversion, ce zèle s’est poursuivi, mais pour proclamer, pour prêcher Jésus-Christ. Paul était un passionné de Jésus. Saul – le nom initial de Paul – était déjà zélé, mais le Christ convertit son zèle : de la Loi à l’Évangile. Son zèle voulait d’abord détruire l’Église, plus tard au contraire, il la construit. Nous pouvons nous demander : que s’est-il passé ? Comment fait-il le passage de la destruction à la construction ? Qu’est-ce qui a changé chez Paul ? Dans quel sens son zèle, son élan pour la gloire de Dieu ont-ils été transformés ?

Saint Thomas d’Aquin enseigne que la passion, d’un point de vue moral, n’est ni bonne ni mauvaise : son utilisation vertueuse la rend moralement bonne, le péché la rend mauvaise [1]. Dans le cas de Paul, ce qui l’a changé, ce n’est pas une simple idée ou conviction : c’est la rencontre avec le Seigneur ressuscité – ne l’oubliez pas, ce qui change une vie, c’est la rencontre avec le Seigneur – ce fut pour Saül la rencontre avec le Seigneur Ressuscité qui a transformé tout son être. L’humanité de Paul, sa passion pour Dieu et sa gloire n’est pas anéantie, mais transformée, « convertie » par l’Esprit Saint. Le Saint-Esprit est l’unique capable de changer nos cœurs. Il en va de même pour tous les aspects de sa vie. Exactement comme dans l’Eucharistie : le pain et le vin ne disparaissent pas, mais deviennent le Corps et le Sang du Christ. Le zèle de Paul demeure, mais devient le zèle pour le Christ. Le sens change mais le zèle reste le même. Le Seigneur, nous le serons avec notre humanité, avec nos prérogatives et nos caractéristiques, mais ce qui change tout, ce n’est pas une idée, mais la vie elle-même, comme le dit Paul lui-même : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. » (2 Co 5,17). La rencontre avec Jésus-Christ te change de l’intérieur, elle fait de toi une personne différente. Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature, c’est le sens d’être une nouvelle créature. Devenir chrétien n’est pas un maquillage qui change ta face, non ! Si tu es chrétien, cela change ton cœur, mais si tu es un chrétien d’apparence, ce n’est pas bon… des chrétiens de maquillage, ce n’est pas bon. Le vrai changement, c’est celui du cœur. C’est ce qui est arrivé à Paul.

La passion pour l’Évangile n’est pas une question de compréhension ou d’étude, qui sont utiles mais ne la suscitent pas ; elle signifie plutôt passer par cette même expérience de  » chute et de résurrection  » que Saul/Paul a vécue et qui est à l’origine de la transfiguration de son élan apostolique. Tu peux étudier toute la théologie que tu veux, tu peux étudier la Bible et tout ça et devenir athée ou mondain, ce n’est pas une question d’étude ; il y a eu beaucoup de théologiens athées tout au long de l’histoire ! L’étude sert mais ne génère pas la vie nouvelle de la grâce. En effet, comme le dit saint Ignace de Loyola : « Ce n’est pas tant la connaissance qui satisfait et rassasie l’âme, mais le fait de sentir et de goûter intérieurement les choses » [2]. Il s’agit des choses qui te changent de l’intérieur, qui te font connaître quelque chose d’autre, goûter quelque chose d’autre. Que chacun d’entre nous y réfléchisse : « Suis-je un religieux ? » – « Très bien » – « Est-ce que je prie ? » – « Oui » – « Est-ce que j’essaie d’observer les commandements ? » – « Oui » – « Mais où est Jésus dans ta vie ? » – Ah, non, je fais les choses que l’Église commande. Mais Jésus où est-il ? As-tu rencontré Jésus, as-tu parlé à Jésus ? Prends-tu l’Évangile ou parles-tu avec Jésus, te souviens-tu qui est Jésus ? Et c’est quelque chose qui nous échappe si souvent. Quand Jésus entre dans ta vie, comme il est entré dans la vie de Paul, Jésus entre, tout change. Tant de fois nous avons entendu des commentaires sur des personnes : « Mais regarde celui-là qui était un malheureux et qui maintenant est un homme bon, une femme bonne… Qui l’a changé ? Jésus, il a trouvé Jésus. Ta vie de chrétien a-t-elle changé ? « Et non, plus ou moins, oui… ». Si Jésus n’est pas entré dans ta vie, elle n’a pas changé. Tu peux être chrétien de l’extérieur seulement. Non, Jésus doit entrer dans ta vie et cela te change, et c’est ce qui est arrivé à Paul. On a besoin de trouver Jésus et c’est pourquoi Paul a dit que l’amour du Christ nous saisit, ce qui te fait progresser. Le même changement s’est produit pour tous les saints qui, lorsqu’ils ont trouvé Jésus, ont progressé.

