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L’Esprit Saint au coeur de la Mission du Christ et de l’Eglise (D. Jacques Fournier)

L’Esprit donné au Fils par le Père est à la source de sa mission : annoncer à tous les hommes blessés par le péché la Bonne Nouvelle de ce Dieu Amour qui ne cherche et ne poursuit que leur Plénitude. Son premier cadeau sera « le pardon (ἄφεσις, aphésis) des péchés », source chaque jour renouvelée de leur guérison intérieure, profonde…

Lc 4,14-22 : Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l’Esprit,

                                et une rumeur se répandit par toute la région à son sujet.

(15) Il enseignait dans leurs synagogues, glorifié par tous.

(16) Et il vint à Nazara, où il fut « nourri » (élevé)

      A .  et il entra, selon son habitude le jour du Sabbat, dans la Synagogue

          B .  et il se leva pour faire la lecture

               C .  (17) et on lui présenta le livre du prophète Isaïe

                    D .  et déroulant le livre,

                                  il trouva l’endroit où il était écrit :

E.

(18) « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a oint

              pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres.      

 il m’a envoyé,

      pour proclamer aux prisonniers la délivrance (ἄφεσις),

                            et aux aveugles le retour à la vue,

     pour renvoyer les opprimés en liberté (ἄφεσις)

(19)   et proclamer une année favorable du Seigneur ».

                    D’ .  (20) Et ayant roulé le livre,

               C’ .  l’ayant rendu au servant,

          B’ il s’assit.

     A’ .  et tous les yeux dans la synagogue étaient fixés sur lui.

(21) Alors il se mit à leur dire :

                            « Aujourd’hui s’est accomplie à vos oreilles cette Ecriture ».

(22) Et tous lui rendaient témoignage

                               et s’étonnaient des paroles de grâce sortant de sa bouche…

« Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l’Esprit » (Lc 4,14) car « celui que Dieu a envoyé » – et il est « l’envoyé du Père » (cf. Jn 5,23.36-37 ; 6,44.57 ; 8,18.42 ; 10,36 ; 12,49 ; 14,24 ; 17,21.25 ; 20,21) – « dit les Paroles de Dieu » – et Jésus ne fait que nous retransmettre les Paroles qu’il a lui-même reçues de son Père (Jn 3,34 ; 7,16-17 ; 8,26.28.40 ; 12,49-50 ; 14,10.24 ; 15,15 ; 17,7-8) – « qui lui donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34 (TOB)). Ce dernier verset, traduit ainsi par la TOB, et il est possible de le comprendre autrement, nous le verrons, renvoie à la génération éternelle du Fils par le Père, Lui qui est « né du Père avant tous les siècles » (Crédo), et donc « avant » le temps : son engendrement par le Père est un acte éternel… Et comment le Père engendre-t-il le Fils en « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo) ? En se donnant à Lui, gratuitement, par Amour, en tout ce qu’il est, et il « est Esprit » (Jn 4,24) : « le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), « tout ce qu’il a » (Jn 16,15 ; 17,10), tout ce qu’il est… Ainsi, c’est en donnant au Fils la Plénitude de l’Esprit, la Plénitude de la nature divine, qu’il engendre le Fils en « Dieu né de Dieu », « de même nature que le Père » (Crédo)… Et c’est en étant tout simplement Lui‑même, « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), accueillant le Don éternel de l’Esprit par lequel le Père ne cesse de l’engendrer en Fils, que Jésus retourne en Galilée. Ce Don sera « force » en lui (Ac 1,8) pour témoigner de l’Amour éternel du Père à son égard, un Amour qu’il est venu manifester dans la chair par son Incarnation (Jn 1,14)…

Et lorsque Jésus, en « témoin fidèle » du Père (Ap 1,5), « dit ce qu’il a vu » (Jn 8,38) et « entendu » (Jn 8,40) auprès du Père, ce qui peut se résumer par « Tu es mon Fils Bien aimé » (Mc 1,11 ; 9,7 ; cf. 5,20 ; 17,24), « je t’aime », et donc « je te donne l’Esprit et t’engendre ainsi en Fils », l’Esprit Saint, troisième Personne de la Trinité, joint son témoignage à celui de Jésus (Jn 15,26)… Ainsi, quiconque ouvre son cœur au témoignage que Jésus rend à son Père par sa Parole, et au témoignage que l’Esprit Saint rend au Fils dans les cœurs, perçoit, en le vivant, que « le Père lui même nous aime » (Jn 16,27) « comme » il aime le Fils (Jn 17,23) de toute éternité… Son Amour est donc pour tout homme sur cette terre proposition du Don de l’Esprit. Si nous acceptons de nous repentir, de nous détourner du mal avec l’aide de Dieu Lui-même, ce Don accomplira en chacun d’entre nous ce qu’il accomplit dans le Fils de toute éternité : il nous engendrera à la Plénitude même de Dieu. Nous deviendrons alors pleinement ce que nous sommes déjà aux yeux de notre Dieu et Père : des filles et fils « créés à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), tous appelés à « reproduire l’image du Fils » Unique non créé (Rm 8,28-30) en consentant à recevoir nous aussi ce même Don par lequel le Père l’engendre éternellement en Fils…

Tel est le cœur de la Bonne nouvelle à accueillir dès maintenant, par la foi et dans la foi… Ce Don de l’Esprit commence ainsi dans l’instant présent de notre foi à irriguer nos cœurs blessés et fragiles, leur apportant sa Force, sa Paix, sa Vie en attendant cette création nouvelle où le mal sera définitivement vaincu, anéanti…

« La vie est bien mystérieuse. Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme » (Ste Thérèse de Lieux).

Tel est le témoignage que l’Eglise est invitée à donner à l’œuvre de son Seigneur et Sauveur dans son cœur et dans sa vie… Lorsqu’elle agit ainsi, elle est vraiment l’Eglise « Corps du Christ » (1Co 12,27) envoyée dans le monde pour annoncer la Bonne Nouvelle de « l’Amour Inconditionnel » (Pape François, mercredi 14 juin 2017), et donc du « Don gratuit de la vie éternelle » qui est déjà « dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23) en tant que le Père la donne au Fils de toute éternité, l’engendrant ainsi en Fils Unique… « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ », « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3), « qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ » (Ep 1,3) et qui nous invite tous à recevoir ces bénédictions déjà données : « À nous donnée avant tous les siècles dans le Christ Jésus, cette grâce a été maintenant manifestée par l’Apparition de notre Sauveur le Christ Jésus, qui a détruit la mort et fait resplendir la vie et l’immortalité par le moyen de l’Évangile » (2Tm 1,9-10). « Recevez donc l’Esprit Saint » (Jn 20,22), « le Don de Dieu » (Ac 8,20)…

Et le Christ le promet, « l’Esprit Saint – Troisième Personne de la Trinité » sera toujours avec l’Eglise, avec chacune et chacun d’entre nous, et cela à sa prière, une prière qui, bien sûr, ne peut qu’être exaucée…

Jn 14,15-17 : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ;

(16) et je prierai le Père

       et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais,

(17) l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir,

                                  parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît.

Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous ;

                                   et en vous il sera. »

« Garder les commandements » de Jésus, c’est avant tout, pour son disciple, « garder le Don de sa vie », veiller à marcher à la suite de Jésus sur la chemin de la vie (Jn 14,6), car « son commandement est vie éternelle » (Jn 12,50). Or, puisque « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), « l’Esprit qui donne la vie » (Rm 8,2), « la lumière de la vie » (Jn 8,12), l’Esprit étant tout à la fois Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) et vie, « garder la vie » revient à « ne pas éteindre l’Esprit » en nous en « se gardant de toute espèce de mal » (1Th 5,14-22). Nous sommes ainsi renvoyés à notre conversion quotidienne : renoncer, avec l’aide de l’Esprit Saint, à toute convoitise, ce qui, pour nous pécheurs, revient à « renoncer à nous‑mêmes » (Mc 8,34), à tout ce qui nous ramène à nous-mêmes, pour entrer dans la logique de l’Amour qui est « don de soi » et… vie éternelle… Insistons sur le fait que cette conversion est Don de Dieu[1] car « hors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5) : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau », et notamment le fardeau de notre misère, « et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école » et à ma suite, « car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes » car « souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui s’adonne au mal » (Rm 2,8). « Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger » (Mt 11,28-30) car c’est la Force même de l’Esprit Saint (Ac 1,8 ; 2Tm 1,6-9) qui est communiquée à notre faiblesse pour nous aider à porter nos croix qui, en tant que renoncements à tout ce qui nous tue, « le salaire du péché c’est la mort » (Rm 6,23), sont des chemins de vie…

La suite est entièrement le fruit de la prière de Jésus à son Père : c’est grâce à elle et à elle seule que l’Esprit Saint nous est « envoyé » (Jn 14,26) et « donné » comme Paraclet : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet », sous entendu que moi‑même, « pour qu’il soit avec vous à jamais »… Cette troisième Personne de la Trinité sera donc « Paraclet » pour toutes celles et ceux qui consentiront à l’accueillir dans le renoncement à eux-mêmes… « Paraclet » vient directement du grec « παράκλητος, paraclêtos », un mot qui vient lui-même du participe présent du verbe « παρακαλέω, parakaléô, appeler auprès de soi ». Le Paraclet est ainsi comme « le médecin » (Lc 5,31) appelé auprès du malade, « l’avocat » (1Jn 2,1 ; seule fois dans le NT où le mot Paraclet est appliqué directement au Christ) auprès de celui qui est accusé (cf. Mt 10,19-20), etc… Nous sommes ici dans le registre de l’Amour qui, inlassablement, ne cesse de travailler à notre bien en se proposant de nous offrir ce dont nous avons besoin au moment où nous en avons besoin : Lumière dans nos ténèbres, Force dans notre faiblesse, Paix dans nos soucis, pardon pour nos péchés, guérison pour nos blessures intérieures, etc… Voilà donc l’œuvre inconditionnellement bienfaisante que l’Esprit Saint se propose d’accomplir dans nos vies… Elle est le Trésor de la Bonne Nouvelle (Mt 13,44-46)…

St Jean évoque ensuite très rapidement deux registres différents dans une même phrase :

  • « Il demeure auprès de vous », et là, c’est l’Esprit Saint « Personne divine », nommé ici « l’Esprit de Vérité », qui demeure auprès de nous, personnes humaines créées, deux personnes ne pouvant qu’être en face à face, ou en côte à côte, toujours « l’une auprès de l’autre » et jamais, en tant que « personnes » « l’une dans l’autre »…

  • « Et en vous il sera » : là, par contre, il s’agit du Don de grâce que l’Esprit Saint « Personne divine » propose gratuitement, instant après instant, à nos cœurs, la grâce de « l’Esprit Saint nature divine », c’est-à-dire ce que Dieu est en Lui-même…

Nous retrouvons ainsi les fondements de notre Crédo : « Je crois en l’Esprit Saint (Troisième Personne de la Trinité) qui est Seigneur et qui donne la vie » en donnant « l’Esprit Saint nature divine », cet « Esprit » (Jn 4,24) et qui est tout à la fois « Lumière » (1Jn 1,5) et « vie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Rm 8,2 ; Ga 5,25)… Ainsi, ce qui « remplit » le cœur du Fils (Lc 4,1) en tant qu’il le reçoit du Père de toute éternité, est destiné à « remplir » le cœur de « tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14 ; cf. Lc 1,15.41.67 ; Ac 2,4 ; 4,8.31 ; 6,3.5 ; 7,55 ; 9,17 ; 11,24…) car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4-6)…

Et c’est en donnant cet « Esprit Saint nature divine », et donc avec lui la vie, une vie nouvelle et éternelle, synonyme de Plénitude et de Paix, que l’Esprit Saint (Troisième Personne de la Trinité) « donne de la voix », fait « entendre sa voix » de telle sorte que celles et ceux qui l’auront entendue « vivront » (cf. Jn 5,24-25)…

Jn 3,6-8 : « Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit.

(7) Ne t’étonne pas, si je t’ai dit : Il vous faut naître à nouveau.

(8) Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix,

mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va.

Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »

Ainsi l’Esprit Saint nous « enseigne » par sa « voix » qui est « vie » :

Jn 14,26 : «  Le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom,

lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. »

Et cette « vie » qu’il nous « communique », il la reçoit Lui-même du Don éternel que le Père et le Fils font d’eux-mêmes, Lui qui « procède du Père et du Fils » (Crédo).

Jn 16,12-15 : J’ai encore beaucoup à vous dire,

mais vous ne pouvez pas le porter à présent.

(13) Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité,

il vous introduira dans la vérité tout entière ;

car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira

           et il vous expliquera les choses à venir (TOB : et il vous communiquera tout ce qui doit venir).

(14) Lui me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il recevra

et il vous le dévoilera (TOB : et il vous le communiquera).

(15) Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit

et qu’il vous le dévoilera (TOB : il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi).

Ainsi, « l’Esprit Saint » enseigne « tout » en communiquant au croyant « tout » ce « Bien » que le Fils reçoit du Père de toute éternité : cette « nature divine » (2P 1,4) par laquelle il est engendré en Fils avant tous les siècles et qui Est tout à la fois « Amour » (1Jn 4,8.16), « Esprit » (Jn 4,24), « Lumière » (1Jn 1,5) et « Vie » (Jn 8,12 ; 6,63 ; Ga 5,25 ; 2Co 3,6). En nous communiquant cette « vie » dès à présent, dans la foi, il nous donne ainsi « quelque chose » qui est de l’ordre même de ce qui sera, nous l’espérons, notre éternité : une vie Pleine, Comblée, Heureuse, et cela pour toujours… « En vérité, en vérité, je vous le dis », nous dit très solennellement Jésus, « celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47). Et il emploie un « présent ». « La vie éternelle » commence donc dès maintenant, par la foi, et dans la foi… Et l’enseignement de l’Esprit est de cet ordre : nous l’avons vu, « sa voix » est « vie »… Lorsque Jésus rend témoignage à cette vie éternelle qu’il reçoit du Père depuis toujours et pour toujours, « je vis par le Père » (Jn 6,57), l’Esprit lui rend témoignage en communiquant aux cœurs qui s’ouvrent à sa Parole la vie même dont il nous parle…

Relisons 1Jn 5,5-13 : « Quel est le vainqueur du monde,

                     sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?

6 – C’est lui qui est venu par l’eau et par le sang : Jésus Christ,

                    non avec l’eau seulement mais avec l’eau et avec le sang.

Et c’est l’Esprit qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la Vérité.

7 – Il y en a ainsi trois à témoigner :

8 –              l’Esprit, l’eau, le sang, et ces trois tendent au même but.

9 – Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand.

Car c’est le témoignage de Dieu, le témoignage que Dieu a rendu à son Fils.

10 – Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui.

Celui qui ne croit pas en Dieu fait de lui un menteur,

                   puisqu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son Fils.

11 – Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle

                  et que cette vie est dans son Fils.

12 – Qui a le Fils a la vie ; qui n’a pas le Fils n’a pas la vie.

13 – Je vous ai écrit ces choses, à vous qui croyez au nom du Fils de Dieu,

                  pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle.

 

Ainsi, l’Esprit de Vérité « rend témoignage » à Jésus Christ, vrai homme et vrai Dieu, « chemin, vérité et vie » (Jn 14,6). C’est d’ailleurs toute son œuvre vis-à-vis du Fils : « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage » (Jn 15,26). Et c’est par ce témoignage de l’Esprit de Vérité que Dieu le Père rend témoignage à son Fils (1Jn 5,9). Ce témoignage est « en nous », au cœur de chacun d’entre nous (1Jn 5,10). Et de quel ordre est-il, quel est son contenu ? « Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle ». Ce témoignage est donc « vie », « vie éternelle ». Lorsque l’Eglise annonce le Christ « Chemin, vérité et vie » (Jn 14,6), le Christ « Résurrection et vie » (Jn 11,25), le Christ « Pain de Vie » par sa Parole et par sa chair offerte (Jn 6,35.48), lorsque l’Eglise, reprenant les mots de Jésus déclare, « Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10), l’Esprit Saint rend témoignage au Christ et à sa Parole en communiquant aux cœurs de bonne volonté le Don de la vie éternelle, c’est-à-dire la réalité même évoquée par la Parole de Jésus… Ainsi Dieu parle en silence à nos cœurs, en nous communiquant sa Vie… A nous de faire attention à ce qu’il nous est donné de vivre… C’est à cette Vie accueillie et reconnue, que St Jean a rendu témoignage :

1 Jn 1,2-3 : « La Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage

                           et nous vous annonçons cette Vie éternelle,

                              qui était tournée vers le Père

                             et qui nous est apparue ;

                     ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons,

                               afin que vous aussi soyez en communion avec nous.

                    Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. »

 

Telle est la sagesse chrétienne dont la Source est l’Esprit Saint, car l’Esprit est tout à la fois « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6) et « l’Esprit de sagesse » qui, par sa simple Présence, « illumine les yeux du cœur ». Et cette « Lumière » permet de « voir », dans la foi « la Lumière de la Vie » (Jn 8,12), même si c’est « pour l’instant comme dans un miroir, en énigme » (1Co 13,12)…

Ep 1,15-17 : C’est pourquoi moi-même , Paul,

     ayant appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre charité à l’égard de tous les saints,

(16) je ne cesse de rendre grâces à votre sujet et de faire mémoire de vous dans mes prières.

(17) Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire,

     vous donner un Esprit de sagesse et de révélation, qui vous le fasse vraiment connaître !

(18) Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur

             pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel,

             quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints,

(19)      et quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous, les croyants,

                    selon la vigueur de sa force, (20) qu’il a déployée en la personne du Christ,

                               le ressuscitant d’entre les morts

                                       et le faisant siéger à sa droite, dans les cieux…

1Co 2,6-13 : C’est bien de sagesse que nous parlons parmi les parfaits (les chrétiens),

mais non d’une sagesse de ce monde ni des princes de ce monde, voués à la destruction.

(7) Ce dont nous parlons, au contraire, c’est d’une sagesse de Dieu,

             mystérieuse, demeurée cachée,

             celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire,

(8)        celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue – s’ils l’avaient connue, en effet,

                    ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire –

(9)         mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu,

                   ce que l’oreille n’a pas entendu,

                  ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme,

                            tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.

(10) Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit ;

                            l’Esprit en effet sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu.

(11) Qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l’homme,

                             sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ?

      De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu.

(12) Or, nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde,

      mais l’Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits,

      ἀλλὰ τὸ πνεῦμα τὸ ἐκ τοῦ θεοῦ, ἵνα εἰδῶμεν τὰ ὑπὸ τοῦ θεοῦ χαρισθέντα ἡμῖν·

 

« χαρισθέντα, kharisthenta » est le participe du verbe « χαρίζομαι, kharizomai » qui signifie « donner par grâce ». Si le texte grec a littéralement « les (choses) données par grâce », la Bible de Jérusalem a traduit « les dons gracieux ». Ce verbe « χαρίζομαι, kharizomai » est de même racine que « χάρις, kharis, grâce » et « χάρισμα, kharisma, grâce accordée, don, charisme »…

L’Esprit, qui est « le Don de Dieu » (Jn 4,10 ; Ac 2,38 ; 8,20 ; 10,45 ; 1Th 4,8 ; Hb 6,4) par excellence, permet ainsi au chrétien de « connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits ». C’est donc en recevant ce Don par la foi qu’il est possible de « connaître » le Don de Dieu… Dans ce domaine, les mots seuls et les plus beaux discours ne sont que des instruments au service de la grâce qui, seule, peut permettre de pressentir la réalité spirituelle que les mots ne peuvent qu’évoquer… Nous retrouvons la nécessité d’une conversion sincère, qui engage toute la vie, pour se tourner de tout cœur vers Dieu en renonçant au même moment, avec son aide, à tout ce qui lui est contraire… Alors, le Don reçu, qui est Lumière et Vie, permet de connaître Celui qui Est Lui-même Lumière et Vie, une Vie sans cesse donnée, par Amour, pour notre Vie… « En toi est la Source de Vie ; par ta Lumière, nous voyons la Lumière » (Ps 36,10), « la Lumière de la Vie » (Jn 8,12)…

Ep 3,1-6 : Moi, Paul, prisonnier du Christ à cause de vous, païens…

(2) Vous avez appris, je pense,

             comment m’a été dispensée la grâce de Dieu qui m’a été donnée pour vous,

              τὴν οἰκονομίαν τῆς χάριτος τοῦ θεοῦ τῆς δοθείσης μοι εἰς ὑμᾶς,

(3)        m’accordant par révélation la connaissance du Mystère,

                    tel que je viens de l’exposer en peu de mots :

(4)        à me lire, vous pouvez vous rendre compte

                   de l’intelligence que j’ai du Mystère du Christ.

