1

La Femme et le dragon (Ap 12)

Immaculée Conception            Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; (2) elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. (3) Puis un second signe apparut au ciel : un énorme Dragon rouge-feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème. (4) Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s’apprête à dévorer son enfant aussitôt né. (5) Or la Femme mit au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer ; (6) et son enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône, tandis que la Femme s’enfuyait au désert, où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours.

(7)       Alors, il y eut une bataille dans le ciel : Michel et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta, avec ses Anges, (8) mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel. (9) On le jeta donc, l’énorme Dragon, l’antique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier, on le jeta sur la terre et ses Anges furent jetés avec lui. (10) Et j’entendis une voix clamer dans le ciel :  Désormais, la victoire, la puissance et la royauté sont acquises à notre Dieu, et la domination à son Christ, puisqu’on a jeté bas l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu. (11) Mais eux l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole dont ils ont témoigné, car ils ont méprisé leur vie jusqu’à mourir. (12) Soyez donc dans la joie, vous, les cieux et leurs habitants. Malheur à vous, la terre et la mer, car le Diable est descendu chez vous, frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés.

(13)    Se voyant rejeté sur la terre, le Dragon se lança à la poursuite de la Femme, la mère de l’Enfant mâle. (14) Mais elle reçut les deux ailes du grand aigle pour voler au désert jusqu’au refuge où, loin du Serpent, elle doit être nourrie un temps et des temps et la moitié d’un temps. (15) Le Serpent vomit alors de sa gueule comme un fleuve d’eau derrière la Femme pour l’entraîner dans ses flots. (16) Mais la terre vint au secours de la Femme : ouvrant la bouche, elle engloutit le fleuve vomi par la gueule du Dragon.

(17) Alors, furieux contre la Femme, le Dragon s’en alla guerroyer contre le reste de ses enfants, ceux qui gardent les commandements de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus. »

Marie - Musée de Sens 2

Marie, Musée de Sens

            Ce texte est très bien construit, en inclusion, c’est-à-dire avec des éléments qui se répondent en symétrie autour d’un cœur (voir en fin de document). L’auteur donne ainsi la place centrale à ce qui lui semble le plus important. Et que souligne-t-il ici ?     

 La victoire finale de Dieu sur le mal, sur Satan (de l’hébreu « accusateur »), triomphe de l’Amour sur la haine (Ep 2,14-18), de la Miséricorde sur le péché… Tous ceux et celles qui ont accepté de se laisser laver par le sang de l’Agneau pour vivre ensuite en conformité avec la grâce reçue sont les heureux bénéficiaires de ce salut donné par Dieu, et ils sont dans la joie… « Soyez donc dans la joie, cieux, et vous qui les habitez »…

Marie, cachot de Bernadette

Marie, ancien cachot où Ste Bernadette habita avec sa famille…

             « Un signe grandiose apparaît donc au ciel »… « Une Femme, le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ». Dans le contexte du Nouveau Testament et de la foi au Christ mort et ressuscité pour notre salut, les « douze étoiles » renvoient aux Douze Apôtres, ces colonnes que le Christ a choisies pour construire, avec eux et par eux, son Eglise (cf. Mc 3,13-15 ; Lc 6,12-16 ; Mt 16,18-19 ; Ga 2,7-8 ; Ep 2,19-22). Bien sûr, le choix de Douze Apôtres est un clin d’œil aux Douze tribus d’Israël : avec eux, le Christ accomplit tout ce qui était en préparation avec l’Ancienne Alliance en permettant à la vocation d’Israël d’atteindre son but : que « soient bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12,1‑3). Désormais l’Eglise Peuple de Dieu n’a plus de frontières : elle contient en son sein aussi bien des Juifs que des païens. Et elle est ouverte à tous les peuples de la terre, car sa vocation est d’annoncer le salut au monde entier (Mt 28,18-20) pour que l’humanité soit rassemblée dans le Christ, c’est-à-dire dans l’unité de cet Esprit que nous recevons par notre foi au Christ (Ep 1,3-10 ; 4,1-6 ; Jn 11,51-52 ; 17,20-23)… Cette Femme couronnée d’étoiles représente donc tout d’abord l’Eglise, selon une habitude fréquente dans l’Ancien Testament d’évoquer le Peuple de Dieu par une figure féminine. Souvenons-nous par exemple de la jeune femme d’Ezéchiel (Ez 16), de « la Fille de Sion » (So 3,14 ; Za 2,14 ; 9,9 ; Is 1,8 ; 10,32 ; 52,2 ; 62,11…), de l’épouse infidèle du prophète Osée, de « la mère Jérusalem » dans le prophète Baruch (Ba 4,5 – 5,9)…

 « Le soleil l’enveloppe » car elle a accueilli la Lumière du « Père de la Gloire » (Ep 1,17), « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3 ; 1P 1,3 ; 2,10), qui, avec son Fils et par son Fils « Lumière du monde » (Jn 8,12) est venu déchirer nos ténèbres (Mc 1,9‑11)… « Tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu » (Rm 3,23) ?  

   Marie, Eglise Notre Dame de la Salette

Notre Dame de la Salette

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande Lumière, sur les habitants du pays de l’ombre, une Lumière a resplendi… Un enfant nous est né, un Fils nous est donné » (Is 9,1-6)… Il est « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) en lui offrant le pardon de Dieu. Grâce à lui, nous pouvons retrouver tout ce dont nous étions privés par suite de nos fautes : « Je leur ai donné la Gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22)… Alors, si « jadis, vous étiez ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur » (Ep 5,8) pour avoir accueilli « la lumière de la Vie » (Jn 8,12) grâce au Don de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Le projet de ce Dieu « drapé de lumière comme d’un manteau », (Ps 104(103),2) s’est accompli : il a revêtu son épouse « de vêtements de salut, il l’a drapée dans un manteau de justice » ; alors « les nations verront sa justice et tous les rois sa Gloire », car désormais, « le soleil l’enveloppe ». « Dans la main de son Dieu, elle est une couronne de splendeur » (Is 59,10-62,5 ; 60,1-7), car elle reçoit le Don de ce Dieu « Soleil » qui « donne la grâce, qui donne la Gloire » (Ps 84(83),12).

Marie Grand Ilet la Réunion

Marie, devant l’Eglise de Grand Ilet, cirque de Salazie, Ile de la Réunion

            « La lune est sous ses pieds »… L’astre de la nuit est sous ses pieds, en signe de victoire sur le monde des ténèbres (cf. Jn 6,16-21). En effet, avec le Christ, « la Lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Et cela s’accomplit dès maintenant, car dès aujourd’hui, dans la foi, « les ténèbres s’en vont et la véritable lumière brille déjà » (1Jn 2,8). Mais, nous le verrons par la suite, tout ceci se réalise au cœur d’un combat quotidien où il s’agit de recevoir et de recevoir encore par la prière cette Lumière de l’Esprit qui, seule, peut venir à bout de toutes « les Principautés, les Puissances, les Régisseurs de ce monde de ténèbres » (Ep 6,10-20 ; 1Th 5,4-10)… « La nuit est avancée. Le jour est arrivé. Laissons là les œuvres de ténèbres et revêtons les armes de lumière » (Rm 13,12)… Alors, « réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5,14), le soleil t’enveloppera…

Marie Forêt de Bélouve la Réunion

Grotte de Notre Dame de Lourdes, forêt de Bélouve, Île de la Réunion

            « Elle est enceinte »… L’Eglise est « enceinte »… En effet, rappelle St Jacques, « le Père de toutes les lumières a voulu nous enfanter par une parole de vérité pour que nous soyons comme les prémices de ses créatures » (Jac 1,17-18). Cette Parole de Vérité nous a été transmise par Jésus, le Fils unique et éternel de Dieu (Jn 12,49-50 ; 8,26 ; 17,8), « la Parole faite chair »(Jn 1,14). Et « à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, eux qui ne furent engendrés ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (Jn 1,12-13). Par notre « oui » de foi à la Parole, et donc au Christ Ressuscité, nous sommes invités petit à petit à naître et à renaître « d’en haut », de « l’Esprit » (Jn 3,1-8) pour devenir « une créature nouvelle » (2Co 5,17) dans le Christ. Tout commence bien sûr au jour de notre baptême (Tt 3,4-7), mais nous avons à nourrir ensuite cette créature nouvelle par les sacrements, la prière et la lecture de la Parole de Dieu. En effet, l’Esprit Saint se joint toujours à la Parole car « celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu, et avec elles, il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Accueillir la Parole, c’est donc accueillir l’Esprit Saint qui se joint à elle et lui rend témoignage (Jn 15,26) en communiquant à celui ou celle qui la lit cette Vie nouvelle qu’elle ne cesse d’évoquer. Dieu rend ainsi témoignage à son Fils par l’action de l’Esprit qui donne la Vie à quiconque accueille avec foi la Parole du Fils (1Jn 5,5-12 ; Ga 5,25). « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47).

Marie Basilique du Rosaire Lourdes

Marie Reine, mosaïque de la Basilique du Rosaire, Lourdes

Dieu le Père, avec son Fils et par son Fils, est donc venu nous enfanter à sa vie par sa Parole qui se propose à notre liberté, et l’action souveraine de l’Esprit Saint. Et maintenant, la Mission du Fils se poursuit avec l’Eglise qui est son « Corps » (1Co 12,12-13.27). Lui, il en est comme « la Tête » (Ep 1,22-23) et il lui a demandé d’aller dans le monde entier pour transmettre ce qu’elle avait elle-même reçu. Il lui a alors promis d’être avec elle tous les jours, jusqu’à la fin du monde, et d’agir avec elle par la Puissance de son Esprit pour que sa Parole puisse être accueillie (Mt 28,18-20 ; Mc 16,20 ; 1Co 2,1-5 ; Rm 15,15-19). qui a reçu la charge de transmettre la Parole de Dieu au monde (Mt 28,18-20). L’Esprit qui se joignait à la Parole du Christ pour lui rendre témoignage et communiquer ainsi par elle la vie éternelle (Jn 6,63) se joint donc toujours à la même Parole proclamée aujourd’hui par l’Eglise pour accomplir la même œuvre : communiquer la vie (2Co 3,4-6), enfanter un monde nouveau… C’est ainsi que l’Eglise est « Mère »… « Mes petits enfants », écrit St Paul dans sa Lettre aux Galates, « vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » (Ga 4,19)… En effet, nous sommes tous appelés à devenir des fils et des filles de Dieu à « l’image et ressemblance » de Jésus, le Fils Unique et éternel, qui reçoit sa vie du Père de toute éternité : « Il est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo). « Comme le Père a la vie en lui‑même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui‑même » (Jn 5,26). Et un peu plus loin, Jésus dit : « Je vis par le Père » (Jn 6,57). Nous sommes donc tous invités à recevoir par notre foi au Fils ce que le Fils reçoit de son Père de toute éternité : « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me reçoit vivra par moi » (Jn 6,57). Alors, sauvés par le Fils, les croyants reçoivent du Fils de « pouvoir devenir », petit à petit, de grâce en grâce, de miséricorde en miséricorde, des fils comme le Fils, « à l’image du Fils » : « Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,29‑30 ; 2Co 3,17-18). Alors, « le soleil enveloppe » la communauté de ceux et celles qui, par la Parole du Fils, ont accueilli « la lumière de la Vie » (Jn 8,12)…

Marie Chapelle de Bélouve Réunion

Marie, chapelle de la forêt de Bélouve, île de la Réunion

            Ainsi l’Eglise, par les sacrements et « le lait non frelaté de la Parole » (1P 2,2), enfante-t-elle des fils, vivants de la vie du Fils et appelés à être au ciel « Lumière » et « Gloire » comme le Fils… Et tout ceci se réalise très concrètement par le « oui » de notre foi à « la Parole de Vérité, la Bonne Nouvelle de notre salut ». Par ce « oui » renouvelé chaque jour, à tout instant, dans une prière qui devrait être continuelle (Ep 6,18), le chrétien accueille la grâce de l’Esprit reçu au jour de son baptême : « C’est en lui que vous aussi, après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). En effet, « le Christ a tant aimé l’Église qu’il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne (le baptême) ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante » (« enveloppée de soleil »), « sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée » (Ep 5,25-27).

Marie fleurs Réunion

Ainsi, l’Eglise est notre Mère à tous car l’Esprit Saint, jour après jour, vient sur elle. La Puissance du Très Haut la prend sous son ombre ; c’est pourquoi les êtres saints car sanctifiés qui naissent d’elle sont appelés fils de Dieu (cf. Lc 1,35 ; 1Th 5,23-24)…

            Et nous constatons à quel point il est impossible de parler de l’Eglise sans parler de Marie, de penser à l’Eglise sans penser à Marie… En effet, si l’Eglise grâce à l’action de l’Esprit Saint est la Mère des fils et des filles de Dieu, Marie, grâce à l’action du même Esprit Saint est la Mère du Fils Unique et éternel de Dieu. Et dans l’ordre chronologique, c’est elle qui vient en premier.  « Comblée de Grâce » (Lc 1,28) pour accomplir sa vocation unique, « l’Immaculée Conception », la « Bénie entre toutes les femmes » (Lc 1,42) a mis au monde ce Fils qui allait appeler toute l’humanité à devenir comme lui, des fils et des filles de Dieu… Et comblée à son tour de grâce (Ep 1,6), sanctifiée par l’eau du baptême, appelée elle aussi à être « sainte et immaculée dans l’Amour », « bénie par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ »(Ep 1,3-10), l’Eglise recevra elle aussi la vocation de devenir la Mère d’une humanité nouvelle de fils et de fille de Dieu… Nous voyons bien que si « la Femme couronnée d’étoiles » du Livre de l’Apocalypse évoque le Mystère de l’Eglise, il est impossible de ne pas penser en même temps à Marie…

P1000709

Marie, Basilique de Vézelay

            Marie enfantant le Fils par l’Esprit est en effet l’image parfaite de l’Eglise enfantant des fils et des filles de Dieu par le même Esprit. Et Marie collabore toujours activement à cette Mission de l’Eglise, qui est tout en même temps celle de son Fils, car elle a reçu de lui, au pied de la Croix, la vocation d’être la Mère de tous les fils et les filles de Dieu… « Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui » (Jn 19,25-27). Et St Jean, dans son Evangile, prend bien soin de ne pas nommer « le disciple bien-aimé », car il représente tous les disciples de Jésus, et donc l’Eglise tout entière… Marie, Mère du Fils par l’Esprit, est ainsi la Mère de tous ceux et celles qui, par leur foi au Fils et l’action du même Esprit, deviennent à leur tour des fils et des filles de Dieu à « l’image du Fils » unique et éternel de Dieu (Rm 8,29)… Le Père Paul Boiteau, ancien curé de Cilaos et supérieur du Petit Séminaire, écrivait ainsi : « Nous sommes les collaborateurs de la Très Sainte Vierge Marie pour la formation de Jésus Christ dans les âmes »…

Marie Lourdes

 « La Femme mit donc au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer[1] ; et son enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône » (Ap 12,5). Au regard des deux interprétations complémentaires que nous venons de voir, « la Femme – Eglise », « la Femme – Marie », ce verset peut se comprendre de deux façons. Si nous pensons à Marie, et donc à son Fils Jésus, le texte nous renvoie au jour de son Ascension (Lc 24,50‑53 ; Ph 2,6-11 ; Ep 1,17-23 ; Ac 7,55–56 ; Rm 8,34).

Mais si nous pensons à « la Femme – Eglise », celui qui a dit « oui » au Christ par sa foi a été uni, au jour de son baptême, au Mystère de sa mort au péché et à celui de sa vie à Dieu. Dès lors, « considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus » (Rm 6,1-11). Dans la foi et l’attente de la résurrection de la chair au dernier Jour, le chrétien est donc déjà ressuscité en tant qu’il participe dès aujourd’hui à la victoire du Christ sur la mort par le don de l’Esprit Saint. Grâce à lui, il a été arraché aux ténèbres et placé dans un état de communion avec ce Dieu qui est Lumière (1Jn 1,5). A lui maintenant de rester fidèle, jour après jour, à cette grâce reçue, pour grandir dans la vie des enfants de Dieu…  « Vous remercierez le Père qui vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière. Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col 1,12‑14). Oui,

[1] Et nous retrouvons avec ce « sceptre de fer » une citation du Ps 2 déjà employé lors du baptême de Jésus par Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain (cf. Lc 3,21-22). Mais Jésus, qui reçoit en cet instant « un baptême de repentir en vue de la rémission des péchés » (Lc 3,3) est descendu dans l’eau pour nous donner l’exemple, pour nous montrer le chemin à suivre (Jn 14,6) … En effet, il est « l’Agneau sans reproche et sans tâche » (1P 1,19), « le Saint, le Juste » (Ac 3,14), « il n’a jamais commis de faute » (1P 2,22 ; Jn 8,46). Il n’avait donc pas besoin de se repentir. Jean-Baptiste le savait bien (Mt 3,13-15). Mais Jésus dans les eaux du Jourdain nous représente tous, plongés dans les eaux du baptême pour que naisse de l’Esprit une création nouvelle de fils et de filles de Dieu vivants de la vie du Fils (2Co 5,17 ; Tt 3,4-7). Et d’ailleurs, ce Psaume 2 qui concerne avant tout le Fils est aussi appliqué aux disciples du Christ en Ap 2,26-28 : « Le vainqueur, celui qui restera fidèle à mon service jusqu’à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations : c’est avec un sceptre de fer qu’il les mènera comme on fracasse des vases d’argile ! Ainsi moi-même j’ai reçu ce pouvoir de mon Père. Et je lui donnerai l’Étoile du matin ». Nous retrouvons, par cette citation commune appliquée au Christ et aux chrétiens, à quel point nous sommes tous appelés à devenir comme le Fils, à son image, vivants de sa vie, partageant son Mystère de communion avec le Père dans l’unité d’un même Esprit…

Marie Nevers Ste Bernadette
Marie Nevers Ste Bernadette

Marie; statue devant laquelle Ste Bernadette aimait prier à Nevers, dans le jardin de sa communauté.

« Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés! –, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2,4-6). « Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire » (Col 3,1-4), « enveloppés de soleil »… Cette « vie cachée avec le Christ en Dieu » est communion dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,1-6) avec le Christ « Lumière du monde » (Jn 8,12), cette Lumière qui, seule, peut briller dans les ténèbres et remporter la victoire sur elle (Jn 1,4-5)… Avec elle « le Prince de ce monde est jeté dehors » (Jn 12,31), hors de nos cœurs. Et la prière du Christ s’accomplit : « Père, je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du mauvais » (Jn 17,15)… Ainsi, le chrétien qui vit dans le monde, est-il déjà par sa foi « enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône » (Ap 12,5) dans la mesure où il vit déjà, au plus profond de son être, un Mystère de Communion avec Dieu dans le silence, la paix et le repos de l’Esprit (Hb 4,3 ; Mt 11,28). Tel est « le Royaume des Cieux » qui est « arrivé jusqu’à nous » par le Don de « l’Esprit de Dieu » (Mt 12,28)…

Notre Dame de France Puy en VelayNotre Dame de France Le Puy en Velay

Marie, Notre Dame de France, Puy en Velay

Tel est « le désert » où nous sommes tous invités à trouver déjà « quelque chose » du vrai bonheur en vivant déjà de la vie de Dieu accueillie par la foi : et « la Femme s’enfuit au désert où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours » (Ap 12,6). Et la Bible de Jérusalem précise en note : le désert est le « refuge traditionnel des persécutés dans l’Ancien Testament (cf. Ex 2,15 ; 1R 19,3s ; 1M 2,29-30). L’Eglise doit fuir loin du monde et se nourrir de la vie divine (cf. Ex 16 ; 1R 17,4-6 ; 19,5-8 ; Mt 4,3-4 ; 14,13-21) ». Sa communion avec Dieu sera alors son refuge, sa forteresse, sa force (Ps 16(15),1 ; 18(17),3 ; 32(31),7 ; 46(45),2 ; 59(58),17 ; 64(63),11 ; 73(72),28 ; 90(89),1 ; 91(90),2 ; 94(93),22 ; 144(143),2). St Jean y revient un peu plus loin lorsqu’il écrit que « la Femme reçut les deux ailes du grand aigle[1] pour voler au désert jusqu’au refuge où, loin du Serpent, elle doit être nourrie un temps et des temps et la moitié d’un temps » (Ap 12,14). « Les deux ailes » nous font bien sûr penser à « l’Esprit Saint » (Mt 3,16 ; Mc 1,10 ; Lc 3,22 ; Jn 1,32) avec lequel et par lequel le Christ Ressuscité vient à nous et nous prend avec lui pour nous emmener dans la Maison du Père, ce Mystère de Communion qu’il vit avec son Père. « Que votre cœur cesse de se troubler ! Croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l’aurais dit ; je vais vous préparer une place. Et quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi, vous soyez » (Jn 14,1‑3).

Marie Notre Dame de France Puy en Velay Marie Notre Dame de France Puy en Velay

Marie, Notre Dame de France, Puy en Velay

Et cela durera « un temps et des temps et la moitié d’un temps » (Ap 12,14), « mille deux cent soixante jours » (Ap 12,6), c’est-à-dire « trois ans et demi »… Cette moitié du chiffre sept, symbole de perfection, « est devenu depuis le Livre de Daniel (Dn 7,25) la durée type de toute persécution », de toute souffrance (cf. Lc 4,25 ; Jc 5,17). « Ici, il s’agit immédiatement de la persécution de Rome, la Bête d’Ap 13 ; 17,10-14 » (Note de la Bible de Jérusalem en Ap 11,2). Ainsi, même si cette période d’épreuve peut sembler longue pour celui qui la subit, tôt ou tard elle s’arrêtera, car Dieu qui est présent  à l’Histoire lutte contre toute injustice avec tous les hommes de bonne volonté…

L’adversaire est ici représenté avec l’image « d’un énorme Dragon rouge feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème. Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s’apprête à dévorer son enfant aussitôt né » (Ap 12,3-4). Ce Dragon est « l’antique Serpent, le Diable (diviseur, en grec) ou le Satan (accusateur, en hébreu), comme on l’appelle, le séducteur du monde entier » (Ap 12,9), « le Prince de ce monde » (Jn 12,31) qui contribue à attiser la haine chez ceux qui se tournent vers le mal…

[1] Allusion au Livre de l’Exode où Dieu délivra Israël des persécutions et des souffrances que leur infligeaient à l’époque les Egyptiens : « Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait aux Égyptiens, et comment je vous ai emportés sur des ailes d’aigles et amenés vers moi » (Ex 19,4-5 ; voir aussi Dt 32,11 ; Is 40,11 ; 46,4 ; 63,9). Et ce que Dieu fit autrefois avec les Egyptiens, il le refera bientôt avec les Romains…

Marie Notre Dame de la Salette

Marie, église de Notre Dame de la Salette

Avec le Christ, « il avait mis au cœur de Judas Iscariote le dessein de le livrer », et ce dernier avait accueilli ce mauvais désir et décidé de le mettre en pratique. Et lorsqu’il sortit pour livrer Jésus, « il faisait nuit », c’était l’heure des ténèbres (Jn 13,2.30)… Ainsi, le démon agit concrètement dans notre monde par tous ceux et celles qui disent « Oui ! » au mal, aux mauvaises pensées, aux convoitises de toutes sortes, à la haine, à la volonté de dominer etc… Dans le Livre de l’Apocalypse, il agit par les Romains qui persécutent les chrétiens… St Jean y fait allusion lorsqu’il décrit cet « énorme Dragon rouge feu » avec « sept têtes », un chiffre qui renvoie aux sept collines de Rome… Mais l’empire romain sera ensuite clairement désigné par l’image de la Bête au chapitre suivant…

            Le Diable s’attaque donc à « ceux qui gardent le commandement de Dieu (cf. Jn 15,12.17) et possèdent le témoignage de Jésus », l’Esprit Saint qui rend témoignage à Jésus en leur cœur (Jn 15,26) et leur donne la force nécessaire pour continuer à rendre témoignage à Jésus, envers et contre tout (Jn 15,27 avec Ac 1,8 ; 4,31). Mais toutes ces souffrances endurées pour l’Evangile sont autant d’occasions à vivre cet Evangile et à plonger au cœur de la Bonne Nouvelle… Et quelle est-elle ? Evoquons-là avec cette phrase de Paul Claudel : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance ; il est venu la remplir de sa Présence », une Présence qui est Joie, Paix, Bonheur Profond, un Bonheur que nul « méchant » ne peut atteindre… « Heureux les affligés, ils seront consolés… Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse » (Mt 5,5.11-12).

Marie Eglise de Ste Praxède Rome

Marie, église Ste Praxède, Rome.

            St Paul écrivait de son côté aux chrétiens de Thessalonique : « Vous avez accueilli la Parole parmi bien des souffrances, avec la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6). La promesse de Jésus s’accomplissait : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; montrez-vous donc prudents comme les serpents et candides comme les colombes. Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux sanhédrins et vous flagelleront dans leurs synagogues ; vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi, pour rendre témoignage en face d’eux et des païens. Mais, lorsqu’on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10,16-20). Et « le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22-23). En effet, écrivait St Paul à Timothée, « ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi. Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier, mais souffre plutôt avec moi pour l’Évangile, soutenu par la force de Dieu » (2Tm 1,7-8).

   Marie, basilique de Vézelay

Marie Vézelay

            Ainsi, Dieu promet la Présence toute particulière de son Esprit Saint au cœur des épreuves endurées pour l’Evangile (Mt 10,24-25 ; Jn 15,18-21 ; 1Th 2,2 ; cf. Ac 9,16 ; 1Co 4,9-13 ; 2Co 1,5 ; 4,8-12 ; 6,4-10 ; 11,23-33 ; Ph 3,10-11 ; Col 1,24). Et la Présence de cet Esprit est toujours synonyme de joie, de consolation, de paix et donc de bonheur… La voilà la Bonne Nouvelle, déjà présente au cœur de notre monde, avec toutes ses souffrances, ses détresses, ses épreuves, dans l’attente et l’espérance de la Jérusalem d’en haut où « il n’y aura plus de pleurs, plus de peines, plus de cris, car l’ancien monde s’en sera allé » (Ap 21,1-4 ; 7,13-17).

Au début de sa seconde Lettre aux Corinthiens, St Paul parle de cette Bonne Nouvelle, la Présence de Dieu par son Esprit au cœur de toutes nos souffrances : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toute notre tribulation, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque tribulation que ce soit. De même en effet que les souffrances du Christ abondent pour nous, ainsi, par le Christ, abonde aussi notre consolation » (2Co 1,3-5). Et la Bible de Jérusalem écrit en note : « La consolation est annoncée par les prophètes comme caractéristique de l’ère messianique. Elle consiste essentiellement dans la fin de l’épreuve et dans le début d’une ère de paix et de joie. Mais, dans le Nouveau Testament, le monde nouveau est présent au sein du monde ancien et le chrétien uni au Christ est consolé au sein même de sa souffrance (2 Co 1,4-7 ; 7 4 ; cf. Col 1,24) ». Dans cette Lettre, « Paul insiste constamment sur la présence de réalités antagonistes, voire contradictoires, dans le Christ, l’apôtre et le chrétien : souffrance et consolation (2Co 1,3-7 ; 7,4), mort et vie (4,10-12 ; 6,9), pauvreté et richesse (6,10 ; 8,9), faiblesse et force (12,9‑10). C’est le mystère pascal, la présence du Christ ressuscité au milieu du monde ancien de péché et de mort ». Et telle est la Bonne Nouvelle…

      Marie, église de Citeaux

Marie Notre Dame de Citeaux

            Au milieu de toutes les difficultés de cette vie, le chrétien n’est donc pas seul. Le Père (Mt 6,6) et le Fils sont avec lui (Mt 28,20) par l’Esprit Saint (Jn 14,15-17 ; 16,7), artisan de toute Communion. La Paix, la Force, la Lumière et la Joie que le Fils reçoit de son Père par l’Esprit sont maintenant communiquées aux croyants par ce même Esprit… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite… Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 15,10 ; 14,27) disait Jésus. Et rien ni personne ne peut empêcher l’Esprit d’être là, présent et agissant au cœur de celui ou celle qui le reçoit dans la prière… Avec lui et par lui, Dieu règne avec puissance et donne la victoire : « Désormais, la victoire, la puissance et la royauté sont acquises à notre Dieu » (Ap 12,10)… Avec lui et par lui, « la domination est acquise au Christ puisqu’on a jeté bas l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu » (Ap 12,10)… « Satan », en effet, veut dire « accusateur »… Il est le Séducteur qui, si l’on consent à ses tentations, nous fait tomber, puis ensuite nous accuse, nous condamne, nous désespère… « Dieu, lui, ne juge personne » (Jn 5,22) et ne condamne jamais (Jn 8,11 ; 3,16-18). Il sait que celui qui tombe se fait mal et qu’il souffre… Aussi le regarde-t-il avec amour et compassion. Et il va même avec son Fils jusqu’à prendre sur lui sa souffrance pour le soutenir, le soulager, le délivrer (Mt 8,17 ; 11,28-30 ; Is 52,13-53,12). Son seul désir est de nous sauver, de nous relever, de nous pardonner, de nous délivrer pour que nous puissions retrouver avec lui la vie, la paix et la joie que nous avions perdues par suite de nos fautes… Si nous consentons à sa Miséricorde, nous serons dans la joie (Ap 12,12) et notre joie fera sa joie (So 3,14-20).

