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Les trois sens de l’Ecriture inspirée D’après « L’interprétation de la Bible dans l’Eglise », Commission Biblique Pontificale (Rome 1993).

Quelques notes préliminaires :

S Pour être fidèle à l’intentionnalité des textes bibliques il faut essayer de retrouver, au cœur de leur formulation, la réalité de foi qu’ils expriment et de relier cette réalité de foi à l’expérience croyante de notre monde.

S La connaissance juste du texte biblique n’est accessible qu’à celui qui a une affinité vécue avec ce dont parle le texte.

S La personne de Jésus Christ et les évènements de salut accomplis dans notre histoire constituent l’objet central de toute interprétation. Une authentique interprétation de l’Ecriture est donc d’abord accueil d’un sens donné dans des évènements et de façon suprême, dans la personne de Jésus Christ.

SSS L’herméneutique biblique (Du grec « expliquer » : l’herméneutique est la science qui définit les principes de la critique et de l’interprétation des textes), si elle est du ressort de l’herméneutique générale de tout texte littéraire et historique, est en même temps un cas unique de cette herméneutique. Ses caractéristiques spécifiques lui viennent de son objet. Les évènements de salut et leur accomplissement en la personne de Jésus Christ donnent sens à toute l’histoire humaine. Les interprétations historiques nouvelles ne pourront être que le dévoilement ou le déploiement de ces richesses de sens. Le récit biblique de ces évènements ne peut être pleinement compris par la seule raison. Des présupposés particuliers commandent son interprétation, tels la foi vécue en communauté ecclésiale et la lumière de l’Esprit. Avec la croissance de la vie dans l’Esprit grandit, chez le lecteur, la compréhension des réalités dont parle le texte biblique.

 

1 – Le sens littéral

Il est indispensable de chercher à définir le sens précis des textes tels qu’ils ont été produits par leurs auteurs, sens qu’on appelle « littéral », à ne pas confondre avec le sens « littéraliste » (ex. : dans le cas d’une image : « ayez la ceinture aux reins » veut dire « Ayez une attitude de disponibilité », et non pas « portez autour des reins une ceinture ».).

Ce sens littéral, fruit de l’inspiration, est aussi voulu par Dieu comme auteur principal de la Bible. On le discerne grâce à une analyse précise du texte, situé dans son contexte littéraire et historique.

Le sens littéral d’un texte est en général unique, mais un auteur humain peut se référer en même temps à plusieurs niveaux de réalité. D’autre part, même lorsqu’une expression humaine semble n’avoir qu’une seule signification, l’inspiration divine peut guider cette expression de telle sorte que l’on puisse la comprendre de deux façons différentes (ex.: Jn 11,50 exprime à la fois un calcul politique immoral et une révélation divine).

Il faut aussi être attentif à l’aspect dynamique de beaucoup de textes. Le sens des psaumes royaux par exemple ne doit pas être limité étroitement aux circonstances historiques de leur production. En parlant du roi, le psalmiste évoquait à la fois une institution réelle et une vision idéale de la royauté, conforme au dessein de Dieu ; le texte dépassait ainsi l’institution royale telle qu’elle s’était manifestée dans l’histoire. L’exégèse historico-critique ne doit donc pas s’arrêter exclusivement aux circonstances historiques d’un texte, mais elle doit aussi préciser la direction de pensée du texte.

Le sens littéral d’un texte est aussi, dès le début, ouvert à des développements ultérieurs qui se produisent grâce à des relectures en des contextes nouveaux. Mais il faut rejeter fermement toute interprétation qui ne s’accorderait pas avec le sens exprimé par l’auteur, interprétation « hétérogène » qui ouvrirait alors la porte à un subjectivisme incontrôlable (Attitude de celui qui ne tient compte que de ses sentiments, de ses opinions, de ses idées et qui refuse, méprise ou ignore le sens réel et objectif du texte).

 

                        2 – Le sens spirituel

 

« Hétérogène » ne doit pourtant pas être pris en un sens étroit contraire à toute possibilité d’accomplissement supérieur. L’évènement pascal, mort et résurrection de Jésus, a mis en place un contexte historique radicalement nouveau, qui éclaire de façon nouvelle les textes anciens et leur fait subir une mutation de sens.

Ex. : Hyperbole: Dieu affermira pour toujours le trône d’un fils de David (2 S 7,12-13; 1 Ch 17,11-14); « pour toujours » doit désormais être pris à la lettre, en un « sens spirituel », car « le Christ étant ressuscité des morts ne meurt plus » (Rm 6,9).

Le sens spirituel, compris selon la foi chrétienne, est le sens exprimé par les textes bibliques, lorsqu’on les lit sous l’influence de l’Esprit Saint dans le contexte du mystère pascal du Christ et de la vie nouvelle qui en résulte.

Ce contexte existe effectivement. Le NT y reconnaît l’accomplissement des Ecritures. Il est donc normal de relire les Ecritures à la lumière de ce nouveau contexte qui est celui de la vie dans l’Esprit.

Il n’y a pas nécessairement de distinction entre « sens littéral » et « sens spirituel ». Tel est le cas habituel dans le NT, lorsqu’un texte se rapporte directement au mystère pascal du Christ ou à la vie nouvelle qui en résulte. Il s’ensuit que c’est à propos de l’AT que l’on parle le plus souvent de « sens spirituel ». Mais déjà, dans l’AT, les textes ont en bien des cas comme sens littéral un sens religieux et spirituel. La foi chrétienne y reconnaît un rapport anticipé avec la vie nouvelle apportée par le Christ.

Lorsqu’il y a distinction entre « sens littéral » et « sens spirituel », le sens spirituel ne peut jamais être privé de rapports avec le sens littéral, autrement, sans rapport de continuité et de conformité, on ne pourrait parler d’accomplissement ; mais il faut aussi qu’il y ait passage à un niveau supérieur de réalité.

Trois niveaux de réalités sont mis en rapport : le texte biblique, le mystère pascal et les circonstances présentes de vie dans l’Esprit.

Persuadée que le mystère du Christ donne la clé d’interprétation de toutes les Ecritures, l’exégèse ancienne (notamment Origène) s’est efforcée de trouver un sens spirituel à ses moindres détails ; l’exégèse moderne ne peut accorder une vraie valeur d’interprétation à ce genre de tentatives.

                      3 – Le sens plénier

On définit le sens plénier comme un sens plus profond du texte, voulu par Dieu, mais non clairement exprimé par l’auteur humain. On en découvre l’existence dans un texte biblique, lorsqu’on étudie celui-ci à la lumière d’autres textes bibliques qui l’utilisent ou dans son rapport avec le développement interne de la révélation.

Il s’agit donc ou bien de la signification qu’un auteur biblique attribue à un texte biblique qui lui est antérieur, lorsqu’il le reprend dans un contexte qui lui confère un sens littéral nouveau, ou bien de la signification qu’une tradition doctrinale authentique ou une définition conciliaire donne à un texte de la Bible. Mais lorsque manquent de telles références, le recours à un prétendu « sens plénier » pourrait conduire à des interprétations subjectives dépourvues de toute validité.

En définitive, on pourrait considérer « le sens plénier » comme une autre façon de désigner le « sens spirituel » d’un texte biblique dans le cas où ce dernier est différent du sens littéral. L’Esprit Saint, auteur principal de la Bible, peut en effet guider l’auteur humain dans le choix de ses expressions de telle sorte que celles-ci expriment une vérité dont il ne perçoit pas, au moment où il écrit, toute la profondeur. Un nouveau contexte peut alors faire apparaître des possibilités nouvelles de sens, possibilités que le contexte primitif laissait dans l’obscurité.

Jacques Fournier

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L’Inspiration divine de la Sainte Ecriture et son interprétation (Voir le Concile Vatican II, « Dei Verbum, chapitre 3)

Inspiration et vérité de la Sainte Ecriture

« Pour qu’un discours soit inspiré, il faut que l’auteur bénéficie en parlant ou en écrivant d’un concours immédiat de Dieu, qu’il agisse sous une impulsion de l’Esprit Saint…

La Parole de Dieu que les prophètes avaient entendue demeurait vivante en eux. Ils ne la conservaient pas seulement à la façon d’un souvenir. C’était dans leur âme une force qui les poussait à l’action » (Dictionnaire de la Bible Supplément : DBS, article « Inspiration »)…

Les prophètes commencent donc par recevoir la Parole de Dieu qui les introduit dans le mystère d’une relation avec Dieu qui est avant tout « Vie », mystère de communion. Puis, sous l’impulsion de Dieu, au cœur de ce mystère de communion où ils restent pleinement eux-mêmes, ils vont parler et leur parole sera … Parole de Dieu.

Une Parole à recevoir et qui devient vie… Avec le prophète Ezéchiel, Dieu nous le fait comprendre par un geste symbolique tout simple : il commence par l’appeler, puis il lui présente un Livre et il l’invite à le manger ! Pour Ezéchiel, la Parole de Dieu est donc tout d’abord une nourriture reçue de Dieu qui va, comme toute nourriture, alimenter sa vie. Mais il ne s’agit pas ici de n’importe quelle nourriture : elle vient directement de Dieu. Elle nourrira donc en lui « la Vie de Dieu ». Ezéchiel accueille donc cette Parole de Dieu avec foi ; grâce à elle, il va recevoir en son cœur la Vie de Dieu. Puis, vivant de cette Vie, il parlera et sa Parole, dans ce mystère de communion avec Dieu, sera cette « Parole de Dieu » qu’il portera à ses frères…

« Ez 3,1-4 (J’entendis la voix de quelqu’un qui me parlait ; cf Ez 1,28) : Il me dit :

«Fils d’homme, ce qui t’est présenté, mange-le;

mange ce volume et va parler à la maison d’Israël.»

(2)       J’ouvris la bouche et il me fit manger ce volume,

(3)       puis il me dit : «Fils d’homme, nourris-toi et rassasie-toi de ce volume que je te donne.»

Je le mangeai et, dans ma bouche, il fut doux comme du miel.

(4)       Alors il me dit : «Fils d’homme, va-t’en vers la maison d’Israël

et tu leur porteras mes paroles ».

Notons combien le sens de ce texte se rapproche de l’idée développée en St Jean, au chapitre 6.

