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Audience Générale du Mercredi 19 Janvier 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 19 Janvier 2022


Catéchèse sur saint Joseph – 8. Saint Joseph père dans la tendresse

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais approfondir la figure de Saint Joseph comme père de tendresse.

Dans ma Lettre Apostolique Patris corde (8 décembre 2020), j’ai eu l’occasion de réfléchir à cet aspect de la tendresse, un aspect de la personnalité de saint Joseph. En effet, même si les Évangiles ne nous donnent aucun détail sur la manière dont il a exercé sa paternité, nous pouvons être sûrs que le fait qu’il soit un homme « juste » s’est également traduit dans l’éducation donnée à Jésus. « Joseph a vu Jésus grandir jour après jour « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. » (Lc 2, 52) : C’est ce que dit l’Évangile. Comme le Seigneur le fit avec Israël, il lui a « appris à marcher, a Jésus, en le tenant par la main ; il était pour lui comme le père qui soulève un nourrisson tout contre sa joue ; il se penchait vers lui pour le nourrir » (cf. Os 11, 3-4) » (Patris corde, 2). Elle est belle cette définition de la Bible qui fait voir la relation de Dieu avec le peuple d’Israël. Et nous pensons que c’est la même relation celle de St Joseph avec Jésus.

Les évangiles témoignent que Jésus a toujours utilisé le mot « père » pour parler de Dieu et de son amour. De nombreuses paraboles ont comme protagoniste la figure du père [1].  L’une des plus célèbres est certainement celle du Père miséricordieux, racontée par l’évangéliste Luc (cf. Lc 15, 11-32). Cette parabole met l’accent par-delà l’expérience du péché et du pardon, sur la manière dont le pardon atteint la personne qui a commis une faute. Le texte dit : « Comme il était encore loin de la maison – le fils pécheur qui s’était éloigné – quand il était encore loin son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. » (v. 20). Le fils s’attendait à une punition, une justice qui, tout au plus, aurait pu lui donner la place d’un des serviteurs, mais il se retrouve enveloppé dans l’étreinte de son père. La tendresse est quelque chose de plus grand que la logique du monde. C’est une façon inattendue de rendre justice. C’est pourquoi nous ne devons jamais oublier que Dieu n’est pas effrayé par nos péchés : mettons-nous cela bien en tête. Dieu n’est pas effrayé par nos péchés, il est plus grand que nos péchés. Il est père, il est amour, il est tendre. Il n’est pas effrayé par nos péchés, nos erreurs, nos chutes, mais il est effrayé par la fermeture de notre cœur – cela oui le fait souffrir – il est effrayé par notre manque de foi en son amour. Il y a une grande tendresse dans l’expérience de l’amour de Dieu. Et c’est beau de penser que la première personne à transmettre cette réalité à Jésus a été Joseph lui-même. Car les choses de Dieu nous parviennent toujours par la médiation d’expériences humaines. Il y a quelque temps – je ne sais pas si je vous l’ai déjà raconté – un groupe de jeunes gens qui font du théâtre, un groupe de jeunes gens pop, « en avance sur leur temps », a été frappé par cette parabole du père miséricordieux et a décidé de faire une œuvre de théâtre pop avec ce sujet, avec cette histoire. Et ils l’ont bien fait. Et tout l’argument est, à la fin, qu’un ami écoute le fils qui s’est éloigné de son père, qui voulait rentrer à la maison mais qui avait peur que son père le mette dehors et le punisse et toutes ces choses. Et l’ami lui dit, dans cet opéra pop : « Envoie un messager et dis que tu veux rentrer chez toi, et si le père le reçoit, qu’il mette un mouchoir à la fenêtre, la fenêtre que tu verras dès que tu prendras le dernier chemin ». Cela a été donc fait. Et l’opéra, avec des chants et des danses, continue jusqu’au moment où le fils emprunte le chemin final et l’on voit la maison. Et quand il lève les yeux, il voit la maison pleine de mouchoirs blancs : pleine. Pas une, toutes les fenêtres, trois ou quatre par fenêtre. C’est ça la miséricorde de Dieu. Il n’a pas peur de notre passé, de nos mauvaises choses : non. Il a seulement peur de la fermeture. Donc… nous avons tous des comptes à régler ; mais régler ses comptes avec Dieu est une très belle chose, car nous commençons à parler et Lui nous embrasse. La tendresse.

Nous pouvons donc nous demander si nous avons nous-mêmes fait l’expérience de cette tendresse, et si nous en sommes devenus à notre tour les témoins. Pensons. Car la tendresse n’est pas d’abord une affaire d’émotion ou de sentiment : non. C’est l’expérience de se sentir aimé et accueilli précisément dans notre pauvreté et dans notre misère, et ainsi transformé par l’amour de Dieu.

Dieu ne compte pas seulement sur nos talents : non, mais aussi sur notre faiblesse rachetée. Notre faiblesse est rachetée et Lui s’appuie sur cela. Ce qui fait dire à saint Paul, par exemple, qu’il y a un plan aussi pour sa fragilité. En effet, il écrit à la communauté de Corinthe : « Pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler […] C’est pourquoi par trois fois, j’ai prié le Seigneur d’écarter cela de moi. Et il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » (2 Cor 12, 7-9). Le Seigneur ne supprime pas toutes les faiblesses, mais il nous aide à marcher avec les faiblesses, en nous prenant Lui-même par la main. Mais comment ? Oui, Il prend nos faiblesses par la main, nous avec les faiblesses, près de nous. Et c’est ça la tendresse. L’expérience de la tendresse consiste à voir la puissance de Dieu traverser précisément ce qui nous rend plus fragiles ; à condition toutefois de nous convertir du regard du Malin qui « nous pousse à regarder notre fragilité avec un jugement négatif », tandis que l’Esprit Saint « la met en lumière avec tendresse » (Patris corde, 2). « La tendresse est le meilleur moyen de toucher ce qui est fragile en nous. […] Voyez comment les infirmières et les infirmiers touchent les plaies des malades : avec tendresse, pour ne pas les blesser davantage. C’est ainsi que le Seigneur touche nos blessures, avec la même tendresse. C’est pourquoi il est important de rencontrer la Miséricorde de Dieu, notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, dans la prière personnelle avec Dieu, en faisant une expérience de vérité et de tendresse. Paradoxalement, le Malin aussi peut nous dire la vérité : lui, c’est un menteur, mais il s’arrange pour nous dire la vérité afin de me conduire au mensonge. Mais s’il le fait, le malin le fait et c’est pour nous condamner. Le Seigneur nous dit la vérité et nous tends la main pour nous sauver. Nous savons cependant que la Vérité qui vient de Dieu ne nous condamne pas, mais qu’elle nous accueille, nous embrasse, nous soutient, nous pardonne » (Patris corde, 2). Dieu pardonne toujours : mettez cela dans la tête et le cœur. Dieu pardonne toujours. C’est nous qui nous fatiguons à demander le pardon. Mais il pardonne toujours. Les choses les plus laides.

Cela nous fait donc du bien de nous contempler dans la paternité de Joseph qui est un miroir de la paternité de Dieu, et de nous demander si nous permettons au Seigneur de nous aimer avec sa tendresse, transformant chacun de nous en hommes et en femmes capables d’aimer de cette manière. Sans cette « révolution de la tendresse » – une révolution de la tendresse est nécessaire ! – et sans cette révolution de la tendresse nous risquons de rester emprisonnés dans une justice qui ne nous permet pas de nous relever facilement et qui confond la rédemption avec la punition. C’est pourquoi, aujourd’hui, je veux me souvenir d’une façon particulière de nos frères et sœurs qui sont en prison. Il est juste que qui a commis une faute paie pour son erreur, mais il est encore plus juste que qui a commis une faute puisse se racheter de son erreur. Il ne peut y avoir de condamnations sans une fenêtre d’espérance. Toute condamnation comporte toujours une fenêtre d’espérance. Pensons à nos frères et sœurs en prison, pensons à la tendresse de Dieu pour eux, et prions pour eux, afin qu’ils trouvent dans cette fenêtre d’espérance un passage vers une vie meilleure.

Et nous concluons avec cette prière :

Saint Joseph, père dans la tendresse,
apprends nous à accepter d’être aimés précisément dans ce qui en nous est plus faible.
Accorde-nous de ne placer aucun obstacle
entre notre pauvreté et la grandeur de l’amour de Dieu.
Suscite en nous le désir de nous approcher de la Réconciliation,
pour être pardonnés et aussi rendus capables d’aimer avec tendresse
nos frères et sœurs dans leur pauvreté.
Sois proche de ceux qui ont fait le mal et qui en paient le prix ;
Aide-les à trouver ensemble avec la justice également la tendresse pour pouvoir recommencer.
Et apprends leur que le premier moyen pour recommencer
est de demander sincèrement pardon, pour sentir la caresse du Père.

