1

Audience Générale du Mercredi 11 Janvier 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 11 janvier 2023


Catéchèses – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant. L’appel à l’apostolat (Mt 9,9-13)

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, nous commençons un nouveau cycle de catéchèse, consacré à un thème urgent et décisif pour la vie chrétienne : la passion de l’évangélisation, c’est-à-dire le zèle apostolique. Il s’agit d’une dimension vitale pour l’Église : la communauté des disciples de Jésus naît en effet apostolique, elle naît missionnaire, non pas prosélyte, et dès le début nous devions faire cette distinction : être missionnaire, être apostolique, évangéliser n’est pas la même chose que de faire du prosélytisme, rien à voir entre une chose et l’autre. C’est une dimension vitale pour l’Église, la communauté des disciples de Jésus naît apostolique et missionnaire. L’Esprit Saint la configure en sortie – l’Église en sortie, qui sort -, afin qu’elle ne soit pas repliée sur elle-même, mais extravertie, témoin contagieux de la foi de Jésus, également -, résolue à rayonner sa lumière jusqu’aux extrémités de la terre. Il peut se trouver, cependant, que l’ardeur apostolique, le désir d’atteindre les autres à travers la bonne annonce de l’Évangile, diminue, devienne tiède. Parfois, il semble s’éclipser, ce sont des chrétiens repliés sur eux-mêmes, ils ne pensent pas aux autres. Mais quand la vie chrétienne perd de vue l’horizon de l’évangélisation, l’horizon de l’annonce, elle devient malade : elle se referme sur elle-même, elle devient autoréférentielle, elle s’atrophie. Sans zèle apostolique, la foi se flétrit. La mission, est en revanche l’oxygène de la vie chrétienne : elle la tonifie et la purifie. Commençons alors un parcours pour redécouvrir la passion évangélisatrice, en partant des Écritures et de l’enseignement de l’Église, pour puiser le zèle apostolique à ses sources. Puis nous nous approcherons de quelques sources vives, de quelques témoins qui ont ravivé dans l’Église la passion de l’Évangile, afin qu’ils nous aident à rallumer le feu que l’Esprit Saint veut faire brûler toujours en nous.

Et aujourd’hui, je voudrais commencer par un épisode évangélique en quelque sorte emblématique nous l’avons entendu : l’appel de l’apôtre Matthieu, let c’est lui-même qui raconte dans son Évangile, dans le passage que nous avons écouté (cf. 9,9-13).

Tout commence avec Jésus, qui « voit » – dit le texte – « un homme ». Peu de gens voyaient Matthieu tel qu’il était : ils le connaissaient comme celui qui était « assis au guichet des impôts » (v. 9). Il était en fait un collecteur d’impôts, c’est-à-dire qu’il collectait les impôts pour le compte de l’empire romain qui occupait la Palestine. En d’autres termes, il était un collaborateur, un traître du peuple. Nous pouvons imaginer le mépris que les gens éprouvaient à son égard, c’était un « publicain », ainsi le désignait-on. Mais, aux yeux de Jésus, Matthieu est un homme, avec ses misères et sa grandeur. Faites attention à cela : Jésus ne s’arrête pas aux adjectifs, Jésus cherche toujours le substantif.  » Celui-ci est un pécheur, celui-ci est tel pour lequel…  » sont des adjectifs : Jésus va à la personne, au cœur, c’est une personne, c’est un homme, c’est une femme, Jésus va à la substance, au substantif, jamais à l’adjectif, oubliez les adjectifs. Et alors qu’il y a une distance entre Matthieu et son peuple – parce qu’ils voyaient l’adjectif « publicain » – , Jésus s’approche de lui, parce que tout homme est aimé de Dieu : « Même ce malheureux ? » Oui, même ce malheureux, en effet, Il est venu pour ce malheureux, l’Evangile dit : « Je suis venu pour les pécheurs, non pour les justes ». Ce regard de Jésus qui est très beau, qui voit l’autre, quel qu’il soit, comme le destinataire de l’amour, est le prélude de la passion évangélisatrice. Tout part de ce regard, que nous apprenons de Jésus.

Nous pouvons nous demander : quel est notre regard sur les autres ? Combien de fois voyons-nous leurs défauts et non leurs besoins ; combien de fois étiquetons-nous les gens par ce qu’ils font ou par ce qu’ils pensent ! Même en tant que chrétiens, nous nous disons : est-il des nôtres ou non ? Ce n’est pas le regard de Jésus : Lui regarde toujours chaque personne avec miséricorde et en fait avec prédilection. Et les chrétiens sont appelés à faire comme le Christ, en regardant comme lui, en particulier ceux que l’on appelle « les lointains ». En fait, le récit de l’appel de Matthieu se termine par la déclaration de Jésus : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » (v. 13). Et si chacun de nous se sent juste, Jésus est loin, Lui il se rapproche de nos limites et de nos misères, pour nous guérir.

Tout commence donc par le regard de Jésus qui  » vit un homme « , Matthieu. Il s’ensuit – deuxième étape – un mouvement. D’abord le regard, Jésus regarde, puis la seconde étape, le mouvement. Matthieu était assis sur le banc des impôts ; Jésus lui dit : « Suis-moi ». Et il  » se leva et le suivit  » (v. 9). Nous notons que le texte souligne que « il se leva« . Pourquoi ce détail est-il si important ? Car à l’époque, celui qui était assis avait autorité sur les autres, qui se tenaient devant lui pour l’écouter ou, comme dans ce cas, pour lui payer un tribut. Celui qui était assis, en somme, avait le pouvoir. La première chose que fait Jésus, c’est de détacher Matthieu du pouvoir : de l’être assis pour recevoir les autres, il le met en mouvement vers les autres, il ne reçoit pas, non : il va vers les autres ; il lui fait abandonner une position de suprématie pour le mettre sur un pied d’égalité avec ses frères et sœurs et lui ouvrir les horizons du service. C’est ce qu’il fait et c’est fondamental pour les chrétiens : nous, disciples de Jésus, nous l’Église, restons-nous assis à attendre que les gens viennent, ou savons-nous nous lever, nous mettre en route avec les autres, chercher les autres ? C’est une position non chrétienne que de dire : « Mais qu’ils viennent, je suis là, qu’ils viennent. » Non, toi vas les chercher, toi fais le premier pas.

Un regard – Jésus a regardé -, un mouvement – il se lève – et enfin, une mission. Après s’être levé et avoir suivi Jésus, où Matthieu ira-t-il ? On pourrait imaginer qu’après avoir changé la vie de cet homme, le Maître le conduise vers de nouvelles rencontres, de nouvelles expériences spirituelles. Non, ou du moins pas immédiatement. D’abord, Jésus se rend chez lui ; là, Matthieu lui prépare  » un grand banquet « , auquel  » participe une grande foule de publicains  » (Lc 5, 29) ‘est-à-dire des gens comme lui. Matthieu retourne dans son environnement, mais il y retourne, transformé et avec Jésus. Son zèle apostolique ne commence pas dans un lieu nouveau, pur, et un lieu idéal, lointain, mais là, il commence où il vit, avec les gens qu’il connaît. Voici le message pour nous : nous ne devons pas attendre d’être parfaits et d’avoir parcouru un long chemin derrière Jésus pour témoigner de lui ; notre annonce commence aujourd’hui, là où nous vivons. Et cela ne commence pas en essayant de convaincre les autres, convaincre non : mais en témoignant chaque jour de la beauté de l’Amour qui nous a regardés et nous a relevés, et c’est cette beauté, en communiquant cette beauté qui convaincra les gens, non pas en communiquant nous-mêmes, mais le même Seigneur. Nous sommes ceux qui annoncent le Seigneur, nous ne nous annonçons pas nous-mêmes, ni nous n’annonçons un parti politique, une idéologie, non : nous annonçons Jésus. Nous devons mettre Jésus en contact avec les gens, sans les convaincre, mais en laissant le Seigneur convaincre. Comme nous l’a en effet enseigné le pape Benoît, « L’Eglise ne fait pas de prosélytisme. Elle se développe plutôt par « attraction«  » (Homélie lors de la messe inaugurale de la cinquième Conférence générale de l’épiscopat d’Amérique latine et des Caraïbes, Aparecida, 13 mai 2007). N’oubliez pas ceci : quand vous voyez des chrétiens faire du prosélytisme, dresser une liste de personnes à venir… ce ne sont pas des chrétiens, ce sont des païens déguisés en chrétiens mais le cœur est païen. L’Église ne grandit pas par prosélytisme, elle grandit par attraction. Une fois, je me souviens que dans l’hôpital de Buenos Aires, les religieuses qui y travaillaient sont parties parce qu’elles étaient peu nombreuses et qu’elles ne pouvaient pas faire fonctionner l’hôpital, et une communauté de religieuses de Corée est arrivée, disons lundi par exemple, je ne me souviens plus du jour. Elles ont pris la maison des religieuses à l’hôpital et le mardi, elles sont descendues visiter les malades à l’hôpital, mais elles ne parlaient pas un mot d’espagnol, elles ne parlaient que le coréen et les malades étaient heureux, car ils commentaient :  » Braves ces religieuses, braves, braves  » – Mais que t’a dit la religieuse ? « Rien, mais avec le regard elle m’a parlé, elles ont communiqué Jésus ». Non pas communiquer elles-mêmes, mais avec le regard, avec les gestes, communiquer Jésus.  C’est l’attraction, le contraire du prosélytisme.