En Ezéchiel, ce « pain de Dieu » est la Parole de Dieu écrite sur un Livre qui vient du ciel pour qu’Ezéchiel le mange et vive de la Vie de Dieu. En St Jean, Jésus se présente lui-même comme « le pain de Dieu qui descend du ciel et donne la vie au monde » : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais » (Jn 6,33.51). Or, dans toute la première partie de ce discours de Jésus à Capharnaüm (Jn 6,35-47) , Jésus est justement « pain de vie » par sa Parole. Et pour recevoir ce pain, pour le manger et en vivre, il suffit de « croire » : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47). Nous sommes donc tous invités à « manger la Parole de Jésus », c’est à dire à l’écouter avec foi ; et si nous croyons vraiment à ce que Jésus nous dit, Dieu agira en nos cœurs, en nos vies, selon sa Parole… Par son Esprit, il nous donnera d’avoir part à sa Vie, et il nous établira ainsi, dès maintenant, dans la foi, dans ce mystère de communion auquel toute l’humanité est appelée… Ce don qui nous vient du Christ « doux et humble de cœur » (Mt 11,29) est lui aussi « doux et humble », tout simple… Il est avant tout « paix », une paix que Dieu veut voir régner dans nos cœurs, une paix qui fera de chacun de nous des artisans de paix : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix », nous dit Jésus ; « je ne la donne pas comme le monde la donne » (c’est à dire bien souvent en parole seulement, sans réel effet dans nos vies ; Jésus, Lui, fait régner sa paix en nous et de fait, il ajoute juste après 🙂 – « que votre cœur ne se trouble pas » (Jn 14,27)… Qu’il demeure en paix, quoiqu’il arrive…

Pour revenir à nos prophètes, Jérémie parle de son côté d’un feu qui brûle en son cœur et qu’il ne peut contenir. Et c’est sous l’influence de ce feu brûlant en lui, qu’Il va parler. Le Nouveau Testament mettra clairement en parallèle l’Esprit Saint et le feu : « Jésus est venu baptiser dans l’Esprit Saint et le feu » (Mt 3,11), cet Esprit Saint qui allume dans le cœur des baptisés ce doux feu de l’amour qui nous purifiera petit à petit de tout ce qui n’est pas en harmonie avec Dieu…

Jr 20,7-9 : Tu m’as séduit, Yahvé, et je me suis laissé séduire;

tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort…

(9)      Je me disais : “Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom”;

mais c’était en mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os.

Je m’épuisais à le contenir, mais je n’ai pas pu.

(Et notons combien ce feu est en même temps expérience d’une Présence,

d’une communion avec son Dieu ; il ajoute en effet juste après 🙂

(11)     Le Seigneur est avec moi comme un héros puissant…

« Aux yeux des Israélites, les prophètes passaient donc pour être « les hommes de l’Esprit ». Ils sont pourtant peu nombreux à nous parler de leur expérience de l’Esprit. Michée le fait par exemple comme en passant…

Mi 3,8 : Moi, en revanche – grâce à l’Esprit du Seigneur -,

je suis rempli de force, d’équité, de courage…

Néanmoins les prophètes nous apprennent ça et là que le don de prophétie consiste en une effusion du Saint Esprit :

Is 42,1-4 : Voici mon serviteur que je soutiens,

mon élu en qui mon âme se complaît.

J’ai mis sur lui mon Esprit, il présentera aux nations le droit.

(2)       Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue;

(3)       il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit,

fidèlement, il présente le droit;

(4)       il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre,

et les îles attendent son enseignement.

Is 61,1-2 : L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi,

car le Seigneur m’a donné l’onction;

il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris,

annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance,

(2)                  proclamer une année de grâce de la part du Seigneur…

Et Zacharie évoque de son côté l’attitude de ceux qui n’ont pas voulu ouvrir leur cœur à la Parole que Dieu leur avait envoyée par ses prophètes, par son Esprit…

Zac 7,9-12 : Ainsi parle le Seigneur:

Rendez une justice vraie et pratiquez bonté et compassion chacun envers son frère.

(10)     N’opprimez pas la veuve et l’orphelin, l’étranger et le pauvre,

et ne méditez pas en votre cœur du mal l’un envers l’autre.

(11)     Mais ils ne voulurent pas être attentifs :

ils me présentèrent une épaule rebelle;

ils endurcirent leurs oreilles pour ne pas entendre;

(12)     ils firent de leur cœur un diamant,

de peur d’écouter l’instruction et les paroles que le Seigneur avait envoyées

– par son Esprit – par le ministère des prophètes du passé.

St Paul évoque lui aussi cette action de l’Esprit qui, par sa Présence dans les cœurs, permet de prendre conscience de « ce que l’œil n’a pas vu » ; c’est ainsi que l’Esprit « révèle », qu’il « fait connaître les dons de grâces que Dieu a faits aux hommes », et il donne à St Paul et à ses compagnons « d’exprimer en termes spirituels ces réalités spirituelles » :

1Co 2,7-13 : Nous parlons d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée,

celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire,

(8)       celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue

– s’ils l’avaient connue, en effet, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire –

(9)       mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu,

ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme,

tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.

(10)     Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit;

l’Esprit en effet sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu.

(11)     Qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l’homme,

sinon l’esprit de l’homme qui est en lui?

De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu.

(12)     Or, nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu,

pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits.

(13)     Et nous en parlons non pas avec des discours enseignés par la sagesse humaine,

mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit,

exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles.

C’est ainsi que l’on peut parler « d’Ecriture inspirée » :

2Tim 3,14-17 : Pour toi (écrit St Paul à Timothée), tiens-toi à ce que tu as appris

et dont tu as acquis la certitude.

Tu sais de quels maîtres tu le tiens;

(15)     et c’est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres.

Elles sont à même de te procurer la sagesse

qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus.

(16)     Toute Écriture est inspirée de Dieu

et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice :

(17)     ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne.

Et St Pierre écrit de son côté :

2P 1,19-21 : Nous avons la parole des prophètes qui est la solidité même,

sur laquelle vous avez raison de fixer votre regard

comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur,

jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.

Avant tout, sachez le bien :

aucune prophétie de l’Ecriture n’est affaire d’interprétation privée ;

en effet, ce n’est pas la volonté humaine qui a jamais produit une prophétie,

mais c’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu ».

Un peu plus loin dans cette même Lettre, St Pierre évoque la figure de St Paul qui a « écrit selon la sagesse qui lui a été donnée » (2 P 3,15). La Lettre aux Ephésiens parlera de son côté d’un « Esprit de sagesse », une expression qui évoque la sagesse que donne l’Esprit Saint :

Ep 1,15-20 : Ayant appris votre foi dans le Seigneur Jésus

et votre charité à l’égard de tous les saints,

(16)     je ne cesse de rendre grâces à votre sujet et de faire mémoire de vous dans mes prières.

(17)     Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire,

vous donner un esprit de sagesse et de révélation,

qui vous le fasse vraiment connaître!

(18)     Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir

quelle espérance vous ouvre son appel,

quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints,

(19)                 et quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous, les croyants,

selon la vigueur de sa force,

(20)                                         qu’il a déployée en la personne du Christ,

le ressuscitant d’entre les morts

et le faisant siéger à sa droite, dans les cieux…

L’Esprit Saint qui vient du Père rejoint le cœur de ceux et celles qui l’accueillent avec foi. Par sa Présence, il « illumine les yeux du cœur » et communique ainsi cette « sagesse » qui vient de Dieu. Grâce à lui, il est alors possible de comprendre, dans la foi, « l’espérance que nous ouvre l’appel de Dieu », « les trésors de gloire qu ‘Il nous réserve », et « l’extraordinaire grandeur de sa puissance qu’il a déployée dans le Christ, le ressuscitant d’entre les morts.

Nous pressentons à travers ces lignes l’expérience de St Paul lui-même !

 

C’est pourquoi le Concile Vatican II (Dei Verbum chapitre III, & 11) peut dire en même temps que :

– Les Livres entiers, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, ont Dieu pour auteur car ils ont été composés sous l’inspiration de l’Esprit Saint.

2 – Mais ces hommes choisis par Dieu pour la rédaction des Livres Saints sont restés pleinement eux-mêmes : Dieu « leur a laissé l’usage de leurs facultés et de toutes leurs ressources » ; il ne leur a pas « dicté » du ciel ce qu’ils avaient à écrire. Dans la lumière de l’Esprit Saint, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,21), ils ont déployé tout leur savoir faire, toutes leurs capacités pour transmettre cette vérité qui les habitait, ce « feu qui brûlait en leur cœur » (Jérémie 20,7-9). Ils ont écrit « en auteurs véritables ». Mais l’Esprit de Dieu les guidait vers la vérité toute entière (Jn 16,13) de telle sorte qu’ils n’ont transmis que ce que Dieu voulait qu’ils transmettent.

 

Comment il faut interpréter la Sainte Ecriture

Souvenons-nous d’Ephésiens 1,15-20. Ce texte est une prière : l’apôtre désire que cet Esprit Saint que Dieu avait répandu avec abondance en son cœur soit également présent dans le cœur de ceux et celles qui le liraient. L’Esprit était à l’origine de ses paroles ; ce même Esprit donnera à ceux et celles qui le liront de comprendre vraiment le sens de ce qu’il leur écrivait.

Si l’Esprit Saint est à la source des Ecritures, nous avons donc besoin de ce même Esprit pour les lire . « L’Ecriture Sainte doit être lue et interprétée avec le même Esprit qui l’a fait écrire » (Concile Vatican II, Dei Verbum chapitre 3 & 12).

Voilà pourquoi Jean Paul II écrivait en Avril 1993 :

« Oui, pour arriver à une interprétation pleinement valable des paroles inspirées par l’Esprit Saint, il faut être soi-même guidé par l’Esprit Saint et, pour cela, il faut prier, prier beaucoup, demander dans la prière la lumière intérieure de l’Esprit et accueillir docilement cette lumière, demander l’amour, qui seul rend capable de comprendre le langage de Dieu, qui « est amour » (1 Jn 4, 8.16). Durant le travail même d’interprétation, il faut se maintenir le plus possible en présence de Dieu ».

Avant de lire la Parole de Dieu, nous sommes donc invités à demander à Dieu Notre Père son Esprit Saint dans la plus grande confiance, car tel est justement le don qu’Il veut nous communiquer :

Lc 11, 9-13 (Parole de Jésus à ses disciples) : «Et moi, je vous dis :

demandez et l’on vous donnera;

cherchez et vous trouverez;

frappez et l’on vous ouvrira.

