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Audience Générale du Mercredi 26 Octobre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 26 Octobre 2022


Catéchèse sur le discernement – 7.

L’objet du discernement. La désolation

Chers frères et sœurs,

nous avons vu dans les catéchèses précédentes, que le discernement n’est pas d’abord une procédure logique ; il concerne les actions, qui ont une connotation affective qui doit être reconnue, parce que Dieu parle au cœur. Aujourd’hui nous nous intéresserons au mode affectif de la désolation, objet du discernement.

Saint Ignace définit ainsi la désolation : « Ténèbres de l’âme, agitation intérieure et tentations, envie de choses basses et terrestres : ainsi l’âme est portée à la méfiance, elle est sans espoir et sans amour, elle se trouve paresseuse, tiède, triste et comme séparée de son Créateur et Seigneur ». La désolation possède un côté dangereux certes, mais aussi un côté salutaire pour l’âme et il convient de déchiffrer cet état d’esprit avec l’aide d’un guide sage.

Car pour ceux qui ont le désir de faire le bien, la tristesse est un obstacle par lequel le tentateur veut nous décourager. Le danger serait de s’y complaire alors qu’en cas de tentation il faut agir de manière exactement contraire à ce qui est suggéré sous peine de renoncer à ses engagements, et cela peut concerner la vie de prière, ou encore le choix qui a été fait du mariage ou de la vie religieuse.

Cependant, la désolation, et la tristesse qui la manifeste, peut être un réveil indispensable à la vie spirituelle ; Saint Thomas la définit comme une douleur de l’âme comparable à celle des nerfs pour le corps : elle éveille notre attention à un danger possible, ou à un bien négligé et peut alors se révéler salutaire. Le changement d’une vie orientée vers le vice peut commencer par une situation de tristesse, de remords pour ce que l’on a fait. Le remord au sens propre, c’est « la conscience qui mord », qui ne donne pas la paix et la littérature est remplie d’exemples de ce type.

 

Nous avons tous envie de fuir la tristesse, c’est légitime, mais pas avant de l’avoir reconnue et déchiffrée.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les membres du Collège de Défense de l’OTAN, les confirmands du diocèse de Bayeux-Lisieux, les pèlerins du diocèse de Coutances avec leurs évêques respectifs ; le groupe de la Congrégation de l’Oratoire de Hyières, ainsi que les fidèles de France et de Suisse.

Chers amis, rappelez-vous bien, la désolation doit être lue et comprise : elle est parfois négative, lorsqu’elle nous paralyse, et quelquefois positive, lorsqu’elle s’avère être un réveil essentiel pour la vie !

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 19 Octobre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 19 Octobre 2022


Catéchèse sur le discernement – 6.

Les éléments du discernement. Le livre de sa propre vie

 

Chers frères et sœurs, bienvenus et bonjour !

Ces semaines-ci, nous insistons dans les catéchèses sur les conditions pour faire un bon discernement. Dans la vie, nous devons prendre des décisions, toujours, et pour prendre des décisions, nous devons faire un chemin, un processus de discernement. Toute activité importante comporte ses « instructions » à suivre, qu’il faut connaître pour qu’elles produisent les effets nécessaires.

Aujourd’hui, nous nous concentrons sur un autre ingrédient indispensable au discernement : l’histoire de sa propre vie. Connaître son histoire de vie est un ingrédient – disons – indispensable au discernement.

Notre vie est le « livre » le plus précieux qui nous ait été donné, un livre que beaucoup ne lisent malheureusement pas, ou le font trop tard, avant de mourir. Et pourtant, c’est précisément dans ce livre que l’on trouve ce que l’on cherche inutilement par d’autres voies. Saint Augustin, un grand chercheur de la vérité, l’avait compris précisément en relisant sa vie, en y notant les pas silencieux et discrets mais incisifs de la présence du Seigneur. Au terme de ce parcours, il notera avec stupeur : « Tu étais au-dedans de moi et moi au-dehors. Et là, je te cherchais. De ma laideur, je me jetais sur les belles formes de tes créatures. Tu étais avec moi, mais moi je n’étais pas avec toi » (Confessions X, 27.38). D’où son invitation à cultiver la vie intérieure pour trouver ce que l’on cherche : « Rentre en toi-même. Dans l’homme intérieur habite la vérité » (La vraie religion, XXXIX, 72). C’est une invitation que je vous lancerais à vous tous, et même à moi-même :  » Rentre en toi-même. Lis ta vie. Lis-toi de l’intérieur, comment a été ton parcours. Avec sérénité. Rentre en toi-même.

Plusieurs fois, nous avons nous aussi fait l’expérience d’Augustin, de nous retrouver emprisonnés par des pensées qui nous éloignent de nous-mêmes, des messages stéréotypés qui nous font du mal : par exemple, « je ne vaux rien » – et tu te déprécies ; « tout va mal pour moi » – et tu te déprécies ; « je n’arriverai jamais à rien de bon » – et tu te déprécies, et ainsi est la vie. Ces phrases pessimistes qui te dépriment ! Lire sa propre histoire signifie aussi reconnaître la présence de ces éléments « toxiques », mais pour ensuite élargir la trame de notre récit, apprenant à remarquer d’autres choses, le rendant plus riche, plus respectueux de la complexité, parvenant également à saisir les manières discrètes de l’agir de Dieu dans notre vie. J’ai connu une personne dont les gens qui la connaissaient disaient qu’elle méritait le prix Nobel de la négativité : tout était mauvais, tout, et elle essayait toujours de se déprécier. C’était une personne amère qui avait pourtant tant de qualités. Et puis cette personne a trouvé une autre personne qui l’a bien aidée et chaque fois qu’elle se lamentait de quelque chose, l’autre personne lui disait : « Mais maintenant, pour équilibrer, dis quelque chose de bien sur toi ». Et lui : « Mais, oui, … j’ai aussi cette qualité », et petit à petit cela l’a aidée à avancer, à bien lire sa propre vie, aussi bien les mauvaises choses que les bonnes. Nous devons lire notre vie, et ainsi nous voyons les choses qui ne sont pas bonnes et aussi les bonnes choses que Dieu sème en nous.

Nous avons vu que le discernement a une approche narrative : il ne s’attarde pas sur l’action ponctuelle, il la situe dans un contexte : d’où vient cette pensée ? Ce que je ressens maintenant, d’où cela vient-il ? Où cela me mène-t-il ce que je suis en train de penser maintenant ? Quand l’ai-je rencontrée auparavant ? Est-ce que c’est quelque chose de nouveau qui me vient maintenant, ou l’ai-je constaté à d’autres moments ? Pourquoi est-elle plus insistante que d’autres ? Qu’est-ce que la vie veut me dire à travers cela ?