Ce témoignage attrayant, ce témoignage joyeux est la mission vers laquelle Jésus nous conduit par son regard d’amour et par le mouvement de sortie que son Esprit suscite dans le cœur. Et nous pouvons nous demander si notre regard ressemble à celui de Jésus pour attirer les gens, pour les rapprocher à l’Église. Pensons-y.


Je salue cordialement les personnes de langue française.

Alors que nous rentrons dans le temps ordinaire de l’année liturgique, efforçons-nous de vivre courageusement notre foi dans le quotidien de notre existence : nous témoignerons ainsi du Christ aux personnes que nous rencontrons.

Que Dieu vous bénisse.





Audience Générale du Mercredi 4 Janvier 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 4 janvier 2023


Catéchèse sur le discernement –

14. L’accompagnement spirituel

Frères et sœurs, je voudrais rendre hommage au Pape Benoît XVI qui a été un grand maître de catéchèse. Que son enseignement nous aide à redécouvrir dans le Christ la joie de croire et l’espérance de vivre.

Nous achevons aujourd’hui notre parcours de catéchèse sur le discernement par la question de l’accompagnement spirituel. Celui-ci est important pour acquérir la connaissance de soi qui est indispensable à ce discernement. Il convient avant tout de se faire connaître de l’accompagnateur, de ne pas craindre de lui révéler ses faiblesses et ses fragilités. Lorsque l’accompagnement est docile à l’Esprit Saint, il aide à démasquer les équivoques, même graves, dans la considération que nous avons de nous-mêmes et dans la relation avec le Seigneur. Les personnes qui ont une véritable relation avec Dieu ne craignent pas de lui ouvrir leur cœur. Raconter à un tiers ce que nous vivons, ou ce que nous désirons, aide à faire la clarté en soi-même. Cela met en lumière les pensées négatives qui nous habitent, de sorte que nous pouvons nous sentir aimés par le Seigneur, capables de faire de bonnes choses pour Lui. L’accompagnement est fructueux s’il est vécu dans la filiation et dans la fraternité.  Nous découvrons que nous sommes enfants de Dieu lorsque nous nous découvrons frères, enfants du même Père. On ne va pas au Seigneur tout seul. La Vierge Marie, qui parle peuécoute beaucoup et garde dans son cœur, est maîtresse de discernement. Plus que tout autre, elle a su accomplir par des actes et par des choix, la volonté que Dieu exprimait dans son cœur, et elle nous invite à faire de même.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

Le discernement est un art qu’il est possible d’apprendre et qui a ses règles. Demandons à la Vierge Marie de nous y initier et que l’Esprit Saint mette sur notre route des personnes qui pourront nous accompagner dans notre marche vers Dieu.

Que Dieu vous bénisse.




Audience Générale du Mercredi 14 décembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 14 décembre 2022


Catéchèse sur le discernement – 12. La vigilance

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous entrons à présent dans la phase finale de ce parcours catéchétique sur le discernement. Nous nous sommes d’abord appuyés sur l’exemple de saint Ignace de Loyola ; nous avons ensuite considéré les éléments du discernement – à savoir la prière, la connaissance de soi, le désir et le « livre de la vie » – ; nous nous sommes penchés ensuite sur la désolation et la consolation, qui en constituent la « matière » ; puis nous en sommes parvenus à la confirmation du choix effectué.

Je considère qu’il est nécessaire à ce point de rappeler une attitude essentielle afin de ne pas perdre tout le travail effectué pour discerner le meilleur et prendre la bonne décision, et cette attitude serait celle de la vigilance. Nous avons fait le discernement, consolation et désolation ; nous avons fait un choix… Tout va bien, mais à présent il faut être vigilant : l’attitude de la vigilance. Car le risque est bien là, comme nous l’avons entendu dans le passage de l’Évangile qui a été lu. Le risque est là, et c’est que le  » trouble-fête « , c’est-à-dire le Malin, peut tout gâcher, nous faisant retourner au point de départ, voire dans un état encore pire. Et cela arrive, il faut donc être prudent et vigilant. C’est pourquoi il est indispensable d’être vigilant. C’est pourquoi aujourd’hui il me semble opportun de souligner cette attitude, dont nous avons tous besoin pour que le processus de discernement se termine bien et demeure.

En effet, dans sa prédication, Jésus insiste beaucoup sur le fait que le bon disciple est vigilant, qu’il ne s’endort pas, qu’il ne se laisse pas gagner par la présomption quand tout va bien, mais demeure alerte et prêt à accomplir son devoir.

Par exemple, dans l’Évangile de Luc, Jésus dit : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller » (12,35-37).

Être vigilant pour surveiller notre cœur et comprendre ce qui se passe à l’intérieur. Il s’agit de l’état d’âme des chrétiens qui attendent la venue finale du Seigneur ; mais on peut aussi le comprendre comme l’attitude ordinaire à adopter dans la conduite de la vie, afin que nos bons choix, effectués parfois après un discernement exigeant, se réalisent avec persévérance et cohérence et portent du fruit.

Si la vigilance fait défaut, il y a un très fort risque, comme nous l’avons dit, que tout soit perdu. Ce n’est pas un danger d’ordre psychologique, mais d’ordre spirituel, un véritable piège de l’esprit mauvais. Celui-ci, en effet, attend le moment même où nous sommes trop sûrs de nous, c’est le danger : « Je suis sûr de moi, j’ai gagné, maintenant je suis bien… », c’est le moment que le mauvais esprit attend, quand tout va bien, quand tout va « à merveille » et quand nous avons, comme on dit, « le vent en poupe ». En effet, dans la petite parabole évangélique que nous avons entendue, il est dit que l’esprit impur, lorsqu’il revient dans la maison d’où il était sorti,  » il la trouve inoccupée, balayée et bien rangée » (Mt 12,44). Tout est en place, tout est en ordre, mais où est le maître de maison ? Il n’est pas là. Il n’y a personne pour la surveiller et la garder. C’est là le problème. Le maître de maison n’est pas là, il est sorti, il est distrait ; ou bien il est dans la maison, mais il dort, et donc c’est comme s’il n’était pas là. Il n’est pas vigilant, il n’est pas prudent, car il est trop sûr de lui et a perdu l’humilité de veiller sur son propre cœur. Nous devons toujours veiller sur notre maison, notre cœur et ne pas nous laisser distraire et aller… car là se trouve le problème, comme le disait la parabole.

Donc, l’esprit mauvais peut en profiter et retourner dans cette maison. L’Évangile dit cependant qu’il n’y retourne pas seul, mais en compagnie de  » sept autres esprits pires que lui  » (v. 45). Une compagnie de malfaiteurs, une bande de délinquants. Mais – demandons-nous – comment est-ce possible qu’ils puissent entrer sans être inquiétés ? Comment se fait-il que le maître ne s’en aperçoive pas ? N’avait-il pas été si doué à faire le discernement et à les chasser ? N’avait-il pas aussi reçu les compliments de ses amis et voisins sur cette maison si belle et élégante, si bien rangée et propre ? Oui, mais peut-être que, précisément à cause de cela, il était trop entiché de la maison, c’est-à-dire de soi-même, et qu’il avait cessé d’attendre le Seigneur, d’attendre la venue de l’Époux ; peut-être que, par peur de détruire cet ordre, il n’accueillait plus personne, il n’invitait plus les pauvres, les sans-abris, ceux qui dérangeaient… Une chose est sûre : il s’agit ici de mauvais orgueil, de la présomption d’avoir raison, de bien faire, d’être en règle. Tant de fois nous entendons : « Oui, j’étais mauvais avant, je me suis converti, et maintenant, la maison est en ordre grâce à Dieu, et tu es tranquille pour cela… »Quand nous avons trop confiance en nous-mêmes et non dans la grâce de Dieu, alors le Malin trouve la porte ouverte. Puis il organise l’expédition et prend possession de cette maison. Et Jésus conclut :  » L’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début  » (v. 45).

Mais le maître ne s’en aperçoit-il pas ? Non, parce que ce sont les démons polis : ils entrent sans que tu ne t’en rendes compte, ils frappent à la porte, ils sont polis. « Non ça va bien, ok, allez, entrez… » et puis ils finissent par commander dans ton âme. Méfiez-vous de ces diablotins, de ces démons : le diable est poli quand il se fait passer pour un grand seigneur. Car il entre chez nous comme l’un des nôtres pour ensuite se révéler comme il est chez lui. Il faut protéger la maison de cette supercherie des démons bien éduqués. Et la mondanité spirituelle va dans ce sens, toujours.