(10)     Car quiconque demande reçoit;

qui cherche trouve;

et à qui frappe on ouvrira.

(11)     Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent?

(12)     Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion?

(13)     Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient!»

Notons bien que le Christ nous appelle ici des « mauvais ». Eh oui ! Nous sommes « mauvais », c’est à dire « pécheurs », avec un cœur trop souvent partagé. Mais c’est justement à ces « mauvais » que le Père donne son Esprit Saint lorsqu’ils le lui demandent ! Ce don est absolument gratuit : il s’enracine dans l’Amour Miséricordieux que Dieu ne cesse jamais de nous porter. Cette certitude nous invite à la plus grande confiance lorsque nous prions Notre Père de nous donner son Esprit. Nous vivrons ensuite notre lecture de la Parole de Dieu dans cette même confiance d’avoir été exaucé, quoiqu’il arrive, même si – semble-t-il – il ne s’est rien passé ! Mais sommes-nous sûrs qu’il ne s’est rien passé ? Car notre Dieu est un Dieu doux et humble qui travaille dans la discrétion, la douceur, la simplicité et la paix. Lire en silence la Parole de Dieu nous permettra justement de découvrir combien ce silence est habité par sa Présence…

Ensuite, lorsque nous lisons la Parole de Dieu, nous ne devons jamais oublier qu’elle n’a pas été « dictée » du ciel. Elle a été écrite par des hommes comme nous qui, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,29), se sont comportés en « vrais auteurs », avec leur caractère, leur sensibilité… dans le contexte culturel, social… qui était le leur.

Il est donc très important de faire attention à la manière dont le texte à été écrit pour essayer de découvrir ce que l’auteur inspiré a voulu transmettre. Nous nous poserons alors deux questions :

– Quel genre littéraire a-t-il employé ? Sommes-nous face à un récit poétique, historique… ? Cette question est importante, car nous ne pouvons pas demander, par exemple, à un poème de nous transmettre des vérités d’ordre scientifique. La détermination du genre littéraire orientera donc notre lecture en nous invitant à creuser tel ou tel aspect, ou au contraire à renoncer à telle ou telle question…

– Quelles étaient « les façons de sentir, de dire ou de raconter qui étaient habituelles dans le milieu et à l’époque » de notre auteur (Dei Verbum, chapitre III & 12). Ainsi par exemple, les péripéties qui entourent la naissance de Moïse étaient habituellement reprises dès que l’on évoquait l’enfance d’un homme prestigieux. Le message à retirer d’un tel texte n’est donc pas de savoir si oui ou non Moïse a été déposé par sa mère sur le fleuve dans un panier enduit de bitume ; cet épisode n’a d’autre but que de nous dire que Moïse était un « grand homme » comparable aux plus grands de la terre[1]

De plus, nous n’oublierons pas que la Bible forme « une unité ». Certes, elle a été écrite sur une période de plus de mille ans, par quantités d’auteurs différents. Mais c’était toujours le même Esprit qui était à l’œuvre au long des siècles et dans tous ces cœurs. D’autre part, le but des textes bibliques est de nous révéler « qui » est Dieu, et donc aussi « qui » est l’homme « créé à l’image et ressemblance de Dieu ». Chaque texte devra donc être lu non pas isolément mais à la lumière de tous les autres. Nous tiendrons compte aussi de « la Tradition Vivante de l’Eglise », c’est à dire du fruit du travail et de la réflexion de tous ces chrétiens qui, bien avant nous, à la lumière du même Esprit Saint, ont lu et relu toutes ces Ecritures… Leur témoignage nous aide à avancer sur le chemin de l’Unique Vérité…

Enfin, le Concile Vatican II nous invite à rendre grâce à Dieu pour « son inexprimable bonté » qui a su s’adapter à notre langage pour qu’il nous soit donné d’entrer dans son mystère… Dieu nous a rejoint là où nous étions, et il nous a parlé un langage que nous pouvons comprendre ! Son seul but : que nous puissions atteindre, par la grâce de son Esprit Saint, cette Plénitude synonyme de bonheur pour laquelle nous avons été créés (cf Ep 5,18 ; 2,18 ; Jn 10,10 ; 17,24-26)…

[1] Lire Exode 2,1-9 ; puis le comparer à ce texte retrouvé sur une tablette d’argile en Babylonie. Il raconte l’histoire de Sargon Ier, dit l’ancien, fondateur de la puissante dynastie akkadienne, et qui vécut dans les années 2350 av. JC, donc plus de mille ans avant Moïse:

« Je suis Syarrukîn (c’est à dire roi légitime), roi fort, monarque d’Agadé. Ma mère était une prêtresse, mon père, je ne l’ai pas connu. Ma ville était Azupirannu, située sur la rive de l’Euphrate. Ma mère m’enfanta en cachette, elle me plaça dans un panier de jonc et elle en ferma la porte avec du bitume. Elle m’abandonna au Fleuve, et il ne me submergea point. Le Fleuve m’apporta à Akki, le puiseur d’eau. Akki me prit dans la bienveillance de son coeur. Akki, le puiseur d’eau, m’éleva comme son enfant. Akki, le puiseur d’eau, fit de moi un jardinier. Ishtar (une des plus puissantes déesses du panthéon mésopotamien) m’aima »…




L’Inspiration divine de la Sainte Ecriture et son interprétation

ParoleInspiration et vérité de la Sainte Ecriture

« Pour qu’un discours soit inspiré, il faut que l’auteur bénéficie en parlant ou en écrivant d’un concours immédiat de Dieu, qu’il agisse sous une impulsion de l’Esprit Saint…

La Parole de Dieu que les prophètes avaient entendue demeurait vivante en eux. Ils ne la conservaient pas seulement à la façon d’un souvenir. C’était dans leur âme une force qui les poussait à l’action » (Dictionnaire de la Bible Supplément : DBS, article « Inspiration »)…

Les prophètes commencent donc par recevoir la Parole de Dieu qui les introduit dans le mystère d’une relation avec Dieu qui est avant tout « Vie », mystère de communion. Puis, sous l’impulsion de Dieu, au cœur de ce mystère de communion où ils restent pleinement eux-mêmes, ils vont parler et leur parole sera … Parole de Dieu.

Une Parole à recevoir et qui devient vie… Avec le prophète Ezéchiel, Dieu nous le fait comprendre par un geste symbolique tout simple : il commence par l’appeler, puis il lui présente un Livre et il l’invite à le manger ! Pour Ezéchiel, la Parole de Dieu est donc tout d’abord une nourriture reçue de Dieu qui va, comme toute nourriture, alimenter sa vie. Mais il ne s’agit pas ici de n’importe quelle nourriture : elle vient directement de Dieu. Elle nourrira donc en lui « la Vie de Dieu ». Ezéchiel accueille donc cette Parole de Dieu avec foi ; grâce à elle, il va recevoir en son cœur la Vie de Dieu. Puis, vivant de cette Vie, il parlera et sa Parole, dans ce mystère de communion avec Dieu, sera cette « Parole de Dieu » qu’il portera à ses frères…

« Ez 3,1-4 (J’entendis la voix de quelqu’un qui me parlait ; cf Ez 1,28) : Il me dit :

«Fils d’homme, ce qui t’est présenté, mange-le;

mange ce volume et va parler à la maison d’Israël.»

(2) J’ouvris la bouche et il me fit manger ce volume,

(3) puis il me dit : «Fils d’homme, nourris-toi et rassasie-toi de ce volume que je te donne.»

Je le mangeai et, dans ma bouche, il fut doux comme du miel.

(4) Alors il me dit : «Fils d’homme, va-t’en vers la maison d’Israël

et tu leur porteras mes paroles ».

Notons combien le sens de ce texte se rapproche de l’idée développée en St Jean, au chapitre 6.

En Ezéchiel, ce « pain de Dieu » est la Parole de Dieu écrite sur un Livre qui vient du ciel pour qu’Ezéchiel le mange et vive de la Vie de Dieu. En St Jean, Jésus se présente lui-même comme « le pain de Dieu qui descend du ciel et donne la vie au monde » : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais » (Jn 6,33.51). Or, dans toute la première partie de ce discours de Jésus à Capharnaüm (Jn 6,35-47) , Jésus est justement « pain de vie » par sa Parole. Et pour recevoir ce pain, pour le manger et en vivre, il suffit de « croire » : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47). Nous sommes donc tous invités à « manger la Parole de Jésus », c’est à dire à l’écouter avec foi ; et si nous croyons vraiment à ce que Jésus nous dit, Dieu agira en nos cœurs, en nos vies, selon sa Parole… Par son Esprit, il nous donnera d’avoir part à sa Vie, et il nous établira ainsi, dès maintenant, dans la foi, dans ce mystère de communion auquel toute l’humanité est appelée… Ce don qui nous vient du Christ « doux et humble de cœur » (Mt 11,29) est lui aussi « doux et humble », tout simple… Il est avant tout « paix », une paix que Dieu veut voir régner dans nos cœurs, une paix qui fera de chacun de nous des artisans de paix : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix », nous dit Jésus ; « je ne la donne pas comme le monde la donne » (c’est à dire bien souvent en parole seulement, sans réel effet dans nos vies ; Jésus, Lui, fait régner sa paix en nous et de fait, il ajoute juste après : – « que votre cœur ne se trouble pas » (Jn 14,27)… Qu’il demeure en paix, quoiqu’il arrive…

Pour revenir à nos prophètes, Jérémie parle de son côté d’un feu qui brûle en son cœur et qu’il ne peut contenir. Et c’est sous l’influence de ce feu brûlant en lui, qu’Il va parler. Le Nouveau Testament mettra clairement en parallèle l’Esprit Saint et le feu : « Jésus est venu baptiser dans l’Esprit Saint et le feu » (Mt 3,11), cet Esprit Saint qui allume dans le cœur des baptisés ce doux feu de l’amour qui nous purifiera petit à petit de tout ce qui n’est pas en harmonie avec Dieu…

Jr 20,7-9 : Tu m’as séduit, Yahvé, et je me suis laissé séduire;

tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort…

(9) Je me disais : “Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom”;

mais c’était en mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os.

Je m’épuisais à le contenir, mais je n’ai pas pu.