                                                                                                             D. Jacques Fournier

 

AP – SI – Fiche 22 – Ap 12 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.

 




La septième trompette (Ap 11,14-19)

      (14) Le deuxième  Malheur  a passé, voici que le troisième accourt ! (15) Et le septième Ange sonna… Alors, au ciel, des voix clamèrent :  La royauté du monde est acquise à notre Seigneur ainsi qu’à son Christ ; il régnera dans les siècles des siècles. (16) Et les vingt-quatre Vieillards qui sont assis devant Dieu, sur leurs sièges, se prosternèrent pour adorer Dieu en disant :

(17)  Nous te rendons grâce, Seigneur, Dieu Maître-de-tout,  Il est et Il était , parce que tu as pris en main ton immense puissance pour établir ton règne.

(18) Les nations s’étaient mises en fureur; mais voici ta fureur à toi, et le temps pour les morts d’être jugés; le temps de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints, et ceux qui craignent ton nom, petits et grands, et de perdre ceux qui perdent la terre.

(19) Alors s’ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d’alliance apparut, dans le temple; puis ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres et un tremblement de terre, et la grêle tombait dru…

 

            Cette septième trompette conclut le septénaire des trompettes commencé en 8,6‑13 pour les quatre premières, puis en 9,1-21 pour les cinquième et sixième. Et souvenons-nous : avec la sixième trompette, St Jean évoquait tous les fléaux des guerres de toutes sortes qui peuvent frapper les hommes où qu’ils soient sur cette terre. Et malgré cela, ceux qui « ont échappé à l’hécatombe de ces fléaux » ne se sont pas convertis… Mystère de l’intensité de ce que nous appelons « péché », « ténèbres », « aveuglement », « résistance à Dieu », « désobéissance » et donc « refus de se convertir »… Mais Dieu poursuit son œuvre de salut envers et contre tout, avec cette humanité blessée, telle qu’elle est, et pour elle… « Eloigne-toi de moi », disait St Pierre à Jésus, « car je suis un homme pécheur » (Lc 5,8). Mais « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16-17). Alors Pierre fera l’expérience difficile et douloureuse de sa faiblesse et de sa misère, mais il découvrira tout en même temps l’intensité de l’Amour de Dieu pour lui, envers et contre tout, et il en pleurera (Lc 22,62). Et son annonce de l’Evangile, vécue au sein d’une conversion permanente, sera avant tout un témoignage rendu au « Père des Miséricordes » (2Co 1,3) qui veut notre salut plus que nous-mêmes (1Tm 2,3-6 ; Lc 15,1-7 ; Mt 18,12-14 ; Jn 6,37-40 et le Père donne au Fils le monde à sauver ; mais encore faut-il lui dire « oui ! »)… Ainsi, « quand nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste à jamais fidèle » (2Tm 2,13), poursuivant inlassablement par l’action de l’Esprit Saint et la collaboration des hommes de bonne volonté (1Co 3,5-9) son œuvre universelle de salut (2Co 5,16-6,2)… C’est ce que St Jean va dire ici avec cette septième trompette. En effet, elle avait été annoncée en Ap 10,7 comme « l’accomplissement du mystère de Dieu, comme il en fit l’annonce à ses serviteurs les prophètes ». Or qu’annoncèrent les prophètes ? st jeanUn salut offert par Dieu (So 3,14‑15) et mis en œuvre à son initiative par un Messie juste, victorieux et humble (Za 9,9-10). Il nous offrira alors comme premier cadeau « le pardon des péchés » (Lc 1,76-79). Ce pardon sera accueilli par tous ceux et celles qui accepteront de s’engager dans une démarche de repentir sincère, de tout cœur, sous le regard aimant de Dieu qui nous connaît mieux que nous-mêmes (Lc 3,3 ; 24,46-48 ; Ac 2,38 ; 5,31 ; 10,43 ; 13,38-39 ; 26,13-18 ; 1Co 13,12). Alors Dieu pourra faire ce qu’il désire tant : nous réconcilier avec Lui pour que nous puissions trouver en Lui la Plénitude de la Vie, de la Paix, de la Joie. Soutenus et aidés par sa grâce qui vient la première à notre rencontre, dès que nous lui aurons dit ce « oui ! » de tout cœur qu’il attend, il enlèvera bien vite par son Fils, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), tout ce qui pouvait nous séparer de lui, nous fermer à lui. Nous recevrons alors le don du Saint Esprit qui nous établira, dès aujourd’hui, dans la foi, en communion de vie avec Lui. Tel est ce que le Nouveau Testament appelle « le Royaume des Cieux » : un Mystère de Communion avec Dieu dans l’unité d’un même Esprit (Rm 14,17 ; Ep 4,3). C’est ainsi que Jésus en St Marc parle tout en même temps « d’entrer dans le Royaume de Dieu » (Mc 9,47), et « d’entrer dans la vie » (Mc 9,43.44), une vie qui est le fruit de la Présence de l’Esprit au cœur de celui ou celle qui accepte de le recevoir, car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; Ga 5,25). Le voilà donc « le règne sur le monde de notre Seigneur et de son Christ » (Ap 11,15) et il commence dès maintenant au cœur de tous ceux et celles qui l’accueillent dans la foi et deviennent ainsi « des enfants de Dieu » (Jn 1,12-13) « vivant de sa vie » (Jn 20,30-31 ; 6,47). Oui, dès maintenant, « tout est accompli » (Jn 19,30), et donc tout est à recevoir, à faire passer dans notre vie, même si nous ne pouvons qu’attendre la pleine réalisation du projet de Dieu sur nous, par-delà notre mort, avec « la résurrection de la chair au dernier Jour » (Crédo). Mais le Christ est déjà ressuscité, une humanité glorifiée vit déjà en parfaite communion avec le Père, pour « les siècles des siècles »… Et avec lui, c’est déjà toute l’humanité qui est passée par la mort et la résurrection… C’est fait, mais pour nous, tout reste malgré tout à faire, et rien ne se fera sans notre consentement à la grâce donnée, ce « oui » de la foi, dès maintenant, dans la foi… Avec lui, nous commençons à suivre celui que nous ne voyons pas pour l’instant. Mais il est « le chemin » qui, par « la vérité » et la Miséricorde de Dieu, nous conduit à la Plénitude de « la Vie » du Ciel (Jn 14,6). Et si nous ne voyons toujours pas le ciel ici-bas, la vie du ciel, elle, nous est par donnée dès maintenant, une vie qui se poursuivra ensuite « dans les siècles des siècles »… Et ce n’est que par‑delà notre mort que nous verrons enfin, en face à face, celui que notre foi ne fait aujourd’hui que pressentir, grâce justement à cette vie nouvelle, cette paix, cette joie qu’il nous est donnée de recevoir dès ici-bas de la Miséricorde de Dieu…

 

Man jump through the gap. Element of design.

« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ :

dans sa grande miséricorde, il nous a engendrés de nouveau

par la Résurrection de Jésus Christ d’entre les morts,

pour une vivante espérance, 

            pour un héritage exempt de corruption, de souillure, de flétrissure,

et qui vous est réservé dans les cieux,

            à vous que, par la foi, la puissance de Dieu garde pour le salut

prêt à se manifester au dernier moment.   

            Vous en tressaillez de joie,

bien qu’il vous faille encore quelque temps être affligés par diverses épreuves, 

            afin que, bien éprouvée, votre foi,

plus précieuse que l’or périssable que l’on vérifie par le feu,

devienne un sujet de louange, de gloire et d’honneur,

lors de la Révélation de Jésus Christ. 

            Sans l’avoir vu vous l’aimez ; sans le voir encore, mais en croyant,

vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire, 

                        sûrs d’obtenir l’objet de votre foi : le salut des âmes » (1P 1,3-9).  

 

            Souvenons-nous : les vingt-quatre Vieillards représentent l’ensemble de ceux et celles qui ont fini leur pèlerinage sur cette terre et accepté le salut de Dieu. Ils vivent désormais ce que nous appelons « la communion des saints », « saints » car sanctifiés par la Toute Puissance de Celui qui n’est que Miséricorde (cf. Lc 1,49-50). Ils remercient le Père qui les a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière. Il les a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et transférés dans le Royaume de son Fils bien aimé en qui « nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col 1,12-14). fouleGrâce à ce pardon obtenu par le sacrifice du Christ sur la Croix et mis en œuvre très concrètement par l’Eau Vive de l’Esprit qui a lavé leur cœur de toute souillure, Dieu les a sanctifiés (cf. 1Th 5,23-24) de telle sorte qu’ils sont maintenant « tout resplendissants, sans tâche ni ride ni rien de tel, mais saints et immaculés » (Ep 5,25-27). Son projet s’est accompli pour eux (Ep 1,3-10) : il a pu, grâce à leur consentement, leur partager son Royaume et sa Gloire… « Vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siègerez sur des trônes » (Lc 22,30), avait dit Jésus à ses disciples, et à travers eux à toute l’Eglise, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté… Et c’est bien ce qui est arrivé : « les vingt quatre Vieillards », toute la communion des saints, « sont assis devant Dieu sur leurs trônes » (Ap 11,16 ; 4,4), à l’image et ressemblance du Fils unique (Rm 8,29) « assis à la droite de Dieu » (Col 3,1) par sa Résurrection et son Ascension au plus haut des cieux (Ph 2,6-11)… Et « ils se prosternent pour adorer Dieu en disant : « Nous te rendons grâce, Seigneur, Dieu Maître-de-tout, “Il est et Il était” (et ils ne disent pas « Il vient », car Il est là, avec eux, devant eux, en face à face) parce que tu as pris en main ton immense puissance pour établir ton règne ». Cette immense puissance est celle de sa Miséricorde révélée par le Christ en Croix, portant sur lui notre péché, souffrant de nos souffrances, mourant de notre mort (Mt 8,17, citation d’Is 52,13-53,12 ; 2Co 5,21 ; 1P 2,21-25)… « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Toi la Source d’Eau Vive (Jr 2,13 ; 17,13), en te rejetant, en me rejetant (Jn 5,26 ; 7,37‑39 ; 10,10), ils se tuent (Jn 5,40), et ils n’en ont pas conscience !… Alors, je meurs de leur mort pour qu’un jour, ils puissent vivre de notre vie… « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). Ressuscité, le Christ continuera de mettre en œuvre cette Miséricorde Toute Puissante par son Eglise qui est son Corps (1Co 12,12-13.27 ; Ep 4,4-6 ; 2Co 5,20 ; 2Co 13,3 ; Lc 10,16) et par l’Esprit Saint (1Co 2,1-5), Puissance (Lc 4,14) d’Amour (Rm 5,5) de Dieu (Jn 4,24 avec 1Jn 4,8.16)…

 communion des saints

« Les nations s’étaient mises en fureur ; mais voici ta fureur à toi » (Ap 11,18). Au déchaînement de violence dans le monde, Dieu répond par le déchaînement de son Amour, par la Toute Puissance de sa grâce, cachée, silencieuse, discrète, mais capable de remporter dès maintenant la victoire au cœur de tous ceux et celles qui l’accueillent dans leurs épreuves, leurs souffrances, leurs maladies, leurs détresses… « La Lumière » de l’Amour (cf. 1Jn 1,5 ; 4,8.16) « a brillé dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). « Maintenant, le Prince de ce monde est jeté dehors » (Jn 12,31), hors du cœur et de la vie de ceux, qui, par leur foi, sont déjà « un seul esprit avec le Seigneur » (1Co 6,17), car sur Lui et sur Lui seul, « il n’a aucun pouvoir » (Jn 14,30). Heureux alors, ceux qui se confient dans le Seigneur, même si notre vie ici-bas ne peut qu’être marquée par le combat (Ep 6,10-13) et les souffrances de toutes sortes (1P 1,6). « Mais il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous » (Rm 8,1)… 

Mais contrairement à « la fureur » du monde, cette « fureur » de l’Amour, expression de l’ardent désir de Dieu qui « veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4) respecte l’autre, ne cherche que le bien de l’autre… Mais Dieu, parfois, n’hésite pas à se mettre en colère (Mc 3,5) pour interpeller les pécheurs (Jn 2,13-17), et leur permettre ainsi de prendre conscience de leurs erreurs, de leurs mauvais choix qui les conduisent à la mort. Et cela, Dieu, de tout son cœur, ne le veut pas (Ez 33,11 ; 18,23). 

« Voici donc ta fureur à toi, et le temps pour les morts d’être jugés » (Ap 11,18). Qui sont ces morts ? A la lumière de l’Evangile selon St Jean, nous pouvons penser tout d’abord aux pécheurs qui, quelque part, vivent un état de mort spirituelle par suite de leurs fautes. Car « le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23), dès maintenant… Mais « l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (Jn 5,25). jésus frappe à la porteD’une manière ou d’une autre, « la voix du Fils de Dieu » se propose donc à tout homme : voix de sa conscience au plus profond de lui-même (Rm 2,14-15), voix de la vérité et de la justice à travers tout ce qui, en ce monde, est porteur de telles valeurs, et, par excellence, voix de l’Evangile proclamé aujourd’hui encore par les disciples du Christ… Et c’est à chacun, en toute liberté et conscience, de répondre à Celui qui est « Vérité » (Jn 14,6 ; 6,32 ; 8,40) et « Justice » (Ac 3,14 ; 22,14) avec l’aide et le soutien de « l’Esprit de Vérité » (Jn 14,17 ; 15,26 ; 16,13) envoyé « en mission par toute la terre » (Ap 5,6)… A travers cette « voix du Fils » se révèle « le Père qui ne juge personne » (Jn 5,22) : « Je ne te condamne pas », dit ainsi Jésus à la femme surprise en flagrant délit d’adultère ; « va, désormais ne pèche plus » (Jn 8,11). « Dieu », en effet, « n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,17). Alors, si « le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23), les pécheurs qui accepteront de répondre à cette Voix du Fils qui les appelle au repentir recevront le pardon de toutes leurs fautes et avec lui « le don gratuit de Dieu, la vie éternelle » (Rm 6,23), dès maintenant, dans la foi… Tout dépend donc de la réponse, du consentement donné ou non à la grâce qui, par le Christ, vient frapper à notre cœur pour nous appeler au salut… Alors, celui qui croit en ce Dieu qui ne juge personne et ne désire que son salut ne sera pas jugé. Mais celui qui refusera de croire se privera lui-même du salut offert : il se condamnera lui-même (Jn 3,18)…

 Jean 5

L’expression « le temps pour les morts d’être jugés » ne peut bien sûr que nous faire penser à tous ceux et celles qui sont déjà passés par la mort. Or tel fut le Fils ici-bas parmi les hommes, tel il est au ciel pour l’éternité (Hb 13,8)… Et tous les morts, nous dit St Jean, ressusciteront : « Ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, et ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement » (Jn 5,28‑29), un jugement qui se fera toujours à la Lumière de Celui qui « ne juge personne » (Jn 5,20). Alors, il en sera au ciel comme il en est déjà sur cette terre, dans la foi : « celui qui croit en lui n’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas en lui est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique de Dieu » (Jn 3,18)… L’important est donc de dire « Oui ! » à Jésus, l’Unique « Sauveur du monde » (Jn 4,42), dès maintenant et le plus rapidement possible… Et l’Eglise prie chaque jour pour les défunts, pour que tous disent ce « Oui ! » au Christ qui nous appelle tous à sa Lumière et à sa Vie… 

C’est donc dès maintenant, en toute liberté, en toute conscience et de tout cœur, que nous sommes invités à répondre « oui » à Dieu en lui offrant avec confiance toute notre vie et notamment tout ce qui ne fut pas conforme à sa volonté… Alors, il commencera à mettre en oeuvre sur la terre ce qui se poursuivra ensuite au ciel : une vie de communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit… prodigueEt tout ceci se réalise par excellence au moyen des sacrements que le Christ a donnés à son Eglise. Voilà pourquoi il est si important d’annoncer Dieu au monde, de lui présenter son Amour, sa Tendresse, son Infinie Miséricorde, ce salut, cette Plénitude, ce Bonheur éternel qu’il veut pour chacun de nous plus que nous-mêmes… La mission du Christ était de nous faire connaître le Père (Jn 1,18), de manifester son Nom (Jn 17,6), c’est à dire « Qui » il est… Ensuite, c’est à chacun, en toute liberté, aidé par l’Esprit Saint (1Co 12,3), d’accepter ou de refuser cet Amour, un Amour têtu qui, en cas de refus, se proposera et se proposera encore… Et le Christ compte maintenant sur chacun d’entre nous pour que cette mission puisse se poursuivre de génération en génération, et cela jusqu’à la fin des temps. Mais avec ses disciples et par eux, c’est Lui et Lui seul qui continue à révéler le Père par l’action de l’Esprit Saint… « Je leur ai fait connaître ton Nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux. Allez donc dans le monde entier, je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Jn 17,26 ; Mt 28,18-20 ; Mc 16,14-20 ; Rm 15,15-19)…

 

Et « si le temps est venu pour les morts d’être jugés », « le temps » est aussi venu « de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints, et ceux qui craignent ton nom, petits et grands, et de perdre ceux qui perdent la terre » (Ap 11,18). L’accent en ce verset est mis sur l’obéissance au Christ, à sa Parole, à son Esprit…

St Paul l’appelle « l’obéissance de la foi » (Rm 1,5 ; 16,26 ; cf. 6,16, 15,18 ; 16,19 ; 2Co 7,15 ; 9,13 ; 10,6 ; Ep 6,5-6 ; Ph 2,12 ; Paul et ses compagnons « serviteurs » de Dieu et du Christ : Rm 1,1 ; Ga 1,10 ; Col 4,12 ; 1Tm 4,6 ; 2Tm 2,24 ; Tt 1,1) une attitude qui devrait caractériser tout chrétien et qui l’engage tout entier, à l’image et ressemblance du Fils dont la seule nourriture était d’accomplir la volonté du Père, et donc de lui obéir dans l’amour (Jn 4,34 ; 15,9-10 ; 14,31 ; 5,19-20 ; Christ Serviteur du Père : Ac 3,13 ; 3,26 ; 5,27)… St Benoît commence ainsi sa Règle : Paris Surréalistes+annexes« Ecoute, ô mon fils, les préceptes du Maître, et incline l’oreille de ton cœur. Reçois volontiers l’avertissement d’un père plein de tendresse, et accomplis-le efficacement, afin que le labeur de l’obéissance te ramène à celui dont t’a éloigné la lâcheté de la désobéissance. A toi donc s’adresse en ce moment ma parole, qui que tu sois, qui, renonçant à tes propres volontés pour militer sous le vrai Roi, le Seigneur Jésus Christ, prends en main les puissantes et glorieuses armes de l’obéissance »… 

Et dans la langage biblique, « craindre Dieu », c’est encore tenir compte de lui, l’écouter, lui obéir… Les « serviteurs » de Dieu sont donc « ceux qui craignent son Nom, petits et grands », et leur obéissance commence à les conduire sur les chemins de la sainteté car ils obéissent à Celui là seul qui peut sanctifier, qui désire le faire, et qui attend notre libre consentement pour qu’il en soit effectivement ainsi… Et « les prophètes » dans la Bible sont avant tout ceux qui ont reçu comme vocation de transmettre la Parole de Dieu qu’ils ont d’abord reçue… Ce qui sous entend d’obéir à l’appel reçu, d’écouter cette Parole, pour ensuite essayer de la servir le mieux possible en la transmettant aux autres… Et tout baptisé est un prophète appelé à se faire le serviteur de « la Parole de Vérité, l’Evangile » pour « le salut »(Ep 1,13) de tous… Au jour de son baptême, il a en effet reçu « l’onction du saint chrême, huile parfumée consacrée par l’évêque » qui « signifie le don de l’Esprit Saint au nouveau baptisé. Il est devenu un chrétien, c’est-à-dire  » oint  » de l’Esprit Saint, incorporé au Christ, qui est oint prêtre, prophète et roi » (Catéchisme de l’Eglise Catholique & 1241 ; cf. 1546).

prier-pere-fils-saint-espritEnfin, le chapitre 11 se termine par une vision du « Temple de Dieu dans le ciel » qui « s’ouvre » et laisse apparaître « l’arche d’alliance »… L’image du Temple au ciel, comme celle de « la Maison de Dieu » en St Jean, renvoie à nouveau à ce Mystère de Communion que le Père, le Fils et l’Esprit Saint vivent de toute éternité dans l’unité d’un même Esprit qui est tout à la fois Amour, Lumière, Paix, Joie… Et c’est à ce Mystère de Communion que nous sommes tous appelés, un Mystère qui commence dès ici-bas dans la foi et par une foi vivante qui accueille le Don de l’Esprit… Telles sont ces Noces Nouvelles que le Christ est venu sceller avec l’humanité tout entière en versant sur la Croix « le sang de l’Alliance répandu pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28 ; Mc 14,24). Le Miracle des Noces de Cana (Jn 2,1-12) en est l’illustration, en acte, « le bon vin » symbolisant le Don de l’Esprit Saint, ce grand cadeau que Dieu veut faire à tous les hommes…

Et tout s’achève comme par une signature divine avec « les éclairs », « les voix », « les tonnerres », « le tremblement de terre » et « la grêle », autant d’éléments que l’on retrouve très souvent dans l’Ancien Testament lors des manifestations divines…

Jacques Fournier

 

AP – SI – Fiche 21 – Ap 11,14-19 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




Les deux témoins (Ap 11,1-13)

            « Puis on me donna un roseau, une sorte de baguette, en me disant :  Lève-toi pour mesurer le Temple de Dieu, l’autel et les adorateurs qui s’y trouvent ; (2) quant au parvis extérieur du Temple, laisse-le, ne le mesure pas, car on l’a donné aux païens : ils fouleront la Ville Sainte durant quarante-deux mois. (3) Mais je donnerai à mes deux témoins de prophétiser pendant mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs. (4) Ce sont les deux oliviers et les deux flambeaux qui se tiennent devant le Maître de la terre. (5) Si l’on s’avisait de les malmener, un feu jaillirait de leur bouche pour dévorer leurs ennemis; oui, qui s’aviserait de les malmener, c’est ainsi qu’il lui faudrait périr. (6) Ils ont pouvoir de clore le ciel afin que nulle pluie ne tombe durant le temps de leur mission ; ils ont aussi pouvoir sur les eaux, de les changer en sang, et pouvoir de frapper la terre de mille fléaux, aussi souvent qu’ils le voudront. (7) Mais quand ils auront fini de rendre témoignage, la Bête qui surgit de l’Abîme viendra guerroyer contre eux, les vaincre et les tuer. (8) Et leurs cadavres, sur la place de la Grande Cité, Sodome ou Égypte comme on l’appelle symboliquement, là où leur Seigneur aussi fut crucifié, (9) leurs cadavres demeurent exposés aux regards des peuples, des races, des langues et des nations, durant trois jours et demi, sans qu’il soit permis de les mettre au tombeau. (10) Les habitants de la terre s’en réjouissent et s’en félicitent ; ils échangent des présents, car ces deux prophètes leur avaient causé bien des tourments. (11) Mais, passés les trois jours et demi, Dieu leur infusa un souffle de vie qui les remit sur pieds, au grand effroi de ceux qui les regardaient. (12) J’entendis alors une voix puissante leur crier du ciel  Montez ici !  Ils montèrent donc au ciel dans la nuée, aux yeux de leurs ennemis. (13) À cette heure-là, il se fit un violent tremblement de terre, et le dixième de la ville croula, et dans le cataclysme périrent sept mille personnes. Les survivants, saisis d’effroi, rendirent gloire au Dieu du ciel. »   

            Ce passage est quelque peu mystérieux, mais les notes de nos Bibles nous donnent tous les éléments nécessaires à son interprétation. Les deux principales seront mentionnées par leurs abréviations : Bible de Jérusalem (BJ), Traduction Oeucuménique de la Bible (TOB).

            Jusqu’à présent, St Jean a entendu « une voix » (Ap 10,4.8), qui reviendra en Ap 11,12, et l’Ange (Ap 10,6-7.9). Soulignons l’alternance des deux… Si la voix renvoie à Dieu le Père, si l’Ange symbolise ici le Christ, nous constatons à nouveau à quel point ils collaborent tous les deux à la même œuvre. Celui qui écoute le Fils écoute le Père qui l’a envoyé (Mc 9,37) car « ce que je dis », déclare Jésus, « tel que le Père me l’a dit, je le dis » (Jn 12,50 ; cf. 3,34 ; 7,16-17 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 14,10.24 ; 17,7-8). Alors, si en Ap 10,11 et 11,1 l’auteur ne précise pas « qui » lui parle, c’est toujours la volonté du Père qui s’exprime, soit directement, soit plutôt par son Fils, « l’Ange », « le messager » par excellence, chargé de nous transmettre sa Parole. Ici encore, « c’est donc sans doute le Christ qui parle » (Osty)… 

Christ Sauveur

            Et St Jean est invité à « mesurer le Temple de Dieu, l’autel et les adorateurs qui s’y trouvent ». « Il s’agit d’un mesurage symbolique en vue d’une préservation (cf. v.2) » (Osty). Tous ceux et celles qui, de manière imagée, seront « à l’intérieur », n’auront donc rien à craindre des persécutions et des souffrances de toutes sortes qui pourraient s’abattre sur eux : Dieu les protègera, veillera sur eux, il les consolera, les réconfortera… Il sera pour eux ce roc sur lequel la maison de leur vie tiendra bon malgré « la pluie, les torrents et les vents » qui pourraient s’abattre sur elle (Mt 7,24‑25). Nous sommes au cœur de la Bonne Nouvelle : Présence du Christ offerte sans conditions, par amour, pour que nous puissions trouver avec Lui, dès aujourd’hui, dans la foi et par notre foi, « quelque chose » de cette Plénitude de l’Esprit qui nous permettra de tenir bon dans l’épreuve. « Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage… Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde, et j’ai vaincu le monde » (Jn 16,33 ; Mt 28,20). St Jean s’inspire peut-être ici du Livre de Zacharie où il s’agit de « mesurer Jérusalem » pour lui assurer ensuite la protection de Dieu et sa Présence au milieu d’elle, Source de Gloire, et donc de Lumière et de Vie… « Je levai les yeux et j’eus une vision. Voici : il y avait un homme, et dans sa main, un cordeau pour mesurer. Je lui dis : « Où vas-tu ? » Il me dit : « Mesurer Jérusalem, pour voir quelle est sa largeur et quelle est sa longueur. » Et voici : l’ange qui me parlait s’avança et un autre ange s’avança au devant de lui. Il lui dit : « Cours, parle à ce jeune homme et dis-lui : Jérusalem doit rester ouverte, à cause de la quantité d’hommes et de bétail qui s’y trouve.  Quant à moi, je serai pour elle – oracle du Seigneur – une muraille de feu tout autour, et je serai sa Gloire »  (Za 2,5-9).