Chers frères et sœurs, cela semble impossible mais c’est ainsi. Tant de fois nous perdons, nous sommes vaincus dans les batailles, à cause de ce manque de vigilance. Tant de fois, peut-être, le Seigneur a donné tant de grâces et à la fin nous ne sommes pas capables de persévérer dans cette grâce et nous perdons tout, parce que nous manquons de vigilance : nous n’avons pas protégé les portes. Et puis nous avons été trompés par quelqu’un qui vient, éduqué, et entre et bonjour… le diable a ces trucs. Chacun peut également le vérifier en repensant à son histoire personnelle. Il ne suffit pas d’opérer un bon discernement et un bon choix. Non, ce n’est pas suffisant : il faut rester vigilant, conserver cette grâce que Dieu nous a donnée, mais être vigilant, parce que tu peux me dire :  » Mais quand je vois un certain désordre, je comprends tout de suite que c’est le diable, que c’est une tentation…  » oui, mais cette fois-ci il est déguisé en ange : le diable sait se déguiser en ange, il entre avec des mots courtois, et il te convainc et à la fin la situation est pire qu’au départ… Il faut rester vigilant, veiller sur son cœur. Si aujourd’hui je demandais à chacun d’entre nous et aussi à moi-même :  » qu’est-ce qui se passe dans ton cœur ? « . Nous ne pourrions peut-être pas tout dire : nous dirions une ou deux choses, mais pas tout. Veiller sur son cœur, car la vigilance est signe de sagesse, elle est surtout un signe d’humilité, parce que nous avons peur de tomber, et l’humilité est la voie royale de la vie chrétienne.


Je salue cordialement les personnes de langue française. Le temps de l’Avent nous rappelle cette attitude fondamentale du chrétien : la vigilance. Nous attendons la venue du Seigneur, et nous le faisons en demeurant attentifs à nos frères les plus fragiles et qui frappent à la porte de nos cœurs. Nous bâtissons de cette manière avec discernement nos vies, en cohérence avec l’Evangile. Demandons au Seigneur de nous garder éveillés dans l’humilité et la disponibilité. Que Dieu vous bénisse.




Audience Générale du Mercredi 7 décembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 7 décembre 2022


Catéchèse sur le discernement – 11.  La confirmation de la bonne décision

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le processus de discernement, il est également important de rester attentif à la phase qui suit immédiatement la décision prise, -Je dois prendre une décision, Je fais un discernement, pour ou contre, des sentiments, je prie… puis ce processus se termine et je prends la décision et ensuite vient cette phase où nous devons faire attention : afin de voir, les signes qui la confirment ou ceux qui l’infirment. Parce que dans la vie, il y a des décisions qui ne sont pas bonnes et il y a des signes qui la démentent, en revanche elles confirment les bonnes.

En effet, nous avons vu que le temps est un critère fondamental pour reconnaître la voix de Dieu au milieu de tant d’autres voix. Lui seul est Seigneur du temps : c’est là une marque de son originalité, qui le distingue des imitations qui tentent de parler en son nom sans y parvenir. Un des traits du bon esprit est le fait qu’il communique une paix qui dure dans le temps : si tu prends une décision, un processus, puis tu prends la décision, si cela te donne une paix qui dure dans le temps, c’est un bon signe, que la démarche a été bonne. Une paix qui apporte harmonie, unité, ferveur, zèle. Tu sors du processus meilleur que tu n’y es entré.

Par exemple, si je prends la décision de consacrer une demi-heure supplémentaire à la prière, et puis je réalise que je vis mieux les autres moments de la journée, je suis plus serein, moins anxieux, je fais mon travail avec plus de soin et d’entrain, même les relations avec certaines personnes difficiles deviennent plus agréables… : ce sont tous des signes importants qui sont en faveur de la bonté de la décision prise. La vie spirituelle est circulaire : le bienfait d’un choix profite à tous les domaines de notre vie. Parce que c’est une participation à la créativité de Dieu.

Nous pouvons reconnaître certains aspects importants qui nous aident à discerner le moment qui suit la décision comme une possible confirmation de sa bonté. Le moment successif confirme la justesse de la décision. Par exemple, d’une certaine manière, nous les avons déjà rencontrés au cours de ces catéchèses, mais maintenant elles trouvent leur application ultérieure.

Un premier aspect est de savoir si l’on peut considérer la décision comme une éventuelle réponse à l’amour et à la générosité du Seigneur à mon égard. Elle ne naît pas de la peur, elle ne naît pas d’un chantage affectif ou d’une contrainte, mais elle naît de la gratitude pour le bien reçu, qui pousse le cœur à vivre avec générosité la relation avec le Seigneur.

Un autre élément important est la conscience d’être à sa place dans la vie- cette tranquillité d’esprit : « Je suis à ma place » – et le sentiment de faire partie d’un ensemble plus vaste, auquel on souhaite apporter sa contribution. Sur la place Saint-Pierre, il existe deux points précis – les foyers de l’ellipse – à partir desquels on peut voir les colonnes du Bernin parfaitement alignées. De même, l’être humain peut reconnaître qu’il a trouvé ce qu’il cherche lorsque sa journée devient plus ordonnée, qu’il perçoit une intégration croissante entre ses multiples centres d’intérêt, qu’il établit une correcte hiérarchie d’importance et qu’il réussit à vivre cela avec facilité, en affrontant les difficultés qui se présentent avec une énergie et une force d’âme renouvelées. Ce sont là des signaux que tu as pris une bonne décision.

Un autre bon signe, par exemple, de confirmation est le fait de rester libre par rapport à ce qui a été décidé, prêt à le remettre en question, voire à y renoncer face à d’éventuels démentis, en essayant d’y trouver un possible enseignement du Seigneur. Non pas parce que Lui veut nous priver de ce qui nous est cher, mais pour le vivre avec liberté, sans attachement. Seul Dieu sait ce qui est vraiment bon pour nous. La possessivité est l’ennemi du bien et elle tue l’affection, attention à cela, la possessivité est l’ennemi du bien, elle tue l’affection : les nombreux cas de violence dans la sphère domestique, dont nous avons malheureusement de fréquents reportages, naissent presque toujours de la prétention à posséder l’affection de l’autre, de la recherche d’une sécurité absolue qui tue la liberté et étouffe la vie, en en faisant un enfer.

Nous pouvons aimer seulement dans la liberté, c’est pourquoi le Seigneur nous a créés libres, libres même de lui dire non. Lui offrir ce qui nous est le plus cher est dans notre intérêt, cela nous permet de le vivre de la meilleure manière possible dans la liberté, comme un don qu’Il nous a fait, comme un signe de Sa bonté gratuite, sachant que notre vie, comme toute l’histoire, est entre Ses mains bienveillantes. C’est ce que la Bible appelle la crainte de Dieu, c’est-à-dire le respect de Dieu, non pas que Dieu me fasse peur, non : un respect, une condition indispensable pour accepter le don de la Sagesse (cf. Si 1, 1-18). C’est la crainte qui chasse toutes les autres craintes, car elle est orientée vers Celui qui est le Seigneur de toutes choses. Devant Lui, rien ne peut nous troubler. C’est l’expérience étonnante de saint Paul, ainsi disait Paul : « Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force. » (Ph 4, 12-13). Voilà l’homme libre, qui bénit le Seigneur à la fois lorsque surviennent les bonnes choses et lorsque surviennent les moins bonnes : qu’il soit béni et nous allons de l’avant.

Reconnaître cela est fondamental pour une bonne prise de décision, et nous rassure sur ce que nous ne pouvons pas contrôler ou prévoir : la santé, l’avenir, les êtres chers, nos projets. Ce qui importe, c’est que notre confiance est placée dans le Seigneur de l’univers, qui nous aime immensément et sait que nous pouvons construire avec Lui quelque chose de merveilleux, quelque chose d’éternel. La vie des saints nous le montre de la manière la plus belle qui soit. Allons de l’avant en cherchant toujours à prendre des décisions de cette manière, en priant et en éprouvant ce qui se passe dans notre cœur et avançons lentement, Courage allons !


Je salue cordialement les personnes de langue française en particulier les jeunes du Collège Saint Régis-Saint Michel du Puy-en-Velay.

Frères et sœurs, demain nous fêterons l’Immaculée Conception. Demandons par l’intercession de la Vierge Marie la grâce de savoir prendre de bonnes décisions, afin de mener une vie de sainteté sous le regard de Dieu et dans l’amour du prochain.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 30 Novembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 30 Novembre 2022


Catéchèse sur le discernement – 10. La consolation authentique

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre réflexion sur le discernement, et en particulier sur l’expérience spirituelle appelée « consolation », dont nous avons parlé mercredi dernier, demandons-nous : comment reconnaître la vraie consolation ? C’est une question très importante pour un bon discernement, afin de ne pas se fourvoyer dans la recherche de notre vrai bien.