Nous pouvons faire une autre réflexion sur le changement qui s’opère chez Paul, qui de persécuteur est devenu apôtre du Christ. Nous constatons qu’il se produit chez lui une sorte de paradoxe : en effet, tant qu’il se considère juste devant Dieu, il se sent autorisé à persécuter, à arrêter, voire à tuer, comme dans le cas d’Étienne ; mais lorsque, illuminé par le Seigneur Ressuscité, il découvre qu’il a été  » un blasphémateur et un homme violent  » (cf. 1 Tm 1, 13), – C’est ce qu’il dit de lui-même : « J’étais un blasphémateur et un homme violent » – alors il commence à être vraiment capable d’aimer. Et voici comment. Si l’un d’entre nous dit : « Ah, merci Seigneur, parce que je suis une bonne personne, je fais de bonnes choses, je ne commets pas de gros péchés… » : ce n’est pas un bon chemin, c’est un chemin d’autosuffisance, c’est un chemin qui ne te justifie pas, qui fait de toi un catholique élégant, mais un catholique élégant n’est pas un saint catholique, il est élégant. Le vrai catholique, le vrai chrétien est celui qui reçoit Jésus à l’intérieur, qui change son cœur. C’est la question que je vous pose à tous aujourd’hui : que signifie Jésus pour moi ? Est-ce que je l’ai laissé entrer dans mon cœur, ou est-ce que je le garde à portée de main, mais je ne le laisse pas entrer tellement à l’intérieur ? Me suis-je laissé changer par lui ? Ou bien Jésus n’est-il qu’une idée, une théologie qui se poursuit… Et c’est cela le zèle, quand on trouve Jésus, on sent le feu et, comme Paul, on doit prêcher Jésus, parler de Jésus, aider les gens, faire de bonnes choses. Quand on trouve l’idée de Jésus, on reste un idéologue du christianisme et cela ne sauve pas, seul Jésus nous sauve, si tu l’as rencontré et si tu lui as ouvert la porte de ton cœur. L’idée de Jésus ne te sauve pas ! Que le Seigneur nous aide à trouver Jésus, à rencontrer Jésus, et que ce Jésus de l’intérieur change notre vie et nous aide à aider les autres.


[1] Cf. Quaestio “De veritate” 24, 7.

[2] Exercices spirituels, Annotations, 2, 4




Audience Générale du Mercredi 15 Mars 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 15 Mars  2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 7. Le Concile Vatican II. 2. Être apôtres dans une Eglise apostolique

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur la passion d’évangéliser : non seulement sur « évangéliser », mais la passion d’évangéliser et, à l’école du Concile Vatican II, essayons de mieux comprendre que signifie être « apôtres » aujourd’hui. Le mot « apôtre » évoque le groupe des douze disciples choisis par Jésus. On appelle parfois « apôtres » certains saints, ou plus généralement les évêques : ils sont apôtres, parce qu’ils vont au nom de Jésus. Mais sommes-nous conscients que la fonction d’apôtre concerne chaque chrétien ? Sommes-nous conscients que cela concerne chacun d’entre nous ? En effet, nous sommes appelés à être apôtres – c’est-à-dire envoyés – au sein d’une Église que nous professons apostolique dans le Credo.

