1

« Quel est le sens du Carême ? Une expérience plus grande et plus belle que ce que l’on pense » – Fr. Manuel Rivero O.P.

Le mercredi des Cendres lance le  commencement du Carême. Carême vient de « quarante », quarante jours pour se préparer à célébrer le triduum pascal, la mort et la résurrection de Jésus le Christ.

Ce temps fort de la vie de l’Église repose sur un trépied : la prière, la pénitence et le partage. Mais ces trois démarches appellent des explications. De quoi s’agit-il au juste ?

 

L’expérience proposée dans le Carême s’avère plus grande et plus belle que ce l’on pense de prime abord. Donner de son temps à la prière, de ses biens aux autres et renoncer au bien-être dans le jeûne et la pénitence peuvent entraîner tristesse et pharisaïsme.

C’est pourquoi Jésus invite au sourire et au parfum pour ne pas montrer un visage livide et patibulaire de nature à impressionner les autres par les efforts et les manifestations de vie spirituelle. Jésus dénonce la tentation d’hypocrisie qui menace la prière publique, le jeûne rendu public et l’aumône accordée en public.

La prière : entrer dans le dialogue du Christ avec son Père

Le Carême appelle à rejoindre les profondeurs de l’âme, là où se trouve la présence de Dieu, sans bruit et sans limites. Le chrétien peut devenir « pèlerin de son propre cœur » pour passer de la superficie à la source de son être. En ce temps de pandémie qui réduit au minimum les voyages, le croyant peut vivre le grand voyage vers Dieu présent dans son âme. Maître Eckhart (+1328) parlait du « fonds sans fonds » de l’âme. En descendant dans les profondeurs de l’âme, le fidèle ne se heurte pas à un mur, mais il découvre la source vive de la grâce reçue à son baptême.

Prier, c’est beaucoup plus que de faire « une petite prière » de demande. La prière demeure l’acte humain le plus haut, important et sublime. Elle peut être courte mais jamais petite. « Petite prière » reste un contresens malheureux. Jésus, le Fils de Dieu fait homme, prie son Père en l’appelant « Abba », qui veut dire « Papa » dans sa langue maternelle, l’araméen. Jamais un croyant de l’Ancien Testament ne s’était adressé à Dieu en ces termes. Jésus dialogue avec son Père dans la confiance et la tendresse. Prier, ce n’est pas réciter des prières, mais laisser l’Esprit Saint prier en nous « Abba, Père ! ». « Nous ne prions pas, nous sommes priés », enseignait Maître Eckhart à la suite de saint Paul ( Cf. Rm 8,15 ; Ga 4,6).

Saint Séraphin de Sarov (+1883), saint russe contemporain de Karl Marx +1883), partageait son expérience de Dieu en disant que « le but de la prière n’est rien d’autre que l’acquisition du Saint-Esprit ».

Pour un disciple de Jésus, prier c’est prier dans l’Esprit Saint. En priant, il atteint l’état de prière. Plutôt qu’une action, la prière devient un état d’union à Dieu. Ceux qui aiment aiment, aiment tout le temps, sans y penser. Il en va de même dans l’amour de Dieu.

Dans l’Esprit Saint, le catholique se tourne vers le Père. C’est le temps pour se tourner vers Dieu comme le chante la préface à la messe : « Élevons notre cœur, nous le tournons vers le Seigneur ».

Le jeûne et la pénitence : entrer dans le combat du Christ Jésus contre le mal et le malin

Le jeûne du Carême ne saurait se réduire à une pénitence pour mâter nos instincts, ou à un simple souvenir du jeûne de Jésus au désert pendant quarante jours au commencement de sa vie publique.

Le Fils de Dieu s’est abaissé en devenant homme ; pour sauver les hommes, Il a affronté le diable.

L’Église demande de jeûner le mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Le reste du temps, chaque chrétien choisit les gestes de renoncement et de pénitence appropriés.

Pour la foi chrétienne, le jeûne et la pénitence, comme la prière et le partage, sont vécus par Jésus avec le croyant et en lui. Ces démarches sont plus grandes et plus belles que leurs apparences. Il s’agit de la grâce de Dieu à l’œuvre en l’homme. L’orgueil et l’hypocrisie sont aux antipodes du mystère du Carême où l’expérience de Dieu conduit à l’humilité et à l’action de grâces. Dans la parabole de la prière du publicain et du pharisien (cf. Lc 18, 9s), Jésus a bien démasqué les perversions spirituelles de l’homme religieux qui se glorifie de lui-même et non de la miséricorde de Dieu révélée par le prophète Isaïe : « Toutes nos œuvres, tu les as accomplies pour nous » (Is 26,12). Prier, jeûner et partager peuvent devenir l’occasion d’un péché d’orgueil et du mépris des autres.

 

Le partage : entrer dans l’amour du Christ Jésus

Si la pandémie fait beaucoup de morts, la faim en fait davantage. Des millions d’adultes et d’enfants meurent chaque année de faim et de malnutrition.

 

Le chrétien partage ses biens avec les pauvres. Acte de solidarité et de charité, le partage relie à l’amour de la sainte Trinité, communion des Personnes divines, où le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont un dans l’amour.

Montée vers Pâques

La prière, le jeûne et le partage sont interconnectés et ils se fortifient réciproquement. La prière conduit à la pénitence et au partage. L’aumône qui purifie le cœur favorise la prière et la pénitence.

Temps de préparation au baptême pour les catéchumènes qui renaîtront la nuit de Pâques de l’eau et de l’Esprit Saint, le Carême apporte un renouvellement des mentalités et de l’esprit comme l’explicite le rite du mercredi des Cendres : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ».

Conversion veut dire « faire demi-tour » pour s’éloigner du mal et se tourner vers Dieu. Ce faisant, le chercheur de Dieu éprouve la joie de Dieu dans son cœur.

Montée vers Pâques, le Carême fait progresser dans la connaissance et la proximité envers Dieu.

Avant tout, le Carême apporte la bonne nouvelle de la vocation de tout homme à partager la vie de Dieu par le Christ Jésus, vainqueur de la mort, afin de célébrer le dimanche de Pâques devant une croix fleurie dans l’allégresse de la Résurrection.

Cathédrale de Saint-Denis (La Réunion), le 15 février 2021.

 

 

 

 

 

 




En vidéoconférence (zoom) : « La Lettre aux Ephésiens » (D. Jacques Fournier), les jeudis de Carême.

La Lettre de St Paul aux Ephésiens : le projet de Dieu sur l’homme et sa réalisation dans l’histoire…

Les jeudis de Carême 18, 25 février, 4, 11 et 18 mars

De 18h 00 à 19h 30, en vidéoconférence avec l’application zoom (téléchargement gratuit).

 

« La Lettre aux Ephésiens est l’un des grands textes fondateurs de la vision chrétienne du Dessein de Dieu sur l’humanité et le monde. Elle développe et célèbre ce Dessein depuis son origine éternelle en Dieu jusqu’à son accomplissement à la fin des temps, en mettant en lumière sa révélation et sa réalisation historiques dans le Christ et son Eglise » (P. Eloi Leclerc, « Le Père immense, une lecture de la Lettre aux Ephésiens »).

Nous parcourrons cette Lettre pas à pas, à la lumière d’autres passages du Nouveau Testament qui nous permettront d’entrer toujours plus avant dans la Beauté de cette Révélation…

D. Jacques Fournier

Inscription par mail à secrétariat@sedifop.com

Ou par téléphone au 0262 90 78 24

 




Programme du Cycle Long 2021

Bonjour à tous,

La perspective d’une vaccination prochaine contre la Covid 19 nous laisse espérer que nous sortirons bientôt de cette période si difficile… Nous avons donc fait le programme du Cycle Long 2021. Si la vaccination a pu être mise en oeuvre avant les fêtes de Pâques, nous commencerons juste après… Autrement, si elle se déroule bien comme prévu actuellement au mois d’avril, les premières rencontres pourront avoir lieu dès le début du mois de mai…

Fruits du confinement, nous proposons également le Cycle Long en vidéoconférences, une fois par mois, avec deux groupes : un qui se retrouvera le samedi matin, l’autre le dimanche matin. Les rencontres pourraient alors se faire dès le mois de février avec une introduction à la Bible, tout spécialement conçue pour les premières années mais que les secondes années peuvent aussi suivre s’ils le désirent… Le programme précis (dates, etc…) sera conçu en fonction du nombre d’inscriptions que nous recevrons…

Belles et heureuses fêtes de Noël à vous, à vos familles, vos proches, vos amis dans cette certitude que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,3-6), une vérité qui n’est rien d’autre que la sienne : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), « et le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner » (Pape François, audience du mercredi 14 juin 2017). Nous avons tous été créés pour être comblés, gratuitement, par amour, par ce Don et trouver ainsi avec lui la Plénitude, le vrai Bonheur, la vraie Joie… « Notre Père » à tous, « que ta volonté soit faite ! » (Mt 6,10 ; Jn 17,24-26 avec Jn 3,16-17 et Jn 12,32).

 

Pour accéder au programme du Cycle Long 2021, il suffit de cliquer sur le lien ci-après :

https://www.sedifop.com/cycle-long/

Joyeux Noël à tous !

 




Introduction à l’Evangile selon St Luc

1 – Auteur, date et lieu de rédaction

       Parole de dieu     L’Evangile lui-même ne donne aucune indication quant à son auteur… Par contre, des textes anciens parlent de St Luc :

  • Le « canon de Muratori », écrit très certainement à Rome vers la fin du 2°siècle après Jésus Christ : « Le troisième livre de l’Evangile est selon Luc. Luc est ce médecin qui, après l’ascension du Christ, fut emmené par Paul comme compagnon de voyage et qui écrivit en son nom selon sa pensée ; cependant, il ne vit pas lui-même le Seigneur en sa chair ; pour cela, il commence son récit à partir de la naissance de Jean ».

  • Irénée, premier Evêque de Lyon, écrit vers 180 après Jésus Christ : « Luc, le compagnon de Paul, a consigné en un livre l’évangile que celui-ci prêchait ». Il dit ailleurs qu’il aurait écrit après la mort de Paul.

  • Clément d’Alexandrie (mort vers 210-215 après Jésus Christ) justifie son affirmation que le Christ est né sous Auguste en disant : « C’est écrit dans l’Evangile de Luc ». Et il compare la relation que Marc avait avec Pierre à celle de Luc avec Paul.

  • Dans le Prologue antimarcionite (écrit du début du 4° siècle après Jésus Christ contre l’hérésie développée par Marcion : il rejetait le « Dieu de l’Ancien Testament » pour ne retenir que « le Dieu de Jésus Christ »… Cette position est extrême car l’Ancien Testament prépare la venue du Christ et permet de mieux le découvrir. Par contre, il est vrai qu’il contient des affirmations « dépassées et imparfaites » (Concile Vatican II) qui témoignent du lent cheminement d’Israël, à la lumière de l’Esprit Saint, vers la vérité toute entière…).

St Luc peignant Marie (Rogier van der Weyden, environ 1440 ao.JC

St Luc peignant la Vierge Marie (Rogier van der Weyden, environ 1440 av.JC).

Ce « Prologue antimarcionite » nous présente donc St Luc comme un « Syrien originaire d’Antioche, médecin, disciple des Apôtres ; plus tard, il a suivi Paul jusqu’à son martyre. Servant le Seigneur sans faute, il n’eut pas de femme, il n’engendra pas d’enfant, il mourut en Béotie, plein du Saint Esprit, âgé de 80 ans. Ainsi donc, comme des évangiles avaient déjà été écrits, par Matthieu en Judée, par Marc en Italie, c’est sur l’inspiration du Saint Esprit qu’il écrivit dans les régions de l’Achaïe (Grèce) cet évangile ; il expliquait au début que d’autres (évangiles) avaient été écrits avant le sien, mais qu’il lui avait paru de toute nécessité d’exposer à l’intention des fidèles d’origine grecque un récit complet et soigné des évènements »…

            A ces quelques éléments de la tradition, ajoutons le fait que le Livre des Actes des Apôtres, qui décrit l’expansion de l’Eglise primitive grâce au dynamisme de l’Esprit Saint, a été lui aussi écrit par St Luc. Au départ, il l’avait voulu comme la suite logique de son Evangile et les deux ouvrages n’en formaient qu’un seul. Mais très vite, l’Eglise primitive sépara tout ce qui concernait plus spécialement la vie et le ministère de Jésus, sa Passion, sa mort et sa Résurrection pour l’associer aux trois autres Evangiles, ceux de St Matthieu, de St Marc et de St Jean.

          miniature  Nous avons vu que la tradition nous parle souvent d’un lien entre Luc et Paul. De fait, le Livre des Actes des Apôtres nous transmet un certain nombre de passages où l’auteur emploie des « nous » qui l’associent à St Paul (Actes 16,10-17 ; 20,5‑21,18 ; 27,1‑28,16). Ces textes semblent donc confirmer que St Luc était bien un compagnon de voyage de St Paul dans les années 55-60. Enfin, notons que la finale de la lettre aux Colossiens, écrite par St Paul ou l’un de ses disciples, parle de St Luc en termes de « cher médecin » : « Vous avez les salutations de Luc, le cher médecin, et de Démas » (Colossiens 4,14 ; cf. Philémon 24 et 2Timothée 4,11).

            Comme tous les auteurs du Nouveau Testament, St Luc écrit en grec, mais c’est lui qui a le plus beau style. « On peut en conclure », écrit François Bovon, « qu’il a fait de bonnes études… A mon avis, Luc est un Grec qui s’est tourné de bonne heure vers la religion juive. Il appartient à ce milieu de sympathisants que l’on caractérisait comme « craignant Dieu ». C’est dans ce milieu qu’il apprit à connaître l’Evangile et qu’il devint chrétien. Comme il le dit clairement dans le prologue, il appartient à la seconde ou à la troisième génération de l’Eglise et n’a donc pas de souvenirs personnels ni de contact direct avec les évènements qu’il relate » (L’Evangile selon Saint Luc (Genève 1991) p. 27). Contrairement à St Matthieu, St Marc et St Jean, St Luc n’a donc pas connu Jésus pendant sa vie terrestre, il ne l’a pas suivi sur les routes de Palestine… Il l’a rencontré dans la foi, comme nous, et il a découvert « les entrailles de Miséricorde » d’un Dieu tout spécialement attentif aux petits, aux pauvres, aux pécheurs, aux méprisés. Aussi, décrit-il le Christ, son Seigneur, avec beaucoup de respect et d’admiration en soulignant souvent sa majesté, la grandeur de son oeuvre de Salut et la joie qu’il ne cesse de semer autour de Lui. St Luc, qui n’a pas connu le Christ « en sa chair », est aussi l’Evangéliste qui met le plus en relief le rôle de l’Esprit Saint et l’importance de la prière, en nous offrant très souvent comme exemple le Seigneur Jésus Lui-même.