BonPasteur            « Le Temple de Dieu, l’autel et les adorateurs qui s’y trouvent » représentent donc ici l’Eglise, cette communauté de pécheurs rassemblés par le Christ Bon Pasteur (Lc 15,4-7 ; 5,31-32). Le premier cadeau qu’ils ont reçu par une démarche sincère de repentir, dans la vérité de leur misère acceptée, regrettée et offerte, fut le pardon de toutes leurs fautes. Et avec ce pardon, le Christ leur a offert en surabondance « l’Eau Vive de l’Esprit », cet Esprit qui les établit dès maintenant dans un Mystère de Communion avec Lui et avec son Père (Ep 4,1-6 ; 2,18 ; 2Co 13,13 ; 1Jn 1,1-4). Jésus disait ainsi à la Samaritaine : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père… (En effet), l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est Esprit, et ceux qui adorent, c’est en Esprit et en vérité qu’ils doivent adorer » (Jn 4,21-24). Et l’Eglise trouve dans ce Mystère de Communion avec Dieu, « en Esprit et en vérité », une source de réconfort et de paix au cœur de toutes les souffrances de ce monde…

 

            C’est pourquoi St Jean précise : « Quant au parvis extérieur du Temple, laisse-le, ne le mesure pas, car on l’a donné aux païens : ils fouleront la Ville Sainte durant quarante-deux mois ». De cœur, dans l’intériorité et l’invisible de leur vie de foi vécue avec le Seigneur, les chrétiens ont accès « aux parvis du Seigneur », dans « la Maison du Père » : ce Mystère de Communion où le Christ les a établis dès maintenant, par leur foi et dans la foi… Aussi, « il est beau de te louer, Dieu, dans Sion… (Car) jusqu’à toi vient toute chair avec son poids de péché ; nos fautes ont dominé sur nous : toi, tu les pardonnes. Heureux ton invité, ton élu : il habite ta demeure ! Les biens de ta maison nous rassasient, les dons sacrés de ton Temple ! » (Ps 65(64),2-5). Oui, « de quel amour sont aimées tes demeures », nos cœurs, « Seigneur, Dieu de l’univers ! Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ; mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant ! L’oiseau lui-même s’est trouvé une maison et l’hirondelle, un nid pour abriter sa couvée : tes autels, Seigneur de l’univers, mon Roi et mon Dieu ! Heureux les habitants de ta maison : ils pourront te chanter encore ! Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s’ouvrent dans leur cœur ! Quand ils traversent la vallée de la soif, ils la changent en source ; de quelles bénédictions la revêtent les pluies de printemps ! Ils vont de hauteur en hauteur, ils se présentent devant Dieu à Sion… Oui, un jour dans tes parvis en vaut plus que mille. (C’est pourquoi) j’ai choisi de me tenir sur le seuil, dans la maison de mon Dieu, plutôt que d’habiter parmi les infidèles. (Car) le Seigneur Dieu est un soleil, il est un bouclier ; le Seigneur donne la grâce, il donne la gloire. Jamais il ne refuse le bonheur à ceux qui vont sans reproche. Oh Seigneur, Dieu de l’univers, heureux qui espère en toi ! » (Ps 84(83).

 jésus enseignant 2

            Dans « les parvis du Seigneur », uni à Lui dans la communion d’un même Esprit, le disciple du Christ trouve donc auprès de son Seigneur « Soleil et Bouclier », une Source de Vie, de Lumière, de réconfort et de Paix… « A l’intérieur », dans cette communion vécue au plus profond de son coeur, il est en paix, alors que « l’extérieur », « le parvis extérieur du Temple » (Ap 11,2), la vie en ce monde, peut être secoué par toutes sortes d’épreuves : à l’époque de St Jean, les persécutions déclenchées par les Romains, aujourd’hui, toutes les souffrances que les hommes peuvent rencontrer en ce monde… « Je m’arrange, même au milieu de la tempête, de façon à me conserver bien en paix au dedans » (Ste Thérèse de Lisieux ». Et cela durera pendant « quarante deux mois », « trois ans et demi », « durée type de toute persécution (cf. Dn 7,25). Ici, il s’agit immédiatement de la persécution de Rome » (BJ), mais la perspective s’étend « au temps de l’Eglise sur la terre » (TOB), sans jamais oublier que si « cette période de malheur est d’assez longue durée », elle n’en demeure pas moins « limitée » (Osty) : un jour, le temps de l’épreuve prendra fin (cf. Ap 7,13-17 ; 21,1-4)… Et déjà, dans l’aujourd’hui de la foi, « brille la véritable Lumière alors que les ténèbres s’en vont » (1Jn 2,8)…

 

            Telle est la Bonne Nouvelle dont l’Eglise est la première bénéficiaire et qu’elle est invitée à annoncer dans le monde entier « pendant douze cent soixante jours » (Ap 11,3), c’est-à-dire « quarante deux mois » (Ap 11,2), « trois ans et demi », tout ce temps de l’Eglise vécu sur cette terre d’épreuves, « jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,16-20 )… C’est pour cela que Jésus avait choisi les Douze et les avait envoyés en mission (Lc 9,1‑6). Puis, il en avait choisi encore « soixante-douze autres et il les  avait envoyés deux par deux en avant de lui dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller ». Et il leur avait dit : « Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups… En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : « Paix à cette maison ! »… (Puis) « le Royaume de Dieu est tout proche de vous » (Lc 10,1-16). « Douze » plus « soixante douze », cela fait sept fois douze… Le chiffre « sept » étant symbole de Plénitude, c’est donc toute l’Eglise fondée sur les Douze Apôtres qui, avec eux, est appelée à rendre témoignage à la Bonne Nouvelle du Salut. C’est ce que St Jean évoque ici en écrivant : « Et je donnerai à mes deux témoins de prophétiser pendant mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs » (Ap 11,3). « Les deux témoins » représentent toute l’Eglise des disciples du Christ « envoyés deux par deux » dans le monde pour rendre témoignage à tout ce qu’ils ont vécu avec le Christ, tout ce qu’ils ont vu et entendu… Souvenons-nous des dernières paroles de Jésus en St Luc : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins. Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en-haut » (Lc 24,46-49). Soutenus par « la force d’en haut », l’Esprit Saint leur donne « d’exprimer en termes spirituels les réalités spirituelles » (1Co 2,9-13). Ils peuvent alors être les « témoins » qu’un « repentir » sincère (c’est pourquoi ils sont « revêtus de sacs » en Ap 11,3 (cf. Lc 10,13)) reçoit aussitôt « la rémission des péchés » : ils l’ont eux mêmes vécu, ils ont fait l’expérience du salut grâce « aux entrailles de miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,76-79). 

La-force-de-lesprit En agissant ainsi ils sont comme « deux oliviers et deux lampadaires dressés devant le Seigneur de la terre » (cf. Za 4,1-14). En effet, par leur baptême, ils ont reçu « l’huile d’onction », l’Esprit Saint (cf. Lc 4,18-19 ; 2Co 1,20-21 ; 1Jn 2,20 avec 1Co 2,12 et 1Co 12,7-11). Et Dieu, par leur témoignage, continue de répandre et de proposer cette même huile d’onction à tous ceux et celles qui accepteront de répondre de tout cœur à son appel à se repentir (cf. Ac 2,37-39 ; 1Co 2,1-5). Ils sont aussi « deux lampadaires » car jadis « ils étaient ténèbres, mais maintenant », par leur baptême et le Don de l’Esprit, « ils sont Lumière dans le Seigneur » (Ep 5,8). La promesse du Seigneur s’est accomplie pour eux : « Moi, Lumière, je suis venu dans le monde afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres mais ait la Lumière de la Vie » (Jn 12,46 ; 8,12). « Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,15-16). Telle est la mission à laquelle sont appelés tous les disciples du Christ…Et « si l’on s’avisait de les malmener, un feu jaillirait de leur bouche pour dévorer leurs ennemis » (Ap 11,4), car le Seigneur, Lui qui est « un Feu dévorant » (Dt 4,24). « Il agit avec eux et confirme la Parole par les signes qui l’accompagnent » (Mc 16,20 ; Rm 15,17-19 ; 1Co 2,1-5), il veille sur eux, il s’occupe d’eux, il les protège… C’est pourquoi il avait dit à St Paul : « Je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi, pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,17‑18). Et St Paul constata maintes et maintes fois cette Présence du Seigneur au cœur de toutes les souffrances endurées pour la diffusion de l’Evangile. Une fois, il crut même qu’il allait mourir : « Nous ne voulons pas que vous l’ignoriez, frères : la tribulation qui nous est survenue en Asie nous a accablés à l’excès, au-delà de nos forces, à tel point que nous désespérions même de conserver la vie. Vraiment, nous avons porté en nous-mêmes notre arrêt de mort, afin d’apprendre à ne pas mettre notre confiance en nous-mêmes mais en Dieu, qui ressuscite les morts. C’est lui qui nous a délivrés d’une telle mort et nous en délivrera ; en lui nous avons cette espérance qu’il nous en délivrera encore » (2Co 1,8-10 ; 1Co 4,9-13 ; 2Co 4,5-10 ; 6,4-10). 

            Certains pensent d’ailleurs que « les deux témoins » évoqués en 11,3, et qui vont connaître une fin tragique (Ap 11,7-10), sont les apôtres « Pierre et Paul, martyrisés à Rome sous l’empereur Néron en 64-67 ap JC » (BJ). Mais si « l’auteur vise deux martyrs chrétiens de son époque, le voile des traits allégoriques ne permet aucune identification certaine. De toute façon, c’est le symbole du témoignage rendu au Christ par les fidèles de l’Eglise, face aux persécuteurs » (Osty). En effet, « il semble que c’est l’Eglise qui soit désignée, récapitulant le témoignage d’Elie et de Moïse (Ap 11,6 ; cf. 2R 1,10.14 pour Elie ; et Ex 7,17 ; 1Sm 4,8 pour Moïse) et celui du Christ mort et ressuscité à Jérusalem (Ap 11,7-12) » (TOB).

 

transfiguration2Toutes ces allusions s’entrecroisent en fait comme dans une tresse pour évoquer le plan divin du salut tel qu’il se met en œuvre dans l’histoire des hommes. Au moment de la transfiguration, Moïse et Elie apparaissent aux côtés du Seigneur. Moïse représente la Loi, et Elie, les prophètes. Avec eux, toutes les Ecritures de l’Ancienne Alliance rendent témoignage au « départ » que Jésus devait « accomplir à Jérusalem » (Lc 9,28‑36), « là même où leur Seigneur a été crucifié » (Ap 11,8). « La grande cité, Sodome ou Egypte » représente donc dans un premier temps Jérusalem, « toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés » (Mt 23,37). Mais elle évoque aussi « la grande cité de Babylone » : « Rome » dans le Livre de l’Apocalypse. « Elle est appelée Sodome et Egypte en raison de ses deux crimes majeurs : impudicité et oppression des fidèles du Christ » (BJ). « Plusieurs fois dans l’Ancien Testament, Sodome est en effet désignée comme le type d’une ville licencieuse (cf. Dt 29,23 ; 32,32 ; Is 1,9-10 ; Jr 23,14 ; Ez 16,46) ; et l’Egypte est l’exemple des puissances idolâtres et hostiles au Peuple de Dieu (cf. Ex 13,14 ; Is 19,1-3 ; Sg 11,15-16 ; 12,23-27 ; 15,14‑19). Et ce sont bien les Romains qui mettront à mort St Pierre et St Paul… Et plus largement encore, la scène évoque les persécutions, les tentations, les souffrances et les difficultés de toutes sortes que les chrétiens auront à subir en ce monde si souvent sous la coupe du « Prince de ce monde » … « La Bête qui monte de l’Abîme leur fera la guerre, les vaincra et les tuera » (Ap 11,7)… Cette Bête, si elle symbolise Rome dans le contexte immédiat du Livre de l’Apocalypse, renvoie plutôt ici au démon et à ses anges, car l’Abîme évoque dans la Bible le lieu de leur demeure (cf. Lc 8,30-31 ; Ap 9,11 ; 20,1-3). « Et des hommes d’entre les peuples et tribus et langues et nations » (noter l’universalité de la perspective) « regardent leur cadavre… Et « ceux qui habitent la terre » (noter à nouveau l’universalité de la perspective)  « se réjouissent »  du fait que cette Eglise de prophètes soit « torturée » de milles manières à cause de sa foi… Nous retrouverons ce point en Ap 12 avec l’image de la Femme, l’Eglise, et celle du Dragon, le Prince de ce monde agissant par tous ceux qui font le mal… Mais que l’Eglise n’oublie jamais que son Seigneur l’a fondée sur son Apôtre Pierre, un ministère qui se poursuit avec tous ses successeurs : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16,18). L’Esprit de Vie, l’Esprit du Christ, la travaille en effet de l’intérieur, au cœur de toutes ses épreuves, et l’aide à accomplir sa mission jour après jour. Et si certains doivent passer par la mort comme le Christ leur Seigneur, morts avec Lui et pour Lui, ils ressusciteront avec Lui et comme Lui… « Un souffle de Vie venant de Dieu entrera en eux et ils se tiendront debout sur leurs pieds » (Ap 11,11 ; cf. Ez 37,5.10). Alors, « ils entendront venant du ciel une voix puissante », celle de Dieu notre Père, « qui leur dira : « Montez ici » ». Et comme le Christ au Jour de son Ascension (cf. Lc 24,50-53), « ils monteront au ciel dans la nuée » (Ap 11,12)… « Leurs ennemis verront tout cela » et seront ébranlés par ce spectacle : ils « tomberont » à terre, en signe de faiblesse et de défaite, comme les soldats au jour de l’arrestation du Christ (Jn 18,3-6) … Et il y aura « une grande secousse », « un grand tremblement de terre » (Ez 38,19-20), une image qui renvoie à ce Jour du Seigneur qui marquera son intervention décisive dans l’histoire des hommes, pour leur salut… Or ce Jour a commencé à se mettre en œuvre avec l’Incarnation du Fils, sa vie, sa mort, sa Résurrection, son Ascension et l’envoi de l’Esprit Sauveur sur le monde… C’est ainsi que la terre « trembla » en St Matthieu juste après la mort du Christ (Mt 27,51), à l’annonce de sa Résurrection par un Ange vêtu de Lumière (Mt 28,1-8), et dans les Actes, au moment où l’Esprit vient reposer sur l’Eglise en prière (Ac 4,23‑31)… Et cette perspective de salut est encore évoquée ici par les chiffres qui évoquent les conséquences du « tremblement de terre » : « le dixième de la ville tomba », donc les neuf dixièmes subsistèrent et « sept mille personnes moururent » : « un châtiment relativement léger qui entraîne une conversion en masse » (Osty). « Et les autres », tous les autres, « foule immense » (Ap 7,9-12), « furent saisis de peur et ils rendirent gloire au Dieu du ciel »…                           

D. Jacques Fournier

 

AP – SI – Fiche 20 – Ap 11,1-13 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




L’ange et le petit livre (Ap 10).

             Je vis ensuite un autre Ange, puissant, descendre du ciel enveloppé d’une nuée, un arc-en-ciel au-dessus de la tête, le visage comme le soleil et les jambes comme des colonnes de feu. (2) Il tenait en sa main un petit livre ouvert. Il posa le pied droit sur la mer, le gauche sur la terre, (3) et il poussa une puissante clameur pareille au rugissement du lion. Après quoi, les sept tonnerres firent retentir leurs voix. (4) Quand les sept tonnerres eurent parlé, j’allais écrire mais j’entendis du ciel une voix me dire :  Tiens secrètes les paroles des sept tonnerres et ne les écris pas.  (5) Alors l’Ange que j’avais vu, debout sur la mer et la terre, leva la main droite au ciel (6) et jura par Celui qui vit dans les siècles des siècles, qui créa le ciel et tout ce qu’il contient, la terre et tout ce qu’elle contient, la mer et tout ce qu’elle contient : Plus de délai ! (7) Mais aux jours où l’on entendra le septième Ange, quand il sonnera de la trompette, alors sera consommé le mystère de Dieu, selon la bonne nouvelle qu’il en a donnée à ses serviteurs les prophètes.

(8)       Puis la voix du ciel, que j’avais entendue, me parla de nouveau :  Va prendre le petit livre ouvert dans la main de l’Ange debout sur la mer et sur la terre. (9) Je m’en fus alors prier l’Ange de me donner le petit livre ; et lui me dit : Tiens, mange-le ; il te remplira les entrailles d’amertume, mais en ta bouche il aura la douceur du miel. (10) Je pris le petit livre de la main de l’Ange et l’avalai ; dans ma bouche, il avait la douceur du miel, mais quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume. (11) Alors on me dit :  Il te faut de nouveau prophétiser contre une foule de peuples, de nations, de langues et de rois.   

            Au chapitre cinq, Jean avait vu « un livre roulé écrit au recto et au verso et scellé de sept sceaux ». Et seul « l’Agneau comme immolé », le Christ, avait été jugé digne d’ouvrir les sceaux et de permettre ainsi la découverte de la Révélation contenue dans ce Livre. Puis, après l’ouverture du septième sceau en Ap 8,1, étaient apparus sept Anges se tenant devant Dieu, avec sept trompettes. Et à la sonnerie de chaque trompette était révélée une épreuve touchant l’humanité, une de ces épreuves qui la bouleverseront hélas jusqu’à la fin des temps… « Lorsque vous entendrez parler de guerres et de rumeurs de guerres, ne vous alarmez pas : il faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin », disait Jésus à ses disciples (Mc 13,7 ; Mt 24,6 ; Lc 21,9).

            Six trompettes ont déjà sonné, et l’on s’attend à entendre la septième… Mais l’auteur fait ici comme une pause où il va nous présenter deux éléments nouveaux : « le petit livre » (Ap 10,1-11) et « les deux témoins » (Ap 11,3-14). Et avec eux, il nous offre « une vision du salut remplie d’espérance » (Jean-Pierre Prévost)… 

jésus lumièreAu tout début du Livre de l’Apocalypse, nous avons lu : « Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt ; Il envoya son Ange pour la faire connaître à Jean son serviteur »… Et la Bible de Jérusalem indiquait en note : « L’Ange (messager), représente probablement le Christ Lui-même »… Ici aussi beaucoup d’éléments font penser au Christ : 

  • Cet Ange est « puissant », comme Dieu Lui-même en Ap 18,8 : « Il est puissant le Seigneur Dieu ». Et la multitude des Anges chantait d’une seule voix en Ap 5,12 : « Digne est l’Agneau égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange. » Et ces mêmes Anges louaient Dieu en Ap 7,12 avec des termes semblables : « Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! » Sept termes interviennent à chaque fois pour célébrer la Perfection et la Plénitude de Dieu. Du parallèle entre ces deux louanges, nous constatons une nouvelle fois que la gloire, la sagesse, la force et la puissance du Christ, vrai homme mais aussi vrai Dieu, sont la gloire, la sagesse, la force et la puissance du Père, puissance de l’Amour qui s’est pleinement révélée dans l’apparente faiblesse du Christ en croix… 

  • Cet Ange « descend du ciel » comme le Christ en Jn 6 qui se présente sept fois comme le pain vivant « descendu du ciel » pour donner la vie au monde… pain vivant 1

  • Il est enveloppé d’une « nuée », une expression si souvent employée dans l’Ancien Testament pour introduire une manifestation de Dieu. Ainsi par exemple, dans le Livre de l’Exode : « Le Seigneur marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils puissent marcher de jour et de nuit. La colonne de nuée ne se retirait pas le jour devant le peuple, ni la colonne de feu la nuit » (Ex 13,21-22 ; 14,19-24 ; 16,10 ; 19,9.16 ;  20,21 ; 24,15-18 ; 33,9-10 ; 34,5… ; Lc 9,34-35). Et lorsque St Luc évoque le dernier Jour du monde, il écrit : « On verra le Fils de l’homme venant dans une nuée avec puissance et grande gloire » (Lc 21,27)… 

  • Il a « un arc en ciel au-dessus de la tête ». Or, au chapitre 4, St Jean « eut une vision : Voici, un trône était dressé dans le ciel, et, siégeant sur le trône, Quelqu’un… Celui qui siège est comme une vision de jaspe et de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d’émeraude ». Cet « arc-en-ciel autour du trône » de Dieu apparaît donc ici « au-dessus de la tête » de l’Ange… Et il est bien sûr un clin d’œil lancé à Gn 9,8-17 où Dieu se présente comme vivant en alliance avec « toute chair »… Il est donc un Dieu tout proche de chaque homme, pour son bien, et cela depuis le commencement du monde… 

  • « Son visage est comme le soleil »… Or le Ps 84(83),12 nous dit : « Le Seigneur Dieu est un soleil, il est un bouclier ; le Seigneur donne la grâce, il donne la gloire ». Et dans la vision inaugurale où St Jean avait vu le Christ Ressuscité, il disait : « Son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son éclat » (Ap 1,16). LUMIERE

  • De plus, « ses jambes sont ici comme des colonnes de feu », et le feu dans la Bible évoque souvent Dieu Lui-même : « Le Seigneur ton Dieu est un feu dévorant » (Dt 4,24 ; Ex 3,1s). Et en Ap 4,5, nous lisions : « Du trône partent des éclairs, des voix et des tonnerres, et sept lampes de feu brûlent devant lui, les sept Esprits de Dieu ». La Plénitude de ce Dieu qui est Esprit est ici évoquée avec l’image du feu, et c’est bien cette Plénitude que le Christ est venu offrir à toute l’humanité en lui proposant d’accepter de se laisser plonger « dans l’Esprit et le feu » (Mt 3,11 ; cf. Lc 12,49 ; Ac 2,1-4). 

  • Il tient en sa main « un petit livre ouvert »… En Ap 5,1, c’est Dieu qui tenait « un livre roulé dans sa main droite »… Et Jean mangera en 10,10 ce « petit livre » comme Ezéchiel mangea en Ez 3,3 le livre contenant les Paroles de Dieu (Ez 3,4).christ-cefalu1

  • Il pose ensuite « le pied droit sur la mer » et Dieu seul, dans la Bible est présenté comme celui qui peut agir ainsi : « Lui seul a foulé les hauteurs de la mer » (Job 9,8). Or la mer est le lieu symbolique où habitent toutes les puissances du mal. « Marcher sur la mer » devient alors un signe de victoire sur le mal… C’est le geste que le Christ accomplit en Jn 6,16-21, un épisode où il révèle à ses disciples le Mystère de sa Divinité en leur disant : « Je Suis (cf. Ex 3,14). N’ayez pas peur ». Et bientôt, le Père le ressuscitera d’entre les morts, sa Lumière brillera dans les ténèbres du tombeau sans que celles-ci aient pu la saisir (Jn 1,4-5) : la Vie se révèlera victorieuse de la mort, et le Prince de ce Monde déjà « jugé» sera « jeté dehors » (Jn 12,31)…

            Cet Ange, « le pied droit sur la mer, le gauche sur la terre » annonce donc déjà ici de manière symbolique la victoire finale de Dieu sur ce mal qui plonge et plongera encore la terre dans toutes sortes d’épreuves… Mais ce n’est pas le mal qui aura le dernier mot. Bientôt, « Dieu essuiera toutes larmes de nos yeux… De pleur, de cri, de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en sera allé » (Ap 7,17 ; 21,4). Mais pour l’instant, Il Est Celui qui, jour après jour, se propose de régner au cœur de toutes nos épreuves par la puissance de son Esprit pour nous consoler, nous réconforter et nous permettre de tenir bon. Ainsi, dans « l’épreuve » se manifeste « la royauté » de son Amour qui nous donne « la constance » : « Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l’épreuve, la royauté et la constance, en Jésus » (Ap 1,9 ; cf. 2Co 1,3-7 ; 7,4). 

  • Puis, « il cria d’une voix forte, comme un lion qui rugit »… Et nous avons vu que « le premier Vivant est comme un lion » (Ap 4,7), une image qui sera reprise ensuite pour évoquer le Christ, « le Lion de la tribu de Juda, le Rejeton de David » (Ap 5,5). La notion de « Vivant » renvoie au Mystère de Dieu, tandis que « le Rejeton de David » tourne le regard vers Celui qui accomplit cette prophétie d’Isaïe : Jésus, le Messie promis, « fils de David » (Mt 1,1 ; 15,22 ; 20,30-31), vrai Dieu mais aussi vrai homme…

  • Enfin, « les sept tonnerres firent entendre leur voix ». Et une note de la Bible de Jérusalem renvoie au Ps 29,3-9 : « les tonnerres, voix de Dieu »… L’Ange, lorsqu’il parlera, invoquera d’ailleurs l’autorité divine elle-même : « Par Celui qui vit dans les siècles des siècles, qui créa le ciel et tout ce qu’il contient, la terre et tout ce qu’elle contient, la mer et tout ce qu’elle contient » (Ap 10,6). 

            En conclusion, nous voyons à quel point tous ces éléments sur l’Ange et sur les circonstances qui entourent son intervention évoquent le Mystère du Christ, ce « Fils de l’Homme » (Mt 8,20 ; 9,6 ; 10,23…) qui est aussi « l’Emmanuel », « Dieu avec nous » (Mt 1,23). Avec Lui et par Lui, le Père a pris l’initiative de nous rejoindre pour nous offrir le pardon de toutes nos fautes (Lc 5,20), ces fautes qui nous privent de cette Plénitude de Vie qu’il voudrait voir régner en nos cœurs. Avec Lui et par Lui, le Père nous parle, agit, manifeste sa Présence à nos côtés, sa Tendresse libératrice. Cet Ange est ainsi « le Sauveur du Monde » (Jn 4,42), Celui en qui et par qui le Mystère du Dieu d’Amour, de Miséricorde et de Vie s’est pleinement révélé… Dieu Père (Giovanni Battista Cima)Tout ce qui suit ne peut donc qu’être « Bonne Nouvelle », Paroles de réconfort et d’encouragement au cœur des détresses de toutes sortes que peuvent connaître ceux et celles à qui St Jean s’adresse. Et ces lignes continueront à rejoindre les hommes de tous les temps, affrontés aux inévitables épreuves de la vie… Alors, « Plus de délai ! ». Le temps presse, car notre « aujourd’hui » est désormais « le temps du salut »… « Le salut est maintenant tout près de nous », offert à notre foi pour une espérance vivante ; « la nuit est avancée. Le jour est arrivé » (Rm 13,11-12 ; 1P 1,3 ; 1Jn 2,8)… 

            Aussi, « aux jours où l’on entendra le septième Ange, quand il sonnera de la trompette, alors sera consommé le mystère de Dieu, selon la bonne nouvelle qu’il en a donnée à ses serviteurs les prophètes » (Ap 10,7). Et la Bible de Jérusalem donne en note à propos de ce « mystère » : « L’établissement définitif du Royaume, qui présuppose la défaite des ennemis de Dieu , Ap 17-18 ; Ap 20,7-10. Sur le mystère de Dieu, cf. Rm 11, 25 ; 16 25 ; Ep 1, 9 ; cf. 2 Th 2, 6-7) ».