Merci.

______________________________

[1] Cfr Mt 15,13; 21,28-30; 22,2; Lc 15,11-32; Jn 5,19-23; 6,32-40; 14,2;15,1.8.

 


Je salue cordialement les personnes de langue française présentes aujourd’hui. Ce matin, prions tout particulièrement pour ceux qui sont en prison. Que la tendresse de Dieu les rejoigne dans leur chemin de réparation et de réinsertion dans la société, et qu’elle suscite en chacun d’entre nous un grand désir de conversion. Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 2 Décembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Décembre 2021


Catéchèse sur saint Joseph – 3. Joseph, homme juste et époux de Marie 

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous continuons notre parcours de réflexion sur la figure de St Joseph. Aujourd’hui, j’aimerais approfondir le fait qu’il soit  » juste  » et  » fiancé à Marie « , et donner ainsi un message à tous les fiancés et aussi aux nouveaux mariés. De nombreux événements liés à Joseph sont relatés dans les évangiles apocryphes, c’est-à-dire les évangiles non canoniques, qui ont également influencé l’art et divers lieux de culte. Ces écrits, qui ne sont pas dans la Bible – ce sont des récits que la piété chrétienne faisait à cette époque – répondent au désir de combler les silences des Évangiles canoniques, ceux qui sont dans la Bible, qui nous donnent tout ce qui est essentiel pour la foi et la vie chrétienne.

L’évangéliste Matthieu. C’est important : que dit l’Évangile à propos de Joseph ? Pas ce que disent ces évangiles apocryphes, qui ne sont pas mauvais ou maléfiques ; ils sont beaux, mais ils ne sont pas la Parole de Dieu. Au contraire, les évangiles, qui se trouvent dans la Bible, sont la Parole de Dieu. Parmi eux, l’évangéliste Matthieu, qui qualifie Joseph d’homme « juste ». Écoutons son récit : « Voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. » (1,18-19). Car lorsque la fiancée était infidèle ou tombait enceinte, les fiancés devaient la dénoncer ! Et les femmes de cette époque étaient lapidées à mort. Mais Joseph était juste. Il dit : « Non, je ne le ferai pas. Je vais garder le silence. »

Pour comprendre le comportement de Joseph envers Marie, il est utile de se rappeler les coutumes matrimoniales de l’ancien Israël. Le mariage comportait deux phases bien définies. La première s’apparente à des fiançailles officielles, qui impliquent déjà une nouvelle situation : en particulier, la femme, bien que continuant à vivre dans la maison de son père pendant un an, est considérée comme la « femme » de facto du fiancé. Ils ne vivaient pas encore ensemble, mais elle était comme sa femme. Le second acte était le transfert de la mariée de la maison de son père à celle du marié. Cela se déroulait lors d’une procession festive qui parachevait le mariage. Et les amies de la mariée l’accompagnaient là. Selon ces coutumes, le fait qu' »avant d’aller vivre ensemble, Marie s’est trouvée enceinte », exposait la Vierge à l’accusation d’adultère. Et cette culpabilité, selon l’ancienne loi, devait être punie par la lapidation (cf. Dt 22, 20-21). Cependant, dans la pratique juive ultérieure, une interprétation plus modérée s’était imposée, qui n’exigeait que l’acte de répudiation mais avec des conséquences civiles et pénales pour la femme, mais pas la lapidation à mort.

L’Évangile dit que Joseph était  » juste  » précisément parce qu’il était soumis à la loi comme tout homme Israélite pieux. Mais au fond de lui, son amour pour Marie et sa confiance en elle lui suggèrent une voie qui sauvera le respect de la loi et l’honneur de son épouse : il décide de lui donner l’acte de répudiation en secret, sans tapage, sans la soumettre à une humiliation publique. Il choisit la voie du secret, sans procès et réparation. Mais quelle sainteté en Joseph ! Nous qui, dès que nous avons une petite nouvelle folklorique ou mauvaise sur quelqu’un, dérivons immédiatement au bavardage ! Joseph, lui, garde le silence.

Mais l’évangéliste Matthieu ajoute aussitôt : « Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » ». (1,20-21). La voix de Dieu intervient dans le discernement de Joseph et, à travers un songe, lui révèle un sens plus grand que sa propre justice. Et combien est-il important pour chacun de nous de cultiver une vie juste et en même temps de sentir que nous avons toujours besoin de l’aide de Dieu ! Pour être capable d’élargir nos horizons et de considérer les circonstances de la vie d’un point de vue différent et plus large. Souvent, nous nous sentons prisonniers de ce qui nous est arrivé : « Mais regarde ce qui m’est arrivé ! » et nous restons prisonniers de la mauvaise chose qui nous est arrivée; mais c’est précisément face à certaines circonstances de la vie, qui semblent dramatiques au départ, que se cache une Providence qui, avec le temps, prend forme et illumine de sens même la douleur qui nous a frappés. La tentation est de s’enfermer dans cette douleur, dans cette pensée des choses pas très agréables qui nous sont arrivées. Et ce n’est pas bon. Cela conduit à la tristesse et à l’amertume. Le cœur amer est si laid.

Cependant, je voudrais que nous prenions le temps de réfléchir sur un détail de cette histoire racontée dans l’Évangile et que nous négligeons souvent. Marie et Joseph sont deux fiancés qui ont probablement cultivé des rêves et des projets pour leur vie future. Dieu semble s’insérer comme à l’improviste dans leur vie et, malgré quelques difficultés initiales, tous deux ouvrent grand leur cœur à la réalité qui s’impose à eux.

Chers frères et sœurs, très souvent, notre vie n’est pas telle que nous l’imaginons. Surtout dans les relations d’amour, d’affection, nous avons du mal à passer de la logique du coup de foudre à celle de l’amour mature. Et il faut passer du coup de foudre à l’amour mature. Vous, les nouveaux mariés, réfléchissez bien à ça. La première phase est toujours marquée par un certain enchantement, qui nous fait vivre immergés dans un monde imaginaire qui ne correspond souvent pas à la réalité des faits. Mais c’est précisément lorsque le coup de foudre semble prendre fin avec ses expectatives que le véritable amour peut commencer. Aimer, en effet, ce n’est pas attendre de l’autre ou de la vie qu’ils correspondent à notre imagination ; c’est plutôt choisir en toute liberté d’assumer la vie telle qu’elle nous est offerte. C’est pourquoi Joseph nous donne une leçon importante, il choisit Marie « les yeux ouverts ». Et nous pouvons dire, avec tous les risques. Pensez-y, dans l’Évangile de Jean, un reproche que les docteurs de la loi font à Jésus est le suivant :  » Nous ne sommes pas des fils qui viennent de là « , en faisant référence à la prostitution. Mais parce qu’ils savaient comment Marie était tombée enceinte, ils voulaient salir la mère de Jésus. Pour moi, c’est le passage le plus sale, le plus démoniaque de l’Évangile. Et le risque qu’assume Joseph nous donne cette leçon : prendre la vie comme elle vient. Dieu est-il intervenu là ? Je vais la prendre. Et Joseph fait ce que l’ange du Seigneur lui a ordonné : En effet, l’Évangile dit :  » Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna le nom de Jésus. » (Mt 1, 24-25). Les fiancés chrétiens sont appelés à témoigner d’un tel amour, qui a le courage de passer de la logique du coup de foudre à celle de l’amour mature. Et c’est un choix exigeant, qui, au lieu d’emprisonner la vie, peut renforcer l’amour pour qu’il soit durable face aux épreuves du temps. L’amour d’un couple se poursuit dans la vie et mûrit chaque jour. L’amour des fiançailles est un peu – si je puis dire – romantique. Vous l’avez tous vécu, mais ensuite commence l’amour mature, au quotidien, le travail, les enfants qui arrivent. Et parfois, le romantisme disparaît un peu. Mais n’y-a-il pas d’amour ? Oui, mais un amour mature. « Mais vous savez, mon père, nous nous disputons parfois… » Cela dure depuis l’époque d’Adam et Eve jusqu’à aujourd’hui : que les époux se disputent est notre pain quotidien. « Mais ne doit-on pas se disputer ? » Oui, oui, on peut. « Et père, mais parfois nous élevons la voix » – « Ça arrive ». « Et aussi parfois les plats volent » – « Ça arrive ». Mais comment s’assurer que ça ne porte pas atteinte à la vie du mariage ? Écoutez bien : ne terminez jamais la journée sans faire la paix. On s’est disputé, je t’ai dit des choses méchantes, mon Dieu, je t’ai dit des choses pas belles. Mais maintenant le jour se termine : je dois faire la paix. Savez-vous pourquoi ? Parce que la guerre froide du lendemain est très périlleuse. Ne permettez pas que le jour d’après commence en guerre. C’est pourquoi il faut faire la paix avant d’aller se coucher. Retenez-le pour toujours : jamais terminer la journée sans faire la paix. Et cela vous aidera dans votre vie matrimoniale. Ce chemin qui mène du coup de foudre à l’amour mature est exigeant, mais nous devons l’emprunter. La chasteté, la fidélité, le respect et l’écoute ne sont pas des vertus que l’on demande lors des fiançailles pour susciter des sentiments de culpabilité, mais pour indiquer cette direction qui seule peut donner à nos rêves la possibilité de se réaliser et d’être durables.