Joie-de-l-Evangile

2 – Les destinataires de l’Evangile              

            Si François Bovon s’imagine St Luc rédigeant son Evangile « installé sur le pont d’un bateau ou dans une maison accueillante » (L’œuvre de Luc (Lectio Divina 130, Paris 1987) p. 24-25), d’autres le voient écrivant en Grèce, à Antioche ou à Rome. Pierre Marie Beaude (Qu’est ce que l’Evangile ? (Cahiers Evangiles 96, Paris 1996)) constate en tout cas que « bien des indices pointent vers des croyants de culture grecque, peu familiers – comme St Luc, semble-t-il – de la Palestine ».

            Retenons trois exemples :

            a) Dans la guérison du paralytique, Luc parle d’un toit en tuiles de type gréco-romain, bien différent de ceux de Palestine faits de branchages et de terre battue (comparer Luc 5,19 et Marc 2,4).

            b) Luc explique la coutume de monter à Jérusalem pour la fête de la Pâque (Luc 2,41-42), ce qui, pour un Juif, est une évidence.

            c) Il précise enfin, comme on le ferait pour des interlocuteurs grecs, qu’Arimathie est « une ville juive » (23,51).

 

Le plan des deux premiers chapitres de l’Evangile selon St Luc 

 

            ookSyoGy1qcLMs6qDrdshq13LNIUn rapide regard sur ces deux premiers chapitres permet de découvrir deux personnages principaux : Jésus et Jean‑Baptiste. Tout s’articule et s’organise autour d’eux: annonciations de la naissance de l’un et de l’autre, rencontre des deux futures mères (la Visitation), puis récits de leur naissance. Une telle façon de faire permet de comparer ce qui est dit de Jésus avec ce qui a été dit de Jean-Baptiste. Si les parcours se ressemblent, des différences apparaissent : elles laissent percevoir toute l’originalité du mystère de Jésus, lui qui est tout à la fois vrai Dieu et vrai homme.

             A) Les deux annonciations (1,5-56)

Annonce de la naissance de Jean

(1,5-25)

Annonce de la naissance de Jésus

(1,26-38)

Présentation des parents

Apparition de l’Ange

Trouble de Zacharie

« Ne crains pas… »

Annonce de la naissance

Question: « Comment le saurai-je? »

Réponse – Réprimande de l’ange

Signe: « Voici que tu seras muet… »

Silence contraint de Zacharie

Départ de Zacharie

Présentation des parents

Entrée de l’Ange

Trouble de Marie

« Ne crains pas… »

Annonce de la naissance

Question: « Comment cela se fera-t-il? »

Réponse – Révélation de l’ange

Signe: « Voici que ta cousine… »

Réponse spontanée de Marie

Départ de l’Ange

Episode complémentaire: La visitation (1,39-56)

avec le Magnificat (1,46-55) et en conclusion le retour de Marie à Nazareth (1,56)

           Jean%20A

             B) Les deux naissances (1,56 – 2,52)

Naissance de Jean (1,57-58)

Naissance de Jésus (2,1-20)

Joie autour de la naissance

avec des éléments de cantique en 1,58.

Joie autour de la naissance

Cantique des Anges et des bergers

Circoncision et manifestation

de Jean (1,57-80)

Circoncision et manifestation

de Jésus (2,21)

Première manifestation du Prophète

Cantique de Zacharie (Benedictus)

Conclusion: refrain de la croissance (1,80)

Manifestation du Sauveur à Jérusalem

Cantique de Syméon (Nunc Dimitis)

Episode d’Anne (1,36-38)

Conclusion: refrain de la croissance (2,40)

Episode complémentaire: Jésus au Temple parmi les docteurs (2,41-52)

avec en conclusion le refrain de la croissance (2,52)

                                                                                                                        D. Jacques Fournier

Fiche 2M n°1 – Introduction Lc  : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF



Le prologue de l’Evangile de Luc (1,1-4)

            luc-82« Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, (2) tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le début, furent les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la Parole. (3) C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après m’être informé soigneusement de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi, cher Théophile, un exposé suivi, (4) afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus » (Traduction Liturgique AELF).

            A l’époque de St Luc, un certain nombre d’écrits circulaient déjà sur Jésus, sa vie et son œuvre. St Luc parle de « beaucoup ». Sans doute, comme il le dit lui-même, a-t-il recueilli « beaucoup » de témoignages, oraux ou écrits, de personnes qui avaient été « témoins oculaires et serviteurs de la Parole », comme, par exemple, la Vierge Marie. Il disposait aussi très certainement, comme St Matthieu, de deux sources importantes : l’Evangile de Marc, et un ensemble de récits et de paroles de Jésus, aujourd’hui disparu. On l’appelle en général « Q », de l’allemand « Quelle », « source ». Les correspondances entre Marc, Matthieu et Luc peuvent alors s’expliquer de la façon suivante :

Théorie des Sources (Evangiles)

            Notons le souci de St Luc de « s’informer exactement » de tout ce qui s’est passé pour ensuite nous transmettre le plus fidèlement possible les informations qu’il a reçues. Un grand souci de vérité l’habite, mais son récit n’est pas un reportage qui nous rapporterait simplement les faits dans l’ordre historique exact où ils se seraient passés. Non, si toutes les scènes de l’Evangile s’enracinent dans l’Histoire, St Luc les organise en fonction du message qu’il veut nous transmettre : Jésus est le Sauveur de tous les hommes, des Juifs comme des païens… Cette Bonne Nouvelle doit partir de Jérusalem, la Ville Sainte où Jésus est mort et ressuscité, pour atteindre le monde entier…

jesus-christ-notre-sauveur_1950967-M

            Théophile, un nom grec qui signifie « Aimé de Dieu » ou « Qui aime Dieu », a peut-être vraiment existé. Mais à travers lui, St Luc adresse son Evangile à tous les hommes que Dieu aime, sans exception (Jean 3,16-17 ; 16,27 ; 17,20-23 ; Romains 5,5‑8 ; Ephésiens 2,4-10 ; 2Thessaloniciens 2,16-17). Le Fils Unique est d’ailleurs venu dans ce monde pour que tous puissent justement découvrir à quel point ils sont aimés (Jean 1,18 ; Marc 10,21 ; Jean 11,5 ; 11,36 ; 13,1 ; 13,23 – « le disciple bien-aimé », en St Jean, nous représente tous : 19,26‑27 ; 14,21‑23 ; 15,9 ; 17,26 ; Galates 2,19-20 ; Ephésiens 5,25-27 ; Apocalypse 1,4-6). Et « si Dieu nous a ainsi aimés », nous devons maintenant répondre à l’Amour par l’amour (Matthieu 5,43-48 ; 22,34-40 ; Jacques 2,8 ; 1Jean 3,23-24 ; 4,7-11 ; 4,19-21 ; Jean 13,34 ; 15,12-14 ; 15,17 ; 21,15-17 ; Romains 13,8 ; 1Corinthiens 16,24 ; Ephésiens 5,1-2 ; Philippiens 1,8 ; 1Thessaloniciens 4,9 ; 1Pierre 1,22) …

Fiche 2M n°2 – Lc 1,1-4 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF




Annonce de la naissance de Jean-Baptiste (Lc 1,5-25)

            «annonce naissance JB Il y avait, au temps d’Hérode le Grand, roi de Judée, un prêtre nommé Zacharie, du groupe d’Abia. Sa femme aussi était descendante d’Aaron ; elle s’appelait Élisabeth. (6) Tous les deux vivaient comme des justes devant Dieu : ils suivaient tous les commandements et les préceptes du Seigneur d’une manière irréprochable. (7) Ils n’avaient pas d’enfant, car Élisabeth était stérile, et tous deux étaient âgés.

            (8) Or, tandis que Zacharie, au jour fixé pour les prêtres de son groupe, assurait le service du culte devant Dieu, (9) il fut désigné par le sort, suivant l’usage liturgique, pour aller offrir l’encens dans le sanctuaire du Seigneur. (10) Toute l’assemblée du peuple se tenait dehors en prière à l’heure de l’offrande de l’encens.

            (11) L’ange du Seigneur lui apparut debout à droite de l’autel de l’encens. (12) En le voyant, Zacharie fut bouleversé et saisi de crainte. (13) L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été entendue : ta femme Élisabeth te donnera un fils, et tu le nommeras Jean. (14) Tu seras dans la joie et l’allégresse, beaucoup d’hommes se réjouiront de sa naissance, (15) car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira pas de vin ni de boissons fermentées, et il sera rempli de l’Esprit Saint dès avant sa naissance ; (16) il fera revenir de nombreux fils d’Israël au Seigneur leur Dieu, (17) il marchera devant le Seigneur, avec l’esprit et la puissance du prophète Élie, pour faire revenir le cœur des pères vers leurs enfants, convertir les rebelles à la sagesse des hommes droits, et préparer au Seigneur un peuple capable de l’accueillir. »

            (18) Mais Zacharie dit à l’ange : « Comment vais-je savoir que cela arrivera ? Moi, je suis un vieil homme, et ma femme aussi est âgée. »

            (19) L’ange lui répondit : « Je suis Gabriel ; je me tiens en présence de Dieu, et j’ai été envoyé pour te parler et pour t’annoncer cette bonne nouvelle. (20) Mais voici que tu devras garder le silence, et tu ne pourras plus parler jusqu’au jour où cela se réalisera, parce que tu n’as pas cru à mes paroles : elles s’accompliront lorsque leur temps viendra. »

            (21) Le peuple attendait Zacharie et s’étonnait de voir qu’il restait si longtemps dans le sanctuaire. (22) Quand il sortit, il ne pouvait pas leur parler, et ils comprirent qu’il avait eu une vision dans le sanctuaire. Il leur faisait des signes, car il demeurait muet.

            (23) Lorsqu’il eut achevé son temps de service au Temple, il repartit chez lui. (24) Quelque temps plus tard, sa femme Élisabeth devint enceinte. Pendant cinq mois, elle garda le secret. Elle se disait : (25) « Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, lorsqu’il a daigné mettre fin à ce qui faisait ma honte aux yeux des hommes. »

0905elizabeth-righetous0010

            « Hérode » est ici « Hérode le Grand », « Roi de Judée », qui régna de 37 à 4 avant Jésus Christ. Des mages venus d’Orient viendront lui demander : « Où est le Roi des juifs qui vient de naître ? ». Après avoir consulté les Grands prêtres et les scribes, il les enverra à Bethléem : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant ; et quand vous l’aurez trouvé, avisez-moi afin que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage ». Mais Hérode était assoiffé de pouvoir ; peu de temps avant, il avait fait assassiner ses deux fils, Alexandre et Aristobule, par peur de les voir prendre sa place. Il aurait aimé que les mages reviennent lui donner des précisions sur ce Jésus en qui il voyait un possible rival. Mais avertis en songe, ils repartiront directement dans leur pays (Matthieu 2,1-12). Aussi Hérode enverra-t-il ses troupes « pour mettre à mort, dans Bethléem et tout son territoire tous les enfants de moins de deux ans ». Mais l’Ange du Seigneur avertira Joseph qui, avec Marie et Jésus, s’enfuira en Egypte (Matthieu 2,13-17).

            D’un point de vue historique, si Jésus est né aux temps d’Hérode, cela signifie qu’il nous faut situer sa naissance vers l’an 5 avant Jésus Christ ! Nous devons cette erreur de calendrier à « Denys le petit » qui, à Rome, en l’an 533, se trompa dans ses calculs…

            Zacharie, dont le nom signifie « Dieu s’est souvenu », est prêtre « de la classe d’Abia ». L’ensemble des prêtres était en effet organisé en 24 classes. Chacune devait assurer le service du Temple de Jérusalem deux fois par an pendant une semaine. Elisabeth appartenait elle aussi à une famille sacerdotale : elle était descendante d’Aaron, le frère de Moïse, considéré comme l’ancêtre des prêtres (Exode 28,1 ; Lévitique 8-9). La nouveauté annoncée par l’Ange Gabriel va donc surgir au cœur des institutions traditionnelles de « l’Ancienne Alliance ». Elisabeth et Zacharie sont d’ailleurs présentés comme répondant parfaitement à l’attente de Dieu dans le cadre de cette Ancienne Alliance : « Tous deux étaient justes devant Dieu, et ils suivaient, irréprochables, tous les commandements et observances du Seigneur ». Ils obéissaient donc parfaitement à la Loi, constituée par « les dix Paroles » données par Dieu à Moïse au sommet du mont Sinaï (Exode 20,1-17). Mais avec le temps, ces « dix Paroles » étaient devenues à l’époque de Jésus, 613 commandements, « un pesant fardeau » (Matthieu 23,1-4) où l’intention de Dieu se perdait, enfouie au cœur d’une multitude de traditions purement humaines (Matthieu 15,1-9). Aussi Jésus purifiera-t-il la Loi en la ramenant à un seul et unique commandement qui résume et englobe tous les autres : l’amour de Dieu et du prochain (Matthieu 22,34-40 ; 7,12 ; Romains 13,8-10). En agissant ainsi il accomplira pleinement l’Ancienne Alliance (Matthieu 5,17 ; Romains 10,4), instituant en son sang une Alliance Nouvelle et éternelle (Matthieu 26,26-29 ; 1Corinthiens 11,23-26). En cette Alliance, Dieu se révèle comme Amour sans cesse offert aux pécheurs que nous sommes, Miséricorde infinie qui nous permet, de pardon en pardon, de demeurer en son Amour. Alors, ce qui est humainement impossible le devient grâce à l’action même de Dieu (Matthieu 19,25-26). Et le joug du Christ se révèle léger et facile à porter (Matthieu 11,28-30), car avant même de « porter » quoique ce soit, le chrétien est celui qui se laisse porter par Dieu…

zaharia_elisaveta2-500x493

            Elisabeth et Zacharie représentent donc à eux deux tout le Peuple de l’Ancienne Alliance en attente de la réalisation des promesses de Dieu. St Luc les décrit d’ailleurs comme Abraham et Sarah, ceux par qui Dieu s’était formé un Peuple. Elisabeth est en effet stérile, comme l’était Sarah (Genèse 11,29-30), et tous les deux étaient avancés en âge, comme Abraham qui avait 75 ans lorsqu’il reçut l’appel de Dieu (Genèse 12,4) et 90 lorsqu’il mettra au monde Isaac (Genèse 17,15-17 ; 18,9-15). La boucle est bouclée… Avec son Peuple et par son Peuple Israël, du moins par ceux qui s’ouvriront à son action, Dieu va maintenant faire toutes choses nouvelles (Isaïe 43,19 ; 65,17) en se constituant un Peuple Nouveau appelé à s’étendre jusqu’aux extrémités de la terre… Là, il n’est plus question d’être Juif ou païen (Galates 3,26-29), mais simplement « fils et fille de Dieu », dans l’Amour…