 

            Ce Mystère est en effet « le Mystère du Royaume » (Mc 4,11), inséparable du « Mystère de Dieu » Lui-même (1Co 2,1). Il est donc aussi « le Mystère du Christ » (Ep 3,4). En effet, Dieu est « Mystère de Communion » de Trois Personnes divines distinctes, le Père, le Fils et l’Esprit Saint, unies dans la Communion d’une même « nature divine » qui est tout à la fois Esprit (Jn 4,24), Amour (1Jn 4,8.16), Lumière (1Jn 1,5) et Vie… Et c’est cette « nature divine » que le Christ est venu nous offrir par le pardon toujours offert de toutes nos fautes, « afin que nous devenions ainsi participants de la divine nature, nous étant arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » (2P 1,4). Si nous acceptons cette aventure, le Christ va donc petit à petit nous introduire, par le don de l’Esprit Saint, dans le Mystère de sa Communion avec le Père. « Par lui nous avons en effet libre accès auprès du Père en un seul Esprit » (Ep 2,18). Esprit SaintCe « seul Esprit », l’Esprit que Dieu possède en Plénitude, est le trésor offert à tous sur lequel il nous faut veiller par une conversion permanente, sans jamais désespérer de la Miséricorde de Dieu. « Appliquez-vous à conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix. Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous » (Ep 4,3-6). Et cette communion de tous en un seul Esprit constitue le Mystère du Royaume des Cieux : « le règne de Dieu en effet n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Jésus est cet homme qui a pleinement vécu ce Mystère de Communion avec Dieu son Père. « Moi et le Père », bien que différents l’un de l’autre, « nous sommes un », unis inséparablement l’un à l’autre dans la Communion d’un même Amour, d’un même Esprit, d’une même Vie (Jn 10,30). Et ses paroles et ses actes n’avaient qu’un seul but : nous révéler ce Mystère de Communion pour nous donner d’y entrer à notre tour par le « oui » de notre foi… « Celui qui s’unit ainsi au Seigneur n’est avec lui qu’un seul Esprit » (1Co 6,17)… Le Mystère de Dieu est donc un Mystère de Communion de Trois Personnes divines distinctes dans l’unité d’un même Esprit. Le Mystère du Christ s’enracine dans ce Mystère de Communion qu’il vit avec son Père : il demeure dans l’Amour du Père de qui il reçoit de toute éternité cette Plénitude de l’Esprit qui l’engendre en Fils… Et le Mystère du Royaume est communion, par notre foi au Fils, à tout ce que le Fils reçoit de son Père : la Plénitude de son Esprit qui est tout à la fois Amour, Lumière et Vie…

 

La « Bonne Nouvelle » de cette Communion offerte a ainsi été « donnée à ses serviteurs les prophètes ». Ils en ont été les premiers bénéficiaires. « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! » (Lc 10,23-24). Et ce n’est que petit à petit qu’ils ont pris conscience de ce Mystère de Communion dans lequel le Christ les introduisait par le don de son Esprit : « Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16,17). En effet, « ce Mystère n’avait pas été communiqué aux hommes des temps passés comme il vient d’être révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes, dans l’Esprit : les païens sont admis au même héritage, membres du même Corps, bénéficiaires de la même Promesse, dans le Christ Jésus, par le moyen de l’Évangile » (Ep 3,4-5). Car, c’est bien « après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, que vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13‑14).

Jésus EgliseTelle est la Bonne Nouvelle de cette « Communion en un seul Esprit », que les Apôtres auront à annoncer dans le monde entier (1Jn 1,1-3). « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, – car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue –  ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ ». Ainsi, la grande œuvre du Christ Sauveur est de nous arracher à tout ce qui pourrait faire obstacle à ce Mystère de Communion : notre péché nourri par les multiples séductions du Prince de ce monde… « Voici pourquoi je te suis apparu », dira le Christ Ressuscité à St Paul : « pour t’établir serviteur et témoin de la vision dans laquelle tu viens de me voir et de celles où je me montrerai encore à toi. C’est pour cela que je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi, pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,16-18 ; cf. Col 1,13-14).

 

Ainsi, avant d’annoncer le Royaume, St Paul l’a-t-il lui-même découvert et vécu par cette intervention du Christ dans sa vie. Il partira ensuite au désert où il approfondira sa foi pendant de longues années, à la lumière de la Parole de Dieu, guidé par l’action discrète mais souveraine de l’Esprit Saint… Avant d’annoncer la Parole, il l’a donc lui‑même reçue dans la lumière de « l’Esprit de sagesse et de révélation » (Ep 1,17-18). C’est ce que vécut aussi autrefois le prophète Ezéchiel, une expérience que reprend ici St Jean pour nous décrire la sienne… Prenons le temps de lire Ezéchiel (Ez 2,1-3,4), il nous permettra de mieux comprendre St Jean.


jésus enseignant 2

« Le Seigneur me dit : « Fils d’homme, tiens-toi debout, je vais te parler. » L’Esprit entra en moi comme il m’avait été dit, il me fit tenir debout et j’entendis celui qui me parlait. Il me dit : « Fils d’homme, je t’envoie vers les Israélites, vers les rebelles qui se sont rebellés contre moi. Eux et leurs pères se sont révoltés contre moi jusqu’à ce jour. Les fils ont la tête dure et le cœur obstiné, je t’envoie vers eux pour leur dire : “Ainsi parle le Seigneur Dieu.” Qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, c’est une engeance de rebelles, ils sauront qu’il y a un prophète parmi eux. Pour toi, fils d’homme, n’aie pas peur d’eux, n’aie pas peur de leurs paroles s’ils te contredisent et te méprisent et si tu es assis sur des scorpions. N’aie pas peur de leurs paroles, ne crains pas leurs regards, car c’est une engeance de rebelles. Tu leur porteras mes paroles, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, car c’est une engeance de rebelles. Et toi, fils d’homme, écoute ce que je vais te dire, ne sois pas rebelle comme cette engeance de rebelles. Ouvre la bouche et mange ce que je vais te donner.

Je regardai, et voici qu’une main était tendue vers moi, tenant un volume roulé. Il le déploya devant moi : il était écrit au recto et au verso ; il y était écrit : « Lamentations, gémissements et plaintes. » Il me dit : « Fils d’homme, ce qui t’est présenté, mange-le ; mange ce volume et va parler à la maison d’Israël. » J’ouvris la bouche et il me fit manger ce volume, puis il me dit : « Fils d’homme, nourris-toi et rassasie-toi de ce volume que je te donne. » Je le mangeai et, dans ma bouche, il fut doux comme du miel. Alors il me dit :  » Fils d’homme, va-t’en vers la maison d’Israël et tu leur porteras mes paroles « .

 

St Jean reprend donc ce texte pour évoquer ce qu’il a lui-même vécu. De l’Ange, le Christ, il va recevoir le « petit livre » qui contient « la bonne nouvelle » du « mystère de Dieu » et de son Royaume de Communion offert à tout homme, pour son bonheur… Cette universalité du salut est suggérée par le nombre de fois où apparaît l’expression « petit livre » : quatre fois[1]… Mais St Jean en sera le premier bénéficiaire : il le « mangera » de cœur par sa foi, et il aura « la douceur du miel ». Ce sera donc pour lui un vrai bonheur que d’accueillir cette Parole « avec la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6). L’Esprit lui enseignera tout (1Jn 2,20.27) et lui permettra de prendre conscience, en les vivant (Ga 5,25), « de tous les dons gracieux que Dieu nous a faits » (1Co 2,9-12). Il l’introduira dans « la vérité tout entière » (Jn 16,13) d’une Plénitude de Vie donnée sans condition par ce Père des Miséricordes qui désire notre vrai bien plus que nous-mêmes. Grâce à cet Esprit d’Amour (Rm 5,5), « il connaîtra l’Amour du Christ qui surpasse toute connaissance » (Ep 3,19) : en effet, l’Amour de Celui qui est « doux et humble de cœur » (Mt 11,29) ne peut qu’avoir « la douceur du miel »…

Dieu-est-capable-680x365

Et pourtant, une fois qu’il aura « mangé » ce « petit livre » avec tant de bonheur, il aura « ses entrailles remplies d’amertume »… En effet, « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6), « il ne prend pas plaisir à la mort du méchant, mais plutôt qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 33,11 ; 18,32 ; Sg 1,12‑15). Car « le méchant », de par sa méchanceté, ne peut que connaître « souffrance, détresse, angoisse » (Rm 2,9) et amertume (Jr 2,19), car il a abandonné la seule Source de Vraie Vie, de Vraie Lumière et donc de Vrai Bonheur… Or c’est justement ce bonheur profond que Dieu notre Père veut voir régner au cœur de tous ses enfants. Sont-ils engagés sur un mauvais chemin, son amour, respectueux de leur liberté, ne pourra qu’essayer de leur faire prendre conscience de leurs égarements. Mais si la plus grande erreur de l’homme est justement de croire qu’il n’a pas besoin de Dieu pour être heureux, s’il pense être assez grand pour se débrouiller tout seul, son attitude orgueilleuse s’opposera à toute remise en question. Il lui sera impensable d’imaginer, ne serait qu’une seconde, qu’il pourrait être dans l’erreur… Alors, si Dieu, par amour, lui envoie un de ses « serviteurs », un « prophète », pour l’aider à prendre conscience de sa situation, ce dernier aura toutes les chances de recevoir en retour railleries, moqueries, haine… (cf. Ps 10,3-8 ; 86(85),14 ; 54(53),5 ; 94(93),4 ; 123(122),3-4 ; 22(21),7-8)… Tel fut le sort du Christ, Lui qui, pourtant, passait partout en ne faisant que le bien (Ac 10,38). Mais hélas, les autorités religieuses de l’époque ont refusé de se remettre en question : « La lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises. Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables » (Jn 3,19-20). Il est bien difficile, en effet, à un orgueilleux de reconnaître ses torts, d’accepter d’être coupable… Et ce refus de la vérité pourra le pousser à éliminer Celui qui, par son attitude et ses paroles, ne cesse justement de le ramener à cette vérité qu’il veut fuir à tout prix… « Je ne suis venu en ce monde que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix » (Jn 18,37). Mais « ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur esprit ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse » (Mt 13,15). Quel dommage d’avoir refusé la vérité de leur misère : ils auraient découvert avec elle la vérité de la Miséricorde venue les combler gratuitement, par amour, de sa Lumière et de sa Vie. Face à ce refus, Jésus sera rempli de tristesse (Mt 26,37). Il pleurera sur Jérusalem : « Quand il fut proche, à la vue de la ville, il pleura sur elle, en disant : « Ah ! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux » (Lc 19,41-42). Lui aussi, comme ici St Jean, « aura les entrailles remplies d’amertume » (Ap 10,10), ici… Et pourtant, Dieu de son côté ne cessera de rechercher encore et encore le bien de tous ceux et celles qui le refusent… Alors, il faudra continuer la mission, d’une manière ou d’une autre : « Et l’on me dit : Il te faut de nouveau prophétiser contre une foule de peuples, de nations, de langues et de rois » (Ap 10,11)…

 Jacques Fournier

[1] Le chiffre quatre, qui renvoie aux quatre points cardinaux (nord, est, sud, ouest) est symbole d’universalité…

AP – SI – Fiche 19 – Ap 10 : Cliquer sur le titre précédent pour avoir accès au document PDF de cet article.



Les cinq trompettes (Ap 8,6-9,21)…

            Les sept Anges aux sept trompettes s’apprêtèrent à sonner. (7) Et le premier sonna… Il y eut alors de la grêle et du feu mêlés de sang qui furent jetés sur la terre : et le tiers de la terre fut consumé, et le tiers des arbres fut consumé, et toute herbe verte fut consumée.
(8)       Et le deuxième Ange sonna… Alors une énorme masse embrasée, comme une montagne, fut projetée dans la mer, et le tiers de la mer devint du sang : (9) il périt ainsi le tiers des créatures vivant dans la mer, et le tiers des navires fut détruit.
(10)    Et le troisième Ange sonna… Alors tomba du ciel un grand astre, brûlant comme une torche. Il tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources ; (11) l’astre se nomme  Absinthe  : le tiers des eaux se changea en absinthe, et bien des gens moururent, de ces eaux devenues amères.
(12)    Et le quatrième Ange sonna… Alors furent frappés le tiers du soleil et le tiers de la lune et le tiers des étoiles : ils s’assombrirent d’un tiers, et le jour perdit le tiers de sa clarté, et la nuit de même.
(13)    Et ma vision se poursuivit. J’entendis un aigle volant au zénith et criant d’une voix puissante : Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre, à cause de la voix des dernières trompettes dont les trois Anges vont sonner.

   

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Souvenons-nous… Le Feu de l’Esprit répandu sur le monde accomplit le Jugement de Dieu par sa simple Présence. Mais ce n’est pas Lui qui juge ou qui condamne. Il n’est là que pour éclairer, faire la vérité, appeler au repentir, pardonner, guider, vivifier, donner la paix… Avec Lui et par Lui, le Christ Ressuscité poursuit dans l’histoire son œuvre de Sauveur du monde. « Dieu en effet a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique de Dieu » (Jn 3,16‑18). C’est donc l’homme qui, en acceptant ou pas le Christ Sauveur, se « juge » lui-même : le refuser, c’est se condamner soi-même aux ténèbres et à la mort entendue comme une privation de la Plénitude de la Vie éternelle ; par contre, accepter le Christ, c’est accepter d’être l’heureux bénéficiaire de ce Salut qu’il est venu offrir gratuitement, par amour, à tous les pécheurs, et donc entrer avec Lui dans la Plénitude de sa Lumière et de sa Vie…
BonPasteur            Ce « jugement pour le salut » réalisé par la seule Présence de l’Esprit Saint répandu sur le monde, l’Esprit de Feu, sera évoqué dans le jeu des proportions de ce qui sera détruit ou pas. Notons d’abord qu’en Ap 8,6-12, l’expression « le tiers » apparaît 12 fois, soit 3 (symbole de Dieu en tant qu’il agit) x 4 (symbole d’universalité : les quatre points cardinaux, le nord, le sud, l’est, l’ouest). L’action de Dieu concerne donc bien le monde entier. « Dieu est à l’œuvre en cet âge, les temps sont les derniers. Dieu est à l’œuvre en cet âge, son Jour va se lever ! Ne doutons pas du Jour qui vient, la nuit touche à sa fin. Et l’Eclat du Seigneur remplira l’univers mieux que l’eau ne couvre les mers », chantons‑nous pendant le temps de l’Avent…Notons maintenant que si un tiers des réalités existantes disparaissent, ce sont bien les deux tiers qui demeurent… Alors, ce n’est plus « le petit reste » seul qui est sauvé (Ba 2,13 ; Is 1,9 ; Mi 5,6-7 ; Ez 6,8), mais « un grand reste »… Jean renverse complètement ici les proportions habituelles des prophètes Ezéchiel (Ez 5,2) et Zacharie (Za 13,8-9) pour qui seulement un tiers du peuple allait être sauvé et les deux tiers détruits. Cette manière de présenter les choses nous invite à l’espérance tout en maintenant la gravité du péché, avec ses terribles conséquences, la pire étant cette possibilité de vivre « fermé à Dieu » pour toujours… Mais puisque Dieu est partout, puisqu’il est « le Seigneur du ciel et de la terre et le Roi de l’univers » (Tb 10,14) cet état serait alors celui de quelqu’un qui, tout en étant dans la Lumière est fermé à la Lumière, tout en étant dans la Vie est fermé à la Vie, tout en étant dans la Paix est fermé à la Paix… Le Bonheur frappe à sa porte (Ap 3,20), et il refuse de lui ouvrir !
            A propos de tous ces fléaux, faisons encore avec Jean-Pierre Prévost la remarque suivante : « Il convient de souligner les emprunts que Jean a faits à une tradition bien attestée dans la Bible (Ex 7-11) au sujet des évènements qui ont mené à la libération du peuple hébreu. En effet, ici et au chapitre 16, pas moins de six fléaux (eau changée en sang, grenouilles, ulcères malins, orage mêlé de grêle, sauterelles et ténèbres) se trouvaient déjà dans les dix plaies d’Egypte. Cette constatation est décisive pour leur interprétation. D’une part, on évitera une interprétation trop littérale et fataliste, comme s’il s’agissait d’une description exacte et détaillée du déroulement de l’histoire. D’autre part, on comprendra que ces fléaux ont avant tout une fonction théologique, à double caractère. Premièrement, en faisant appel au récit déjà bien connu des plaies d’Egypte, Jean annonce à ses contemporains une libération semblable à celle du peuple hébreu ». Un jour, les persécutions de l’Empereur romain cesseront, et plus largement encore, Dieu, par sa Présence offerte à notre foi, se révèle dans l’histoire comme étant déjà victorieux de toutes les forces du mal (Jn 12,31-32) qui s’attaquent à son Eglise (Mt 16,18) et à tous les hommes de bonne volonté.  « Deuxièmement, comme c’était le cas pour le récit des plaies d’Egypte, la progression dramatique du déploiement des fléaux sert d’avertissement ultime à ceux-là qui refusent de croire et s’opposent, comme jadis le Pharaon, au déroulement du plan de Dieu. Plutôt qu’une prédiction de malheurs, il faut y voir une prédication en vue de la conversion ». « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu – et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. Pourquoi mourir ? » (Ez 18,23 ; 33,11). 

Talihta koum 1

            Et la même logique se poursuit avec les dernières trompettes… La triple répétition « malheur, malheur, malheur » renvoient à nouveau à l’œuvre de Dieu, à son jugement, mais il ne s’agit pas ici d’un malheur qui viendrait de Dieu, mais d’un malheur qui n’est que le résultat du refus par les pécheurs de sa grâce répandue à profusion sur l’ensemble de ses enfants, sur le monde entier… Heureux alors tous les hommes de bonne volonté… Mais malheureux ceux qui se complaisent dans le mal, l’injustice et le mensonge… Dans les Evangiles, tous les « malheur à vous » que le Christ peut adresser à son auditoire (Mt 23,13-31 ; Lc 6,24-26) sont autant de lamentations sur le sort de ceux qui refusent de l’accueillir et donc de se convertir. Ils ne peuvent que connaître le malheur, et Dieu est le premier à en être désolé. « Quand Jésus fut proche de Jérusalem, à la vue de la ville, il pleura sur elle, en disant : « Ah ! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux. Oui, des jours viendront sur toi, où tes ennemis t’environneront de retranchements, t’investiront, te presseront de toute part. Ils t’écraseront sur le sol, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas reconnu le temps où tu fus visitée ! » (Lc 19,41‑44).

 

La cinquième trompette (Ap 9,1-12) 

(9,1)   Et le cinquième Ange sonna… Alors je vis un astre qui du ciel avait chu sur la terre. On lui remit la clef du puits de l’Abîme ? (2) Il ouvrit le puits de l’Abîme et il en monta une fumée, comme celle d’une immense fournaise – le soleil et l’atmosphère en furent obscurcis – (3) et, de cette fumée, des sauterelles se répandirent sur la terre ; on leur donna un pouvoir pareil à celui des scorpions de la terre. (4) On leur dit d’épargner les prairies, toute verdure et tout arbre, et de s’en prendre seulement aux hommes qui ne porteraient pas sur le front le sceau de Dieu. (5) On leur donna, non de les tuer, mais de les tourmenter durant cinq mois. La douleur qu’elles provoquent ressemble à celle d’une piqûre de scorpion. (6) En ces jours-là, les hommes rechercheront la mort sans la trouver, ils souhaiteront mourir et la mort les fuira!
(7)       Or ces sauterelles, à les voir, font penser à des chevaux équipés pour la guerre ; sur leur tête on dirait des couronnes d’or, et leur face rappelle des faces humaines ; (8) leurs cheveux, des chevelures de femmes, et leurs dents, des dents de lions ; (9) leur thorax, des cuirasses de fer, et le bruit de leurs ailes, le vacarme de chars aux multiples chevaux se ruant au combat ; (10) elles ont une queue pareille à des scorpions, avec un dard; et dans leur queue se trouve leur pouvoir de torturer les hommes durant cinq mois. (11) À leur tête, comme roi, elles ont l’Ange de l’Abîme; il s’appelle en hébreu :  Abaddôn , et en grec : Apollyôn.
(12)    Le premier  Malheur  a passé, voici encore deux  Malheurs  qui le suivent…   
           astre d'en haut L’image de l’astre était souvent utilisée à l’époque pour parler des grands de monde (Is 14,12). Un texte relu dans la perspective de l’attente du Messie dit ainsi : « Je le vois, mais non pour maintenant ; je l’aperçois, mais non de près : un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël » (Nb 24,17)… Et une étoile guidera bien les mages jusqu’à Bethléem (Mt 2,1-12). Et St Luc appellera le Christ « l’Astre d’en Haut » (Lc 1,78) qui, dans sa Miséricorde, est venu illuminer les ténèbres des pécheurs…
            Mais ici, « l’étoile précipitée du ciel sur la terre » fait plutôt penser à « un des Anges déchus, peut-être Satan lui-même », écrit en note la Bible de Jérusalem. Plus loin, nous verrons en effet « un énorme Dragon rouge-feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème. Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre » (Ap 12,4). Nous retrouvons cet impact sur « un tiers » seulement, comme en Ap 8,6-12. Son pouvoir destructeur est donc limité ; ce ne sera pas le mal qui triomphera, mais le bien… Et peu après nous lisons : « On le jeta donc, l’énorme Dragon, l’antique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier, on le jeta sur la terre et ses Anges furent jetés avec lui » (Ap 12,9).
            Il pourrait donc très bien être ici cet « astre chu sur la terre » à qui on remet « la clef du puits de l’Abîme », « ce lieu » écrit encore la Bible de Jérusalem, « où les anges déchus sont détenus en attendant le châtiment final ». St Jean évoquerait donc ici le combat spirituel auquel doit faire face tout croyant. Dans le Livre de la Genèse, le serpent pouvait « atteindre la femme au talon » (Gn 3,15), et l’on se souvient que, dans le Livre des Nombres, les serpents sont dits « brûlants » en raison des effets de leurs morsures (Nb 21,4-9)… Et cet épisode nous présentait le Peuple d’Israël succombant à la tentation : il « perd patience » et « parle contre Dieu et contre Moïse ». L’effet ne se fait pas attendre : « les serpents brûlants » mordent, et « beaucoup de monde périt en Israël »… Ici, les sauterelles qui sortent du puits de l’abîme ont « un pouvoir pareil à celui des scorpions de la terre », dont la morsure est des plus brûlante, et parfois mortelle… St Jean évoquerait donc ici « les manœuvres du diable » et de ses armées : « Ce n’est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes » (Ep 6,12). Ici, ces « sauterelles » à « pouvoir de scorpion » s’en prennent « seulement aux hommes qui ne porteraient pas sur le front le sceau de Dieu ». Or cette notion de « sceau de Dieu » n’intervient dans le Livre de l’Apocalypse qu’ici et en Ap 7,2-4 : « Puis je vis un autre Ange monter de l’orient, portant le sceau du Dieu vivant ; il cria d’une voix puissante aux quatre Anges auxquels il fut donné de malmener la terre et la mer : « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres, que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. » Et j’appris combien furent alors marqués du sceau : cent quarante-quatre mille »[1]… Or l’image du sceau dans le Nouveau Testament renvoie très souvent au sacrement du baptême reçu par tous ceux et celles qui ont choisi d’obéir à Dieu et à sa Parole de Vie, cette Bonne Nouvelle qui nous invite tous au repentir pour notre salut : « C’est en lui que vous aussi », les païens, « après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). Ainsi, par notre « oui » au Christ Sauveur, nous avons été « marqués d’un sceau et Dieu a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit » (2Co 1,22). « Ne contristez donc pas » par un mauvais comportement, dit alors St Paul, « l’Esprit Saint de Dieu, qui vous a marqués de son sceau pour le jour de la rédemption » (Ep 4,30). Or cet Esprit reçu est participation à ce que Dieu est en Lui-même, car « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Si nous l’accueillons dans nos cœurs, il nous établira donc en Communion avec Dieu, nous serons unis à Lui dans la Communion d’un même Esprit, et là, nous n’aurons rien à craindre des ténèbres de toutes sortes, des « serpents brûlants » ou des « sauterelles à pouvoir de scorpion »… En effet, si Dieu est Esprit, il est aussi « Lumière » (1Jn 1,5), et « sa Lumière brille dans les ténèbres sans que les ténèbres ne puissent la saisir » (Jn 1,5). La Lumière est victorieuse ; rien ni personne ne peut l’empêcher de briller. Quiconque s’abandonne à elle avec confiance n’a rien à craindre de toutes les Puissances du mal. Elle est comme un bouclier contre lequel le mal se heurte sans pouvoir aller plus loin, un bouclier de Lumière qui anéantit toute forme de ténèbres… St Paul prendra cette image de « l’armure de Dieu » que revêt le croyant par le « oui » de sa foi lorsqu’il se confie à Dieu dans la prière pour que la Lumière de l’Esprit remporte la victoire dans sa vie… « Rendez-vous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force ». En effet, celui qui est « dans le Seigneur » est uni au Seigneur dans la Communion d’un même Esprit : il bénéficie donc de la force paisible de l’Esprit. De plus, dans ce Mystère de Communion qui l’unit à son Seigneur, ce qui est vrai pour le Christ est aussi vrai pour lui, et ce dernier a dit : « Sur moi, le Prince de ce monde n’a aucun pouvoir » (Jn 14,30). Sur moi, dit Jésus, et donc aussi sur celui qui n’est qu’un avec Lui dans l’unité d’un même Esprit, car « celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul Esprit » (1Co 6,17).