(Et notons combien ce feu est en même temps expérience d’une Présence,

d’une communion avec son Dieu ; il ajoute en effet juste après :

(11) Le Seigneur est avec moi comme un héros puissant…

« Aux yeux des Israélites, les prophètes passaient donc pour être « les hommes de l’Esprit ». Ils sont pourtant peu nombreux à nous parler de leur expérience de l’Esprit. Michée le fait par exemple comme en passant…

Mi 3,8 : Moi, en revanche – grâce à l’Esprit du Seigneur -,

je suis rempli de force, d’équité, de courage…

Néanmoins les prophètes nous apprennent ça et là que le don de prophétie consiste en une effusion du Saint Esprit :

Is 42,1-4 : Voici mon serviteur que je soutiens,

mon élu en qui mon âme se complaît.

J’ai mis sur lui mon Esprit, il présentera aux nations le droit.

(2) Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue;

(3) il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit,

fidèlement, il présente le droit;

(4) il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre,

et les îles attendent son enseignement.

Is 61,1-2 : L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi,

car le Seigneur m’a donné l’onction;

il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris,

annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance,

(2) proclamer une année de grâce de la part du Seigneur…

Et Zacharie évoque de son côté l’attitude de ceux qui n’ont pas voulu ouvrir leur cœur à la Parole que Dieu leur avait envoyée par ses prophètes, par son Esprit…

Zac 7,9-12 : Ainsi parle le Seigneur:

Rendez une justice vraie et pratiquez bonté et compassion chacun envers son frère.

(10) N’opprimez pas la veuve et l’orphelin, l’étranger et le pauvre,

et ne méditez pas en votre cœur du mal l’un envers l’autre.

(11) Mais ils ne voulurent pas être attentifs :

ils me présentèrent une épaule rebelle;

ils endurcirent leurs oreilles pour ne pas entendre;

(12) ils firent de leur cœur un diamant,

de peur d’écouter l’instruction et les paroles que le Seigneur avait envoyées

– par son Esprit – par le ministère des prophètes du passé.

St Paul évoque lui aussi cette action de l’Esprit qui, par sa Présence dans les cœurs, permet de prendre conscience de « ce que l’œil n’a pas vu » ; c’est ainsi que l’Esprit « révèle », qu’il « fait connaître les dons de grâces que Dieu a faits aux hommes », et il donne à St Paul et à ses compagnons « d’exprimer en termes spirituels ces réalités spirituelles » :

1Co 2,7-13 : Nous parlons d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée,

celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire,

(8) celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue

– s’ils l’avaient connue, en effet, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire –

(9) mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu,

ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme,

tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.

(10) Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit;

l’Esprit en effet sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu.

(11) Qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l’homme,

sinon l’esprit de l’homme qui est en lui?

De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu.

(12) Or, nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu,

pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits.

(13) Et nous en parlons non pas avec des discours enseignés par la sagesse humaine,

mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit,

exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles.

C’est ainsi que l’on peut parler « d’Ecriture inspirée » :

2Tim 3,14-17 : Pour toi (écrit St Paul à Timothée), tiens-toi à ce que tu as appris

et dont tu as acquis la certitude.

Tu sais de quels maîtres tu le tiens;

(15) et c’est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres.

Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus.

(16) Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice :

(17) ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne.

Et St Pierre écrit de son côté :

2P 1,19-21 : Nous avons la parole des prophètes qui est la solidité même, sur laquelle vous avez raison de fixer votre regard comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur, jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.

Avant tout, sachez le bien : aucune prophétie de l’Ecriture n’est affaire d’interprétation privée ; en effet, ce n’est pas la volonté humaine qui a jamais produit une prophétie, mais c’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu ».

Un peu plus loin dans cette même Lettre, St Pierre évoque la figure de St Paul qui a « écrit selon la sagesse qui lui a été donnée » (2 P 3,15). La Lettre aux Ephésiens parlera de son côté d’un « Esprit de sagesse », une expression qui évoque la sagesse que donne l’Esprit Saint :

Ep 1,15-20 : Ayant appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre charité à l’égard de tous les saints,

(16) je ne cesse de rendre grâces à votre sujet et de faire mémoire de vous dans mes prières.

(17) Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation,qui vous le fasse vraiment connaître!

(18) Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints,

(19) et quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous, les croyants, selon la vigueur de sa force,

(20) qu’il a déployée en la personne du Christ, le ressuscitant d’entre les morts et le faisant siéger à sa droite, dans les cieux…

L’Esprit Saint qui vient du Père rejoint le cœur de ceux et celles qui l’accueillent avec foi. Par sa Présence, il « illumine les yeux du cœur » et communique ainsi cette « sagesse » qui vient de Dieu. Grâce à lui, il est alors possible de comprendre, dans la foi, « l’espérance que nous ouvre l’appel de Dieu », « les trésors de gloire qu ‘Il nous réserve », et « l’extraordinaire grandeur de sa puissance qu’il a déployée dans le Christ, le ressuscitant d’entre les morts.

Nous pressentons à travers ces lignes l’expérience de St Paul lui-même !

C’est pourquoi le Concile Vatican II (Dei Verbum chapitre III, & 11) peut dire en même temps que :

– Les Livres entiers, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, ont Dieu

pour auteur car ils ont été composés sous l’inspiration de l’Esprit Saint.

2 – Mais ces hommes choisis par Dieu pour la rédaction des Livres Saints sont restés pleinement eux-mêmes : Dieu « leur a laissé l’usage de leurs facultés et de toutes leurs ressources » ; il ne leur a pas « dicté » du ciel ce qu’ils avaient à écrire. Dans la lumière de l’Esprit Saint, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,21), ils ont déployé tout leur savoir faire, toutes leurs capacités pour transmettre cette vérité qui les habitait, ce « feu qui brûlait en leur cœur » (Jérémie 20,7-9). Ils ont écrit « en auteurs véritables ». Mais l’Esprit de Dieu les guidait vers la vérité toute entière (Jn 16,13) de telle sorte qu’ils n’ont transmis que ce que Dieu voulait qu’ils transmettent.

 

Comment il faut interpréter la Sainte Ecriture

Souvenons-nous d’Ephésiens 1,15-20. Ce texte est une prière : l’apôtre désire que cet Esprit Saint que Dieu avait répandu avec abondance en son cœur soit également présent dans le cœur de ceux et celles qui le liraient. L’Esprit était à l’origine de ses paroles ; ce même Esprit donnera à ceux et celles qui le liront de comprendre vraiment le sens de ce qu’il leur écrivait.

Si l’Esprit Saint est à la source des Ecritures, nous avons donc besoin de ce même Esprit pour les lire . « L’Ecriture Sainte doit être lue et interprétée avec le même Esprit qui l’a fait écrire » (Concile Vatican II, Dei Verbum chapitre 3 & 12).

Voilà pourquoi Jean Paul II écrivait en Avril 1993 :

« Oui, pour arriver à une interprétation pleinement valable des paroles inspirées par l’Esprit Saint, il faut être soi-même guidé par l’Esprit Saint et, pour cela, il faut prier, prier beaucoup, demander dans la prière la lumière intérieure de l’Esprit et accueillir docilement cette lumière, demander l’amour, qui seul rend capable de comprendre le langage de Dieu, qui « est amour » (1 Jn 4, 8.16). Durant le travail même d’interprétation, il faut se maintenir le plus possible en présence de Dieu ».

Avant de lire la Parole de Dieu, nous sommes donc invités à demander à Dieu Notre Père son Esprit Saint dans la plus grande confiance, car tel est justement le don qu’Il veut nous communiquer :

Lc 11, 9-13 (Parole de Jésus à ses disciples) : «Et moi, je vous dis :

demandez et l’on vous donnera;

cherchez et vous trouverez;

frappez et l’on vous ouvrira.

(10) Car quiconque demande reçoit;

qui cherche trouve;

et à qui frappe on ouvrira.

(11) Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent?

(12) Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion?

(13) Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient!»

Notons bien que le Christ nous appelle ici des « mauvais ». Eh oui ! Nous sommes « mauvais », c’est à dire « pécheurs », avec un cœur trop souvent partagé. Mais c’est justement à ces « mauvais » que le Père donne son Esprit Saint lorsqu’ils le lui demandent ! Ce don est absolument gratuit : il s’enracine dans l’Amour Miséricordieux que Dieu ne cesse jamais de nous porter. Cette certitude nous invite à la plus grande confiance lorsque nous prions Notre Père de nous donner son Esprit. Nous vivrons ensuite notre lecture de la Parole de Dieu dans cette même confiance d’avoir été exaucé, quoiqu’il arrive, même si – semble-t-il – il ne s’est rien passé ! Mais sommes-nous sûrs qu’il ne s’est rien passé ? Car notre Dieu est un Dieu doux et humble qui travaille dans la discrétion, la douceur, la simplicité et la paix. Lire en silence la Parole de Dieu nous permettra justement de découvrir combien ce silence est habité par sa Présence…

Ensuite, lorsque nous lisons la Parole de Dieu, nous ne devons jamais oublier qu’elle n’a pas été « dictée » du ciel. Elle a été écrite par des hommes comme nous qui, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,29), se sont comportés en « vrais auteurs », avec leur caractère, leur sensibilité… dans le contexte culturel, social… qui était le leur.