Que signifie donc être apôtres ? C’est être envoyé pour une mission. L’événement exemplaire et fondateur est celui où le Christ ressuscité envoie ses apôtres dans le monde, leur transmettant le pouvoir qu’il a lui-même reçu du Père et leur donnant son Esprit. Nous lisons dans l’Évangile de Jean : « Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » » (20,21-22).

Un autre aspect fondamental de l’identité de l’apôtre est la vocation, c’est-à-dire l’appel. Il en a été ainsi dès le début, lorsque le Seigneur Jésus « appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui » (Mc 3,13). Il les constitua comme groupe, en leur donnant le titre d' »apôtres », pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer en mission (cf. Mc 3,14 ; Mt 10,1-42). Saint Paul se présente ainsi dans ses lettres : « Paul, appelé pour être apôtre », c’est-à-dire envoyé, (1 Co 1,1) et encore : « Paul, serviteur du Christ Jésus, Apôtre envoyé par l’appel, mis à part pour l’Évangile de Dieu » (Rm 1,1). Et il insiste sur le fait d’être « Apôtre non par des hommes, ni par l’intermédiaire d’un homme, mais par Jésus Christ et par Dieu le Père qui l’a ressuscité d’entre les morts » (Ga 1,1) ; Dieu l’a appelé dès le sein de sa mère pour annoncer l’Évangile parmi les nations (cf. Ga 1,15-16).

L’expérience des Douze apôtres et le témoignage de Paul nous interpellent également aujourd’hui. Ils nous invitent à vérifier nos attitudes, à vérifier nos choix, nos décisions, à partir de ces repères : tout dépend d’un appel gratuit de Dieu ; Dieu nous choisit également pour des services qui parfois semblent dépasser nos capacités ou ne pas correspondre à nos attentes ; à l’appel reçu comme don gratuit, il faut répondre gratuitement.

Le Concile dit : « La vocation chrétienne […] est aussi par nature vocation à l’apostolat » (Decr. Apostolicam actuositatem [AA], 2). C’est un appel qui est commun, « comme est commune la dignité des membres du fait de leur régénération dans le Christ ; commune la grâce d’adoption filiale ; commune la vocation à la perfection ; il n’y a qu’un salut, une espérance, une charité indivisible » (LG, 32).

C’est un appel qui concerne aussi bien ceux qui ont reçu le sacrement de l’Ordre, les personnes consacrées, que chaque fidèle laïc, homme ou femme, c’est un appel à tous. Toi, le trésor que tu as reçu avec ta vocation chrétienne, tu dois le donner : c’est la dynamique de la vocation, c’est la dynamique de la vie. C’est un appel qui permet d’accomplir sa propre tâche apostolique de manière active et créative, au sein d’une Église où « il y a diversité de ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son autorité. Mais aussi les laïcs : vous tous ; la majorité d’entre vous, vous êtes laïcs. Également les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier, dans l’Église et dans le monde » (AA, 2).

Dans ce cadre, comment le Concile comprend-il la collaboration des laïcs avec la hiérarchie ? Comment l’envisage-t-il ? S’agit-il d’une simple adaptation stratégique à de nouvelles situations qui surviennent ? Pas du tout, rien de cela : c’est bien plus quelque chose qui dépasse les contingences du moment et conserve sa propre valeur même pour nous. L’Église est ainsi, elle est apostolique.