            Ainsi, lorsque Zacharie recevra de l’Ange Gabriel l’annonce de la naissance prochaine d’un fils, il aurait dû se souvenir de ce que Dieu avait déjà fait pour Sarah et Abraham, ainsi que pour tant d’autres (Juges 13,2-5 ; 1Samuel 1,5-6), et ne pas douter…

            Zacharie entre donc dans le bâtiment central du Temple de Jérusalem. Il était constitué de deux pièces, séparées d’un rideau (Marc 15,38) :

Temple-de-Jérusalem

1 – La première était appelée « Le Saint ». Seuls les prêtres pouvaient y entrer pour présenter à Dieu les offrandes, faire brûler de l’encens en sa présence (Luc 1,9)…

2 – La seconde était « Le Saint des Saints », une pièce où, croyait-on, Dieu Lui‑même habitait. Personne n’avait le droit d’y entrer sinon le Grand Prêtre, une fois par an, au jour du Grand Pardon (Hébreux 9,6-7).

          ange gabriel et zacharie  Et St Luc souligne bien que l’Ange Gabriel va apparaître à Zacharie alors que « toute la multitude du Peuple était en prière » (Luc 1,9) : c’est en effet dans la prière et par la prière que tout arrive, pour le Christ (Luc 3,21-22 ; 6,12-13 ; 9,28-31 ; 11,1-4 ; 22,39-46) comme pour nous (Luc 5,12-13 ; 11,13 ; 18,1 ; Actes 4,31 ; 9,40 ; 10,1-6 ; 12,11-17 ; 22,17-21 ; 28,8)…

            L’Ange se manifeste, le monde de Dieu se manifeste, Zacharie prend peur, mais l’Ange le rassure, « Sois sans crainte », car tout en Dieu n’est qu’Amour (1Jean 4,16‑18). Il vient lui annoncer une Bonne Nouvelle qui lui apportera beaucoup de joie : la naissance prochaine d’un fils qu’il appellera « Jean », un nom qui signifie « Dieu est favorable » . Tout le début de l’Evangile baigne d’ailleurs dans une atmosphère de joie (Luc 1,14 ; 1,44 ; 1,46-47 ; 1,57-58 ; 2,10-11) : lorsque Dieu agit pour les hommes, il ne peut que semer de la joie (Luc 8,13 ; 13,17 ; 19,6 ; 19,37 ; 24,41 ; 24,52) alors même que nous pouvons connaître les plus grandes épreuves (2Corinthiens 1,3-7 ; 7,4).

            « Il ne boira ni vin ni boisson forte »… Boire du vin serait-il un péché ? Mais non… « Le vin réjouit le cœur de l’homme », dit le psalmiste (Psaume 104,13-15). Jésus boira du vin, avec une telle simplicité qu’on le traitera d’ivrogne (Luc 7,34)… Aux noces de Cana – les noces duraient à l’époque une semaine – il en offrira plus de 700 litres à ces jeunes mariés qui, dans leur pauvreté, allaient en manquer (Jean 2,1-12). Enfin, Jésus prendra le fruit de la vigne pour instituer « le sacrement de la vie chrétienne » par lequel, ressuscité, il nous transmettra la Vie et la Joie de Dieu (Luc 22,19-20 ; Jean 6,53-58).

            Présenter Jean-Baptiste comme ne buvant ni vin ni boisson forte nous renvoie en fait au Livre des Nombres et aux usages en vigueur à l’époque pour ceux qui désiraient se consacrer totalement au Seigneur pendant une période donnée (Nombres 6,1-8 ; cf Ac 18,18). Le fait que Jean-Baptiste ne boira jamais de vin et de boisson forte, manifestera donc, dans le contexte de son époque, qu’il sera, pendant toute sa vie, un « consacré au Seigneur », un Serviteur du Seigneur.

ob_7a6b8b_dieu-est-fidele

            Il sera en plus « rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère ». Cette dernière précision renvoie à la première parole de Dieu adressée au prophète Jérémie : « Avant de te façonner dans le sein de ta mère, avant que tu ne sortes de son ventre, je te connaissais ; je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations » (Jérémie 1,4‑5). Jean-Baptiste sera donc un grand prophète, comme Jérémie (Luc 1,76 ; 7,24-27 ; 20,6)…

Il marchera en présence de Dieu, « avec l’Esprit et la puissance d’Elie, pour ramener le cœur des pères vers les enfants, et les rebelles à la prudence des justes » (Luc 1,17). St Luc cite ici le prophète Malachie qui annonçait le retour d’Elie « avant que n’arrive le Jour du Seigneur, grand et redoutable » (Malachie 3,23-24). Selon certaines croyances, Elie, ce grand prophète qui avait été enlevé au ciel dans un char de feu (2Rois 2,11-12), devait en revenir avant l’intervention décisive de Dieu en faveur de son Peuple. St Luc déclare ici que cette prophétie s’est accomplie avec Jean-Baptiste : l’Esprit Saint qui le remplit est en effet le même que celui qui habitait le cœur d’Elie. Avec Jean-Baptiste, c’est donc « comme si » Elie était revenu (Matthieu 11,13-14 ; 17,9‑13)… Le Jour de l’intervention de Dieu est donc imminent et de fait, le Christ l’a inaugurée : avec Lui et par Lui, Dieu s’est manifesté comme étant tout proche (Marc 1,14-15 ; Matthieu 6,6), offert à notre foi et mettant tout en œuvre pour notre salut. Notons aussi que Jean-Baptiste devait « préparer au Seigneur un peuple bien disposé » (Luc 1,17). Le mot Seigneur, dans l’Ancien Testament, désigne Dieu Lui-même ; mais Jean-Baptiste présentera aux hommes… le Christ, homme parmi les hommes, mais aussi vrai Dieu (Jean 20,28)…

ESPRIT SAINT

« Le dernier Jour » est ainsi commencé au sens où notre attitude ici bas vis-à-vis de Dieu sera quelque part identique à celle que nous pourrons avoir avec lui en face à face, au delà de notre mort. Qu’allons-nous faire : reconnaître son Amour, sa Miséricorde, sa Tendresse et lui dire « Oui » pour notre plus grand bien, ou le refuser, nous détourner de Lui et laisser ainsi de côté Celui-là seul qui peut nous sauver et nous offrir la Vie et le Bonheur éternels ? Dieu, de son côté, ne juge personne (Jean 8,11) : c’est nous qui nous jugeons nous-mêmes, dès maintenant, en acceptant ou non de lui ouvrir notre cœur et notre vie (Jean 3,14-18), à Lui qui est déjà là, présent, et qui chaque jour, frappe à notre porte (Apocalypse 3,20 ; Matthieu 28,18-20). Une telle perspective souligne l’importance de nos moindres petits efforts de conversion… Et jour après jour, Dieu nous presse de choisir la Vie (Deutéronome 30,19-20 : la malédiction n’existe pas ; Dieu, en effet, ne sait que bénir ; ce mot décrit simplement l’absence de bénédiction que subit celui qui se détourne de Dieu, Lui qui est l’Unique Source de toutes bénédictions). Et notre vie la plus pleine, la plus heureuse possible, fait toute sa joie (Sophonie 3,16-18 ; Luc 15,4‑7) !

Zacharie répond à l’Ange par une phrase qui rappelle celle prononcée par Abraham juste avant que Dieu ne lui promette solennellement, par une Alliance, de lui donner une terre, à lui et à sa descendance (Genèse 15,8 ; cf Genèse 15,7-11 et 15,17‑21) : « A quoi connaîtrai-je cela ? » Mais alors qu’Abraham découvrait Dieu et lui demandait de l’aide pour croire en sa Parole, Zacharie lui, en tant que prêtre du Seigneur, aurait dû connaître, et depuis longtemps, non seulement son Dieu mais encore l’histoire d’Abraham et d’Isaac, né « d’un vieillard et d’une femme avancée en âge » (Luc 1,18) ! Mais non… Cette phrase, dans sa bouche, manifeste son manque de foi.

zacharie

Aussi Dieu va-t-il lui répondre avec humour : si c’est pour dire des bêtises, alors tais-toi, Zacharie. Toi qui n’a pas cru en la Parole qui t’étais adressée, toi qui demandais un signe, et bien, jusqu’à la naissance de ton fils tu ne pourras plus adresser la parole à qui que ce soit, et tu devras parler par signes pour te faire comprendre ! Et lorsque Jean‑Baptiste naîtra, la langue de Zacharie se déliera, et il chantera de tout son cœur la bonté et la miséricorde du Seigneur (Luc 1,59-66).

Au verset 19, St Luc nous offre ce qui pourrait être la définition d’un Ange. Tout d’abord le mot « ange » vient du verbe grec « anguéllô » qui signifie « annoncer ». Un ange est donc une créature spirituelle dont le rôle est d’être « messager de Dieu », et de fait il annoncera à Zacharie une Bonne Nouvelle, la prochaine naissance de son fils (Luc 1,19). Mais l’Ange Gabriel, dont le nom signifie « Dieu s’est montré fort », dit aussi à Zacharie « qu’il se tient devant Dieu ». Notons que le verbe est au présent. Gabriel a été envoyé par Dieu pour parler à Zacharie : on pourrait se l’imaginer quittant Dieu, au ciel, pour aller rejoindre Zacharie, sur la terre, et lui parler. Mais non ! Alors même qu’il parle à Zacharie, Gabriel se tient « devant Dieu ». Nous retrouvons indirectement combien Dieu est présent à notre monde, Présence invisible à nos yeux de chair, mais Présence offerte à notre regard de foi…

Lorsque Zacharie sort du Temple de Jérusalem, il est muet, il ne peut plus parler, il ne peut plus prononcer la bénédiction d’usage sur le peuple rassemblé (Siracide 50,20 ; Nombres 6,24‑26). Tous comprennent alors qu’il s’est passé quelque chose, mais quoi ? Il leur faudra du temps, de la patience et de la persévérance pour le découvrir…

Une fois son service accompli, Zacharie retourne chez lui et St Luc, par une petite formule toute simple, « quelque temps après », nous suggère qu’Elisabeth concevra après s’être tout naturellement unie à son mari. Certes, elle était stérile et Dieu va la guérir, mais Jean-Baptiste sera conçu comme nous tous nous l’avons été, par l’union charnelle de ses parents. Ces précisions préparent en fait le récit qui suivra où Marie concevra non pas en s’unissant à Joseph, mais en laissant Dieu faire son œuvre en elle par la puissance de l’Esprit Saint…

Jacques Fournier

Fiche 2M n°3 – Lc 1,5-25 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le doc PDF




L’Annonciation à Marie (Lc 1,26-38)

          Annonciation 3 Basilique du Rosaire LourdesLe sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, (27) à une jeune fille, une vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.

            (28) L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »

            (29) A cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.

            (30) L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. (31) Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. (32) Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; (33) il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »

            (34) Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? »

            (35) L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. (36) Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : ‘la femme stérile’. (37) Car rien n’est impossible à Dieu. »

            (38) Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. »

            Alors l’ange la quitta.

fr-evangile-illustre-2014-12-8v1

Introduction

Selon son habitude, Luc commence par bien situer ce passage dans le temps et l’histoire, en précisant l’époque, les circonstances historiques et les personnages concernés :

  • Le temps : L’Ange Gabriel est envoyé à Marie le sixième mois après la conception de Jean-Baptiste. Nous sommes donc toujours « aux jours d’Hérode, roi de Judée » (Luc 1,5), vers l’an 5-6 avant JC (Se souvenir de l’erreur de datation de Denys le Petit en 533, à Rome. Or ses calculs sont à l’origine de notre calendrier actuel…).

  • Les circonstances historiques : l’action se déroule en Galilée, dans la ville de Nazareth. Or, tout ce qui venait de la Galilée était regardé avec mépris par les docteurs de la Loi : « Es-tu de la Galilée, toi aussi ? », disent-ils à Nicodème qui tentait de défendre Jésus. « Etudie ! », la pire insulte qu’un Pharisien pouvait entendre lui, qui, chaque jour, lisait et étudiait la Loi. Et Nicodème était en plus un notable et un Maître ! « Tu verras », poursuivent-ils, « que ce n’est pas de la Galilée que surgit le prophète » (Jean 7,45-52). Et c’est vrai, la naissance du Messie devait se produire à Bethléem (Michée 5,1). Mais Dieu se servira d’un recensement ordonné par l’empereur romain César Auguste (Il régna de 30 à 14 avJC) pour que sa prophétie s’accomplisse (Luc 2,1‑7)… De plus, la ville de Nazareth elle-même, écrit André Marie Gérard (Dictionnaire de la Bible p. 980), « bourgade ignorée de l’Ancien Testament… et du monde antique », était méprisée : « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jean 1,46) se demande Nathanaël, originaire de Cana en Galilée (Jean 21,2) !

            Dieu agit toujours ainsi : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose, afin que personne ne puisse s’enorgueillir devant Dieu » (1Corinthiens 1,27-29).

        P1010618Fresque de l’Annonciation ; Basilique du Rosaire, Lourdes.