[1] On se souvient que ce chiffre renvoie à tous les hommes de tous les temps. En effet, 144.000, c’est 12 x 12 x 1000. Le premier 12 renvoie aux Douze tribus d’Israël, à la période de l’Ancienne Alliance, et donc à tous les hommes qui ont vécu avant le Christ. Le second 12 évoque les Douze Apôtres, la période de la Nouvelle Alliance inaugurée par le Christ, et donc tous les hommes qui ont vécu après le Christ, et cela jusqu’à la fin des temps… Enfin, 1000 représente la multitude innombrable, la culture hébraïque n’ayant pas la notion d’infini… Conclusion : 144.000 évoque la multitude innombrable de tous les hommes de tous les temps que Dieu appelle au Salut… « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4)…

Telle est alors la vraie « armure de Dieu » : Dieu Lui‑même, avec son Fils et par Lui, devient notre roc, notre forteresse, notre bouclier (Ps 18(17),3.31.36 ; 28(27),7 ; 33(32),20…). St Paul écrit ainsi qu’au jour de notre baptême, nous avons revêtu le Christ : « Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ » (Ga 3,27 ; cf. Rm 13,14 ; Col 3,8‑15). L’Esprit Saint reçu nous unit ainsi au Christ, et c’est le Christ Lui-même qui va remporter la victoire dans nos vies sur toutes les forces du mal… « C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu », écrit encore St Paul, « afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes. Tenez‑vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, et pour chaussures le Zèle à propager l’Évangile de la paix ; ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l’Esprit ; apportez-y une vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints » (Ep 6,13-18 ; Rm 13,12 ; 1Th 5,8-10)).
shining dove with rays on a dark            « Les hommes qui portent sur leur front le sceau de Dieu » ont donc  dit « Oui ! » à l’appel de l’Evangile, ils ont reçu le baptême, et ils essayent, dans la prière du cœur, de rester fidèles à l’Esprit Saint qu’ils ont reçu. « Repentez-vous et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit. Car c’est pour vous qu’est la promesse, ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera » (Ac 2,38-39). Maintenant, ils bénéficient donc, dans ce Mystère de Communion qui les unit à leur Seigneur, de la Lumière et de la Force de l’Esprit qui, seules, peuvent remporter la victoire sur les forces du mal. Ils connaissent la Paix (Col 3,15) et le repos intérieur (Mt 11,28-30). Tandis que ceux qui sont privés de ce soutien par leur refus de croire ou leur mauvaise volonté sont « tourmentés pendant cinq mois »… Notons encore une fois l’optimisme de la perspective : ils sont « tourmentés » mais non pas tués, et cela pendant seulement « cinq mois »… Certes, les souffrances sont à ce point intenses que « les hommes rechercheront la mort sans la trouver », mais ces « cinq mois » d’épreuves suggèrent qu’un jour elles prendront fin, c’est du moins l’espérance ouverte par St Jean…
            Le deuxième paragraphe (Ap 9,7-11) invite par contre à une nouvelle interprétation de ces sauterelles. En effet, elles font ici « penser à des chevaux équipés pour la guerre ». « Leur thorax » ressemble à des « cuirasses de fer » et « le bruit de leurs ailes » à « un vacarme de chars aux multiples chevaux se ruant au combat ».  Cette description fait vraiment penser ici à une armée puissante et bien équipée pour le combat. « À leur tête, comme roi, elles ont l’Ange de l’Abîme ; il s’appelle en hébreu : « Abaddôn » (destruction), et en grec : « Apollyôn » (« Le détruisant ») ». Comme l’indique en note la Bible de Jérusalem, St Jean évoque peut-être ici les ravages occasionnés par « les Parthes », une nouvelle épreuve après celle des Romains… Et avec eux, c’était encore quelque part le « Prince de ce monde », cet « Ange de l’Abîme », celui qui est « homicide dès le commencement » (Jn 8,44) qui accomplit son œuvre de mort par les violents, les dominateurs et les traîtres. C’est ce qu’il fit autrefois pour le Christ avec la collaboration de Judas (cf. Jn 13,2). Et l’on se souvient que « la Bête » dans le Livre de l’Apocalypse ne désigne pas d’abord le diable, mais l’empire romain qui, par ses persécutions et sa cruauté, fait le jeu du diable… Il en serait donc de même ici pour les Parthes, d’où « cet Ange de l’Abîme » à leur tête… Mais encore une fois, St Jean sème l’espérance en répétant que « leur pouvoir de torturer » est limité à « cinq mois »… Très bientôt, la paix reviendra, la justice finira par triompher… Courage et patience… « Dans le monde, vous aurez à souffrir », disait Jésus, « mais gardez courage : j’ai vaincu le monde » (Jn 16,33) et « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Celui ou celle qui m’accueillera dans la foi participera déjà, au cœur de ses épreuves, à ma victoire, même si la violence ou la maladie semblent finalement l’emporter… Christ est là comme un soutien offert au cœur de toutes nos souffrances, il sera là aussi, par-delà notre mort, Ressuscité, pour nous prendre par la main et nous emporter dans sa Gloire… St Paul témoigne très souvent de cette Présence réconfortante au cœur de toutes ses difficultés de missionnaire. Et son témoignage est comme un nouvel Evangile, en actes… « Nous ne voulons pas que vous l’ignoriez, frères », dit-il. « La tribulation qui nous est survenue en Asie nous a accablés à l’excès, au-delà de nos forces, à tel point que nous désespérions même de conserver la vie. Vraiment, nous avons porté en nous-mêmes notre arrêt de mort, afin d’apprendre à ne pas mettre notre confiance en nous-mêmes mais en Dieu, qui ressuscite les morts. C’est lui qui nous a délivrés d’une telle mort et nous en délivrera ; en lui nous avons cette espérance qu’il nous en délivrera encore » (2Co 1,8-10). Il avait donc conscience de porter un trésor en son cœur, le trésor de l’Esprit, qui était toute sa force et sa consolation dans les multiples épreuves de la vie. C’est pourquoi, « si nous sommes pressés de toutes parts, nous ne sommes pas écrasés. Si nous ne savons qu’espérer, nous ne sommes pas désespérés. Si nous sommes persécutés, nous ne sommes pas abandonnés » à tel point qu’il pouvait écrire : « Je surabonde de joie dans toutes nos souffrances ». « Si nous sommes terrassés, nous ne sommes pas anéantis. Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps » (2Co 4,7-10 ; 7,4). La Présence en son cœur « de l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63) l’encourageait, le soutenait, le réjouissait alors même qu’il traversait toutes sortes d’épreuves douloureuses… Et c’est le même Esprit qui est à l’œuvre aujourd’hui dans nos vies…

 

La sixième trompette (Ap 9,13-21) 

voix de dieu(13)    Et le sixième Ange sonna… Alors j’entendis une voix venant des quatre cornes de l’autel d’or placé devant Dieu ; (14) elle dit au sixième Ange portant trompette :  Relâche les quatre Anges enchaînés sur le grand fleuve Euphrate. (15) Et l’on relâcha les quatre Anges qui se tenaient prêts pour l’heure et le jour et le mois et l’année, afin d’exterminer le tiers des hommes. (16) Leur armée comptait deux cents millions de cavaliers : on m’en précisa le nombre. (17) Tels m’apparurent en vision les chevaux et leurs cavaliers : ceux-ci portent des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre; quant aux chevaux, leur tête est comme celle du lion, et leur bouche crache feu et fumée et soufre. (18) Alors le tiers des hommes fut exterminé par ces trois fléaux : le feu, la fumée et le soufre vomis de la bouche des chevaux. (19) Car la puissance des chevaux réside en leur bouche ; elle réside aussi dans leur queue : ces queues, en effet, ainsi que des serpents, sont munies de têtes dont elles se servent pour nuire. (20) Or les hommes échappés à l’hécatombe de ces fléaux ne renoncèrent même pas aux œuvres de leurs mains : ils ne cessèrent d’adorer les démons, ces idoles d’or, d’argent, de bronze, de pierre et de bois, incapables de voir, d’entendre ou de marcher. (21) Ils n’abandonnèrent ni leurs meurtres, ni leurs sorcelleries, ni leurs débauches, ni leurs rapines. 
            « Et le sixième ange sonna »… Dès que cette sixième trompette se fait entendre, la première réalité qui intervient est cette « voix venant des quatre cornes de l’autel d’or placé devant Dieu », cet autel d’où s’élevait en Ap 8,2-5 « la prière des saints », la prière des croyants… Cette « voix », sans aucune précision, évoque celle de Dieu Lui-même, tandis que « les quatre cornes » de l’autel rajoutent une idée de puissance (les cornes) universellement présente (le chiffre quatre). Le fléau qui suit, « relâche les quatre Anges enchaînés sur le grand fleuve Euphrate », a lui aussi une portée universelle avec à nouveau ce chiffre quatre… Mais que Dieu sois mentionné en premier, avec cette idée de toute puissance, nourrit encore l’espérance d’une victoire divine sur toutes ces forces du mal… Quelle que soit l’ampleur du cataclysme, St Jean invite donc ses lecteurs à tourner leur regard vers le Seigneur Tout Puissant et à espérer en lui contre toute espérance…

pain de vivant

            La Bible de Jérusalem explique en note que « la région à l’Est de l’Euphrate était occupée par les Parthes »… L’allusion aux Parthes se poursuit, mais il semble que son importance et son impact soient ici majorés aux dimensions de la terre tout entière. La mention des « quatre Anges » oriente déjà dans cette direction, tout comme le nombre exorbitant des cavaliers « deux cent millions », ainsi que les conséquences terribles de leur violence, répétée par deux fois : « ils exterminent le tiers des hommes » (Ap 9,15), là encore sans aucune précision… Toute l’humanité est donc concernée : « le tiers des hommes fut exterminé par le feu, la fumée et le soufre vomis de la bouche des chevaux » (Ap 9,18). St Jean évoquerait donc ici tous les fléaux des guerres de toutes sortes qui peuvent frapper les hommes où qu’ils soient sur cette terre.
            Et malgré toutes ces épreuves, tous ces morts, les survivants ne prennent pas conscience de la gravité de leur situation. Leur aveuglement demeure (cf. Is 42,18‑25)… Ils ne se convertissent pas (cf. Os 11,7)… Ils ne renoncent pas à leurs idoles « d’or, d’argent, de bronze, de pierre et de bois, incapables de voir, d’entendre ou de marcher »… St Jean cite ici les prophètes (Is 17,8 ; Dn 5,4 ; cf. Jr 2,26-29) ce qui montre bien que ce problème n’est pas nouveau. Cet aveuglement, cette obstination dans le mal, ce refus de se convertir était déjà le lot de beaucoup en Israël, et Dieu a poursuivi son œuvre de salut envers et contre tout, accomplissant toutes ses prophéties par l’Incarnation de son Fils… Et aujourd’hui encore, il est toujours à l’œuvre…
            Ce refus de se convertir, repris une fois de plus ici, souligne donc à nouveau l’urgence de se tourner vers le Dieu Vivant et Tout Proche, d’abandonner « les idoles », « les meurtres, les sorcelleries, les débauches et les rapines » qui ne peuvent qu’entraîner tous ceux qui les commettent sur des chemins où se renouvelleront encore toutes ces guerres, ces destructions et ces souffrances… Cet appel est bien sûr lancé à chacun d’entre nous. Mais nous sommes aussi invités, tous ensemble, à le transmettre à tous ceux et celles qui nous entourent… « Convertissez‑vous, renoncez au mal qui ne peut que vous détruire, apprenez à faire le bien, tournez-vous de tout cœur vers le Père des Miséricordes… Si vous acceptez son pardon toujours offert, Il sera le premier à s’en réjouir, Lui qui ne désire qu’une seule chose : voir sa Vie, sa Paix, sa Joie régner en Plénitude dans nos cœurs pour que nous puissions enfin connaître avec Lui le vrai Bonheur »…

dieu miséricorde

 Jacques Fournier

AP – SI – Fiche 18 – Ap 8,6-9,21 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF




L’Agneau ouvre le septième sceau ; annonce de l’intervention décisive de Dieu (Ap 8,1-5)

      Et lorsque l’Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure… (2) Et je vis les sept Anges qui se tiennent devant Dieu ; on leur remit sept trompettes. (3) Un autre Ange vint alors se placer près de l’autel, muni d’une pelle en or. On lui donna beaucoup de parfums pour qu’il les offrît, avec les prières de tous les saints, sur l’autel d’or placé devant le trône. (4) Et, de la main de l’Ange, la fumée des parfums s’éleva devant Dieu, avec les prières des saints. (5) Puis l’Ange saisit la pelle et l’emplit du feu de l’autel qu’il jeta sur la terre. Ce furent alors des tonnerres, des voix et des éclairs, et tout trembla.

            « Lorsque l’Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure »… Le ciel et tous les anges retiennent leur souffle ? L’instant est solennel. « Comme dans la tradition prophétique », précise en note la Bible de Jérusalem, « ce silence précède et annonce « la venue » de Dieu ». Trois citations sont indiquées en marge :
            Ha 2,20 :        « Le Seigneur réside dans son temple saint :  silence devant lui, terre entière ! » 
            Za 2,17 :        « Silence ! toute chair, devant le Seigneur, car il se réveille en sa sainte Demeure. » 
            So 1,7 :          « Silence devant le Seigneur Dieu, car le jour du Seigneur est proche ! » 

 

            dieu est lumièreOr le Jour du Seigneur est celui de son intervention décisive qui sera aussi celui de sa Manifestation. Sa Lumière pénètrera le tréfonds de tous les cœurs et manifestera alors le bien et le mal qui habitent la vie de tout homme… Or, dans une logique tout humaine, dit Jésus, « quiconque commet le mal hait la Lumière et ne vient pas à la Lumière de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables » (Jn 3,20). Il a peur en effet de la sentence du juste juge et donc du châtiment qu’il sait très bien mériter… Alors, il fuit et « va se cacher de devant Dieu » (Gn 3,8). Une telle attitude prouve qu’il est persuadé que Dieu pourrait le châtier et le punir. Il a ainsi au plus profond de lui-même l’image d’un Dieu dur, dominateur, intraitable, capable de répondre au mal par le mal… Souvenons-nous de la parabole des talents et de ce que pensait celui qui n’en avait reçu qu’un seul : « Seigneur, j’ai appris à te connaître pour un homme âpre au gain : tu moissonnes où tu n’as point semé, et tu ramasses où tu n’as rien répandu. Aussi, pris de peur, je suis allé enfouir ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien » (Mt 25,24‑25). Cette fausse image d’un Dieu injuste, ne pensant qu’à lui-même pour lui‑même, est l’image pervertie de Dieu que le démon cherche à insinuer dans nos cœurs. S’il réussit, il aura gagné, car nous adopterons alors le même comportement. En effet, si Dieu était effectivement ainsi, une seule démarche s’imposerait : penser à son tour à soi‑même, et réagir pour soi-même afin d’échapper à la pression d’une telle tyrannie, pour trouver loin d’elle, cet espace de liberté où nous pourrions enfin respirer et être heureux. L’homme se retrouverait alors loin de son Dieu, et c’est bien ce que cherche le démon, « le malin », par tous les moyens… Et il ne faudrait surtout pas s’approcher de lui, car notre désobéissance, notre rébellion provoquerait la Colère de Celui qui n’attendrait qu’une seule attitude de ses créatures : une obéissance servile et silencieuse, qui ne serait que l’expression d’une liberté piétinée… Il est certain que si une telle conviction nous habite, au Jour du Seigneur, la peur du châtiment ne pourra que nous faire fuir (Is 2,10.20-21) : « Va dans le rocher, terre-toi dans la poussière devant la Terreur du Seigneur, devant l’éclat de sa majesté, quand il se lèvera pour faire trembler la terre… En ce jour-là, l’homme jettera aux taupes et aux chauves-souris ses faux dieux d’argent et ses faux dieux d’or, ceux qu’on lui a fabriqués pour qu’il les adore, il s’en ira dans les crevasses des rochers et dans les fentes des falaises, devant la Terreur du Seigneur, devant l’éclat de sa majesté, quand il se lèvera pour faire trembler la terre. »
st jean            Mais non, Dieu n’est pas ainsi… « N’ayez pas peur », disait Jean Paul II, car le Seigneur ne désire que notre bonheur. Ce sont nos fautes qui nous plongent dans la tristesse, « l’angoisse et la souffrance » (Rm 2,9 ; Jr 2,19). Et Dieu de son côté, envers et contre tout, ne cherche toujours que notre bien. Alors, par ses prophètes puis par son Fils, il ne va cesser de nous appeler à nous convertir, à nous repentir, à quitter nos chemins de mensonges, d’injustices et de ténèbres, pour nous engager sur celui de la vérité qui, grâce à sa Miséricorde, nous conduit à la Vie. Il est en effet « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). La première attitude qu’il attend de chacun d’entre nous est que nous osions lui faire confiance en lui offrant de tout cœur notre misère, tout ce qui dans le cadre d’une justice purement humaine mériterait châtiment et condamnation. Et lui nous délivrera de ce fardeau par son pardon, il fera disparaître petit à petit tous nos liens, et nous trouverons alors avec lui la Plénitude de la Liberté, du Bonheur et de la Vie. Dieu, en Jésus Christ, s’est en effet manifesté comme le Serviteur de notre vie, agenouillé au pied de ses disciples pour les laver, les purifier et leur donner ainsi de pouvoir entrer dans sa Maison, là où il ne peut y avoir ni mal, ni injustice, ni égoïsme, ni domination. « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni par aucun vent brûlant. Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » (Ap 21,3-4 ; 7,16-17). 
            Le septième sceau est donc ouvert… Le Livre peut maintenant être lu et connu dans son ensemble grâce au Christ et au don de l’Esprit répandu sur son Eglise pour l’introduire dans la vérité tout entière (Jn 16,13 ; 14,26 ; 1Co 2,9-12)… « L’exécution des décrets consignés dans le Livre ouvert va maintenant se dérouler, selon une nouvelle liturgie céleste marquée par sept sonneries de trompette » (Note Bible de Jérusalem). Et « la trompette est l’instrument par excellence qui souligne tous les grands moments de l’histoire d’Israël. Elle appelle au combat (Jr 4,5), rehausse l’éclat des fêtes (2Sm 15,10), participe aux cérémonies cultuelles (Nb 10,10), retentit lors des théophanies (Ex 19,16s). C’est elle enfin qui annoncera le Jour de Dieu (Jl 2,1 ; So 1,16) »[1]… Ce Jour renvoie bien sûr au dernier jour du monde : « Le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.

[1] PRIGENT P., « L’Apocalypse de Saint Jean », (Paris 1981) p. 131.

 Et alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; et alors toutes les races de la terre se frapperont la poitrine ; et l’on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire. Et il enverra ses anges avec une trompette sonore, pour rassembler ses élus des quatre vents, des extrémités des cieux à leurs extrémités » (Mt 24,29-31). Notons que nous retrouvons bien les trompettes… Ce Jour sera donc bien comme nous le disions précédemment le Jour de la manifestation de Dieu, de sa Lumière qui éclairera le plus profond des cœurs. Alors, tous ceux et celles qui l’accepteront « se frapperont la poitrine » en signe de repentir, et ils mettront toute leur espérance dans l’infinie miséricorde de Dieu. Mais cette démarche commence dès maintenant, car, dans la foi, le Jour du Seigneur est déjà commencé. En effet, il est là, présent à notre vie : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20), et, nous dit-il en St Jean, « je suis la lumière du monde » (Jn 8,12). jésus enseignant 2Cette Lumière est donc toute proche de chacun d’entre nous, frappant inlassablement à la porte de nos cœurs (Ap 3,20) : « Les ténèbres s’en vont, la véritable lumière brille déjà » (1Jn 2,8). C’est donc dès maintenant que nous sommes tous invités à découvrir cette Lumière de l’Amour, et à tout lui offrir. Alors, « nous connaîtrons le salut », c’est-à-dire au sens biblique « nous ferons l’expérience du salut », « par la rémission de nos péchés grâce aux entrailles de Miséricorde dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en Haut, pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l’ombre de la mort afin de guider nos pas dans le chemin de la paix » (Lc 1,77-79). Or, dans la Bible, « les ténèbres et l’ombre de la mort » sont les conséquences du péché (Sg 1,12-15 ; Rm 5,12). L’Astre d’en Haut est donc venu dans le monde pour illuminer avant tout ceux qui en avaient besoin : les pécheurs… Offrons-lui donc notre vie telle qu’elle est, offrons lui toutes nos misères, nos blessures, nos incapacités, nos souffrances, jour après jour, et Lui, petit à petit, les soulagera, les guérira, les comblera de sa Lumière qui est Vie, Paix, Joie… Nos blessures offertes deviendront alors chemin de salut où nous ferons l’expérience du feu de l’amour qui veut venir brûler nos cœurs de sa douceur… Le Jour du Seigneur sera donc avant tout le Jour de la Miséricorde, le Jour de l’Amour, le Jour du Salut, de la Lumière et de la Vie pour nous tous qui étions perdus sur nos chemins de mort et de ténèbres… Dieu dit : « Au moment favorable, je t’ai exaucé ; au jour du salut, je t’ai secouru. Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut » (2Co 6,2).  « Heureux alors ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent » (Lc 11,28) en la mettant en pratique, en demeurant vraiment dans son amour de miséricorde (Jn 15,9-11), en offrant au Soleil de l’Amour toutes leurs misères et en essayant, jour après jour, de marcher sur le bon chemin de la vérité, de la justice, de la droiture, de la tendresse grâce au soutien de sa Présence… Heureux sont-ils car, tournés de tout cœur vers le Soleil, ils accueillent sa Lumière qui est grâce et gloire : « Dieu est un Soleil, il donne la grâce, il donne la gloire » (Ps 84(83),12). Alors, « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu repose sur eux » (1P 4,14), et « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11)… 

prier-pere-fils-saint-esprit

 

            Nous verrons avec les quatre premières trompettes comment cette Miséricorde est annoncée, en images, parfois déroutantes… Mais pour l’instant, St Jean nous présente « sept Anges qui se tiennent devant Dieu ». Dans la littérature juive, le Livre d’Hénoch, nous avons leurs noms : « Uriel, Raphaël (Tb 5,4), Raguel, Michaël (cf. Dn 10 ; 12), Saraqiel, Gabriel (Dn 8-9), Remeiel. Ce sont eux dont parle Tb 12,15. Is 63,9 les appelle « anges de la Face », leur reconnaissant par là le privilège d’approcher Dieu et de lui parler directement. Le Livre des Jubilés les nomme « anges de la Présence ». Notre auteur ne dit pas autre chose : ils se tiennent devant Dieu. Et Gabriel se définit bien en Lc 1,19 comme celui qui se tient devant Dieu, tel un ministre devant son roi »[1]… « L’intervention de ces Anges est toujours porteuse d’espérance pour le peuple choisi »[2], car Dieu n’a qu’un seul désir : « que tous les hommes soient sauvés » et connaissent ainsi la Plénitude de son Bonheur, de sa Paix, de sa Vie, de sa Joie…
            Nous sommes en pleine liturgie céleste. « Un autre Ange vint se placer près de l’autel » qui symbolise sur la terre la Présence de Dieu… Mais a-t-on besoin au ciel d’un symbole de cette Présence, alors que Dieu « brille » sur son « trône » dans toute sa Gloire ?

[1] PRIGENT P., « L’Apocalypse de Saint Jean », p. 130-131.

[2] PREVOST J.-P., « L’Apocalypse » (Paris 1995) p. 87.

 Mais cette manière de s’exprimer montre à quel point la liturgie du ciel et celle de la terre ne font qu’un dans la communion d’un même Esprit. Cet autel fait d’ailleurs allusion à « l’autel des parfums, en or », du Temple de Jérusalem où l’on faisait brûler de l’encens arômatique en présence de Dieu (Ex 30,1-7 ; Hb 9,4). Et ce parfum représentait les prières du Peuple d’Israël montant au ciel comme la fumée de l’encens : « Seigneur, je t’appelle : accours vers moi ! Ecoute mon appel quand je crie vers toi ! Que ma prière devant toi s’élève comme un encens, et mes mains comme l’offrande du soir » (Ps 141(140),1-2)… L’Ange reçoit donc ici « beaucoup de parfum pour qu’il les offrît », du parfum qui vient du ciel et peut représenter ici la louange des Anges et de la communion des saints, « les Vieillards »… Et avec ce parfum qui renvoie donc à la liturgie céleste, se joignent « les prières de tous les saints », les fidèles qui, sur cette terre, ont reçu par leur baptême ce pardon des péchés qui leur permet d’accueillir le plus possible, dès ici-bas, l’Esprit Saint, « arrhes de notre héritage » (Ac 2,37-39 ; Ep 1,13-14 ; 1Co 12,13…). St Paul les appelle souvent des « saints » (Rm 1,7 ; 8,27 ; 12,13 ; 15,25-26.31 ; 16,2.15). Mais ces « saints » pour avoir reçu l’Esprit Saint sont « appelés à être saints » (1Co 1,2), c’est-à-dire à correspondre par toute leur conduite à la grâce qu’ils ont reçue… Aussi, « quant à la fornication, à l’impureté sous toutes ses formes, ou encore à la cupidité, que leurs noms ne soient même pas prononcés parmi vous : c’est ce qui sied à des saints. De même pour les grossièretés, les inepties, les facéties : tout cela ne convient guère ; faites entendre plutôt des actions de grâces » (Ep 5,3-4). Nous voyons bien à quel point ces saints sont invités à la conversion continuelle, ce qui est bien notre aventure à tous… 

victoire

            « Puis l’Ange saisit la pelle et l’emplit du feu de l’autel qu’il jeta sur la terre. Ce furent alors des tonnerres, des voix et des éclairs, et tout trembla ». « Le silence d’une demi-heure » (Ap 8,1) introduisait une intervention décisive de Dieu. « Les tonnerres, les voix, les éclairs » sont les symboles habituellement utilisés dans l’Ancien Testament pour une théophanie, une manifestation de Dieu (Ex 19,16). Ce dernier va donc agir, son action sera présentée avec l’image du feu. Si l’autel représente Dieu Lui-même, « le feu de l’autel » renvoie à ce que Dieu est en Lui-même, et c’est ce Feu qui va être « jeté sur la terre ». La Présence de Dieu lui-même habitera donc l’histoire des hommes et c’est elle qui accomplira le jugement. De fait « le Seigneur Dieu est un feu dévorant » (Dt 4,24), et c’est bien sous l’apparence d’un feu qu’il conclut une Alliance avec Abraham (Gn 15) ou se manifeste à Moïse dans le buisson ardent (Ex 3,1-6). Si Jésus en St Jean affirme « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), si Dieu dit de Lui‑même « Je suis Saint » (Lv 11,44-45 ; 19,2 ; 20,26 ; 21,8), on pourrait dire aussi « Dieu est Feu », et donc son Esprit Saint est Feu… Telle est bien l’expression sous-entendue par Jean-Baptiste lorsqu’il déclare que Jésus « vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Mt 3,11). Et les disciples d’Emmaüs auront « le cœur tout brûlant » (Lc 24,32) lorsque l’Esprit Saint rendra témoignage en eux (Jn 16,26) à la Parole du Christ Ressuscité. Et au jour de la Pentecôte, des « langues de feu » descendront sur toute l’Eglise rassemblée en prière (Ac 2,1-4)… Ce « Feu de l’autel » « jeté sur la terre » est donc le Feu de l’Esprit répandu sur le monde en surabondance. Pour tous ceux qui consentiront à sa Présence, il ne sera que Douceur, Réconfort, Consolation, Miséricorde et Paix… Mais pour ceux qui le refuseront, sa seule Présence sera dénonciation des œuvres mauvaises et appel à un repentir sincère … Puisque le mal tue le pécheur, Dieu, dans son amour pour lui, ne pourra en effet chercher son bien qu’en l’invitant à renoncer à tout ce qui le tue… Enfermé dans les ténèbres de ses mensonges et de son orgueil, ce Dieu d’amour sera alors pour lui comme un adversaire, un empêcheur de tourner en rond, un perpétuel casse-pieds qui l’empêche de vivre comme il l’entend… Or, quand quelqu’un nous dérange, le meilleur moyen de retrouver la tranquillité est de l’éliminer d’une manière ou d’une autre. Et c’est ainsi que les prophètes furent assassinés, et le Christ crucifié (Mc 12)…

feu de l'amour

            Ce Feu de l’Esprit répandu sur le monde accomplit donc le Jugement de Dieu par sa simple Présence. Mais ce n’est pas Lui qui juge ou qui condamne. Il n’est là que pour éclairer, faire la vérité, appeler au repentir, pardonner, guider, vivifier, donner la paix… Avec Lui et par Lui, le Christ Ressuscité poursuit dans l’histoire son œuvre de Sauveur du monde. « Dieu en effet a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique de Dieu » (Jn 3,16-18).             
D. Jacques Fournier

 

 

 AP – SI – Fiche 17 – Ap 8,1-5 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF




La joie de la multitude des sauvés (Ap 7)…

(1)       Après quoi je vis quatre Anges, debout aux quatre coins de la terre, retenant les quatre vents de la terre pour qu’il ne soufflât point de vent, ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre. (2) Puis je vis un autre Ange monter de l’orient, portant le sceau du Dieu vivant; il cria d’une voix puissante aux quatre Anges auxquels il fut donné de malmener la terre et la mer : (3)  Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres, que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. (4) Et j’appris combien furent alors marqués du sceau : cent quarante-quatre mille de toutes les tribus des fils d’Israël. (5) De la tribu de Juda, douze mille furent marqués; de la tribu de Ruben, douze mille; de la tribu de Gad, douze mille ; (6) de la tribu d’Aser, douze mille ; de la tribu de Nephtali, douze mille; de la tribu de Manassé, douze mille ; (7) de la tribu de Siméon, douze mille; de la tribu de Lévi, douze mille ; de la tribu d’Issachar, douze mille ; (8) de la tribu de Zabulon, douze mille ; de la tribu de Joseph, douze mille ; de la tribu de Benjamin, douze mille furent marqués.

(9)       Après quoi, voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main, (10) ils crient d’une voix puissante : Le salut à notre Dieu, qui siège sur le trône, ainsi qu’à l’Agneau ! (11) Et tous les Anges en cercle autour du trône, des Vieillards et des quatre Vivants, se prosternèrent devant le trône, la face contre terre, pour adorer Dieu ; (12) ils disaient :

            Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen !

(13)    L’un des Vieillards prit alors la parole et me dit : Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? (14) Et moi de répondre : Monseigneur, c’est toi qui le sais.  Il reprit : Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. (15) C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son temple ; et Celui qui siège sur le trône étendra sur eux sa tente. (16) Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni par aucun vent brûlant. (17) Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. 

 

            Entre le sixième et le septième sceau, nous avons une parenthèse où St Jean voit le sort de tous ceux et celles qui auront mis Dieu dans leur cœur et dans leur vie. La perspective est à nouveau universelle avec « les quatre Anges, debout aux quatre coins de la terre, retenant les quatre vents de la terre » (Ap 7,1)… Remarquons que ce chiffre « quatre », symbole d’universalité, intervient trois fois… Or le chiffre « trois » renvoie dans la Bible à Dieu en tant qu’il agit… Tout ce qui suit sera donc le résultat de l’action de ce Dieu qui a créé l’homme pour qu’il partage la Plénitude de sa Vie… Et il a envoyé son Fils dans le monde en « Sauveur du monde » (Jn 4,42) pour qu’un jour, il en soit effectivement ainsi… Il annonça donc la Bonne Nouvelle de ce Dieu Amour qui veut que tous les hommes, ses fils, soient « saints et immaculés en sa Présence dans l’Amour ». Et cette volonté, il l’a accomplie par l’offrande de son Fils en qui « nous trouvons la Rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce ». Et tous ceux et celles qui ont « entendu la Parole de Vérité, l’Evangile de notre salut, et y ont cru ont été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis à la louange de sa gloire » (Ep 1,3-14).
 