Nous pouvons trouver quelques critères dans un passage des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Il dit : « Si dans les pensées tout est bien – dit saint Ignace – le début, le milieu et la fin sont entièrement bons, orientés entièrement vers le bien, c’est le signe du bon ange. Mais si le déroulement de nos pensées nous amène finalement à quelque chose de mauvais, ou de distrayant, ou de moins bon que ce que l’âme projetait d’abord, ou qui affaiblit, inquiète et trouble l’âme en lui enlevant la paix, en lui enlevant la tranquillité et le repos qu’elle avait auparavant c’est un signe clair qu’il procède du mauvais esprit » (n° 333). Car c’est vrai : il y a une vraie consolation, mais il y a aussi des consolations qui ne sont pas vraies. Et pour cela, il faut bien comprendre le processus de la consolation : comment va-t-il et où me mène-t-il ? Et s’il me conduit à quelque chose d’inférieur, qui n’est pas bon, la consolation n’est pas vraie, elle est feinte, disons.

Et ce sont des indications précieuses, qui méritent un bref commentaire. Qu’est-ce que cela signifie que le début est orienté au bien, comme le dit St Ignace d’une bonne consolation ? Par exemple … prenons un exemple : j’ai la pensée de prier, et je remarque qu’elle s’accompagne d’affection envers le Seigneur et le prochain, elle invite à accomplir des actes de générosité, de charité : c’est un bon début. D’autre part, il peut arriver que cette pensée surgisse pour éviter un travail ou une tâche qui m’a été confiée : chaque fois que je dois faire la vaisselle ou nettoyer la maison, j’ai une grande envie de me mettre à prier ! Cela arrive dans les couvents, hein ? Mais la prière n’est pas une fuite des tâches, au contraire, elle est une aide pour réaliser ce bien que nous sommes appelés à faire, ici et maintenant. Voilà pour le début.

Il y a ensuite le milieu : Saint Ignace disait que le début, le milieu et la fin doivent être bons. Le principe est le suivant : j’ai envie de prier pour ne pas faire la vaisselle : va, fais la vaisselle et ensuite va prier. Ensuite, il y a le milieu, non ? c’est-à-dire ce qui vient après, ce qui suit cette pensée. En restant dans l’exemple précédent, si je commence à prier et que, comme le fait le pharisien de la parabole (cf. Lc 18, 9-14), j’ai tendance à me faire plaisir et à mépriser les autres, peut-être avec un esprit rancunier et aigre, alors ce sont des signes que l’esprit mauvais a utilisé cette pensée comme une clé pour entrer dans mon cœur et me transmettre ses sentiments. Si je vais prier et que je fais penser au fameux pharisien – « Je te remercie, Seigneur, parce que je prie, je ne suis pas comme les autres qui ne te cherchent pas, ne prient pas » – là, cette prière se termine mal. Cette consolation de la prière consiste à se sentir comme un paon devant Dieu. Et c’est le mode qui ne convient pas.

Et puis il y a la fin : le début, le milieu et la fin. La fin est un aspect que nous avons déjà abordé, à savoir : où me mène-t-elle une pensée ? Par exemple, où me mène la pensée de prier. Par exemple, ici, il peut arriver que je me consacre pleinement à une œuvre belle et digne, mais cela m’amène à cesser de prier, car je suis très pris par tant de choses, je me retrouve toujours plus agressif et irritable, je me figure que tout dépend de moi, au point de perdre la foi en Dieu. De toute évidence, il s’agit ici de l’action du mauvais esprit. Je me mets à prier, puis dans la prière je me sens omnipotent, que tout doit être entre mes mains parce que je suis le seul, le seul à savoir faire avancer les choses : évidemment là ce n’est pas le bon esprit. C’est-à-dire, bien examiner le parcours de nos sentiments et le parcours des bons sentiments, de la consolation, au moment où je veux faire quelque chose. Comment est le début, comment est le milieu et comment est la fin.

Le style de l’ennemi – quand nous parlons de l’ennemi, nous parlons du diable, hein ? Mais, le diable existe, il est là ! – Son style, nous le savons, est de se présenter de manière sournoise et déguisée : il commence par ce qui nous tient le plus à cœur et nous attire à lui, petit à petit : le mal entre en cachette, sans que la personne ne s’en rende compte. Et avec le temps, la douceur devient dureté : cette pensée se révèle pour ce qu’elle est vraiment.

D’où l’importance de cet examen patient mais indispensable de l’origine et de la vérité de ses pensées ; c’est une invitation à apprendre de l’expérience, de ce qui nous arrive, afin de ne pas continuer à répéter les mêmes erreurs. Plus nous nous connaissons nous-mêmes, plus nous détectons les points d’entrée du mauvais esprit, ses « mots de passe« , les portes d’entrée de notre cœur, qui sont les points auxquels nous sommes le plus sensibles, afin d’y prêter attention à l’avenir. Chacun de nous a les points les plus sensibles, les points les plus faibles de sa personnalité : et là rentre le mauvais esprit et nous emmène… mais, vers la route qui n’est pas bonne, ou nous éloigne de la véritable bonne direction. Je vais pour prier mais ça nous éloigne de la prière.

On pourrait multiplier les exemples à volonté, en réfléchissant à nos journées. Et nous devons le faire : l’examen de conscience quotidien est si important : avant de terminer la journée, s’arrêter un moment. Que s’est-il passé ? Pas dans les journaux, pas dans la vie : que s’est-il passé dans mon cœur ? Mon cœur a-t-il été attentif ? A-t-il grandi ? A-t-il été une route où tout est passé, à mon insu ? Que s’est-il passé dans mon cœur ? Et cet examen est important, c’est l’effort précieux de relire la vie d’un point de vue particulier. Prendre conscience de ce qui se passe est important, c’est un signe que la grâce de Dieu agit en nous, nous aidant à grandir en liberté et en conscience. Nous ne sommes pas seuls : c’est l’Esprit Saint qui est avec nous. Voyons comment cela s’est passé.

La consolation authentique est une sorte de confirmation que nous faisons ce que Dieu veut de nous, que nous marchons sur ses chemins, c’est-à-dire sur les chemins de la vie, de la joie, de la paix. Le discernement, en effet, ne concerne pas simplement ce qui est bon ou le plus grand bien possible, mais ce qui est bon pour moi ici et maintenant : ainsi suis-je appelé à grandir, en fixant des limites à d’autres propositions, attrayantes mais irréelles, afin de ne pas me fourvoyer dans la recherche du vrai bien.

Frères et sœurs, il est nécessaire de comprendre, d’approfondir la compréhension de ce qui se passe dans mon cœur. Et pour cela, il faut faire l’examen de conscience, pour voir ce qui s’est passé aujourd’hui. « Aujourd’hui, je me suis mis en colère là, je n’ai pas fait ça… » : mais pourquoi ? Par-delà le pourquoi, il faut chercher la racine de ces erreurs. « Mais, aujourd’hui, j’ai été heureux mais je m’ennuyais parce que je devais aider ces gens, mais à la fin je me suis senti comblé, comblée pour cette aide » : et là, se trouve l’Esprit Saint. Apprendre à lire dans le livre de notre cœur ce qui s’est passé pendant la journée. Faites-le, juste deux minutes, mais ça vous fera du bien, je vous l’assure. Merci.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement le lycée Sainte Marie de Neuilly, de Paris.

Frères et sœurs, nous sommes entrés dans le temps de l’Avent pleins d’espérance et nous implorons le Prince de la Paix avec ferveur afin qu’il apporte à nos cœurs blessés, ainsi qu’aux nations meurtries par les guerres et les crises de tout genre, la consolation authentique, pour une vie digne et sereine.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 23 Novembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 23 Novembre 2022


Catéchèse sur le discernement – 9. La consolation

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur le discernement de l’esprit : comment discerner ce qui se passe dans notre cœur, dans notre âme. Et après avoir considéré quelques aspects de la désolation – cette nuit obscure de l’âme – parlons aujourd’hui de la consolation, qui serait la lumière de l’âme, et qui est un autre élément important pour le discernement, et à ne pas prendre pour acquis, car elle peut prêter à équivoque. Nous devons comprendre ce qu’est la consolation, tout comme nous avons essayé de bien comprendre ce qu’est la désolation.

Qu’est-ce que la consolation spirituelle ? C’est une expérience profonde de joie intérieure, qui permet de voir la présence de Dieu en toutes choses ; elle renforce la foi et l’espérance, ainsi que la capacité à faire le bien. La personne qui fait l’expérience de la consolation ne se résigne pas face aux difficultés, car elle éprouve une paix plus forte que l’épreuve. Il s’agit donc d’un grand don pour la vie spirituelle et pour la vie dans son ensemble. Et vivre cette joie intérieure.

La consolation est un mouvement intime qui touche au plus profond de nous-mêmes. Elle n’est pas ostentatoire, mais douce, délicate, comme une goutte d’eau sur une éponge (cf. saint Ignace de L., Exercices spirituels, 335) : la personne se sent enveloppée par la présence de Dieu, d’une manière toujours respectueuse de sa propre liberté. Ce n’est jamais quelque chose de discordant, qui cherche à forcer notre volonté, ce n’est pas non plus une euphorie passagère : au contraire, comme nous l’avons vu, même la douleur – par exemple pour ses péchés – peut devenir un motif de consolation.