Le récit des événements de notre vie nous permet également de saisir des nuances et des détails importants, qui peuvent s’avérer des aides précieuses jusque-là restées cachées. Par exemple une lecture, un service, une rencontre, considérés à première vue comme des choses de peu d’importance, transmettent avec le temps une paix intérieure, transmettent la joie de vivre et suggèrent d’autres bonnes initiatives. S’arrêter et reconnaître cela est indispensable. S’arrêter et reconnaître : c’est important pour le discernement, c’est un travail de collecte de ces perles précieuses et cachées que le Seigneur a enfouies dans notre terre.

Le bien est caché, toujours, parce que le bien a de la pudeur et qu’il se cache : le bien est caché ; il est silencieux, il requiert une fouille lente et continue. Car le style de Dieu est discret : Dieu aime agir de manière cachée, discrète, il ne s’impose pas ; c’est comme l’air que nous respirons, nous ne le voyons pas mais il nous fait vivre, et nous ne nous en apercevons que seulement lorsqu’il nous manque.

S’habituer à relire sa propre vie éduque le regard, l’affine, permet de remarquer les petits miracles que le bon Dieu accomplit pour nous chaque jour. Quand nous sommes attentifs, nous remarquons d’autres directions possibles qui renforcent le goût intérieur, la paix et la créativité. Et surtout, cela nous libère des stéréotypes toxiques. Il a été dit avec sagesse que l’homme qui ne connaît pas son passé est condamné à le répéter. C’est curieux : si nous ne connaissons pas le chemin que nous avons parcouru, le passé, nous le répétons toujours, nous tournons en rond. La personne qui tourne en rond n’avance jamais, il n’y a pas de chemin, c’est comme le chien qui se mord la queue, elle va toujours comme ça, elle répète les choses.

Nous pouvons nous demander : ai-je déjà raconté ma vie à quelqu’un ? C’est une belle expérience vécue par des fiancés qui, lorsqu’ils deviennent sérieux, se racontent leur vie… C’est l’une des formes de communication les plus belles et les plus intimes, raconter sa propre vie. Elle nous permet de découvrir des choses jusqu’alors inconnues, petites et simples, mais, comme le dit l’Évangile, c’est précisément des petites choses que naissent les grandes (cf. Lc 16, 10).

Les vies des saints constituent également une aide précieuse pour reconnaître le style de Dieu dans notre vie : elles permettent de se familiariser avec sa manière d’agir. Certains comportements des saints nous interpellent, nous indiquent de nouvelles significations et de nouvelles opportunités. C’est ce qui est arrivé, par exemple, à saint Ignace de Loyola. Quand il décrit la découverte fondamentale de sa vie, il ajoute une précision importante, et il dit ceci : « Par expérience, il avait déduit que certaines pensées le laissaient triste, d’autres joyeux ; et peu à peu il apprit à connaître la diversité des pensées, la diversité des esprits qui s’agitaient en lui » (Autob., n° 8). Connaître ce qui se passe en nous, connaître, rester attentifs.

Le discernement est la lecture narrative des moments heureux et des moments difficiles, des consolations et des désolations que nous expérimentons au cours de notre vie. Dans le discernement, c’est le cœur qui nous parle de Dieu, et nous devons apprendre à comprendre son langage. Demandons-nous, à la fin de la journée, par exemple : que s’est-il passé dans mon cœur aujourd’hui ? Certains pensent que faire cet examen de conscience, c’est faire le compte des péchés que l’on a commis – nous en faisons beaucoup – mais c’est aussi se demander :  » Que s’est-il passé en moi, ai-je eu de la joie ? « . Qu’est-ce qui m’a apporté de la joie ? Suis-je resté triste ? Qu’est-ce qui m’a apporté de la tristesse ? Et ainsi apprendre à discerner ce qui se passe au plus profond de nous.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Rennes, les Maires de Cambrai, les Chefs d’établissements d’éducation de Créteil, accompagnés de leurs évêques respectifs. Je salue les pèlerins de Suisse, de la République Démocratique du Congo et de Haïti.

Frères et sœurs, apprenons à comprendre le langage de notre cœur en nous laissant imprégner de la Parole de Dieu, ainsi nous pourrons découvrir dans le prochain une occasion offerte pour mieux connaître le livre de notre vie. Dieu vous bénisse




Audience Générale du Mercredi 12 Octobre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 12 Octobre 2022


Catéchèse sur le discernement – 5.

Les éléments du discernement. Le désir

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans ces catéchèses sur le discernement, nous sommes en train de passer en revue les éléments du discernement. Après la prière, un élément et la connaissance de soi, un autre élément, c’est-à-dire prier et se connaître soi-même, je voudrais aujourd’hui parler d’un autre « ingrédient » pour ainsi dire indispensable : je voudrais aujourd’hui parler du désir. En effet, le discernement est une forme de recherche, et la recherche naît toujours de quelque chose qui nous manque mais que nous connaissons d’une manière ou l’autre, nous avons le flair.

De quelle nature est cette connaissance ? Les maîtres spirituels la désignent par le terme de « désir » qui, à la base, est une nostalgie de plénitude qui ne trouve jamais son plein accomplissement, et est le signe de la présence de Dieu en nous. Le désir n’est pas l’envie du moment, non. Le mot italien vient d’un très beau terme latin, C’est curieux : de-sidus, littéralement  » l’absence de l’étoile « , le désir est une absence de l’étoile, l’absence du point de référence qui oriente le chemin de la vie ; il évoque une souffrance, un manque, et en même temps une tension pour atteindre le bien qui nous manque. Le désir est alors la boussole qui permet de comprendre où j’en suis et où je vais, ou plutôt c’est la boussole qui me permet de savoir si je suis arrêté ou si je suis en train de marcher, une personne qui ne désire jamais est une personne immobile, peut-être malade, presque morte. C’est la boussole qui me permet de savoir si je suis en train d’avancer ou si je suis immobile. Et comment est-ce possible de le reconnaître ?

Pensons. Un désir authentique sait toucher en profondeur les cordes de notre être, c’est pourquoi il ne s’éteint pas face aux difficultés ou aux revers. C’est comme lorsque nous avons soif : si nous ne trouvons rien à boire, nous ne renonçons pas, au contraire, la quête occupe de plus en plus nos pensées et nos actions, jusqu’à ce que nous soyons prêts à faire n’importe quel sacrifice pour l’étancher, presque obsédés. Les obstacles et les échecs n’étouffent pas le désir, non, au contraire, ils le rendent encore plus vif en nous.