Il est donc très important de faire attention à la manière dont le texte à été écrit pour essayer de découvrir ce que l’auteur inspiré a voulu transmettre. Nous nous poserons alors deux questions :

– Quel genre littéraire a-t-il employé ? Sommes-nous face à un récit poétique, historique… ? Cette question est importante, car nous ne pouvons pas demander, par exemple, à un poème de nous transmettre des vérités d’ordre scientifique. La détermination du genre littéraire orientera donc notre lecture en nous invitant à creuser tel ou tel aspect, ou au contraire à renoncer à telle ou telle question…

2 – Quelles étaient « les façons de sentir, de dire ou de raconter qui étaient habituelles dans le milieu et à l’époque » de notre auteur (Dei Verbum, chapitre III & 12). Ainsi par exemple, les péripéties qui entourent la naissance de Moïse étaient habituellement reprises dès que l’on évoquait l’enfance d’un homme prestigieux. Le message à retirer d’un tel texte n’est donc pas de savoir si oui ou non Moïse a été déposé par sa mère sur le fleuve dans un panier enduit de bitume ; cet épisode n’a d’autre but que de nous dire que Moïse était un « grand homme » comparable aux plus grands de la terre[1]

De plus, nous n’oublierons pas que la Bible forme « une unité ». Certes, elle a été écrite sur une période de plus de mille ans, par quantités d’auteurs différents. Mais c’était toujours le même Esprit qui était à l’œuvre au long des siècles et dans tous ces cœurs. D’autre part, le but des textes bibliques est de nous révéler « qui » est Dieu, et donc aussi « qui » est l’homme « créé à l’image et ressemblance de Dieu ». Chaque texte devra donc être lu non pas isolément mais à la lumière de tous les autres. Nous tiendrons compte aussi de « la Tradition Vivante de l’Eglise », c’est à dire du fruit du travail et de la réflexion de tous ces chrétiens qui, bien avant nous, à la lumière du même Esprit Saint, ont lu et relu toutes ces Ecritures… Leur témoignage nous aide à avancer sur le chemin de l’Unique Vérité…

Enfin, le Concile Vatican II nous invite à rendre grâce à Dieu pour « son inexprimable bonté » qui a su s’adapter à notre langage pour qu’il nous soit donné d’entrer dans son mystère… Dieu nous a rejoint là où nous étions, et il nous a parlé un langage que nous pouvons comprendre ! Son seul but : que nous puissions atteindre, par la grâce de son Esprit Saint, cette Plénitude synonyme de bonheur pour laquelle nous avons été créés (cf Ep 5,18 ; 2,18 ; Jn 10,10 ; 17,24-26)…

D. Jacques Fournier

 

[1] Lire Exode 2,1-9 ; puis le comparer à ce texte retrouvé sur une tablette d’argile en Babylonie. Il raconte l’histoire de Sargon Ier, dit l’ancien, fondateur de la puissante dynastie akkadienne, et qui vécut dans les années 2350 av. JC, donc plus de mille ans avant Moïse:

« Je suis Syarrukîn (c’est à dire roi légitime), roi fort, monarque d’Agadé. Ma mère était une prêtresse, mon père, je ne l’ai pas connu. Ma ville était Azupirannu, située sur la rive de l’Euphrate. Ma mère m’enfanta en cachette, elle me plaça dans un panier de jonc et elle en ferma la porte avec du bitume. Elle m’abandonna au Fleuve, et il ne me submergea point. Le Fleuve m’apporta à Akki, le puiseur d’eau. Akki me prit dans la bienveillance de son coeur. Akki, le puiseur d’eau, m’éleva comme son enfant. Akki, le puiseur d’eau, fit de moi un jardinier. Ishtar (une des plus puissantes déesses du panthéon mésopotamien) m’aima »…

 

Inspiration et interprétation



Bibliographie pour une Introduction à la Bible.

1 – Une Bible complète, avec des introductions aux différents livres bibliques, et des notes de lecture (Attention aux éditions mineures ou de poche, pratiques mais sans notes).

  • « La Bible de Jérusalem » (BJ; Editions du Cerf). Certainement la meilleure en ce qui concerne les notes de lecture et les multiples références qu’elle propose pour aider la compréhension de tel texte biblique par d’autres textes bibliques

  • « La Traduction Oeucuménique de la Bible » (TOB ; Editions du Cerf et Société Biblique Française), réalisée par des spécialistes protestants et catholiques.

  • « La Bible des Peuples » (Hachette), une traduction et des notes volontairement simplifiées pour permettre le meilleur accès possible aux textes bibliques.

2 – Quelques outils :

  • Le « Vocabulaire de Théologie Biblique » (Cerf) : de nombreux articles sur des notions bibliques importantes, avec à chaque fois une partie consacrée à l’AT, une autre au NT. De nombreuses références sont données.

  • « La Bible », par André Paul (Collection Repères pratiques ; Nathan). Clair et très bien présenté avec 5 parties: Bible et Bibles ; Histoire ; AT ; NT ; Textes ; Interprétations.

  • « Pour lire la Bible », J.-P. Bagot; J.-Cl. Dubs.

  • « Pour lire l’Ancien Testament »; « Pour lire le NT », d’Etienne Charpentier (Cerf).

  • « Les Evangiles, textes et commentaires » (Bayard Compact) : quatre commentaires particulièrement clairs et accessibles réunis en un seul volume (L’Evangile de Matthieu, par Claude Tassin ; L’Evangile de Marc, par Jacques Hervieux ; L’Evangile de Luc, par Hugues Cousin ; L’Evangile de Jean, par Alain Marchadour).

  • A noter également la Collection « Tout Simplement » (Editions de l’Atelier) où chaque volume est consacré à un thème : « Saint Paul » par Paul Bony, « Jésus-Christ », par Y. Chabert et R. Philibert ; « L’Eglise » par H. Danet et C. Royon ; « La Messe » par R. Cabié ; « Le Peuple de la Bible », par G. Sindt ; « Les miracles » par C. Perrot…

  • Les « Cahiers Evangiles » (Editions du Cerf), 60-70 pages consacrées à un thème, un livre Biblique… Plus de 160 numéros sont déjà parus…

  • « Lectures bibliques, aux sources de la culture occidentale » d’Anne-Marie Pelletier (Cerf) : de très bonnes études de textes bibliques importants.

Jacques Fournier




Introduction à la Bible

Parole de Dieu faite chair en nos langages d’homme…

« Les récits bibliques viennent à nous. Ils arrivent de lieux, d’époques, de milieux différents »… « Dieu a accepté la fragilité de l’expression humaine. Du même coup, il a donné valeur aux saveurs, aux goûts de ces langages. Il a revêtu lui-même leurs caractéristiques et s’est servi des mots tout ordinaires de ces temps-là pour que sa Parole puisse être à l’aise et atteindre l’homme »…

« Quand on entreprend de lire la Bible, on est un peu comme ces deux hommes qui se trouvaient sur la route de Jérusalem à Emmaüs (Lc 24,13-35) : le Christ est là. Ils ne le savent pas. Il fait silence. Ils ne l’ont pas encore nommé, mais il est présent. Lui est là, saisi par leur lourde tristesse à tous deux.

Lorsque nous ouvrons la Bible, le texte commence par rester muet. Puis il nous interroge, comme Jésus Christ interrogeait ces deux hommes.

Et, tout à coup, les voilà tous les trois qui reprennent la parole biblique (la Bible). Et le texte évoqué, de lointain et de froid qu’il était, devient une parole chaleureuse. Des mots cessent de n’être que des mots. Nos oreilles, notre intelligence, notre vie, sont mises en alerte. Derrière ces mots, il y a QUELQU’UN ! Quelqu’un qui parle, qui nous parle: sa présence commence à être ressentie; les phrases se mettent à vivre et deviennent message, et cet absent ignoré devient proche.

Mais tout ne fait que commencer lorsque la Bible est ouverte, lorsqu’elle est devenue Parole vivante après le silence. Le récit d’Emmaüs nous conduit plus loin : il y a le geste de communion réalisée, les frères retrouvés, la confession commune de foi proclamée, et l’intelligence brûlante a enfin compris que Lui était là ».

« Grâce à la lecture de la Bible,… Jésus Christ vient à nous, et nous pouvons aller à Lui, sans qu’on sache très bien qui s’approche de l’autre ».

« Ouvrir la Bible, c’est établir une relation possible avec le texte, avec Celui qui parle à travers le texte, avec ceux auxquels il nous conduit ».

« Ouvrir la Bible, c’est laisser le Christ ouvrir notre esprit et nous faire découvrir les vastes horizons de Dieu dans le monde des hommes »…

Maurice Carrez.

I – La Bible, ou l’histoire d’un cheminement lancé par Dieu, guidé par Lui, au cœur de tous les tâtonnements et de tous les aléas de l’aventure humaine.

« La vie vous a peut-être conduits à vous poser des questions essentielles. A travers ses côtés lumineux ou ses faces d’ombre, elle vous a interrogés: qui sommes‑nous ? Où allons-nous ? Quel est le sens de notre existence ? Alors, ouvrez ce livre. Vous y rencontrerez des hommes qui se sont posé les mêmes questions que vous. Ils ont cherché, ils ont peiné comme vous. Au départ, leur recherche était peut–être tâtonnante: ils n’ont cessé de la rectifier, de l’approfondir. D’âge en âge, ils se sont transmis leurs certitudes en acceptant de les confronter aux démentis de l’histoire, aux nouvelles questions brûlantes que faisait surgir celle-ci. Plus d’une fois, ils ont été tentés d’abandonner leur quête de vérité: les crises terribles qu’ils devaient traverser ne prouvaient-elles pas que leurs idées directrices étaient illusoires? Chaque fois, conduits par des hommes que l’Esprit de Dieu avait saisis, ils sont repartis. Toute nouvelle épreuve est devenue occasion d’accéder à une lumière plus pure.

Cette lumière est celle que de pauvres hommes de Palestine disent avoir enfin perçue en un certain Jésus. En lui, ils ont reconnu le rayonnement divin venant définitivement dissiper les ombres de nos illusions humaines.

En nous racontant comment, à travers leur histoire, ils ont rencontré Dieu, ces témoins nous invitent à relire notre propre histoire pour y rencontrer à notre tour le Seigneur, soleil de notre vie ».

Jean-Pierre Bagot, Jean-Claude Dubs, « Pour lire la Bible ».

« L’Ancien Testament avait pour raison d’être majeure de préparer l’avènement du Christ Sauveur du monde, et de son royaume messianique, d’annoncer prophétiquement cet avènement (cf Luc 24,44; Jean 5,39; 1Pierre 1,10) et de le signifier par diverses figures (cf 1Cor 10,11). Compte tenu de la situation humaine qui précède le salut instauré par le Christ, les livres de l’Ancien Testament permettent à tous de connaître qui est Dieu et qui est l’homme, non moins que la manière dont Dieu dans sa justice et sa miséricorde agit avec les hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine. C’est pourquoi les chrétiens doivent les accepter avec vénération: en eux s’expriment un vif sens de Dieu; en eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une bienfaisante sagesse sur la vie humaine, d’admirables trésors de prières; en eux enfin se tient caché le mystère de notre salut ».