(5) Ce Mystère n’avait pas été communiqué aux hommes des temps passés

         comme il vient d’être révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes, dans l’Esprit :

         ἀπεκαλύφθη τοῖς ἁγίοις ἀποστόλοις αὐτοῦ καὶ προφήταις ἐν πνεύματι

(6) les païens sont admis au même héritage, membres du même Corps,

         bénéficiaires de la même Promesse, dans le Christ Jésus, par le moyen de l’Évangile.

« La grâce de Dieu qui m’a été donnée pour vous » : St Paul est le premier bénéficiaire de cette grâce de l’Esprit, mais il a bien conscience qu’il ne peut se replier sur elle dans cette attitude égoïste qui ne consisterait qu’à se rechercher soi-même : ‘son’ bonheur, ‘sa’ paix, ‘sa’ tranquillité… Cette grâce qui lui a été dispensée est tout à la fois « pour lui » et « pour les autres ». Bénéficiaire de l’Amour (1Tm 1,12-17), il a fait l’expérience du salut gratuitement offert avec « le pardon des péchés » grâce « aux entrailles de miséricorde de notre Dieu dans lesquelles nous a visités » Jésus, « l’Astre d’en Haut » (Lc 1,76‑79), Lui qui est « la Lumière du monde » (Jn 8,12). Mais puisque cette grâce est justement de l’ordre de l’Amour, il ne peut que se lancer dans l’aventure de l’Amour de Dieu et du prochain, cette dynamique où l’on reçoit dans la mesure où l’on consent à se donner… Car c’est en acceptant de s’ouvrir de cœur à Dieu et à son prochain (c’est un même mouvement intérieur) que la Lumière de Dieu pourra faire irruption au plus profond du cœur, habiter la relation, nourrir et fortifier le don de soi qui est ouverture plus grande encore à Dieu et à l’autre, ce qui permettra de recevoir plus encore, etc… « Donnez, et l’on vous donnera ; c’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu’on versera dans votre sein ; car de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous en retour » (Lc 6,38). St Paul a reçu « la grâce de Dieu », mais ce Don est en même temps Appel à donner et Force pour se donner, et cela selon le Don reçu c’est-à-dire en obéissance à Celui qui donne… Ni plus, ni moins… C’est pourquoi il écrit tout à la fois :

1Co 15,9-10 : « Je suis le moindre des apôtres ;

je ne mérite pas d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu.

(10) C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis,

et sa grâce à mon égard n’a pas été stérile.

Loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous :

oh! non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. »

Et 1Co 9,16 : « Annoncer l’Évangile n’est pas pour moi un titre de gloire ;

      c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! »

En effet, si Paul refusait de s’ouvrir et de se donner aux autres pour rendre témoignage de ce qu’il a reçu, il ne recevrait plus rien de Celui qui est Eternel Don de Lui-même. La mission pour un chrétien n’est donc pas une réalité accessoire : c’est « une nécessité qui lui incombe » s’il désire vraiment entrer dans cette dynamique de l’Amour où c’est en se donnant qu’on se trouve soi-même… Une foi vivante, qui est avant tout accueil du Don de Dieu, ne peut donc se vivre que dans l’engagement, d’une manière ou d’une autre, dans l’unique Mission de l’Eglise, un engagement qui sera don de soi sur la base du Don reçu, don de soi qui permettra d’accueillir en vérité le Don reçu, don de soi qui produira des fruits pour la vie éternelle (Jn 6,27) de ce monde que Dieu veut sauver à tout prix : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime. Aussi je livre des hommes à ta place et des peuples en rançon de ta vie » (Is 43,4). Cette prophétie d’Isaïe s’accomplira avec le Christ : par amour, il se livrera entre les mains des pécheurs pour le salut des pécheurs… Et le prix qu’il n’hésitera pas « à payer » « en rançon » de notre vie ne sera rien de moins que sa vie elle-même…

Ap 5,9 : A l’Agneau immolé, « ils chantaient un cantique nouveau : Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation »…

1P 1,18-19 : « Vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères, par un sang précieux, comme d’un agneau sans reproche et sans tache, le Christ »…

Alors quiconque acceptera de laisser Dieu déployer dans son cœur et dans sa vie la Toute Puissance de « ses entrailles de Miséricordes » (Lc 1,76-79), ne pourra que faire l’expérience de la joie du salut… Mais au même moment, si cette rencontre est authentique, il ne pourra qu’être entrainé dans cette dynamique de l’Amour qu’il a reçu et dont il a été le premier bénéficiaire… « L’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5), notamment lorsque Dieu nous a lavés, purifiés de toutes nos souillures par l’Eau Pure de son Esprit (Ez 36,24-28 ; 1Co 6,11), une « Eau Pure » qui est en même temps « Eau vive » (Jn 4,10-17 ; 7,37-39), Eau Vive de l’Esprit transmettant la Vie du Dieu Amour (« C’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)). Or la Vie de l’Amour ne peut qu’être Don de soi pour le bien de tous…

Jc 2,14 : « À quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu’un dise : « J’ai la foi »,

            s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ?

(15) Si un frère ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne,

(16) et que l’un d’entre vous leur dise : « Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous »,

        sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ?

(17) Ainsi en est-il de la foi : si elle n’a pas les œuvres, elle est tout à fait morte…

(18) Moi, c’est par les œuvres que je te montrerai ma foi.

(19) Toi, tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien.

       Les démons le croient aussi, et ils tremblent.

(20) Veux-tu savoir, homme insensé, que la foi sans les œuvres est stérile ?

Répétons-nous, si la foi est « Oui » à Dieu, réelle ouverture de cœur à Dieu, sincère, loyale, dans la vérité de notre misère reconnue et offerte, l’Amour de Miséricorde sera ce qu’Il Est de toute éternité : Don pur et gratuit de Soi pour le seul bien de celle ou celui qui consent à l’accueillir… « Je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien… Je trouverai ma joie à leur faire du bien de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,37-42). Cette Parole s’est accomplie avec Jésus, Bon Pasteur, qui « cherche sa brebis perdue », c’est-à-dire chacun d’entre nous, « jusqu’à ce qu’il la retrouve », et cela inlassablement, jour après jour… « Et lorsqu’il l’a retrouvée » (Lc 15,4-7), il est pour elle « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29)… « Lorsque nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Tm 2,13), et Il Est Amour pur et gratuit… Le péché nous prive de la Plénitude de ses Dons, de sa Paix, de sa Joie, du seul vrai Bonheur ? Son seul désir est de nous les pardonner, de nous les enlever, pour nous permettre de retrouver ce vrai Bonheur, cette Plénitude qui, de son côté, n’a jamais cessé de nous être donnée. « Jusqu’à toi vient toute chair avec son poids de péché ; nos fautes ont dominé sur nous : toi, tu les pardonnes » (Ps 65(64),3-4)… « Alors, « bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse… Il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés » (Ps 103(102)), il les « enlève », dans un présent éternel, instant après instant… « Il n’y a qu’un mouvement au cœur du Christ : enlever le péché et emmener l’âme à Dieu » (Ste Elisabeth de la Trinité).

La dynamique est identique pour « ce Pain de Vie » que nous ne sommes pas dignes de recevoir (Mt 8,5-13), et qui se donne encore et encore aux pécheurs blessés à mort par suite de leurs fautes dans le seul but qu’ils vivent eux aussi de cette Vie du Dieu Amour, transmise par « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Et si tel est vraiment le cas, l’Esprit reçu, l’Esprit d’Amour ne pourra que pousser à se donner pour le seul bien des autres… « Le fruit de l’Esprit est amour » (Ga 5,22)… Et ce sera l’engagement, par amour du Christ et grâce au Don de l’amour, dans la Mission de l’Eglise, aidés et soutenus par l’Esprit Saint et la multitude de ses dons, de ses charismes…

La belle-mère de Simon Pierre guérie par Jésus, passe ainsi, en le laissant faire, par le simple contact qu’il établit avec elle, de la mort, symbolisée par sa position allongée, à la vie, debout… Et cette vie, qui est participation plus intense à la vie du Dieu Amour se manifeste aussitôt par le service des autres, gratuitement, par amour (Mc 1,29-31) : « Et aussitôt, sortant de la synagogue, il vint dans la maison de Simon et d’André, avec Jacques et Jean. Or la belle-mère de Simon était au lit avec la fièvre, et aussitôt ils lui parlent à son sujet. S’approchant, il la fit se lever en la prenant par la main. Et la fièvre la quitta, et elle les servait. » Souvenons-nous de ce que Jésus dira à ses disciples après leur avoir lavé les pieds : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’a envoyé. Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites » (Jn 13,12-17).

Alors, en recevant vraiment l’Esprit de Lumière et d’Amour, une attitude d’accueil qui est obéissance vis-à-vis de Celui qui ne sait que donner[2], le disciple de Jésus ne pourra que continuer à vivre cette obéissance en répondant à l’appel que le Seigneur lui lance : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,21-22), l’Esprit d’Amour qui lui donnera de pouvoir se donner pour le seul bien de tous ceux et celles qu’il rencontrera sur les chemins du monde, et cela « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). Et en agissant ainsi, il goûtera à la seule vraie joie qui demeure, celle de Dieu Lui-même… « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15,11). « Tu mets dans mon cœur plus de joie que toutes leurs vendanges et leurs moissons » (Ps 4,8).

Le disciple de Jésus annoncera donc la Bonne Nouvelle de ce Dieu Amour avec l’Esprit d’Amour qui lui est sans cesse donné (1Th 4,8 ; Rm 5,5). Comme pour le Christ, il pourra dire lui aussi, à sa mesure : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a oint pour annoncer la Bonne Nouvelle »…

Cet Esprit permettra à l’Eglise de rendre témoignage à son Seigneur pour que le plus possible d’entre les hommes puisse reconnaître en Lui la Lumière de l’Amour venue nous arracher à nos ténèbres pour nous donner d’avoir part à la Plénitude de sa Vie (Ac 1,8) : « Vous allez recevoir une Force », dit le Christ Ressuscité à ses disciples,

« celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous.

Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie,

et jusqu’aux extrémités de la terre ».

1Co 2,13 : « Et nous en parlons non pas avec des discours enseignés par l’humaine sagesse, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles. »

Mt 10,19-20 : « Lorsqu’on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. »

Ac 4,23.27-31 : « Une fois relâchés, Pierre et Jean se rendirent auprès des leurs (et ils dirent) :

(27) Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus,

          que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël,

(28) pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse,

               tu avais déterminé par avance.

(29) À présent donc, Seigneur, considère leurs menaces

              et, afin de permettre à tes serviteurs d’annoncer ta parole en toute assurance,

(30) étends la main pour opérer des guérisons, signes et prodiges

             par le nom de ton saint serviteur Jésus.

(31) Tandis qu’ils priaient, l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ;

            tous furent alors remplis du Saint Esprit

                     et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance.

Et c’est toujours ce même Esprit Saint qui agira dans le cœur de tous ceux et celles qui écouteront la proclamation de l’Evangile avec bonne volonté pour leur donner de reconnaître ce Christ Lumière que l’Eglise annonce, et donc de croire en Lui. Le grand travail de « l’Esprit de Vérité » est ainsi de rendre témoignage à la Vérité proclamée par le Christ et par l’Eglise. Et seul ce témoignage intérieur de l’Esprit peut amener à dire : « Je crois ! »

Jn 15,26 : « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père,

                             l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage. »

1Co 12,3 : « Nul ne peut dire : «Jésus est Seigneur», s’il n’est avec l’Esprit Saint ».

« Le Don de l’Esprit annoncé pour les derniers temps a été répandu dans les cœurs (Rm 5,5 ; 1Th 4,8) et y fait naître la certitude intime de ce que les apôtres annoncent extérieurement » (Note de la Bible de Jérusalem pour 1Jn 4,13).

Née de l’Esprit, vivifiée jour après jour par l’Esprit, soutenue par ce même Esprit, l’Eglise compte toujours sur Lui et sur son action dans les cœurs pour que l’Evangile qu’elle annonce puisse être accueilli. Sa proclamation de l’Evangile est donc une liturgie où, dans la prière, elle reçoit la Force et la Lumière de l’Esprit pour accomplir ce que le Seigneur lui demande : « Proclamer l’Evangile à toute la création » (Mc 16,15). Le reste ne lui appartient pas : « Pour exister, la foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint Esprit qui touche le cœur et le tourne vers Dieu (Ac 16,14s), ouvre les yeux de l’esprit et donne « à tous la douceur de consentir à la vérité » » (Dei Verbum & 5).

[1] Ac 5,31 : « C’est lui », le Christ, « que Dieu a exalté par sa droite, le faisant Chef et Sauveur, afin d’accorder par lui à Israël la repentance et la rémission des péchés ».

Ac 11,18 : « Ainsi donc aux païens aussi Dieu a donné la repentance qui conduit à la vie ! »

[2] Face à l’Amour, la foi est obéissance (Rm 1,5 ; 16,26) dans la certitude que l’Amour ne cherche et ne poursuit que notre Bien le plus profond… Dieu, en Jésus Christ, s’est révélé comme le Serviteur de notre Vie (Jn 13,1-17)… Pécheurs pardonnés, sans cesse arrachés à nos ténèbres, le Christ nous invite à le suivre en nous faisant nous aussi, avec Lui, les serviteurs de la Vie de tous ceux et celles que nous rencontrerons… Et dans toutes ces relations, le Christ Ressuscité sera là, en acteur principal, puisqu’il est le seul à pouvoir nous communiquer ce qu’il reçoit du Père de toute éternité : la Plénitude de sa Vie (Jn 17,1-2 avec Jn 3,16-17 ; 4,42…). Et il le fera par Celui à qui il se donne depuis toujours et pour toujours, « l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la Vie » (Crédo)…

                                                                                                      D. Jacques Fournier




Initiation à la prière du temps présent

 

Initiation à la liturgie des Heures

Les samedis :

22 et 29 Avril / 10 juin

de 8h à 11h00

à Ste Suzanne Bagatelle

 

« La prière du Temps Présent est une école de prière pour prier continuellement avec l’église Universelle »

Trois rencontres sont nécessaires pour comprendre le déroulement de la prière du Temps Présent.

Il est important de se munir du livre du Temps Présent ou d’un téléphone connecté.

Thèmes abordés durant la session :

  • Connaitre le livre et son contenu, et comment l’utiliser

  • Le cycle liturgique

  • Célébrer les offices en temps ordinaires, temps privilégiés

  • Célébrer les Saints, les fêtes de Jésus et les mémoires

  • Comment chanter les psaumes, hymnes et cantiques

Vous pouvez vous inscrire dès à présent :

Email : secretariat@sedifop.com – Tel 0262 90 78 24  Ou

Email : yolain.itema@gmail.com – Tel 0692 38 94 00

Apprendre la louange avec les psaumes, c’est apprendre à se tenir devant Dieu en toutes circonstances (santé ou maladie, richesse ou pauvreté, honneur ou déshonneur, joie, émerveillement adoration, tristesse, combat…). C’est apprendre à orienter vers Dieu sa plainte ou sa supplication quand on est dans l’épreuve, c’est aussi apprendre à nommer Dieu quand on est dans le bonheur, pour le bénir ou lui rendre grâce.

 

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Initiation au chant des Psaumes

Le samedi

13 mai

de 8h à 11h00

à la salle du Pèlerin, Etang Salé les Hauts 

par Yolain ITEMA

Entrée libre…

 

 

 

 




Dieu est « Source de Vie », offert à tous pour le bonheur de tous (D. Jacques FOURNIER)

« Dieu est Esprit » nous dit St Jean (Jn 4,24) et il a créé l’homme « esprit » pour lui donner de pouvoir participer à ce qu’Il Est Lui-même. Notre « esprit » peut ainsi être comparé à une « capacité spirituelle » que Dieu désire « remplir » de ce qu’Il Est Lui‑même : son Esprit qui est Vie…

             Le prophète Jérémie présente ainsi deux fois « Dieu » comme étant « une Source d’Eau Vive » :

Jr 2,13 : « Mon peuple a commis deux crimes : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive

pour se creuser des citernes, citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau. »

Jr 17,13 : « Espoir d’Israël, Yahvé, tous ceux qui t’abandonnent seront honteux,

ceux qui se détournent de toi seront inscrits dans la terre,

car ils ont abandonné la source d’eaux vives, Yahvé. »

Le Psaume 36 présente également Dieu comme une Source :

Ps 36,10 : « En toi (Seigneur) est la source de vie,

par ta lumière nous voyons la lumière. »

 Jésus MiséricordieuxSt Jean reprendra l’image de l’Eau Vive en expliquant qu’elle représente l’Esprit de Dieu, et donc ce que Dieu Est en Lui-même :

Jn 7,37-39 : « Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s’écria :

Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi !  

selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive.

Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui »…

Et puisque Dieu nous a tous créés pour être remplis de l’Eau Vive de son Esprit, tous les hommes ont un désir spirituel, une faim spirituelle, une soif spirituelle… Comme image, nous pouvons prendre notre corps qui a été créé pour vivre de ce qu’il reçoit : nourriture et boisson… Pour cela il dispose d’un « estomac » qui est « capacité corporelle » destinée à être remplie de ce pour quoi elle a été faite… Et lorsque notre « estomac » est vide, tout le corps réclame de la nourriture : nous avons faim, nous ne pouvons plus vivre pleinement, nous expérimentons une souffrance, un mal-être général… Par contre, quand il est plein, nous ressentons une impression de bien-être. Il en est de même de notre dimension spirituelle… Lorsque notre esprit ou notre cœur est vide des réalités spirituelles pour lesquelles il a été créé, nous expérimentons un manque, une faim, une soif de plénitude, le désir d’un bonheur profond qui n’est pas au rendez-vous, un mal-être difficile à exprimer, une tristesse générale mêlée de souffrance et d’angoisse : « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9)… Et pourtant, Dieu n’a qu’un seul désir : nous « remplir », car il nous a tous créés pour cela…

C’est pourquoi le psalmiste exprime ce désir avec l’image de « la soif de Dieu », car il est une révélation indirecte de ce pour quoi nous avons tous été créés : pour être remplis par l’Esprit de Dieu, cette « Eau Vive » qui est Plénitude de Vie, de Paix et donc Bonheur profond, la seule qui peut vraiment combler notre soif…

Cerf altéré - St Clément Rome

Ps 42,2-3 : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,

ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu.

Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant.

Quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu ? »

Or, comme le disait le prophète Jérémie, en abandonnant Dieu « Source d’Eau Vive », l’homme se prive par lui-même de la Plénitude de cette Eau Vive, la Plénitude de la Vie éternelle… Mais comme nous avons tous été créés pour être comblés, pour être heureux, l’homme va se lancer dans une quête éperdue de bonheur… Et il le cherchera dans une quête effrénée des plaisirs de la vie, du pouvoir, de l’argent, des réalités matérielles… Mais s’il est sincère avec lui-même, il ne pourra que constater que le vrai bonheur n’est toujours pas au rendez-vous… Alors, faut-il « avoir » plus ? Il essaiera, sans résultat… Peut-être faut-il être plus haut placé dans la société ? Il essaiera, sans résultat… Toutes ces quêtes sont comme des citernes qu’il prend beaucoup de peine à creuser en espérant qu’un jour elles seront pleines d’eau, et donc de vie, de promesses de vie, de rassasiement, de bonheur… Mais comme l’écrit Jérémie, elles sont fissurées dès le départ … Elles ne peuvent retenir l’eau et offrir le vrai bonheur, la vraie vie… L’espérance de plénitude ne peut qu’être déçue… Pire, le fait qu’elles soient à sec est synonyme de mort…

« Le salaire du péché, c’est la mort, mais le Don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus » (Rm 6,23). « Dis-leur : Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. Pourquoi mourir, maison d’Israël ? » (Ez 33,11). Le Père va donc envoyer le Fils dans le monde pour chercher toutes les brebis perdues, c’est-à-dire, tous les hommes, et cela « jusqu’à ce qu’il les retrouve ». Car, nous dit Jésus en parlant comme le prophète Ezéchiel, « il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion » (Lc 15,4-7). Et cela est vrai pour tout homme, quel qu’il soit, tout homme « créé à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28), et donc enfant d’un Père Unique, « Notre Père » à tous, Le Père qui a tant veillé le retour de son fils prodigue (Rembrandt)qui veut le salut pour tous ses enfants : « Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). « Dieu », en effet, « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise » (Jn 3,16-17). Toute la mission de Jésus consiste donc à nous proposer le pardon de nos péchés et à nous permettre de retrouver gratuitement, avec lui, tout ce que nous avions perdu par suite de nos fautes. Tel est l’Amour qui ne cherche et ne poursuit que le bien de l’être aimé, et Dieu aime tout homme du même Amour : « Je vais les rassembler de tous les pays où » ils ont été dispersés par suite de leurs fautes. « En ce lieu », c’est-à-dire près de moi, unis à moi dans la communion d’un même Esprit, « je les ramènerai et les ferai demeurer en sécurité », dans la paix du cœur. « Alors ils seront mon peuple et moi, je serai leur Dieu. Je leur donnerai un seul cœur et une seule manière d’agir, de façon qu’ils soient toujours tournés vers moi, pour leur bien et celui de leurs enfants après eux. Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien et je ferai en sorte que leur cœur reste tourné vers moi pour qu’ils ne s’écartent plus de moi. » Je pourrai alors les combler pour leur seul bien, leur joie, leur bonheur… Car « je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement en ce pays », c’est-à-dire tout près de moi, « de tout mon cœur et de toute mon âme », et Dieu est infini ! « Oui, je leur amènerai tout le bien que je leur promets » (Jr 32,37-43).

4ième dimanche de paques1Telle est donc toute la mission de Jésus, le Fils Unique : donner aux hommes de pouvoir retrouver avec Lui le chemin qui conduit à Dieu et donc à l’Eau Vive de l’Esprit qui ne cesse de jaillir de Lui pour combler ses créatures… « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi », disait St Augustin. Le Christ est ainsi venu offrir aux hommes, gratuitement, par amour, cette Plénitude d’Esprit et donc de Vie pour laquelle nous avons tous été créés… En effet, « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et le propre de l’Amour est d’être Don de soi, Don de ce qu’Il Est en Lui-même, gratuitement, par amour. C’est ce que le Père fait vis-à-vis du Fils, et cela de toute éternité : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 5,26). Tout, tout ce qu’Il Est, tout ce qu’il a, toute la Plénitude de sa Vie, et c’est ainsi qu’il l’engendre en Fils « né du Père avant tous les siècles », lui donnant d’être « Dieu né de Dieu, Lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo), et cela gratuitement, par amour… « Tout ce qu’a le Père est à moi »… Ainsi, « comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même… Je vis par le Père » (Jn 17,10 ; 5,26 ; 6,57), en recevant du Père, gratuitement, par amour, la Plénitude de son Esprit, un Esprit qui est vie, un « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), un Esprit qui est « Eau vive ».

Christ Forêt de Bélouve Réunion 3Dans l’Evangile selon St Jean, au chapitre 4, Jésus est ainsi présenté comme étant assis près d’un puits… Cette image visible est la révélation invisible de ce qu’Il Est de toute éternité : le Fils qui est tourné vers le Père « Source d’Eau Vive ». Voilà ce qu’il reçoit de Lui depuis toujours et pour toujours : l’Eau Vive de l’Esprit. Jésus assis près du puits est donc une image d’une réalité éternelle : le Fils près du Père, toujours tourné de cœur vers le Père (Jn 1,18), recevant du Père la Vie que le Père a en lui-même (Jn 5,26). Et il va dire « J’ai soif » à une femme samaritaine pour entamer la conversation avec elle, son seul but étant de faire en sorte qu’elle aussi reçoive gratuitement, par amour, ce que Lui reçoit du Père, gratuitement, par amour… Il va donc l’inviter à se tourner elle aussi de tout cœur vers le Père, tout comme Lui est toujours tourné de tout cœur vers Lui, recevant de Lui cette Plénitude d’Eau Vive qui l’engendre en Fils de toute éternité… Et Jésus se moque des obstacles. Son seul souci est le bien profond de cette femme. La Loi en effet interdisait à un homme d’aborder une femme seule, et les Juifs n’entretenaient pas de relations avec les Samaritains, leurs ennemis « héréditaires ». Mais Jésus fait tomber toutes ces barrières car son seul désir est de partager avec elle ce Don de la Plénitude de l’Eau Vive de l’Esprit qu’il ne cesse de recevoir de son Père et qui comble son cœur… Alors, il va lui mettre « l’eau à la bouche » et lui parler de cette Eau Vive en espérant que viendra le moment où elle aussi lui dira « J’ai soif » de recevoir cette Vie dont tu me parles…

Jn 4,10 : Jésus lui dit :

A – Si tu savais le don de Dieu Le Don de Dieu est évoqué

        B – et qui est celui qui te dit : Jésus demande à la femme

                 C – Donne-moi à boire, Donne-moi à boire

         B’ – c’est toi qui l’aurais prié La femme aurait demandé à Jésus

A’ – et il t’aurait donné de l’eau vive. Le Don de Dieu est précisé : l’Eau Vive

Jésus et la SamaritaineLe texte est très bien construit : Jésus dit à la Samaritaine « Donne-moi à boire » pour qu’un jour la Samaritaine lui dise « Donne-moi à boire »… Jésus lui révèle ainsi le Don qu’il est venu offrir à tous les hommes : l’Eau Vive de l’Esprit, la seule réalité capable de remplir nos cœurs et donc de nous offrir la vraie Vie, le vrai Bonheur… Souvenons-nous de Jn 7,37-39 lu au tout début.

Et c’est aussi la raison pour laquelle il nous invite en St Luc à demander cet Esprit avec une incroyable insistance :

Lc 11,9-13 : « Et moi, je vous dis :

                            demandez et l’on vous donnera ;

                                      cherchez et vous trouverez ;

                                               frappez et l’on vous ouvrira.

(10)                    Car quiconque demande reçoit ;

                                       qui cherche trouve ;

                                                 et à qui frappe on ouvrira.

(11) Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

        et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent ?

(12) Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ?

(13) Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

Dieu est amour 2

Demander, librement, manifestera alors notre désir de recevoir… Et nous ne pourrons qu’être exaucés car « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16) de toute éternité, il ne cesse de « donner » gratuitement par Amour « l’Eau Vive de l’Esprit », le Père la donnant au Fils de toute éternité, le Père et le Fils la donnant à l’Esprit Saint de toute éternité, l’Esprit Saint ne cessant de la proposer à tout homme, Lui qui « Est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo) en donnant l’Eau Vive de l’Esprit… La Source d’Eau Vive n’a donc pas attendu notre demande pour couler : elle coule de toute éternité… Alors, quiconque demande de tout cœur ne peut que recevoir… Demander exprimera en fait notre désir libre de recevoir… C’est ce que Dieu attend, Lui qui, dans son Amour, ne veut contraindre personne, forcer personne, n’obliger personne, alors même qu’il sait bien que ce Don de l’Esprit fera notre bonheur éternel, dès maintenant, dans la foi, et au ciel pour l’éternité… Nous avons été créés pour cela… Mais l’Amour respecte infiniment notre liberté… Il ne fera rien pour nous sans notre consentement…

sainte famille2Le Psalmiste exprime également ce Mystère de l’Amour de Dieu avec l’image du Soleil… Dieu est un Soleil, il ne cesse de briller, il ne cesse de donner la Lumière et il « Est Lumière » (1Jn 1,5)… Autrement dit, il ne cesse de donner ce qu’il est en Lui‑même… Nous retrouvons ce principe vu avec l’image de la Source : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Eau Vive de l’Esprit » ? Il est Source, et ne cesse de donner cette Eau Vive de l’Esprit, gratuitement, par amour… Se tourner de tout cœur vers Lui, c’est donc déjà recevoir, gratuitement dans l’amour, en acceptant de nous laisser aimer tels que nous sommes… Nous retrouvons cette phrase de Ste Thérèse de Lisieux, à appliquer littéralement à Dieu qui est Amour : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ». « Dieu est Esprit » ? Il donne l’Eau Vive de l’Esprit… « Dieu est Lumière », Soleil ? Il donne la Lumière, une Lumière qui est Vie, la Lumière de la Vie…

Ps 84,12 : « Le Seigneur Dieu est un Soleil…

                                              Il donne la grâce, il donne la gloire »…

Jn 8,12 : « Je Suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres,

                                    mais il aura la lumière de la vie ».

jésus enseignant 2Alors, si nous répondons à l’appel de Dieu, « repentez-vous, tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les lointains de la terre » (Is 45,22), en tournant notre cœur vers la Source d’Eau Vive, nous recevrons cette Eau Vive qui donne la vie, et qui est au même moment l’eau pure qui nous purifie de toutes nos fautes. C’est ainsi que nous comprenons que la Miséricorde est le visage de l’Amour face à notre misère. Notre misère en effet ne l’empêche pas de nous aimer, bien au contraire. Puisque cette misère nous plonge dans un état de misère, de ténèbres, de tristesse, de mort spirituelle, voilà justement ce que Dieu ne supporte pas pour ses enfants, tous les hommes qu’il aime… Et leur état misérable le poussera à nous aimer encore plus, à se donner encore plus, pour nous guérir, nous purifier, nous sauver, nous combler et voie enfin sa Joie rayonner sur nos visages. Et notre joie fera sa Joie… Tout simplement parce qu’il ne cesse de nous aimer, et donc de désirer notre bien, notre bonheur profond…

Ez 36,24-28 : « Je vous prendrai parmi les nations,

je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol.

(25) Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ;

de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.

(26) Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau,

j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.

(27) Je mettrai mon Esprit en vous

et je ferai que vous marchiez selon mes lois

et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes.

(28) Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères.

Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu. »

ciel-LumièreCe « pays » donné, c’est « le Royaume des Cieux » donné, un Royaume qui est Mystère de Communion avec Dieu dans « l’unité d’un même Esprit » (Ep 4,3), Dieu le donnant gratuitement par Amour, l’homme étant invité à le recevoir de tout cœur, gratuitement,  dans l’Amour, en se détournant bien sûr au même moment, avec l’aide de Dieu, de tout ce qui lui est contraire…

Lc 12,32 : « Sois sans crainte, petit troupeau,

car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume ».

Rm 14,17 : « Le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson,

il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint ».

Jn 20,22 : « Recevez l’Esprit Saint. »

Ga 5,22 : « Le fruit de l’Esprit », l’Eau Vive de l’Esprit,

« est amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres »…

Alors, tous ceux et celles qui consentent à se laisser ainsi aimer par Celui qui, de son côté, ne désire que leur bien seront intérieurement comme un jardin tout irrigué par « l’Eau Vive de l’Esprit » :

Is 58,11 : « Le Seigneur sans cesse te conduira,

il te rassasiera dans les lieux arides,

il donnera la vigueur à tes os,

et tu seras comme un jardin arrosé,

comme une source jaillissante dont les eaux ne tarissent pas. »

 Herbe-arrosée-300x183C’est ce que dit Jésus à la Samaritaine :

Jn 4,13-14 : « Jésus lui dit :

Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau ;

mais qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ;

l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. »

Et comme « un homme ne peut rien recevoir si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3,27), celui qui a, c’est qu’il a reçu… S’il a reçu, c’est qu’il est tourné vers Dieu et ouvert à Dieu. Et comme Dieu est Source, il recevra et recevra encore : « C’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu’on versera dans votre sein » (Lc 6,38)…

Crucifix séminaire de RennesEt le Christ va mourir sur la croix pour que nous puissions recevoir cette Eau Vive de l’Esprit. Là encore, le corporel est signe visible du spirituel. Un soldat romain va transpercer son cœur de chair d’où s’écouleront sur la terre toute « l’eau et le sang » qui le remplissaient (Jn 19,33-35). Or dans la Bible, les deux sont symbole de vie. Ainsi, tout comme le cœur de chair est dorénavant ouvert, tout ce qui le remplissait étant versé sur la terre, donné aux hommes, en surabondance, le cœur « spirituel » de Jésus est lui aussi ouvert à tout homme, ce qui le remplit étant aussi donné à tout homme, en surabondance : « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Jn 10,10). Et qu’est-ce qui remplit le cœur de Jésus ? L’Eau Vive de l’Esprit qu’il reçoit du Père de toute éternité, un Don par lequel le Père l’engendre à la Vie en Fils « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo). Et si nous recevons à notre tour, par notre foi en Jésus, ce même Don, ce Don nous engendrera nous aussi à la Plénitude de la vie de Dieu, « à l’image du Fils » (Rm 8,29)…

Col 1,18-20 + 2,9-10 : « Jésus, le Fils, « est le Principe, Premier-Né d’entre les morts,

il fallait qu’il obtînt en tout la primauté,

(19) car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude

(20) et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui,

aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix.

(2,9) Car en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité,

(10) et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude »…

saint-espritTelle est la vocation de tout homme : participer, gratuitement, par Amour, à la Plénitude même de Dieu, une Plénitude de Vie, de Paix, de Joie… Et tout ceci se réalise par le Don de l’Eau Vive de l’Esprit…

Jn 14,27 : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix »…

Jn 15,11 : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. »

Lc 5,31-32 : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin,

mais les malades; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir. »

 

Jn 20,22 : « Recevez l’Esprit Saint », et avec lui, le pardon et la Vie…

                                                                                                                           D. Jacques Fournier

Le Père des Miséricordes est Source de Vie : en cliquant sur le titre précédent, vous accédez à l’article en format PDF pour lecture ou éventuelle impression.




Carême 2023 : l’appel de Dieu au repentir en Is 1,1-6 et la prophétie du Christ Sauveur prenant sur lui nos fautes (D. J. FOURNIER)…

Pour des raisons de mise en page, et notamment de polices d’écritures, ce texte vous est proposé en format PDF, ce qui permet de présenter plus facilement les quelques citations en hébreu de l’Ancien Testament… Pour y accéder, il suffit de cliquer sur le lien suivant :

Is 1,1-6 – le péché dénoncé, la prophétie du Christ Sauveur…




Fête de St Timothée et St Tite : la vocation de tout être humain à être « fils » à l’image du Fils.

LECTURES DE LA MESSE de ce Jeudi 26 janvier 2023

 Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée (2 Tm 1, 1-8)

Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu,
selon la promesse de la vie que nous avons dans le Christ Jésus,
à Timothée, mon enfant bien-aimé.
À toi, la grâce, la miséricorde et la paix
de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Seigneur.

Je suis plein de gratitude envers Dieu,
à qui je rends un culte avec une conscience pure, à la suite de mes ancêtres,
je lui rends grâce en me souvenant continuellement de toi dans mes prières, nuit et jour.

 

Me rappelant tes larmes, j’ai un très vif désir de te revoir pour être rempli de joie.
J’ai souvenir de la foi sincère qui est en toi :
c’était celle qui habitait d’abord Loïs, ta grand-mère, et celle d’Eunice, ta mère,
et j’ai la conviction que c’est aussi la tienne.
Voilà pourquoi, je te le rappelle,
ravive le don gratuit de Dieu,
ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains.
Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné,
mais un esprit de force, d’amour et de pondération.
N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur,
et n’aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ;
mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 4, 21-25)

En ce temps-là, Jésus disait à la foule :
« Est-ce que la lampe est apportée pour être mise sous le boisseau ou sous le lit ?
N’est-ce pas pour être mise sur le lampadaire ?
Car rien n’est caché, sinon pour être manifesté ;
rien n’a été gardé secret, sinon pour venir à la clarté.
Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

Il leur disait encore :
« Faites attention à ce que vous entendez !
La mesure que vous utilisez sera utilisée aussi pour vous,
et il vous sera donné encore plus.
Car celui qui a, on lui donnera ;
celui qui n’a pas, on lui enlèvera même ce qu’il a. »

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            « Est-ce que la lampe est apportée pour être mise sous le boisseau ou sous le lit ? N’est-ce pas pour être mise sur le lampadaire ? »

            Cette lampe, par excellence, c’est le Christ. « Moi, lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn 12,46). «  Je Suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie » (Jn 8,12).

           « La lumière de la vie »… En effet, cette « lumière » est « vie » : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes » (Jn 1,4). Or cette « vie », sa « vie », le Christ la reçoit de son Père de toute éternité : « Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même » (Jn 5,26). Et cette réalité est éternelle… Pour nous qui sommes dans le temps, elle est vraie ‘instant présent après instant présent’… « Je vis par le Père », nous dit Jésus (Jn 6,57).

           Et si le Père lui donne la vie, s’il l’engendre en lui donnant la vie, c’est uniquement par amour, dans une totale gratuité : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35). « La main » est ici l’image que St Jean emploie pour évoquer le fait de recevoir… Nous l’avons noté, le verbe « aimer » est conjugué au présent : « le Père aime le Fils », maintenant, et cela est vrai depuis toujours et pour toujours. Et cet amour du Père pour le Fils est la raison pour laquelle il lui donne tout, tout ce qu’il a : « Tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15), nous dit Jésus. Et juste avant de vivre sa Passion il priera en disant : « Père, tout ce qui est à toi est à moi » (Jn 17,10). « Le Père a la vie en lui-même » ? Gratuitement, par amour, il donne au Fils d’avoir la vie en lui‑même, de telle sorte que le Fils reçoit la vie du Père, sa vie, depuis toujours et pour toujours. C’est ce que nous proclamons dans notre Crédo. En donnant la vie au Fils, le Père engendre le Fils; en recevant la vie du Père, le Fils naît du Père… Il est ainsi celui qui est « né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé, consubstantiel au Père, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu »… Nous l’avons noté, cet engendrement éternel à la vie éternelle est évoqué en termes de « Lumière »… Nous retrouvons ce que St Jean nous dit dans son Evangile : cette « vie » est « lumière », cette « lumière » est « vie », elle est « la lumière de la vie »…

          Voilà le Mystère qui se révèle dans le Fils, « la lumière de sa vie » qui est venue briller dans nos ténèbres (cf. Lc 1,76-79) : « La Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue » (1Jn 1,2)… Et cette « vie », répétons-nous, le Fils la reçoit gratuitement du Père de toute éternité, par amour et dans l’amour… En effet « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et, nous dit le Pape François, « le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner » (Audience du mercredi 14 juin 2017). C’est ainsi que le Père se donne au Fils de toute éternité, par amour, lui donnant d’être lui aussi tout ce qu’il est… Le Père est Dieu ? Le Père est Lumière ? Le Fils est « Dieu né de Dieu, Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu »… Le Père est Amour ? Le Père n’a qu’une seule Parole à dire au Fils : « Je t’aime… Tu es mon Fils Bien Aimé »… Cette Parole est un Acte : le Don de tout ce que le Père est en Lui-même… C’est ce qui se révèle en St Marc au moment où Jésus reçoit le baptême de Jean Baptiste : « Tu es mon Fils Bien Aimé, en toi j’ai mis tout mon Amour » (Mc 1,11, ancienne traduction liturgique), tout ce que Je Suis (cf. Ex 3,14), tout ce que j’ai…

           A ce titre, le Fils est « l’héritier » du Père, car tout ce qu’a le Père est à lui… Et en nous révélant son Mystère de Fils, il nous révèle quelle est notre vocation à tous :

Rm 8,28-30 : « Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment,

Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein.

Car ceux que d’avance il a discernés,

il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils,

afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ;

et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ;

ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ;

ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés ».