Le regard de Dieu n’est pas celui des hommes. Nous, nous jugeons selon les apparences, Dieu Lui regarde les cœurs (Isaïe 11,3; Matthieu 23,27-28; Jean 7,24). Nous, nous aimons si souvent ce qui est éclatant, hors du commun, extraordinaire… Dieu, de son côté, aime ce qui est humble, discret, petit… Ainsi Jésus, « doux et humble de cœur » (Matthieu 11,28-30), vrai Dieu mais aussi homme parmi les hommes, ira s’installer plus tard non pas dans la prestigieuse capitale d’Israël, Jérusalem, mais à Capharnaüm, une autre petite ville inconnue de cette Galilée si peu appréciée par « les grands » de son époque (Matthieu 4,12-17)…

            Lorsque Dieu vient se faire chair dans notre histoire, Il le fait donc au cœur de nos humbles réalités quotidiennes, dans une famille toute simple, habitant une ville toute simple, dans une maison toute simple, au cœur des activités les plus simples de la vie… Et Dieu agit toujours comme cela aujourd’hui… Lorsque, pour croire en lui, les hommes demandent à Jésus d’accomplir des choses extraordinaires, il se désole (Jean 4,48 ; Luc 11,29-32 ; Marc 8,11-13), car en fait, ils sont aveugles : ils ont en effet, sous leurs yeux, le Fils éternel de Dieu en personne ! Quoi de plus extraordinaire ? Et ce grand miracle de l’Incarnation se renouvelle à chacune de nos Eucharisties : par la Puissance de l’Esprit Saint, le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang du Seigneur (Luc 22,19-20 ; 1Corinthiens 11,23-25 ; Jean 6,48-58)! Savons-nous le reconnaître présent en ces humbles signes ? Consolons-nous : les disciples eux aussi ont eu du mal à reconnaître le Fils de Dieu en personne sous les apparences de cet humble menuisier de Nazareth (Marc 6,52 ; 8,17‑21 ; 8,33 ; 9,32 ; cf 6,1-6 ; Jean 6,41-42), et pourtant : « Qui m’a vu a vu le Père » leur disait Jésus (Jean 14,9).

jesus-pantocrator-wb

Mais comme tout le monde, ils avaient le cœur endurci par le péché (Isaïe 6,9‑10 (voir note en fin de document) ; Jérémie 5,21). Tels étaient les disciples de Jésus, tels nous sommes aujourd’hui. Cela nous encourage à persévérer à sa suite, lui qui est venu non pas pour les justes mais pour les pécheurs (Luc 5,31-32). Allons donc à lui tels que nous sommes, offrons-lui tout et faisons lui confiance en remettant nos cœurs entre ses mains… Comme pour ses Apôtres autrefois, il nous guérira petit à petit, Il ouvrira nos yeux (Luc 24,31), il augmentera en nous la foi (Marc 9,24), il veillera sur elle au cœur même de ses défaillances (Matthieu 14,22-33 ; Luc 22,31-32 ; Jean 17,11-12 ; 2Timothée 1,12-14) et il nous apprendra à reconnaître sa Présence non pas hors de nos humbles réalités quotidiennes, mais au cœur de celles-ci. Dieu travaille en elles, par elles, avec elles… C’est ainsi qu’Il aime habiter notre Histoire et s’offrir à notre foi (Matthieu 24,24-25). Ainsi le Père est déjà là, dans le secret, lorsque l’on se retire dans sa chambre pour prier (Matthieu 6,6). Jésus, de son côté, nous a promis de ne pas nous laisser orphelins : il viendra vers nous (Jean 14,18 ; 14,1-3 ; 17,24), de telle sorte qu’il sera avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Matthieu 28,20)… De plus, peu avant sa Passion, il nous a aussi promis d’envoyer un autre Défenseur, l’Esprit de Vérité, pour qu’Il soit avec nous à jamais (Jean 14,15-18). Ainsi, Dieu Père, Dieu Fils, Dieu Saint Esprit, tous les trois sont déjà là, présents à notre vie, et ils frappent à la porte de nos cœurs pour demeurer avec nous (Apocalypse 3,20 ; Jean 14,23)…

marierometrinitadeimont

  • Les personnages 

Marie, Μαριάμ (Mariam) en grec, µy:r“mi (Miryam) en hébreu, a deux origines possibles (André Boulet, Petite catéchèse sur Marie, Mère du Christ et Mère des hommes (Ed. Saint Paul ), p. 40) :

     1 – La sœur de Moïse s’appelait Miryam (Nombres 26,59). Ce nom peut donc provenir de l’égyptien « mir » qui signifie « la bien-aimée, l’aimée » et « yah » est la première syllabe du Nom divin « Yahvé ». Miryam signifierait alors « la bien-aimée de Dieu ».

        2 – Miryam pourrait aussi venir du syriaque « mar », un mot qui désigne « l’épouse du Souverain ». Myriam signifierait alors « la Princesse ». St Jérôme traduisait ainsi le nom de Marie par « la Dame »…

            Ne choisissons pas entre les deux : Marie est vraiment « la bien-aimée de Dieu », sa petite Princesse…

             Lorsque l’Ange vient à sa rencontre, elle habite à Nazareth, dans la maison de ses parents. Selon la tradition, ils s’appelaient Anne et Joachim… Elle était alors toute jeune, entre douze et treize ans…. Peu avant, comme c’était la coutume à l’époque, elle avait été fiancée à un homme plus âgé qu’elle, Joseph, de la maison de David. On l’appelait ainsi car il avait comme lointain parent le plus grand roi de l’histoire d’Israël, le roi David (Il régna de 1010 à 970 avant JC)… Joseph était donc venu demander à ses parents la main de Marie, et tous avaient accepté… Une petite fête avait suivi, et depuis, tous les proches de Marie, ses amis, ses voisins, l’appelaient déjà « la femme de Joseph », même si la grande cérémonie du mariage n’avait pas encore eu lieu… En général, elle se déroulait un an après ! Pendant tout ce temps, la jeune fiancée demeurait dans la maison de ses parents, et ce n’est qu’au jour de son mariage que son mari la conduisait chez lui… Pour l’instant, Marie n’habite donc pas encore avec Joseph… Elle vit chez elle, et comme elle le dira elle-même, « elle ne connaît pas d’homme » (Luc 1,34), c’est à dire, elle est toujours vierge…

            Quant à l’ange c’est la deuxième fois qu’il intervient en St Luc : nous l’avons déjà rencontré lors de l’annonce de la naissance de Jean-Baptiste à Zacharie, son père (Luc 1,19 ).

 « Salut… » ou plutôt « Réjouis-toi… »

 annonciation-6

            Le premier mot de l’Ange Gabriel à Marie est « Χαῖρε », « Kaïré », une salutation courante dans le monde grec (En Israël, la salutation habituelle est « µ/lv;, Shalom, paix »; le Christ ressuscité saluera ainsi ses disciples : « Paix à vous » (Jean 20,19 ; voir aussi Jean 20,21.26 ; Luc 24,36 ; Matthieu 10,12-13 ; Luc 10,5)). Mais souvenons-nous que Luc est un homme de culture grecque qui écrit pour des personnes de même culture, notamment Théophile, un nom grec qui signifie « aimé de Dieu » ou « qui aime Dieu ».  « Kaïré » correspond donc à notre « Salut ! » ; on la retrouve en Matthieu 26,49 ; 27,29 ; Jean 19,3 et Marie comprendra bien cette parole de l’Ange comme une salutation (Luc 1,29).

            St Jérôme la traduira en latin « Have », une traduction qui a donné notre « Avé Maria »…

L’Ange « salue » donc bien Marie par un petit mot courant, plutôt matinal pour certains, bref, tout simple et rempli de tendresse… Néanmoins, si fréquent que puisse être ce « salut » dans la bouche des hommes, il s’agit tout de même ici d’une Parole de Dieu adressée à Marie. Sa portée dépasse donc notre simple « bonjour », aussi chaleureux soit-il… Marie ne s’y trompe pas : elle « réfléchit »… Après l’instant de la surprise, elle se demande ce que veut dire cette salutation. Déjà, dans la foi, elle cherche à comprendre (Luc 1,29 ; 2,19 ; 2,51) Demandons à Marie la grâce d’être comme elle, attentive à l’action de Dieu dans notre vie, et cherchant toujours à mieux le connaître et à mieux comprendre ce qu’il désire accomplir pour chacun d’entre nous…

Beaucoup pensent donc qu’il faut interpréter ici « Kaïré » non pas comme une banale salutation, mais comme une invitation à la joie car le sens premier de « Kaïré », qui vient du verbe « Χαίρω, kaïrô, se réjouir », est : « Réjouis-toi ! ». Et de fait, juste après, Marie dira à Elisabeth, en se rappelant cet instant unique vécu avec l’Ange : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit a tressailli de joie en Dieu mon Sauveur… Oui, désormais, toutes les générations me diront bienheureuse » (Luc 1,46-50)…

JESUS-CHRIST_EST_JOIEAu début de son Evangile, St Luc insiste beaucoup sur la joie (Luc 1,14 ; 1,44 ; 1,47 ; 1,58 ; 2,10) et sur la miséricorde de Dieu, un mot qui intervient cinq fois dans le premier chapitre (Lc 1,50 ; 1,54 ; 1,58 ; 1,72.78 ; le chiffre « cinq » dans la Bible est symbole de la Parole de Dieu : les dix Paroles (2×5) ; Jésus, en Lc 9,10-17, qui nourrit cinq mille hommes (l’ensemble du Peuple d’Israël invité à trouver le chemin de la vie en obéissant à la Parole de Dieu) avec cinq pains multipliés (désormais, la Parole de Dieu nous est pleinement révélée et donnée par Jésus, le Fils). Ici, avec ce mot miséricorde répété cinq fois, la Parole qui nous est tout spécialement adressée est révélation de Dieu en tant qu’Amour Miséricordieux, Lui qui veut le salut de tous les hommes (Jean 3,16-17 ; 1Timothée 2,3-6). Et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait » (Ps 135,6). A nous maintenant de nous laisser faire, de nous laisser aimer, de nous laisser pardonner, purifier, vivifier en lui offrant jour après jours toutes nos misères et toutes nos fautes… Et il ne se lassera pas d’être « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29).

Ce mot « miséricorde » disparaît ensuite pour ne revenir qu’une seule fois dans une invitation à agir nous aussi comme Dieu agit, c’est-à-dire « avec miséricorde » (Luc 10,36-37 ; Matthieu 9,13 ; Luc 6,36). Par cette insistance, que nous ne devrons pas oublier par la suite, St Luc souligne combien toute action de Dieu pour nous s’enracine dans l’Amour de Miséricorde qu’il nous porte, un Amour qui ne peut que semer gratuitement la joie dans notre vie, si nous l’accueillons…  Et c’est bien ce que fera Jésus dans tout l’Evangile (Luc 8,13; 13,17; 19,6 ; 19,37; 24,41 ; 24,52), déclarant « heureux » ceux qui l’accueillent (Matthieu 5,1-12 ; 11,6 ; 13,16 ; 16,17 ; 17,4 ; 24,46 ; Luc 11,27-28 ; 12,37-38 ; 12,43 ; Jean 13,17 ; 20,29).

            ESPRIT SAINT 1Ouvrir son cœur à Dieu, accueillir son projet de salut sur l’humanité, collaborer étroitement à sa mise en œuvre, est donc pour Marie une très grande joie, un bonheur profond, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne connaîtra pas d’épreuves. Elle devra hélas en supporter beaucoup de la part des hommes, mais Dieu sera toujours avec elle pour l’encourager, la consoler, la soutenir… En 2Corinthiens 1,3-11, la Bible de Jérusalem écrit en note : « Paul insiste constamment sur la présence de réalités antagonistes, voire contradictoires, dans le Christ, l’apôtre et le chrétien: souffrance et consolation, mort et vie, pauvreté et richesse, faiblesse et force. C’est le mystère pascal, la présence du Christ ressuscité au milieu du monde ancien de péché et de mort ».

            De plus, avec ce « Réjouis-toi » lancé par l’Ange, St Luc fait très certainement allusion à tout un ensemble de textes de l’Ancien Testament où le Peuple de Dieu est invité à se réjouir du Salut offert par le Seigneur. Dans ces lignes, Israël est nommé du nom de sa capitale, Jérusalem, ou encore par l’appellation « Fille de Sion », Sion étant le nom de la colline de Jérusalem au sommet de laquelle le Temple avait été construit. Regardons quelques uns de ces passages :

 joie-300x225                        1 – Sophonie 3,14-17 (écrit vers 630 avant JC) ; « Réjouis-toi » intervient au tout début (L’Ancien Testament a été écrit en hébreu. Mais nous retrouvons le mot grec kaïré dans la traduction grecque réalisée à Alexandrie au 3° siècle avant JC. On l’appelle « la Septante ». Le Nouveau Testament, écrit en grec, cite très souvent l’Ancien Testament à partir de la Septante.). La raison profonde de cette joie nous est donnée par deux fois : « Dieu, le Seigneur, est au milieu de toi » (3,15 et 3,17). Le verbe est au présent : le Dieu Tout Autre, le Très Haut, Celui que nul ne peut voir sans mourir (Exode 33,18-23) est dès maintenant présent au milieu des hommes, une Présence que seule la foi peut accueillir. Dans son amour, il a déjà « pardonné » toutes les fautes d’Israël, et donc « enlevé » toutes les condamnations qui pesaient sur eux (3,15 ; cf. Psaume 103,11‑12 ; Colossiens 2,14). Il ne leur reste plus qu’à accueillir ce pardon, à s’ouvrir à sa tendresse et à sa miséricorde… De plus, présent au milieu d’Israël, Il ne restera pas sans rien faire : il sera pour eux un Roi régnant avec sa Toute Puissance, ce qui lui permettra d’emporter la victoire finale sur tous leurs adversaires. Les verbes sont alors au futur : « tu ne verras plus de malheurs…, il te sauvera…, il te renouvellera »… Certes, pour l’instant, les épreuves ne manquent pas, mais le Seigneur combat avec eux et pour eux. Qu’ils se réjouissent donc de ce salut que Dieu leur promet ; il viendra, ce n’est plus qu’une question de temps, et ce jour-là, Dieu Lui-même se réjouira de leur bonheur : « il exultera pour toi de joie, il dansera pour toi avec des cris de joie » !