Concile Vatican II, Dei Verbum & 15

 

II – La Bible, une lumière sur Dieu et sur l’homme

à découvrir à la Lumière de l’Esprit Saint qui a inspiré tous ces textes…

La Bible, et notamment l’Ancien Testament, est un cheminement, et comme tout cheminement, il ne prétend pas nous offrir immédiatement le but recherché, avec toute sa perfection. Néanmoins, ce but, qui est Dieu Lui-même, est présent au cœur de tous ces textes en tant que Dieu n’a jamais cessé, par son Esprit, de guider son Peuple vers la vérité toute entière.

Il importe donc de chercher avant tout cette vérité, tout en sachant que notre démarche s’inscrit au cœur d’une Histoire marquée dorénavant par la venue en ce monde du Verbe de Dieu, le Fils Unique du Père, Dieu Lui-même… En Lui et par Lui Dieu s’est offert aux hommes; dans la Puissance de l’Esprit Saint, il s’est révélé en Paroles et en actes comme Plénitude d’Amour et de Miséricorde :

« Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (Ep 2,18; 2P 1,4). Dans cette révélation, le Dieu invisible (Col 1,15; 1 Tm 1,17) s’adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu’à des amis (Ex 33,11; Jn 15,14-15), il s’entretient avec eux (Bar 3,38) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie…

La profonde vérité que cette Révélation manifeste, sur Dieu et sur le salut de l’homme, resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation ».

Concile Vatican II, Dei Verbum & 2

Et le Christ nous a promis, avant de retourner vers son Père, de nous envoyer l’Esprit de Vérité. C’est Lui qui nous introduit dans son mystère et nous permet de comprendre ses Paroles et la signification de ses actes. Il est la Lumière grâce à laquelle nous pouvons confesser en vérité le Christ « Lumière du monde » (Jn 8,12 ; 1Co 12,3), Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Avec Lui, nous sommes rendus capables de nous lancer dans la recherche et la découverte progressive du mystère de Dieu, et notamment de percevoir dans les écrits de l’Ancien Testament la Présence de Celui là même qui sera pleinement révélé dans le Nouveau.

A Dieu qui révèle est due « l’obéissance de la foi » par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans « un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle » et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait.

Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint Esprit qui touche le coeur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne « à tous la douceur de consentir à la vérité ». Afin de rendre toujours plus profonde l’intelligence de la Révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite ».

Concile Vatican II, Dei Verbum & 5

La Sainte Ecriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger…

Concile Vatican II, Dei Verbum & 12.

 

 

III – Quelques indications générales avant d’ouvrir la Bible.

 

1 –  La Bible n’est pas un livre de sciences naturelles ou d’Histoire universelle.

« Les écrivains qui ont rédigé les textes bibliques disent leurs certitudes religieuses en se référant au niveau de culture et d’information de leur époque. Seul le message doit être retenu. C’est ce qui apparaît par exemple dans les récits des origines de la terre et de l’homme. Dans ces récits, il est affirmé que l’Univers entier tient sa réalité de Dieu. La Genèse énonce clairement, et pour toutes les époques, que le monde matériel et l’humanité sont solidaires d’une même destinée projetée par Dieu, destinée compromise par la volonté libre de l’homme qui, dès l’origine, pencha vers le mal en se voulant totalement autonome »[1].

Ces premiers chapitres du Livre de la Genèse n’ont donc pas pour but de nous décrire les origines du monde tels qu’ils se sont effectivement déroulés. Mais ils veulent nous transmettre une vérité sur Dieu et sur l’homme. Au lecteur de consentir à cette vérité, en acceptant peut-être de laisser sans réponse certaines de ses questions…

De plus, dans le contexte propre à Israël, ces lignes indiquent que son histoire « s’insère dans un ensemble et que le peuple n’a été choisi par Dieu que comme avant-garde de l’humanité toute entière. Le système de parenté utilisé » (Adam et Eve…)  » pour nous dire cela est contestable, historiquement parlant. Mais il nous dit la certitude profonde qui anime les croyants, conscients d’un lien essentiel avec des peuplades étrangères ».

Ces quelques remarques rejoignent une question importante, celle « des genres littéraires que les auteurs de cet âge antique ont voulu employer » (Pie XII, « Divino afflante Spiritu », 1943). Avant de lire un texte biblique, il importe de se poser cette question : « Quelles sont les formes et les manières de dire… dont l’usage était reçu par les hommes de leur temps et de leur pays ». Sommes-nous ainsi face à un récit de type légendaire, à une épopée, à un schéma type utilisé pour décrire tel ou tel événement (théophanie, textes d’annonciation…), à un poème, un chant liturgique… La détermination du genre littéraire invitera ainsi à lire le texte biblique de telle ou telle façon, en se posant telle ou telle question… On ne lit pas en effet un article scientifique comme on lit un poème : l’un et l’autre ont une vérité à nous transmettre, mais chacun le fait « à sa façon »… Par exemple, le premier chapitre de la Genèse est de type poétique, avec peut-être une forme liturgique sous jacente avec ce refrain, « Et Dieu vit que cela était bon ; il y eut un soir, il y eut un matin »… Ne le lisons donc pas comme un texte scientifique qui nous décrirait, étape après étape, la création du monde telle qu’elle s’est effectivement déroulée ! A l’opposé, ne le méprisons pas, car les vérités qu’il nous transmet sur Dieu, le monde, l’homme… sont vraiment « fondamentales »…

 

2 – La Bible n’est même pas un livre d’Histoire d’Israël au sens où nous entendons l’Histoire.

« Les rédacteurs définitifs de la Bible utilisent parfois des traditions divergentes concernant les faits qu’ils rapportent. Ils ne se préoccupent absolument pas de les harmoniser en supprimant les contradictions qui peuvent exister entre elles. Ils les conservent toutes, dans la mesure où chacune d’elle permet d’exprimer une prise de conscience devant Dieu ».

3 –  La Bible nous propose une interprétation de l’Histoire, à la lumière de la foi en Dieu et en sa Présence au coeur de l’Histoire.

 Malgré les mises en garde précédentes, il n’en est pas moins vrai que la Bible, contrairement à beaucoup de livres sacrés situés hors du temps et de l’histoire des hommes, a pour milieu le temps humain; « elle est même enracinée dans le plus concret et le plus humain de l’histoire ».

« Elle est la mémoire et l’histoire d’un petit peuple du Proche-Orient ancien, mêlé à toutes les tribulations de la vie des empires, égyptien, babylonien, assyrien, perse, grec ou romain… Ses pages sont donc remplies de tout ce qui fait l’histoire des hommes avec ses guerres, ses victoires, ses défaites, ses rêves de paix, de restauration nationale, ses périodes de ferveur religieuse ou au contraire d’infidélité, ses maximes de sagesse pour réussir dans la vie, ses plaintes dans le malheur, ses incompréhensions face à la vie… Mais le paradoxe de la Bible vient du fait que cette histoire si humaine est tenue pour une histoire sacrée… En effet, les hommes de la Bible considèrent que Dieu intervient dans l’histoire de ce peuple, qu’il s’y fait connaître, qu’il s’y engage d’une manière irrévocable pour le bien de toute l’humanité… Dieu en effet « fera Alliance » avec Israël, une alliance éternelle destinée en fait à « toutes les familles de la terre » (Gn 12,1-3).

Cette particularité de la Bible explique le perpétuel recours à des évènements passés pour éclairer le présent des auteurs bibliques… Autrefois, dans telle situation, Dieu a agi… et ce faisant Il a révélé « quelque chose » de sa Personne… Aujourd’hui encore, ce même Dieu est toujours présent dans l’histoire des hommes de la Bible: il agira donc « aujourd’hui » comme  il le fit « hier », c’est à dire en harmonie avec ce qu’Il est… La Bible avance ainsi « en revisitant le passé, mettant en circulation et en contact des moments éloignés, drainant la mémoire de ce qui fut hier, dans des mots qui parlent d’aujourd’hui ou de demain »[2]

« Cette disposition du livre biblique ne manque pas de grandeur, puisqu’elle valorise résolument la vie et le temps humains. Elle comporte aussi des périls et des provocations, puisqu’elle revient à attirer le Dieu de la Bible dans la mêlée de l’histoire humaine, le compromettant à l’occasion dans des évènements douteux, alors même qu’elle le déclare tout autre et saint… Voltaire pourra donc un jour se moquer, en constatant que le livre fourmille d’adultères, d’incestes et de trahisons. En fait, une des caractéristiques de la Bible est de voir l’humain et le divin solidaires et se rejoignant, l’un à partir de l’autre, l’un par l’autre »[3]

4 – La Bible, une histoire d’amour…

En effet, « dès le départ, Israël a compris l’Histoire comme celle d’une rencontre avec Dieu, le Dieu qui aime l’homme et appelle à le rejoindre ».

La Bible nous raconte la façon dont le peuple élu (comme nous mêmes) ne cesse de se détourner de Dieu. Mais elle montre aussi que l’amour que Dieu nous porte est plus fort que notre faiblesse. Sans cesse, il vient nous rechercher. A travers les évènements, il se laisse découvrir. Avec une merveilleuse patience, il tisse cette histoire d’amour, alors même que l’homme est tenté de « laisser tomber ». Il manifeste finalement la splendeur de cet amour en Jésus, celui en qui il fait pleinement resplendir sa lumière.

Tel est le sens qui se dégage des souvenirs du passé contenus dans la Bible. Telle est la réinterprétation finale de l’Histoire humaine (et donc de notre histoire particulière) qu’il nous est proposé d’accepter par la foi ».

« Ce petit peuple est le reflet de notre humanité tout entière, celle qui attend d’abord de boire, de manger, d’aimer, de vivre dans un minimum de liberté. Et c’est à cette humanité là que Dieu s’adresse pour l’inviter à la plénitude de vie ».

5 – La Bible, une lumière pour notre route.

« Ecrite en un autre temps que la nôtre, la Bible ne saurait répondre à toutes nos questions concrètes, car ses rédacteurs ne sont pas à notre place. Mais en écoutant ceux-ci nous faire part de leurs découvertes, de leurs tâtonnements, de leurs difficultés, de leurs doutes et de leurs certitudes soudaines, nous pouvons nous‑mêmes trouver la lumière sur notre propre route », d’autant plus que ce Dieu qui les accompagnait à une époque si différente de la nôtre est Celui-là même qui aujourd’hui nous accompagne à notre tour… Leur expérience illumine notre propre expérience dans la mesure où toutes les deux jaillissent de la même source…

 

 

IV – Les langues de la Bible

 

L’AT n’est pas une oeuvre homogène : on l’a souvent comparée à une bibliothèque, car elle est constituée de nombreux livres de styles différents, rédigés par des auteurs différents à des époques différentes… l’ensemble de ce travail s’étalant sur une période de plus de 1000 ans. De là vient la complexité de son étude.