Car nous sommes tous aimés comme le Fils est aimé :

Jn 17,22-23 : Père, « je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée,

pour qu’ils soient un comme nous sommes un :

moi en eux et toi en moi,

afin qu’ils soient parfaits dans l’unité,

et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé

et que tu les as aimés comme tu m’as aimé ».

           Autrement dit, tout ce qui est « dans le Christ », tout ce qui nous est révélé, tout ce qui a été manifesté, tout cela nous est aussi destiné…

           Et le Don de Dieu, le Don gratuit de l’Amour du Père au Fils, ce Don même que nous sommes tous invités à recevoir, accomplira en nous aussi la même œuvre qu’il accomplit dans le Christ de toute éternité : il nous engendrera nous aussi, comme Lui, à la Plénitude de la vie…

           St Paul parle ainsi de cette « promesse de la vie que nous avons dans le Christ Jésus » (2Tm 1,1). Et il évoque ensuite « le don gratuit de Dieu » : « Ravive le don gratuit de Dieu » (1,6). Il emploie exactement le même terme grec, « kharisma », qu’en Rm 6,23 : « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur. » Ce Don gratuit, c’est « la grâce », fruit de « la miséricorde » de Dieu à notre égard, et dont la conséquence première en nos cœurs est « la paix » : « À toi, la grâce, la miséricorde et la paix de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Seigneur » (2Tm 1,2).

           Et cette « promesse de la vie » devient concrètement actuelle dans nos cœurs et dans nos vies par le Don de « l’Esprit de la Promesse », l’Esprit promis :

Ep 1,13-14 : « Après avoir entendu la Parole de vérité,

l’Évangile de votre salut, et y avoir cru,

vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse,

cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage,

et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis,

pour la louange de sa gloire. »

           Tel est « le Don de Dieu » par excellence (Jn 4,10-14), ce Don de l’Esprit qui est Lumière et vie, et que le Père, par amour, donne au Fils de toute éternité, l’engendrant ainsi en Fils « consubstantiel au Père »… « J’ai vu l’Esprit descendre et demeurer sur lui », dit Jean Baptiste en St Jean (Jn 1,32-34)…

           Père, « tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,23)… « Le Père lui-même vous aime » (Jn 16,27)… L’entendons-nous ? Y croyons-nous ? Acceptons-nous de tout cœur qu’il en soit ainsi ? C’est l’appel que nous lance Jésus : « Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » Il leur disait encore : « Faites attention à ce que vous entendez ! » Car notre vocation à tous est « d’être cohéritiers du Christ », autrement dit, de recevoir, dans notre condition de créatures, ce que le Fils reçoit du Père de toute éternité, ce Don de l’Esprit par lequel le Père l’engendre en Fils… Et c’est par ce même Don que nous sommes tous appelés à devenir pleinement des « fils à l’image du Fils » :

Rm 8,15-17 : « Vous n’avez pas reçu un esprit d’esclaves (2Tm 1,7 : « esprit de peur »)

pour retomber dans la crainte ;

     vous avez reçu un esprit de fils adoptifs (2Tm 1,7 : « un esprit de force, d’amour et de pondération »)

qui nous fait nous écrier : Abba ! Père !

L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu.

Enfants, et donc héritiers ;

héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ,

puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui. »

1Co 6,11 : « Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés

par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu. »

Voilà ce qui « dans le Fils » a été révélé, manifesté : « Car rien n’est caché, sinon pour être manifesté ; rien n’a été gardé secret, sinon pour venir à la clarté » (Mc 4,22).

Rm 16,25-27 : « J’annonce l’Évangile en prêchant Jésus Christ,

révélation d’un mystère enveloppé de silence aux siècles éternels,

mais aujourd’hui manifesté,

et par des Écritures qui le prédisent selon l’ordre du Dieu éternel,

porté à la connaissance de toutes les nations

pour les amener à l’obéissance de la foi »…

Ep 3,5-7 : « Ce Mystère n’avait pas été communiqué aux hommes des temps passés

comme il vient d’être révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes,

dans l’Esprit :

les païens sont admis au même héritage,

membres du même Corps,

bénéficiaires de la même Promesse,

dans le Christ Jésus, par le moyen de l’Évangile ».

         « Les païens« , autrement dit, dans le contexte de l’époque, « tout être humain », est « admis au même héritage« , c’est-à-dire appelé, invité à recevoir le même « Don de Dieu », le même Esprit. En accueillant ce Don, il sera uni à Dieu dans la communion d’un même Esprit, dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), pour « former ainsi un seul Corps » avec tous ceux et celles qui, comme lui, « auront été abreuvés d’un seul Esprit » (1Co 12,13), un Corps dont le Christ est la Tête (Ep 1,22). Et toutes celles et ceux qui auront consenti à ce Don gratuit de l’Amour, « l’Esprit de la Promesse » (Ep 1,13) se découvriront, en le vivant, les heureux « bénéficiaires de la même Promesse« …

1Co 2,7 – 9 : « Ce dont nous parlons,

c’est d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée,

celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire,

celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue

– s’ils l’avaient connue, en effet, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire –

mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu,

ce que l’oreille n’a pas entendu,

ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme,

tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment »…

           Et puisque « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés« , tous, sans aucune exception, « et parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,4), en consentant à accueillir ce « Don gratuit » de l’Amour, puisse cette volonté de Dieu s’accomplir pour chacun d’entre nous par la mise en oeuvre de « sa Miséricorde » « Toute Puissante » (Lc 1,49-50) qui jour après jour vient « frapper à la porte » de nos coeurs (Ap 3,20) jusqu’à ce qu’ils s’ouvrent…

           D. Jacques Fournier




La naissance du Christ Sauveur (Lc 2,1-20)

 

joseph-guide-ane-vers-Bethleem

            « Or, il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité » (Lc 2,1). Avec ce recensement, St Luc a voulu relier la naissance du Christ à « un événement de portée mondiale… pour démontrer l’importance mondiale de la naissance de Jésus »[1]. En effet, « tout le monde habité » (Lc 2,1) est concerné, à une époque où l’expression renvoyait en fait au vaste territoire occupé par l’empire romain. « Rome » était ainsi considéré comme « la capitale du monde »…

De plus avec ce recensement décidé par un empereur païen non chrétien, Luc veut montrer à quel point Dieu accomplit son projet avec tous les évènements de l’histoire profane. C’est en effet en obéissant à l’autorité de l’époque que Joseph et Marie arriveront à Bethléem, ville où selon le prophète Michée, devait naître celui qui était appelé à régner sur Israël. Ainsi, « l’action divine se sert du décret de César. Dans les Actes, Dieu se servira encore des mêmes lois romaines pour conduire Paul à Rome annoncer l’Evangile »[2].

Par un recensement, « le monarque voulait connaître le nombre de ses sujets pour les plier à ses exigences militaires et fiscales… L’ἀπογραφὴ (apographé) est l’enregistrement de chaque habitant (âge, profession, état civil, enfants) qui permet de déterminer les obligations militaires et l’impôt personnel[3].

recencement2

            Les sources profanes rapportent qu’Auguste a voulu plus d’une fois faire recenser certaines provinces ou évaluer ses biens propres. Il semble que ces recensements aient eu lieu à périodes fixes (tous les quatorze ans), du moins en Egypte. Mais il n’y a jamais eu de recensement unique pour tout l’Empire. Luc se trompe sur les faits précis, mais rend bien la tendance historique de l’époque, de l’empereur en particulier et de l’effet sur le peuple ».

            L’empereur romain Jules César était décédé en 48 av JC. Son nom était ensuite devenu un titre. Auguste sera empereur en 27 av JC et il règnera jusqu’au 19 août 14 ap JC, date de sa mort.

            De son côté, Publius Sulpicius Quirinius est bien connu de l’histoire ; il était consul dès 12 av JC, et chargé de la politique romaine dans le Proche Orient. D’après Josèphe, il est légat de Syrie à partir de 6 ap JC. Le premier recensement romain connu en Palestine eut d’ailleurs lieu cette année-là, à l ‘occasion de l’incorporation de la Judée dans la province romaine de Syrie, après la démission d’Archélaüs et son remplacement par un procurateur romain[4]. Ce recensement déclencha l’insurrection de Judas le Galiléen contre ce signe de dépendance des provinces à  l’égard de Rome (cf. Ac 5,37).

          recencement 

        Luc signale donc un recensement qui, en 7-6 av JC, aurait amené Joseph et Marie à Bethléem ; il l’attribue à Quirinius, peut-être parce que l’opération de 6-7 ap. JC était la seule connue, peut-être aussi parce que Quirinius, consul dès 12 av JC, avait reçu de fréquentes missions en Orient et a donc pu être chargé d’un recensement[5].

D’après Tertullien, mort en 220 ap JC à Carthage, ce serait Sentius Saturninus, légat de Syrie de 9 à 6 av JC qui aurait procédé au recensement de la Judée. Quirinius, alors en exercice, a pu lui être lié d’une façon ou d’une autre…         

            Quoiqu’il en soit, lisons cet extrait du prophète Michée. Il était lu à l’époque de Jésus dans le contexte de l’attente du Messie promis.

Mi 5,1 (Littéralement, d’après le texte hébreu) : Et toi, Bethléem Ephrata[6],

                                      (trop) petite pour être parmi les clans de Juda 

                                      de toi pour moi sortira pour être le dirigeant en Israël

                                      et ses origines d’avant des jours d’autrefois.

                        TOB : De toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël.

                                    Ses origines remontent à l’antiquité, aux jours d’autrefois.

 naissance de jéus

            Bethléem était la cité de David (voir aussi Jn 7,42), et St Luc insiste sur la parenté de Joseph avec David : « il était de la maison et de la lignée de David » (2,4)…

1S 16,1 : Yahvé dit à Samuel : « Jusques à quand resteras-tu à pleurer Saül,

alors que moi je l’ai rejeté et qu’il n’est plus roi sur Israël ?

Emplis d’huile ta corne et va !

Je t’envoie chez Jessé le Bethléemite, car j’ai vu parmi ses fils le roi que je veux.

1S 17,12-15 : David était le fils d’un Éphratéen, celui de Bethléem de Juda,

qui s’appelait Jessé et qui avait huit fils.

Cet homme, au temps de Saül, était vieux et considéré parmi les hommes.

(13)     Les trois fils aînés de Jessé s’en étaient allés. Ils avaient suivi Saül à la guerre.

Les trois fils qui étaient à la guerre s’appelaient, l’aîné Éliab, le second Abinadab

et le troisième Shamma.

(14)     David était le plus jeune et les trois aînés avaient suivi Saül.

(15)     Mais David allait chez Saül

et en revenait pour faire paître le troupeau de son père à Bethléem.

1S 20,5-6 : David dit à Jonathan :

«C’est demain la nouvelle lune et je devrais m’asseoir avec le roi pour manger,

mais tu me laisseras partir et je me cacherai dans la campagne jusqu’au soir.

(6)       Si ton père remarque mon absence, tu diras :

“David m’a demandé avec instance d’aller à Bethléem, sa ville,

car c’est là qu’a lieu le sacrifice annuel pour tout le clan.”

            Comme l’indique la Bible de Jérusalem en note, « Michée pense aux origines anciennes de la lignée de David (1S 17,12s ; Rt 4,11.17.18-22) » ; tel est ce que l’on pourrait appeler « le sens littéral ». Mais en son « sens spirituel », le Christ accomplit pleinement ces lignes au sens où « fils de David lui-même », ses origines remontent… au-delà de tout commencement (Jn 1,1-5).

Jésus est donc bien ce Messie, mais avec la mention du recensement romain, il n’accomplit pas seulement pour St Luc l’attente des Juifs : il est né pour le monde entier… La perspective universelle est présente dès le début de l’Evangile…

Et de fait Jésus sera appelé par la suite « Sauveur » et « Seigneur », deux titres fréquemment employés par les souverains, et notamment les empereurs romains qui n’hésitaient pas à se faire rendre un culte comme à un Dieu… « La théologie politique d’Auguste, renforcée, surtout en Orient, par la vénération religieuse pour le monarque, est ici démasquée et ravalée par l’affirmation christologique »[7]. Désormais, tous les hommes, « objets de la bienveillance de Dieu » (Lc 2,14) auront un seul Seigneur, un seul Sauveur : le Christ.

jesus-sauve

Marie, enceinte, suit… Le thème du recensement, avec obligation d’inscription des personnes peut avoir donné à Luc la raison de sa présence…

En 2,6, St Luc emploie la notion « d’accomplissement » pour décrire Marie désormais prête à enfanter. Avec ce verbe, St Luc suggère que le projet de Dieu « s’accomplit » dans l’histoire, étape après étape…

            Lc 24,44-48 : (Le Christ ressuscité dit à ses disciples) :

            «Telles sont bien les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous :

il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi,

dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.»

(45)     Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures,

(46)     et il leur dit : «Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait

et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour,

(47)     et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés

serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.

(48)     De cela vous êtes témoins ».

 

Naissance de Jésus - Lourdes - Basilique du Rosaire 2Naissance de Jésus - Lourdes - Basilique du Rosaire

Basilique du Rosaire, Lourdes

La naissance est ensuite décrite avec une grande sobriété, mais attention, tous les mots ici sont importants :

(2,7)    « Et elle enfanta son fils premier né,

et elle l’enveloppa de langes et elle le coucha dans une mangeoire

        car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle. »

          

  En appelant Jésus « premier né », St Luc prépare l’épisode de la présentation de Jésus au Temple :

            Lc 2,22-24 : Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification,

selon la loi de Moïse, ils l’emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur,

(23)     selon qu’il est écrit dans la Loi du Seigneur :

Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur,

            (Litt. : Tout mâle ouvrant le sein maternel sera appelé saint pour (ou par) le Seigneur)

(24)     et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la Loi du Seigneur,

un couple de tourterelles ou deux jeunes colombes.

présentation de jésus au temple

            Telle était en effet la prescription de la Loi citée ici par St Luc :

            Ex 13,2 (LXX) :  Consacre-moi tout premier-né,

                   le premier né (ou « le plus ancien ») ouvrant tout sein maternel parmi les fils d’Israël depuis l’homme jusqu’au bétail ; ils sont à moi.

            Jésus, « premier né de Marie », « mâle ouvrant le sein maternel », sera donc « consacré » au Seigneur, « appelé saint pour (ou par) le Seigneur… De fait, l’Ange avait déclaré à Marie :

Lc 1,35 : L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre ;

            c’est pourquoi « le étant enfanté (engendré) saint sera appelé fils de Dieu ».

                                   « le saint engendré sera appelé fils de Dieu »[8].

            St Luc, en 2,23, fait très certainement une double allusion : à cette déclaration de l’Ange d’une part, et à la Loi d’autre part… Mais les hommes considéreront comme consacré au Seigneur un être qui l’est de puis toujours et pour toujours : Jésus, le Fils Unique, Celui qui est tout à la fois vrai homme et vrai Dieu, Celui en qui Dieu est Tout…

Crèche Notre Dame de Paris

Crèche, Notre Dame de Paris

Jésus reprendra pour lui-même cette notion de consécration : il est Celui qui se donne totalement à Dieu pour qu’un jour nous soyons tous comme lui, des femmes et des hommes qui auront mis Dieu au cœur de leur vie, et dont le seul souci sera de l’aimer de tout leur cœur, de toute leur âme et de toutes leurs forces en se donnant à Lui ; et cela encore, c’est Dieu qui le fera, par cette grâce baptismale qui nous a unis à son Fils, « configurés à lui »…

Jn 17,17 -19 : Sanctifie-les (consacre-les) dans la vérité, ta parole est vérité.

(18)     Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.

(19)     Pour eux je me sanctifie (consacre) moi-même,   afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.

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Crèche, Notre Dame de Paris

1Th 5,23-24 : Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ.

(24)     Il est fidèle, celui qui vous appelle : c’est encore lui qui fera cela.

            Ga 2,20 : Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi.

Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu

qui m’a aimé et s’est livré pour moi.

            Les expressions suivantes de St Luc en 2,7 annoncent justement la Passion que le Christ vivra par amour à la fin de sa vie terrestre pour que nous puissions tous être des « consacrés à Dieu », des « vivants pour Dieu » (Rm 6,11), arrachés aux ténèbres et transférés dans son Royaume de Lumière (Col 1,13-14), enfin libres (Jn 8,31-32)…

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Crèche, Notre Dame de Paris

            Marie en effet « enveloppa Jésus de langes », comme plus tard il sera enveloppé dans un linceul lorsqu’il sera mis au tombeau…

             Lc 23,50-54 : Et voici un homme nommé Joseph,

                        membre du Conseil, homme droit et juste.

(51)     Celui-là n’avait pas donné son assentiment au dessein ni à l’acte des autres.

Il était d’Arimathie, ville juive, et il attendait le Royaume de Dieu.

(52)     Il alla trouver Pilate et réclama le corps de Jésus.

(53)     Il le descendit,

le roula dans un linceul 

et le mit dans une tombe taillée dans le roc, où personne encore n’avait été placé.

(54)     C’était le jour de la Préparation, et le sabbat commençait à poindre.

 enfant jésus mangeoire          Puis, Marie le coucha dans une mangeoire… Le verbe grec traduit ici par « coucher » n’intervient que trois fois dans l’Evangile de Luc, ici et en Lc 12,37 et 13,29. Le contexte est toujours celui d’un repas, pris « à la romaine », étendu sur un divan ou à terre sur des tapis et des coussins :

            Lc 12,35-38 : «Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées.

(36)     Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu’il viendra et frappera.

(37)     Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller !

En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira.

(38)     Qu’il vienne à la deuxième ou à la troisième veille,

s’il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils!

            Lc 13,29 : Et l’on viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu.

 naissance de jésus3

            Jésus est donc « étendu » dans « la mangeoire » (Lc 2,7.12.16 ; 13,15 : « chacun de vous, le sabbat, ne délie-t-il pas de la crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire ? ») comme on est étendu à l’occasion d’un repas… Mais il s’agit moins ici pour lui de manger que de se donner en nourriture… Jésus est ainsi déjà présenté comme le Pain de Vie offert à tous les hommes (Jn 6,35.48), un Pain qui sera sa Chair « donnée pour la vie du monde » (Jn 6,51) lors de son sacrifice librement consenti, par amour, sur la Croix…

            Enfin, St Luc précise qu’il n’y avait pas de place pour eux dans « la salle », un terme qui n’intervient que deux fois dans tout l’Evangile, ici et en Lc 22,11 où ce même mot[9] désigne « la salle, la pièce » où Jésus vivra son dernier repas avec ses disciples, repas où il instituera l’Eucharistie juste avant sa Passion :

jésus pain de vie

            Lc 22,7-20 : Vint le jour des Azymes, où devait être immolée la pâque,

(8)       et il envoya Pierre et Jean en disant :

« Allez nous préparer la pâque, que nous la mangions. »

(9)       Ils lui dirent : «Où veux-tu que nous préparions ? »

(10)     Il leur dit : « Voici qu’en entrant dans la ville, vous rencontrerez un homme

                        portant une cruche d’eau.

Suivez-le dans la maison où il pénétrera,

(11)     et vous direz au propriétaire de la maison :

“ Le Maître te fait dire : Où est la salle

où je pourrai manger la pâque avec mes disciples ? ”

(12)     Et celui-ci vous montrera, à l’étage, une grande pièce garnie de coussins ;

faites-y les préparatifs. »

(13)     S’en étant donc allés, ils trouvèrent comme il leur avait dit,

et ils préparèrent la pâque.

(14)     Lorsque l’heure fut venue, il se mit à table, et les apôtres avec lui.

(15)     Et il leur dit : « J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir ;

(16)     car je vous le dis, jamais plus je ne la mangerai

jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu. »

(17)     Puis, ayant reçu une coupe, il rendit grâces

            et dit : «Prenez ceci et partagez entre vous ;

(18)     car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne

jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit venu. »

(19)     Puis, prenant du pain, il rendit grâces,

le rompit et le leur donna, en disant :

« Ceci est mon corps, donné pour vous ;

faites cela en mémoire de moi. »

(20)     Il fit de même pour la coupe après le repas, disant :

« Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, versé pour vous ».

 multiplication pains2

             Notons enfin que Bethléem, en hébreu, signifie « la maison du pain ».