Dans le cadre de l’unité de la mission, la diversité des charismes et des ministères ne doit pas donner lieu, au sein du corps ecclésial, à des catégories privilégiées : Il ne s’agit pas d’une promotion, et lorsque tu conçois la vie chrétienne comme une promotion, que celui qui est au sommet commande les autres parce qu’il a réussi à se hisser plus haut, ce n’est pas le christianisme. C’est du paganisme pur. La vocation chrétienne n’est pas une promotion pour se hisser plus haut, non ! C’est autre chose. Et c’est une chose importante car, même si « certains, par la volonté du Christ, sont établis dans une position peut-être plus importante, docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité » (LG, 32). Qui a le plus de dignité dans l’Église : l’évêque, le prêtre ? Non … nous sommes tous des chrétiens au service des autres. Qui est le plus important dans l’Église : la religieuse ou le simple baptisé, l’enfant, l’évêque ? Tous sont égaux, nous sommes égaux, et quand l’une des parties se croit plus importante que les autres et se met un peu le nez en l’air, elle se trompe. Ce n’est pas la vocation de Jésus. La vocation que Jésus donne à tous – mais surtout à ceux qui semblent occuper des positions plus élevées – est le service, le service des autres, dans l’humilité. Si tu vois une personne qui dans l’Église a une vocation plus haute et que tu la vois être vaniteuse, tu diras : “le pauvre” ; prie pour elle parce qu’’elle n’a pas compris ce qu’est la vocation de Dieu. La vocation de Dieu est l’adoration du Père, l’amour pour la communauté et le service. C’est cela être apôtre, c’est cela le témoignage des apôtres.

La question de l’égalité en dignité nous invite à repenser de nombreux aspects de nos relations, qui sont décisifs pour l’évangélisation. Par exemple, sommes-nous conscients que par nos paroles nous pouvons porter atteinte à la dignité des personnes, détruisant ainsi les relations au sein de l’Église ? Alors que nous essayons de dialoguer avec le monde, savons-nous aussi dialoguer entre nous croyants ? Ou bien est-ce que dans la paroisse, l’un va contre l’autre, l’un fait des commérages sur l’autre pour se hisser plus haut ? Savons-nous écouter pour comprendre les raisons de l’autre, ou nous imposons-nous, peut-être même avec des paroles doucereuses ? Écouter, s’humilier, être au service des autres : c’est cela servir, c’est cela être chrétien, c’est cela être apôtre.

Chers frères et sœurs, n’ayons pas peur de nous poser ces questions. Fuyons la vanité, la vanité des postes. Ces paroles peuvent nous aider à examiner comment nous vivons notre vocation baptismale, comment nous vivons notre manière d’être apôtres dans une Église apostolique, qui est au service des autres.


Je salue cordialement les personnes de langue française en particulier les jeunes venus du lycée et des collèges de France, ainsi que les pèlerins du Centre Madeleine Daniélou.

Frères et sœurs, en ce temps de Carême, prions pour tous les chrétiens afin que, dans un esprit de collaboration fondé sur le dialogue et le respect de la dignité de chacun, ils puissent porter l’espérance à notre monde aujourd’hui.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 22 Février 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 22Février  2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 5. Le protagoniste de l’annonce : l’Esprit Saint

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenus !

Dans notre itinéraire de catéchèse sur la passion d’évangéliser, aujourd’hui repartons des paroles de Jésus que nous avons entendues : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28,19). Allez, – dit le Ressuscité -, non pas pour endoctriner, non pas pour faire des prosélytes, mais pour faire des disciples, c’est-à-dire pour donner à chacun la possibilité d’entrer en contact avec Jésus, de le connaître et de l’aimer en toute liberté. Allez et baptisez : baptiser signifie immerger et donc, avant d’indiquer une action liturgique, il exprime une action vitale : immerger sa vie dans le Père, dans le Fils, dans l’Esprit Saint ; expérimenter chaque jour la joie de la présence de Dieu qui nous est proche comme Père, comme Frère, comme Esprit qui agit en nous, dans notre propre esprit. Baptiser c’est s’immerger dans la Trinité.

Lorsque Jésus dit à ses disciples – et aussi à nous – « Allez ! », il ne communique pas seulement une parole. Non. Il communique ensemble l’Esprit Saint, car c’est seulement par Lui, l’Esprit Saint, que l’on peut recevoir la mission du Christ et la réaliser (cf. Jn 20, 21-22). Les Apôtres, en effet, restent enfermés dans le Cénacle, par peur, et jusqu’au jour de la Pentecôte où l’Esprit Saint descend sur eux (cf. Ac 2, 1-13). Et à ce moment-là, la peur se dissipe et avec sa force, ces pêcheurs, pour la plupart sans instruction, vont changer le monde. « Mais s’ils ne savent pas parler… ». Mais c’est la parole de l’Esprit, la force de l’Esprit qui les entraîne pour changer le monde. L’annonce de l’Évangile ne se réalise donc que dans la force de l’Esprit, qui précède les missionnaires et prépare les cœurs : c’est Lui le “moteur de l’évangélisation”.