Et cette fois encore, nous concluons par une prière à Saint Joseph.

Saint Joseph,
toi qui as aimé Marie avec liberté,
et choisi de renoncer à ton imagination pour faire place à la réalité,
aide chacun d’entre nous à se laisser surprendre par Dieu
et à accueillir la vie non pas comme un événement imprévu dont il faut se défendre,
mais comme un mystère qui cache le secret de la vraie joie.
Obtiens à tous les fiancés chrétiens la joie et la radicalité,
tout en gardant toujours à l’esprit
que seuls la miséricorde et le pardon rendent possible l’amour. Amen.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le groupe d’amitié France-Italie. Alors que nous venons d’entrer dans le temps de l’Avent, demandons au Seigneur que, par l’intercession paternelle de saint Joseph, nous demeurions toujours comme des veilleurs dans la nuit, attentifs à voir la lumière du Christ dans nos frères les plus pauvres !




Audience Générale du Mercredi 24 Novembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 24 Novembre 2021


Catéchèse sur saint Joseph – 2. Saint Joseph dans l’histoire du salut

Chers frères et sœurs, bonjour !

Mercredi dernier, nous avons commencé le cycle de catéchèse sur la figure de St Joseph – l’année qui lui est consacrée touche à sa fin -. Aujourd’hui, nous poursuivons ce parcours en nous arrêtant sur son rôle dans l’histoire du salut.

Dans les Évangiles, Jésus est désigné comme « fils de Joseph » (Lc 3,23 ; 4,22 ; Jn 1,45 ; 6,42) et « fils du charpentier » (Mt 13,55 ; Mc 6,3). Les évangélistes Matthieu et Luc, en racontant l’enfance de Jésus, accordent une place au rôle de Joseph. Tous deux composent une « généalogie » pour mettre en évidence l’historicité de Jésus. Matthieu, s’adressant surtout aux judéo-chrétiens, part d’Abraham pour arriver à Joseph, défini comme « l’époux de Marie, de qui est né Jésus, appelé le Christ » (1,16). Luc, lui, remonte jusqu’à Adam, en commençant directement par Jésus, qui  » était le fils de Joseph « , mais précise :  » à ce que l’on pensait  » (3,23). Par conséquent, les deux évangélistes présentent Joseph non pas comme le père biologique, mais comme le père à plein titre de Jésus. Par lui, Jésus accomplit l’histoire de l’alliance et du salut entre Dieu et l’homme. Pour Matthieu, cette histoire commence avec Abraham, pour Luc avec l’origine même de l’humanité, c’est-à-dire avec Adam.

L’évangéliste Matthieu nous aide à comprendre que la figure de Joseph, bien qu’apparemment marginale, discrète, en arrière-plan, représente au contraire un élément central de l’histoire du salut. Joseph vit son protagonisme sans jamais vouloir s’imposer sur la scène. Si l’on y réfléchit,  » nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues […]. Que de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, que d’enseignants montrent à nos enfants, par des gestes simples et par des gestes quotidiens, comment affronter et traverser une crise en réadaptant les habitudes, en levant le regard et en stimulant la prière ! Que de personnes prient, offrent et intercèdent pour le bien de tous « . (Lett. ap. Patris corde, 1). Ainsi, tous peuvent trouver en saint Joseph, l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, de la présence discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments difficiles. Il nous rappelle que tous ceux qui sont apparemment cachés ou en « seconde ligne » ont un rôle sans égal dans l’histoire du salut. Le monde a besoin de ces hommes et de ces femmes : des hommes et des femmes en seconde ligne, mais qui soutiennent le développement de notre vie, de chacun de nous, et qui par la prière, par l’exemple, par l’enseignement nous soutiennent sur le chemin de la vie.

Dans l’Évangile de Luc, Joseph apparaît comme le gardien de Jésus et de Marie. Et pour cette raison, il est aussi « le Gardien de l’Église : mais, s’il a été le gardien de Jésus et de Marie, il travaille, maintenant que tu es au ciel, et continue à être le gardien, dans ce cas de l’Église ; parce que l’Église est le prolongement du Corps du Christ dans l’histoire, et en même temps dans la maternité de l’Église est esquissée la maternité de Marie. Joseph, en continuant de protéger l’Église, – s’il vous plait, n’oubliez pas ceci : aujourd’hui, Joseph protège l’Église, continue de protéger l’Enfant et sa mère » (ibid., 5). Cet aspect des soins prodigués par Joseph est la grande réponse au récit de la Genèse. Lorsque Dieu demande à Caïn de rendre compte de la vie d’Abel, il répond : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (4,9). Joseph, par sa vie, semble vouloir nous dire que nous sommes toujours appelés à nous sentir les gardiens de nos frères et sœurs, les gardiens de ceux qui nous sont proches, de ceux que le Seigneur nous confie à travers toutes les circonstances de la vie.

Une société comme la nôtre, que l’on a qualifiée de « liquide », parce qu’elle semble n’avoir aucune consistance. Je corrigerai le philosophe qui a inventé cette définition et dirai : plus que liquide, gazeuse, une société proprement gazeuse. Cette société liquide, gazeuse trouve dans l’histoire de Joseph une indication bien précise sur l’importance des liens humains. En effet, l’Évangile nous raconte la généalogie de Jésus, non seulement pour une raison théologique, mais aussi pour rappeler à chacun de nous que notre vie est faite de liens qui nous précèdent et nous accompagnent. Le Fils de Dieu, pour venir au monde, a choisi la voie des liens, le chemin de l’histoire : il n’est pas descendu dans le monde magiquement, non. Il a suivi le chemin historique que nous suivons nous tous.

Chers frères et sœurs, je pense à tant de personnes qui peinent à trouver des liens significatifs dans leur vie, et c’est précisément pour cette raison qu’elles luttent, qu’elles se sentent seules, qu’elles n’ont pas la force et le courage pour aller de l’avant. Je voudrais conclure par une prière pour les aider, ainsi que nous tous, à trouver en saint Joseph un allié, un ami et un soutien.

Saint Joseph,
toi qui as gardé le lien avec Marie et Jésus,
aide-nous à prendre soin des relations dans nos vies.
Que personne ne ressente ce sentiment d’abandon
qui vient de la solitude.
Que chacun se réconcilie avec sa propre histoire,
avec ceux qui l’ont précédé,
et reconnaisse, même dans les erreurs commises
une manière par laquelle la Providence s’est frayé un chemin,
et le mal n’a pas eu le dernier mot.
Révèle-toi ami avec ceux qui luttent le plus,
et comme tu as soutenu Marie et Jésus dans les moments difficiles,
ainsi soutiens-nous aussi dans notre chemin. Amen.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du Diocèse de Lyon. Le Seigneur a mis sur notre route des frères et sœurs qui souffrent, qui se sentent seules ou qui ont perdu force et courage. Sachons les reconnaître et que Saint Joseph nous aide à devenir leurs amis et leur soutien sur le chemin de vie. Que Dieu vous bénisse.




Audience Générale du Mercredi 3 Novembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 3 Novembre 2021


Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 14. Marcher selon l’Esprit

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le passage de la Lettre aux Galates que nous venons d’écouter, saint Paul exhorte les chrétiens à marcher selon l’Esprit Saint (cf. 5,16.25). Il existe un style : marcher selon le Saint-Esprit. En effet, croire en Jésus signifie le suivre, aller derrière sur son chemin, comme l’ont fait les premiers disciples. Et en même temps, cela signifie éviter le chemin opposé, celui de l’égoïsme, de la recherche de son propre intérêt, que l’Apôtre appelle « le désir de la chair » (v. 16). L’Esprit est le guide de cette marche sur le chemin du Christ, un cheminement merveilleux mais aussi fatigant qui commence au baptême et dure toute la vie. Pensons à une longue randonnée en haute montagne : elle est fascinante, l’objectif nous attire, mais requiert beaucoup d’efforts et de ténacité.