 Ainsi, Jésus, né à Bethléem, enveloppé de langes, couché comme pour un repas dans une mangeoire[10], préfigure-t-il pour St Luc ce Jésus « Pain de Vie », comme l’appellera St Jean, qui s’offrira lui-même en nourriture pour le salut du monde, se laissera coucher sur une croix, mourra, sera enveloppé dans un linceul puis mis au tombeau… Ainsi, cette « salle » où il vient de naître annonce-t-elle déjà cette « salle » où, quelques heures avant de mourir, il instituera l’Eucharistie, nous donnant à manger « son corps et son sang » pour que nous puissions tous vivre de sa vie. A peine né, Jésus apparaît donc déjà comme celui que le Père donne au monde en nourriture (Jn 6,32-33) pour le sauver de la mort et l’introduire, dès maintenant, par la foi, dans sa vie éternelle et bienheureuse…

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Crèche, Notre Dame de Paris

 Les bergers 

            Cette figure des bergers est ambivalente. Aux yeux des Pharisiens, ils appartenaient au groupe des pécheurs. Certains, lorsqu’ils étaient seuls dans les pâturages avec le troupeau qui leur avait été confié, devaient en effet en profiter d’une manière ou d’une autre pour leur propre avantage… Ils avaient donc « une mauvaise réputation en Palestine où on les tenait souvent pour malhonnêtes et voleurs. Le Talmud de Babylone les range dans une catégorie significative : « Il est difficile pour des bergers, des collecteurs d’impôts et des publicains de faire pénitence » », car si quelqu’un voulait se repentir, il se devait de dédommager tous ceux qu’il avait lésés, une mission humainement impossible pour les professions citées précédemment : trop de personnes à retrouver, à indemniser…

            Mais si l’on tient compte de ce contexte général, la manifestation de l’Ange du Seigneur à leur égard n’en est que plus belle. Jésus, en effet, n’est pas venu pour ceux qui se croient justes ou qui sont considérés comme tels dans la société, mais pour les pécheurs comme il le dira souvent lui-même dans l’évangile :

 naissance de jésus3

            Lc 5,8-11 (Jésus se choisit des pécheurs) :

Une fois les filets remplis de poissons, en obéissance à la Parole du Christ,

« Simon-Pierre se jeta aux genoux de Jésus, en disant :

« Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur!»

(9)       La frayeur en effet l’avait envahi, lui et tous ceux qui étaient avec lui,

à cause du coup de filet qu’ils venaient de faire ;

(10)     pareillement Jacques et Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon.

Mais Jésus dit à Simon :

« Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras. »

(11)     Et ramenant les barques à terre, laissant tout, ils le suivirent.

 Amour, pardon, réconciliation

Lc 5,30-32 : Les Pharisiens et leurs scribes murmuraient et disaient à ses disciples :

« Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? »

(31)     Et, prenant la parole, Jésus leur dit :

« Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin, mais les malades ;

(32)     je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir. »

            Lc 7, 33-35 : Jésus disait :

« Jean le Baptiste est venu, ne mangeant pas de pain ni ne buvant de vin,

et vous dites : “ Il est possédé ! ”

(34)     Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites :

“ Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! ”

(35)     Et la Sagesse a été justifiée par tous ses enfants. »

 Dieu-Amour

            Lc 15,1-7: « Tous les publicains et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’entendre.

(2)       Et les Pharisiens et les scribes de murmurer :

« Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! »

(3)       Il leur dit alors cette parabole :

(4)       «Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une,

n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert

pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée?

(5)       Et, quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules

(6)       et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit :

“Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue!”

(7)       C’est ainsi, je vous le dis,

qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent

que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir ».

 BonPasteur

            Dans un tel contexte, la manifestation de la gloire de Dieu aux bergers apparaît comme un acte révélateur de la Miséricorde de ce Dieu qui a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui :

            Jn 3,14-17 : Comme Moïse éleva le serpent dans le désert,

ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme,

15 –      afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle.

16 –      Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré,

afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.

17 –      Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde,

mais pour que le monde soit sauvé par lui.

18 –      Qui croit en lui n’est pas jugé ;

qui ne croit pas est déjà jugé,

parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique de Dieu ».

Les bergers sont les premiers bénéficiaires de la Révélation de cette Miséricorde de Dieu qui est venu se manifester à nous en Jésus Christ. Oui, Jésus est bien cet Astre d’En Haut qui a visité les hommes « dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu » pour leur donner de « connaître le salut par la rémission de leurs péchés » (Lc 1,76-79)… D’ailleurs, le premier mot qui apparaîtra dans la bouche de l’Ange pour qualifier Jésus sera celui de « Sauveur »… Alors quelle joie pour ceux et celles qui reconnaîtront leur besoin d’être sauvés : ils sont fait pour « le Sauveur du monde » (Jn 4,42)… Avec Lui et par Lui, Dieu le Père vient sauver tous les hommes (cf. Lc 1,47) en leur offrant le pardon de toutes leurs fautes.

 st jean

Ac 5,30-31 (Pierre à ceux qui avaient contribué à la mort de Jésus en le livrant aux Romains) :

           « Le Dieu de nos pères a ressuscité ce Jésus

que vous, vous aviez fait mourir en le suspendant au gibet.

31 –      C’est lui que Dieu a exalté par sa droite,

le faisant Chef et Sauveur,

afin d’accorder par lui à Israël la repentance et la rémission des péchés ».

Avec ce dernier texte, « se repentir » apparaît même comme un Don de Dieu et de sa Grâce. En effet, lui « qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6) ne cesse, avec son Fils et par Lui, de frapper à la porte de tous les cœurs :

Ap 3,20 : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi ».

 misericordia

Et le premier cadeau que Dieu offre, un cadeau renouvelé jour après jour, instant après instant, avec une infinie patience, est le pardon de toutes nos fautes, et la possibilité de retrouver le chemin d’une communion vraie et profonde avec Lui… Aussi, disait St Paul, « nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,20), acceptez de recevoir son Pardon, et de repartir avec Lui sur des routes nouvelles : celles de sa Vie, de sa Plénitude et de sa Paix… « Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis, heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, et dont l’esprit est sans fraude » (Ps 32(31),1-2). Alors, il bénira le Seigneur pour la Paix du Cœur, et la Plénitude de Vie qui lui est à nouveau offerte…

1 –                   Bénis le Seigneur, ô mon âme,                                       

bénis son nom très saint, tout mon être !

2 –                   Bénis le Seigneur, ô mon âme,

n’oublie aucun de ses bienfaits !

3 –                   Car il pardonne toutes tes offenses    

et te guérit de toute maladie ;                        

4 –                   il réclame ta vie à la tombe

et te couronne d’amour et de tendresse »…

Ainsi, grâce à Dieu, de pardon en pardon, nous pourrons arriver là où il nous attend tous : en sa Maison, auprès de Lui, dans sa Lumière et son Amour… Prions les uns pour les autres pour qu’il en soit effectivement ainsi…

            Avec le Christ et par le Christ, Dieu est donc le « Pasteur d’Israël »(Ps 80,2). Cette notion de « pasteur » étant ambivalente, comme nous l’avons vu, il est cependant intéressant de noter que ce titre intervient explicitement quatre fois pour Dieu dans tout l’Ancien Testament (Gn 48,15 ; 49,24 ; Ps 23,1 ; 80,2). « Quatre » étant un symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest), nous avons peut-être ici un clin d’œil de l’Esprit Saint pour suggérer que le Dieu qui commence à se révéler dans l’Ancien Testament est bien le Créateur de tous les hommes (Gn 1-2) qui désire que tous soient comblés de sa bénédiction (Gn 12,3), de sa Lumière et de sa Vie…

pasteur et ses brebisCette image du Pasteur est très vivante dans l’expérience et la piété d’Israël. Elle est souvent reprise pour décrire le soin attentif de Dieu, « gardien d’Israël » (Ps 121,4), vis à vis de son peuple, « troupeau de son bercail » (Ps 79,13; 95,7; 100,3): il marche devant lui (Ps 68,8), le conduit (Ps 28,9) par la main de Moïse et d’Aaron (Ps 77,21), l’amène vers son saint territoire (Ps 78,52s), se met en colère contre lui quand il est infidèle et rebelle (Ps 74,1).

            Le mouvement prophétique reprendra ce thème en des textes où transparaît toute la tendresse de Dieu :

            Is 40,10-11 : Voici le Seigneur, il vient avec puissance…

(11)                 Comme un pasteur, il paîtra son troupeau ; par son bras, il rassemblera les agneaux et réconfortera les brebis qui doivent mettre bas.

            Le prophète Jérémie avait déjà employé cette image (23,3 ; cf 31,10) et dénoncé les pasteurs qui avaient reçu comme vocation de paître le peuple d’Israël. Hélas, ils ne se sont pas occupés du troupeau qui leur avait été confié ; pire, ils ont chassé les brebis et les ont dispersées (Jr 23,2) ; Ezéchiel reprendra et développera cette critique sévère et annoncera que le Seigneur va leur reprendre son troupeau : il va arracher ses brebis de leur bouche afin qu’elles ne soient plus pour eux une proie (34,7-10). Désormais, déclare le Seigneur (34,11-16) :

brebis retrouvéEz 34,11-16 : Voici que je rechercherai moi-même mes brebis et je leur porterai secours.

(12)     Comme un pasteur cherche son troupeau dans le désert,

alors que les ténèbres et la nuée étaient au milieu des brebis dispersées,

ainsi, je rechercherai mes brebis et je les pousserai hors de tous les lieux

où elles furent dispersées au jour de nuée et de ténèbres.

(13)     Je les ferai sortir des peuples où ils sont, je les rassemblerai des pays étrangers

et je les conduirai dans leur terre ; je les ferai paître sur les montagnes d’Israël,

dans les ravins et dans tous les lieux habités du pays;

(14)     dans un bon pâturage, je les ferai paître et leurs étables seront sur la plus haute des montagnes d’Israël ; là, ils se reposeront, là ils se coucheront dans un bien-être total

et, sur les montagnes d’Israël, ils se repaîtront dans un gras pâturage.

(15)     C’est moi qui ferai paître mes brebis et c’est moi qui les ferai reposer,

et elles connaîtront que je suis le Seigneur, oracle du Seigneur Dieu.

(16)     Je chercherai celle qui est perdue, je ramènerai celle qui est égarée,

je banderai celle qui est blessée, je fortifierai celle qui défaille,

je veillerai sur celle qui est forte (ou bien portante),

je les ferai paître avec justice.

            Ainsi, « les textes rabbiniques, critiques à l’égard des bergers, n’ont pas assez de poids pour compenser le rôle positif que les écrits bibliques leur accordent. D’une part, Israël se comprend comme un peuple de bergers, en opposition à ses voisins citadins ou paysans sédentaires. Comme les grands peuples voisins, il s’est d’autre part servi du titre de berger aussi bien pour désigner son Dieu que son roi ou son Messie ». Et François Bovon cite en note Philon d’Alexandrie, juif contemporain du Christ, qui écrit : « En vérité, la tâche du berger est si haute que l’on attribue justement non seulement aux rois, aux sages, aux âmes d’une pureté parfaite, mais encore au Dieu souverain ». « Et Philon » ajoute-t-il « trouve dans le Ps 22(23),1 la preuve scripturaire de son affirmation »[11].

Marie - Musée de Sens

            Notons néanmoins avec le prophète Ezéchiel que Dieu parle de « ces ténèbres » où se retrouvent les brebis dispersées… Et dans St Luc, les bergers étaient en train de garder les brebis « dans les veilles de la nuit », dans les ténèbres… Et c’est au cœur de ces ténèbres qu’ils vont voir jaillir la beauté et la lumière de la gloire de Dieu, une situation qui peut rappeler ces paroles d’Isaïe, chantées par l’église à Noël :

            Is 9,1-6 : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière,

sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi.

(2)       Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie ; ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit à la moisson, comme on exulte au partage du butin.

(3)       Car le joug qui pesait sur elle, la barre posée sur ses épaules, le bâton de son oppresseur,  tu les as brisés comme au jour de Madiân. 

(4)       Car toute chaussure qui résonne sur le sol, tout manteau roulé dans le sang,

seront mis à brûler, dévorés par le feu.

(5)       Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix,

(6)       pour que s’étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l’établir et pour l’affermir dans le droit et la justice.

Dès maintenant et à jamais, l’amour jaloux de Yahvé Sabaot fera cela.

  Annonciation2            Telle est bien « la Bonne Nouvelle » annoncée par les Anges :

            « N’ayez pas peur, car voici que je vous annonce la Bonne Nouvelle d’une grande joie  qui sera pour tout le peuple…

             Ce verbe « annoncer une Bonne Nouvelle » intervient dix fois en St Luc : 1,19 (l’Ange à Zacharie) ; 2,10 ; 3,18 (Jean-Baptiste) ; 4,18 (Jésus citant Isaïe) ; 4,43 (Jésus envoyé pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux) ; 7,22 (Jésus aux disciples de Jean-Baptiste : la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres) ; 8,1 (Jésus annonce la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux) ; 9,6 (Les Douze envoyés annoncer la Bonne Nouvelle)  ; 16,16 ; 20,1 (Jésus annonce la Bonne Nouvelle dans le Temple).

            La Bonne Nouvelle est directement ici celle d’une grande joie qui sera offerte, destinée à tous, et elle commence dès « aujourd’hui » :

             Lc 2,11 : « Aujourd’hui a été enfanté pour vous dans la cité de David

un Sauveur qui est le Christ Seigneur »…

(c) Edith GUEYNE

           « Khristos » intervient ici pour la première fois dans l’Evangile de Luc. On le retrouvera en 2,26 ; 3,15 ; 4,41 ; 9,20 ; 20,41 ; 22,67 ; 23,2 ; 23,35 ; 23,39 ; 24,26 ; 24,46 (12 fois en tout). Jésus est ainsi clairement désigné par Dieu lui-même, à travers ses anges, comme étant le Messie promis, celui sur qui reposera la Plénitude de l’Onction de Dieu (« Khriô, oindre) qui lui donnera, comme nul autre ne l’a fait et ne le fera, d’annoncer en paroles et en actes la Bonne Nouvelle du salut aux pauvres (Lc 4,18-19).

« Iésous » est d’ailleurs l’équivalent grec de l’hébreu Yeshua, forme plus courte de Yehôsua, ou Josué (Jos 1,1), nom pris par le successeur de Moïse, et qui veut dire originellement « Le Seigneur (Yahvé) aide » ou « Seigneur, au secours » ; mais une étymologie populaire a relié, par assonance, la forme courte au verbe « sauver », et au nom « salut », d’où le sens de « Le Seigneur sauve ». Si Luc n’y fait pas allusion, Matthieu ne manque pas de le souligner :

            Lc 1,31 : « Et voici que tu concevras en (ton) sein et tu enfanteras un fils

                                   et tu l’appelleras du nom de Jésus ».

            Mt 1,21: « Elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus

                                   Car (c’est) lui (qui) sauvera son peuple de ses péchés. »

   

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          « Loin d’être une désignation conventionnelle, le nom exprime pour les anciens le rôle d’un être dans l’univers. » Pour les hommes, « le nom donné à la naissance exprime ordinairement l’activité ou la destinée de celui qui le porte »[12].

 

            La mission de Jésus consiste donc à « sauver »… et, pour reprendre l’expression de Matthieu, à « sauver » son peuple de ses péchés, une conviction qui habite constamment St Luc comme en témoigne le vocabulaire même qu’il emploie :

Mt

Mc

Lc

Jn

Ac

« Sauver »

15

15

17

6

13

« Sauver (à travers) »

1

1

5

« Sauveur »

2

1

2

« Salut »

4

1

6

« Salut » (synonyme)

2

1

Total pour le vocabulaire du salut

16

15

26

8

27

Regardons rapidement la notion de salut en St Luc.

  – Sens profane

            Il s’agit alors d’évoquer un salut opéré par des hommes ou, dans une forme impersonnelle, de décrire l’action d’échapper à un danger, quel qu’il soit (maladie, naufrage, combat…). Ainsi en Lc 9,24a: « Qui veut sauver sa vie la perdra ».

             « Vouloir sauver sa vie » ici, c’est vouloir la préserver, c’est refuser de la risquer, plus encore de la donner : c’est vouloir la garder pour soi…

            De même en 23,35 (cf 23,39), dans les railleries des chefs du peuple, à l’heure où Jésus est sur la croix : « Il (en) a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, si celui-là est le Christ de Dieu, l’Elu! »

            Pour eux, si Jésus était vraiment le Messie attendu, il aurait la puissance d’échapper, par ses propres forces, au danger suprême d’une mort prochaine…

 

   – Sens « eschatologique », tourné vers ce salut futur encore à venir. Ainsi en Lc 9,24b (cf Lc 13,23; 18,26; 21,19.22-23) : … « mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera ».

            Le futur du verbe, le caractère radical et universel de l’affirmation, le contexte du doublet de ce verset en 17,33, qui évoque le retour du Fils de l’Homme au dernier Jour (17,30), tous ces éléments tournent le regard vers le monde à venir…

 ta foi t'a sauvé

                        – Dans les récits de guérison

            Luc emploie aussi le verbe « sauver »:

               – En accord avec Marc et/ou Matthieu pour l’hémorroïsse guérie (8,48 : « Femme, ta foi t’a sauvée » ; Mt 9,22; Mc 5,34) et l’aveugle de Jéricho (18,42 : « Vois de nouveau! Ta foi t’a sauvé »), la petite fille de Jaïre (8,50 : « N’aie pas peur, crois seulement et elle sera sauvée » ; Mc 5,23), la question sur la légitimité de Jésus à « sauver » ou non un jour de Sabbat (6,9 : « Je vous le demande: « Est-il permis le jour du Sabbat de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une vie ou de la perdre? » » ; Mc 3,4).

                                   – Dans des passages propres (7,3 ; 8,36 ; Ac 4,9 : « Comment celui-çi – le mendiant de la Belle Porte – a été sauvé; 14,9).

            En Ac 4,12, Luc lui‑même explique comment interpréter ce « salut ». Dans ce passage, Pierre explique comment le mendiant de la Belle Porte a été guéri/sauvé : « par le Nom de Jésus Christ le Nazôréen », et, en conclusion de son discours, il déclare solennellement :

            « Et le salut n’est en aucun autre,    car il n’y a pas d’autre nom sous le ciel donné aux hommes  par qui nous devons être sauvés ».

            Les Juifs considérant la personne comme un tout indissociable, la « guérison » du corps ne pouvait qu’être un aspect de la guérison totale : « Aux yeux de Luc, le salut ne se ramène pas à une guérison ou à un rétablissement physiques. Même s’il exprime de tels secours par le verbe sauver, Luc entend témoigner dans son oeuvre d’un salut aux dimensions d’une tout autre ampleur. Les cas de salut physique ont une fonction symbolique : ils illustrent le salut éternel… »[13], ils en sont les signes visibles…

 jésus enseignant 2

                        – Le salut « déjà là »

            St Luc emploie alors le vocabulaire du salut, non pas dans le cadre d’une guérison physique, mais dans celui d’une intervention de Dieu qui atteint le cœur de la personne croyante et la sauve. Jésus déclare ainsi à la pécheresse pardonnée et aimante :

            Lc 7,48 : « Tes péchés sont pardonnés ».

            Lc 7,50 : « Ta foi t’a sauvée ; va en paix ».

             Le salut est donc d’abord ici le pardon des péchés, accueilli dans la foi et qui permet à cette femme d’accéder à une vie nouvelle, dans l’amour et la paix.