Pensons à l’expérience de saint Augustin lorsqu’il parle avec sa mère Monique de la beauté de la vie éternelle ; ou à la joie parfaite de saint François – qui était par ailleurs associée à des situations très difficiles à supporter – ; et pensons à tant de saints et de saintes qui ont été capables de faire de grandes choses, non pas parce qu’ils se considéraient bons et capables, mais parce qu’ils ont été conquis par la douceur apaisante de l’amour de Dieu. C’est la paix que saint Ignace observait en lui avec émerveillement quand il lisait la vie des saints. Être consolé, c’est être en paix avec Dieu, c’est sentir que tout est bien en ordre dans la paix, que tout est harmonieux en nous. C’est la paix qu’Edith Stein a éprouvée après sa conversion ; un an après avoir reçu le baptême, elle écrit – c’est ce que dit Edith Stein : « En même temps que je m’abandonne à ce sentiment, peu à peu une nouvelle vie commence à me combler et – sans aucune tension de ma volonté – à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet afflux de vie semble jaillir d’une activité et d’une force qui n’est pas la mienne et qui, sans faire violence à la mienne, se révèle active en moi. » (Psicologia e scienze dello spirito, Città Nuova, 1996, 116). Autrement dit, la paix véritable est une paix qui fait éclore des bons sentiments en nous.

La consolation concerne avant tout l’espérance, elle est orientée vers l’avenir, elle met sur le chemin, elle permet de prendre des initiatives qui jusqu’alors avaient toujours été reportées, ou même pas envisagées, comme le baptême d’Edith Stein.

La consolation est une telle paix, mais pas pour rester là assis à en profiter, non, elle te donne la paix et t’attire vers le Seigneur et te met sur le chemin pour faire des choses, pour faire de bonnes choses. Dans les moments de consolation, lorsque nous sommes consolés, nous avons le désir de faire de bonnes choses, toujours. Au contraire, lorsqu’il y a un temps de désolation, nous avons envie de nous refermer sur nous-mêmes et de ne rien faire. La consolation vous pousse en avant, au service des autres, de la société, des gens. La consolation spirituelle ne peut pas être « pilotée » – tu ne peux pas dire maintenant que vienne la consolation, non, elle ne peut pas être pilotée – elle ne peut pas être programmée à volonté, c’est un don du Saint-Esprit : elle permet une familiarité avec Dieu qui semble annuler les distances. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, visitant la basilique Sainte Croix de Jérusalem à Rome à l’âge de quatorze ans, cherche à toucher le clou qui y est vénéré, un de ceux avec lesquels Jésus a été crucifié. Thérèse ressent cette audace de sa part comme un transport d’amour et de confiance. Et puis elle écrit : « J’ai vraiment été trop audacieuse. Mais le Seigneur voit le fond des cœurs, il sait que mon intention était pure […]. Je me comportais avec lui comme un enfant qui se croit tout permis et considère les trésors du Père comme les siens » (Manuscrit autobiographique, 183). La consolation est spontanée, elle te porte à tout faire spontanément, comme si tu étais un enfant. Les enfants sont spontanés, et la consolation vous amène à être spontané avec une douceur, avec une très grande paix. Une jeune fille de quatorze ans nous donne une splendide description de la consolation spirituelle : on ressent un sentiment de tendresse envers Dieu, qui rend audacieux le désir de participer à sa propre vie, de faire ce qui lui est agréable, parce qu’on se sent familier avec Lui, on sent que sa maison est notre maison, on se sent accueilli, aimé, restauré. Avec cette consolation, on ne peut capituler devant les difficultés : en effet, avec la même audace, Thérèse demandera au Pape la permission d’entrer au Carmel, même si elle est trop jeune, et elle sera exaucée. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que la consolation nous rend audacieux : lorsque nous sommes dans un moment de ténèbres, de désolation, et que nous pensons : « Cela, je ne suis pas capable de le faire ». La désolation te déprime, elle te fait voir tout sombre : « Non, je ne peux pas le faire, je ne le ferai pas ». Au contraire, dans les moments de consolation, tu vois les mêmes choses d’une manière différente et tu dis : « Non, je vais aller de l’avant, je vais le faire ». « Mais tu es sûr ? » « Je sens la force de Dieu et je vais de l’avant ». Et donc, la consolation te pousse à aller de l’avant et à faire des choses qu’en temps de désolation tu ne serais pas capable de faire ; elle te pousse à faire le premier pas. C’est la beauté de la consolation.

Mais soyons prudents. Nous devons bien distinguer entre la consolation qui vient de Dieu des fausses consolations. Dans la vie spirituelle, il se passe quelque chose de semblable à ce qui se passe dans les productions humaines : il y a des originaux et des imitations. Si la consolation authentique est comme une goutte sur une éponge, elle est douce et intime, ses imitations sont plus bruyantes et plus ostentatoires, elles sont du pur enthousiasme, elles sont des feux de paille, sans consistance, elles conduisent au repli sur soi, et au désintérêt pour les autres. La fausse consolation finit par nous laisser vides, loin du centre de notre existence. Par conséquent, lorsque nous nous sentons heureux, en paix, nous sommes capables de tout faire. Mais ne pas confondre cette paix avec un enthousiasme passager, car l’enthousiasme est là aujourd’hui, puis il retombe et disparaît.

C’est pourquoi il faut faire preuve de discernement, même quand on se sent consolé. Car la fausse consolation peut devenir un danger si nous la recherchons comme une fin en soi, de manière obsessive, et que nous en oublions le Seigneur. Comme dirait saint Bernard, on cherche les consolations de Dieu et on ne cherche pas le Dieu des consolations. Nous devons chercher le Seigneur, et le Seigneur, par sa présence, nous console, et nous pousse à continuer. Et ne pas chercher Dieu pour qu’il nous apporte des consolations, avec cette insinuation, non, cela ne va pas, nous ne devons pas être à la recherche de cela. C’est la dynamique de l’enfant dont nous avons parlé la dernière fois, qui cherche ses parents uniquement pour obtenir des choses d’eux, mais pas pour eux-mêmes : il procède par intérêt. « Papa, maman » Et les enfants savent faire ça, ils savent jouer, et quand la famille est divisée, et qu’ils ont cette habitude de chercher ici et là, ce n’est pas bon, ce n’est pas de la consolation, c’est de l’intérêt.  Nous aussi, nous courons le risque de vivre notre relation avec Dieu de manière infantile, en cherchant notre propre intérêt, en essayant de réduire Dieu à un objet pour notre propre usage et notre consommation, en oubliant le plus beau don qui est Dieu Lui-même. Nous poursuivons ainsi notre vie, qui se passe entre les consolations de Dieu et les désolations du péché du monde, mais en sachant distinguer quand c’est une consolation de Dieu, qui te donne la paix jusqu’au fond de l’âme, de quand il s’agit d’un enthousiasme passager qui n’est pas mauvais, mais qui n’est pas la consolation de Dieu.


Je salue cordialement les personnes de langue française en particulier les pèlerins des diocèses de Troyes et de Lyon, l’Institut Stanislas de Saint-Raphaël et l’Institution Notre-Dame de Sannois.

Frères et sœurs, apprenons à nous laisser guider au quotidien par les motions du Saint Esprit, ainsi nous pourront goûter à la douceur apaisante de l’amour de Dieu dans les difficultés de notre vie.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 16 Novembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 16 Novembre 2022


Catéchèse sur le discernement – 8. Pourquoi sommes-nous désolés ?

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenus !

Nous reprenons aujourd’hui le cycle de catéchèse sur le thème du discernement. Nous avons vu combien il est important de lire ce qui se meut à l’intérieur de nous, afin de ne pas prendre de décisions hâtives, sur la lancée de l’émotion du moment, pour ensuite les regretter quand il est désormais trop tard. C’est-à-dire lire ce qui arrive et ensuite prendre les décisions.