A la différence de l’envie ou de l’émotion du moment, le désir dure dans le temps, même longtemps, et tend à se réaliser. Si, par exemple, un jeune homme souhaite devenir médecin, il devra s’engager dans un cursus d’études et de travail qui occupera quelques années de sa vie et, par conséquent, il devra fixer des limites, dire « non », dire des « non », tout d’abord à d’autres cursus d’études, mais aussi à d’éventuelles diversions et distractions, surtout pendant les moments d’étude les plus intenses. Cependant, le désir de donner une orientation à sa vie et d’atteindre cet objectif- devenir médecin était l’exemple- lui permet de surmonter ces difficultés. Le désir te rend fort, il te rend courageux, il te fait avancer toujours parce que tu veux y arriver : « Je désire cela ».

En effet, une valeur devient belle et plus facilement réalisable lorsqu’elle est attrayante. Comme l’a dit quelqu’un, « plus important que d’être bon, il faut avoir le désir de devenir bon ». Etre bon est une chose attrayante, nous voulons tous être bons, mais avons-nous la volonté de devenir bons ?

C’est frappant de constater que Jésus, avant d’accomplir un miracle, interroge souvent la personne sur son désir :  » Veux-tu être guéri ?  » Et parfois cette question semble déplacée, mais ça se voit qu’elle est malade ! Non…. Par exemple, lorsqu’il rencontre le paralytique à la piscine de Bethzatha, qui était là depuis de nombreuses années et qui n’a jamais pu saisir le bon moment pour entrer dans l’eau. Jésus lui demande :  » Veux-tu être guéri ?  » (Jn 5, 6). Mais. Comment ? En fait, la réponse du paralytique révèle une série d’étranges résistances à la guérison, qui ne concernent pas que lui. La question de Jésus était une invitation à faire la clarté dans son cœur, pour accueillir un possible saut qualitatif : ne plus penser à lui-même et à sa vie  » comme un paralytique « , porté par d’autres. Mais l’homme sur le brancard ne semble pas si convaincu. En dialoguant avec le Seigneur, nous apprenons à comprendre ce que nous voulons vraiment dans notre vie. Ce paralytique est l’exemple typique des gens qui disent : « Oui, oui, je veux, je veux » mais je ne veux pas, je ne veux pas, je ne fais rien. Le vouloir faire devient une illusion et on ne fait pas le pas pour le réaliser. Ces gens qui veulent et ne veulent pas. C’est mauvais ça et ce malade 38 ans là, mais toujours avec les lamentations : « Non, tu sais Seigneur mais tu sais quand les eaux bougent – c’est le moment du miracle – tu sais, quelqu’un de plus fort que moi vient, entre et moi j’arrive en retard », et il se lamente et se lamente. Mais attention, les lamentations sont un poison, un poison pour l’âme, un poison pour la vie car elles ne font pas grandir le désir de continuer. Méfiez-vous des lamentations. Quand on se lamente dans la famille, les époux se lamentent, ils se lamentent les uns des autres, les enfants de papa ou les prêtres de l’évêque ou les évêques de tant d’autres choses… Non, si vous vous trouvez dans la lamentation, faites attention, c’est presque un péché, parce que cela ne laisse pas grandir le désir.

Souvent, c’est précisément le désir qui fait la différence entre un projet réussi, cohérent et durable, et les milliers de velléités et de bonnes intentions avec lesquels, comme on dit, « l’enfer est pavé » : « Oui, je voudrais, je voudrais, je voudrais… » mais tu ne fais rien. L’époque où nous vivons semble favoriser une liberté de choix maximale, mais en même temps elle atrophie le désir, tu veux te satisfaire continuellement, le plus souvent réduit à l’envie du moment. Et nous devons faire attention à ne pas atrophier le désir. Nous sommes bombardés par mille propositions, projets, possibilités, qui risquent de nous distraire et de ne pas nous permettre d’évaluer calmement ce que nous voulons vraiment. Tant de fois, tant de fois, nous trouvons des gens, pensons aux jeunes par exemple, avec leur téléphone portable en main et ils cherchent, ils regardent… « Mais est-ce que tu t’arrêtes pour réfléchir ? ». – « Non. » Toujours extraverti, vers l’autre. Le désir ne peut pas croître ainsi, tu vis l’instant, rassasié à l’instant et le désir ne croît pas.

Beaucoup de personnes souffrent parce qu’elles ne savent pas ce qu’elles veulent de leur propre vie, beaucoup ! elles n’ont probablement jamais pris contact avec leur désir le plus profond, ils n’ont jamais su : « Que veux-tu de ta vie ? » – « Je ne sais pas. ». D’où le risque de passer son existence entre des tentatives et des expédients de toutes sortes, sans jamais arriver à rien, et en gaspillant de précieuses opportunités. Ainsi, certains changements, bien que souhaités en théorie, ne sont jamais mis en œuvre quand se présente l’occasion, il manque le désir fort de réaliser quelque chose.

Si le Seigneur s’adressait à nous aujourd’hui, par exemple, à l’un d’entre nous, la question qu’il a posée à l’aveugle de Jéricho : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10,51), – pensons-y, le Seigneur demande à chacun d’entre nous aujourd’hui : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » -, que répondrions-nous ? Peut-être pourrions-nous enfin lui demander de nous aider à connaître le profond désir de Lui, que Dieu lui-même a placé dans notre cœur : « Seigneur que je connaisse mes désirs, que je sois une femme, un homme de grands désirs » peut-être le Seigneur nous donnera-t-il la force de le réaliser. C’est une grâce immense, à la base de toutes les autres : permettre au Seigneur, comme dans l’Évangile, de faire des miracles pour nous : « Donne-nous le désir et fais-le grandir, Seigneur ».

Car Lui aussi a un grand désir pour nous : nous rendre participants de sa plénitude de vie. Merci.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les servants du diocèse de Bâle ; les pèlerins du diocèse de Versailles et la paroisse Notre-Dame-de-Chine de Paris.

Frères et sœurs, aujourd’hui nous avons en nous ce désir fort d’une civilisation de paix, d’amour, de réconciliation et d’harmonie. Que le Seigneur nous rende participants de sa plénitude de vie avec nos aspirations les plus profondes, pour une humanité plus belle et pacifiée.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 5 Octobre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 5 Octobre 2022


Catéchèse sur le discernement – 4. 