            Notons que le Christ emploie pour elle une formule identique à celle rencontrée dans les guérisons de l’hémorroïsse et de l’aveugle de Jéricho : « Ta foi t’a sauvé ». Nous retrouvons par ce parallèle l’unicité de ce salut offert, un salut qui devient efficace au moment de l’acte de foi… Dieu n’attend que le « oui » de notre foi pour agir et déployer en nous, comme pour Marie, toute la puissance de son amour. Cet acte de foi devient aussi l’instant où toute notre vie bascule pour devenir une vie de « sauvés », c’est à dire une vie en communion avec Dieu, dans la paix… Cette union à Dieu peut dorénavant durer toujours car elle est toujours offerte, instant après instant…

Tel est le sens du temps employé ici en grec, un « parfait » qui décrit une action passée dont les répercussions se font encore sentir dans le présent du texte : « Ta foi t’a sauvée (dans le passé, à l’instant où tu n’as pas refusé de me donner ta confiance) – et cet état de « sauvé » demeure maintenant, à l’instant où je te parle »…

 Croix Alain Dumas
            Notons que la guérison physique seule n’est pas « automatiquement » un signe de salut : il faut la foi qui reconnaît en Jésus la présence agissante de Dieu. Tel est le sens de Lc 17,11-19 où nous voyons Jésus guérir dix lépreux qui l’avaient supplié… Le texte nous dit alors qu’ils furent tous purifiés, mais un seul revint à Jésus :

            Lc 17,15-16 : « Un d’entre eux, voyant qu’il était guéri,   retourna en glorifiant Dieu d’une voix forte

(16)     et il tomba sur la face à ses pieds en lui rendant grâces ;   et lui était Samaritain. »

             On pourrait penser que ce lépreux chante la puissance de Jésus pour sa guérison, mais non… Il a reconnu en elle une œuvre de Dieu, et c’est Lui qu’il glorifie d’une voix forte… Va-t-il alors se diriger vers le Temple de Jérusalem, ou pour les Samaritains vers celui du Mont Garizim, pour se prosterner devant le Saint des Saints, là où Dieu habitait, pour lui rendre grâces ? Non… Il se dirige vers Jésus, et c’est devant lui qu’il tombe sur la face à ses pieds, en signe d’humilité et de profond respect[14] et c’est à lui qu’il rend grâces. Nous avons ici le seul exemple de tout le Nouveau Testament où le verbe « rendre grâces », est appliqué à Jésus… En effet, sur les 38 cas où il intervient, à l’exception de la finale aux Romains (16,4) où Paul  « est reconnaissant à » Prisca et Aquilas d’avoir risquer leur tête pour lui sauver la vie, il est toujours appliqué à Dieu (36 fois)… La conjonction des deux expressions, « tomber la face contre terre » et « rendre grâces », appliquées à Jésus pointe donc très fortement ici vers le mystère du Christ, vrai Dieu et vrai homme[15]

     louer dieu                          Enfin, c’est à ce lépreux revenu à lui en louant Dieu et à lui seul que Jésus va déclarer : « Ta foi t’a sauvé » (Lc 17,19). Le « salut » ne consiste donc pas simplement en une guérison physique, puisque celle-ci a été accordée aussi aux neuf autres. Seul est dit « sauvé » celui qui a su lire, avec les yeux de la foi, le signe de sa guérison, pour reconnaître en elle le salut de Dieu offert par le Christ…

            Enfin, lorsque Zachée, après avoir accueilli Jésus avec joie dans sa maison, décide de renoncer à tout ce qu’il aurait pu faire de mal dans sa vie, réparant au quadruple les torts commis et partageant ses biens avec les pauvres, Jésus lui déclare qu’aujourd’hui le salut est arrivé pour lui :

Lc 19,9-10 :    Jésus lui dit: « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison                                    parce que lui aussi est un fils d’Abraham.

(10)                 Le Fils de l’Homme est en effet venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

            Le terme « perdu », n’intervient en St Luc qu’ici et dans la parabole de la brebis perdue (Lc 15,4.6) et du Fils prodigue (Lc 15,24.34)…

« Ce salut présent est la tâche de Jésus. Il s’opère par la conversion de celui qui « était perdu » et suscite en lui la justice et la charité »[16]. On retrouve ce salut « déjà donné », « déjà présent », dans le Livre des Actes des Apôtres, et notamment en 2,47b :

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            Le Seigneur ajoutait les « étant sauvés » chaque jour à la communauté.

            Ce participe présent passif, indique une action en train de se réaliser. Il a pour sujet sous entendu « Dieu » (passif « théologique ») qui sauve par le don de l’Esprit, accomplissant ainsi les prophéties et inaugurant « les derniers jours ».

            Remarquons avec F. Bovon[17] qu’en Ac 2,14-21, St Luc poursuit la citation du prophète Joël évoquant la venue du Jour du Seigneur, avec tous les bouleversements cosmiques qui devaient l’accompagner, uniquement pour arriver à la première partie du verset 5 de Jl 3, ce qui lui permet d’ouvrir la perspective du salut universel :

                « Et il sera tout (homme) qui invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ».

            Cette citation partielle de Jl 3,5 révèle bien le souci de St Luc de montrer que le salut de Dieu en et par Jésus Christ est offert à l’humanité tout entière, car la suite de Jl 3,5 ne mentionne que les habitants de Jérusalem:

Jl 3,5 (LXX) :  Et il sera tout (homme) qui invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

                        car sur le mont Sion et à Jérusalem il y aura un salut[18] (il sera « étant sauvé »)…

 crucifix Dali

            Mais c’est justement cette mention de Jérusalem, restrictive maintenant à ses yeux, que St Luc ne cite pas… Jésus est vraiment le Sauveur de tous les hommes, sans exception…

St Luc agit exactement de la même façon au début de son Evangile en 3,4-6 : comme Marc et Matthieu, il cite Is 40 pour éclairer la mission de Jean‑Baptiste, mais lui seul va jusqu’à Is 40,5 qui évoque un salut universel :

Mt 3,3b

Mc 1,3

Lc 3,4-6

Voix du criant dans le désert

Préparez le chemin du Seigneur

Rendez droits

             ses sentiers.

Voix du criant dans le désert

 Préparez le chemin du Seigneur

Rendez droits

             ses sentiers.

Voix du criant dans le désert

Préparez le chemin du Seigneur

Rendez droits

            ses sentiers.

(5) (…)

(6) Et toute chair verra

                  le salut de Dieu.

j Dieu Sauveur en Lc 1-2

            Jésus, pour St Luc, est donc « le Sauveur », « venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10), en Israël et dans toutes les nations (24,47)… Cette présentation de Jésus comme Sauveur d’Israël et du monde entier est particulièrement présente dans les deux premiers chapitres de l’Evangile :

                        1 – En Lc 1,47, Marie, la première, chante Dieu comme « son Sauveur »:

            Mon âme célèbre (glorifie; magnifie; exalte) le Seigneur  et mon esprit jubile (est rempli d’allégresse) à cause de Dieu mon Sauveur…

            Le verbe employé exprime une réaction face à l’action de quelqu’un qui de son côté a « rendu grand » quelque chose… Ce même verbe apparaît à nouveau en 1,58 pour exprimer que Dieu a « rendu grand » sa miséricorde à l’égard d’Elisabeth en lui permettant d’avoir un enfant… il disparaît ensuite de l’Evangile pour réapparaître seulement dans les Actes des Apôtres[19]

            Notons bien qu’ici c’est Dieu qui est « Seigneur » et « Sauveur »…

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                        2 – En Lc 1,69.71.77, c’est au tour de Zacharie de bénir le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui « a délivré son peuple et lui a suscité une puissance de salut » (faire se lever, ériger, dresser une corne de salut) « le sauvant de ses ennemis », (un salut de nos ennemis) « pour donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de ses péchés ».

                        3 – En Lc 2,11, l’Ange du Seigneur annonce aux bergers une grande joie, qui sera aussi celle de tout le peuple: « Aujourd’hui vous est né, dans la cité de David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur… »

            En 1,47, Marie chantait Dieu comme son Seigneur et son Sauveur… Ici, c’est Jésus qui est appelé « Seigneur » et « Sauveur »… Quelque chose de Jn 10,30, « Moi et le Père nous sommes un[20] » se laisse ici pressentir… tout comme dans le nom donné à Jésus lors de l’Annonciation à Joseph en Mt 1,23 : « Dieu avec nous… ».

                        4 – Enfin, en Lc 2,28-32 Syméon loue à son tour le Seigneur Dieu, son Maître Souverain, car ses yeux « ont vu son salut », c’est à dire Jésus, « préparé à la face de tous les peuples », « lumière pour une révélation aux nations », « et gloire de ton peuple Israël »… Nous retrouvons ici, indirectement, l’étymologie populaire du nom de Jésus, « Dieu sauve » : Jésus est « le salut de Dieu »… en tant que Dieu sauve par Lui, à travers Lui, en Lui « tous les hommes »: la mission universelle de Jésus est ici fortement soulignée: Israël et « les nations », « tous les peuples »…

 Jésus christ

            Ce salut offert par Dieu en et par Jésus Christ n’a d’autre source que sa miséricorde, c’est-à-dire son amour têtu, fidèle, obstiné, inébranlable pour tous les hommes… Tout jaillit de cette miséricorde, de cet amour indéfectible qui constitue notre seule vraie joie… Et Luc, toujours dans ces deux premiers chapitres de son Evangile, en parallèle avec la présentation de Jésus comme Sauveur, va employer 5 fois sur un total de 6 ce terme de « miséricorde » :

                        1 – En 1,50, Marie, la première, « tressaille de joie » (1,47) en constatant que « la miséricorde de Dieu » s’étend vraiment de génération en génération sur tous ceux qui le craignent ». Noter à nouveau l’ouverture « sous entendue » de ce texte, après le v.48 où Marie disait que « désormais, toutes les générations » la diront bienheureuse…

                        2 – En 1,54, dans ce même contexte de joie qui éclaire toute sa louange, Marie chante à nouveau « la miséricorde de Dieu » en précisant cette fois le bénéficiaire : Israël, son serviteur… « Il a secouru Israël son serviteur, en souvenir de (sa) miséricorde »…

                        3 – En 1,58, Elisabeth la stérile est devenue féconde par la miséricorde de Dieu, et tous ses voisins et tous les membres de sa famille se réjouissaient avec elle…

                     4 – En 1,72, c’est au tour de Zacharie de bénir Dieu pour sa miséricorde   envers les Pères du peuple d’Israël…

                    5 – Enfin, en 1,78, Zacharie à nouveau affirme haut et fort que la connaissance du salut jaillit de l’expérience du pardon de Dieu rendue possible « grâce aux entrailles de miséricorde de notre Dieu », qui nous a fait passer des ténèbres de la mort à la Lumière et à la Paix d’une Vie en sa présence…

 dieu miséricorde

            Il faudra ensuite attendre le chapitre 10 de l’Evangile pour retrouver pour la dernière fois ce terme de « miséricorde », en un texte où Jésus nous invite à être le prochain de tout homme, fût-il notre pire ennemi, en exerçant la miséricorde à son égard :

            Lc 10:37 : Et lui dit: « Celui qui « a fait miséricorde » à son égard ».

                        Jésus lui dit alors: « Va, et toi, fais de même ».

            Cette invitation est une illustration de Lc 6,36 où Luc invite de façon générale à la miséricorde avec un synonyme de la notion de « miséricorde », synonyme qui n’intervient qu’ici dans toute son œuvre :

            Lc 6,36 : Soyez (devenez) miséricordieux comme votre Père est miséricordieux…

 pardonner            Dieu Sauveur et Miséricordieux : telle est la source de la Paix offerte à tous les hommes « qui ont sa faveur » (de Dieu ; Osty), « aux hommes objets de sa complaisance » (BJ)… Notons que ce texte grec peut se traduire par « les hommes de bonne volonté », « les hommes bienveillants »… Tel fut le choix de St Jérôme (Vulgate) : « gloria in altissimis Deo et in terra pax in hominibus bonae voluntatis, gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».

            Mais la grande majorité de nos traductions ont :

            BJ : Paix aux hommes objets de sa complaisance.    

            TOB : paix pour ses bien-aimés.

            CNPL : Paix sur la terre aux hommes qu’il aime.

 paix

            Et en Lc 2,12, « le signe » qui sera donné aux hommes de cette action miséricordieuse décisive de Dieu à leur égard sera le Christ lui-même en son humanité, ici celle d’un petit bébé couché dans une mangeoire, qui, plus tard, sera « un signe en butte à la contradiction » (Lc 2,34). On mesure à la lecture de ces quelques versets l’aveuglement spirituel de certains scribes et pharisiens qui, face à Jésus, lui demandait un signe :

            Lc 11,16 : D’autres, pour le mettre à l’épreuve, réclamaient de lui un signe venant du ciel.

             Lc 11,29-32  Comme les foules se pressaient en masse, il se mit à dire :

«Cette génération est une génération mauvaise;

elle demande un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas.

(30)     Car, tout comme Jonas devint un signe pour les Ninivites,

de même le Fils de l’homme en sera un pour cette génération.

(31)     La reine du Midi se lèvera lors du Jugement avec les hommes de cette génération

et elle les condamnera,

car elle vint des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon,

et il y a ici plus que Salomon!

(32)     Les hommes de Ninive se dresseront lors du Jugement avec cette génération

et ils la condamneront,

car ils se repentirent à la proclamation de Jonas, et il y a ici plus que Jonas!

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            « Contrairement à la lecture qu’en fait Mt 12,40[21], le signe de Jonas n’a rien à voir ici avec la Résurrection du Fils de l’Homme au matin de Pâques. Dans l’explication donnée (v. 30), ce signe n’est rien d’autre que l’appel à la conversion lancé par Jonas aux Ninivites – une des populations païennes les plus cruelles de l’Antiquité – ; il déboucha sur une réussite totale : le roi, les hommes et même les bêtes firent pénitence en jeûnant et en se couvrant de sacs. De même cette génération n’aura pas d’autre signe que le Fils de l’Homme et sa prédication ; le seul signe, c’est l’invitation à la conversion. N’allons pas trop vite juger que Dieu et son Christ ont été avares de signes. La parabole du riche et de Lazare soulignera justement que celui qui ne se convertit pas en écoutant la Parole de Dieu ne le ferait pas plus en voyant un mort ressusciter »[22]

            Enfin, notons combien la fin du texte insiste sur la réalisation de la Parole de Dieu, conformément à tout ce qu’avaient dit les Anges… Tout ce que dit le Seigneur, il le fait.

 Jacques Fournier

 

 

[1] SCHÜRMANN H., Luca (Vol. I ; Brescia 1983) p. 212-213.

[2] COUSIN H., « L’Evangile de Luc », dans Les Evangiles, textes et commentaires (Bayard Compact ; Paris 2001) p. 570.

[3] BOVON F., L’Evangile selon St Luc 1-9 (Genève 1991) p. 117-118.

[4] GÉRARD A.-M., Dictionnaire de la Bible (Paris 1989) p. 1167.

[5] LÉON-DUFOUR X., Dictionnaire du Nouveau Testament (Manchecourt 2001) p. 465-466.

[6] La Bible de Jérusalem écrit en note : « Ephrata (auquel Michée semble attacher le sens étymologique de “ féconde ” en rapport avec la naissance du Messie) a désigné d’abord un clan allié à Caleb, (1Ch 2,19.24.50), et installé dans la région de Bethléem, (1S 17,12 ; Rt 1,2). Le nom est passé ensuite à la cité, (Gn 35,19 ; 48,7 ; Jos 15,59 ; Rt 4,11), d’où la glose du texte ».

[7] BOVON F., L’Evangile selon St Luc 1-9 p. 117.

[8] Cette formule pourrait également s’appliquer à l’engendrement éternel du Fils par le Père, dans l’action de l’Esprit Saint. Le mystère de l’Incarnation, dans lequel Marie est intimement associée, s’inscrit dans ce même mouvement…

[9]              Le Bailly donne pour « kataluma » « 1 – endroit où l’on délie son attelage ou ses bagages, c’est à dire hôtellerie, auberge ; 2 – séjour, résidence ».

                Le BAGD précise que ce sens est ici possible. Mais en Lc 10,34, St Luc utilise le terme plus spécifique de « pandokhéion »pour désigner l’auberge où le bon Samaritain mène l’homme blessé par les brigands. Aussi propose-t-il ici « lodging, logement » ou « guest-room, chambre d’ami ».

                La traduction « salle » ou « pièce » reprend en fait le sens donné par ce même mot en Lc 22,11.

[10] Ce mot apparaît trois fois en ce récit, et « trois » est souvent dans la Bible le chiffre qui renvoie à Dieu en tant qu’il agit. Avons-nous ici un clin d’œil vers ce Jésus, « pain de Dieu » offert au monde en nourriture, « agir » par excellence de Dieu pour le monde et pour notre salut ?

COUSIN H., « L’Evangile de Luc », LES EVANGILES, textes et commentaires (Paris 2001) p. 570 : « Le nouveau-né va être couché dans une mangeoire ; l’expression sera utilisée trois fois (v. 7,12 et 16) et cela indique que c’est là le fruit de l’initiative divine ».

[11] BOVON F., L’Evangile selon St Luc 1-9 p. 122, avec la note 49.

[12] CAZELLES H., « Nom », Vocabulaire de Théologie Biblique (Paris 1995) col. 827.

[13] BOVON F., L’œuvre de Luc (Lectio Divina 130, Paris 1987) p. 173-174. Voir aussi:

GEORGE A., « Le vocabulaire de salut », Etudes sur l’œuvre de Luc (Paris 1978) p. 307-320.

[14] Si l’Ancien Testament emploie l’expression « tomber face contre terre devant quelqu’un » en signe de respect, de soumission… (1R1,31: Bethsabée devant le roi David; 18,7: Obadyahu, maître du palais d’Achab, devant Elie; 1Sm 24,9: David devant le roi Saül; 25,23: Abigayil devant David, son futur mari; 28,14: Saül devant Samuel…) et bien sûr d’adoration (1Ch 21,16; 1R 18,39; 1M 4,40.55; 1Sm 5,34…), le Nouveau Testament, à l’exception d’une expression évoquant « la face de la terre » (Lc 21,35) ne l’applique qu’à Dieu (Mt 17,6; 26,39; 1Co 14,25) et au Christ (Lc 5,12; 17,16).

[15] Ap 11,16-17: les 24 vieillards assis devant Dieu se prosternent devant Lui et Lui rendent grâces…

[16] GEORGE A., « Le vocabulaire de salut », Etudes sur l’œuvre de Luc p. 313.

[17] BOVON F., L’œuvre de Luc p. 168-169: « Pierre cite Joël pour expliquer la diffusion d’Esprit Saint sur les disciples réunis. Il poursuit pourtant la citation de Joël au-delà de ce qui est nécessaire: la mention de phénomènes apocalyptiques (soleil transformé en ténèbres et lune en sang) ne contient pas à la situation. Il accepte cette incohérence pour parvenir au verset 5a de Joël 3: « Et quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé ». Il s’arrête alors à cette phrase qui lui tient à cœur en excluant le verset 5b de Joël 3 dont la résonance est trop particulariste.

[18] Les notes de la Bible de Jérusalem aident à comprendre quel est le salut visé ici par le prophète Joël: il s’agit de la restauration définitive du peuple d’Israël trop souvent malmené par les nations voisines. Ce salut implique donc un jugement des peuples environnants (note g), qui « ont dispersé Israël parmi les nations et partagé mon pays » (4,2). Joël fait ici allusion à l’exil de 597 et de 586 (note k)…

[19] Ac 5,13: De nombreux signes et prodiges se faisaient par les mains des Apôtres… aussi le peuple « célèbre-t-il leurs louanges » (BJ), « fait leur éloge » (TOB).

Ac 10,46: L’Esprit Saint tombe sur Corneille, le centurion romain de la cohorte Italique (10,1), et sur tous ceux qui, avec lui, écoutaient la parole de Pierre. Ils se mettent alors à « magnifier » (BJ), à « célébrer la grandeur de » Dieu…

Ac 19,17: Dieu opérait par les mains de Paul des miracles peu banals… et quelques exorcistes juifs se mettent eux aussi à prononcer le Nom de Jésus de façon « magique » sur des possédés qui… en retour… se mettent à les rouer de coups… Tous les habitants d’Ephèse surent la chose, la crainte s’empara de tous et le Nom du Seigneur Jésus « fut glorifié » (BJ; TOB: « on célébrait la grandeur  » du Nom du Seigneur Jésus »).