Cette image peut nous être utile pour entrer dans le mérite des paroles de l’Apôtre : « marcher selon l’Esprit », « se laisser guider » par Lui. Ce sont des expressions qui indiquent une action, un mouvement, un dynamisme qui nous empêche de nous arrêter aux premières difficultés, mais nous pousse à faire confiance à la « force qui vient d’en haut » (Pasteur d’Hermas, 43, 21). En suivant ce chemin, le chrétien acquiert une vision positive de la vie. Cela ne signifie pas que le mal présent dans le monde a disparu, ni que les impulsions négatives de l’égoïsme et de l’orgueil ont disparu ; cela signifie plutôt croire que Dieu est toujours plus fort que nos résistances et plus grand que nos péchés. Et ceci est important : croire que Dieu est plus grand, toujours. Plus grand que nos résistances, plus grand que nos péchés.

En exhortant les Galates à suivre cette voie, l’Apôtre se met à leur niveau. Il abandonne le verbe à l’impératif – « marchez » (v. 16) – et il utilise le « nous » à l’indicatif: « marchons selon l’Esprit » (v. 25). Comme pour dire : marchons sur la même ligne et laissons-nous guider par l’Esprit Saint. C’est une exhortation, un mode exhortatif. Cette exhortation Saint Paul la ressent également comme nécessaire pour lui-même. Bien qu’il sache que le Christ vit en lui (cf. 2,20), il est également convaincu qu’il n’a pas encore atteint le but, le sommet de la montagne (cf. Ph 3,12). L’Apôtre ne se place pas au-dessus de sa communauté, il ne dit pas : « Je suis le chef, vous êtes les autres ; j’ai atteint le sommet de la montagne et vous êtes en chemin » – il ne dit pas cela -mais il se place au milieu du cheminement de tous, pour donner l’exemple concret de la nécessité d’obéir à Dieu, en répondant toujours plus et toujours mieux à la direction de l’Esprit. Et comme c’est beau quand on trouve des pasteurs qui marchent avec le [il dit : son] peuple, qui ne se séparent pas ; « Non, je suis plus important, je suis un pasteur ».  Toi … », « Je suis prêtre », « Je suis évêque », avec le nez en l’air. Non : des pasteurs qui marchent avec le peuple. C’est tellement beau. Ça fait du bien à l’âme.

Cette « marche selon l’Esprit » n’est pas seulement une action individuelle : elle concerne aussi la communauté dans son ensemble. En effet, construire la communauté en suivant le chemin indiqué par l’Apôtre est enthousiasmant, mais exigeant. Les « convoitises de la chair », « les tentations » – pour ainsi dire – que tous nous avons, c’est-à-dire les envies, les préjugés, les hypocrisies et les ressentiments continuent à se faire sentir, et le recours à des préceptes rigides peut être une tentation facile, mais ce faisant, on s’écarterait du chemin de la liberté et, au lieu de monter au sommet, on retournerait vers le bas. Suivre le chemin de l’Esprit exige tout d’abord que nous fassions de la place à la grâce et à la charité. Faire place à la grâce de Dieu. Ne pas avoir peur. Après avoir fait entendre sa voix de manière sévère, Paul invite les Galates à prendre en charge les difficultés des uns et des autres et, si quelqu’un devait commettre une erreur, à faire preuve de douceur (cf. 5,22). Écoutons ses paroles :  » Frères, si quelqu’un est pris en faute, vous, les spirituels, remettez-le dans le droit chemin en esprit de douceur ; mais prenez garde à vous-mêmes : vous pourriez être tentés, vous aussi. Portez les fardeaux les uns des autres : ainsi vous accomplirez la loi du Christ. » (6,1-2). Une attitude très différente de celle qui consiste à jaser quand on voit quelque chose, jacasser contre cela, n’est-ce pas ? Éplucher [cancaner sur] son prochain. Non, cela n’est pas selon l’Esprit. Selon l’Esprit, c’est avoir cette douceur avec notre frère pour le corriger et veiller sur nous-mêmes pour ne pas tomber dans ces péchés, c’est l’humilité.

En effet, lorsque nous sommes tentés de mal juger les autres, comme c’est souvent le cas, nous devons d’abord réfléchir à notre propre fragilité. Comme il est facile de critiquer les autres ! Mais il y a des gens qui semblent avoir un diplôme en commérage. Tous les jours, ils critiquent les autres. Mais regarde-toi toi-même ! Il est bon de se demander ce qui nous pousse à corriger un frère ou une sœur, et si nous ne sommes pas en quelque sorte coresponsables de son erreur. L’Esprit Saint, en plus de nous faire le don de la douceur, nous invite à la solidarité, à porter les fardeaux des autres. Combien de fardeaux existent-ils dans la vie d’une personne : maladie, manque de travail, solitude, douleur… ! Et tant d’autres épreuves qui nécessitent la proximité et l’amour de nos frères et sœurs ! Les paroles de Saint Augustin peuvent également nous aider lorsqu’il commente ce même passage :  » Ainsi donc, frères, si quelqu’un est pris en défaut, […] corrigez-le de cette manière, avec douceur, avec douceur. Et si vous élevez la voix, aimez intérieurement. Soit que tu encourages, que tu te montres paternel, soit que tu reprennes, que tu sois sévère, aime » (Sermons 163/B 3). Aime toujours. La règle suprême de la correction fraternelle est l’amour : vouloir le bien de nos frères et sœurs. Et il s’agit aussi de tolérer les problèmes des autres, les défauts des autres en silence dans la prière, pour ensuite trouver la méthode adéquate pour l’aider à se corriger. Et ce n’est pas facile. Le moyen le plus simple c’est le bavardage. Raconter des ragots sur l’autre personne [l’éplucher] comme si moi j’étais parfait. Et on ne devrait pas faire comme cela. Douceur. Patience. Prière. Proximité.

Marchons joyeusement et patiemment sur ce chemin, en nous laissant guider par l’Esprit Saint. Merci.


Je salue cordialement les fidèles de langue française, en particulier les jeunes confirmés du Diocèse de Séez, et tous les pèlerins venus de France.

Nous nous souvenons ces jours-ci de nos chers défunts. Que l’Esprit Saint nous aide à marcher vigilants dans la prière et fidèles à la parole de Jésus, en attendant de les retrouver un jour dans la joie du ciel.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 13 Octobre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 27 Octobre 2021


Frères et sœurs, la prédication de saint Paul est centrée sur Jésus et son Mystère pascal. L’Apôtre annonce le Christ, le Christ crucifié. Le centre du salut et de la foi est la mort et la résurrection du Seigneur. Pour Paul, il faut revenir à l’essentiel, à Dieu qui nous donne la vie dans le Christ crucifié. Lorsque nous rencontrons Jésus Crucifié dans la prière, il nous donne sa vie. L’Esprit qui jaillit de la Pâques de Jésus est le principe de la vie spirituelle. C’est lui qui change nos cœurs et guide l’Eglise. La vie de la communauté est régénérée dans l’Esprit Saint, et c’est toujours grâce à lui que nous nourrissons notre vie chrétienne et poursuivons notre combat spirituel. Deux fronts s’y opposent : d’une part les « œuvres de la chair » et d’autre part, les « fruits de l’Esprit ». L’amour, la paix et la joie sont les caractéristiques d’une personne habitée par l’Esprit de Dieu. Nous avons la grande responsabilité d’annoncer le Christ crucifié et ressuscité en étant animés par le souffle de l’Esprit d’amour. Seul l’amour possède la force d’attirer et de changer le cœur de l’homme.

Je suis heureux de saluer les pèlerins venus des pays francophones, particulièrement les fidèles du diocèse de Pontoise avec leur évêque; la pastorale des jeunes des diocèses de Belley-Ars et de Rouen; les pèlerins des diocèses de Coutances et de Luçon ainsi que les paroissiens de Compiègne. A la fin de ce mois missionnaire, par l’intercession de Notre-Dame du Rosaire, demandons la grâce d’être habités par l’Esprit d’amour, de paix et de joie, afin de faire nôtres les joies et les souffrances, les désirs et les angoisses de l’humanité.

Sur vous tous, ma Bénédiction !