Les éléments du discernement. Se connaitre soi-même

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons notre réflexion sur le thème du discernement. La dernière fois nous avons considéré la prière comme son élément indispensable, considérée comme familiarité et confiance en Dieu. La prière, non comme les perroquets. Non : la prière comme familiarité et confiance en Dieu ; la prière des enfants à leur Père ; la prière avec le cœur ouvert. Nous l’avons vu dans la dernière catéchèse. Aujourd’hui, je voudrais, de manière presque complémentaire, souligner qu’un bon discernement demande aussi la connaissance de soi-même. Se connaître soi-même. Et ce n’est pas facile, hein ! En effet, cela implique nos facultés humaines : la mémoire, l’intellect, la volonté, l’affectivité. Souvent, nous ne savons pas discerner parce que nous ne nous connaissons pas suffisamment et ne savons pas non plus ce que nous voulons vraiment. Vous avez souvent entendu : « Mais cette personne, pourquoi n’arrange-t-elle pas sa vie ? Jamais elle n’a su ce qu’elle voulait… ». Il y a des gens qui… Et puis oui, sa vie va comme ça, parce qu’elle ne sait pas non plus ce qu’elle veut. Sans aller à cet extrême, il nous arrive également de ne pas bien savoir ce que nous voulons, nous ne nous connaissons pas bien.

Les doutes spirituels et les crises de vocation sont souvent sous-tendus par un dialogue insuffisant entre la vie religieuse et notre dimension humaine, cognitive et affective. Un auteur de spiritualité notait combien beaucoup de difficultés sur le sujet du discernement renvoient à des problèmes d’une autre nature, qui doivent être reconnus et explorés. Cet auteur écrit : « J’en suis venu à la conviction que le plus grand obstacle au véritable discernement (et à une réelle croissance dans la prière) n’est pas la nature intangible de Dieu, mais le fait que nous ne nous connaissons pas suffisamment, et que nous ne voulons même pas nous connaître tels que nous sommes vraiment. Nous nous cachons presque tous derrière un masque, non seulement devant les autres, mais aussi lorsque nous nous regardons dans le miroir » (TH. GREEN, Il grano e la zizzania, Rome, 1992, 25). Nous avons tous la tentation d’être masqués, même face à nous-mêmes.

L’oubli de la présence de Dieu dans notre vie va de pair avec l’ignorance sur nous-mêmes – ignorer Dieu et nous ignorer -, l’ignorance sur les caractéristiques de notre personnalité et sur nos désirs les plus profonds.

Se connaître soi-même n’est pas difficile, mais c’est fatigant : cela implique un patient travail d’introspection. Cela requiert la capacité de s’arrêter, de « désactiver le pilote automatique », pour prendre conscience de notre façon de faire, des sentiments qui nous habitent, des pensées récurrentes qui nous conditionnent, souvent à notre insu. Cela exige également que nous fassions la distinction entre les émotions et les facultés spirituelles. « Je sens » n’est pas la même chose que « Je suis convaincu » ; « Je me sens de » n’est pas la même chose que « Je veux ». C’est ainsi seulement qu’il est possible de se rendre compte à quel point la vision que nous avons de nous-mêmes et de la réalité est parfois erronée. S’en rendre compte est une grâce ! En effet, il arrive souvent que des croyances erronées sur la réalité, basées sur les expériences du passé, nous influencent fortement, limitant notre liberté de jouer pour ce qui compte vraiment dans notre vie.

À l’ère des technologies de l’information, nous savons combien il est important de connaître le mot de passe pour accéder aux programmes où se trouvent les informations les plus personnelles et les plus précieuses. Mais la vie spirituelle a aussi ses « mots de passe » : il y a des mots qui touchent le cœur parce qu’ils font référence à ce à quoi nous sommes le plus sensibles. Le tentateur, c’est-à-dire le diable, connaît bien ces mots-clés, et il est important que nous les connaissions aussi, pour ne pas nous retrouver là où nous ne voulons pas être. La tentation ne suggère pas nécessairement de mauvaises choses, mais souvent des choses désordonnées, présentées avec une importance excessive. Il nous hypnotise ainsi par l’appétit que ces choses suscitent en nous, des choses belles mais illusoires, qui ne peuvent pas tenir leurs promesses, et ainsi nous laissent à la fin avec un sentiment de vide et de tristesse. Ce sentiment de vide et de tristesse est le signe que nous avons [il dit : en allant] « pris » une voie qui n’était pas la bonne, qui nous a désorientés. Il peut s’agir par exemple de diplômes, la carrière, les relations, toutes choses en soi louables, mais envers lesquelles, si nous ne sommes pas libres, nous risquons de nourrir des attentes irréelles, comme par exemple la confirmation de notre valeur. Toi, par exemple, quand tu penses à des études que tu entreprends, y penses-tu seulement pour te promouvoir toi-même, pour ton propre intérêt, ou aussi pour servir la communauté ? Là, on peut voir quelle est l’intentionnalité de chacun d’entre nous. Les plus grandes souffrances proviennent souvent de ce malentendu, car aucune de ces choses ne peut être la garantie de notre dignité.

Pour cela, chers frères et sœurs, c’est important de nous connaitre, de se connaître, de connaître les mots de passe de notre cœur, ce à quoi nous sommes le plus sensibles, de se protéger de qui se présente avec des mots persuasifs pour nous manipuler, mais aussi de reconnaître ce qui est vraiment important pour nous, en le distinguant des modes du moment ou des slogans tape-à-l’œil et superficiels. Souvent, ce qui est dit dans un programme à la télévision, dans certaines publicités, nous touche le cœur et nous fait emprunter cette direction sans liberté. Faites attention à cela : suis-je libre ou est-ce que je me laisse aller aux sentiments du moment, ou aux provocations du moment ?