            Ainsi, avant que « la terre et la mer ne soient malmenées », « un autre Ange monta de l’orient », de là où le soleil se lève, de là où la Lumière brille pour finalement remporter la victoire sur les ténèbres. Cet Ange vient donc de Dieu, et il va exprimer sa volonté : avant la fin de toutes choses, il faut que « nous ayons marqué au front », avec « un sceau », le sceau du baptême, « les serviteurs de notre Dieu ». « Dieu veut en effet que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Il faut donc qu’au Nom du Christ, « le repentir en vue de la rémission des péchés soit proclamé à toutes les nations à commencer par Jérusalem » (Lc 24,46-47). L’annonce de la Bonne Nouvelle de ce Dieu Amour qui veut la Vie et la Plénitude de l’homme doit conduire à une prise de conscience du mal commis, des erreurs faites, une première étape qui permettra de recevoir ce Pardon que Dieu veut nous offrir. Et avec lui, nous serons comblés par la grâce de l’Esprit qui renouvelle toutes choses… Cette démarche s’accomplit notamment lors du baptême voulu par le Seigneur, et qui marque d’un sceau indélébile celui qui le reçoit… Souvenons-nous des dernières paroles du Christ Ressuscité dans l’Evangile selon St Matthieu : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez  donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,  et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin de l’âge » (Mt 28,18-20). Avec cet Esprit Saint reçu lors du baptême, les croyants sont « marqués au front » (Ap 7,4) du « Nom de Dieu », du « Nom nouveau » (Ap 3,12) que le Christ porte : Ressuscité, Premier Né d’entre les morts, vainqueur de la mort et des ténèbres… Et ils participent à sa Victoire…

 


agneau immolé
    Ceux qui sont marqués sont 144.000… Le chiffre est bien sûr symbolique, et son interprétation s’enracine dans l’Ancien Testament avec les Douze tribus du Peuple d’Israël dont les noms sont cités en Ap 7,5-8. Mais ce fondement de l’ancienne Alliance n’était là que pour préparer celui de la Nouvelle Alliance : ces Douze Apôtres, appartenant tous au Peuple d’Israël, et qui furent envoyés dans le monde entier pour porter d’innombrables fruits de salut… La culture hébraïque ne connaissant pas la notion d’infini, une foule innombrable était évoquée par le chiffre 1000, ou par des expressions comme « myriades de myriades » ou « milliers de milliers » (Ap 5,11)… Ce chiffre de 144.000 évoque donc la multitude (1000) de ceux et celles qui, au temps de l’Ancienne Alliance (12 tribus d’Israël) et au temps de la Nouvelle Alliance (12 apôtres) ont accepté de se laisser aimer par Dieu et donc combler par Lui de tous ses trésors de Miséricorde, de Lumière et de Vie. Douze fois douze fois mille égale cent quarante quatre mille (12 x 12 x 1000), la foule innombrable des hommes et des femmes de tous les temps rassemblés dans le Paradis de Dieu, vivants de sa Vie… Elle apparaît d’ailleurs au verset suivant : « Après quoi, voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue ; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main, ils crient d’une voix puissante : « Le salut à notre Dieu, qui siège sur le trône, ainsi qu’à l’Agneau ! » Et tous les Anges en cercle autour du trône, des Vieillards et des quatre Vivants, se prosternèrent devant le trône, la face contre terre, pour adorer Dieu ; ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! » (Ap 7,9-13).

 

            Nous pouvons souligner ici l’universalité de la perspective ; alors que Dieu dans l’Ancienne Alliance ne s’était révélé qu’à son Peuple choisi, Israël, alors que l’Evangile commence juste à se répandre dans le bassin méditerranéen, la foule des sauvés comprend déjà des hommes et des femmes « de toute nation, race, peuple et langue ». Nous voyons bien que les frontières de l’Eglise dépassent ses seules apparences visibles. Toute personne de bonne volonté, attentive à la voix de sa conscience, suit son créateur et Père, même si elle ne le sait pas… Et lui, de son côté, veille sur elle, s’occupe d’elle et la conduit là où Il nous attend tous… Pourrait-il en être autrement d’un Père vis-à-vis de tous ses enfants ? Mais encore faut-il qu’ils acceptent de se laisser aimer, de quitter les chemins d’injustice et de mensonge pour suivre le seul qui pourra en fait leur apporter la paix : celui de la vérité, de la justice, de l’amour et de la paix…
 je suis la vraie vigne
            Ils sont « debout », en ressuscités, comme le Christ. Et ils se tiennent en présence du Père et du Fils, « devant le trône et devant l’Agneau ». Et tel est bien le salut : être réconcilié avec Dieu, ouvert de cœur à sa Présence, rendu capable de se tenir « devant sa face »… Ils sont vêtus de « robes blanches », symboles de leur participation à la nature divine, « les palmes » de la victoire à la main : ils ont donc bien reçu ce salut qui est donné gratuitement, par amour… Ils le crieront en action de grâce : « Ils proclamaient d’une voix forte : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau » » (Ap 7,10 ; Traduction liturgique). St Paul ne dit pas autre chose, insistant avec force sur cette grâce donnée gratuitement, indépendamment des œuvres que nous aurions pu accomplir. Personne, en effet, ne doit pouvoir s’enorgueillir et penser, ne serait-ce qu’une seconde, qu’il a bien mérité en fait ce salut par sa fidélité, ses prières, sa générosité, ses sacrifices, ses bonnes œuvres… Non, le salut est donné gratuitement… Et c’est la grâce de l’Esprit Saint reçue de la Miséricorde de Dieu, de pardon en pardon, qui permet de grandir dans la foi, de s’affermir dans l’amour et le don de soi, pour être enfin rendu capable d’accomplir de bonnes œuvres… Nous ne sommes donc pas sauvés à cause d’elles… Non… Mais c’est le salut reçu gratuitement qui fait de chacun de nous, petit à petit, des créatures nouvelles « dans le Christ Jésus », qui pourront alors, et alors seulement, se comporter de manière nouvelle et donc accomplir enfin des œuvres qui plaisent à Dieu… Et c’est l’Esprit Saint qui, petit à petit, réalise très concrètement cette transformation intérieure avec le concours toujours fragile de notre liberté… Le croyant est alors « dans le Christ Jésus », uni au Christ dans la communion d’un même Esprit reçu gratuitement de la Bonté et de la Miséricorde de Dieu. Et c’est cet Esprit qui lui permettra d’agir. D’où l’importance de la prière, accueil intérieur de la grâce et action de grâce, de la fréquentation habituelle des sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie, de la lecture de la Parole de Dieu qui, par l’Esprit, nourrit notre vie intérieure (1P 2,2), et de « la garde du cœur » pratiquée autant que possible à tout instant… « Veillez »… Dans sa Lettre aux Ephésiens, St Paul rappelle et insiste sur ces bases de la vie chrétienne : « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés ! –, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu par là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,4-10).

christ-souriant-04

            Tout s’enracine donc dans ce Dieu d’Amour qui donne et se donne entièrement, instant après instant, à toute l’humanité qu’il a créée par amour et pour l’amour. La Source de notre Vraie Vie est donc à chercher dans ce Don continuel que Dieu fait de Lui-même et qui ne saurait jamais nous manquer… « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), « le Seigneur Dieu est un Soleil, le Seigneur donne la grâce, il donne la gloire » (Ps 84(83),12)… Toute notre vie est ainsi invitée à se déployer au Soleil de l’Amour… Il suffit de tout lui offrir, et notamment toutes nos blessures, toutes nos incapacités, toutes nos failles, et petit à petit, elles se cicatriseront à la Lumière de l’Amour. « Pour vous qui craignez mon Nom », dit le Seigneur, « le soleil de justice brillera, avec la guérison dans ses rayons » (Ml 3,20), car « son éclat est pareil à la lumière, deux rayons sortent de ses mains : là se tient cachée sa puissance » (Ha 3,4), la Puissance de Miséricorde de Celui qui n’est pas venu pour les bien portants mais pour les malades (Lc 5,31-32), la Puissance de l’Esprit Saint qui faisait accomplir au Seigneur ces guérisons physiques (Lc 5,17), signes visibles de notre guérison intérieure, invisible celle-là… 
            Cette gratuité de la Miséricorde Toute Puissante, voilà ce que chantent « tous les Anges » du ciel « en cercle » autour des vingt quatre Vieillards, assis sur vingt quatre trônes qui entourent eux-mêmes (Ap 4,4) « le trône aux quatre vivants » (Ap 5,6) sur lequel Dieu siège ainsi que l’Agneau (Ap 7,10)… Et l’on se souvient que ces vingt quatre Vieillards représentent la multitude des sauvés de tous les temps : les Douze Patriarches, tous fils de Jacob, renvoient aux Douze tribus d’Israël pour le temps de l’Ancienne Alliance, avant le Christ, et les Douze Apôtres évoquent le temps de la Nouvelle Alliance qui s’est ouvert avec le Christ et qui se conclura au dernier Jour du monde… Ainsi, tous les sauvés, entourés par les Anges, sont-ils entraînés dans la liturgie céleste, une liturgie de louange et de joie… « Ils se prosternent » en effet pour « adorer Dieu » et chanter : « Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! » (Ap 7,12). Notons que cette louange « à notre Dieu, pour les siècles des siècles » célèbre 7 de ses attributs, en signe de sa Perfection et de sa Plénitude…

Dieu-Amour

            Et c’est bien un de ces Vieillards qui va expliquer qui sont « ces gens vêtus de robes blanches », car il les représente tous… Sa réponse est magnifique, car elle résume toute notre vie : « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son temple ; et Celui qui siège sur le trône étendra sur eux sa tente. Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni par aucun vent brûlant. Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » 
            « La grande épreuve » est tout simplement notre vie, trop souvent mise à mal par les fléaux de la guerre, da la famine et de la mort (Ap 6,3-8), et par les persécutions de toutes sortes (Ap 6,9)… Mais nous sommes tous responsables de la présence du mal en ce monde, chacun portant ses blessures et contribuant ainsi pour sa part, d’une manière ou d’une autre, à ce que ce mal existe et se développe… Aussi le Christ nous invite-t-il tous à venir « blanchir » la robe de notre cœur et de notre vie « dans son sang ». Son offrande sur la Croix nous « purifie en effet de tout péché » (1Jn 1,7 ; Mt 26,27-28 ; Ep 2,13 ; Col 1,19-20 ; 1P 1,18-19). Et c’est l’Esprit Saint qui met très concrètement en œuvre cette purification au plus profond de nous-mêmes (Ez 36,25-28). Sur le chemin de la guérison, nous pourrons alors commencer à le servir, lui et nos frères, comme le fit autrefois la belle-mère de Pierre arrachée à sa fièvre par le Christ (Mc 1,29-31). Et c’est encore la Puissance de l’Esprit Saint, Source de notre guérison intérieure, qui nous donnera la force d’accomplir des bonnes œuvres et de nous donner au service de Dieu et des hommes, pour notre salut à tous (Ga 5,22‑23 ; Ep 5,8-9 ; 2Tm 1,6-11). Et la Présence de ce même Esprit en nos cœurs sera également le Principe de notre communion avec Dieu et avec nos frères. En Eglise, nous serons aussi dans « la Maison du Père » (Jn 14,1-4) car Dieu aura « étendu sur nous sa tente ». Alors, au cœur de toutes les épreuves de ce monde, « la faim, la soif, l’ardeur du soleil, les vents brûlants », l’Esprit se fera Consolation, Encouragement, Réconfort (2Co 1,3-7). Grâce à Lui, nous pourrons tenir bon et même connaître déjà « quelque chose » de la Joie du ciel (1Th 1,6)… En effet, c’est par « les Fleuves d’Eau Vive de l’Esprit » (Jn 7,37-39) qui nous rejoignent dès maintenant dans la foi, que Dieu essuie « toute larme de nos yeux » en attendant le Bonheur parfait et sans fin du ciel…
 Jacques Fournier

 

 AP – SI – Fiche 16 – Ap 7 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF.




L’Agneau brise les six premiers sceaux (Ap 6)…

(1)       Et ma vision se poursuivit. Lorsque l’Agneau ouvrit le premier des sept sceaux, j’entendis le premier des quatre Vivants crier comme d’une voix de tonnerre : Viens ! (2) Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval blanc ; celui qui le montait tenait un arc; on lui donna une couronne et il partit en vainqueur, et pour vaincre encore.

(3)       Lorsqu’il ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième Vivant crier : Viens ! (4) Alors surgit un autre cheval, rouge-feu ; celui qui le montait, on lui donna de bannir la paix hors de la terre, et de faire que l’on s’entr’égorgeât ; on lui donna une grande épée.

(5)       Lorsqu’il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième Vivant crier : Viens !  Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval noir ; celui qui le montait tenait à la main une balance, (6) et j’entendis comme une voix, du milieu des quatre Vivants, qui disait :  Un litre de blé pour un denier, trois litres d’orge pour un denier ! Quant à l’huile et au vin, ne les gâche pas !

(7)       Lorsqu’il ouvrit le quatrième sceau, j’entendis le cri du quatrième Vivant : Viens ! (8) Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval verdâtre ; celui qui le montait, on le nomme : la Mort ; et l’Hadès le suivait. Alors, on leur donna pouvoir sur le quart de la terre, pour exterminer par l’épée, par la faim, par la peste, et par les fauves de la terre.

(9)       Lorsqu’il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu’ils avaient rendu. (10) Ils crièrent d’une voix puissante : Jusques à quand, Maître saint et vrai, tarderas-tu à faire justice, à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ?  (11) Alors on leur donna à chacun une robe blanche en leur disant de patienter encore un peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons de service et leurs frères qui doivent être mis à mort comme eux.

(12)    Et ma vision se poursuivit. Lorsqu’il ouvrit le sixième sceau, alors il se fit un violent tremblement de terre, et le soleil devint noir comme une étoffe de crin, et la lune devint tout entière comme du sang, (13) et les astres du ciel s’abattirent sur la terre comme les figues avortées que projette un figuier tordu par la tempête, (14) et le ciel disparut comme un livre qu’on roule, et les monts et les îles s’arrachèrent de leur place ; (15) et les rois de la terre, et les hauts personnages, et les grands capitaines, et les gens enrichis, et les gens influents, et tous enfin, esclaves ou libres, ils allèrent se terrer dans les cavernes et parmi les rochers des montagnes, (16) disant aux montagnes et aux rochers :  Croulez sur nous et cachez-nous loin de Celui qui siège sur le trône et loin de la colère de l’Agneau. (17) Car il est arrivé, le grand Jour de sa colère, et qui donc peut tenir ?

            La vision de St Jean se poursuit. Rappelons-nous… Il avait vu « dans la main droite de Celui qui siège sur le trône un livre roulé, écrit au recto et au verso, et scellé de sept sceaux ». Et seul le Christ, Lui qui a « remporté la victoire » sur le mal, le péché et la mort, « le Lion de la tribu de Juda, le Rejeton de David », « l’Agneau comme immolé » fut « trouvé digne d’ouvrir le livre aux sept sceaux » (Ap 5,1-5). 

            L’Agneau ouvre donc le premier des sept sceaux. Alors, dit St Jean, « j’entendis le premier des quatre vivants crier comme d’une voix de tonnerre : « Viens ! » ».

D’après Ap 4,7, « le premier vivant est comme un lion », et nous venons de voir que le Christ en Ap 5,5 est appelé « le Lion de la tribu de Juda »… Notre regard commence donc à se tourner vers le Christ.

orageDe plus ce « premier des quatre vivants » parle « comme d’une voix de tonnerre ». Or l’image du tonnerre apparaît très souvent dans l’Ancien Testament pour introduire une manifestation de Dieu. Ainsi par exemple, lorsque Moïse fut invité à le rencontrer sur la montagne du Sinaï « dès le matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu’un très puissant son de trompe et, dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu, et ils se tinrent au bas de la montagne. Or la montagne du Sinaï était toute fumante, parce que Yahvé y était descendu dans le feu ; la fumée s’en élevait comme d’une fournaise et toute la montagne tremblait violemment. Le son de trompe allait en s’amplifiant ; Moïse parlait et Dieu lui répondait dans le tonnerre » (Ex 19,16-19 ; cf. 20,18). Et dans le Livre de l’Apocalypse, on lit en 11,19 : « Alors s’ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d’alliance apparut, dans le temple ; puis ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres et un tremblement de terre »… L’image du tonnerre introduit donc très souvent une manifestation de Dieu … Avec ce « premier des quatre Vivants », c’est donc Dieu Lui-même qui va intervenir… Et souvenons‑nous : l’expression « les quatre Vivants » renvoie à Dieu, le Vivant par excellence, en tant qu’il est Présent à tout l’univers… Le chiffre quatre est en effet un symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest). Et de fait, tout l’univers sera ici concerné…

            Si nous rassemblons les éléments précédents, le Christ « comme un lion », « le premier des quatre vivants » qui « crie comme d’une voix de tonnerre » et montre ainsi que Dieu Lui-même intervient, nous constatons que l’auteur tourne notre regard vers le Christ, vrai Dieu et vrai homme… C’est Lui ici qui est évoqué…

            D’autres éléments renforcent cette interprétation. En effet, que dit-il ? « Viens ! ». Or cet impératif intervient sept fois dans l’ensemble du Livre de l’Apocalypse, en signe de perfection, de plénitude. Regardons où il apparaît. Nous le trouvons ici quatre fois pour les « quatre » premiers sceaux (Ap 6,1.3.5.7), un nouveau clin d’œil vers une perspective universelle. Pas de doute, dans notre passage, toute la terre est bien concernée. Puis « Viens ! » réapparaît en Ap 22,17.20 : « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Églises. Je suis le rejeton de la race de David, l’Étoile radieuse du matin. L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Que celui qui entend dise : « Viens ! » Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement… Le garant de ces révélations l’affirme : « Oui, mon retour est proche ! » Amen, viens, Seigneur Jésus ! » Ainsi, Celui qui « vient » dans l’Apocalypse, c’est le Christ Jésus, d’où ces sept « Viens ! », en signe de Plénitude. En effet, avec Lui, c’est toute la Plénitude de Dieu, « Lumière du monde » (Jn 8,12 ; 1Jn 1,5), Vie et Plénitude de Vie qui vient et qui permet ainsi au projet créateur de Dieu de s’accomplir pleinement… 

avec-nous-mathieu-28_20-ellecroit_com_Or le Christ reviendra au dernier Jour du monde, « sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire » (Mt 24,29-31), nous le reverrons par la suite.  Et ce sera le jugement dernier (Mt 24,31-46)… Mais, Ressuscité, Il est déjà présent à notre vie, offert à notre foi dans la communion d’un même Esprit : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Oui, nous a-t-il promis, après ma mort et ma résurrection, « je ne vous laisserai pas orphelins, je reviendrai vers vous », en Esprit et par l’Esprit (Mt 28,20 ; Jn 14,18)… Or, lorsque Dieu est Présent, le Jugement aussi est présent. En effet, qu’est-ce que « le Jugement » ? Ce n’est pas Dieu qui juge ou qui condamne le pécheur, même s’il le mériterait… En effet, Jésus nous dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.

Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui ». Ainsi, Dieu ne condamne jamais. Son seul désir, sa seule volonté est que « tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3), tous, sans exception. Mais cet Amour, cette Miséricorde, ce Pardon sans limites, cette Plénitude de Vie déjà donnée en espérance, tout cela est proposé à la liberté de l’homme qui peut ou non refuser le cadeau qui lui est fait. Nous constatons alors que c’est l’homme qui se jugera lui-même par l’acceptation de cet Amour de Dieu ou son refus… L’accepter, se laisser aimer, recevoir le pardon dans un acte de repentir sincère et avec lui la Vie et la Paix de Dieu, telle est l’attitude que les Evangiles résument en un mot : « croire ». Ainsi, « qui croit en lui n’est pas jugé » poursuit St Jean, car il accepte d’accueillir Celui qui n’est qu’Amour et Pardon, Celui qui ne condamne jamais, Celui qui ne cherche toujours que le meilleur pour tous ceux et celles qu’il aime. Mais celui qui refuse l’Amour, « celui qui ne croit pas » en ce Dieu qui ne juge jamais « est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique-Engendré de Dieu ». En fait, il se condamne lui-même… Car « tel est le jugement : la Lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la Lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3,17-19). Dès que l’on parle de jugement, c’est donc l’homme qui se juge lui-même par son acceptation ou son refus de Dieu, qui est tout en même temps décision libre, profonde et responsable de se détourner du mal pour se tourner vers le bien, et donc vers la Source de Tout Bien : Dieu… Choisir Dieu ou le refuser, croire en lui ou refuser de croire : tel est le jugement… Il s’agit donc pour l’homme de se déterminer vis-à-vis de Dieu. C’est pour cela que si Dieu est là, le jugement aussi est là. En Jésus Christ, la Lumière nous a rejoints dans nos ténèbres. Et maintenant, dans la foi en attendant la pleine vision, que ferons-nous ? Irons-nous vers elle, ou au contraire, partirons-nous loin d’elle, dans les ténèbres ? Tel est le jugement, et il commence dès maintenant, dans la foi, car le Christ Ressuscité, Lumière du Monde, est présent à notre cœur, à notre vie… « Je me tiens à la porte et je frappe… Si tu m’ouvres ton cœur », et tel est le jugement, « je ferai chez toi ma demeure », pour ta Plénitude et ton Bonheur (Ap 3,20)…

jesus-christ-0305

Ajoutons que nous n’avons rien à craindre de cette Lumière, de cette Présence, de cet Amour car Dieu ne désire qu’une seule chose, notre Salut, notre Vie, notre Joie… Pour Lui, « juger » c’est « sauver » (Jn 3,17‑18), c’est-à-dire « enlever le péché du monde » (Jn 1,29), « donner dès maintenant la vie éternelle » (Jn 20,30-31 ; 6,47.54.57) et introduire ainsi le croyant dans un Mystère de Communion avec son Dieu (1Jn 1,1-4). Alors, rien, absolument rien ne pourra l’arracher de sa main. Le Prince de ce monde quant à lui sera « jeté dehors » : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi… Mes brebis écoutent ma voix, je les connais et elles me suivent ; je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main. » Car « Je Suis la Lumière du monde », et « la Lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie ». Et « moi, Lumière, je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » mais « ait la Lumière de la Vie » (Jn 12,31-32 ; 10,27-28 ; 8,12a ; 1,4-5 ; 12,46 ; 8,12b).

            Ce jugement est donc déjà à l’œuvre dès ici-bas par la Puissance de l’Esprit et il apparaît encore en Ap 6,2 avec l’image de l’arc : « L’arc qu’on remet au cavalier évoque le thème fréquent dans l’Ancien Testament, de l’arc et des flèches de Dieu, c’est-à-dire ses jugements et ses châtiments (Dt 32,41-42 ; Hb 3,8-9 ; Lm 2,4) »[1].

            Notons aussi que le cheval de ce « premier des quatre vivants » est « blanc » et l’on se souvient que le blanc dans le Livre de l’Apocalypse évoque « la nature divine », c’est-à-dire ce que Dieu est en Lui-même (En Ap 20,11, le trône de Dieu est « blanc » ; en 1,14, ce sont les cheveux de la tête du Christ qui sont blancs comme ceux de Dieu le Père (l’Ancien) dans le Livre de Daniel (Dn 7,9) ; et la nuée sur laquelle le Christ est assis en Ap 14,14 est elle aussi blanche…).

Blanc ChristOr toute l’œuvre du Christ est de nous rendre participants de sa nature divine (2P 1,3‑4), d’où le « caillou blanc » donné au vainqueur (Ap 2,17), et « les vêtements blancs » qui seront les siens après s’être purifié dans le Sang de l’Agneau (Ap 3,4-5.18 ; 4,4 ; 6,11 ; 7,9.13-14 ; 19,8). Le « cheval blanc » souligne donc ici une nouvelle fois la divinité de Celui qui le monte. Nous le retrouvons en Ap 19,11-16 : « Alors je vis le ciel ouvert, et voici un cheval blanc ; celui qui le monte s’appelle « Fidèle » (Ap 1,5) et « Vrai » (Ap 3,7.14), il juge (Jn 5,22.26-27) et fait la guerre avec justice. Ses yeux ? Une flamme ardente (Ap 1,14) ; sur sa tête, plusieurs diadèmes ; inscrit sur lui, un nom qu’il est seul à connaître ; le manteau qui l’enveloppe est trempé de sang ; et son nom ? Le Verbe de Dieu. Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de lin d’une blancheur parfaite. De sa bouche sort une épée acérée (Hb 4,12 ; Ep 6,17) pour en frapper les païens… Un nom est inscrit sur son manteau et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs. » 

            Nous le voyons bien : toutes ces constatations rejoignent ce que nous disions au tout début avec ce « premier des quatre vivants », « comme un lion », « qui crie d’une voix de tonnerre : Viens ! » (Ap 6,1 ; 4,7). « Celui qui monte ce cheval blanc », c’est le Christ, « le Verbe de Dieu », celui qui est tout à la fois vrai Dieu et vrai homme. Il possède la Plénitude de la nature divine (« blanc ») et Dieu lui a donné d’exercer le jugement (« l’arc » ; cf. Jn 5,27), c’est-à-dire de sauver le monde en lui offrant le pardon de toutes ses fautes et la vie éternelle (Jn 3,14-18 ; 17,1-3). Il porte « une couronne, et il partit en vainqueur et pour vaincre encore ». La couronne étant un symbole de royauté, c’est le Père qui donne à son Fils d’être Roi… Lorsque St Paul évoque la fin du monde, il écrit en effet : « Ce sera la fin, lorsque le Christ remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute Principauté, Domination et Puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi détruit, c’est la Mort ; car il a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu’il dira : « Tout est soumis désormais », c’est évidemment à l’exclusion de Celui qui lui a soumis toutes choses. Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous » (1Co 15,24-28).