Audience Générale du Mercredi 13 Octobre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 13 Octobre 2021


Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 11. La liberté chrétienne, ferment universel de libération

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre itinéraire de catéchèse sur la Lettre aux Galates, nous avons pu nous focaliser sur ce que Saint Paul considère comme le noyau central de la liberté : le fait que, par la mort et la résurrection de Jésus-Christ, nous avons été libérés de l’esclavage du péché et de la mort. En d’autres termes : nous sommes libres parce que nous avons été libérés, libérés par grâce – et non par paiement -, libéré par l’amour, qui devient la loi suprême et nouvelle de la vie chrétienne. L’amour : nous sommes libres parce que nous avons été libérés gratuitement. C’est précisément le point-clé.

Aujourd’hui, je voudrais souligner comment cette nouveauté de vie nous ouvre à l’accueil de chaque peuple et de chaque culture et, en même temps, ouvre chaque peuple et chaque culture à une liberté plus grande. Saint Paul en fait dit que pour qui adhère au Christ, il n’importe plus d’être juif ou païen. Ce qui compte, c’est seulement « la foi, qui agit par la charité » (Ga 5,6). Croire que nous avons été libérés et croire en Jésus-Christ qui nous a libérés : c’est la foi agissant par la charité. Les détracteurs de Paul – ces fondamentalistes qui étaient arrivés là – l’attaquaient pour cette nouveauté, affirmant qu’il avait pris cette position par opportunisme pastoral, c’est-à-dire pour « plaire à tout le monde », en minimisant les exigences reçues de sa plus étroite tradition religieuse. C’est le même discours des fondamentalistes d’aujourd’hui : l’histoire se répète toujours. Comme on voit, la critique de toute nouveauté évangélique n’est pas seulement de notre époque, mais a une longue histoire. Paul, cependant, ne reste pas silencieux. Il répond avec la parrhésie – c’est un mot grec qui désigne le courage, la force – et s’exprime en disant : « Est-ce par des hommes ou par Dieu que je veux me faire approuver ? Est-ce donc à des hommes que je cherche à plaire ? Si j’en étais encore à plaire à des hommes, je ne serais pas serviteur du Christ ! » (Ga 1,10). Déjà dans sa première Lettre aux Thessaloniciens, il s’était exprimé en des termes similaires, disant que dans sa prédication il n’avait jamais usé « de mot de flatterie, ni […] de motifs intéressés, […] ». Il n’a pas non plus […] recherché la gloire qui vient des hommes, » (1Th 2, 5-6), qui sont les manières de « faire semblant » ; une foi qui n’est pas la foi, c’est la mondanité.

La pensée de Paul se révèle une fois de plus d’une profondeur inspirée. Pour lui, accepter la foi signifie renoncer non pas au cœur des cultures et des traditions, mais seulement à ce qui fait obstacle à la nouveauté et à la pureté de l’Évangile. Parce que la liberté obtenue par la mort et la résurrection du Seigneur n’entre pas en conflit avec les cultures, avec les traditions que nous avons reçues, mieux elle y introduit une liberté nouvelle, une nouveauté libératrice, celle de l’Évangile. La libération obtenue par le baptême, en effet, nous permet d’acquérir la pleine dignité d’enfants de Dieu, de sorte que, tout en restant fermement enracinés dans nos racines culturelles, en même temps nous nous ouvrons à l’universalisme de la foi, qui entre dans chaque culture, en reconnaît les germes de vérité présents et les développe, en portant à sa plénitude le bien qu’elle contient. Accepter que nous avons été libérés par le Christ – sa passion, sa mort, sa résurrection – c’est accepter et apporter la plénitude même aux différentes traditions de chaque peuple. La vraie plénitude.

Dans l’appel à la liberté, nous découvrons le vrai sens de l’inculturation de l’Évangile. Quel est ce vrai sens ? Être capable d’annoncer la Bonne Nouvelle du Christ Sauveur tout en respectant ce qui est bon et vrai dans les cultures. Ce n’est pas facile ! Les tentations sont nombreuses d’imposer son propre modèle de vie comme s’il était le plus évolué et le plus désirable. Combien d’erreurs ont été commises dans l’histoire de l’évangélisation en voulant imposer un seul modèle culturel ! L’uniformité comme règle de vie n’est pas chrétienne ! L’unité oui, l’uniformité non ! Parfois, on n’a même pas renoncé à la violence pour faire prévaloir son propre point de vue. Pensons aux guerres. L’Église a ainsi été privée de la richesse de tant d’expressions locales qui portent en elles les traditions culturelles de populations entières. Mais c’est exactement le contraire de la liberté chrétienne ! Par exemple, je me souviens de quand s’est établie la manière de faire l’apostolat en Chine avec le Père Ricci ou en Inde avec le Père De Nobili. … [Quelqu’un disait] : « Et non, ce n’est pas chrétien ! ». Oui, c’est chrétien, c’est dans la culture du peuple.

En définitive, la vision de la liberté de Paul est éclairée et enrichie par le mystère du Christ, qui dans son incarnation – comme le rappelle le Concile Vatican II – s’est uni d’une certaine manière à tout homme (cf. Constitution pastorale Gaudium et Spes, 22). Et ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’uniformité, il y a au contraire de la variété, mais de la variété unie. D’où le devoir de respecter l’origine culturelle de chaque personne, en la plaçant dans un espace de liberté qui ne soit limité d’aucune imposition dictée par une seule culture prédominante. C’est le sens de se dire catholique, de parler de l’Église catholique : ce n’est pas une dénomination sociologique pour nous distinguer des autres chrétiens. Catholique est un adjectif qui signifie universel. Catholique est un adjectif qui signifie universel : la catholicité, l’universalité. Église universelle, c’est-à-dire catholique, veut dire, veut dire que l’Église a en elle-même, dans sa nature même, l’ouverture à tous les peuples et à toutes les cultures de tous les temps, parce que le Christ est né, est mort et est ressuscité pour tous.

La culture, en revanche, est, par sa nature même, en constante transformation. Pensez à la manière dont nous sommes appelés à proclamer l’Évangile en ce moment historique de grands changements culturels, où une technologie toujours plus avancée semble avoir la suprématie. Si nous prétendions parler de la foi comme nous le faisions dans les siècles passés, nous risquerions de ne plus être compris par les nouvelles générations. La liberté de la foi chrétienne – la liberté chrétienne – n’indique pas une vision statique de la vie et de la culture, mais une vision dynamique, une vision dynamique aussi de la tradition. La tradition croit mais toujours avec la même nature. Nous ne prétendons donc pas être en possession de la liberté. Nous avons reçu un don que nous devons garder. Il s’agit plutôt d’une liberté qui demande à chacun d’entre nous d’être constamment en marche, orienté vers sa plénitude. C’est la condition des pèlerins ; c’est l’état des voyageurs, dans un exode continu : libérés de l’esclavage pour marcher vers la plénitude de la liberté. Et c’est le grand don que nous a fait Jésus-Christ. Le Seigneur nous a libérés de l’esclavage gratuitement et nous a mis sur le chemin pour marcher en toute liberté.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les paroisses Notre Dame des Champs et de Cognac.

Comme des pèlerins sur un chemin parfois difficile et douloureux, marchons dans la joie vers la libération définitive du péché et de la mort que nous offre Jésus-Christ. Témoignons à tous de cette voie de bonheur et de paix.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 6 Octobre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 6 Octobre 2021


Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 10. Le Christ nous a libérés

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous reprenons aujourd’hui, notre réflexion sur la lettre aux Galates. Saint Paul y a écrit des paroles immortelles sur la liberté chrétienne. Qu’est-ce que la liberté chrétienne ? Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur ce thème : la liberté chrétienne.

La liberté est un trésor que l’on n’apprécie vraiment que lorsqu’on le perd. Pour beaucoup d’entre nous, habitués à vivre dans la liberté, celle-ci apparaît souvent plus comme un droit acquis que comme un don et un héritage à préserver. Combien de malentendus autour du thème de la liberté, et combien de visions différentes se sont affrontées au cours des siècles !

Dans le cas des Galates, l’Apôtre ne pouvait supporter que ces chrétiens, après avoir connu et accueilli la vérité du Christ, se laissent attirer par des propositions trompeuses, passant de la liberté à l’esclavage : de la présence de Jésus qui libère à l’esclavage du péché et du légalisme et ainsi de suite. Encore aujourd’hui, le légalisme est notre problème, le problème de nombreux chrétiens qui se réfugient dans le légalisme, dans la casuistique. Paul invite donc les chrétiens à tenir bon dans la liberté qu’ils ont reçue par le baptême, sans se laisser remettre sous le  » joug de l’esclavage  » (Ga 5,1). Paul est à juste titre jaloux de la liberté. Il est conscient que certains « faux frères » – c’est ainsi qu’il les désigne- se sont infiltrés comme des espions pour « épier », comme il l’écrit, « la liberté nous avons dans le Christ Jésus, afin de nous réduire en esclavage » (Ga 2,4), retourner en arrière, et cela Paul ne peut le tolérer. Une prédication qui entraverait la liberté dans le Christ n’est jamais évangélique : ce serait peut-être pélagien ou janséniste ou quelque chose du genre, mais pas évangélique. On ne peut jamais contraindre quelqu’un, ni le rendre esclave au nom de Jésus qui nous rend libres. La liberté est un don qui nous est donné dans le baptême.