Marie - Musée de Sens 2

                        2 – Zacharie 9,9-10 (écrit vers 500 avant JC). « Réjouis-toi » intervient là aussi au tout début. Israël est invité à la joie, car Zacharie lui annonce la venue imminente d’un roi : « Ton roi vient vers toi ». Le verbe est à nouveau au présent : ce Roi arrivera bientôt, sa venue est certaine. Il sera humble, juste et victorieux. Avec lui et par lui, le projet de Dieu s’accomplira, un projet de paix. Tous les hommes pourront en bénéficier, « jusqu’aux extrémités de la terre ». Telle sera bien la Mission du Christ Sauveur qui entrera à Jérusalem assis sur un petit âne (Matthieu 21,1-11). Et sur sa croix, Pilate fera écrire : « Celui-ci est le roi des Juifs » (Luc 23,38). Et c’est vrai : Jésus est bien ce Roi (Jean 18,37) humble (Matthieu 11,29) et victorieux du Prince de ce Monde (Jean 12,31-32) : avec Lui sa Vie l’emporte sur toutes nos morts (Jean 5,24), son pardon triomphe de toutes nos fautes (Colossiens 2,12-14 ; 3,13 ; Hébreux 8,10-12 ; 1Jean 1,9 ) et nous donne d’avoir part à sa propre Paix (Jean 14,27 ; Colossiens 3,15 ), une Paix synonyme de Plénitude (Romains 15,13 ; Colossiens 2,9-10 ; Ephésiens 3,19 ; 5,18 ; Jean 1,16). Accueillie dès maintenant par la foi, Dieu veut qu’elle règne dans nos cœurs (Philippiens 4,4-7) pour que nous puissions devenir des artisans de paix (Matthieu 5,9) qui travailleront eux aussi à « supprimer les chars de combat, à briser l’arc de guerre », pour que cesse toute violence, et que le Royaume de Dieu grandisse parmi les hommes (Romains 14,17)…

            Sophonie et Zacharie annoncent bien à eux deux tout ce qui s’est réalisé avec le Christ : Dieu était avec Lui (Jean 8,28-29), instaurant avec Lui et par Lui son Royaume (Matthieu 12,28 ; Marc 1,15 ; Luc 12,32 ; 22,29), agissant et parlant avec Lui et par Lui (Jean 5,19; 12,49-50; 14,10-11), offrant par lui son pardon (2Corinthiens 5,19), sa Vie (Jean 6,57) et sa Paix…

 que-joie

                        – Zacharie 2,14-15 : la Fille de Sion est invitée à se réjouir, car Dieu, par amour pour son peuple, prend l’initiative de venir habiter au milieu de lui. Ce jour là, « des nations nombreuses… seront pour lui un peuple ». Cette dernière formule renvoie à l’Alliance que Dieu a conclue avec Israël sur la base de la Loi donnée à Moïse (Exode 20,1-17 ; Deutéronome 26,16‑19 ; Jérémie 24,7; 31,33; 32,38-41; Baruch 2,35; Ezéchiel 11,17-20 ; 14,11 ; 37,21-28 ; Zacharie 8,7-8). Cette Loi était comme un chemin offert à la liberté de chacun : celui qui y marchait demeurait uni de cœur à son Dieu, dans l’amour (Psaume 103,17-18 ; 25,10 ; 119,64 ; 119,88 ; 119,159 ; 147,11 ; Jean 15,10) et il trouvait avec Lui le bonheur (Psaume 119,1-2 ; 119,35 ; 119,47 ; Deutéronome 4,39-40 ; 5,32-33 ; 10,12-13 ; Isaïe 48,18). Comme le précise une note de la Bible de Jérusalem, « l’alliance est ici étendue à tous les peuples ». Et telle est bien, dès le commencement du monde, la perspective de Dieu : de son côté, il vit déjà « en alliance » avec tous les hommes (Genèse 9,8‑17)… Et pour que sa Présence soit reconnue et accueillie, il choisira Abraham et tous ses descendants, et les appellera à être les Serviteurs de cette Alliance Universelle : « en toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Genèse 12,3). La TOB écrit en note : « A travers Abraham et toute sa descendance, c’est l’ensemble des nations qui est bénie par le Seigneur ». Enfin, pour que ce projet puisse s’accomplir en Plénitude, Dieu enverra son Fils né de la Vierge Marie. En prenant sur lui le péché du monde, il s’unira à nos ténèbres pour nous arracher à leur pouvoir et nous transférer dans son Royaume de Lumière (Colossiens 1,13-14), en son Amour … Telle est cette Bonne Nouvelle déjà offerte à notre foi. Le Christ ressuscité nous invite à l’annoncer au monde entier (Matthieu 28,18-20 ; Marc 16,15-18)…

            L’allusion probable de St Luc à tous ces textes, et il y en aurait d’autres de la même famille (Isaïe 12,1-6 ; 52,7-10…), a conduit l’Eglise chrétienne d’Orient à traduire le plus souvent la salutation de l’Ange par « Réjouis-toi ! ». L’hymne « Acathiste », composée vraisemblablement par Romanos le Mélode au 6°-7° siècle pour la fête de l’Annonciation, dit par exemple :

 joie

« Un ange… fut envoyé du ciel dire à la Mère de Dieu :

            Réjouis-toi ! Et saisi d’admiration, en vous voyant, Seigneur,

            vous incarner à cette Parole immatérielle, il se tenait devant elle en s’écriant :

                                   Réjouis-toi, toi par qui resplendira la joie! (…)

                                   Réjouis-toi, toi le relèvement d’Adam déchu ! (…)

                                   Réjouis-toi, car tu es le trône du grand Roi !

                                   Réjouis-toi, car tu portes Celui qui porte toutes choses!

                                   Réjouis-toi, Etoile annonciatrice du soleil !

                                   Réjouis-toi, Sein de la divine incarnation !

                                   Réjouis-toi, toi par qui est renouvelée la création !

                                   Réjouis-toi, toi par qui et en qui est adoré le Créateur !

                                   Réjouis-toi, Epouse inépousée ! Vierge ! »

 Marie Basilique du Rosaire LourdesBasilique du Rosaire, Lourdes

            L’Ange aurait pu aussi dire à Marie, fille d’Israël : « Réjouis-toi, Fille de Sion ! ». En fait, au moment de sa visite, Marie rassemble en elle tous les désirs et les espérances d’Israël. Avec elle, c’est tout le Peuple de Dieu, ouvert aux dimensions de l’humanité tout entière, qui est invité à se laisser combler au plus intime de l’être par Celui qui vient offrir aux pécheurs son amour, sa grâce et son pardon. Marie nous apparaît donc ici toute proche. Avec nous, elle chante : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur »… Elle-même se comprend donc comme une Sauvée par l’Amour et la Miséricorde du Seigneur… Elle est ainsi tout à la fois notre Sœur aînée dans la foi, mais aussi notre Mère dans ce même ordre de la foi, de par la volonté de Dieu notre Père (cf Jean 19,25-27, où le disciple bien-aimé représente tous les disciples du Christ). Comme l’écrit St Paul, il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous (Ephésiens 4,5-6), un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus (1Timothée 2,5), et l’on pourrait rajouter « Marie notre Mère », toujours à nos côtés pour nous aider à accueillir son Fils et à vivre de sa Vie…

            « O Marie ! Nom béni que j’aime et que je vénère du plus profond de mon être ! Je l’atteste par mon expérience : quand un cœur a reçu du ciel le don précieux de recourir à Marie dans ses peines, ses dangers, ses épreuves, ce cœur est pacifié, reposé, béni ! »

                                               (Jacques Fesch, un des derniers condamnés à mort français)

 je_vou23

Marie, la « Comblée-de-Grâce »

            St Luc utilise ici un terme grec rare et difficile à traduire, κεχαριτωμένη. Les nuances qu’il exprime sont les suivantes : Dieu, à un instant du passé, a totalement « rempli » Marie de sa grâce, et cette action a opéré en elle un changement. De plus, cet état d’être « rempli de grâce » et ce changement demeurent toujours au moment où l’Ange lui parle…

            Notons aussi que le terme en question joue le rôle d’un nom dans la bouche de l’Ange : il appelle Marie « la Comblée de Grâce ». Or le nom dans la Bible, renvoie toujours au mystère de la personne qui le porte. Elisabeth, par exemple, était appelée « la stérile » (Luc 1,36), car elle n’avait jamais pu avoir d’enfant. Marie, elle, depuis qu’elle existe, depuis sa conception dans le sein de sa mère, est « la Comblée de Grâce », celle en qui Dieu est tout (1Corinthiens 15,28) : en elle, pas de ténèbres (1Jean 1,5). Nous sommes donc tout près ici de ce que l’Eglise affirmera solennellement le 8 décembre 1854 dans le dogme de l’Immaculée Conception : dès l’instant de sa conception, Marie a été totalement « remplie » de la grâce de Dieu, et cette grâce a opéré en elle un changement par rapport à nous : elle l’a préservée de la blessure du péché. Tout ceci est le fruit de l’œuvre rédemptrice accomplie par le Christ. Lorsque Jésus meurt sur la Croix pour notre salut, il le fait en effet pour tous les hommes de tous les temps, passé, présent et futur. Marie sera donc elle aussi « sauvée » par l’offrande de son Fils, un salut qui sera mis en œuvre pour elle dès sa conception afin qu’elle puisse répondre à sa vocation : être cette Mère Sainte d’où naîtra, grâce à l’action de l’Esprit Saint, un « Etre Saint », Jésus, le Fils Unique et Eternel de Dieu (Luc 1,35).

            annonciation-vierge Fra AngelicoCe que Marie a reçu dès sa conception, nous sommes invités à le recevoir nous aussi tout au long de notre vie, pour être au ciel comme elle : remplie uniquement par la grâce de Dieu… Elle nous montre donc le chemin, et elle nous aide à faire les efforts de conversion nécessaires pour correspondre à la grâce que Dieu, dans son amour, nous offre sans cesse. Fruit de l’œuvre de salut accomplie par le Christ, cette grâce, reçue en plénitude au jour de notre baptême, nous donne déjà gratuitement « d’être des enfants de Dieu » appelés à « être saints et immaculés dans l’Amour », avec Marie et comme Marie (Ephésiens 1,3-8 ; 5,25-27 ; 1Jean 3,1-2). Mais il nous faut maintenant puiser dans ce don de l’Esprit toujours offert pour qu’il puisse passer effectivement dans toute notre vie : avec lui et grâce à lui, nous essaierons d’éliminer de notre existence, petit à petit, toute violence, toute injustice, pour apprendre, toujours petit à petit, à aimer comme le Christ nous aime (Ephésiens 5,8-11 ; Galates 5,13-26)… Grâce à Dieu, cette conversion est possible, et le but peut être atteint ; sans Lui, nous en sommes incapables (Luc 18,24‑27)..

            « Même si ses péchés étaient noirs comme la nuit, en s’adressant à ma Miséricorde, le pécheur me glorifie et fait honneur à ma Passion. A l’heure de sa mort, moi-même je le défendrai comme ma Gloire. Lorsqu’une âme exalte ma bonté, Satan tremble devant elle et la fuit jusqu’au fond de l’enfer…

On ne puise ma Miséricorde qu’avec la coupe de la confiance. Plus on a confiance, plus on obtient. J’aime que l’on me demande beaucoup, car je désire donner beaucoup et de plus en plus… Je suis Saint et le moindre péché me fait horreur. Mais lorsque les pécheurs se repentent, ma Miséricorde est sans limites. Les plus grands pécheurs pourraient devenir de très grands saints s’ils se fiaient à ma Miséricorde. Mon cœur déborde d’amour pour tout ce que j’ai créé. Je trouve mes délices à justifier les âmes. Mon royaume ici-bas, c’est ma vie dans les âmes.

Je suis tout Amour et toute Miséricorde. Une âme qui se fie à moi est bienheureuse, car moi-même je prends soin d’elle » (Le Christ à Sœur Faustine).

Et Jacques Fesch, peu de temps avant d’être guillotiné écrivait : « Il faut être pur comme le Christ pour pouvoir le contempler… Jésus veut m’emmener avec Lui au Paradis. Jésus peut tout en nous… Je crois que j’irai au ciel tout droit »…

Marie, Servante du Seigneur

 tableau_annonc

        De la bouche de l’Ange, Marie découvre le mystère de ce Fils qu’elle mettra au monde : il sera « grand », comme Dieu seul est « grand », il sera « Fils du Très Haut » comme seul peut l’être le Fils Unique, Celui qui depuis toujours et pour toujours se reçoit entièrement de son Père par l’Esprit Saint. Là encore, il recevra son humanité de son Père. En effet, de Marie Sainte, Immaculée, et de l’action de l’Esprit Saint en elle naîtra un Etre Saint, qui offrira par la suite à tous les hommes de pouvoir renaître de ce même Esprit pour une Vie nouvelle, éternelle et bienheureuse (Jean 1,12-13 ; 3,1-8). Projet formidable auquel Marie est heureuse de collaborer : « Voici la servante du Seigneur. » γένοιτό μοι κατὰ τὸ ῥῆμά σου, je désire de tout mon être qu’il arrive pour moi selon ta Parole, suggère le mot grec employé par St Luc…

                                                                                                        D. Jacques Fournier

Note 1 : A propos d’Is 6,9-10 : Dieu déclara à Isaïe : « Va dire à ce peuple :Écoutez bien, mais sans comprendre ;regardez bien, mais sans reconnaître. (10) Alourdis le cœur de ce peuple, rends-le dur d’oreille, bouche-lui les yeux ;il ne faut pas qu’il voie de ses yeux, qu’il entende de ses oreilles, que son cœur comprenne, qu’il se convertisse et qu’il soit guéri. »
            Nous avons ici un exemple du langage de l’Ancien Testament : la prédication d’Isaïe manifestera que les Israélites avaient le cœur « engourdi », « endurci », « appesanti » : ils étaient aveugles et sourds de cœur. Ce texte si important sera repris par St Matthieu et St Jean qui l’appliqueront à tous les hommes (Matthieu 13,14-15 ; Jean 12,40 : « il (le péché) a aveuglé leurs yeux »…). Les guérisons physiques d’aveugles et de sourds opérées par Jésus manifesteront son action invisible mais concrète et efficace dans les cœurs : grâce à Lui, les hommes passeront des ténèbres du péché et de l’orgueil à la lumière de Dieu (Matthieu 4,16 ; Jean 8,12 ; 9,39 ; 12,46 ; Actes 26,14-18 ; Colossiens 1,13-14), et grâce à cette lumière intérieure (Ephésiens 1,17‑20), ils pourront percevoir les richesses intérieures de Jésus : Il est Dieu comme son Père est Dieu (Jean 1,18 (TOB) ; 20,28 ; Romains 9,5 ; Philippiens 2,6 ; Colossiens 2,9 ; Tite 2,11-13) ; il possède lui aussi pleinement la nature divine (Jean 16,15 ; 3,35), sa Majesté, sa Vie (Jean 5,26 ; 6,57), sa Lumière (Jean 8,12 ; 1Jean 1,5) et sa Gloire (Jean 17,24) de telle sorte que celui qui a vu la Gloire de Jésus a vu du même coup la Gloire de Dieu son Père et notre Père (Jean 20,17) : « Qui m’a vu a vu le Père »… Aujourd’hui encore, nous sommes invités à ce même regard de foi…

 

Fiche n°2 – Lc 1,26-38  : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF




La visite de Marie à Elisabeth (Lc 1,39-45)

imagesCKRWOFHB(39)    En ces jours-là,

               Marie se mit en route rapidement

               vers une ville de la montagne de Judée.

(40)    Elle entra dans la maison de Zacharie

               et salua Élisabeth.

(41)    Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle.

          Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint,

(42)    et s’écria d’une voix forte :

            « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.

(43)    Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?

(44)    Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation,

            l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi.

(45)    Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles

                        qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

            L’Ange vient d’annoncer à Marie sa vocation : devenir la Mère du Sauveur. « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » lui répondit-elle… Et l’Ange la quitta (Luc 1,38)… Après cet instant inoubliable, Marie retrouve la foi, et elle agit dans la foi à la lumière de tout ce qu’elle vient d’apprendre. L’Ange lui avait dit : « Voici qu’Elisabeth, ta parente, vient elle aussi de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile, car rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1,36). Aussitôt Marie réagit à cette parole : elle rassemble ses affaires et part « en toute hâte » voir sa cousine… Selon la tradition, Elisabeth et Zacharie habitaient à Aïn Karim, dans les montagnes de Judée, à 6 km à l’ouest de Jérusalem. Ce départ en toute hâte (expression unique en St Luc) témoigne de sa simplicité, de la spontanéité de son obéissance et de son entière disponibilité… Avec Marie, la Parole commence à faire son chemin … Le Verbe fait chair la sèmera sur les routes de Palestine, et Paul la portera jusqu’à Rome, symbole des extrémités de la terre habitée (Actes 28,16.30-31).