Nous le découvrons dans les Actes des Apôtres, où, à chaque page, nous constatons que le protagoniste de l’annonce n’est ni Pierre, ni Paul, ni Etienne, ni Philippe, mais c’est l’Esprit Saint. Toujours dans les Actes, on raconte un moment décisif des débuts de l’Église, qui peut aussi nous en dire long. À l’époque, comme aujourd’hui, ensemble avec les consolations les tribulations ne manquaient pas, – des moments heureux et des moments moins heureux – les joies s’accompagnaient de soucis, les deux choses ensemble. Une d’elles en particulier était par exemple comment se comporter avec les païens qui venaient à la foi, avec ceux qui n’appartenaient pas au peuple juif. Etaient-ils, oui ou non, tenus d’observer les prescriptions de la loi de Moïse ? Ce n’était pas une mince affaire pour ces gens. Deux groupes se forment ainsi, entre ceux qui considéraient l’observance de la Loi comme indispensable et les autres non. Pour discerner, les Apôtres se réunissent, dans ce qu’on appellera le « Concile de Jérusalem », le premier de l’histoire. Comment résoudre le dilemme ? On aurait pu chercher un bon compromis entre tradition et innovation : certaines règles doivent être respectées, et d’autres laissées de côté. Pourtant, les Apôtres ne suivent pas cette sagesse humaine à la recherche d’un équilibre diplomatique entre l’un et l’autre, ils ne le font pas, mais s’adaptent à l’œuvre de l’Esprit, qui les avait devancés, en descendant sur les païens comme sur eux.

Et donc, en supprimant presque toutes les obligations liées à la Loi, ils communiquent les décisions finales, prises – et ils écrivent ainsi : – « par l’Esprit Saint et nous-mêmes » (cf. Ac 15,28) voilà ce qui est décidé, le Saint-Esprit avec nous, c’est ainsi qu’agissent toujours les Apôtres. Ensemble, sans se diviser, même s’ils avaient des sensibilités et des opinions différentes, ils se mettent à l’écoute de l’Esprit. Et Il enseigne une chose, valable aussi aujourd’hui : toute tradition religieuse est utile si elle favorise la rencontre avec Jésus, toute tradition religieuse est utile si elle favorise la rencontre avec Jésus. Nous pourrions dire que la décision historique du premier Concile, dont nous bénéficions également, fut motivée par un principe, le principe de l’annonce : dans l’Église, tout doit être conforme aux exigences de l’annonce de l’Évangile ; non pas aux opinions des conservateurs ou des progressistes, mais au fait que Jésus puisse entrer dans la vie des gens. Par conséquent, tout choix, tout usage, toute structure et toute tradition doivent être évalués selon le critère où ils favorisent l’annonce du Christ. Quand on trouve des décisions dans l’Église, par exemple des divisions idéologiques :  » Je suis conservateur parce que… je suis progressiste parce que… « . Mais où est l’Esprit Saint ? Faites attention l’Évangile n’est pas une idée, l’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce qui touche le cœur et qui te fait changer de cœur, mais si tu te réfugies dans une idée, dans une idéologie qu’elle soit de droite ou de gauche ou du centre, tu es en train de faire de l’Évangile un parti politique, une idéologie, un club de personnes. L’Évangile te donne toujours cette liberté de l’Esprit qui agit en toi et te fait avancer. Et combien est-il nécessaire aujourd’hui de retrouver la liberté de l’Évangile et de nous laisser conduire par l’Esprit.