Mais l’enseignement de saint Paul sur la liberté est avant tout positif. L’Apôtre propose l’enseignement de Jésus, que nous trouvons également dans l’Évangile de Jean : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (8,31-32). L’appel, par conséquent, est avant tout de demeurer en Jésus, source de la vérité qui nous rend libres. La liberté chrétienne repose donc sur deux piliers fondamentaux : premièrement, la grâce du Seigneur Jésus ; deuxièmement, la vérité que le Christ nous révèle et qui est lui-même.

Avant tout, c’est un don du Seigneur. La liberté que les Galates ont reçue – et nous comme eux avec le baptême – est le fruit de la mort et de la résurrection de Jésus. L’Apôtre concentre toute sa prédication sur le Christ, qui l’a libéré des liens de sa vie passée : c’est seulement de lui que jaillissent les fruits de la vie nouvelle selon l’Esprit. En fait, la véritable liberté, la libération de l’esclavage du péché, a jailli de la Croix du Christ.  Nous sommes libres de l’esclavage du péché par la croix du Christ. Là même où Jésus s’est laissé suspendre, s’est fait esclave, Dieu a placé la source de la libération radicale de l’homme. Cela ne cesse de nous étonner : que le lieu où nous sommes dépouillés de toute liberté, à savoir la mort, puisse devenir la source de la liberté. Mais c’est le mystère de l’amour de Dieu : on ne le comprend pas facilement, on le vit. Jésus lui-même l’avait annoncé lorsqu’il dit : « Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau » (Jn 10, 17-18). Jésus réalise sa pleine liberté en se livrant à la mort ; il sait qu’ainsi seulement, il peut obtenir la vie pour tous.

Paul, nous le savons, avait fait l’expérience directe de ce mystère d’amour. C’est pourquoi il dit aux Galates, avec une expression extrêmement audacieuse : « J’ai été crucifié avec le Christ » (Ga 2,19). Dans cet acte d’union suprême avec le Seigneur, il sait qu’il a reçu le plus grand don de sa vie : la liberté. Sur la Croix, en effet, il a cloué « la chair avec ses passions et ses désirs » (5,24). Nous comprenons combien la foi animait l’Apôtre, combien grande était son intimité avec Jésus et si, d’un côté, nous sentons que cela nous manque, de l’autre, le témoignage de l’Apôtre nous encourage à aller en avant dans cette vie de liberté. Le chrétien est libre, doit être libre et est appelé à ne pas retourner à être esclave de préceptes, de choses étranges.

Le deuxième pilier de la liberté est la vérité. Ici aussi, il est nécessaire de se rappeler que la vérité de la foi n’est pas une théorie abstraite, mais la réalité du Christ vivant, qui touche directement le sens quotidien et global de la vie personnelle. Combien de personnes qui n’ont pas étudié, ni même ne savent ni lire ni écrire, mais ont bien compris le message du Christ, ont cette sagesse qui les rend libres. C’est la sagesse du Christ qui est entrée par l’Esprit Saint avec le baptême. Combien de personnes trouvons-nous qui vivent la vie du Christ plus que les grands théologiens par exemple, offrant un grand témoignage de la liberté de l’Évangile. La liberté nous rend libres dans la mesure où elle transforme la vie d’une personne et l’oriente vers le bien. Pour être vraiment libres, nous avons besoin non seulement de nous connaître, au niveau psychologique, mais surtout de faire la vérité en nous-mêmes, à un niveau plus profond. Et là, dans le cœur, nous ouvrir à la grâce du Christ. La vérité doit nous inquiéter – revenons à ce mot très chrétien : l’inquiétude. Nous savons qu’il y a des chrétiens qui jamais ne s’inquiètent : ils vivent toujours de la même manière, il n’y a pas d’impulsion dans leur cœur, il n’y a pas l’inquiétude. Pourquoi ? Car l’inquiétude est le signe que l’Esprit Saint est en train de travailler en nous à l’intérieur, et la liberté est une liberté active, suscitée par la grâce de l’Esprit Saint. C’est pourquoi je dis que la liberté doit nous inquiéter, doit nous poser sans cesse des questions, afin que nous puissions aller toujours plus au fond de ce que nous sommes vraiment. Nous découvrons ainsi que le chemin de la vérité et de la liberté est un chemin difficile qui dure toute la vie. C’est difficile de rester libre, c’est difficile, mais ce n’est pas impossible. Courage, allons-y, ça nous fera du bien. C’est un chemin où nous sommes guidés et soutenus par l’amour qui vient de la Croix : l’amour qui révèle la vérité et nous donne la liberté. Et c’est le chemin du bonheur. La liberté nous rend libres, nous rends joyeux, nous rends heureux.


APPEL

Sœurs et frères,

hier, la Conférence Episcopale et la Conférence des religieux et des religieuses de France ont reçu le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, chargée d’évaluer l’ampleur du phénomène des agressions et des violences sexuelles commises sur les mineurs à partir de 1950. Malheureusement, le nombre en est considérable. Je désire exprimer aux victimes ma tristesse et ma douleur pour les traumatismes qu’elles ont subis et ma honte, notre honte, ma honte, pour la très longue incapacité de l’Eglise à les mettre au centre de ses préoccupations, et je les assure de ma prière. Et je prie et prions tous ensemble : “A toi Seigneur la gloire, à nous la honte” : c’est le moment de la honte. J’encourage les évêques et vous, chers frères, qui êtes venus ici partager ce moment, j’encourage les évêques et les Supérieurs religieux à continuer à faire des efforts afin que de semblables drames ne se reproduisent pas. J’exprime aux prêtres de France ma proximité et mon soutien paternel devant cette épreuve, qui est dure mais salutaire, et j’invite les catholiques français à assumer leur responsabilité pour garantir que l’Eglise soit une maison sûre pour tous. Merci.


Je suis heureux de saluer les pèlerins venus des pays francophones, particulièrement du diocèse d’Autun et de La Vie ! Le 9 octobre prochain s’ouvre le Synode sur la synodalité. Je vous invite à prier afin que les réflexions et les échanges de cette Assemblée puissent nous aider à redécouvrir la joie d’être Peuple de Dieu qui marche ensemble à l’écoute de tous. À tous, ma bénédiction !




Audience Générale du Mercredi 29 Septembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 29 Septembre 2021


Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 9. La vie dans la foi

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre itinéraire pour mieux comprendre l’enseignement de Saint Paul, nous rencontrons aujourd’hui un thème difficile mais important, celui de la justification. Qu’est-ce que la justification ? Nous, qui étions des pécheurs, sommes devenus des justes. Qui nous a rendus justes ? Ce processus de transformation est la justification. Nous, devant Dieu, sommes justes. Certes, nous avons nos péchés personnels, mais à la base nous sommes justes. Cela est la justification. On a beaucoup discuté sur cet argument, pour trouver l’interprétation la plus cohérente avec la pensée de l’Apôtre et, comme cela arrive souvent, on en est même parvenu à opposer les positions. Dans la Lettre aux Galates, ainsi que dans celle aux Romains, Paul insiste sur le fait que la justification vient de la foi en Christ. « Mais, Père, je suis juste car je garde tous les commandements ! » – Oui : mais ce n’est pas de là que vient la justification. Elle vient en premier. Quelqu’un t’a justifié, quelqu’un t’a fait juste devant Dieu. « Oui, mais je suis pécheur ! » – oui : tu es juste, mais pécheur. Mais au fond, tu es juste. Qui t’a fait juste ? Jésus-Christ. Ceci est la justification.