            Regardons maintenant comment ce texte et construit. Des évènements tout simples en apparence prennent une toute autre profondeur à la Lumière de l’Esprit Saint…

Lc 1,39-45: la Visitation

                                                            Marie

(40)    Et Marie entra dans la maison de Zacharie

                                                        et elle salua Elisabeth.

 

                                                            Elisabeth    

(41)    1 –      Et il advint comme Elisabeth entendit la salutation de Marie

           2 –      que l’enfant tressaillit en son sein

           3 –      et Elisabeth fut remplie d’Esprit Saint,

(42)    et elle s’écria d’un grand cri et elle dit :

(43)

       Bénie es-tu entre les femmes 

       et béni est le fruit de ton sein

       et comment se fait-il que la mère de mon Seigneur

                                                                                         vienne à moi ?

(44)   1’= 1 + 3       Voici en effet comme la voix de ta salutation

                                                                                              advint à mes oreilles

            2‘= 2 + 3     que l’enfant tressaillit d’allégresse en mon sein.

(45)   Et heureuse celle qui a cru

                                   qu’il y aura un accomplissement

                                                                       de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur.

visitation3

 

            Lorsque l’Ange s’était manifesté à Marie, il avait commencé par la saluer. Dès que Marie entre chez sa cousine, elle aussi la salue… « Il y a beaucoup de salutations dans ces chapitres », écrit François Bovon, « parce qu’il y a beaucoup de rencontres. Et il y a beaucoup de rencontres, car Dieu intervient et inaugure le salut au travers de relations humaines. La salutation devient ici un signe d’amour et, tout comme les naissances annoncées, commencement d’une vie nouvelle ».

« Dieu intervient et inaugure le salut au travers de relations humaines »… C’est ce qu’il faisait déjà par l’intermédiaire de ses prophètes (Isaïe 45,20-22), mais tous ont été rejetés. Aussi Dieu, dans sa Miséricorde (Ecclésiastique (ou Siracide) 2,6-11), bouleversé par nos péchés et par leurs conséquences (Ezéchiel 18,31-32 ; 33,11), décida de nous envoyer son Fils (Luc 20,9-15a). Il est cet Astre d’En Haut qui nous a visités « dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Luc 1,76-79) : il est venu par amour (Jean 3,16-17) nous révéler à quel point Dieu nous aime (Jean 17,22-23 ; Romains 5,8 ; Ephésiens 2,4-6 ; 2Thessaloniciens 2,16-17 ; 1Jean 4,9-11). Dieu est Amour (1Jean 4,8.16), tel est son Nom, et Jésus a manifesté ce Nom aux hommes (Jean 17,6 ; 1,18) par ses Paroles et par ses actes. Le regarder, c’est regarder l’Image de ce Dieu Invisible (Colossiens 1,15) qui n’est qu’Amour. Découvrir à quel point le Christ nous aime (Marc 10,21 ; Jean 11,3.5.36 ; 13,1.34 ; 15,9 ; Romains 8,35-37 ; Galates 2,20 ; Ephésiens 5,1‑2 ; 5,25-27 ; Apocalypse 1,5-6), c’est découvrir à travers Lui et par Lui l’amour de Dieu notre Père pour chacun d’entre nous. Et cet amour nous rejoint au plus profond de nous-mêmes (Jean 17,26) par le don de l’Esprit Saint (Romains 5,5) que Dieu veut communiquer à tous les hommes (Jean 7,37-39) pour qu’ils trouvent avec lui la vie éternelle (Galates 5,25) et la paix (Galates 5,22-23 ; Romains 14,17 ; Actes 10,36 ; Ephésiens 2,17-18).

Dieu-est-capable-680x365

Dieu est entré en relation avec les hommes par son Fils, le Verbe fait chair (Jean 1,14). Aujourd’hui encore, le Père continue d’entrer en relation avec le monde par son Eglise. En effet, chaque baptisé a reçu le même Esprit Saint, cet Esprit qui habite en plénitude le cœur du Christ (Romains 8,9). Sa Présence au cœur du croyant est régulièrement alimentée par les sacrements, notamment l’Eucharistie : tous communient au même Corps et au même Sang par lesquels ils reçoivent une même Vie éternelle, celle de l’Esprit Saint (Jean 6,54 ; 6,63). Dans la foi et par leur foi, ils sont alors unis au Christ ressuscité (1Thessaloniciens 5,9-10) dans la communion d’un seul et unique Esprit (Ephésiens 4,3). Pour l’expliquer, St Paul prend l’image d’un corps (Ephésiens 4,4 ; 1Corinthiens 12,12-13) : tous sont comme les membres d’un seul et unique Corps, nourris du même Sang, vivants de la même Vie, et le Christ est la Tête de ce Corps (Ephésiens 1,22-23) : c’est d’abord Lui qui l’organise (Matthieu 16,18), donnant à chacun la place qui lui correspond pour le bien de tous (Ephésiens 4,7-12). Et c’est toujours Lui qui, par les uns, par les autres, et par l’action de l’Esprit Saint, continue d’entrer en relation avec les hommes pour leur manifester l’Amour de Dieu et leur offrir le salut (Romains 15,17-19 ; 2Corinthiens 13,3 ; Luc 10,16)… Nous comprenons mieux alors, dans la foi et avec un regard de foi, l’importance de notre lien avec notre Pape, et avec celui qu’il a nommé dans notre diocèse pour le représenter (Matthieu 16,18). Avec eux et par eux, le Christ Lui-même continue aujourd’hui de bâtir son Eglise, de la guider (Luc 10,16), de l’éclairer par son Esprit pour qu’elle puisse toujours annoncer la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu : Il est là, tout proche, offert à notre foi, et il veut que tous les hommes soient sauvés (1Timothée 2,3-6)…

P1010614

 Mosaïque de la Visitation, Basilique du Rosaire, Lourdes

L’épisode de la Visitation est l’exemple type de ce mystère de communion où Dieu vient transfigurer toutes nos relations humaines :

  • Marie est tout d’abord « la Comblée de Grâce » (Luc 1,28), celle que Dieu, dans sa Miséricorde, a totalement « remplie » par sa grâce dès les premiers instants de sa Conception. Elle est ainsi « l’Immaculée Conception ». En elle, aucune trace de péché ni de ténèbres : elle est parfaitement à l’image et ressemblance de ce Dieu qui n’est que Lumière (1Jean 1,5) ; elle est pleinement unie à Lui dans la communion de l’Esprit Saint.

  • De plus elle porte en elle Jésus, le Fils Unique et éternel de Dieu, Celui « en qui habite corporellement la Plénitude de la Divinité » (Colossiens 2,9), celui qui est de condition divine (Philippiens 2,6), vrai homme mais aussi vrai Dieu (Jean 1,1 ; 20,28). Lui et le Père, en face à face dans l’Amour, sont UN dans la communion de cet Amour (Jean 10,30), car tous les deux possèdent pleinement l’insondable richesse de cet unique Esprit qui est Amour (Ephésiens 3,8 ; 4,4 ; Jean 16,15 ; Romains 5,5)… Le Fils est ainsi pleinement uni à son Père dans la communion de l’Esprit Saint…

  • De son côté, Elisabeth porte en elle Jean-Baptiste. Or, l’Ange Gabriel avait déclaré à son sujet : « Il sera rempli d’Esprit Saint dès le sein de sa mère » (Luc 1,15). Dieu a donc déjà donné à cet enfant de lui être tout particulièrement uni dans la communion d’un même Esprit…

  • Enfin, au moment où Marie entre et la salue, Elisabeth fut remplie d’Esprit Saint (Luc 1,41). Gratuitement, par amour, Dieu vient de la combler elle aussi de toutes les richesses de son Esprit. En cet instant, Elisabeth participe à l’Etre de Celui qui s’appelle « Je Suis » (Exode 3,14). Or Dieu Est tout en même temps Esprit (Jean 4,24), Lumière (1Jean 1,5), Amour (1Jean 4,8.16) et Paix (2Thessaloniciens 3,16 ; Romains 15,33 ; 16,20 ; Philippiens 4,9 ; 1Thessaloniciens 5,23 ; Hébreux 13,20-21). Unie à Dieu dans l’Amour et la communion de l’Esprit Saint (2Corinthiens 13,13), Elisabeth devient capable, à la Lumière de cet Esprit, de reconnaître la présence de ce même Esprit en ceux et celles qui l’entourent. « Par ta lumière, nous voyons la Lumière » dit le Psalmiste (Psaume 36,10). Nous avons besoin de la Lumière intérieure de l’Esprit de Dieu pour connaître Dieu (Ephésiens 1,17‑19 ; 1Corinthiens 2,10-11) et reconnaître sa Présence et son action dans nos cœurs, dans nos vies (1Corinthiens 2,12) et dans la vie de ceux et celles qui nous entourent… C’est ce qu’Elisabeth découvre ici, émerveillée…

 saint-espritAlors, par l’Esprit de Vérité, Elisabeth est introduite dans la Vérité tout entière (Jean 16,13) ; à la lumière de l’Esprit, la Présence de Dieu s’offre au regard de sa foi. Elle comprend que :

                        – 1 – Marie est vraiment « la Comblée de Grâce », celle qui est « bénie, entre toutes les femmes », celle en qui Dieu est déjà « tout » par son Esprit (1Corinthiens 15,28).

                        – 2 – Jésus vient tout juste d’être conçu en Marie par l’action de l’Esprit Saint. Rien n’est encore visible à l’œil nu, et pourtant Elisabeth comprend que « le fruit de son sein est béni ». Marie porte en elle Celui qui est la Plénitude de la Bénédiction, la Source de toute bénédiction : Jésus, le Fils Unique, en qui Dieu le Père a placé toutes les bénédictions qu’il nous destine (Galates 3,13-14 ; Ephésiens 1,3 ; Romains 15,29 ; 1Pierre 3,9 ; Jean 1,14 lu avec 1,17 : « la grâce et la vérité » dont Jésus est rempli sont aussi pour nous…).

Elisabeth appelle alors sa petite cousine Marie « la Mère de mon Seigneur », d’où viendra plus tard l’expression « Mère de Dieu », Jésus Seigneur étant vrai Dieu. En général, l’Ancien Testament réserve à Dieu ce titre de Seigneur et de fait, il n’était apparu jusqu’à présent, dans l’Evangile selon St Luc, que pour désigner « Dieu le Père » (Luc 1,6.9.11.15.16.17.25.28.32.38). Et c’est ici, au moment de la Visitation, alors que Jésus est toujours dans le sein de Marie, qu’il est appelé pour la première fois : « Seigneur »… « Par Marie à Jésus », lit-on dans la Basilique du Rosaire à Lourdes… Nous en avons ici un nouvel exemple… Puis le titre de Seigneur sera de nouveau attribué à « Dieu le Père » sept fois de suite (Luc 1,45.46.58.66.68.76 ; 2,9) et il faudra attendre la Parole de l’Ange aux bergers pour le retrouver appliqué à Jésus (Luc 2,11).

 joie1

                        – 3 – Au moment où Marie entra et salua Elisabeth, Jean-Baptiste « tressaillit en son sein ». Pour St Luc, l’Esprit Saint, qui remplissait déjà le cœur de cet enfant, lui a donné de percevoir la Présence toute proche, en Marie, de Celui dont il préparera plus tard le chemin (Luc 3,1-6 ; 3,15-18). Il réagit ici en prophète, annonçant par son geste la Présence de Dieu en ce monde : Il est là, par son Fils, caché dans le sein de Marie. Et Elisabeth, à la lumière de l’Esprit Saint, comprend que ce tressaillement de Jean-Baptiste vient de Dieu : il ne s’agit pas d’un banal mouvement de plus. Non, Jean‑Baptiste a tressailli d’allégresse en présence de Celui qui n’est que Bonté et qui apportera à toute l’humanité la joie profonde de se savoir aimé et sauvé (Luc 2,10-11 ; 13,17 ; 19,1-6 ; 24,50-53 ; Jean 3,29 ; 15,11 ; 16,22 ; 17,13 ; 20,20 ; Actes 8,5-8 ; 13,52…).

 Marie Basilique du Rosaire Lourdes

            Enfin, toujours grâce à l’Esprit Saint, Elisabeth proclame la première béatitude de l’Evangile de Luc, et elle concerne la Vierge Marie : « Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ». Marie a cru que Dieu agirait selon sa Parole, elle lui a fait confiance, elle s’est abandonnée entre ses mains, elle l’a laissé faire en elle ce qu’il désirait … Ensuite, elle n’a pu que constater tout ce que Dieu avait effectivement réalisé pour elle, et, dans son action de grâces, elle s’est déclarée « bienheureuse » (Luc 1,48). Dieu nous veut ainsi, libres et heureux avec Lui, en Lui et grâce à Lui, même si pour l’instant nous avons à traverser toutes sortes d’épreuves (Actes 14,22). Mais il nous l’a promis : il sera toujours là pour nous aider (Matthieu 28,20 ; Hébreux 2,18 ; 4,16). A ce titre, Marie nous montre le chemin et nous invite à notre tour à la confiance en Celui qui nous aime d’un amour qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer (Ephésiens 3,20-21)… Le Dieu Bienheureux (1Timothée 1,11 ; 6,13-16) veut nous donner d’avoir part à sa Joie (Jean 15,11) en nous invitant au mystère de ses noces (Apocalypse 19,9) ; si nous lui ouvrons la porte de notre cœur (Apocalypse 3,20), si nous vivons dans la vérité devant lui (Jean 17,17 ; 3Jn 1,4 ; Psaume 85,11-14 ; 89,14-19), si nous espérons en sa miséricorde (Psaume 86(85),5 ; 130(129)), si nous lui demandons la grâce de pouvoir garder sa Parole (2Timothée 1,14 ; Ezéchiel 36,27), alors il viendra Lui-même déposer sa Joie en nous (Jean 14,23) par son Esprit (Galates 5,22)… Et à la suite de Marie, « heureuse d’avoir cru », nous pourrons reprendre à notre compte cette Parole du Christ ressuscité à Thomas : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » (Jean 20,29)…

Jacques Fournier

Fiche 2M n°5 – Lc 1,39-56 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir ou imprimer le document PDF




Le Cantique d’action de grâces de Marie (Le Magnificat ; Lc 1,46-55)

magnificat 1 A – Marie servante du Seigneur loue Dieu son Sauveur 

            Marie dit alors : Mon âme exalte (littéralement : « déclare grand« ) le Seigneur,   

           et mon esprit a tressailli de joie à cause de Dieu mon Sauveur,

 

           B – L’action de Dieu pour Marie

(48)         car il a jeté les yeux sur l’humilité de sa servante

                  Voici en effet qu’à partir de maintenant

                                               toutes les générations me proclameront heureuse,

 

                           C – Qui est Dieu pour Marie, d’après ses actes… 

(49)                                        car Le Puissant a fait         pour moi de grandes choses.