[20] « Un, én », est ici, non au masculin, qui désignerait alors une personne, mais au neutre : il s’agit non pas d’une unité-identité de personne entre Jésus et son Père, mais d’une unité de nature entre les deux : Jésus est Dieu en tant qu’il possède la nature divine, tout comme son Père…

[21] Cf Mt 12,38-42 ; Mt 12,40 : « De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits ».

[22] COUSIN H., « L’Evangile de Luc », LES EVANGILES, testes et commentaires (Paris 2001) p. 694.

           

Fiche 2M n°8 – Lc 2,1-20 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




Les inscriptions au Cycle Long 2023 sont ouvertes !

Une année se termine, une autre s’ouvre…

Après avoir vécu la journée de conclusion du Cycle Long 2022

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       … les inscriptions au Cycle Long 2023 sont ouvertes ! Pour tout renseignement, cliquer sur ce lien :

         … https://www.sedifop.com/cycle-long/

        « Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur,

                                lui qui veut que tous les hommes soient sauvés

                                et parviennent à la connaissance de la vérité.

         Car Dieu est unique,

                unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes,

                       le Christ Jésus, homme lui-même,

                             qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6).




Retraite en ligne sur jevismafoi.com pour l’Avent 2022

Pour le temps de l’Avent et les quelques jours qui suivront la fête de Noël, c’est-à-dire du Dimanche 27 novembre au Dimanche 8 janvier, nous vous proposons un temps de retraite en ligne sur jevismafoi.com. Elle sera animée par une équipe de prêtres, diacres, religieuses, laïcs. Chaque jour, une méditation vous est proposée sous deux formats : par écrit et par audio… Son thème général sera : « L’Amour a fait le premier pas. »

Pour les recevoir, il suffit d’aller sur http://www.jevismafoi.com/ ; une petite enveloppe apparaît alors devant vous, enveloppe sur laquelle il vous suffit d’écrire votre adresse mail. Ces informations resteront bien sûr strictement confidentielles… Toute l’équipe vous souhaite un bon et heureux temps de l’Avent dans l’accueil de cet Amour qui, invisiblement, certes, mais bien concrètement, frappe chaque jour à la porte de nos coeurs pour nous communiquer le meilleur : sa Plénitude d’Être, de Lumière, de Vie et de Paix…

D. Jacques Fournier




LES APÔTRES, CES ILLUSTRES INCONNUS par Yannick LEROY

PROPOSITION DE CONFÉRENCE EXCEPTIONNELLE

(second semestre 2022)

     S’il est un fait paradoxal dans l’Histoire des origines du Christianisme, c’est que nous sommes bien mieux renseignés sur le parcours de Jésus de Nazareth que sur celui de ses plus proches, les douze apôtres. Ces derniers, considérés comme les fondements essentiels de l’Église en devenir, demeurent pourtant largement un mystère insondable aux yeux de l’historien.

En dehors de quelques figures éminentes telles que Pierre ou Jean, il faut bien reconnaître que nous savons peu de choses concernant ces hommes dont cependant de nombreux Pères de l’Église se réclameront par la suite. Qui peut en effet se targuer de connaître parfaitement les itinéraires de Matthieu, Simon le Zélote, Thaddée ou encore Thomas ? Qui – en dehors de son nom – sait exactement qui fut Matthias, le remplaçant de Judas Iscariote ? Barthélémy est-il Nathanaël ? Combien de Jacques pouvons-nous dénombrer ? Autant de questions surgissent auxquelles nous tenterons de répondre par l’étude de sources qui nous emporteront bien largement au-delà du Nouveau Testament et nous plongerons dans l’obscurité des racines profondes du christianisme.

 

A la Maison Diocésaine

36 rue de Paris à Saint Denis

Le samedi 5 novembre 2022

de 14h 30 à 17h 30

Entrée libre




« Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? » La vocation d’Isaïe (Is 6,1-13). D. Jacques Fournier

Nous sommes l’année de la mort du roi Ozias, et donc « probablement en 740 av JC » précise en note la Bible de Jérusalem. Il régna en effet de 781 à 740 av JC, sur le Royaume de Juda, au sud d’Israël, avec comme capitale Jérusalem. Le prophète Isaïe quant à lui est né aux environs de 765 av JC. Il a donc ici 25 ans, et il est en prière dans le Temple de Jérusalem…

 

Dieu va se manifester à lui… « Je vis le Seigneur, assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire », « ha-hê-āl », salle qui précédait le Debir ou « Saint des Saints » » précise encore en note la Bible de Jérusalem. Le Saint des Saints était la pièce la plus sacrée du Temple, où seul le Grand Prêtre pouvait entrer une fois par an pour accomplir les rites d’aspersion de la fête du Grand Pardon, « Yom Kippour ». Dieu y siégeait, assis sur son Trône, l’Arche d’Alliance, un trône coffre où avaient été disposées les deux Tables de la Loi ainsi qu’un peu de cette manne que le peuple hébreu récolta tous les matins dans sa longue marche au désert avec Moïse… Elle était séparée du « Saint » par un grand rideau… Celui-ci semble donc devenir comme transparent pour Isaïe : « Je vis le Seigneur, assis sur un trône grandiose et surélevé »… Autrement dit, il voit le Seigneur alors même qu’il exerce sa fonction royale, « assis sur son trône grandiose et surélevé »…

Or, dans cette sa Lumière, nous y reviendrons, il prend conscience qu’il est « un homme aux lèvres impures », « habitant au sein d’un peuple aux lèvres impures »… Autrement dit, il est pécheur, et ce qui sera dit plus tard s’applique bien à lui : son cœur est « appesanti », et ses yeux « englués » ne peuvent « voir »… A lui pourrait s’appliquer ce qui sera dit en Is 42,19 : « Qui est aveugle si ce n’est mon serviteur ? Qui est sourd comme le messager que j’envoie ? » et il habite au milieu « d’un peuple aveugle qui a des yeux » (Is 43,8)… Spirituellement parlant, « nous tâtonnons comme des aveugles cherchant un mur, comme privés d’yeux nous tâtonnons. Nous trébuchons en plein midi comme au crépuscule, parmi les bien-portants nous sommes comme des morts » (Is 59,10 ; cf. Dt 28,29). Et pourquoi ? « Ils iront comme des aveugles, parce qu’ils ont péché contre le Seigneur » (So 1,17). Cet aveuglement est donc la conséquence du péché qui, de cœur, sépare l’homme de ce « Dieu » qui « est Lumière » (1Jn 1,5) et le plonge ainsi dans les ténèbres… « Ils n’ont pas rendu à Dieu gloire ou actions de grâces, ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements, et leur cœur inintelligent s’est enténébré » (Rm 1,21).

Isaïe, pécheur, et donc aveugle de cœur ne pouvait donc pas voir Dieu… Et pourtant, ici, il le voit… Et ce simple fait qu’il commence à « voir » est déjà la mise en œuvre, dans son cœur et dans sa vie, de ce dont il va prendre conscience en le voyant : le Mystère de la Royauté de ce Dieu « siégeant sur un trône grandiose et surélevé »…

Et quelle est-elle ? Elle est la royauté de la Lumière sur les ténèbres… « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) ? « La Lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Elle règne sur elles, victorieuse… Et grâce à elle, « les yeux du cœur illuminés » (Ep 1,17) peuvent voir ce que par eux mêmes, englués, blessés, ils ne pourraient pas voir : « En toi est la source de vie, par ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36,10).

Telle est l’expérience que vivra St Paul… Il pensait pourtant être sur le bon chemin, vivant la vraie foi au Dieu unique, et il avait du caractère et de la volonté puisqu’il obéissait parfaitement aux 613 commandements à mettre en pratique tous les jours : « Je suis Juif. Né à Tarse en Cilicie » (Ac 22,3). « Circoncis dès le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d’Hébreux » (Ph 3,5). « J’ai été élevé ici dans cette ville » de Jérusalem, « et c’est aux pieds de Gamaliel que j’ai été formé à l’exacte observance de la Loi de nos pères, et j’étais rempli du zèle de Dieu » (Ac 22,3)… Vous avez entendu parler « de mes progrès dans le judaïsme, où je surpassais bien des compatriotes de mon âge, en partisan acharné des traditions de mes pères » (Ga 1,14). « Quant à la justice que peut donner la Loi, j’étais un homme irréprochable » (Ph 3,6). Et « j’ai vécu suivant le parti le plus strict de notre religion, en Pharisien » (Ac 26,5 ; Ph 3,5)…

Et pourtant, sans le savoir, il était dans le légalisme et dans l’orgueil, et donc dans les ténèbres… Mais « le Dieu qui a dit : Que des ténèbres resplendisse la lumière, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ » (2Co 4,6). Voilà ce qu’il a vécu sur la route de Damas, alors qu’il s’y rendait avec ses compagnons pour persécuter la toute jeune communauté chrétienne qui venait d’y naître… « Il faisait route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu? – Qui es-tu, Seigneur ? demanda-t-il. Et lui : Je suis Jésus que tu persécutes. Mais relève-toi, entre dans la ville, et l’on te dira ce que tu dois faire. Ses compagnons de route s’étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient bien la voix, mais sans voir personne. Saul se releva de terre, mais, quoiqu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. On le conduisit par la main pour le faire entrer à Damas. Trois jours durant, il resta sans voir, ne mangeant et ne buvant rien » (Ac 9,3-9). La lumière du Christ a ainsi conduit St Paul à prendre conscience, comme Isaïe, qu’il était « aveugle » de cœur, dans les ténèbres, lui qui pensait être dans la Lumière… « Il avait les yeux ouverts », mais en fait, « il ne voyait rien »… Ananie va venir à sa rencontre et lui proposer le baptême : « Saoul, mon frère, celui qui m’envoie, c’est le Seigneur, ce Jésus qui t’est apparu sur le chemin par où tu venais ; et c’est afin que tu recouvres la vue et sois rempli de l’Esprit Saint », l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) et de vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6). « Aussitôt il lui tomba des yeux comme des écailles, et il recouvra la vue. Sur-le-champ il fut baptisé ; puis il prit de la nourriture, et les forces lui revinrent » (Ac 9,17-18).

St Pierre lui aussi a vécu quelque chose de semblable… Alors que Jésus lui avait demandé de pouvoir monter dans sa barque pour qu’il puisse s’adresser à la foule qui s’était rassemblée au bord du rivage du lac de Tibériade, « quand il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche. Simon répondit : Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais lâcher les filets. Et l’ayant fait, ils capturèrent une grande multitude de poissons, et leurs filets se rompaient… À cette vue, Simon-Pierre se jeta aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » (Lc 5,1-11). Comme pour Isaïe, dès qu’il commence à « voir » ‘quelque chose’ du Mystère de Jésus, aussitôt, il perçoit à quel point il est « un homme pécheur », et donc « aveugle de cœur », « enténébré »… Et pourtant, peu après, il verra lui aussi, comme Isaïe, le Seigneur dans sa gloire : « Prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques, Jésus gravit la montagne pour prier. Et il advint, comme il priait, que l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement, d’une blancheur fulgurante… Pierre et ses compagnons (…) virent sa gloire » (Lc 9,28-36).

Ainsi, Isaïe, Paul, Pierre, Jean et Jacques sont des exemples de ce que Dieu fait vis-à-vis de nous tous : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous as aimés » (1Jn 4,10). Or, « aimer » pour Dieu est synonyme de « donner », gratuitement, par amour, tout ce qu’il est… Tel est le Mystère qui s’est pleinement révélé en Jésus Christ, Lui qui est ce Fils « né du Père avant tous les siècles » (Crédo) en tant que le Père lui donne d’être ce qu’il est, depuis toujours et pour toujours, en un acte éternel d’amour : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), tout ce qu’il est, « tout ce qui est à toi », Père, « est à moi » (Jn 17,10), tout ce qu’il a, « tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15). « Le Père, qui est vivant » (Jn 6,57), « a la vie en lui-même » (Jn 5,26) ? Ainsi « a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même » (Jn 5,26), et cela en un acte d’amour, éternel, de telle sorte que le Fils peut dire : « Je vis par le Père » (Jn 6,57). Ainsi, « le Fils, né du Père avant tous les siècles » est l’éternel « engendré, non pas créé », « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père » (Crédo). Le Père l’engendre en effet à sa vie de toute éternité en lui donnant, gratuitement, par amour, depuis toujours et pour toujours, la Plénitude de son Être et de sa vie, un Être qui « est Amour » (1Jn 4,8.16), « Esprit » (Jn 4,24), « Lumière » (1Jn 1,5), « vie » (Jn 1,4)…

C’est ce même Don qui a rejoint Isaïe dans le Temple de Jérusalem, Paul sur la route de Damas, Pierre sur le lac de Tibériade, Jacques et Jean au sommet du Mont Thabor, un Don qui est offert, gratuitement, par amour, à tout homme, et qui, tôt ou tard, sait trouver le chemin des cœurs de bonne volonté pour permettre cette magnifique découverte, cette prise de conscience que Dieu, de fait, est là, depuis toujours et pour toujours, à côté de chacun d’entre nous, nous aimant tous « le premier », et se donnant donc déjà à tous pour le meilleur de chacun d’entre nous. « Votre Père des Cieux fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45). Et « le Verbe », quant à lui, l’Unique éternel Engendré, « le Fils Unique » (Jn 1,14 TOB), « Dieu Fils Unique » (Jn 1,18 TOB) est la Lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9). Il donne donc cet Esprit de Lumière et de Vie qu’il reçoit du Père de toute éternité à tout homme…

Ainsi, lorsque l’Evangile fut annoncé pour la première fois aux païens de la ville d’Ephèse, St Paul écrit : « C’est en lui – dans le Christ – que vous aussi, après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,14-15). Autrement dit, quand les païens ont entendu pour la première fois « la Parole de vérité, l’Evangile du salut », avant même de répondre à cette proclamation par un acte de foi, suivi ensuite du baptême où ils furent marqués du « sceau par l’Esprit de la Promesse », autrement dit le Don de « l’Esprit Saint », ils étaient déjà « en lui », dans le Christ, unis au Christ dans la communion d’un même Esprit, ce qui est présenté d’habitude comme étant les conséquences du baptême… Tout était déjà là, tout était déjà donné, ils étaient déjà en communion avec le Christ, le Don de l’Esprit Saint s’unissant à leur esprit pour leur apporter cette Lumière nouvelle de la Vie qui leur a permis ensuite de dire « Oui, je crois » à ce qu’ils entendaient pour la première fois… Et de fait, « nul ne peut dire « Jésus est Seigneur » si ce n’est par l’Esprit Saint » (1Co 12,3 ; TOB), « s’il n’est avec l’Esprit Saint » (BJ), « sinon dans l’Esprit Saint » (CNPL), c’est-à-dire uni au Christ dans la communion d’un même Esprit… Le Don de l’Esprit nous précède donc toujours… Du côté de Dieu, il nous est déjà donné. Du côté des hommes, il habite déjà le cœur de tous, car n’oublions pas que nous avons tous été créés par le Don que Dieu nous a faits de son « souffle » de vie (Gn 2,4b-7), un Don qui nous rejoints instant après instant pour nous maintenir dans la vie (Job 34,14-15), Don de l’Esprit grâce auquel nous sommes tous « esprit, âme et corps » (1Th 5,23). Tout acte de bonne volonté est donc ouverture à la vérité, la justice, la droiture et donc ouverture à Dieu qui est Vérité, Justice, Droiture… « Dieu de vérité non pas de perfidie, il est juste, il est droit » (Dt 32,4). Mais Dieu est avant tout « Amour » et donc Don gratuit de tout ce qu’il est en lui-même… Cette ouverture à Dieu ne peut donc qu’être au même moment accueil du Don de Dieu qui guidera pour aller toujours plus loin dans la découverte de son « insondable richesse » (Ep 3,8)… Alors, « gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté » (« Gloria in altissimis Deo et in terra pax in hominibus bonae voluntatis », Lc 2,14). En effet, le fruit de cet Esprit qu’ils accueillent par leur bonne volonté, sans en être peut-être encore conscients, « est amour, joie, paix » (Ga 5,25)…

Isaïe, de bonne volonté, pécheur comme nous le sommes tous ici-bas (Rm 3,9‑20), a donc été l’heureux bénéficiaire de cet Amour gratuit et déjà donné du Père qui l’a rejoint par sa Lumière dans ses ténèbres et lui a donné de le voir… Et il pourrait dire avec St Paul : « S’il m’a été fait miséricorde, c’est pour qu’en moi, le premier, Jésus Christ », et donc Dieu avec lui et par lui, « manifestât toute sa patience, faisant de moi un exemple pour ceux qui doivent croire en lui en vue de la vie éternelle » (1Tm 1,16).

« Rempli de l’Esprit Saint » (cf. Lc 1,15.41.67 ; 4,1 ; Ac 2,4 ; 4,8.31 ; 6,3.5 ; 7,55 ; 9,17…) Isaïe voit donc le Roi des rois, Celui donc « le Nom est au dessus de tout nom » (Ph 2,9), « assis sur son trône grandiose et surélevé »… Et « sa Traîne emplissait le sanctuaire », le hékal, la pièce où les prêtres et les serviteurs de la liturgie pouvaient entrer, se retrouvant alors juste en face de la pièce de Dieu, le « Debir » ou « Saint des Saints »… Mais le fait que cette Traîne, attachée aux épaules de Dieu, pour continuer de coller à l’image, soit présente dans la pièce des hommes, est une façon d’affirmer sa Présence au milieu d’eux, sa proximité… Tout dit d’ailleurs cette Présence : « Et le Temple était plein de fumée » (Is 6,4). Et la note de la Bible de Jérusalem précise : « Signe de la présence de Dieu au Sinaï (Ex 19,16), dans la Tente du désert (Ex 40,34‑35), et dans le Temple de Jérusalem (1R 8,10,12 ; Ez 10,4) ».

Une petite différence de traduction entre la Septante[1] et le texte hébreu va encore redire, en des termes semblables, la Présence de Dieu, mais en élargissant encore la perspective… L’auteur emploie cette fois non pas la notion de « fumée » mais celle de « gloire, δόξα, doxa », la Gloire de Dieu renvoyant toujours, d’une manière ou d’une autre, à Dieu Lui-même, présent et agissant[2] :

            Is 6,2 : πλήρης     οκος      τῆς δόξης αὐτοῦ,

                        plêrês       o oikos       tês doxês autou

                        pleine    la maison          de sa gloire.

            Or, nous lisons un peu plus loin, dans la louange des Séraphins :

            Is 6,3 : πλήρης    πσα γ  τῆς δόξης αὐτοῦ,

                        plêrês       pasa ê gê     tês doxês autou

                        pleine    toute la terre      de sa gloire.

 

Les deux expressions sont identiques à une exception près : la localisation « géographique » de cette gloire : d’un côté, dans « la maison » (de Dieu), le Temple, et de l’autre, sur « toute la terre »… Autrement dit le Temple est rempli de la Gloire de Dieu comme l’est toute la terre : Dieu est présent partout à tout homme, comme il est présent à tous ceux qui sont dans le Temple de Jérusalem… Nos lieux de prière, en nous séparant de nos activités habituelles, en nous isolant de tout ce qui, dans le monde, est synonyme de bruits, de mouvements, de distractions, etc… nous permettent donc de revenir de tout cœur à Celui qui, de son côté, ne nous a jamais quittés… Nous nous remettons en sa Présence, nous la retrouvons ou plutôt nous nous laissons retrouver par Lui, pour ensuite revenir dans le monde, avec nos proches, nos activités, notre travail, etc… et cela dans cette même Lumière, en nous attachant désormais à éviter tout ce qui pourrait nous détourner d’elle, un combat à reprendre tous les jours, d’où le besoin de ces pauses régulières où nous sommes exclusivement tournés, de cœur, vers Lui…

« Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16) ? « La terre est remplie de son amour » (Ps 33(32),5), un Amour qui est Don de tout ce qu’il est en Lui-même et il est Tout Puissant au sens où rien ni personne ne peut le mettre en échec, sinon bien sûr, le refus, en toute conscience et en toute connaissance de cause, de l’accueillir et de le laisser agir selon ce qu’il est… Ainsi, cet Amour fidèle, éternel, nous rejoint sans cesse au cœur même de notre misère ; il prend alors le visage d’une Miséricorde Toute Puissante que rien, absolument rien, ne peut mettre en échec… Avec elle et par elle, Dieu se propose alors de remporter la victoire dans nos cœurs et dans nos vies sur tout ce qui, en nous, est ténèbres…

Ps 51(50), 3-6 : « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,

            selon ta grande miséricorde, efface mon péché.