De plus, ces livres n’ont pas été rédigés en une seule langue mais en 3, et nous allons voir que cette simple question linguistique, reflet d’une histoire mouvementée, permet de comprendre pourquoi le classement de la TOB (Traduction Oeucuménique de la Bible) est différent de celui de la BJ (Bible de Jérusalem), et pourquoi les citations de l’AT dans le NT sont souvent différentes du texte que l’on peut lire directement dans notre AT…

 

1 – L’Hébreu

L’Hébreu est la langue la plus primitive de l’AT; l’écriture alphabétique apparut au Proche Orient vers le 15°s av. JC et c’est vers le 11°s av. JC environ que les hébreux empruntèrent aux Phéniciens[4] un alphabet de 22 consonnes[5]; conclusion immédiate: les textes de la Bible ne peuvent remonter au delà du 12°s av. JC. Quelques textes peuvent avoir été écrits au 12-11°s (Dt 26,5-9), mais les premières grandes rédactions (cycles de récits, codes législatifs ou recueils de sagesse) doivent dater du 9°s., l’essentiel de la rédaction devant se situer entre le 8° et le 3°s av. JC[6].

Conséquences:

  1. a) Les Patriarches, qui vivaient entre les 18 et 15°s av. JC, devaient parler une autre langue que l’hébreu puisque celle-ci date du 12°s av. JC environ.

  2. b)  Ce sont donc parfois des écarts de 5 à 8 siècles qui existent entre tel événement ou tel personnage et la relation écrite qu’en offre le texte hébreu.

On pressent déjà l’un des problèmes majeurs que pose au lecteur une grande part de la rédaction de l’AT: quelle confiance accorder à ces récits dans le cadre d’une recherche historique?

 

2 – L’Araméen

Elle a été introduite plus tardivement en Israël; elle était la langue parlée depuis plusieurs siècles par les pays voisins, notamment le royaume de Damas au Nord et par l’Assyrie à l’Est.

C’est après l’Exil[7] à Babylone qu’Israël commencera à adopter cette langue diplomatique et commerciale à travers le Proche-Orient. Assez voisine de l’hébreu (l’araméen et l’hébreu ont une langue ancêtre commune), elle contribuera à faire oublier l’hébreu dans l’usage quotidien.

La langue parlée par le Christ était donc avant tout l’araméen (Mc 15,34):

Et à la neuvième heure Jésus clama en un grand cri: « Elôï, Elôï, lema sabachthani »,

ce qui se traduit: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? »

Dn 2,4 à Dn7 inclus nous sont parvenus en araméen.

3 – Le Grec

Elle fut avec l’hébreu et l’araméen une des trois langues juives anciennes. Durant les deux siècles qui précédèrent notre ère, et donc au temps du Christ, le grec fut la langue juive d’une grande partie du peuple d’Israël, sa partie la plus vivante, la plus dynamique peut-être. Ceci vient du fait qu’Alexandre le Grand, roi de Macédoine puis des Grecs, conquit la Syrie en 333 av. JC; il a 23 ans… L’année suivante, il prend Tyr et Gaza, annexe la Palestine, entre en Egypte et fonde au bord de la Méditerranée la ville d’Alexandrie. La culture grecque s’enracinera alors en Israël pendant plus de 250 ans,  jusqu’en 63 av. JC, date à laquelle Pompée, général romain prendra Jérusalem.

Mais revenons à Alexandre; après son passage en Egypte, il conquerra l’Empire Perse et mourra à Babylone en 323 av. JC à l’âge de 33 ans. A sa mort, ses généraux, qui gouvernaient chacun une partie des territoires conquis, se disputèrent son Empire, et vers 315-320 av. JC, Ptolémée I Soter, qui régnait sur l’Egypte, s’empara de Jérusalem un jour de sabbat, et déporta un nombre important de prisonniers en Egypte, notamment à Alexandrie. Ces prisonniers déportés furent à l’origine de la grande communauté juive de cette ville (faisant partie de la diaspora[8]).

On pense que le successeur de Ptolémée I Soter, Ptolémée II Philadelphe (285‑246 av. JC) fit traduire en grec la Torah vers 200 av. JC, à la fois pour satisfaire sa curiosité personnelle et pour doter d’un code écrit cette importante minorité ethnique. Cette traduction jouera un très grand rôle par la suite, notamment auprès des chrétiens; on l’appelle la Septante (LXX), ou parfois « la Bible d’Alexandrie ». Au départ, elle ne concernait que les cinq premiers livres, mais petit à petit, tous les autres seront traduits en grec, et dès 150 av. JC, il semble que le plus gros du travail était fait.

Pourquoi s’appelle-t-elle ainsi? Selon la lettre d’Aristée (entre 200 et 96 av. JC), le roi Ptolémée Philadelphe écrivit au grand-prêtre de Jérusalem d’envoyer des hommes parmi les plus honorables, des Anciens, compétents dans la science de leur Loi, six de chaque tribus, afin qu’en faisant soumettre à l’examen ce qui aura retenu l’accord de la majorité, on obtienne ainsi une interprétation exacte. Israël étant formé de 12 tribus, 6X12=72 traducteurs…

Il faut ajouter que la LXX a sept livres de plus que la Bible hébraïque, des livres connus ou composés en grec : Judith, Tobie, 1 et 2 Maccabées, Sagesse, Siracide, Baruch. La communauté juive d’Alexandrie, reconnaissant leur valeur, les a donc intégrés à l’ensemble des Écritures.

 

V – Les livres bibliques de l’Ancien Testament

1 – La bible hébraïque

Les Juifs de Palestine, vers les années 90 ap JC, ne reconnurent comme inspirés que les livres des Ecritures qui avaient été rédigés en hébreu ; or, la communauté juive d’Alexandrie disposait, en plus des textes hébreux habituels, de sept livres connus ou rédigés en grec : Judith, Tobie, 1 et 2 Maccabées, Sagesse, Siracide, Baruch. Elle les laissa de côté et ne retint comme « canoniques », c’est à dire comme « normes pour leur foi », que les 39 livres suivants  classés en trois grandes parties:

I – LA LOI (en hébreu Torah ) avec 5 livres: la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome. Cette Loi renferme des matériaux de tous genres, car elle règle la vie du peuple de Dieu dans tous les domaines: exigences fondamentales de la conscience humaine (le Décalogue, cœur de la Loi, Ex 20,2-17), prescriptions juridiques, institutions civiles, ordonnances cultuelles… tout un ensemble législatif qui s’est élaboré au cours du temps et qui a été placé sous l’autorité de Moïse.

II – LES PROPHÈTES (en hébreu Nebiim ), classés en deux groupes:

1) « Les prophètes premiers »: le Livre de Josué, le Livre des Juges, les deux livres de Samuel et les deux livres des Rois.

2) « Les prophètes seconds » avec les trois « grands prophètes », Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, et les douze « petits prophètes »: Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.

 

III – LES ECRITS (en hébreu Ketûbim ):  les Psaumes, Job, le Livre des Proverbes, Ruth, Le Cantique des Cantiques, Qohélet (ou l’Ecclésiaste), les Lamentations, Esther, Daniel, Esdras, Néhémie et les deux livres des Chroniques.

Le regroupement des initiales de ces trois ensembles Torah, Nebiim, Ketûbim  donne le mot TaNaK   par lequel les Juifs désignent la Bible.

 

2 – La bible chrétienne

Dès le 3° siècle avant JC, la communauté juive d’Alexandrie avait entrepris de traduire les Ecritures de l’hébreu en grec. Cette traduction fut appelée la Septante (LXX). Elle contient les 39 livres que les Juifs reconnurent plus tard comme « normes pour leur foi », ainsi que des livres supplémentaires connus seulement en grec. Pour certains, l’original hébreu s’est perdu; pour d’autres, ils furent rédigés directement en grec (Exemple: le Livre de la Sagesse). Les chrétiens, lorsqu’ils écrivirent en grec ‘la Bonne Nouvelle de Jésus Christ’, se servirent tout naturellement de la Septante.  Et lorsqu’il fallut préciser quel était le canon chrétien des Ecritures, sept de ces livres supplémentaires furent reconnus comme inspirés.

La bible chrétienne comprend donc, pour l’AT, les 39 livres de la bible hébraïque et ces 7 livres transmis par la Septante, soit 46 livres au total…

Le classement est aussi légèrement différent de celui adopté par les Juifs (les huit livres supplémentaires de la Septante sont en italiques):

I – LA LOI, ou « PENTATEUQUE » (« les cinq livres » en grec): la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome.

II – LES LIVRES HISTORIQUES dans lesquels nous retrouvons les « prophètes premiers » de la Bible hébraïque, ainsi que certains des « Ecrits »: le Livre de Josué, le Livre des Juges, de Ruth, les deux livres de Samuel, les deux livres des Rois, les deux livres des Chroniques, Esdras, Néhémie, Tobie, Judith, Esther (quelques chapitres en grec) et les deux livres des Maccabées.

III – LES LIVRES POETIQUES ET SAPIENTIAUX qui regroupent cinq Ecrits de la Bible hébraïque et deux Livres qui nous viennent de la Septante: le Livre de la Sagesse et le Siracide: le Livre de Job, les Psaumes, le Livre des Proverbes, Qohélet (ou l’Ecclésiaste), le Cantique des Cantiques, le Livre de la Sagesse, le Siracide (ou l’Ecclésiastique).

IV – LES LIVRES PROPHÉTIQUES incluent « les prophètes seconds » de la Bible hébraïque, avec un « Ecrit », le Livre des Lamentations, et deux livres de la Septante:  Isaïe, Jérémie, les Lamentations, Baruch, Ezéchiel, Daniel (quelques chapitres en grec), Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.