Une aide à cet égard est l’examen de conscience, mais je ne parle pas de l’examen de conscience que nous faisons tous lorsque nous allons nous confesser, non. C’est-à-dire : « Mais j’ai péché en ceci, cela… ». Non. Examen de conscience général de la journée : que s’est-il passé dans mon cœur aujourd’hui ? « Tant de choses sont passées [se sont passées] … ». Lesquelles ? Pourquoi ? Quelles traces ont-elles laissées dans le cœur ? Faire l’examen de conscience, c’est-à-dire la bonne habitude de relire dans le calme ce qui se passe dans notre journée, en apprenant à noter dans nos évaluations et nos choix ce à quoi nous accordons le plus d’importance, ce que nous cherchons et pourquoi, et ce que finalement nous avons trouvé. Et surtout, en apprenant à reconnaître ce qui rassasie mon cœur. Qu’est-ce qui rassasie mon cœur ? Car seul le Seigneur peut nous donner la confirmation de ce que nous valons. Il nous le dit chaque jour de la croix : il est mort pour nous, pour nous montrer combien nous sommes précieux à ses yeux. Aucun obstacle ou échec ne peut empêcher [il dit : ta] sa tendre étreinte. L’examen de conscience aide beaucoup, parce que nous voyons alors que notre cœur n’est pas une route [où] tout passe à notre insu. Non. Voir : Que s’est-il passé aujourd’hui ? Qu’est-ce qui est advenu ? Qu’est-ce qui m’a fait réagir ? Qu’est-ce qui m’a rendu triste ? Qu’est-ce qui m’a rendu joyeux ? Qu’est-ce qui était mauvais et ai-je fait du mal aux autres ? Mais voir le parcours des sentiments, des attractions dans mon cœur durant la journée. N’oubliez pas hein ! L’autre jour, nous avons parlé de la prière ; aujourd’hui, nous parlons de la connaissance de soi-même.

La prière et la connaissance de soi-même nous permettent de grandir dans la liberté. Il s’agit de grandir dans la liberté ! Ce sont des éléments fondamentaux de l’existence chrétienne, des éléments précieux pour trouver sa place dans la vie. Merci.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française en particulier les fidèles du diocèse de Metz et les jeunes du Collège Saint Joseph.

Frères et sœurs, en ce mois de prière pour les missions, apprenons à cultiver des moments de silence et de rencontre avec le Seigneur afin qu’il nous inspire les voies et moyens pour être toujours fidèles à notre vocation de disciples missionnaires.

Que Dieu vous bénisse !





Audience Générale du Mercredi 28 Septembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 28 Septembre 2022


Catéchèse sur le discernement – 3. 

Les éléments du discernement. La familiarité avec le Seigneur

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous reprenons les catéchèses sur le thème du discernement, – parce que le sujet du discernement est très important pour savoir ce qui se passe en nous ; des sentiments et des idées, nous devons discerner d’où ils viennent, où ils me mènent, à quelle décision – et aujourd’hui nous nous focalisons sur le premier de ses éléments constitutifs, qui est la prière. Pour discerner, nous devons être dans un environnement, dans un état de prière

La prière est une aide indispensable au discernement spirituel, surtout lorsqu’elle implique les affects, permettant de s’adresser à Dieu avec simplicité et familiarité, comme on parle à un ami. C’est savoir aller au-delà des pensées, entrer dans l’intimité avec le Seigneur, avec une spontanéité affectueuse. Le secret de la vie des saints est la familiarité et la confiance en Dieu, qui grandit en eux et leur permet toujours plus facilement de reconnaître ce qui Lui est agréable. La prière véritable est la familiarité et la confiance avec Dieu. Ce n’est pas réciter des prières comme un perroquet, bla bla bla, non. La vraie prière est cette spontanéité et cette affection avec le Seigneur. Cette familiarité vainc la crainte ou le doute que Sa volonté ne soit pas pour notre bien, une tentation qui traverse parfois nos pensées et rend le cœur agité et incertain ou amer, également.

Le discernement ne prétend pas à une certitude absolue – n’est pas chimiquement une méthode pure, non, elle ne prétend pas à une certitude absolue, car il s’agit de la vie, et la vie n’est pas toujours logique, elle comporte de nombreux aspects qui ne peuvent être enfermés dans une seule catégorie de pensée. Nous aimerions savoir avec précision ce qu’il faut faire, et pourtant, même lorsque cela se produit, nous n’agissons pas toujours en conséquence. Combien de fois avons-nous fait, nous aussi, l’expérience décrite par l’apôtre Paul qui dit ceci : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. » (Rm 7,19). Nous ne sommes pas seulement faits de raison, nous ne sommes pas des machines, il ne suffit pas de recevoir des instructions pour les exécuter : les obstacles, comme les aides, pour se décider pour le Seigneur sont avant tout affectifs, du cœur.

Il est significatif que le premier miracle accompli par Jésus dans l’Évangile de Marc soit un exorcisme (cf. 1, 21-28). Dans la synagogue de Capharnaüm, il délivre un homme du diable, le libérant de la fausse image de Dieu que Satan suggère depuis les origines : celle d’un Dieu qui ne veut pas notre bonheur. L’homme possédé, de ce passage de l’Évangile, sait que Jésus est Dieu, mais cela ne l’amène pas à croire en Lui. En fait, il dit : « Es-tu venu pour nous perdre ? » (v. 24).

Beaucoup de gens, même des chrétiens, pensent la même chose : Jésus est peut-être le Fils de Dieu, mais ils doutent qu’il veuille notre bonheur ; certains craignent même que prendre au sérieux sa proposition, ce que Jésus nous propose, signifie ruiner la vie, mortifier nos désirs, nos aspirations les plus fortes. Ces pensées nous traversent parfois l’esprit : que Dieu nous en demande trop, nous avons peur que Dieu nous demande trop, ou veuille nous enlever ce qui nous est le plus cher. Que, en somme, il ne nous aime pas vraiment. Au contraire, lors de notre première rencontre, nous avons vu que le signe de la rencontre avec le Seigneur est la joie. Quand je rencontre le Seigneur dans la prière, je deviens joyeux. Chacun de nous devient joyeux, une chose belle. La tristesse, ou la peur, en revanche, sont des signes d’éloignement de Lui Dieu : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements », dit Jésus au jeune homme riche (Mt 19,17). Malheureusement pour ce jeune homme, certains obstacles ne lui ont pas permis de réaliser le désir qu’il avait dans son cœur, de suivre de plus près le « bon maître ». C’était un jeune homme intéressé, entreprenant, il avait pris l’initiative de rencontrer Jésus, mais il était aussi très partagé dans ses affections, pour lui la richesse était trop importante. Jésus ne le force pas à se décider, mais le texte note que le jeune homme se détourne de Jésus  » triste  » (v. 22). Qui s’éloigne du Seigneur n’est jamais satisfait, même en ayant à leur disposition une abondance de biens et de possibilités.

Jésus ne vous oblige jamais à le suivre, jamais. Jésus te fait connaître sa volonté, de tout son cœur il te fait connaître les choses, mais il te laisse libre. Et c’est ce qu’il y a de plus beau dans la prière avec Jésus : la liberté que Lui il nous laisse. Au contraire, quand nous nous éloignons du Seigneur, nous restons avec quelque chose de triste, quelque chose de mauvais dans le cœur.