Ainsi l’Esprit éclaire le chemin de l’Église, toujours. En effet, Il n’est pas seulement la lumière des cœurs, Il est la lumière qui oriente l’Église : Il fait la clarté, aide à distinguer, aide à discerner. C’est pourquoi il est nécessaire de L’invoquer souvent ; faisons-le plus encore aujourd’hui, au début du Carême. Car comme Église, nous pouvons avoir des temps et des espaces bien définis, des communautés, des instituts et des mouvements bien organisés, mais sans l’Esprit, tout reste sans âme. L’organisation ne suffit pas : c’est l’Esprit qui donne vie à l’Église. L’Église, si elle ne Le prie pas et ne l’invoque pas, se replie sur elle-même, dans des débats stériles et épuisants, dans des polarisations lassantes, tandis que la flamme de la mission s’éteint. C’est bien triste de voir l’Église comme si elle était un parlement ; non, l’Église est autre chose. L’Eglise est la communauté d’hommes et de femmes qui croient et annoncent Jésus-Christ, mais mus par l’Esprit Saint, et non par leurs propres raisons. Oui, on utilise sa raison mais l’Esprit vient l’éclairer et la mouvoir. L’Esprit, nous fait sortir, nous pousse à proclamer la foi pour nous confirmer dans la foi, nous pousse à partir en mission pour retrouver qui nous sommes. C’est pourquoi l’apôtre Paul recommande ceci : « N’éteignez pas l’Esprit » (1 Th 5,19). N’éteignez pas l’Esprit. Prions souvent l’Esprit, invoquons-le, demandons-lui chaque jour d’allumer en nous sa lumière. Faisons-le avant chaque rencontre, pour devenir des apôtres de Jésus auprès des personnes que nous rencontrons. Ne pas éteindre l’Esprit dans les communautés chrétiennes et aussi en chacun de nous.

Chers frères et sœurs, comme Église, partons et repartons de l’Esprit Saint. « Il est sans doute important que, dans notre planification pastorale, nous partions des enquêtes sociologiques, des analyses, de la liste des difficultés, de la liste des attentes et des réclamations. Cependant, il est bien plus important de partir des expériences de l’Esprit : c’est là le vrai point de départ. Et il faut donc les rechercher, les répertorier, les étudier, les interpréter. C’est un principe fondamental qui, dans la vie spirituelle, s’appelle la primauté de la consolation sur la désolation. D’abord il y a l’Esprit qui console, ranime, éclaire, meut ; ensuite il y aura aussi la désolation, la souffrance, les ténèbres, mais le principe pour s’ajuster dans les ténèbres est la lumière de l’Esprit » (C.M. MARTINI, Evangéliser dans la consolation de l’Esprit, 25 septembre 1997). C’est le principe pour nous réguler dans les choses que nous ne comprenons pas, dans les confusions, même dans les plus sombres, c’est important. Demandons-nous si nous nous ouvrons à cette lumière, si nous lui donnons de l’espace : est-ce que j’invoque l’Esprit ? Que chacun réponde en son for intérieur. Combien d’entre nous prient l’Esprit ? « Non, Père, je prie la Vierge, je prie les Saints, je prie Jésus, mais parfois, je prie le Notre Père, je prie le Père » – « Et l’Esprit ? Tu ne pries pas l’Esprit, qui est celui qui fait mouvoir ton cœur, qui t’apporte la consolation, qui t’apporte le désir d’évangéliser et de faire la mission ? ». Je vous laisse avec cette question : est-ce que je prie l’Esprit Saint ? Est-ce que je me laisse guider par Lui, qui m’invite à ne pas me replier sur moi-même mais à porter Jésus, à témoigner de la primauté de la consolation de Dieu sur la désolation du monde ? Que la Vierge, qui a bien compris cela, nous le fasse comprendre.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Paris et de Belgique.

Frères et sœurs, en ce début de Carême, demandons au Saint-Esprit de nous inspirer les voies et les moyens pour être des témoins de la consolation de Dieu et des acteurs dévoués de la réconciliation entre nos frères et sœurs, afin de favoriser paix dans notre société.

Que Dieu vous bénisse !