Que se cache-t-il derrière le mot « justification », qui est si décisif pour la foi ? Ce n’est pas facile de parvenir à une définition exhaustive, mais dans l’ensemble de la pensée de Saint Paul, nous pouvons simplement dire que la justification est la conséquence de « la miséricorde de Dieu qui offre le pardon » (Catéchisme de l’Église Catholique, 1990). Et c’est notre Dieu, tellement bon ! Miséricordieux, patient, plein de miséricorde, qui donne continuellement le pardon, continuellement. Lui pardonne, et la justification c’est Dieu qui pardonne dès le commencement à chacun, en Christ. La miséricorde de Dieu qui donne le pardon. Dieu, en effet, par la mort de Jésus, – et ceci nous devons le souligner : par la mort de Jésus – a détruit le péché et nous a donné de manière définitive le pardon et le salut. Ainsi justifiés, les pécheurs sont accueillis par Dieu et réconciliés avec lui. C’est comme un retour à la relation originelle entre le Créateur et la créature, avant que n’intervînt la désobéissance du péché. La justification que Dieu opère nous permet donc de retrouver l’innocence perdue par le péché. Comment la justification a-t-elle lieu ? Répondre à cette question équivaut à découvrir une autre nouveauté dans l’enseignement de Saint Paul : la justification se fait par la grâce. Seulement par la grâce : nous avons été justifiés par pure grâce. « Mais ne puis-je pas, comme certains le font, aller voir le juge et payer pour qu’il me rende justice ? ». – Non : on ne peut pas payer pour cela. Un seul a payé pour nous tous : le Christ. Et du Christ qui est mort pour nous vient cette grâce que le Père nous donne à tous : la justification advient par la grâce.

L’Apôtre garde toujours à l’esprit l’expérience qui a changé sa vie : la rencontre avec Jésus ressuscité sur le chemin de Damas. Paul avait été un homme fier, religieux et zélé, convaincu que dans l’observation scrupuleuse des préceptes consistait la justice. Maintenant, toutefois il a été conquis par le Christ, et la foi en Lui l’a transformé en profondeur, lui permettant de découvrir une vérité jusqu’alors cachée : nous ne devenons pas justes par nos propres efforts, non : ce n’est pas nous ; mais c’est le Christ, avec la force de sa grâce, qui nous rend justes. Ainsi, Paul, pour avoir une pleine connaissance du mystère de Jésus, est disposé à renoncer à tout dont il était auparavant riche (cf. Ph 3,7), car il a découvert que seule la grâce de Dieu l’a sauvé. Nous avons été justifiés, nous avons été sauvés par pure grâce, non par nos propres mérites. Et cela nous donne une confiance grande. Nous sommes pécheurs, oui ; mais nous avançons sur le chemin de la vie avec cette grâce de Dieu qui nous justifie chaque fois que nous demandons pardon. Mais pas à ce moment-là, il justifie : nous sommes justifiés, mais il vient nous pardonner une autre fois.

Pour l’Apôtre, la foi a une valeur globale. Elle touche chaque moment et chaque aspect de la vie du croyant : du baptême jusqu’au départ de ce monde, tout est imprégné par la foi en la mort et la résurrection de Jésus, qui donne le salut. La justification par la foi souligne la priorité de la grâce, que Dieu offre à tous ceux qui croient en son Fils sans aucune distinction.

Pourtant nous ne devons pas conclure, de toute façon, que pour Paul la Loi mosaïque n’a plus aucune valeur ; au contraire, elle reste un don irrévocable de Dieu, elle est – écrit l’Apôtre – elle est « sainte » (Rm 7,12). Bien sûr, il est essentiel, dans notre vie spirituelle, d’observer les commandements, – nous l’avons déjà dit plusieurs fois – mais même là nous ne pouvons pas compter sur nos propres forces : elle est fondamentale la grâce de Dieu que nous recevons dans le Christ, cette grâce qui vient de la justification que nous donne le Christ, qui a déjà payé pour nous. De lui, nous recevons cet amour gratuit qui nous permet, à notre tour, d’aimer de manière concrète.

Dans ce contexte, il est également bon de rappeler l’enseignement de l’apôtre Jacques, qui écrit : « L’homme devient juste par les œuvres, et non seulement par la foi. – il semblerait que ce soit le contraire, mais ce n’est pas le contraire -.  […] Ainsi, comme le corps privé de souffle est mort, de même la foi sans les œuvres est morte » (Jc 2,24.26). La justification, si elle ne fleurit pas par nos œuvres, sera là, sous terre, comme morte. Elle est là, mais nous devons la mettre en œuvre par nos actions. Ainsi, les paroles de Jacques complètent l’enseignement de Paul. Pour les deux, donc, la réponse de la foi exige donc d’être actifs dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain. Pourquoi « actif dans cet amour » ? Parce que cet amour nous a sauvés tous, nous a justifiés gratuitement, gratis !

La justification nous insère dans la longue histoire du salut, qui montre la justice de Dieu : face à nos chutes continuelles et à nos insuffisances, Lui ne s’est pas résigné, mais a voulu nous rendre justes et l’a fait par la grâce, à travers le don de Jésus-Christ, de sa mort et résurrection. Plusieurs fois j’ai dit comment est la manière d’agir de Dieu, quel est le style de Dieu, et je l’ai dit en trois mots : le style de Dieu est proximité, compassion et tendresse. Toujours Il est proche de nous, il est compatissant et tendre. Et la justification est précisément la plus grande proximité de Dieu avec nous, hommes et femmes, la plus grande compassion de Dieu envers nous, hommes et femmes, la plus grande tendresse du Père. La justification est ce don du Christ, de la mort et de la résurrection du Christ qui nous libère. « Mais, Père, je suis un pécheur, j’ai volé, j’ai… » – oui, oui : mais à la base tu es un juste. Laisse que Christ réalise cette justification. Nous ne sommes pas condamnés, à la base, non : nous sommes justes. Permettez-moi de le dire ainsi : nous sommes saints, à la base. Mais ensuite, par nos actions, nous devenons des pécheurs. Mais, à la base, soit saints : laissons la grâce du Christ prendre le dessus et cette justice, cette justification nous donne la force d’aller de l’avant. Ainsi, la lumière de la foi nous permet de reconnaître combien est infinie la miséricorde de Dieu, la grâce qui agit pour notre bien. Mais cette même lumière nous fait aussi voir la responsabilité qui nous est confiée de collaborer avec Dieu dans son œuvre de salut. La force de la grâce a besoin de s’unir à nos œuvres de miséricorde que nous sommes appelés à vivre pour témoigner combien est grand l’amour de Dieu. Allons de l’avant avec cette confiance : tous nous avons été justifiés, nous sommes justes en Christ. Nous devons mettre en œuvre cette justice par nos actions. Merci.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins des Diocèses de Grenoble et d’Agen. En ce jour où l’Eglise célèbre les Saints Archanges, je demande à Saint Michel, protecteur de la France, de veiller sur votre pays, de le garder dans la fidélité à ses racines, et de conduire votre peuple sur les voies d’une unité et d’une solidarité toujours plus grandes. Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 22 Septembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 22 Septembre 2021


Frères et sœurs, mon récent Voyage Apostolique à Budapest et en Slovaquie a été un pèlerinage de prière, un pèlerinage aux racines, un pèlerinage d’espérance. Tout d’abord, ce fut un pèlerinage de prière au cœur de l’Europe, commencé avec la messe lors du Congrès Eucharistique International à Budapest et conclu avec la Fête de Notre-Dame des Sept Douleurs en Slovaquie. Le Peuple de Dieu est appelé à adorer, à prier, à marcher et à faire pénitence, afin de sentir la paix et la joie qui viennent du Seigneur. Ensuite, ce fut un pèlerinage aux racines de la foi et de la vie chrétienne qui sont vivantes dans l’exemple lumineux des témoins de la foi. Ces racines pleines de sève de l’Esprit Saint doivent êtres gardées car elles sont la garantie de l’avenir. Enfin, ce fut un pèlerinage d’espérance, espérance que j’ai vue dans les yeux des jeunes rencontrés. Cette espérance se réalise, devient concrète seulement si elle se décline avec le mot “ensemble”. La fraternité et la cohabitation avec les différentes religions et avec les plus faibles sont la route à suivre. L’avenir sera un avenir d’espérance s’il est vécu ensemble.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française! Je rends grâce au Seigneur à l’occasion du Voyage Apostolique que j’ai accompli sous le signe de l’espérance. Dans une prière unanime, demandons à l’Esprit Saint que les graines semées durant le Voyage portent de bons fruits dans le Peuple de Dieu.

A tous, ma bénédiction !




Audience Générale du Mercredi 9 Septembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 9 Septembre 2021


Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 8. Nous sommes fils de Dieu

Frères et sœurs, bonjour!