Discerner ce qui se passe en nous n’est pas facile, car les apparences sont trompeuses, mais la familiarité avec Dieu peut doucement dissiper les doutes et les craintes, rendant notre vie toujours plus réceptive à sa « douce lumière », selon la belle expression de saint John Henry Newman. Les saints brillent de lumière réfléchie et montrent dans les gestes simples de leur journée la présence aimante de Dieu, qui rend possible l’impossible. On dit que deux conjoints qui ont vécu ensemble longtemps en s’aimant finissent par se ressembler. On peut dire quelque chose de semblable de la prière affective : de manière graduelle mais efficace, elle nous rend toujours plus capables de reconnaître ce qui compte par connaturalité, comme quelque chose qui jaillit du fond de notre être. Être en prière ne signifie pas dire des paroles, des paroles, non ; être en prière signifie ouvrir le cœur à Jésus, s’approcher de Jésus, laisser Jésus entrer dans mon cœur et nous faire sentir sa présence. Et là, nous pouvons discerner quand c’est Jésus et quand c’est nous avec nos pensées, très souvent loin de ce que Jésus veut.

Demandons cette grâce : vivre une relation d’amitié avec le Seigneur, comme un ami parle à un ami (cf. St Ignace de L., Exercices spirituels, 53). Je me souviens d’un vieux frère religieux qui était le portier d’un collège et qui, chaque fois qu’il le pouvait, s’approchait de la chapelle, regardait l’autel et disait : « Bonjour », parce qu’il était proche de Jésus. Il n’avait pas besoin de dire bla bla bla, non :  » bonjour, je suis proche de toi et tu es proche de moi « . C’est la relation que nous devons avoir dans la prière : la proximité, la proximité affective, comme des frères, la proximité avec Jésus. Un sourire, un simple geste et ne pas réciter des paroles qui ne touchent pas le cœur. Comme je le disais, parlez à Jésus comme un ami parle à son ami. C’est une grâce que nous devons demander les uns pour les autres : voir Jésus comme notre ami, notre ami le plus grand et notre ami fidèle, qui ne fait pas de chantage, et surtout qui ne nous abandonne jamais, même lorsque nous nous éloignons de Lui.

Lui, il reste à la porte du cœur. « Non, je ne veux rien savoir avec toi », disons-nous. Et Lui, il reste silencieux, il reste là, à portée de main, à portée de cœur, car Lui, il est toujours fidèle. Allons de l’avant avec cette prière, disons la prière du « bonjour », la prière de saluer le Seigneur avec le cœur, la prière de l’affection, la prière de la proximité, avec peu de paroles mais avec des gestes et avec des œuvres bonnes. Merci.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les chefs d’établissements de l’Enseignement Catholique du diocèse de Pontoise, avec Mgr Stanislas Lalanne.

Frères et sœurs, demandons la grâce de vivre une relation d’amitié avec le Seigneur, la grâce de voir Jésus comme notre Ami le plus grand et fidèle, qui nous accompagne, même dans les moments difficiles de notre vie.

Que Dieu vous bénisse !


 




Audience Générale du Mercredi 7 Septembre 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 7 Septembre 2022


Catéchèse sur le discernement – 2. Un exemple: Ignace de Loyola

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la poursuite de notre réflexion sur le discernement, – en ce moment nous parlerons chaque mercredi du discernement spirituel -, et pour cela la référence à un témoignage concret peut nous être utile.

L’un des exemples les plus instructifs nous est offert par saint Ignace de Loyola, avec un épisode décisif de sa vie. Ignace se trouve en convalescence chez lui après avoir été blessé au combat à une jambe. Pour chasser l’ennui, il demande quelque chose à lire. Il aimait les récits de chevalerie, mais malheureusement, on ne trouve que des vies de saints à la maison. Il s’adapte un peu à contrecœur, mais au fil des lectures, il commence à découvrir un autre monde, un monde qui le conquiert et qui semble rivaliser avec celui des chevaliers. Il est fasciné par les figures de saint François et de saint Dominique et ressent le désir de les imiter. Mais le monde chevaleresque continue également d’exercer sa fascination sur lui. Et ainsi il ressent en lui cette alternance de pensées, celles de la chevalerie et celles des saints, qui semblent équivalentes.

Ignace, cependant, commence aussi à apercevoir des différences. Dans son Autobiographie – à la troisième personne – il écrit : « Penser aux choses du monde – et aux choses chevaleresques, cela se comprend – lui procurait beaucoup de plaisir, mais lorsque, par lassitude, il les abandonnait, il se sentait vide et déçu. En revanche, aller à Jérusalem pieds nus, ne se nourrir que des herbes, pratiquer toutes les austérités reconnues comme habituelles aux saints, étaient des pensées qui non seulement le consolaient pendant qu’il s’y arrêtait, mais même après qu’il les avait abandonnées le laissaient satisfait et plein de joie » (n. 8) ; lui laissaient une trace de joie.

Dans cette expérience, nous pouvons noter deux aspects en particulier. Le premier est le temps : c’est-à-dire les pensées du monde sont attrayantes au début, mais elles perdent ensuite leur éclat et laissent vides, mécontents, ils te laissent comme ça, une chose vide. Les pensées de Dieu, par contre, suscitent des résistances au début, – « Mais cette histoire ennuyeuse de saints, je ne vais pas la lire », mais lorsqu’elles sont acceptées, elles apportent une paix inconnue, qui dure aussi longtemps.

Voici donc l’autre aspect : le point d’arrivée des pensées. Au début, la situation ne semble pas si claire. Il y a un développement du discernement : par exemple nous comprenons ce qui est bon pour nous non pas de manière abstraite, générale, mais dans le parcours de notre vie. Dans les règles de discernement, fruit de cette expérience fondamentale, Ignace pose une prémisse importante, qui aide à comprendre un tel processus : « À l’égard des personnes qui vont de péché mortel en péché mortel, la conduite ordinaire du démon est de leur proposer des plaisirs apparents, les tranquilliser en leur assurant que tout va bien, occupant leur imagination de jouissances et de voluptés sensuelles, afin de les retenir et de les plonger davantage dans leurs vices et dans leurs péchés. Le bon esprit, au contraire, agit en elles d’une manière opposée : il aiguillonne et mord leur conscience, en leur faisant sentir les reproches de la raison. » (Exercices spirituels, 314) ; Mais ce n’est pas bien.