En ce sens, même l’état spirituel que nous nommons désolation, quand dans le cœur tout est sombre, c’est triste, cet état de la désolation peut être une occasion de croissance. En effet, s’il n’y a pas un peu d’insatisfaction, un peu de tristesse salutaire, une saine capacité d’habiter la solitude, et d’être avec nous-mêmes sans fuir, nous risquons de rester toujours à la superficie des choses et de ne jamais prendre contact avec le centre de notre existence. La désolation provoque une « secousse de l’âme » : quand on est triste, c’est comme si l’âme était secouée ; cela tient en alerte, favorise la vigilance et l’humilité et nous protège du vent des caprices. Ce sont des conditions indispensables pour le progrès dans la vie, et donc aussi dans la vie spirituelle. Une sérénité parfaite mais « aseptique », sans sentiments, lorsqu’elle devient le critère des choix et des comportements, nous rend inhumains. Nous ne pouvons pas ne pas prêter attention aux sentiments : nous sommes humains et l’émotion fait partie de notre humanité ; sans la compréhension des sentiments, nous serions inhumains, sans l’expérience des émotions, nous serions également indifférents à la souffrance des autres et incapables d’accueillir la nôtre. Sans compter qu’une telle « sérénité parfaite » ne saurait être atteinte par cette voie de l’indifférence. Cette distance aseptique : « Je ne me mêle pas aux choses, je garde mes distances » : ce n’est pas la vie, c’est comme si nous vivions dans un laboratoire, enfermés, pour ne pas avoir de microbes, de maladies. Pour de nombreux saints et saintes, l’inquiétude a été un élan décisif pour changer leur vie. Cette sérénité artificielle n’est pas bonne, alors qu’elle est bonne la saine inquiétude, le cœur inquiet, le cœur à la recherche d’une voie à suivre. C’est le cas, par exemple, d’Augustin d’Hippone, ou d’Edith Stein, ou de Joseph Benoît Cottolengo, ou de Charles de Foucauld. Les choix importants ont un prix que la vie indique, un prix qui est à la portée de tous : En d’autres termes, les choix importants ne viennent pas par la loterie, non ; ils ont un prix et tu dois payer ce prix. C’est un prix que tu dois payer avec ton cœur, c’est un prix de la décision, un prix d’un effort continue Ce n’est pas gratuit, mais c’est un prix à la portée de tous. Nous devons tous payer cette décision pour sortir de l’état d’indifférence, qui nous déprime, toujours.

La désolation est aussi une invitation à la gratuité, à ne pas agir toujours et uniquement en vue d’une gratification affective. Être désolés nous offre la possibilité de grandir, d’entamer une relation plus mature, plus belle avec le Seigneur et avec les personnes qui nous sont chères, une relation qui ne se réduit pas à un simple échange de donner et de recevoir. Souvenons-nous de notre enfance, par exemple souvenons-nous : enfants, souvent nous recherchions nos parents pour obtenir quelque chose d’eux, un jouet, de l’argent pour acheter une glace, une permission… Et donc nous les recherchions non pas pour eux-mêmes, mais pour un intérêt. Pourtant, le plus grand don, ce sont eux, les parents, et nous le comprenons en grandissant.

Beaucoup de nos prières sont aussi un peu comme cela, ce sont des demandes de faveurs adressées au Seigneur, sans réel intérêt à son égard. Nous ne cessons de demander, demander, demander au Seigneur. L’Évangile note que Jésus était souvent entouré de nombreuses personnes qui le cherchaient pour obtenir quelque chose, des guérisons, une aide matérielle, mais pas simplement pour être avec lui. Il était pressé par les foules, et pourtant il était seul. Certains saints, et même certains artistes, ont médité sur cette condition de Jésus. Il peut sembler étrange, irréel, de demander au Seigneur : « Comment vas-tu ? ». Au contraire, c’est une très belle manière d’entrer dans une relation vraie, sincère, avec son humanité, avec sa souffrance, voire avec sa singulière solitude. Avec Lui, avec le Seigneur qui a voulu nous faire partager pleinement sa vie.

Cela nous fait tellement de bien d’apprendre à être avec Lui, être avec le Seigneur sans autre but, exactement comme cela nous arrive avec les personnes que nous aimons : nous voulons les connaître toujours plus, parce qu’il est bon d’être avec elles.

Chers frères et sœurs, la vie spirituelle n’est pas une technique à notre disposition, ce n’est pas un programme de « bien-être » intérieur qu’il nous appartient de planifier. Non. La vie spirituelle est la relation avec le Vivant, avec Dieu, le Vivant, irréductible à nos catégories. Et la désolation est alors la réponse la plus claire à l’objection selon laquelle l’expérience de Dieu est une forme de suggestion, une simple projection de nos désirs. La désolation, c’est ne rien ressentir, tout est sombre : mais tu cherches Dieu dans la désolation. Dans ce cas, si nous pensons qu’elle est une projection de nos désirs, ce sera toujours à nous de le programmer, nous serions toujours heureux et satisfaits, comme un disque qui répète la même musique. Au contraire, celui qui prie se rend compte que les résultats sont imprévisibles : des expériences et des passages de la Bible qui nous ont souvent donner de l’enthousiasme, aujourd’hui, étrangement, ne suscitent aucun sentiment. Et, de manière tout aussi inattendue, des expériences, des rencontres et des lectures auxquelles on n’avait jamais prêté attention ou qu’on aurait préféré éviter – comme l’expérience de la croix – apportent une paix inattendue immense. Ne pas craindre la désolation, la poursuivre avec persévérance, ne pas la fuir. Et dans la désolation, chercher à trouver le cœur du Christ, trouver le Seigneur. Et la réponse arrive, toujours.

Face aux difficultés, il ne faut donc jamais se décourager, s’il vous plait, mais affronter l’épreuve avec détermination, avec l’aide de la grâce de Dieu qui ne nous fait jamais défaut. Et si nous entendons en nous une voix insistante visant à nous détourner de la prière, apprenons à la démasquer comme la voix du tentateur ; et ne nous laissons pas impressionner : faisons tout simplement le contraire de ce qu’elle nous dit ! Merci


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les écoles Fénelon et Blomet de Paris, la paroisse Sacré-Cœur de Jésus de Turgeau en Haïti et la paroisse de Herrlisheim.

Frères et sœurs, devant les difficultés et les problèmes de la vie, nous nous sentons parfois impuissants, découragés et troublés. Demandons la grâce de Dieu pour affronter l’épreuve avec décision et avec foi dans un abandon total à la Providence divine.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 9 Novembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 9 Novembre 2022


Le voyage Apostolique au Bahreïn

Chers frères et sœurs, bienvenus et bonjour !

Avant de parler de ce que j’ai préparé, je voudrais attirer l’attention sur ces deux jeunes gens qui sont venus ici. Ils n’ont pas demandé la permission, ils n’ont pas dit : « Ah, j’ai peur » : ils sont venus directement. C’est ainsi que nous devons être avec Dieu : directement. Ils nous ont donné un exemple de la manière dont nous devons être avec Dieu, avec le Seigneur : aller de l’avant ! Lui, il nous attend toujours. Cela m’a fait du bien de voir la confiance de ces deux enfants : c’est un exemple pour nous tous. C’est ainsi que nous devons toujours nous approcher du Seigneur : avec liberté. Merci.

Il y a trois jours, je suis rentré de mon voyage au Royaume de Bahreïn, que je ne connaissais pas, vraiment : je ne savais pas bien comment était, ce royaume. Je tiens à remercier tous ceux qui ont accompagné cette visite avec le soutien de la prière, et renouveler ma gratitude à Sa Majesté le Roi, aux autres Autorités, à l’Eglise locale et à la population pour leur accueil chaleureux. Et aussi, je veux remercier les organisateurs des voyages : pour effectuer ce voyage, il y a beaucoup de gens qui se déplacent, la Secrétairerie d’État travaille tant pour préparer les discours, pour préparer la logistique, tout, beaucoup de gens sont mobilisés… ensuite, les traducteurs… et puis, le Corps de la Gendarmerie, le Corps de la Garde suisse, qui sont très braves. C’est un travail énorme ! Tous, tous, je voudrais vous remercier publiquement pour tout ce que vous faites pour qu’un voyage du Pape se passe bien. Merci.

La question se pose spontanément : pourquoi le pape a-t-il voulu visiter ce petit pays à très forte majorité musulmane ? Il existe de nombreux pays chrétiens : pourquoi ne pas aller d’abord dans l’un ou l’autre ? Je voudrais répondre à travers trois mots : dialogue, rencontre et marche.