La Bible de Jérusalem (BJ) a suivi ce classement inspiré par celui de la Septante. Par contre, la TOB (Traduction Oeucuménique de la Bible) suit l’ordre de la Bible hébraïque adoptée par les protestants ; les sept livres supplémentaires transmis par la Septante et retenus par les catholiques ont été rajoutés à la fin…

Le classement des différents livres bibliques qui composent l’AT n’est donc pas le même dans la BJ et dans la TOB, ce qui ne facilite pas le passage de l’une à l’autre…

V – Les Livres bibliques du Nouveau Testament

Le Nouveau Testament, identique pour tous les chrétiens, renferme 27 livres au total. Ils se répartissent comme suit:

 

1 – Les quatre Evangiles

Le terme d’Evangile vient du grec eÙagg™lion : il signifie « bonne nouvelle ». Les évangiles se répartissent en 2 groupes:

a) Les Evangiles synoptiques

Ces Evangiles, que l’on appelle « synoptiques », sont au nombre de trois: Matthieu, Marc et Luc. Le mot « synoptique » vient encore du grec et renvoie à « une vue d’ensemble, d’un seul coup d’œil »… En effet, Matthieu, Marc et Luc se ressemblent: on peut très souvent les comparer entre eux et quelques fois, certains passages ne diffèrent que par quelques mots. On a donc eu très tôt l’idée de les mettre en parallèle dans un tableau formé par trois colonnes: il est alors possible de « voir » ces trois évangiles « d’un seul coup d’œil », d’où leur nom d' »Evangiles synoptiques ».

D’après la tradition:

– Matthieu, un des 12 Apôtres choisis par le Christ, aurait écrit son Evangile en Palestine dans les années 80-90 pour des chrétiens d’origine juive, comme lui.

– Marc (ou Jean-Marc) habitait Jérusalem. Il a peut-être connu le Christ tardivement. Sa mère accueillait chez elle la première communauté chrétienne. Il fut compagnon de St Paul, puis de St Pierre qu’il suivit jusqu’à Rome. Il aurait alors mis par écrit, vers 70, l’enseignement de ce dernier.

– Luc, médecin d’origine syrienne, n’a pas connu le Christ durant son ministère terrestre. Il fut compagnon de St Paul. Il aurait rédigé son évangile vers 80-90 pour des communautés de culture grecque.

b) L’Evangile de Jean

St Jean porte un tout autre regard sur la personne du Christ. Il s’attache en effet à nous le présenter comme « le Verbe fait chair », le Fils Unique envoyé par le Père pour accomplir l’œuvre du Père: sauver l’humanité toute entière en lui communiquant, par le don de l’Esprit Saint, la Vie éternelle.  St Jean aurait écrit dans les années 95-100.

2 – Le Livre des Actes des Apôtres

Ecrit par Luc, il était autrefois lié à l’Evangile; la séparation eut lieu quand les premiers chrétiens voulurent réunir en un seul volume les quatre évangiles, sans que l’ensemble soit trop imposant…

Les Actes des Apôtres montrent comment la Bonne Nouvelle va atteindre le monde entier grâce à la conduite et au dynamisme de l’Esprit Saint…

 

3 – Les Lettres de l’Apôtre Paul (13)

Paul, « circoncis dès le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d’Hébreux » (Ph 3,5), a passé sa jeunesse à étudier les Ecritures. Sur le chemin de Damas, le « Ressuscité » l’empoigne et fait de lui « un instrument de choix pour porter son nom devant les nations païennes ». Paul va prêcher, fonder des communautés, leur écrire pour répondre à leur questions, les exhorter à suivre le Christ de plus près, les encourager dans leur combat pour la foi. Ses lettres sont de véritables petits traités de théologie: Lettre aux Romains, aux Corinthiens (2), aux Galates, aux Philippiens, la première Lettre aux Thessaloniciens, à Philémon. Les Lettres aux Ephésiens, aux Colossiens, la 2° Lettre aux Thessaloniciens ont leur authenticité contestées: elles auraient été écrites ou par l’Apôtre avec l’aide de secrétaires, ou par de proches collaborateurs. Les Lettres Pastorales (Lettres à Timothée (2) et à Tite) seraient, quant à elles, l’oeuvre de l’Eglise naissante qui aurait placé ces travaux sous la plume de St Paul pour leur donner plus de poids…

 

4 – La Lettre aux Hébreux

On entend parfois « Lettre de St Paul apôtre aux Hébreux », et on a coutume de dire qu’elle n’est ni une lettre, ni de l’Apôtre Paul, ni adressée aux Hébreux… Elle est une « parole d’exhortation », destinée à des croyants d’origine juive menacés de relâchement dans leur engagement. L’auteur les exhorte à persévérer dans la foi sur la base d’une nouvelle compréhension des traditions à la lumière du Christ.

 

5 – Les lettres de Jacques, Pierre (2) et Jean (3)

 

6 – L’Apocalypse

Le mot « apocalypse » vient d’un verbe grec qui signifie « dé‑couvrir, dé-voiler » tant au sens matériel qu’au sens imagé, d’où le sens premier de « révéler quelque chose de caché. » Le nom correspondant renvoie à « l’action de découvrir », à une « révélation ».

Dans un tel écrit, l’histoire est présentée comme une ligne dont le terme est caché dans le secret de Dieu. Pour soutenir l’espérance des croyants à un moment dramatique, Dieu « soulève le voile » qui cache le terme, et « révéle » ainsi la fin heureuse de l’histoire grâce à son action.

La littérature « apocalyptique » est très particulière. Ses caractéristiques essentielles sont les suivantes:

– L’auteur utilise un pseudonyme et se place ainsi sous l’autorité d’un grand personnage du passé ayant vécu plusieurs siècles ou plusieurs dizaines d’années avant lui.

– L’auteur peut donc mettre dans la bouche de ce grand personnage, sous forme de prédictions réalisées, tous les évènements de l’histoire qui se sont déroulés depuis l’époque de ce grand homme jusqu’à celle où il écrit. Il montre ainsi que Dieu est le seul maître de l’histoire: tout ce qui a été prédit s’est effectivement réalisé.

– L’auteur se projette ensuite dans l’avenir et prédit la victoire finale de Dieu, même si pour l’instant, à vue humaine, tout espoir semble impossible… En agissant ainsi, il invite les croyants à une foi totale en Dieu et ranime leur espérance.

– Par peur d’éventuelles persécutions si le texte est découvert, l’auteur utilise un langage symbolique et des images codées que seuls les initiés peuvent comprendre. Il s’agit donc d’être extrêmement prudent dans la lecture et l’interprétation de tels textes…

Le danger d’une telle littérature est de présenter l’histoire comme fixée par avance, ce qui peut conduire à un certain désengagement: croisons-nous les bras et prions, Dieu fera tout… Le monde est aussi souvent présenté de façon pessimiste comme entièrement mauvais, sous l’emprise totale du « Prince de ce Monde », au risque d’oublier que la création de Dieu est fondamentalement bonne, et que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique dans le monde afin que le monde soit sauvé par lui »…

[1] BAGOT J.-P., DUBS J.-Cl., Pour lire la Bible  (Paris 1983) p. 11s.

[2] PELLETIER A.-M., Lectures bibliques  (Paris 1996) p. 19.

[3] PELLETIER A.-M., Lectures bibliques  p. 19.

[4] Phénicie: région limitée au sud par le Mont Carmel et au nord par la région d’Ougarit. Les grecs l’appelait ainsi sans doute à partir du pourpre (foinix), production caractéristique du pays.

[5] Le plus ancien témoin retrouvé: le calendrier agricole de Gezer (10°s av. JC); à connaître aussi « l’inscription de Siloé » (vers 700 av. JC) qui commémore le percement par le roi Ezéchias d’un canal souterrain destiné à alimenter Jérusalem en eau, apport vital lorsque la ville était assiégée; ce canal et la piscine dans laquelle il débouche (cf Jn 9)  existent encore aujourd’hui (BD 26).

[6] Pouvoir dater un texte est important, car cela permet de le situer dans l’histoire, de savoir dans quel contexte politique, social, économique et religieux il a été écrit; connaissant ce contexte, on pourra mieux comprendre les expressions utilisées, les institutions évoquées, les rites mentionnés, les éventuelles menaces ou les conflits avec les peuples environnant …

[7] Par excellence, le mot est utilisé pour dire l’épreuve des habitants du Royaume de Juda qui, en 587, après la chute de Jérusalem sous l’assaut des Babyloniens, sont déportés à Babylone. Cet exil durera une cinquantaine d’années, jusqu’à ce qu’en 538 Cyrus autorise les Juifs à regagner leur patrie. Les termes de « pré-exilique », « exilique » et « post-exilique » sont utilisés pour situer la littérature d’Israël, l’époque et l’état de leur composition et de leurs retouches.

[8] Ou Dispersion: ensemble des communautés israélites établies hors de Palestine (diaspor£-semence).

A l’époque de Jésus, la communauté juive d’Alexandrie comptera environ 100 000 personnes.




La Bible : un livre, une bibliothèque, une histoire

1 – L’origine du mot « Bible »

Le mot « Bible » vient du grec bibliÒn, « biblion », « papier à écrire, livre », un terme qui dérive à son tour de Byblos, nom grec du port phénicien antique Gebal[1], situé au nord de l’actuelle Beyrouth, au Liban. On y traitait le papyrus (b…bloj, « biblos »: écorce intérieure ou moelle du papyrus) avant de l’exporter vers la Grèce.

Le grec nomme en fait la Bible t£ bibl…a, c’est à dire « les livres », et c’est ce pluriel grec qui va donner au moyen âge le féminin singulier latin biblia  d’où vient notre français « bible »…

Au début du deuxième siècle, les chrétiens adoptèrent le cahier à pages (codex), beaucoup plus pratique pour la lecture privée que le rouleau qu’utilisaient les Juifs dans les synagogues lors des lectures publiques des Ecritures. La Bible impose dès lors à tout jamais sa forme comme livre ; ce faisant elle est le modèle de tout livre à venir[2].

 

2 – Une bibliothèque

Nous avons vu que le grec appelle la Bible  » t£ bibl…a « , c’est à dire en fait « les livres ». Ce pluriel rend mieux compte de son contenu qui est souvent comparé à une bibliothèque (du grec biblio – q»kh, « case pour un livre, dépôt de livres »). De fait la Bible est composée d’un grand nombre de livres différents, écrits par des auteurs différents, à des époques différentes… La rédaction de l’ensemble s’étale sur plus de mille ans… d’où la complexité de son étude.

 

[1] Cf 1R 5,18 où ses habitants sont appelés « les Giblites »;  Ez 27,9.

[2] PAUL A., La Bible  (Coll. « Repères pratiques, Paris 1995) p. 4.