L’histoire qui précède celui qui discerne est indispensable car le discernement n’est pas une sorte d’oracle ou de fatalisme ou un objet de laboratoire, comme tirer au sort entre deux possibilités. Les grandes questions naissent lorsque nous avons déjà fait un bout de chemin dans la vie, et il faut revenir sur ce parcours pour comprendre ce que nous cherchons. Si l’on fait un bout de chemin dans la vie, là : « Mais pourquoi je marche dans cette direction, qu’est-ce que je cherche ? », et là on effectue le discernement. Ignace, lorsqu’il s’est retrouvé blessé dans la maison de son père, ne pensait pas du tout à Dieu ou à la manière de réformer sa propre vie, non. Il fait sa première expérience de Dieu en écoutant son propre cœur, qui lui montre un curieux renversement : des choses séduisantes à première vue le laissent déçu, et dans d’autres, moins brillantes, il ressent une paix qui dure dans le temps. Même nous vivons cette expérience, tant de fois nous commençons à penser une chose et nous restons là et puis nous sommes déçus. Au lieu de cela, nous faisons une œuvre de charité, nous faisons une bonne chose et nous ressentons quelque chose du bonheur, une bonne pensée te parvient, de la joie, c’est notre propre expérience. Lui, Ignace, fait sa première expérience de Dieu, en écoutant son propre cœur, qui lui montre un curieux renversement. C’est ce que nous devons apprendre : écouter son propre cœur : pour savoir ce qui se passe, quelle décision prendre, pour porter un jugement sur une situation, il faut écouter son propre cœur. Nous écoutons la télévision, la radio, le téléphone portable, nous sommes des maîtres de l’écoute, mais je te demande : sais-tu écouter ton cœur ? T’arrêtes-tu pour dire : « Mais comment va mon cœur ? Est-il satisfait, est-il triste, cherche-t-il quelque chose ?”. Pour prendre de bonnes décisions, il faut écouter son propre cœur.

C’est pourquoi Ignace suggère de lire les vies des saints, car elles montrent de manière narrative et compréhensible le style de Dieu dans la vie de personnes pas si différentes de nous parce que les saints étaient de chair et de sang comme nous. Leurs actions parlent aux nôtres et nous aident à en comprendre le sens.

Dans ce célèbre épisode des deux sentiments qu’éprouvait Ignace, l’un quand il lisait les choses des chevaliers et l’autre quand il lisait les vies des saints, nous pouvons reconnaître un autre aspect important du discernement, que nous avons déjà mentionné la dernière fois. Il y a un hasard apparent dans les événements de la vie : tout semble naître d’une banale mésaventure : il n’y avait pas de livres de chevaliers, seulement des vies de saints. Une mésaventure qui constitue néanmoins un possible tournant. Ce n’est qu’après un certain temps qu’Ignace s’en rend compte et à ce point y consacrera toute son attention. Écoutez bien : Dieu agit à travers des événements non programmés comme par hasard, mais par hasard cela m’est arrivé, par hasard j’ai rencontré cette personne, par hasard j’ai vu ce film, ce n’était pas prévu mais Dieu agit à travers des événements imprévisibles, et même dans les mésaventures :  » Mais je devais me promener et j’ai eu un problème aux pieds, je ne peux pas… « . Un contretemps : que te dit Dieu ? Qu’est-ce que la vie te dit là ? Nous l’avons vu aussi dans un passage de l’Évangile de Matthieu : un homme labourant un champ tombe accidentellement sur un trésor enfoui. Une situation totalement inattendue. Mais ce qui est important, c’est qu’il le reconnaît comme l’aubaine de sa vie et qu’il décide en conséquence : il vend tout et achète ce champ (cf. 13,44). Un conseil que je vous donne, soyez attentifs à l’inattendu. Celui qui dit : « mais ce hasard, je ne m’y attendais pas ». Là, c’est la vie qui vous parle, c’est le Seigneur qui vous parle, ou c’est le diable qui vous parle ? Quelqu’un. Mais il y a une chose à discerner, la façon dont je réagis aux choses inattendues. Mais j’étais si calme à la maison et ‘poum, poum’, la belle-mère arrive et comment réagis-tu avec la belle-mère ? Est-ce l’amour ou quelque chose d’autre à l’intérieur ? Et fais le discernement. Je travaillais bien dans le bureau et un camarade vient me dire qu’il a besoin d’argent et comment as-tu réagi ? Voir ce qui se passe lorsque nous vivons des choses auxquelles nous ne nous attendons pas et là, nous apprenons à connaître notre cœur comme il se meut.

Le discernement aide à reconnaître les signes par lesquels le Seigneur se fait rencontrer dans les situations imprévues, voire désagréables, comme cela fut pour Ignace la blessure à la jambe. De celles-ci peut naître une rencontre qui change la vie pour toujours comme le cas d’Ignace. Quelque chose peut surgir qui t’amène à être meilleur sur le chemin ou pire je ne sais pas, mais rester attentif et le plus beau fil conducteur est donné par les imprévus :  » comment est-ce que je me comporte face à cela ? « . Que le Seigneur nous aide à écouter notre cœur et à voir quand c’est Lui qui agit et quand ce n’est pas Lui et que c’est autre chose.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les fidèles venus du Sénégal avec Mgr Paul Abel Mamba, évêque de Tambacounda.

Frères et sœurs, que notre prière quotidienne fasse de nous des contemplatifs dans l’action, des hommes et des femmes qui reconnaissent Dieu en toutes choses. Qu’elle affine l’oreille de notre cœur pour reconnaître la présence du Seigneur et pour découvrir peu à peu comment l’Esprit Saint nous conduit.

Que Dieu vous bénisse !


 




Audience Générale du Mercredi 31 Août 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 31 Août 2022


Catéchèse sur le discernement – 1. Que signifie discerner ?

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, nous entamons un nouveau cycle de catéchèse sur le thème du discernement. Le discernement est un acte important qui concerne tout le monde, car les choix sont une partie essentielle de la vie, qu’il s’agisse de choisir un objet, une relation, et surtout notre relation avec Dieu.

Dans l’Évangile, Jésus parle du discernement avec des images tirées de la vie ordinaire comme celle du pêcheur sélectionnant les bons poissons et rejetant les mauvais. Le discernement se présente comme un exercice d’intelligence, de finesse mais aussi de volonté, pour saisir le moment favorable : ce sont les conditions requises pour faire un bon choix dans des situations inattendues, où il est important et urgent de prendre une décision.