(Septante :             Ἐλέησόν με, ὁ θεός, κατὰ τὸ μέγα ἔλεός σου

                                Èléêson me, o théos, kata to méga éleos sou

                        Fais-moi miséricorde, oh Dieu, selon ta grande miséricorde

                        καὶ κατὰ τὸ πλῆθος τῶν οἰκτιρμῶν σου ἐξάλειψον τὸ ἀνόμημά μου·

                        kai kata   to plêthos   tôn   oiktirmôn sou éxaleipson to avomêma mou ;

                        et selon la Plénitude de tes compassions, efface mon péché)

            Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.

            Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.

            Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.

            Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice, être juge et montrer ta victoire ».

Telle est la victoire de la Lumière dans le cœur d’Isaïe, de Paul, de Pierre, de Jacques et de Jean, et de nous tous si nous y consentons, une Lumière qui règne dans les ténèbres, et qui, frappant à la porte de tous les cœurs de bonne volonté, leur permettent de voir « le Seigneur » (Is 6,1), « le Roi, Dieu Sabaoth » (Is 6,5)…

Mais cet « Esprit » de « Lumière » que Dieu donne, et qui est ce par quoi il vit et s’exprime depuis toujours et pour toujours (Jn 4,24 ; 1Jn 1,5), est souvent comparé dans la Bible à un feu… Ainsi, quand Dieu conclut une Alliance avec Abraham, il lui apparut sous la forme d’un « brandon de feu » (Gn 15,17). Puis, lorsqu’il se manifesta à Moïse, il lui apparut « dans une flamme de feu, du milieu d’un buisson » (Ex 3,1s)… « Ton Dieu est un feu dévorant » (Dt 5,25)… « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ? Il est donc aussi « feu » et Jean Baptiste résume ainsi toute la mission de Jésus à notre égard : « Pour moi, je vous baptise dans de l’eau en vue du repentir ; mais celui qui vient derrière moi (…), lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Mt 3,11 ; cf. Ac 2,1-4). Ce feu purifie les cœurs, de telle sorte que s’ils acceptent de le laisser agir, ils pourront vivre cette Béatitude : « Heureux les cœurs purs », car purifiés ; « ils verront Dieu » (Mt 5,8)…

C’est ce qu’a vécu ici Isaïe puisque, malgré ses « lèvres impures », « je vis le Seigneur », dit-il. Oui, « mes yeux ont vu le Roi, Dieu Sabaot » (Is 6,1.5). Mais il va pourtant vivre tout un rituel qui lui permettra en fait de prendre conscience de ce que Dieu a déjà réalisé dans son cœur…

Ce rituel va être accompli par un « Séraphim », littéralement, en hébreu, « un brûlant », mystérieuse créature spirituelle qui participe pleinement à ce que Dieu seul est en Lui-même, et il est « feu »… « L’un des Séraphims vola vers moi », « fut envoyé vers moi, d’après la Septante (« ἀπεστάλη πρὸς μὲ, apestalên pros mè »), « tenant dans sa main une braise qu’il avait prise avec des pinces sur l’autel. » Or l’autel symbolise la Présence de Dieu au milieu de son peuple. Cette « braise » va donc évoquer à son tour ce que Dieu est en Lui-même, et il est « feu »… Isaïe venait de déclarer : « Je suis un homme aux lèvres impures » ? Le Séraphim « me toucha la bouche » avec « la braise » « et dit : Voici, ceci a touché tes lèvres, ta faute est effacée, ton péché est pardonné. » Il suffit donc d’un contact, un seul, bref, rapide, entre Dieu et l’homme pour que tout ce qui faisait obstacle entre lui et nous, avec leurs inévitables conséquences, disparaisse… Et Dieu le réalise par le Don de son Esprit de Lumière et de Feu qui accomplit alors en nous des merveilles de restauration, de salut, de guérison intérieure et de vie…

La maladie était comprise à l’époque comme la conséquence du péché ? La lèpre apparaissait alors comme le fruit le plus grave du péché, un lépreux étant comme un « mort vivant », la lèpre rongeant son corps de son vivant comme le fait la mort dans le tombeau… Un jour, « il y avait un homme plein de lèpre », qui représente donc, dans les croyances de l’époque, un grand pécheur. « À la vue de Jésus, il tomba sur la face et le pria en disant : Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : Je le veux, sois purifié. Et aussitôt la lèpre le quitta » (Lc 5,12-13). Comme pour Isaïe, un contact a suffi… Purifié de sa lèpre, il reste alors l’homme, pleinement homme, pleinement lui-même, « à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28), c’est-à-dire « participant l’être et la vie du Dieu vivant » (P. Ceslas Spicq)… Nous avons tous été créés pour cela : vivre de la vie même de Dieu, en étant nous aussi, par grâce, par suite de la Miséricorde Toute Puissante de Dieu, ce que Dieu Est de toute éternité : « Par elles », la Gloire et la Puissance du Christ, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), « les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez ainsi participants de la divine nature, vous étant arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » (2P 1,4). Et tout cela n’est possible que par l’action de Dieu Lui‑même, au cœur de notre misère, au cœur de notre faiblesse : « Vous remercierez le Père qui vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière. Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien‑aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col 1,12-14).

C’est ce qu’a vécu le prophète Isaïe au jour de son appel par Dieu dans le Temple de Jérusalem. « Par ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36,10). Par la Lumière reçue, gratuitement, par amour, une Lumière victorieuse de toute forme de ténèbres, nous voyons la Lumière, c’est-à-dire Dieu Lui-même puisque « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5)… « Je vis le Seigneur… Mes yeux ont vu le Roi, Dieu Sabaoth » (Is 6,1.5). Et tout le rituel de purification que le Séraphim a ensuite accompli à son égard n’a été réalisé que pour lui permettre de comprendre ce que Dieu avait déjà fait en lui et pour lui…

Nous pourrions redire la même chose avec l’image de l’eau, appliquée souvent elle aussi à l’Esprit Saint, le Don de Dieu… Avec cette image, Dieu est alors présenté comme celui qui lave « les cœurs englués », et les abreuve de son eau (Jn 4,10‑14 ; 7,37-39 ; 19,34 ; 20,22), permettant ainsi à la vie de s’épanouir pleinement… Lisons ce passage du prophète Ezéchiel qui commence par souligner l’infidélité d’Israël, et qui insiste sur le fait que si Dieu agit ainsi à leur égard, ce n’est vraiment pas parce qu’ils le méritent, bien au contraire… Non, l’action de Dieu est totalement gratuite, et elle va manifester « sa sainteté », c’est‑à-dire « qui » il est, car cette notion de « sainteté » renvoie dans la Bible à ce que Dieu est en lui-même[3]… « Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth », proclament les Séraphins en Is 6,3. Et c’est bien parce qu’il est Saint, c’est-à-dire le seul à être ce qu’il est, et il est Amour (1Jn 4,8.16), Pur Amour qui ne cesse de se donner pour notre bien à tous, que Dieu va agir ainsi à l’égard d’Isaïe, une action qu’il se propose d’accomplir pour nous tous, comme il le promettra d’ailleurs plus tard par le prophète Ézéchiel (6° siècle av JC) :

Ez 36,22-28 : « Eh bien ! dis à la maison d’Israël : Ainsi parle le Seigneur Dieu.

Ce n’est pas à cause de vous que j’agis de la sorte, maison d’Israël,

   mais c’est pour mon saint nom,

que vous avez profané parmi les nations où vous êtes venus.

Je sanctifierai mon grand nom

qui a été profané parmi les nations au milieu desquelles vous l’avez profané.

Et les nations sauront que je suis le Seigneur – oracle du Seigneur Dieu –

quand je ferai éclater ma sainteté, à votre sujet, sous leurs yeux.

Alors je vous prendrai parmi les nations,

je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol.

Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ;

de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.

Et JE VOUS DONNERAI un cœur nouveau,

je mettrai en vous (litt. JE DONNERAI en vous) un esprit nouveau,

j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et JE VOUS DONNERAI un cœur de chair.

Je mettrai mon Esprit en vous ((litt. jJE DONNERAI mon Esprit en vous)

et je ferai que vous marchiez selon mes lois

et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes.

Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères.

Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu. »

Autrement dit, c’est parce que Dieu est Saint, parce qu’il est le seul à être ce qu’il est, qu’il va agir de la sorte envers Israël infidèle et pécheur… En effet, la sainteté de Dieu est de l’ordre de l’Amour, puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). « Dieu est saint » (cf. Is 6,3) parce que « Dieu est Amour », et l’Amour est par nature Don de tout ce qu’il est en lui-même : « Le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner »[4]. « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ? « Dieu est Saint » (Ps 99(98)) ? Il ne cesse de donner l’Esprit Saint. Israël infidèle et pécheur accepte de le laisser faire ? Alors, gratuitement, par amour, en mettant en œuvre le Don de son Esprit Saint, « en répandant » en leurs cœurs « l’eau pure » de son Esprit, il va les laver, les « purifier de toutes ses souillures et de toutes ses ordures » leur donnant ainsi « un cœur nouveau » par le Don « en lui de son Esprit », cet « Esprit Saint qui sanctifie » le pécheur (2Th 2,13). Et ce qu’il était incapable d’accomplir autrefois, « marcher selon les lois de Dieu, observer et pratiquer ses coutumes », il pourra le faire grâce à la Force de cet Esprit en lui (cf. Ac 1,8 ; 2Tm 1,7)…

Nous le constatons ainsi avec cet exemple : puisque Dieu est ce qu’il est, et donc puisqu’il est Saint, Pur Amour et Don gratuit de tout ce qu’il est en lui-même, et cela pour le seul bien de l’autre, Dieu purifie l’impur, sanctifie le pécheur, justifie l’injuste (Rm 3,21-26), fortifie le faible, transforme en Lumière ce qui est ténèbres, en douceur ce qui est dureté… Avec Lui et grâce à Lui, « les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent » (Mt 11,5). Il suffit de tout lui offrir, de tout cœur, inlassablement, encore et encore, et de le laisser agir…

Isaïe entend ensuite la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? Qui ira pour nous ? » La Septante a : « τίς πορεύσεται πρὸς τὸν λαὸν τοῦτον ; tis poreusetai pros ton laon touton ? Qui ira vers ce peuple ? ». Autrement dit, Isaïe est appelé à aller vers ce « peuple aux lèvres impures » « au milieu » duquel « il habite »… « Le Seigneur me dit : Va, et tu diras à ce peuple : Écoutez, écoutez, et ne comprenez pas ; regardez, regardez, et ne discernez pas. Appesantis le cœur de ce peuple, rends-le dur d’oreille, englue-lui les yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n’entendent, que son cœur ne comprenne, qu’il ne se convertisse et ne soit guéri » (Is 6,9-10). La manière dont Dieu s’exprime ici semble sous entendre une action directe pour qu’il en soit ainsi, alors que ce ne sont que les conséquences du péché qui sont décrites… Nous lisons de même dans le Livre de l’Exode, « Dieu endurcit le cœur de Pharaon » (Ex 10,20)… Mais non, telle est encore une de ces imperfections de l’Ancien Testament qui, en cet exemple particulier et en d’autres, offre un regard sur Dieu « imparfait et provisoire »[5]. Et c’est d’ailleurs ce même Livre de l’Exode qui affirme quatre fois : « Le cœur de Pharaon s’endurcit et il ne les écouta pas, comme l’avait prédit le Seigneur » (Ex 7,13.22 ; 8,15 ; 9,35).

Isaïe doit donc s’adresser à un peuple « dur d’oreille », avec des « oreilles qui n’entendent pas » : ce sont « des sourds qui ont des oreilles » (Is 43,8), avec en plus « un cœur qui ne comprend pas »… La mission ne sera donc pas facile… Elle semble même par avance vouée à l’échec… Pourtant, qu’Isaïe n’oublie pas ce qu’il a lui‑même vécu… Dieu a frappé à la porte de sa bonne volonté (Ap 3,20), et il n’a pas refusé d’ouvrir les yeux, « je vis le Seigneur… » et d’entendre ce qui lui était dit, « j’entendis la voix du Seigneur qui disait… », contrairement par exemple aux adversaires d’Etienne qui, eux, n’ont pas voulu entendre ce qu’il disait :

Ac 7,55-58 : « Tout rempli de l’Esprit Saint », cet Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) qui permet de voir la Lumière (Ps 36,10), Etienne « fixa son regard vers le ciel ; il vit alors la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. Ah! dit-il, je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. Jetant alors de grands cris, ils se bouchèrent les oreilles et, comme un seul homme, se précipitèrent sur lui, le poussèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. »

La possibilité d’un refus existe donc toujours mais l’œuvre de Dieu, Isaïe l’a lui-même vécu, consiste justement à « ouvrir les oreilles et les yeux » de celles et ceux qui sont de bonne volonté et cherchent sincèrement la vérité… Recevant le même Esprit, ils vivront alors eux aussi ce que lui-même a vécu :

« En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre et, délivrés de l’ombre et des ténèbres, les yeux des aveugles verront » car ce jour sera « le jour du Seigneur Sabaoth » (Is 2,12 ; 30,26 ; 49,8), le jour où ce sera avant tout Dieu Lui-même qui sera à l’œuvre avec et par la Toute Puissance de sa Miséricorde agissant au cœur même de la mission de ses envoyés… Ce jour-là, « les malheureux trouveront toujours plus de joie dans le Seigneur, les plus pauvres des hommes exulteront à cause du Saint d’Israël » (Is 29,18-19). « Que soient pleins d’allégresse désert et terre aride, que la steppe exulte et fleurisse ; comme l’asphodèle, qu’elle se couvre de fleurs, qu’elle exulte de joie et pousse des cris, la gloire du Liban lui a été donnée, la splendeur du Carmel et de Saron. C’est eux qui verront la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. Fortifiez les mains affaiblies, affermissez les genoux qui chancellent », car en effet « le péché m’a fait perdre mes forces » (Ps 31(30),11)… « Dites aux cœurs défaillants : Soyez forts, ne craignez pas ; voici votre Dieu. C’est la vengeance qui vient », Dieu se vengeant du mal et de toutes ses conséquences en remportant sur lui la victoire, « enlevant » (Jn 1,29) nos ténèbres pour nous donner sa Lumière (Jn 12,46), enlevant la mort pour nous donner la vie (Rm 6,23), car « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Telle est cette « rétribution divine qui vient », prophétisait Isaïe. « C’est lui qui vient vous sauver. Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds s’ouvriront. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la langue du muet criera sa joie », une phrase que Jésus reprendra pour répondre à Jean Baptiste qui, emprisonné, avait « envoyé de ses disciples pour lui demander : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11,2-6). Et tout cela se réalisera par le Don de l’Esprit, le Don gratuit de l’Amour, Eau pure qui purifie, Eau vive qui vivifie : « Parce qu’auront jailli les eaux dans le désert et les torrents dans la steppe. La terre brûlée deviendra un marécage, et le pays de la soif, des eaux jaillissantes… Ceux qu’a libérés le Seigneur reviendront, ils arriveront à Sion criant de joie, portant avec eux une joie éternelle. La joie et l’allégresse les accompagneront, la douleur et les plaintes cesseront » (Is 35 ; cf. Ap 21,4).

Telle sera toute la mission de ce mystérieux serviteur, une figure accomplie par le Christ et toujours actuelle par son Eglise « Corps du Christ » (1Co 12,12-13), blessée, certes, ayant besoin elle aussi de guérison, certes, mais servante elle aussi à la suite du Christ Serviteur… « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît » (cf. Mc 1,11). « J’ai mis sur lui mon Esprit, il présentera aux nations le droit. Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue ; il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit », deux images qui renvoient au pécheur blessé… « Fidèlement, il présente le droit ; il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et les îles attendent son enseignement. Ainsi parle le Seigneur Dieu, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit à ceux qui la parcourent » (cf. Gn 2,4b-7). « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé dans la justice, je t’ai saisi par la main, et je t’ai modelé, j’ai fait de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres » (Is 42,1-7)… « Je conduirai les aveugles par un chemin qu’ils ne connaissent pas, par des sentiers qu’ils ne connaissent pas je les ferai cheminer, devant eux je changerai l’obscurité en lumière et les fondrières en surface unie. Cela, je le ferai, je n’y manquerai pas » (Is 42,16). Alors, si autrefois «  nous tâtonnions tous comme des aveugles cherchant un mur, comme privés d’yeux nous tâtonnions », si autrefois « nous trébuchions en plein midi comme au crépuscule », si autrefois « parmi les bien-portants nous étions comme des morts » (Is 59,10) maintenant, « sourds, entendez ! Aveugles, regardez et voyez ! » (Is 42,18) car « elle est venue ta lumière et sur toi resplendit la gloire du Seigneur… Le Seigneur sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera ta splendeur… Le Seigneur sera pour toi une lumière éternelle, et les jours de ton deuil seront accomplis » (Is 60,1.19-20)…

La mission d’Isaïe consistera donc à faire en sorte que tous ceux et celles qu’il rencontrera puissent vivre eux aussi ce que lui-même a vécu… Et il en est en fait de même pour toute personne ayant rencontré le Christ Sauveur, avec ce Trésor de Miséricorde et de Vie qu’il est venu offrir à tous… Paul était dans les ténèbres ? Le Christ lui a ouvert les yeux (Ac 9) ? Comme Isaïe, voici la mission qu’il reçut : « relève-toi et tiens-toi debout. Car voici pourquoi je te suis apparu : pour t’établir serviteur et témoin de la vision dans laquelle tu viens de me voir et de celles où je me montrerai encore à toi. C’est pour cela que je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi (cf. Is 6,8), pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,16-18).

Cette « part d’héritage » est ce Don de l’Esprit Saint, donné gratuitement par l’Amour dont « le propre est de se répandre, de se donner » (Pape François)[6]… C’est par ce Don gratuit et « inconditionnel » (Pape François)[7] que tout s’accomplit, par lequel tout est donné, même si, bien sûr, « tout don, pour être tel, doit avoir quelqu’un disposé à le recevoir »[8]… Souvenons-nous d’Ep 1,13 : « Après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). La foi est confiance, ouverture de cœur à Dieu, abandon, le laissant accomplir en nous ce qu’il désire… Ressuscité, le Christ « vint » à ses disciples, « se tint au milieu et leur dit : « La paix soit avec vous »… Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » » (Jn 20,19-23). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ? « Dieu est Saint » (Ps 98) ? Avec et par ce Don gratuit de l’Amour, le projet du Dieu créateur s’accomplit pour quiconque y consent : « Que Dieu soit tout en tous » (1Co 15,28)…

                                                                          D. Jacques Fournier

 

[1] Traduction grecque du texte hébreu de l’Ancien Testament, réalisée par la communauté juive d’Alexandrie à partir du 3° s. av JC.

[2] Voir une synthèse sur la notion de gloire en annexe.

[3] Voir une synthèse sur la notion de sainteté en annexe.

[4] Pape François, audience du mercredi 14 juin 2017. : «

[5] Concile Vatican II, « Dei Verbum », & 15.

[6] Pape François, audience du mercredi 14 juin 2017 (cf. note 4).

[7] Id.

[8] Pape François, « Lettre apostolique DESIDERIO DESIDERAVI » du 29 juin 2022, & 3.

EXCURSUS :

         1 – NOTION DE GLOIRE : cliquer sur le titre ci-après : Gloire de Dieu

         2 – NOTION DE SAINTETÉ : cliquer sur le titre ci-après : Sainteté de Dieu