           Cette Royauté est celle de l’Amour : « Son Amour envers nous s’est montré le plus fort » (Ps 117(116)). Rien, absolument rien n’a pu l’empêcher de nous aimer. Bien au contraire, nos misères qui nous détruisent, blessent la vie de Dieu en nous et nous plongent dans le mal-être, la tristesse, l’absence de paix, sont autant d’appels lancés à l’Amour de venir à notre aide. Et c’est bien ce qu’il a fait en Jésus Christ : de pardon en pardon, « Il nous a arrachés à l’empire des ténèbres », à tout ce qui était plus fort que nous, « pour nous transférer dans le Royaume de son Fils Bien-Aimé » (Col 1,13-14), en qui nous trouvons enfin la Plénitude de Vie, de Paix et de Lumière…

           dieu viensAlors, si Dieu « Amour, Lumière, Paix, Vie » doit être « tout en tous », nous serons donc nous aussi des « rois » comme Lui‑même est Roi, à « son image et ressemblance » (Gn 1,26-27)…Et de fait, la mission du Christ est de nous associer au Mystère de sa Royauté en nous donnant d’avoir part, dès maintenant, dans la foi et par notre foi, à cette Plénitude de l’Esprit qu’il reçoit lui‑même de son Père de toute éternité. « En lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité, et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude », écrit St Paul (Col 2,9-10). « Cherchez donc dans l’Esprit votre Plénitude » (Ep 5,12). Or, « le Règne de Dieu est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Si Dieu nous « a donc fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8), là où est l’Esprit, là est le Royaume, là est la Royauté de la Lumière sur les ténèbres (Jn 1,5), de la Vie sur la mort… Rien ne peut alors « nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus, notre Seigneur » (Rm 8,39). C’est donc bien en « baptisant dans l’Esprit et le feu » (Mt 3,11) que Jésus « dispose pour nous du Royaume comme son Père en a disposé pour lui » (Lc 22,29). C’est ainsi que le Christ Roi (cf. la « couronne » d’Ap 6,2 ; 14,14) donne à tous ceux et celles qui accepteront qu’Il règne dans leur vie des « couronnes » (Ap 2,10 ; 3,11 ; 4,4.10). Car, c’est dans la mesure où Il règnera en eux, dans leur cœur et dans leur vie, qu’ils seront eux aussi des rois, comme le Christ. Sa Lumière règnera dans leurs ténèbres, sa Vie règnera dans leur mort, sa Paix règnera dans leur cœur… Ils seront « rois » grâce au Christ roi et par lui. Ils participeront au Mystère de sa Royauté, vainqueurs eux aussi du mal et de la mort grâce à cet Esprit qu’ils auront reçu du Christ. En remportant la victoire sur le mal et la mort, Christ aura ainsi fait de chacun de ceux et celles qui auront accepté de le recevoir des vainqueurs… Et ressuscité, le Christ part chaque jour, à toute heure, à tout instant « en vainqueur et pour vaincre encore ». Et toute l’Eglise est au service de Sa Mission. Et il attend, il espère, pour « vaincre encore », ce « oui » de la foi qui saura lui donner ce qui, dans nos existences, n’a pas encore été vaincu…

            Si le Christ combattant et vainqueur apparaît ici en premier sur son cheval « blanc », c’est déjà pour dire sa victoire sur tous les malheurs qui seront évoqués par la suite… « Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! Moi, j’ai bel et bien vaincu le monde » (Jn 16,33). Nous sommes ici au cœur de l’Evangile : Présence du Ressuscité qui s’unit au croyant dans la communion d’un même Esprit, pour lui donner de remporter la victoire sur tout ce qui blesse, altère, détruit la vie… Et même si les épreuves sont toujours là, elles n’auront pas le dernier mot. Avec le Christ et grâce à Lui, la maison construite sur le Roc tiendra bon (Mt 7,24-25)… Souvenons-nous d’Ap 1,9 : « Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l’épreuve, la royauté et la constance, en Jésus »… Dans « l’épreuve », « la royauté » du Christ mise en œuvre par le Don de l’Esprit au cœur de celui ou celle qui acceptera de l’accueillir lui donnera « la constance », la grâce de tenir bon… 

            Les malheurs de la vie vont maintenant défiler, symbolisés par les différents chevaux qui vont suivre. Avec eux, nous allons retrouver tous ces fléaux qui, hélas, bouleversent encore trop souvent la vie des hommes sur cette terre… Le Christ ne dit pas autre chose dans les Evangiles : « Vous aurez à entendre parler de guerres et de rumeurs de guerres ; voyez, ne vous alarmez pas : car il faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin. On se dressera, en effet, nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura par endroits des famines et des tremblements de terre. Et tout cela ne fera que commencer les douleurs de l’enfantement » (Mt 24,6-8)… 

            Au deuxième sceau, le cheval « rouge feu » représente la guerre… Si l’amour ne règne pas dans les cœurs, la haine destructrice pousse alors à « s’entr’égorger »…

dieu vous aime

            Au troisième sceau, le cheval « noir » comme peuvent l’être des vêtements de deuil, est monté par quelqu’un qui tient à la main « une balance » : les denrées sont pesées, rationnées. Les aliments de base sont hors de prix… « Un denier » était en effet le salaire d’une journée de travail (cf. Mt 20,2). Or, « le litre de blé » coûte ici « un denier ». Et un litre de blé était la ration journalière pour une personne… Avec de tels prix, un père de famille ne peut donc plus nourrir les siens par son travail… Nous sommes alors en pleine famine… 

            Au quatrième sceau, le cheval est « verdâtre » comme la mort qu’il symbolise, suivie de près par « l’Hadès », ce séjour des morts prêt à engloutir les défunts… 

            Nous le voyons bien ; tous ces fléaux, sur lesquels nous ne nous attardons pas, appartiennent bien à l’histoire des hommes sur cette terre. Cette première partie, avec les quatre sceaux (quatre, symbole d’universalité), est d’ailleurs comme indépendante par rapport au reste. En effet, dans une conclusion saisissante, l’auteur va reprendre un à un ces fléaux : « Alors, on leur donna pouvoir sur le quart de la terre, pour exterminer par l’épée (2° cheval, rouge feu), par la faim (3° cheval noir), par la peste (4° cheval verdâtre), et par les fauves de la terre » (précision qui prépare le passage suivant consacré aux martyrs). Nous l’avons remarqué : l’auteur ne parle pas du premier cheval blanc qui a décidément une place à part. Il ne devra en effet jamais être oublié car celui qui le monte, c’est « le Verbe de Dieu », le Christ Ressuscité, Présent à la vie des hommes pour leur donner de « vaincre et vaincre encore » toutes ces épreuves qu’ils doivent traverser. Mais sa victoire est celle de la croix : échec apparent lorsque le Christ meurt de la pire mort qui pouvait exister à l’époque, mais triomphe total avec sa Résurrection qui ne laissera en tout et pour tout qu’un tombeau vide… Et « le disciple n’est pas au‑dessus du maître ; tout disciple accompli sera comme son maître » (Lc 6,40). Tel fut le chemin du Christ, tel sera aussi le nôtre, d’une manière ou d’une autre, avec la Puissance de l’Esprit Saint qui viendra à notre secours et qui, nous l’espérons, nous donnera de « tenir bon »…

Croix Alain Dumas

            Avec le cinquième sceau, St Jean va évoquer tous les martyrs qui sont déjà morts « pour la Parole de Dieu et leur témoignage ». Jean-Baptiste fut assassiné par Hérode en vrai précurseur de Jésus (Mt 14,3-12), Etienne fut lapidé (Ac 7,55-60), Jacques, frère de Jean, périt par le glaive sur ordre d’Hérode (Ac 12,3)… Et dans les années 64-67, à Rome, Pierre sera crucifié dans le cirque de Néron, tandis que Paul, lui, sera décapité… Et beaucoup d’autres encore, comme Antipas (Ap 2,14), connurent le même sort…

             Où sont-ils ? Que sont-ils devenus ? Ils ne sont pas descendus, comme beaucoup le croyaient à l’époque, sous la terre, au Shéol ou dans l’Hadès, le lugubre royaume des morts. Ils sont « sous l’autel ». Or l’autel renvoie, dans la Bible, à la Présence de Dieu. Ils sont donc sous son ombre (Lc 1,35), sous sa protection, sous sa garde, et rien ni personne ne pourra les arracher de sa main (Jn 10,27-30). « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu. Et nul tourment ne les atteindra. Aux yeux des insensés, ils ont paru bien morts, leur départ a été tenu pour un malheur et leur voyage loin de nous pour un anéantissement, mais eux sont en paix.  S’ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments, leur espérance était pleine d’immortalité ; pour une légère correction, ils recevront de grands bienfaits. Dieu en effet les a mis à l’épreuve et il les a trouvés dignes de lui ; comme l’or au creuset, il les a éprouvés, comme un parfait holocauste, il les a agréés. Au temps de leur visite, ils resplendiront, et comme des étincelles à travers le chaume, ils courront. Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux à jamais. Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront la vérité et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l’amour, car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints et sa visite est pour ses élus » (Sg 3,1‑9). 

Agneau Mystique

            « Egorgés » (Ap 6,8) comme « l’agneau » (Ap 5,6), ils partagent aussi maintenant sa vie de Ressuscité en attendant le plein accomplissement du projet de Dieu sur nous tous : « J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir » (Crédo)… Car « Celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera nous aussi avec Jésus, et nous placera près de lui » (2Co 4,14). Oui, « nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité ; et de même, ceux qui se sont endormis en Jésus, Dieu les emmènera avec lui » (1Th 4,14). Ils participeront alors à la nature divine de Celui qui n’est que Lumière et Vie, car elle leur sera « donnée » comme « une robe blanche »…

Puis ils patienteront « un peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons de service et leurs frères qui doivent être mis à mort comme eux ». Le chapitre suivant, en un passage qui est un vrai petit évangile en miniature (Ap 7,9‑17) nous apportera quelques précisions à leur sujet…

             Le sixième sceau évoque la fin du monde, en des termes très proches de ceux de l’Evangile de Matthieu (24,29-31) : « Aussitôt après la tribulation de ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; et alors toutes les races de la terre se frapperont la poitrine ; et l’on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire. Et il enverra ses anges avec une trompette sonore, pour rassembler ses élus des quatre vents, des extrémités des cieux à leurs extrémités. »

            Ici, « trompettes », précédemment « voix de tonnerre » (Ap 6,1) : nous retrouvons ces images qui accompagnent habituellement une manifestation de Dieu. Ici, nous sommes à la fin du monde, précédemment, nous étions dans le cours de l’histoire avec toutes les épreuves et les souffrances que l’on peut connaître sur cette terre. Mais dans les deux cas, Dieu est présent, Dieu se manifeste, avec une intensité toute particulière bien sûr à la fin du monde. Or, nous l’avons vu, dès que Dieu est présent, le jugement est là lui aussi, et notre passage va évoquer le jugement dernier avec la réaction qu’auront face à Dieu tous ceux qui l’avaient mis à la porte de leur vie. Plongés dans les ténèbres par suite de leurs fautes, ils étaient sous l’emprise du Prince des Ténèbres qui ne cesse de pervertir l’image de Dieu en le présentant comme un Dictateur Tout Puissant qui punit et châtie dans sa justice implacable tous ceux qui ont osé lui désobéir… Face à une telle perception, on comprend la réaction de ceux et celles qui se retrouvent brusquement dans l’éclat de sa Présence : « Ils allèrent se terrer dans les cavernes et parmi les rochers des montagnes, disant aux montagnes et aux rochers : « Croulez sur nous et cachez-nous loin de Celui qui siège sur le Trône et loin de la colère de l’Agneau » (Ap 6,15-16). Ils ont exactement la même réaction qu’Adam et Eve qui, après leur désobéissance, coururent « se cacher parmi les arbres du jardin » quand « ils entendirent le pas du Seigneur Dieu »… Tous les éléments du « jugement » que nous avons vu précédemment sont là : Présence de Dieu, absence de foi, de confiance, d’obéissance filiale, fuite loin de la lumière par peur du châtiment, car ils se savent bien coupables… Mais Dieu n’est pas ainsi. Lui les désire, Lui les recherche, Lui les veut à ses côtés, en sa Présence, dans son Jardin, en sa Maison… Il va les chercher, « Où es-tu ? », et puisqu’ils ont honte par suite de leurs fautes, un sentiment décrit par l’intermédiaire de l’image de la nudité, l’innocence perdue, « le Seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en vêtit » (Gn 3,21), pour cacher la honte de leur nudité… « Tu as aimé, Seigneur, cette terre, tu as fait revenir les déportés de Jacob ; tu as ôté le péché de ton peuple, tu as couvert toute sa faute » (Ps 85(84),2-3)… prodigueEncore faut-il accepter ce pardon offert, d’où l’urgence d’annoncer le plus largement possible l’Amour de ce Père Miséricordieux et rempli de Tendresse qui s’est révélé en Plénitude en Jésus Christ son Fils… Car au dernier jour du monde, il sera « arrivé, le grand jour de sa Colère »… Or le thème de « la Colère de Dieu » renvoie toujours dans la Bible aux conséquences du péché… Alors, quand les ténèbres seront pleinement manifestées « ténèbres » dans la Lumière du Seigneur, tous ceux et celles qui n’auront pas reconnu que « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16) et qu’Il n’est qu’Amour, s’enfuiront loin de Celui dont ils auront peur alors qu’Il les attend et les désire ! « Qui tiendra donc devant ta face ? », c’est-à-dire en ta Présence ? « Mes ennemis, eux, retournent en arrière, ils fléchissent, ils périssent devant ta face », écrivait le Psalmiste, tandis que moi, « que tu soutiens » dans ta Tendresse et ta Bonté, « je resterai indemne, car tu m’auras à jamais établi devant ta face » grâce à ton Pardon et à ta Miséricorde. En effet, le Seigneur « pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe » où nos fautes nous entraînaient, « et te couronne d’amour et de tendresse… Car le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés ; comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint ! ». Alors, j’en suis sûr, « tu m’apprendras le chemin de vie, devant ta face, plénitude de joie, en ta droite, délices éternelles » (Ps 76(75),8 ; 9,4 ; 41(40),13 ; 103(102),1-13 ; 16(15),11).           

D. Jacques Fournier

[1] PRIGENT P., « L’Apocalypse de Saint Jean » (Aux éditions Delachaux et Niestlé, Paris 1981) p. 109. Sans oublier que la notion de « châtiment » dans la Bible renvoie aux conséquences du péché. Dieu ne châtie jamais, il ne punit jamais… C’est l’homme qui, par ses fautes et son manque de foi, se retrouve dans des conditions de vie difficiles, sinon désastreuses. Et Dieu n’en rajoute pas ; bien au contraire, son seul désir est de les soulager par sa Présence et son action. C’est ainsi que le Christ, lui qui n’avait jamais commis de faute, « se fera péché pour nous » (2Co 5,21 ; Mt 8,17 ; 1P 2,21-25) en prenant sur lui toutes les conséquences de nos péchés. Et c’est comme cela qu’il nous soulage, en se proposant de porter avec nous tout le poids de nos misères. Mais pour l’accueillir, il faut se tourner vers Lui de tout cœur et donc au même moment, se détourner du mal…

AP – SI – Fiche 15 – Ap 6 : cliquer sur le titre précédent pour avoir accès au document PDF de cet article.




La vision du Fils : l’Agneau « comme égorgé » (Ap 5)

            Et je vis dans la main droite de Celui qui siège sur le trône un livre roulé, écrit au recto et au verso, et scellé de sept sceaux. (2) Et je vis un Ange puissant proclamant à pleine voix :  Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en briser les sceaux ? (3) Mais nul n’était capable, ni dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, d’ouvrir le livre et de le lire. (4) Et je pleurais fort de ce que nul ne s’était trouvé digne d’ouvrir le livre et de le lire. (5) L’un des Vieillards me dit alors : Ne pleure pas. Voici : il a remporté la victoire, le Lion de la tribu de Juda, le Rejeton de David; il ouvrira donc le livre aux sept sceaux. (6) Alors je vis, debout entre le trône aux quatre Vivants et les Vieillards, un Agneau, comme égorgé, portant sept cornes et sept yeux, qui sont les sept Esprits de Dieu en mission par toute la terre. (7) Il s’en vint prendre le livre dans la main droite de Celui qui siège sur le trône. (8) Quand il l’eut pris, les quatre Vivants et les vingt‑quatre Vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, les prières des saints ; (9) ils chantaient un cantique nouveau :  Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation ; (10) tu as fait d’eux pour notre Dieu une Royauté de Prêtres régnant sur la terre. (11) Et ma vision se poursuivit. J’entendis la voix d’une multitude d’Anges rassemblés autour du trône, des Vivants et des Vieillards – ils se comptaient par myriades de myriades et par milliers de milliers ! – (12) et criant à pleine voix :  Digne est l’Agneau égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange. (13) Et toute créature, dans le ciel, et sur la terre, et sous la terre, et sur la mer, l’univers entier, je l’entendis s’écrier :  À Celui qui siège sur le trône, ainsi qu’à l’Agneau, la louange, l’honneur, la gloire et la puissance dans les siècles des siècles ! (14) Et les quatre Vivants disaient :  Amen ! ; et les Vieillards se prosternèrent pour adorer.

 

            Puis St Jean voit « dans la main droite » du Père « un livre roulé, écrit au recto et au verso, et scellé de sept sceaux ». Nous retrouvons ce chiffre « sept », symbole de perfection. Le mot « livre » lui-même apparaîtra sept fois en ce chapitre 5…

            le livre scélléCe livre est donc donné par Dieu lui-même, il est en rapport direct avec lui, revêtu de toute son autorité… C’est le Livre parfait par excellence, « le Livre de Dieu »…Il est roulé, écrit au dehors et au dedans… Il y a donc beaucoup à lire et à découvrir… Dès le 3° – 4° siècle, les Pères de l’Eglise ont vu en lui « l’Ancien Testament ». Il est en effet le Livre de cette Parole de Dieu transmise par les prophètes. Qu’il soit écrit « à l’extérieur » manifeste qu’il est offert à tous… Tous peuvent le lire, mais une dimension demeure secrète et elle est évoquée par cette face « intérieure ». Or le Livre est « scellé de sept sceaux » : il est donc impossible d’accéder à l’intérieur tant que ces sceaux n’auront pas été brisés… « Et je vis un Ange puissant proclamant à pleine voix : « Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en briser les sceaux ? » Mais nul n’était capable, ni dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, d’ouvrir le livre et de le lire » (Ap 5,2-3). « Au ciel, sur terre et sous la terre » est une expression qui englobe toutes les créatures de Dieu, les créatures célestes « au ciel », celles qui vivent « sur terre », et toutes celles, « sous la terre », qui sont déjà passées par la mort (cf. Ph 2,10). Aucune créature ne peut donc par elle-même accéder au Mystère de Dieu. Ce n’est pas l’homme qui monte vers Dieu par ses efforts, ses bonnes actions et ses mérites… Mais c’est plutôt Dieu qui descend vers l’homme avec son Fils et par Lui, et qui lui donne, par le pardon de toutes ses fautes reçu grâce à un repentir sincère, de devenir petit à petit une créature nouvelle enfin capable d’accomplir des bonnes actions… Et ces bonnes actions glorifieront la Miséricorde et la Puissance de la Grâce de Dieu à l’œuvre dans le cœur des pécheurs qui auront accepté de l’accueillir… « Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16). 

Pour accéder à « l’intérieur » de ce Livre et connaître enfin le Mystère de Dieu et « de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’il avait formé en lui par avance » (Ep 1,9), il faudra une intervention de Dieu Lui-même… Et si St Jean pleurait fort de ce que nul ne s’était trouvé digne d’ouvrir le livre et de le lire, l’un des Vieillards lui dit alors : « Ne pleure pas. Voici : il a remporté la victoire, le Lion de la tribu de Juda, le Rejeton de David ; il ouvrira donc le livre aux sept sceaux » (Ap 5,4-5).  

            Le Christ seul nous permet donc d’accéder à la Plénitude de sens des Ecritures.  Avec Lui se révèle en effet « un Mystère enveloppé de silence aux siècles éternels » même si déjà « des Ecritures le prédisaient selon l’ordre du Dieu éternel » (Rm 16,25‑27). Mais ceux qui refusent de l’accueillir lisent ces Ecritures avec « un voile » sur leur cœur, « un voile » qui leur interdit l’accès à « l’intérieur »… « Jusqu’à ce jour en effet, lorsqu’on lit l’Ancien Testament, ce même voile demeure. Il n’est point retiré ; car c’est le Christ qui le fait disparaître. Oui, jusqu’à ce jour, toutes les fois qu’on lit Moïse, un voile est posé sur leur cœur. C’est quand on se convertit au Seigneur que le voile est enlevé » (2Co 3,14‑16). 

 la croix

            C’est ce que vécurent deux disciples de Jésus lorsqu’ils le rencontrèrent, ressuscité, sur cette route par laquelle ils s’éloignaient de Jérusalem pour aller à Emmaüs. Ils avaient bien vu ses souffrances et sa mort sur la croix. Ils étaient prêts à reconnaître en lui un prophète, mais ils n’avaient pas pu aller plus loin… Un voile était posé sur leur cœur, « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître » (Lc 24,16) dans la Plénitude de son Mystère. Ils avaient bien lu les Ecritures d’Israël, mais ils n’avaient pas pu accéder à cet « intérieur » qui annonçait la venue du Messie, ses souffrances, sa mort… Alors Jésus leur dit : « O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24,25‑27). Et lorsque peu après « leurs yeux s’ouvrirent et qu’ils le reconnurent », le Christ disparaîtra à leur regard « extérieur ». Mais peu importe, le regard « intérieur » s’était éveillé, les yeux de leur cœur s’étaient ouverts et ils le demeureront par la suite. Alors, par ce regard de foi, ils reconnaîtront au-delà des apparences la Présence à leurs côtés, et « en eux » par son Esprit, de Celui qui leur a promis de ne pas les « laisser orphelins » (Jn 14,15-18), « d’être avec eux tous  les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20)… Tel est « le » trésor de la foi… Et ils se rappelleront cette rencontre avec le Christ en disant : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? » (Lc 24,32). Le feu de l’Esprit Saint (Mt 3,11), le feu de l’Amour (Rm 5,5), les éclairait de l’intérieur. « Il illuminait les yeux de leur cœur » (Ep 1,18) pour leur donner d’entrer « dans la vérité tout entière » (Jn 16,12-15), et donc de pouvoir lire entièrement le rouleau des Ecritures d’Israël, tant « l’extérieur » que « l’intérieur »… Ainsi, ce n’est qu’à la Lumière de l’Esprit Saint que le visage du Christ apparaît lorsqu’on ouvre les Ecritures d’Israël, l’Ancien Testament…

            C’est ce message qui est transmis ici avec l’image des sept sceaux que seul le Christ peut briser… Seule, en effet, la foi au Christ permet de recevoir l’Esprit du Christ, cet Esprit qui habitait déjà le cœur des prophètes de l’Ancien Testament : « L’Esprit du Christ, qui était en eux, attestait à l’avance les souffrances du Christ et les gloires qui les suivraient » (1P 1,11). Et comme ce n’est que « par la Lumière que l’on peut voir la Lumière » (Ps 36(35),10), ce n’est que par l’Esprit du Christ que l’on peut reconnaître le Christ déjà annoncé dans les Ecritures d’Israël…

Dieu-lumiere« Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Son Esprit est donc Lumière, et c’est justement cet Esprit que Dieu a voulu nous donner par son Fils : « Il vous a fait le Don de son Esprit Saint » (1Th 4,8). Alors, « le Dieu qui a dit : Que des ténèbres resplendisse la lumière, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs », par le Don de son Esprit de Lumière, « pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ » (2Co 4,6).  Par la Lumière de l’Esprit, il est donc possible de « voir », dans la foi, la Lumière de la Gloire de Dieu qui resplendit « sur la face du Christ »… « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9 ; Hb 1,3). Telle est la connaissance de foi, cette certitude intime et inexplicable qui « vous envahit tout entier », disait Jacques Fesch, et que Ste Thérèse de Lisieux résumait par un « je ne sais quoi »…

            Et tout ceci est le fruit de « la victoire remportée » par le Christ : l’Amour a « tué la haine » (Ep 2,14), « la Lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5), le Christ est sorti du tombeau, libre est vainqueur. Le Prince de ce monde a été « jeté dehors » (Jn 12,31). Alors, si nous nous offrons au Christ tels que nous sommes, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) nous fera passer avec Lui des ténèbres à sa Lumière (Col 1,13-14 ; Ac 26,17-18), et grâce à elle, nous pourrons parcourir avec Lui le rouleau des Ecritures. Il est en effet ce « Rejeton de David » (Ap 5,5) annoncé par le prophète Isaïe : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur, Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte du Seigneur : son inspiration est dans la crainte du Seigneur » (Is 11,1-3). Et c’est bien parce que « l’Esprit du Seigneur » repose sur lui en plénitude que le Christ, une fois glorifié, pourra le communiquer à tous ceux et celles qui s’abandonneront avec confiance entre ses mains… 

Agneau Mystique

            Et la vision se poursuit… Littéralement, St Jean a écrit : « Et je vis au milieu du Trône et des quatre Vivants, et au milieu des Anciens, un Agneau debout comme égorgé » (Ap 5,6). Cet Agneau, c’est Jésus qui est mort le jour de la Préparation de la fête de Pâque (Jn 19,14.31.42), c’est-à-dire la veille, ce jour où l’on immolait dans le Temple de Jérusalem tous les agneaux qui allaient ensuite être rôtis au feu et mangés en famille lors du repas pascal (Ex 12,1-14). Jésus est bien « l’agneau qui s’est laissé mener à l’abattoir » pour le salut des multitudes (Is 52,13-53,12), « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Et il se présente ici « debout », ressuscité, « comme égorgé », avec toutes les traces de sa Passion qu’il montrera à ses disciples et notamment à Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais croyant » (Jn 20,27).

            Mais il est aussi « au milieu du Trône et des quatre Vivants » : il est donc à la place centrale, celle de Dieu Lui-même ! St Jean nous le présente ainsi comme étant « vrai Dieu » au même titre que son Père et que l’Esprit Saint, mais aussi comme « le Christ Roi de l’Univers » à qui le Père a tout soumis (1Co 15,24-28)… Et il est également « au milieu des Vieillards », c’est-à-dire au milieu de tous ceux et celles qui sont déjà sauvés. Cette précision souligne le lien qui existe entre le Christ et les hommes : en effet, si « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité », « unique est le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). « Nul ne vient au Père que par moi », disait-il (Jn 14,6)… 

            Puis St Jean le voit « portant sept cornes »… Or « la corne » est l’image de la force, de la puissance, et « sept » renvoie toujours à l’idée de perfection… L’Agneau jouit donc de « la puissance parfaite » qui ne peut que renvoyer ici à la Toute Puissance de Dieu. Nous retrouvons ainsi indirectement le Mystère de sa Divinité, soulignée à nouveau par ces « sept yeux » : l’Agneau « voit tout », il « connaît tout », et bien sûr cela ne peut être dit que de Dieu seul… Nous l’avions déjà vu avec ces « quatre Vivants, constellés d’yeux tout autour » (Ap 4,8)… Ces « sept yeux » sont « les sept Esprits de Dieu en mission par toute la terre ». Nous retrouvons ainsi la Plénitude de cet Esprit qui n’appartient qu’à Dieu seul et qui est principe de connaissance… Et cet Esprit est en « mission par toute la terre », travaillant sans cesse depuis toujours à son salut…

            Lors de son ministère terrestre, le Christ a ainsi accompli sa mission avec cette Plénitude de l’Esprit qui l’habite (Lc 4,14 ; 5,17), une Plénitude qui est aussi celle de son Père. Uni au Fils dans la communion d’un même Esprit, le Père travaillait au salut du monde (Jn 14,10-11). Une aventure semblable se poursuit aujourd’hui avec le Christ et son Eglise. En effet, par leur baptême, tous les membres de l’Eglise ont reçu un seul et même Esprit, l’Esprit qui remplit en plénitude le cœur du Christ. St Paul parle alors de l’Eglise comme étant « le Corps du Christ », chacun de ses membres étant uni au Christ dans la communion d’un même Esprit (Ep 4,3-6). Et en s’efforçant de garder cette unité de l’Esprit, chacun essaye de vivre au mieux l’obéissance de cœur au Christ (Rm 1,5 ; 15,18 ; 16,19.26 ; 2Co 7,15 ; 10,6 ; Ph 2,12), qui est synonyme d’amour (Jn 14,15.21.23). Le Christ Ressuscité est alors « la Tête de l’Eglise » qui est comme son Corps. Uni à elle dans la communion d’un même Esprit, il continue aujourd’hui encore de travailler avec elle et par elle au salut du monde…

SAINT ESPRIT 1

          C’est ce que St Paul explique dans sa seconde Lettre aux Corinthiens : « De même, en effet, que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres du corps, en dépit de leur pluralité, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ. Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour former un seul Corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit », l’Esprit du Christ. Et « à chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun. À l’un, c’est un discours de sagesse qui est donné par l’Esprit; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; à un autre la foi, dans le même Esprit; à tel autre les dons de guérisons, dans l’unique Esprit ; à tel autre la puissance d’opérer des miracles ; à tel autre la prophétie ; à tel autre le discernement des esprits ; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui l’opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l’entend » (1Co 12,12‑13 ; 12,7‑11). Et c’est grâce à cet Esprit donné et à ses charismes que cette Parole du Christ à ses disciples s’accomplit : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre ». Avec eux et par eux, mais aussi par ses voies connues de Lui seul, le Christ uni à eux dans la communion et la Plénitude de l’Esprit – « les sept Esprits de Dieu » – continue aujourd’hui encore d’être « en mission par toute la terre »… 

            La vision se poursuit… L’Agneau immolé, resplendissant de la Plénitude de l’Esprit qui l’habite, Esprit de Force et de Sagesse, « s’en vint prendre le livre dans la main droite de Celui qui siège sur le trône », la main droite du Père. « Quand il l’eut pris, les quatre Vivants et les vingt‑quatre Vieillards se prosternèrent devant l’Agneau » (Ap 5,8). Tous lui rendent donc témoignage. C’est ce que le Père faisait déjà autrefois, par cette voix qui jaillissait du ciel, « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour » (Mc 1,11 ; cf. Lc 3,22 ; 9,35 ; Jn 12,28), par tous les miracles qu’il accomplissait dans le ministère de son fils (Jn 10,37-38 ; 14,10-11), par le témoignage de l’Esprit de vérité au cœur de tous ceux et celles qui accueillaient sa Parole (Jn 15,26). Et bien sûr, « les vingt quatre Vieillards », toute la communion des Saints, lui rendent aussi témoignage en « se prosternant » devant Lui comme on se prosterne devant Dieu seul (cf. Lc 4,8). Et ils lui offrent « les prières des saints », les prières des chrétiens (cf. Rm 1,7 ; 12,9-13 ; 15,25), ces prières qui ne sont adressées qu’à Dieu seul. Tout proclame donc ici le Mystère de cet « Agneau », vrai Dieu et vrai homme, qui, par amour, s’est offert sur le bois de la Croix pour le salut et la vie éternelle de tout homme. « Et ils chantaient un cantique nouveau : « Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation ». Par le pardon de toutes leurs fautes et le don de son Esprit, il a « fait d’eux » – et notons bien que tout ce qui sera dit par la suite sera le résultat de son action et non pas de la nôtre – « pour notre Dieu une Royauté de Prêtres régnant sur la terre. » Par le pardon de leurs péchés et le don de l’Esprit Saint, ils ont donc reçu « une couronne » royale semblable à celle du Christ Lui‑même, nous l’avons déjà vu… Ils participent ainsi à sa Royauté. St Paul a une formule très brève qui résume tout : « ils ont revêtu le Christ » (Ga 3,27). Le Christ est Roi ? Ils sont rois, par Lui et avec Lui. Le Christ est Prêtre ? Ils sont prêtres, par Lui et avec Lui. Le Christ est Prophète ? Ils sont prophètes, par Lui et avec Lui… Ici, seuls les deux premiers aspects sont évoqués et regroupés dans cette formule dense : « une royauté de prêtres »…  Et si la fonction d’un prêtre est d’être avant tout un médiateur entre Dieu et les hommes, puisqu’il n’y a qu’un seul Médiateur, le Christ, tous les baptisés, à des degrés divers selon leurs vocations respectives, participent donc à l’unique médiation de Jésus. Unis à Lui dans la communion d’un même Esprit, ils sont tous « prêtres, prophètes et rois » en étant les serviteurs de l’Unique Grand Prêtre, Prophète et Roi… 

 Communion des saints avec le Christ           Nous étions partis du Trône avec la vision des « quatre Vivants », c’est-à-dire de Dieu Lui-même, honorant son Fils, « l’Agneau comme égorgé ». Puis nous avons vu « les vingt quatre Vieillards », la Communion des Saints, se prosterner devant Lui en lui apportant les prières de tous les croyants encore sur cette terre, en chemin vers le Ciel… Et le cercle s’élargit de nouveau avec cette « multitude d’Anges », « myriades de myriades et milliers de milliers » qui entourent l’ensemble et font retentir « en criant à pleine voix » une louange dans laquelle toutes les autres créatures sont entraînées : « Digne est l’Agneau égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange. » Et de fait, « toute créature, dans le ciel, et sur la terre, et sous la terre, et sur la mer, l’univers entier, je l’entendis s’écrier : « À Celui qui siège sur le trône, ainsi qu’à l’Agneau, la louange, l’honneur, la gloire et la puissance dans les siècles des siècles ! » Ainsi, ce sont ces Anges par milliers, ces créatures célestes qui vivent en parfaite communion avec Dieu dans l’unité d’un même Esprit, qui entraînent l’univers entier dans leur prière et dans leur louange… Nous ne sommes pas loin de la déclaration de Paul dans la Lettre aux Romains : « L’Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu » (Rm 8,26-27). La vraie prière est ainsi un Don de Dieu. Notons que dans ce texte, St Paul nomme à nouveau les chrétiens « des saints ». Ils ont en effet reçu l’Esprit Saint au jour de leur baptême, et ils sont tous appelés à devenir des saints par leur fidélité quotidienne au don reçu. 

            « Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! ». A nouveau, Dieu rend témoignage à cette louange, il honore son Fils. Tout ce qui a été dit, « c’est vrai »… C’est le sens du mot « amen » qui vient de l’hébreu « ‘émûnah, vérité, solidité, sûreté »… Et « les Vieillards », tous les saints qui sont au ciel, poursuivent leur adoration de l’Agneau commencée précédemment : « ils se prosternent pour adorer »…

D. Jacques Fournier

AP – SI – Fiche 14 – Ap 5 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF.




Le Mystère du Dieu Créateur et Père (Ap 4)

            J’eus ensuite une vision. Voici : une porte était ouverte au ciel, et la voix que j’avais naguère entendu me parler comme une trompette me dit : Monte ici, que je te montre ce qui doit arriver par la suite. (2) À l’instant, je tombai en extase. Voici, un trône était dressé dans le ciel, et, siégeant sur le trône, Quelqu’un… (3) Celui qui siège est comme une vision de jaspe et de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d’émeraude. (4) Vingt‑quatre sièges entourent le trône, sur lesquels sont assis vingt-quatre Vieillards vêtus de blanc, avec des couronnes d’or sur leurs têtes. (5) Du trône partent des éclairs, des voix et des tonnerres, et sept lampes de feu brûlent devant lui, les sept Esprits de Dieu. (6) Devant le trône, on dirait une mer, transparente autant que du cristal. Au milieu du trône et autour de lui, se tiennent quatre Vivants, constellés d’yeux par-devant et par-derrière. (7) Le premier Vivant est comme un lion; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau; le troisième Vivant a comme un visage d’homme; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol. (8) Les quatre Vivants, portant chacun six ailes, sont constellés d’yeux tout autour et en dedans. Ils ne cessent de répéter jour et nuit : Saint, Saint, Saint, Seigneur, Dieu Maître-de-tout,  Il était, Il est et Il vient. (9) Et chaque fois que les Vivants offrent gloire, honneur et action de grâces à Celui qui siège sur le trône et qui vit dans les siècles des siècles, (10) les vingt-quatre Vieillards se prosternent devant Celui qui siège sur le trône pour adorer Celui qui vit dans les siècles des siècles ; ils lancent leurs couronnes devant le trône en disant : (11) Tu es digne, ô notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car c’est toi qui créas l’univers ; par ta volonté, il n’était pas et fut créé.

 

            Une nouvelle vision intervient… Et la première réalité que St Jean voit est « une porte ouverte au ciel »… Par elle, il va pouvoir découvrir les réalités sur lesquelles elle s’ouvre : « le ciel »…

            Et puis, il retrouve aussitôt cette « voix » qu’il avait déjà entendue, cette « voix qui clamait comme une trompette » (Ap 1,11 ; une allusion à la manifestation de Dieu au sommet du Mont Sinaï lors de l’exode d’Israël à travers le désert (Ex 19,16)) ou encore qui faisait penser à « la voix des grandes eaux », (Ez 1,24 ; 43,2 : une allusion cette fois à la voix de Dieu dans le Livre d’Ezéchiel). De toute façon cette « voix » était celle du Père, et en se retournant, St Jean avait vu non pas « une porte ouverte », mais « comme un Fils d’homme » (Ap 1,13), le Christ Ressuscité. Le parallèle est saisissant, surtout en se rappelant l’image employée par Jésus Lui-même, « Je Suis la Porte » (Jn 10,7.9). C’est par le Fils en effet que nous avons accès au Père en un seul Esprit (Ep 2,18), c’est par Lui que nous l’écoutons (Jn 12,49s), que nous le voyons (Jn 14,9), que nous le connaissons (Jn 1,18), et c’est toujours par Lui que nous pouvons aller dans sa Maison (Jn 14,1-6)…

 

            Ce lien à la vision inaugurale par le thème de la voix ne peut donc que nous renvoyer au Christ et à son rôle d’unique Médiateur entre Dieu et les hommes (1Tm 2,3-6). Mais gardons-nous ici de toute identification rigide entre le Christ et cette « porte ouverte », car en « montant » jusqu’à elle, St Jean verra plus tard… « un Agneau comme égorgé » (Ap 5,6), le Christ Ressuscité qui porte encore en son corps glorifié les saintes marques de sa Passion (cf. Jn 20,19-29)…

 

            Esprit SaintEt tout ceci advint « en Esprit » : « je fus saisi par l’Esprit » (Ap 4,2 TOB), « je tombai en extase » (Bible de Jérusalem ; BJ). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), et ce n’est que grâce à la Lumière de l’Esprit qu’il nous est possible de découvrir « quelque chose » du Mystère de ce Dieu qui est Lumière. « Nul ne connaît en effet ce qui concerne Dieu sinon l’Esprit de Dieu. Et nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits » (1Co 2,11-12). L’Esprit est donc principe de connaissance des réalités spirituelles : « Nul ne peut dire « Jésus est Seigneur », sinon dans (ou par) l’Esprit Saint » (1Co 12,3). C’est Lui qui « illumine » discrètement, dans la foi, par sa Présence insaisissable, « les yeux de notre cœur pour nous faire voir quelle espérance nous ouvre son appel » (Ep 1,17-20)… Ainsi, avant toute lecture de la Parole de Dieu, avant tout travail pour le Seigneur, il nous faut donc demander la Lumière, l’aide et le soutien de l’Esprit Saint, puis nous lancer avec confiance dans la foi, car Jésus a dit : « Demandez, vous recevrez… Quiconque demande, reçoit… Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11,9-13 ; Jn 4,10 avec Jn 7,37-39).

« Voici, un trône était dressé dans le ciel, et, siégeant sur le trône Quelqu’un »… St Jean se garde bien de le décrire : il est l’Incomparable (Is 40,25), le Tout Autre (cf. Lc 9,29), Celui que nos mots ne pourront jamais « saisir »… Des images l’évoqueront par la suite, mais notons avec Pierre Prigent[1] que « l’Ancien Testament parle volontiers du ciel comme du trône de Dieu » : « Ainsi parle le Seigneur : Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de mes pieds  » (Is 66,1). Jésus reprendra ce texte en Mt 5,33-34 : « Vous avez entendu qu’il a été dit : tu ne te parjureras pas… Eh bien ! moi je vous dis de ne pas jurer du tout : ni par le Ciel, car c’est le trône de Dieu ; ni par la Terre, car c’est l’escabeau de ses pieds ; ni par Jérusalem, car c’est la Ville du grand Roi ». Ces images soulignent la proximité de Dieu dès cette terre, « le Royaume des Cieux est tout proche » (Mt 4,17 ; Mc 1,15), mais elles présentent le Ciel tout entier comme « le trône de Dieu », « là » où par excellence « Dieu règne »… Ainsi, « entrer au ciel » c’est s’asseoir sur « le trône de Dieu », c’est entrer dans un état de vie où Dieu règne parfaitement et totalement jusques dans les profondeurs les plus intimes de notre être… C’est bien ce que dit Jésus à ses Apôtres : « Vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël » (Lc 22,30). Et dans le Livre de l’Apocalypse, Jésus est présenté « comme un Fils d’homme, ayant sur la tête une couronne d’or » (Ap 14,14), et il promet à chacun de ses disciples : « Reste fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie ; mon retour est proche : tiens ferme ce que tu as, pour que nul ne ravisse ta couronne » (Ap 2,10 ; 3,11). Ainsi la Royauté de Dieu, qui est bien sûr celle du Christ, symbolisée ici par « la couronne », est une réalité de l’ordre de « la vie ». Lorsque Dieu règne, il donne sa vie. « Entrer dans le Royaume de Dieu », c’est laisser Dieu régner dans son cœur et dans sa vie, c’est le laisser nous communiquer sa vie, c’est vivre de sa vie, c’est « entrer dans la vie » (Comparer Mc 9,43 et 9,45 avec Mc 9,47). Si « le ciel » est ce « trône de Dieu » où Dieu règne en donnant sa Vie, le ciel n’est donc pas un lieu mais une réalité de l’ordre de la vie…

[1] PRIGENT P., L’Apocalypse de Saint Jean (Lausanne 1981) p. 82.

jésus frappe à la porteEt nous pouvons tous y entrer dès maintenant, dans la foi, et par notre foi, si nous laissons le Christ Miséricordieux accomplir son œuvre : « Je me tiens à la porte et je frappe. Si tu m’ouvres ton cœur, je ferai chez toi ma demeure… Et Je Suis la Lumière du monde, une Lumière qui brille dans les ténèbres et que les ténèbres ne peuvent saisir » : cette Lumière règne ! Et elle est vie… En effet,  « quiconque croit en moi ne demeurera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. Car je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance… En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui croit a la vie éternelle » (Ap 3,20 ; Jn 1,4 ; 8,12 ; 1,4-5 ; 12,46 ; 10,10 ; 6,47). A nous maintenant d’aller en vérité à « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), à nous maintenant de mourir en vérité au péché avec lui et grâce à lui (Rm 5,20-6,11), et nous pourrons dire alors avec St Paul : « Je suis crucifié avec le Christ. Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » pour que sa Vie règne dans ma vie (Ga 2,19-20)…

             C’est ce que le Livre de l’Apocalypse redit encore avec ces « vingt quatre sièges qui entourent le trône, et sur lesquels sont assis vingt quatre Vieillards vêtus de blanc, avec des couronnes d’or sur leurs têtes » (Ap 4,4)… Eux aussi ont donc accueilli le Christ Roi dans leur vie : leurs « couronnes d’or » montrent qu’ils participent au Mystère de sa Royauté, c’est-à-dire au Mystère de sa vie… Ils sont « revêtus de blanc » car ils ont laissé le Christ les laver, les purifier, les sanctifier par cette eau et ce sang qui ont jailli de son Cœur transpercé (Jn 19,33‑35 ; 1Co 6,9‑11). Ils se sont ouverts à son Amour, à sa Miséricorde, ils ont accueilli son Pardon, ils l’ont laissé agir au plus profond de leur être, ils se sont abandonnés activement entre ses mains, « ils ont lavé leur robe et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son Temple » (Ap 7,14-15).

            Qui sont ces vingt quatre « Vieillards » (BJ) ou « anciens » (TOB) ?  LA TOB explique en note : « Les trois éléments qui les caractérisent – trônes, vêtements blancs, couronnes – correspondent aux attributs promis aux chrétiens (cf. Ap 3,21 ; 3,4-5 ; 3,11). Cette assemblée céleste représente donc en un certain sens le Peuple de Dieu participant à la gloire et célébrant une liturgie d’adoration et d’action de grâces qui s’adresse d’abord à Dieu comme créateur (ch. 4), puis à l’Agneau comme Rédempteur (ch. 5). Le nom même d’anciens qui leur est donné évoque les chefs ou responsables d’Israël, puis des synagogues » (Ac 4,5.8.23 ; 6,12…) « et enfin des communautés chrétiennes » (Ac 11,30 ; 14,23 ; 15,2.4.6…). Ces anciens sont vingt quatre, ce qui peut faire penser soit aux vingt quatre classes sacerdotales (1Ch 24,3‑19), soit à douze prophètes représentant le prophétisme de l’Ancien Testament et aux douze apôtres, soit aux douze tribus de l’Ancien Israël augmentées des douze du nouveau Peuple de Dieu… Le caractère relativement général de la description de ces personnages laisserait supposer que l’auteur n’attache pas une grande importance à leur identification précise ».

Ces « anciens », ces « Vieillards » évoqueraient donc ce Mystère de la Communion des Saints qui rassemble tous les hommes et toutes les femmes de tous les temps qui ont dit « Oui ! » au Christ Sauveur… Et cette « terre » déjà au « ciel » travaille avec Dieu pour le bien de tous ceux qui vivent encore « sur la terre »… « Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre », disait Ste Thérèse de Lisieux…

 

            dieu-le-pere-enfant-jesus-et-colombe-copie-1« Celui qui siège » « sur le trône » « est comme une vision de jaspe et de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d’émeraude. » Ces pierres précieuses nous disent la Beauté, la Pureté, l’Eclat de Dieu, dans la Splendeur de son Etre… Et elles sont ici au nombre de trois, un chiffre qui ne peut que nous faire penser au Mystère de la Trinité… « L’arc-en-ciel autour du trône » (BJ) renvoie d’abord ici à ce rayonnement de Lumière et de Beauté qui entoure le trône de Celui qui Est Lumière (1Jn 1,5), « une gloire » (TOB) qui est celle du Dieu de Gloire, le « Père de la Gloire » (Ep 1,17) tout comme le  « Seigneur de la Gloire » (1Co 2,8), Jésus, son Fils. Mais la traduction de la BJ, « arc‑en‑ciel », ne peut que nous rappeler « l’arc-en-ciel » du Livre de la Genèse, signe de cette Alliance que Dieu vit avec tout homme vivant sur la terre (Gn 9,8-17)… Il est ainsi le Dieu Tout Proche de tous, pour leur bien, d’une manière ou d’une autre… Et du « trône, partent des éclairs, des voix et des tonnerres », les images habituelles pour décrire les manifestations de Dieu dans l’Ancien Testament (Ex 19,16-25 ; Ez 1…).

 

            « Sept lampes de feu brûlent devant lui, les sept Esprits de Dieu » (Ap 4,5). Pierre Prigent et la TOB interprètent ces « sept Esprits » conformément à l’interprétation biblique habituelle du chiffre sept, symbole de perfection. Il s’agit donc de « l’Esprit dans sa plénitude » (TOB), « le Saint Esprit considéré dans sa septuple perfection » (P. Prigent). La dynamique serait alors identique à celle de la prophétie d’Is 11,1-2 sur le Messie à venir : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Yahvé, Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte du Seigneur. Son inspiration est dans la crainte du Seigneur. » Cette traduction basée sur le texte hébreu évoque six dons du Saint Esprit. Et pour qu’il y en ait sept, la traduction grecque de la Septante réalisée par la communauté juive d’Alexandrie à partir du 3° siècle avant Jésus Christ en a rajouté un en traduisant « la crainte du Seigneur » par deux termes synonymes et donc différents, et en rajoutant une fois « Esprit de… », ce qui donne  : « Sur lui reposera l’Esprit de Dieu, un Esprit de sagesse et d’intelligence, un Esprit de conseil et de force, un Esprit de connaissance et de piété. Un Esprit de crainte de Dieu le remplira. » Rappelons que le Nouveau Testament a été écrit en grec et que les trois quarts des citations de l’Ancien Testament qu’il renferme viennent directement de cette traduction grecque d’Alexandrie…

 

            « Devant le trône, on dirait une mer transparente autant que du cristal » (Ap 4,6). Ce verset évoque la manifestation de Dieu au moment de l’accomplissement du rituel de la conclusion de l’Alliance en Ex 24,9-10 : « Moïse monta, ainsi qu’Aaron, Nadab, Abihu et soixante-dix des anciens d’Israël. Ils virent le Dieu d’Israël. Sous ses pieds il y avait comme un pavement de saphir, aussi pur que le ciel même. » Or, on affirmait à l’époque que « nul ne peut voir Dieu sans mourir » (Ex 33,20). C’est pourquoi l’auteur prendra bien soin de rajouter juste après que « ce jour-là, Dieu  ne porta pas la main sur les notables des Israélites » (Ex 24,11)… Comme les pierres précieuses d’Ap 4,3, cette « mer transparente autant que du cristal » renvoie donc à l’infinie pureté de Dieu. Mais elle évoque également « la Mer de bronze » (1R 7,23‑26), cet énorme bassin placé près de l’autel, au cœur du Temple de Jérusalem, et qui servait à toutes les ablutions rituelles. Avec cette « Mer » et par elle, Dieu annonçait l’unique purification qu’il met en œuvre et que le Christ nous a pleinement révélée : « la purification des péchés » (Hb 1,3) accomplie par son offrande sur la Croix (Hb 9,14 ; 12,24 ; 1Jn 1,7-9 ; Tt 2,11-14) et concrètement réalisée dans les cœurs par « l’eau pure » de l’Esprit versée jour après jour en surabondance (Ez 36,24-28 ; Ac 22,16 ; Ep 5,25-27). Ainsi le Dieu pur veut-il que nous aussi nous soyons purs comme Lui-même est pur. « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu, car tout est possible à Dieu » (Mc 10,27). Et cela, « c’est encore Lui qui le fera » (1Th 5,23-24) par son Fils mort et ressuscité pour notre salut et par le Don de l’Esprit qui purifie, sanctifie, vivifie… Alors, « heureux les cœurs purs » car purifiés par son inlassable Miséricorde, « ils verront Dieu » (Mt 5,8 ; Ap 3,18)…

RivièreLangevin 

            « Au milieu du Trône et autour de lui »… L’image est volontairement abrupte pour nous conduire de suite à son interprétation… Celui-là seul qui est au milieu du Trône, c’est Dieu, mais là aussi, attention à ne pas s’arrêter à une représentation qui serait trop humaine, car Dieu est aussi Présent à toute sa création… Nul ne peut le confiner en un lieu déterminé… C’est ainsi qu’Il est tout à la fois « au milieu du Trône et autour de lui », Présence universelle qui se propose de régner en Maître Souverain au cœur de tous ceux et celles qui accepteront de l’accueillir, pour qu’ils trouvent avec Lui la Plénitude de la Vie (Jn 1,12). Dieu étant « le Dieu Vivant » par excellence (Dt 4,30 ; 5,26, Ps 42‑43(41-42),3.9 ; 84(83),3 ; Ac 14,15) cette Présence à tous et partout sera encore symbolisée par ces « quatre Vivants », le chiffre « quatre » renvoyant aux quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est et l’ouest… Tout l’univers est ainsi concerné car « Dieu est le grand Roi, le Très Haut sur toute la terre » (Ps 47(46),3), une terre qui est remplie de sa gloire (Is 6,3)… Le Dieu Vivant est donc présent à tous et partout : c’est ce que symbolisent ces « quatre Vivants »…

             De plus, « il sait tout » (Ba 3,32 ; 1Jn 3,20), « il voit tout » (2M 7,35 ; 9,5 ; 12,22 ; Si 15,18), ce que St Jean évoque avec ces « quatre Vivants, constellés d’yeux tout autour » … Et bien sûr il est le seul à avoir une pleine connaissance de lui-même (cf. 1Co 2,11), d’où cette « constellation d’yeux en dedans » (Ap 4,8).

            Chacune des descriptions de ces « quatre Vivants » évoquera ensuite un aspect de « l’insondable richesse » (Ep 3,8) du Mystère de ce Dieu fort comme « un lion », puissant comme « un taureau », à la vue perçante comme « un aigle » planant au plus haut des cieux. Mais sa toute puissance n’est que de douceur car c’est elle qui permettra à une jeune vierge d’enfanter un fils, un bébé à « visage d’homme » (Ap 4,7), Jésus, le Fils Unique de Dieu en Personne ! Et ce n’est que bien plus tard qu’Irénée, Evêque de Lyon (mort vers 202 après Jésus Christ), a vu en ces quatre animaux les symboles des quatre évangiles… St Augustin mort vers 430 reprendra cette interprétation avec quelques variantes, et depuis il est d’usage de représenter artistiquement St Marc par un lion, St Luc par un taureau, St Matthieu par un homme et St Jean par un aigle… Mais encore une fois, cette interprétation tardive n’était certainement pas celle du Livre de l’Apocalypse à l’origine… Il n’empêche que cette symbolique des « quatre » évangiles est belle, car avec eux et par eux, c’est bien la Bonne Nouvelle d’un Dieu Vivant, Aimant et Régnant pour la Vie, qui est proposée à la foi aux « quatre » points cardinaux de la terre…

quatre évangile symbole

            Ces « quatre Vivants » seront ensuite décrits avec des éléments empruntés au texte nous racontant la vocation d’Isaïe : « L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : « Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth, sa gloire emplit toute la terre » » (Is 6,1-3).  Mais Isaïe nous parle d’Anges, de Séraphins alors que le Livre de l’Apocalypse, avec ces « quatre Vivants portant chacun six ailes », continue de nous évoquer le Mystère de Dieu… Mais cette manière de faire rejoint celle de l’Ancien Testament où très souvent « l’Ange de Dieu » renvoie à la Présence de Dieu Lui-même… Ainsi par exemple lors de l’épisode du Buisson ardent, il est écrit que « l’Ange du Seigneur apparut à Moïse dans une flamme de feu ». Mais après, c’est Dieu qui verra Moïse faire un détour pour voir cet étrange spectacle, et c’est Lui qui lui adressera directement la Parole (Ex 3,1-6). La Bible de Jérusalem explique ainsi à propos de « cet Ange » : « Dieu Lui-même sous la forme qu’il apparaît aux hommes ». Nous aurions donc ici, en Ap 4,8, quelque chose de semblable avec ces « quatre Vivants portant chacun six ailes »…

            Et ces quatre Vivants « ne cessent de répéter jour et nuit : « Saint, Saint, Saint, Seigneur, Dieu Maître-de-tout, “Il était, Il est et Il vient” » (Ap 4,8). Dieu proclame ici son Nom, comme il le fit autrefois avec Moïse (Ex 34,5-9)… La notion de sainteté renvoie directement au Mystère de son Etre, ce Dieu qui se nomme « Je Suis » (Ex 3,14), et qui est le seul à Etre ce qu’Il Est… Les trois « saint » annoncent déjà de manière voilée le Mystère de la Trinité qui se révèlera pleinement avec le Fils et par Lui. Ainsi, chacune des Trois Personnes divines peut dire d’elle-même : « Je Suis » (cf. Jn 8,58). Et le Fils est venu nous partager le Mystère de son Etre pour qu’un jour, nous puissions tous dire comme Lui, selon notre condition de créature : « Je suis »…

           Puis St Jean reprend l’expression légèrement modifiée « Il est, il était et il vient » qu’il avait déjà employée en Ap 1,4 et 1,8 pour parler de Dieu le Père, « le Seigneur Dieu », « le Maître de tout » (1,8), deux titres qu’il replace d’ailleurs en Ap 4,8 juste après le « saint, saint, saint » d’Isaïe. La vision continue donc de se centrer sur ce Dieu Créateur et Père, ce « Seigneur Dieu Maître de tout » qui s’est révélé par ses prophètes dans l’Ancien Testament, et puis par son Fils dans le Nouveau…

          Mais ce Dieu qui s’est présenté avant tout comme un « Dieu Sauveur » par Jésus, « le Sauveur du monde » (Jn 4,42), agissait déjà au temps de l’Ancienne Alliance pour sauver et accueillir auprès de Lui tous ces « anciens », tous ces « Vieillards », tous ces hommes et femmes de bonne volonté qui ont vécu avant l’Incarnation de son Fils. L’histoire de l’humanité et de son salut ne peut donc qu’être placée sous le signe de la continuité vis-à-vis de cet Unique Dieu Créateur Présent à sa création depuis qu’elle existe, vivant en Alliance éternelle avec elle et qui l’a sauvée par l’unique sacrifice de son Fils, réalisé une fois pour toutes sur le bois de la Croix (Hb 7,25-27). Cette continuité de la Présence de ce Dieu aimant tous les hommes et travaillant à leur salut depuis que le monde existe sera soulignée ici, en Ap 4,8, par l’inversion des deux premiers membres de « Il est, il était et il vient ». Et nous avons : « Il était, il est et il vient »…

             Face à une telle Beauté, les « Vieillards », les « anciens », cette multitude qui participe à la Vie de Dieu, à sa Lumière et à sa Gloire « se prosternent devant Celui qui siège sur le Trône  pour adorer Celui qui vit dans les siècles des siècles », et pour lui rendre grâces. Dans leur joie, « ils lancent leurs couronnes devant le Trône », manifestant ainsi « qu’un homme ne peut rien recevoir si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3,27). Cette couronne, en effet, leur a été donnée, gratuitement, par amour (Ap 2,10). « Car c’est par grâce que nous sommes sauvés ». « Ce salut ne vient pas de nous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier ». « Il n’est donc pas question de l’homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. » « Et Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ. Avec lui, il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux dans le Christ Jésus » (Ep 2,4-10 ; Rm 9,16). Et ceci est valable pour tous les hommes de tous les temps, pourvu qu’ils soient de bonne volonté… Car avec elle et par elle, ils accueillent souvent sans le savoir, l’action de ce Dieu Sauveur et Père de tous les hommes qu’il désire accueillir à la table de son Royaume pour l’éternité…

           C’est ce que disent ici tous « ces anciens », tous « ces Vieillards » qui ont vécu avant le Christ, lorsqu’ils « lancent leurs couronnes devant le trône » en geste d’action de grâces. Et puisque la vision est ici centrée sur ce Dieu Créateur, « le Seigneur Dieu Maître de tout », leur louange va se focaliser sur son acte de création : « Tu es digne, ô notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance (notons les « trois » attributs, clin d’œil vers Dieu…), car c’est toi qui créas l’univers ; par ta volonté, il n’était pas et fut créé » (Ap 4,11).

 D. Jacques Fournier

Cliquer sur le titre pour ouvrir le document pdf : AP – SI – Fiche 13 – Ap 4