Dialogue : l’occasion de ce voyage désiré depuis longtemps a été offerte par l’invitation du Roi à un Forum sur le dialogue entre Orient et Occident. Un dialogue qui sert à découvrir la richesse de ceux qui appartiennent à d’autres peuples, d’autres traditions, d’autres croyances. Bahreïn, un archipel composé de nombreuses îles, nous a permis de comprendre qu’il ne faut pas vivre dans l’isolement, mais en se rapprochant. Au Bahreïn, qui sont des îles, ils se sont rapprochés, ils se sont effleurés. La cause de la paix l’exige, et le dialogue est « l’oxygène de la paix ». N’oubliez pas ceci : le dialogue est l’oxygène de la paix. Même dans la paix domestique. Si une guerre y a été livrée, entre le mari et la femme, alors avec le dialogue on poursuit avec la paix. Dans la famille, il faut également dialoguer : dialoguer, car avec le dialogue on peut maintenir la paix. Il y a près de soixante ans, le Concile Vatican II, parlant de la construction de l’édifice de la paix, affirmait que « cette œuvre exige que [les hommes] ouvrent leur intelligence et leur cœur au-delà des frontières de leur propre pays, qu’ils renoncent à l’égoïsme national et au désir de dominer les autres nations, et qu’ils entretiennent un profond respect envers toute l’humanité, qui s’avance avec tant de difficultés vers une plus grande unité.  » (Gaudium et spes, 82). Au Bahreïn, j’ai ressenti ce besoin et j’ai souhaité que, dans le monde entier, les leaders religieux et civils sachent regarder au-delà de leurs propres frontières, de leurs propres communautés, pour prendre soin de l’ensemble. C’est la seule façon d’aborder certains problèmes universels, comme par exemple l’oubli de Dieu, la tragédie de la faim, le soin de la création, la paix. Ensemble, on pense cela. Dans ce sens, le Forum de dialogue, intitulé “Orient et Occident pour la coexistence humaine”, a exhorté à choisir la voie de la rencontre et à rejeter celle de la confrontation. Combien nous en avons besoin ! Combien avons-nous besoin de nous rencontrer ! Je pense à la guerre folle – folle ! – dont est victime l’Ukraine martyrisée, et à tant d’autres conflits, qui ne seront jamais résolus par la logique puérile des armes, mais seulement par la force douce du dialogue. Mais au-delà de l’Ukraine, qui est martyrisée, pensons aux guerres qui durent depuis des années, pensons à la Syrie – plus de 10 ans ! – Pensons par exemple à la Syrie, pensons aux enfants du Yémen, pensons au Myanmar : partout ! Maintenant, plus proche est l’Ukraine, que font les guerres ? Ils détruisent, ils détruisent l’humanité, ils détruisent tout. Les conflits ne doivent pas être résolus par la guerre.

Mais il ne peut y avoir de dialogue sans – deuxième mot – rencontre. Au Bahreïn, nous nous sommes rencontrés, et plusieurs fois j’ai entendu le souhait qu’entre chrétiens et musulmans, il y ait plus de rencontres, qu’il y ait des relations plus fortes, que chacun prenne l’autre plus à cœur. Au Bahreïn – comme c’est la coutume en Orient – les gens portent la main à leur cœur lorsqu’ils saluent quelqu’un. Je l’ai fait aussi, pour faire de la place en moi pour ceux que j’ai rencontrés. Car, sans accueil, le dialogue reste vide, apparent, il reste une question d’idées et non de réalité. Parmi les nombreuses rencontres, je repense à celle avec mon cher frère, le Grand Imam d’Al-Azhar – cher frère ! et à celle avec les jeunes de l’Ecole du Sacré-Cœur, des étudiants qui nous ont donné une grande leçon : ils étudient ensemble, chrétiens et musulmans. En tant que jeunes, en tant qu’enfants, il faut apprendre à se connaître, afin que la rencontre fraternelle prévienne les divisions idéologiques. Et ici, je veux remercier l’Ecole du Sacré-Cœur, remercier Sœur Rosalyn qui a si bien dirigé cette école, et les enfants qui ont participé avec des discours, des prières, des danses, des chants : je m’en souviens bien ! Merci beaucoup. Mais les anciens ont également offert un témoignage de sagesse fraternelle : je repense à la rencontre avec le Conseil Musulman des Anciens, une organisation internationale fondée il y a quelques années, qui promeut les bonnes relations entre les communautés islamiques, sur la base du respect, de la modération et de la paix, en s’opposant au fondamentalisme et à la violence.

Ainsi nous allons vers le troisième mot : marche. Le voyage au Bahreïn ne doit pas être considéré comme un épisode isolé, il fait partie d’un parcours, inauguré par Saint Jean Paul II lorsqu’il s’est rendu au Maroc. Ainsi, la première visite d’un Pape au Bahreïn a représenté une nouvelle étape dans la marche entre les croyants chrétiens et musulmans : non pas pour confondre ou édulcorer la foi, non, le dialogue n’édulcore pas ; mais pour construire des alliances fraternelles au nom du Père Abraham, qui était un pèlerin sur terre sous le regard miséricordieux du Dieu unique du Ciel, Dieu de la paix. C’est pourquoi la devise du voyage était : « Paix sur terre aux hommes de bonne volonté« . Et pourquoi je dis que le dialogue n’édulcore pas ? Parce que pour dialoguer, il faut avoir sa propre identité, on doit partir de sa propre identité. Si tu n’as pas d’identité, tu ne peux pas dialoguer, car tu ne comprends même pas ce que tu es. Pour que le dialogue soit bon, on doit toujours partir de sa propre identité, être conscient de sa propre identité, et c’est ainsi qu’on peut dialoguer.

Dialogue, rencontre et marche au Bahreïn ont également eu lieu entre chrétiens : par exemple, la première rencontre, en effet, a été œcuménique, de prière pour la paix, avec le cher patriarche et frère Bartholomée et avec des frères et sœurs de diverses confessions et rites. Elle a eu lieu dans la Cathédrale, dédiée à Notre-Dame d’Arabie, dont la structure évoque une tente, celle dans laquelle, selon la Bible, Dieu rencontrait Moïse dans le désert, tout au long de la marche. Les frères et sœurs dans la foi, que j’ai rencontrés au Bahreïn, vivent vraiment « en marche » : ce sont pour la plupart des travailleurs migrants qui, loin de chez eux, trouvent leurs racines dans le peuple de Dieu et leur famille dans la grande famille de l’Église. C’est merveilleux de voir ces migrants, Philippins, Indiens et autres, chrétiens, se rassembler et se soutenir mutuellement dans la foi. Et ceux-ci avancent avec joie, dans la certitude que l’espérance de Dieu ne déçoit pas (cf. Rm 5,5). En rencontrant les Pasteurs, les consacrés, les agents pastoraux et, lors de la Messe festive et émouvante célébrée dans le stade, tant de fidèles, venus aussi d’autres pays du Golfe, je leur ai apporté l’affection de toute l’Église. Le voyage a consisté en cela.

Et aujourd’hui, je voudrais vous transmettre leur joie authentique, simple et belle. En nous rencontrant et en priant ensemble, nous avons senti que nous étions un seul cœur et une seule âme. En pensant à leur marche, à leur expérience quotidienne du dialogue, sentons-nous tous appelés à dilater les horizons : s’il vous plaît, des cœurs ouverts, pas des cœurs fermés, durs. Ouvrez les cœurs, parce que nous sommes tous frères et pour que cette fraternité humaine aille plus loin. Élargir nos horizons, ouvrir, élargir les champs d’intérêt et se dédier à la connaissance des autres. Si tu te dédies à la connaissance des autres, tu ne seras jamais menacé. Mais si tu as peur des autres, tu seras toi-même une menace pour eux. Car le chemin de la fraternité et de la paix a besoin de tous et de chacun pour se poursuivre. Je donne la main, mais si de l’autre côté il n’y a pas une autre main, cela ne sert à rien. Que la Vierge nous aide dans cette démarche ! Merci !


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du diocèse d’Auch et les jeunes de l’École des Francs Bourgeois-La Salle.

Frères et sœurs, à l’exemple du peuple du Bahreïn, sentons-nous tous appelés à élargir nos horizons et nos intérêts, en nous ouvrant à la connaissance des autres. Car pour avancer sur le chemin de la fraternité et de la paix, nous avons besoin de tous et de chacun.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 26 Octobre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 26 Octobre 2022


Catéchèse sur le discernement – 7.

L’objet du discernement. La désolation

Chers frères et sœurs,

nous avons vu dans les catéchèses précédentes, que le discernement n’est pas d’abord une procédure logique ; il concerne les actions, qui ont une connotation affective qui doit être reconnue, parce que Dieu parle au cœur. Aujourd’hui nous nous intéresserons au mode affectif de la désolation, objet du discernement.

Saint Ignace définit ainsi la désolation : « Ténèbres de l’âme, agitation intérieure et tentations, envie de choses basses et terrestres : ainsi l’âme est portée à la méfiance, elle est sans espoir et sans amour, elle se trouve paresseuse, tiède, triste et comme séparée de son Créateur et Seigneur ». La désolation possède un côté dangereux certes, mais aussi un côté salutaire pour l’âme et il convient de déchiffrer cet état d’esprit avec l’aide d’un guide sage.

Car pour ceux qui ont le désir de faire le bien, la tristesse est un obstacle par lequel le tentateur veut nous décourager. Le danger serait de s’y complaire alors qu’en cas de tentation il faut agir de manière exactement contraire à ce qui est suggéré sous peine de renoncer à ses engagements, et cela peut concerner la vie de prière, ou encore le choix qui a été fait du mariage ou de la vie religieuse.

Cependant, la désolation, et la tristesse qui la manifeste, peut être un réveil indispensable à la vie spirituelle ; Saint Thomas la définit comme une douleur de l’âme comparable à celle des nerfs pour le corps : elle éveille notre attention à un danger possible, ou à un bien négligé et peut alors se révéler salutaire. Le changement d’une vie orientée vers le vice peut commencer par une situation de tristesse, de remords pour ce que l’on a fait. Le remord au sens propre, c’est « la conscience qui mord », qui ne donne pas la paix et la littérature est remplie d’exemples de ce type.