L’Évangile suggère également un autre aspect important du discernement concernant les affections. Celui qui a trouvé un trésor, affirme le Christ, n’éprouve aucune difficulté à tout vendre, tant sa joie est grande (cf. Mt 13, 44). Il s’agit ici d’une joie très particulière, qu’aucune réalité humaine ne peut offrir.

Le discernement est un défi qui implique des efforts car la vie qui se présente devant nous n’est pas déjà toute prête à l ‘emploi. Dieu nous invite à évaluer et à choisir : il nous a créés libres et veut que nous exercions notre liberté.

Connaissance, expérience, affection, volonté : voilà quelques-uns des éléments indispensables au discernement.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les fidèles syriaques catholiques de la Mission de la Sainte Famille de Lyon.

Le discernement est ardu mais indispensable pour vivre. Il exige de nous connaître, de savoir ce qui est bon pour nous, ici et maintenant. Par-dessus tout, il exige une relation filiale avec Dieu. Parce qu’il veut être aimé et non craint, Dieu n’impose jamais sa volonté. Mais il est Père et ne nous laisse pas seuls, toujours prêt à nous conseiller, à nous encourager, à nous accueillir.

Que l’Esprit-Saint guide nos choix quotidiens, et vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 24 Août 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 24 Août 2022


Chers frères et sœurs, bonjour !

C’est avec le mystère de l’Assomption récemment célébré, que je voudrais conclure le cycle de catéchèse sur la vieillesse car il éclaire non seulement l’accomplissement de la grâce qui a façonné le destin de Marie, mais aussi notre destinée finale. Il me semble important d’expliciter la relation de ce mystère avec la résurrection du Fils nous ouvrant le chemin de la génération à la vie. La résurrection qui nous attend est anticipée, parce que, selon la foi chrétienne, le Ressuscité est le premier-né de nombreux frères et sœurs. À la suite du Christ nous serons, nous aussi, dotés d’un corps glorieux pour contempler Dieu dans la gloire du ciel.

Le Royaume de Dieu est décrit par Jésus comme un banquet de noces, une fête entre amis, une moisson surabondante et autre images pour nous faire désirer notre destination ultime. Dans notre vieillesse, les « détails » dont notre vie est tissée, deviennent plus importants : qu’il s’agisse d’un geste tendre, d’un sourire, d’un travail apprécié, de la joie d’une visite, d’un service rendu…Cette sagesse de la vieillesse illumine la vie des enfants, des jeunes, des adultes, de toute la communauté.

Oui, chers frères et sœurs, surtout vous chers aînés, le meilleur de la vie est encore tout entier à venir dans le ciel. Que la Mère du Seigneur, et notre Mère, qui nous a précédés au Paradis entretienne l’impatience de notre attente.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les personnes venues de France et du Liban, ainsi que les pèlerins du Burkina Faso qui font actuellement le tour des sanctuaires d’Italie.

Demain nous fêterons Saint Louis, roi de France, modèle d’époux, de père et d’homme politique : puisse son exemple soutenir votre témoignage chrétien.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 17 Août 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 17 Août 2022


Frères et sœurs, le rêve prophétique de Daniel, que nous avons entendu, évoque une vision mystérieuse et éclatante de Dieu, représenté sous les traits d’un vieillard : l’Ancien des jours. La vision est reprise dans le livre de l’Apocalypse, où le Christ Ressuscité est présenté comme Messie, Prêtre et Roi, éternel, omniscient et immuable. Dans les Églises orientales, la fête de la Rencontre avec le Seigneur, célébrée le 2 février, met en évidence la rencontre de l’humanité, représentée par les vieillards Siméon et Anne, avec le Christ Seigneur, le Fils éternel de Dieu fait homme. Le geste de Siméon prenant l’enfant Jésus dans ses bras est l’icône la plus belle de la vocation particulière de la vieillesse : présenter les enfants qui viennent au monde comme un don ininterrompu de Dieu, sachant que l’un d’entre eux est le Fils unique engendré avant tous les siècles. Le témoignage de la personne âgée est crédible pour les enfants lorsqu’il bénit la vie qui vient à sa rencontre, sans ressentiment pour sa propre vie qui s’en va. La vieillesse doit bénir les enfants, les initiant au mystère d’une destination à la vie que personne ne peut anéantir. L’Alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Saura-t-on restituer aux enfants le tendre témoignage des personnes âgées qui possèdent la sagesse de mourir ?

Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

Frères et sœurs, la mort est certainement un passage difficile de la vie. Mais sachons apprendre des anciens, qui tiennent ferme l’horizon de notre destinée, qu’elle ouvre sur la vie plus belle encore qui n’aura pas de fin.

Que Dieu vous bénisse.




Audience Générale du Mercredi 22 Juin 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 22 Juin 2022


Catéchèse sur la vieillesse – 15. Pierre et Jean

Frères et sœurs, poursuivant notre série de catéchèses sur la vieillesse, nous méditons aujourd’hui sur le dialogue entre Jésus ressuscité et Pierre. Ce dialogue émouvant révèle l’amour de Jésus pour ses disciples et toute son humanité dans son rapport avec eux, en particulier avec Pierre. Il s’agit d’une relation dans la vérité. Au cours de la discussion, il est question de la vieillesse, dans la durée : le temps du témoignage tout au long de la vie. Dans la vieillesse, le témoignage à la suite du Christ s’accompagne de fragilité, d’impuissance, de dépendance à l’autre. Il faut alors apprendre de notre fragilité à exprimer la cohérence de notre témoignage de vie dans les conditions d’une vie livrée à d’autres, dépendante de l’initiative des autres. Ce nouveau temps de la vieillesse est aussi un temps d’épreuve marqué par la tentation de rester protagoniste de l’histoire. Les personnes âgées ne doivent pas envier les jeunes qui prennent leur route, occupent leur poste, durent après plus qu’eux. L’honneur de leur fidélité à l’amour juré et la constance à la suite du Christ, même au seuil de la mort, sont leur titre d’admiration pour les nouvelles générations.

Je suis heureux de saluer les pèlerins des pays francophones, spécialement le groupe de la Pastorale des Jeunes et des vocations en Savoie, ainsi que la paroisse Sainte-Marie et Sainte-Colombe de Bâle. En cette semaine où se déroule la 10ème Rencontre Mondiale des Familles sur le thème L’amour familial : vocation et chemin de sainteté, prions pour que les personnes âgées puissent transmettre aux jeunes les valeurs d’une vie familiale heureuse et enracinée en Dieu, telles que la fidélité, l’amour et la vérité.

A vous tous, ma Bénédiction !