Nous poursuivons notre itinéraire d’approfondissement de la foi — de notre foi — à la lumière de la Lettre de saint Paul aux Galates. L’apôtre insiste auprès de ces chrétiens pour qu’ils n’oublient pas la nouveauté de la révélation de Dieu qui leur a été annoncée. En plein accord avec l’évangéliste Jean (cf 1 Jn 3, 1-2), Paul souligne que la foi en Jésus Christ nous a permis de devenir réellement fils de Dieu et également ses héritiers. Nous chrétiens considérons souvent comme évidente cette réalité d’être fils de Dieu. Il est bon au contraire de se souvenir toujours avec reconnaissance du moment où nous le sommes devenus, celui de notre baptême, pour vivre avec une plus grande conscience le grand don reçu.

 Si je demandais aujourd’hui: qui de vous connaît la date de son baptême?, je crois qu’il n’y aurait pas beaucoup de mains levées. Et pourtant, c’est la date à laquelle nous avons été sauvés, c’est la date à laquelle nous sommes devenus fils de Dieu. A présent, que ceux qui ne la connaissent pas demandent à leur parrain, marraine, à leur père, leur mère, leur oncle, leur tante: «Quand ai-je été baptisé? Quand ai-je été baptisée?»; et rappeler chaque année cette date: c’est la date à laquelle nous sommes devenus fils de Dieu. D’accord? Vous le ferez? [les fidèles répondent: oui!]. C’est un «oui» un peu comme ça, hein? [rires] Poursuivons….

En effet, une fois «venue la foi» dans le Christ (v. 25), se crée la condition radicalement nouvelle qui fait entrer dans la filiation divine. La filiation dont parle Paul n’est plus celle générale qui touche tous les hommes et les femmes en tant que fils et filles de l’unique Créateur. Dans le passage que nous avons écouté, il affirme que la foi permet d’être fils de Dieu «dans le Christ» (v. 26): telle est la nouveauté. C’est ce «dans le Christ» qui fait la différence. Pas seulement fils de Dieu, comme tous: nous tous hommes et femmes sommes enfants de Dieu, tous, quelle que soit notre  religion. Non. Mais «dans le Christ» est ce qui fait la différence chez les chrétiens et cela n’a lieu que dans la participation à la rédemption du Christ et en nous dans le sacrement du baptême, c’est ainsi que cela commence. Jésus est devenu notre frère, et par sa mort et sa résurrection, il nous a réconciliés avec le Père. Qui accueille le Christ dans la foi, à travers le baptême est «revêtu» de Lui et de la dignité filiale  (cf. v. 27).

Dans ses Lettres, saint Paul fait référence à plusieurs reprises au baptême. Pour lui, être baptisé équivaut à prendre part de façon effective et réelle au mystère de Jésus. Par exemple, dans la Lettre aux Romains, il arrivera même à dire que, dans le baptême, nous sommes morts avec le Christ et ensevelis avec Lui pour pouvoir vivre avec Lui (cf. 6, 3-14). Morts avec le Christ, ensevelis avec Lui pour pouvoir vivre avec Lui. C’est la grâce du baptême: participer à la mort et à la résurrection de Jésus. Le baptême n’est donc pas un simple rite extérieur. Ceux qui le reçoivent sont transformés profondément, au plus profond d’eux-mêmes, et possèdent une vie nouvelle, précisément celle qui permet de s’adresser à Dieu et de l’invoquer  par le nom d’«Abbà», c’est-à-dire «papa». «Père»? Non, «papa» (cf. Ga 4, 6).

L’apôtre affirme avec une grande audace que l’identité reçue avec le baptême est entièrement nouvelle, au point de prévaloir sur les différences qui existent sur le plan ethnique et religieux. Il l’explique ainsi: «il n’y a ni Juif ni Grec»; et aussi sur le plan social: «il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme» (Ga 3, 28). On lit souvent ces expressions trop à la hâte, sans saisir la valeur révolutionnaire qu’elles contiennent. Pour Paul, écrire aux Galates que dans le Christ, «il n’y a ni Juif ni Grec» équivaut à une authentique subversion ethnique et religieuse. Le juif, du fait d’appartenir au peuple élu, était privilégié par rapport au païen (cf. Rm 3, 17-20), et Paul lui-même l’affirme (cf. Rm 9, 4-5). Il n’est donc pas surprenant que ce nouvel enseignement de l’apôtre puisse sembler hérétique. «Mais comment cela, tous égaux? Nous sommes différents!». Cela semble un peu hérétique non? La deuxième égalité aussi, entre «libres» et «esclaves», ouvre des perspectives troublantes. Pour la société antique, la distinction entre esclaves et citoyens libres était vitale. Ces derniers jouissaient selon la loi de tous les droits, tandis que l’on ne reconnaissait pas même la dignité humaine aux esclaves. Cela arrive aujourd’hui aussi: beaucoup de gens, dans le monde, beaucoup, des millions, qui n’ont pas le droit à l’alimentation, n’ont pas le droit à l’éducation, n’ont pas le droit au travail: ce sont les nouveaux esclaves, ce sont ceux qui se trouvent aux périphéries, qui sont exploités par tous. Aujourd’hui aussi, il y a l’esclavage. Pensons un peu à cela. Nous nions à ces gens la dignité humaine, ils sont esclaves. Ainsi, à la fin, l’égalité dans le Christ dépasse la différence sociale entre les deux sexes, en établissant  entre l’homme et la femme une alliance alors révolutionnaire  qu’il faut réaffirmer aujourd’hui aussi. Il faut la réaffirmer aujourd’hui aussi. Combien de fois entendons-nous des expressions qui méprisent les femmes! Combien de fois avons-nous entendu: «Mais non, ne fais rien, [ce sont] des histoires de femmes». Mais les hommes et les femmes ont la même dignité, et il y a dans l’histoire, aujourd’hui aussi, un esclavage de femmes: les femmes n’ont pas les mêmes opportunités que les hommes. Nous devons lire ce que dit Paul: nous sommes égaux en Jésus Christ.

   Comme on peut le voir, Paul affirme la profonde unité qui existe entre tous les baptisés, quelle que soit la condition à laquelle ils appartiennent, que ce soit des hommes ou des femmes, égaux, parce que chacun d’eux, dans le Christ, est une créature nouvelle. Toute distinction devient secondaire par rapport à la dignité d’être fils de Dieu, qui à travers son amour, réalise une véritable et importante égalité. Tous, à travers la rédemption du Christ et le baptême que nous avons reçu, sommes égaux: fils et filles de Dieu. Egaux.

 Frères et sœurs, nous sommes donc appelés de façon plus positive à vivre une nouvelle vie qui trouve dans la filiation avec Dieu son expression fondatrice. Egaux parce que fils de Dieu, et fils de Dieu parce que Jésus Christ nous a rachetés et nous sommes entrés dans cette dignité à travers le baptême. Il est décisif également  pour nous tous aujourd’hui de redécouvrir la beauté d’être fils de Dieu, d’être frères et sœurs entre nous parce qu’insérés dans le Christ qui nous a rachetés. Les différences et les contrastes qui créent la séparation ne devraient pas exister entre les croyants dans le Christ. Et l’un des apôtres, dans la Lettre de Jacques, dit: «Faites attention avec les différences, parce que vous n’êtes pas justes quand dans l’assemblée (c’est-à-dire à la Messe), quelqu’un entre qui porte un anneau d’or et est bien habillé: “Ah, entrez, entrez!” et ils le font s’asseoir au premier rang. Puis, s’il entre une autre personne qui, la pauvre, peut à peine se couvrir, et on voit qu’elle est pauvre: “oui, oui, assied-toi là, au fond”». Ces différences, ce sont nous qui les faisons, souvent, de façon inconsciente. Non, nous sommes égaux. Notre vocation est plutôt celle de rendre concret et évident l’appel à l’unité de tout le genre humain (cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. Lumen gentium, n. 1). Tout ce qui exacerbe les différences entre les personnes, en provoquant souvent des discriminations, tout cela, devant Dieu, n’a plus de consistance, grâce  au salut réalisé dans le Christ. Ce qui compte est la foi qui opère selon le chemin de l’unité indiqué par l’Esprit Saint. Et notre responsabilité est de marcher de façon résolue sur ce chemin de l’égalité, mais l’égalité qui est soutenue, qui a été réalisée par la rédemption de Jésus.

Merci. Et n’oubliez pas, quand vous rentrerez chez vous: «Quand ai-je été baptisé? Quand ai-je été baptisée?». Demander, pour avoir toujours cette date à l’esprit. Et également la célébrer quand arrivera la date. Merci.


A l’issue de l’audience générale, le Pape a salué les fidèles francophones:

Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

En ce jour où nous célébrons la Nativité de la Vierge Marie, demandons à notre Mère de nous aider à redécouvrir la beauté de notre condition d’enfants de Dieu, et, dépassant les différences et les conflits, de nous aider à vivre comme des frères.

Que Dieu vous bénisse.