                                                          Et Saint (est) son Nom,                                                    

(50)                                       Et sa Miséricorde (est)      pour des générations

                                                                                                                      et des générations

                                                                                              pour ceux qui le craignent.

           B’ – L’action de Dieu pour tous les hommes qu’il aime…

(51)                           Il a déployé (litt.: « Il a fait« ) la force de son bras,

                                   il a dispersé les hommes au cœur orgueilleux[1] ;

(52)                            il a fait descendre les puissants des trônes

                                   et il a élevé les humbles,

(53)                            il a rassasié de biens les affamés

                                   et renvoyé les riches (les mains) vides1.

 A’ – L’action de Dieu pour Israël Serviteur et tous les hommes

                                                                           objets de sa Miséricorde 

(54)                Il s’est attaché à Israël son serviteur, se souvenant de (sa) Miséricorde,  

(55)                comme il (l’) avait dit à nos pères,          

                                   en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais.

 

            magnificatLe Magnificat commence par la louange personnelle de Marie face « aux grandes choses » que Dieu a faites pour elle dans son humilité. Après cela, elle fixe son regard sur Dieu Lui-même, ce Dieu qu’elle a déjà appelé « son Sauveur » : Il est Saint, un mystère qui s’exprime avant tout par « une Miséricorde Toute Puissante » (1,49-50). Tel est Dieu pour Marie, et elle conclura son chant en rappelant à nouveau cette Miséricorde dont Israël a largement bénéficié par le passé et qui s’exercera dorénavant « en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais », c’est-à-dire sur tous les hommes appelés à être comme Abraham, des croyants justifiés par leur foi (Romains 4,3.23-25).

            Tout le Magnificat doit donc être compris à la lumière de ce Dieu Sauveur qui désire faire miséricorde à tous les hommes. Mais Marie chante en s’inspirant des Psaumes que beaucoup connaissaient par cœur. Or, les auteurs de l’Ancien Testament attribuent souvent à Dieu le bien et… le mal (Lamentations 3,38 ; Siracide 11,14). Cette manière de s’exprimer traduit leur foi encore imparfaite en la Toute Puissance de Dieu : ils en étaient tellement convaincus qu’ils croyaient que rien ne pouvait lui échapper, le bien comme le mal. Ce n’est que petit à petit, au fil des siècles, qu’ils comprendront avec toujours plus de clarté que Dieu n’est qu’Amour : il est totalement incapable de faire le mal, et notamment de rendre le mal pour le mal, c’est-à-dire de châtier, de punir… Cette révélation atteindra son sommet en Jésus Christ lorsqu’il nous invitera à être parfait comme notre Père du Ciel est parfait. Que faudra-t-il faire alors ? Aimer comme lui nos ennemis, répondre comme lui au mal par le bien, bénir comme lui ceux qui nous maudissent (Matthieu 5,43-48 ; Luc 6,27-38 ; Romains 12,14-21 ; 1Thessaloniciens 5,15) ? Et si tout cela nous apparaît impossible, « l’Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi » viendra à notre secours (2Timothée 1,7 ; 1,14).

Le péché disperse, Dieu rassemble

main1        Ce n’est donc pas Dieu qui « disperse les hommes au cœur orgueilleux ». Tel est plutôt la conséquence de leur orgueil, ce grand péché de toute l’humanité qui se croit assez grande pour se débrouiller toute seule ! Tel fut le cas d’Adam et Eve qui se crurent capables de pouvoir décider par eux-mêmes de ce qui était bon ou mauvais pour eux, sans aucune référence à leur Dieu et Père (Genèse 3,5-7 ; Siracide 10,12 ; Psaume 19,14). Et ils se retrouvèrent « hors du jardin d’Eden », dispersés loin de Dieu. En les poussant à se dresser fièrement les uns contre les autres, l’orgueil sépare également les hommes et les disperse les uns des autres… Tel est l’œuvre du péché et de celui qui nous invite à pécher, ‘Béelzéboul’ (Luc 11,15 et 11,23), ‘le loup’ féroce (Jean10,12). Face à cette situation, le Bon Pasteur partira à la recherche de ses brebis dispersées (Luc 15,4-7) pour les ramener auprès du Père. L’homme dans son orgueil s’était perdu dans les ténèbres ? Dieu envoya son Fils, « Lumière du monde », pour le rejoindre dans sa nuit et lui donner de retrouver son chemin (Jean 12,46 ; 14,4-6). Le péché avait brisé la communion entre le Créateur et ses créatures ? Dieu envoya son Fils non pas pour juger le monde mais pour le sauver (Jean 3,16‑17) et « rassembler dans l’unité de l’Esprit  les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11,51-52 ; Ephésiens 2,17-18)… Voilà ce que Jésus désire faire à tout instant pour chacun d’entre nous : enlever nos péchés (Jean 1,29 ; Psaume 103(102),11‑12) et nous rétablir ainsi, de cœur, en communion avec Dieu, dans son repos et dans sa paix…

 prier_Dieu_Lumi_re_dans_nos_vie

            A ceux qui sont donc pris dans l’illusion de l’orgueil, et notamment aux puissants qui siègent sur leurs trônes (Luc 1,52), Dieu offre par son Fils la Lumière de l’Esprit de Vérité qui, s’ils l’acceptent, les introduira dans la vérité tout entière, sur Dieu et sur eux-mêmes (Jean 16,13). Ils découvriront alors l’Amour de Dieu pour eux, et l’étendue de leur faiblesse et de leurs limites. Descendus des hauteurs de leurs illusions, de leurs faux trônes, ils découvriront que Dieu n’a jamais eu qu’un seul désir : les élever auprès de Lui (Luc 1,52) et leur donner à tous d’être des rois (Matthieu 19,28). Mais dans ce Royaume, « être roi », c’est être par amour le serviteur de tous, à l’image et ressemblance de Celui qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (Luc 22,25-30 ; Jean 13,1-15). Et c’est aussi, dans la douceur et l’humilité (Matthieu 11,29) participer à la victoire du Christ sur le mal et les ténèbres (Luc 10,17-20). Notre combat contre le mal est en effet avant tout « le combat de Dieu » qui lutte avec nous et pour nous. Il s’agit alors, comme le disait Ste Thérèse de Lisieux, d’être tout en même temps « un guerrier vaillant », et « un petit enfant » abandonné avec confiance dans les bras de son Père (Proverbes 21,31 ; Colossiens 1,13-14)…

Il rassasie de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides

 main2

            Les images de « la faim » et de « la soif » expriment avant tout « le désir ». Tout homme est habité par « un désir » : être heureux, vivre en plénitude, connaître le repos et la paix… Les riches espèrent combler ce désir avec leurs seules richesses matérielles, mais la réponse est ailleurs. S’ils sont honnêtes avec eux-mêmes, tôt ou tard ils ne pourront que constater qu’ils sont en fait malheureux, « vides » des biens du Seigneur qui, seuls, peuvent combler le cœur de l’homme (Apocalypse 3,17 ; Proverbes 8,17-21 ; Psaume 119 (118),14 ; Isaïe 33,6). « Un riche trouve-t-il un jour un trésor enfoui dans un champ ? Ravi de joie, il va vendre tout ce qu’il possède et il achète ce champ » (Matthieu 13,44). Ainsi en est-il de la Présence de Dieu découverte dans la foi ; pour elle, les Apôtres ont tout quitté (Matthieu 19,27-29), et St Paul l’a préférée à tout (Philippiens 3,7-8). Jésus lui-même ne possédait rien (Matthieu 8,20), et il nous invite à mettre cette recherche de Dieu à la première place dans nos vies (Luc 12,29-31). Nous ne pourrons que le trouver, car Lui, le premier, désire de tout son cœur nous rencontrer, dans l’Amour (Sagesse 6,12‑14 ; Luc 11,9-10). Certains, hélas, n’ont pas répondu à son appel ; ils sont restés dans leur tristesse, sans goûter à la vraie joie (Luc 18,18-23). « Malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation. Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim » (Luc 6,24‑25). Les autres ont ouvert leur cœur à ce Dieu d’Amour qui se donne et se donne encore, et Jésus les a déclarés « heureux » (Luc 10,23-24). C’est en effet une bonne mesure, pleine, secouée, débordante que Dieu a versée dans leur sein (Luc 6,38) en leur donnant d’avoir part à son Esprit, cette Eau Vive qui est devenue dans leur cœur une Source d’Eau Vive jaillissant en Vie éternelle (Luc 11,13 ; Jean 4,10-14 ; 7,37-39). Les affamés sont alors rassasiés…

main eau

Bien sûr, Marie utilise ici encore le langage de l’Ancien Testament ; ce n’est pas Dieu qui « renvoie les riches les mains vides » : telle est la conséquence de leur propre attitude. Dieu est par contre le premier à s’en désoler, car il veut notre bien, notre joie… Aussi, quelle joie pour Lui quand un pécheur quitte ses chemins de tristesse pour revenir à son Dieu et Père et trouver avec Lui la vraie joie (Luc 15,7 ; 15,10 ; 15,22-24), le vrai trésor (Matthieu 6,19-21)…

            La véritable richesse est donc à chercher du côté de Dieu (Tobie 4,21 ; Sagesse 7,7-14) et de son Fils qui, « de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » (2Corinthiens 8,9 ; Ephésiens 3,8). Par l’offrande de sa vie, il nous a communiqué en surabondance sa propre Vie (Jean 1,4 ; 6,35 ; 14,6 ; 10,10), selon « la richesse de sa grâce » (Ephésiens 1,7 ; 2,4‑10 ; 1Corinthiens 1,4-9). Pour être comblés (Psaume 65(64),10) comme la Vierge Marie (Luc 1,28), Il nous invite à nous présenter devant Dieu les mains vides, le cœur ouvert et confiant : dans sa miséricorde, Dieu veut nous donner d’avoir part à toutes les richesses de son Royaume (Matthieu 5,3 avec Luc 12,32 ; Isaïe 45,3). Ce don vient de l’Amour et il est de l’ordre de l’Amour : il nous invitera donc à aimer à notre tour, à donner…. Et avec Dieu, plus l’on donne, plus on reçoit (Proverbes 11,24 ; Philippiens 4,18-19) car celui qui agit ainsi garde ses commandements et demeure dans l’Amour (Jean 15,9-12) de ce Dieu et Père qui ne sait qu’aimer, donner et se donner (1Jean 4,8.16)…

La louange de Marie

 Magnifier le Seigneur

            Avec le Magnificat, Marie loue donc la Bonté de Dieu, son « Sauveur ». Tel est le premier titre qu’elle lui attribue. Celui dont la Miséricorde s’étend d’âge en âge est essentiellement « Sauveur » : tout ce qu’il fait pour les hommes n’a d’autre but que leur salut ! Ce titre de Sauveur n’intervient que deux fois dans tout l’Evangile : ici et au moment où l’Ange annoncera aux bergers « un Sauveur, le Christ Seigneur » (Luc 2,10‑11). Le salut offert par Jésus est donc le salut de Dieu Lui-même : le Seigneur Dieu est Sauveur par Jésus notre Seigneur… A travers lui et par Lui, Dieu le Père travaille en personne à notre salut à tous…

            Par sa foi et dans la foi, Marie est « heureuse » (Luc 1,45), « bienheureuse » (Luc 1,48). Elle exalte le Seigneur, car, écrit littéralement St Luc, « son esprit a tressailli de joie à cause de Dieu son Sauveur ». La visite de l’Ange a rempli Marie d’une joie indescriptible, et maintenant que tout cela appartient au passé, la louange de Marie se nourrit du souvenir de cette joie. Marie est donc déjà ici celle « qui conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Luc 2,19). Luc nous la présente ainsi comme l’exemple parfait du croyant : le souvenir aimant de toutes les actions de Dieu dans sa vie l’aide à traverser ses épreuves et ces temps de désert qui ne peuvent manquer dans une vie de foi… Envers et contre tout, elle demeure fidèle. Jésus lui-même l’a déclarera bienheureuse d’agir ainsi (Luc 11,27-28).

 vierge marie2

            Marie « Epousée par Dieu » et mettant au monde « le Fils de Dieu » devient aussi le modèle de l’humanité tout entière appelée à se laisser aimer par le Seigneur (Osée 2,18-22) pour que naissent une multitude de fils et de filles de Dieu à l’image et ressemblance du Fils Unique… Avec Marie et comme Marie, nous sommes donc invités à nous laisser revêtir nous aussi des vêtements du salut et du manteau de la justice (Isaïe 61,10-62,5). Nous serons alors comme elle… Tel est son désir pour chacun d’entre nous, telle est sa prière.

                                                                                                            D. Jacques Fournier

[1] Langage imparfait de l’Ancien Testament qui attribue souvent à Dieu les conséquences du péché des hommes : ce sont les orgueilleux qui, par suite de leur orgueil, se dispersent loin de Dieu, ou les riches qui, encombrés par leur richesse, ne peuvent accueillir les dons de Dieu et repartent les mains vides

 

Fiche 2M n°6 – Lc 1,46-55 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir ou imprimer le document PDF




La naissance de Jean-Baptiste et le cantique de Zacharie (Lc 1, 57-80)

            Après le Magnificat (Lc 1,46-56), Luc écrit (Lc 1,57) : « Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle. »

            Or, au moment de l’Annonciation, l’Ange Gabriel lui avait déclaré (Lc 1,36-37) : « Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : « la femme stérile ». (37) Car rien n’est impossible à Dieu. »

            Si nous additionnons les deux indications temporelles, nous voyons que Marie est restée auprès de sa cousine Elisabeth jusqu’à la naissance de Jean-Baptiste. Elle l’a ainsi accompagnée et aidée. Et puis, une fois le bébé bien né, et la maman hors de danger, « elle s’en retourna chez elle »…

Elisabeth et Zacharie 2

La naissance et la circoncision de Jean-Baptiste (Lc 1,57-66)

            Quand arriva le moment où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. (58)    Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. (59) Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant. Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père. (60) Mais sa mère déclara : « Non, il s’appellera Jean. »

(61) On lui répondit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! »

(62) On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler.

(63) Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Son nom est Jean.  »

            Et tout le monde en fut étonné.

(64) A l’instant même, sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia :

            il parlait et il bénissait Dieu.

(65) La crainte saisit alors les gens du voisinage,

            et dans toute la montagne de Judée on racontait tous ces événements.