 

Nous avons tous envie de fuir la tristesse, c’est légitime, mais pas avant de l’avoir reconnue et déchiffrée.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les membres du Collège de Défense de l’OTAN, les confirmands du diocèse de Bayeux-Lisieux, les pèlerins du diocèse de Coutances avec leurs évêques respectifs ; le groupe de la Congrégation de l’Oratoire de Hyières, ainsi que les fidèles de France et de Suisse.

Chers amis, rappelez-vous bien, la désolation doit être lue et comprise : elle est parfois négative, lorsqu’elle nous paralyse, et quelquefois positive, lorsqu’elle s’avère être un réveil essentiel pour la vie !

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 19 Octobre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 19 Octobre 2022


Catéchèse sur le discernement – 6.

Les éléments du discernement. Le livre de sa propre vie

 

Chers frères et sœurs, bienvenus et bonjour !

Ces semaines-ci, nous insistons dans les catéchèses sur les conditions pour faire un bon discernement. Dans la vie, nous devons prendre des décisions, toujours, et pour prendre des décisions, nous devons faire un chemin, un processus de discernement. Toute activité importante comporte ses « instructions » à suivre, qu’il faut connaître pour qu’elles produisent les effets nécessaires.

Aujourd’hui, nous nous concentrons sur un autre ingrédient indispensable au discernement : l’histoire de sa propre vie. Connaître son histoire de vie est un ingrédient – disons – indispensable au discernement.

Notre vie est le « livre » le plus précieux qui nous ait été donné, un livre que beaucoup ne lisent malheureusement pas, ou le font trop tard, avant de mourir. Et pourtant, c’est précisément dans ce livre que l’on trouve ce que l’on cherche inutilement par d’autres voies. Saint Augustin, un grand chercheur de la vérité, l’avait compris précisément en relisant sa vie, en y notant les pas silencieux et discrets mais incisifs de la présence du Seigneur. Au terme de ce parcours, il notera avec stupeur : « Tu étais au-dedans de moi et moi au-dehors. Et là, je te cherchais. De ma laideur, je me jetais sur les belles formes de tes créatures. Tu étais avec moi, mais moi je n’étais pas avec toi » (Confessions X, 27.38). D’où son invitation à cultiver la vie intérieure pour trouver ce que l’on cherche : « Rentre en toi-même. Dans l’homme intérieur habite la vérité » (La vraie religion, XXXIX, 72). C’est une invitation que je vous lancerais à vous tous, et même à moi-même :  » Rentre en toi-même. Lis ta vie. Lis-toi de l’intérieur, comment a été ton parcours. Avec sérénité. Rentre en toi-même.

Plusieurs fois, nous avons nous aussi fait l’expérience d’Augustin, de nous retrouver emprisonnés par des pensées qui nous éloignent de nous-mêmes, des messages stéréotypés qui nous font du mal : par exemple, « je ne vaux rien » – et tu te déprécies ; « tout va mal pour moi » – et tu te déprécies ; « je n’arriverai jamais à rien de bon » – et tu te déprécies, et ainsi est la vie. Ces phrases pessimistes qui te dépriment ! Lire sa propre histoire signifie aussi reconnaître la présence de ces éléments « toxiques », mais pour ensuite élargir la trame de notre récit, apprenant à remarquer d’autres choses, le rendant plus riche, plus respectueux de la complexité, parvenant également à saisir les manières discrètes de l’agir de Dieu dans notre vie. J’ai connu une personne dont les gens qui la connaissaient disaient qu’elle méritait le prix Nobel de la négativité : tout était mauvais, tout, et elle essayait toujours de se déprécier. C’était une personne amère qui avait pourtant tant de qualités. Et puis cette personne a trouvé une autre personne qui l’a bien aidée et chaque fois qu’elle se lamentait de quelque chose, l’autre personne lui disait : « Mais maintenant, pour équilibrer, dis quelque chose de bien sur toi ». Et lui : « Mais, oui, … j’ai aussi cette qualité », et petit à petit cela l’a aidée à avancer, à bien lire sa propre vie, aussi bien les mauvaises choses que les bonnes. Nous devons lire notre vie, et ainsi nous voyons les choses qui ne sont pas bonnes et aussi les bonnes choses que Dieu sème en nous.

Nous avons vu que le discernement a une approche narrative : il ne s’attarde pas sur l’action ponctuelle, il la situe dans un contexte : d’où vient cette pensée ? Ce que je ressens maintenant, d’où cela vient-il ? Où cela me mène-t-il ce que je suis en train de penser maintenant ? Quand l’ai-je rencontrée auparavant ? Est-ce que c’est quelque chose de nouveau qui me vient maintenant, ou l’ai-je constaté à d’autres moments ? Pourquoi est-elle plus insistante que d’autres ? Qu’est-ce que la vie veut me dire à travers cela ?

Le récit des événements de notre vie nous permet également de saisir des nuances et des détails importants, qui peuvent s’avérer des aides précieuses jusque-là restées cachées. Par exemple une lecture, un service, une rencontre, considérés à première vue comme des choses de peu d’importance, transmettent avec le temps une paix intérieure, transmettent la joie de vivre et suggèrent d’autres bonnes initiatives. S’arrêter et reconnaître cela est indispensable. S’arrêter et reconnaître : c’est important pour le discernement, c’est un travail de collecte de ces perles précieuses et cachées que le Seigneur a enfouies dans notre terre.

Le bien est caché, toujours, parce que le bien a de la pudeur et qu’il se cache : le bien est caché ; il est silencieux, il requiert une fouille lente et continue. Car le style de Dieu est discret : Dieu aime agir de manière cachée, discrète, il ne s’impose pas ; c’est comme l’air que nous respirons, nous ne le voyons pas mais il nous fait vivre, et nous ne nous en apercevons que seulement lorsqu’il nous manque.

S’habituer à relire sa propre vie éduque le regard, l’affine, permet de remarquer les petits miracles que le bon Dieu accomplit pour nous chaque jour. Quand nous sommes attentifs, nous remarquons d’autres directions possibles qui renforcent le goût intérieur, la paix et la créativité. Et surtout, cela nous libère des stéréotypes toxiques. Il a été dit avec sagesse que l’homme qui ne connaît pas son passé est condamné à le répéter. C’est curieux : si nous ne connaissons pas le chemin que nous avons parcouru, le passé, nous le répétons toujours, nous tournons en rond. La personne qui tourne en rond n’avance jamais, il n’y a pas de chemin, c’est comme le chien qui se mord la queue, elle va toujours comme ça, elle répète les choses.

Nous pouvons nous demander : ai-je déjà raconté ma vie à quelqu’un ? C’est une belle expérience vécue par des fiancés qui, lorsqu’ils deviennent sérieux, se racontent leur vie… C’est l’une des formes de communication les plus belles et les plus intimes, raconter sa propre vie. Elle nous permet de découvrir des choses jusqu’alors inconnues, petites et simples, mais, comme le dit l’Évangile, c’est précisément des petites choses que naissent les grandes (cf. Lc 16, 10).

Les vies des saints constituent également une aide précieuse pour reconnaître le style de Dieu dans notre vie : elles permettent de se familiariser avec sa manière d’agir. Certains comportements des saints nous interpellent, nous indiquent de nouvelles significations et de nouvelles opportunités. C’est ce qui est arrivé, par exemple, à saint Ignace de Loyola. Quand il décrit la découverte fondamentale de sa vie, il ajoute une précision importante, et il dit ceci : « Par expérience, il avait déduit que certaines pensées le laissaient triste, d’autres joyeux ; et peu à peu il apprit à connaître la diversité des pensées, la diversité des esprits qui s’agitaient en lui » (Autob., n° 8). Connaître ce qui se passe en nous, connaître, rester attentifs.

Le discernement est la lecture narrative des moments heureux et des moments difficiles, des consolations et des désolations que nous expérimentons au cours de notre vie. Dans le discernement, c’est le cœur qui nous parle de Dieu, et nous devons apprendre à comprendre son langage. Demandons-nous, à la fin de la journée, par exemple : que s’est-il passé dans mon cœur aujourd’hui ? Certains pensent que faire cet examen de conscience, c’est faire le compte des péchés que l’on a commis – nous en faisons beaucoup – mais c’est aussi se demander :  » Que s’est-il passé en moi, ai-je eu de la joie ? « . Qu’est-ce qui m’a apporté de la joie ? Suis-je resté triste ? Qu’est-ce qui m’a apporté de la tristesse ? Et ainsi apprendre à discerner ce qui se passe au plus profond de nous.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Rennes, les Maires de Cambrai, les Chefs d’établissements d’éducation de Créteil, accompagnés de leurs évêques respectifs. Je salue les pèlerins de Suisse, de la République Démocratique du Congo et de Haïti.

Frères et sœurs, apprenons à comprendre le langage de notre cœur en nous laissant imprégner de la Parole de Dieu, ainsi nous pourrons découvrir dans le prochain une occasion offerte pour mieux connaître le livre de notre vie. Dieu vous bénisse