(66) Tous ceux qui les apprenaient en étaient frappés et disaient :

             » Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui.

ange gabriel et zacharie

L’Ange Gabriel avait annoncé à Zacharie qu’il aurait enfin un fils avec Elisabeth, sa femme, elle qu’on appelait « la stérile » (Luc 1,36). Et voilà que le temps de la naissance est arrivé. « Ses voisins et ses proches » apprennent la Bonne Nouvelle et louent la Miséricorde de Dieu. Beaucoup, à cette époque, pensaient encore qu’une maladie, ou une femme sans enfant, étaient un châtiment envoyé par Dieu à la suite d’un péché grave commis par la personne concernée ou quelqu’un de sa famille (Jean 9,1-3 ; Exode 20,5-6). Et si la guérison ou un enfant survenaient, cela ne pouvait qu’être la conséquence du Pardon de Dieu qui effaçait la faute et toutes ses conséquences (Ps 103(102),3 en notant le lien entre « offense, faute » et « maladie, maux »). Dans un tel contexte, la stérilité d’Elisabeth et son enfantement soudain dans sa vieillesse, manifestent la grandeur de la miséricorde de Dieu. Au tout début d’« Histoire d’une Ame », Ste Thérèse de Lisieux écrivait : « Je ne vais faire qu’une seule chose : Commencer à chanter ce que je dois redire éternellement  « Les Miséricordes du Seigneur!!!» » Dans la vie des hommes, il ne s’agit pas en effet avant tout de « l’homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Romains 9,16).

« Les amis et les voisins » d’Elisabeth se réjouissent donc avec elle de ce que le Seigneur a fait éclater sa miséricorde à son égard. Plus tard, avec la parabole de la brebis perdue, Jésus le Bon Pasteur appellera « ses amis et ses voisins » (les scribes[1] et les Pharisiens[2]) à se réjouir avec lui pour toutes les brebis perdues enfin retrouvées, « les publicains[3] et les pécheurs » (Luc 15,1-7). Mais hélas, tout porte à croire que bien peu répondirent à son appel… « O mon Dieu ! Votre Amour méprisé va-t-il rester en votre Cœur ?… Il me semble que vous seriez heureux de ne point comprimer les flots d’infinie tendresse qui sont en vous » (Ste Thérèse de Lisieux)…

            Selon l’usage, c’est le père qui devait nommer son enfant (Matthieu 1,20-21), et le premier fils recevait en général le nom de son grand-père ou de son père. Mais ici, surprise : Elisabeth et Zacharie veulent collaborer autant que possible au projet de Dieu, et ils vont obéir aux indications de l’Ange (Luc 1,13) ; son nom sera « Jean », c’est-à-dire « le Seigneur est favorable » ou « gracieux ». Et c’est bien ce qui arrive en ce début d’Evangile où tout jaillit de l’initiative de Dieu qui veut « faire grâce » aux hommes en les comblant de sa tendresse et de sa miséricorde.

son nom est jean1

Le cantique de Zacharie (Luc 1,67-79)

St Luc utilise ici un procédé d’écriture courant à l’époque : l’inclusion, avec des éléments qui reviennent de façon symétrique autour d’un centre, ce qui est une manière de souligner ce thème central…

(67) Et Zacharie, son père, fut rempli d’Esprit Saint et se mit à prophétiser :

(68)    A  « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël,

                        de ce qu’il a visité et délivré son peuple,

(69)                et nous a suscité une puissance de salut

                                   dans la maison de David, son serviteur,

 

(70)                B  selon qu’il l’avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes

                                                                                                                      des temps anciens,

 

(71)                            C – pour nous sauver de nos ennemis

                                                                       et de la main de tous ceux qui nous haïssent.

(72)                                        D – Ainsi fait-il miséricorde à nos pères,

                                           E – ainsi se souvient-il de son alliance sainte,

(73)                                        D’ – du serment qu’il a juré à Abraham, notre père,

                                   C’ – de nous accorder (74) que, sans crainte,

                                          délivrés de la main de nos ennemis,

                                               nous le servions (75) en sainteté et justice devant lui,

                                                                                              tout au long de nos jours.

(76)                B’ – Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut;

 

            A’ – car tu marcheras devant le Seigneur, pour lui préparer les voies,

(77)                pour donner à son peuple la connaissance du salut

                                                                                  par la rémission de ses péchés;

(78)                                        grâce aux entrailles de miséricorde de notre Dieu,

                                               dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en haut,

(79)                                        pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres

                                                                                                                   et l’ombre de la mort,

                                               afin de guider nos pas dans le chemin de la paix. »

Dieu Père (Giovanni Battista Cima) 2

            « Rempli d’Esprit Saint », Zacharie est rendu capable de comprendre « tous les dons gracieux que le Seigneur nous a faits »  (1Corinthiens 2,12), et il va relire toute l’histoire du salut à la lumière du Christ pour en arriver à son sommet : la visite en personne de Dieu Lui-même par son Fils, le Christ Jésus (Matthieu 1,23), l’Astre venu d’en haut (Nombres 24,17) pour nous libérer de toutes nos nuits (Jean 12,46) et nous donner de marcher vers sa Lumière (Isaïe 60,1-3), à la rencontre de ce Dieu qui Est Lumière (1Jean 1,5-7)…

         Zacharie se comprend comme un des derniers maillons de cette longue chaîne, qui, depuis Abraham, en passant par David et « les prophètes des temps anciens », aboutira au Christ : son fils Jean-Baptiste aura pour mission de « marcher devant le Seigneur pour lui préparer les voies ». Mais il réalise aussi qu’il doit tout cela à la seule bonté de Dieu qui l’a appelé malgré son manque de foi, et qui a su réaliser l’impossible avec sa femme stérile. Oui, Dieu a visité son peuple, et une fois de plus, il n’a fait que semer la joie sur son passage (Actes 10,37-38), joie pour Zacharie, pour Elisabeth, et joie pour tous les hommes qui auront le bonheur de pouvoir connaître le Christ. Alors tout commence pour Zacharie par un « merci ! ». Il bénit Celui qui ne sait que bénir, « ce Père des Miséricordes » qui lui a fait miséricorde et qui veut également faire miséricorde à tous les hommes, par son Fils (1Timothée 1,12-17) qu’il a envoyé dans le monde pour nous bénir (Actes 3,25-26 ; Ephésiens 1,3 ; 1Pierre 1,3-6 ; Romains 15,29). Le coup de lance au côté du Christ, mort par amour pour chacun d’entre nous, a fait jaillir une source de bénédictions qui jamais ne se tarira (1Corinthiens 10,16). Et en Luc 24,50-53 nous voyons le Christ ressuscité passer de ce monde à son Père, du temps à l’éternité, en bénissant. Conclusion : Il est pour toujours Celui qui nous bénit, et rien ni personne ne pourra nous séparer de son amour (Romains 8,35-39) et de la puissance de sa bénédiction. Le Soleil de l’Amour brille (Psaume 84,12), et dans les rayons de « cet Astre d’en-haut », nous trouvons la guérison (Habaquq 3,4 et Malachie 3,20‑21 ; voir texte de Ste Thérèse de Lisieux en fin de fiche).

Croix Lumière

Zacharie reconnaît aussi que Dieu n’a jamais cessé en fait de « visiter » les hommes. Avant de se faire chair (Jean 1,14), écrira St Jean, « le Verbe », « le Fils Unique de Dieu », Celui qui de toute éternité était avec Dieu son Père (Jean 1,1-2), était aussi présent dans le monde, Lumière pour tous les hommes de bonne volonté (Jean 1,4 et 1,9-10), agissant en leur cœur et en leur vie pour qu’ils deviennent vraiment des « enfants de Dieu » (Jean 1,12). Mais hélas, le monde ne l’a pas reconnu (Jean 1,10), et Israël son Peuple ne l’a pas accueilli (Jean 1,11). Dieu est donc « l’Eternel Tout Proche » de tous les hommes (Proverbes 8,30-31, où la Sagesse est une figure féminine qui renvoie au mystère de Dieu lui-même ; Deutéronome 30,14), une Présence que le Fils ne fera que rappeler (Marc 1,14-15) et manifester (Jean 1,18 ; 17,6). Et toutes ses « visites » dans l’Histoire n’avaient d’autre but que de révéler sa Présence et sa Bienveillance ; avec elles et par elles, Dieu mettait en œuvre sa « Puissance de salut » pour la « délivrance » de ses enfants. Prenons quelques exemples dans l’Ancien Testament :

                        1 – Zacharie vient d’en faire l’expérience : Dieu l’a visité et lui a donné un fils comme autrefois il visita Sara, la femme d’Abraham (Genèse 21,1-4) et Anne, la femme d’Elqana (1Samuel 1,4-11[4] avec 1,19-20 et 2,21) pour leur donner d’enfanter.  

                        2 – Israël sera sauvé de l’oppression des Egyptiens (Exode 3,7-10.16-17 et 4,31) par « une visite » du Seigneur que Joseph avait prédite juste avant de mourir (Genèse 50,22-26). Et lorsqu’un ennemi les fera à nouveau souffrir, ils se tourneront vers le ciel en espérant à nouveau « sa visite » libératrice (Psaume 80(79),15-20). Et c’est bien ce qui arrivera pour tous ceux et celles qui furent déportés à Babylone[5] : Dieu les visitera, les délivrera, les ramènera sur leur terre et réalisera pour eux sa promesse de bonheur (Jérémie 29,10-14).

                        3 – Dans le Psaume 65 (64), « il est beau de te louer », dit le psalmiste, car « jusqu’à toi vient toute chair, avec son poids de péché ; nos fautes ont dominé sur nous : toi, tu les pardonnes ». Alors, « heureux ton invité, ton élu », ou plutôt celui ou celle qui répond à ton invitation, car nous sommes tous tes invités, tes élus : « il habite ta demeure ! Les biens de ta maison nous rassasient, les dons sacrés de ton Temple » (cf Proverbes 9,1-6 ; Jean 6,35). « Aux portes du levant et du couchant », c’est-à-dire dans le monde entier, « tu fais jaillir des cris de joie ». Pourquoi ? Car « tu visites la terre et tu l’abreuves, tu la combles de richesses ; les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau »… Toi‑même, en effet, tu viens les combler de l’Eau Vive de ta Vie… Et « sur ton passage ruisselle l’abondance » (Jean 10,10 ; Psaume 66,12 ; 130,7; Romains 5,20 ; 1Thessaloniciens 1,5 ; 2Pierre 1,2)… Puissions-nous tous être ces « ruisseaux de Dieu », ouverts aux Fleuves de Paix, d’Amour et de Vie que le Seigneur veut déverser en chacun d’entre nous (Isaïe 66,12-13 ; 55,1 ; Jean 7,37-39 avec Galates 5,22 ; Jean 4,10-14 ; Ezéchiel 47,1-9.12 avec Jean 19,33-34).

merci_16

           Dieu n’a donc cessé de visiter les hommes, et notamment son Peuple Israël, pour les délivrer de tout ce qui pouvait les opprimer. Et Zacharie relit le présent de l’intervention de Dieu, dont il est l’heureux témoin, à la lumière de toutes ces Ecritures que le Christ accomplit. C’est bien Lui cette « puissance de salut » (Romains 1,16 ; 2Corinthiens 12,7-10) qui nous vient de la maison de David : par Joseph (Luc 1,27), il est ce « fils de David » dont le trône subsistera à jamais, comme le prophète Natan l’avait autrefois annoncé (1Samuel 7,12-13.16). Il est aussi ce « surgeon poussant de la souche de Jessé », père de David, comme l’avait entrevu Isaïe, un autre « saint prophète des temps anciens » (Isaïe 11,1-9) et il faudrait les citer tous (1Pierre 1,10-12) ! Cette « Puissance de salut » est celle de l’Esprit Saint (Luc 4,14). Elle sera mise en œuvre en Marie pour engendrer « le Sauveur du monde » (Luc 1,36 ; Matthieu 1,20-21 ; Jean 4,42). Elle se manifestera ensuite dans les miracles accomplis par le Christ (Luc 5,17), dans sa Parole qui met en fuite les démons (Luc 4,36), et qui est aussi, au cœur de ceux et celles qui l’accueillent, douce attirance (Jean 6,44), joie (1Thessaloniciens 1,6), feu (Luc 24,32)… Elle se déploiera enfin dans la Résurrection du Christ (Romains 1,4 ; 2Corinthiens 13,4), victoire totale de la Vie sur la mort, de l’Amour sur la haine. Elle sera ensuite donnée aux Apôtres, c’est-à-dire à l’Eglise « Corps du Christ », car avec elle et par elle, le Christ ressuscité continue dans le monde son œuvre de salut (Apocalypse 12,10 ; 11,15-17 ; 1Thessaloniciens 1,5 ; 1Corinthiens 2,4-5 ; 12,4-11 ; Ephésiens 3,7-8 ; Colossiens 1,29). Elle sera enfin communiquée à chaque croyant au jour de son baptême, pour que la Puissance de l’Amour et de la Miséricorde règne au cœur de sa vie et de ses faiblesses ; elle sera une force qui le soutiendra dans sa marche vers le Royaume (Ephésiens 3,14-21 ; 2Thessaloniciens 1,11 ; 2Corinthiens 12,9-10 ; 4,6-10)… Cette force sera nourrie en son cœur par les sacrements : l’Eucharistie (Jean 6,63 ; Galates 5,22-25), le sacrement de Réconciliation. Grâce à elle, « il sera délivré de la main des ennemis » (Jean 14,30 ; Luc 4,18-19 ; 10,19 ; Matthieu 6,13 ; 2Timothée 4,18) il pourra déjouer les manœuvres du Tentateur (Ephésiens 6,10-11 ; 1Pierre 5,8-10 ; 1Jean 2,12-14 ; 1Corinthiens 10,13) et s’efforcer de répondre au mal par le bien (Romains 12,21 ; 1Thessaloniciens 5,15).

main

Comme le chantait Marie dans son Magnificat (Luc 1,49-50), cette « Puissance de Salut » est avant tout celle de la Miséricorde que Dieu ne cesse de mettre en œuvre dans nos vies pour nous conduire sur les chemins du Salut. Et Zacharie chante cette fidélité de tous les instants en disant : « Dieu s’est souvenu de son Alliance sainte ». Nous sommes ici au cœur de son Cantique (cf. en fin de fiche), une constatation d’autant plus belle que le nom Zacharie, en hébreu, signifie « Dieu se souvient » ou « Dieu s’est souvenu » ! Cette Alliance sainte est d’abord celle que Dieu a conclue avec toute chair, c’est-à-dire avec tout homme, quel qu’il soit, et cela dès les origines (Genèse 9,8-17, où Noé est, selon la symbolique biblique, le deuxième grand ancêtre de l’humanité, après Adam). Par cette Alliance, Dieu s’est engagé de manière irrévocable aux côtés des hommes, leur manifestant son « Amour Fidèle » (« hésed » en hébreu, traduit par « fidélité » (TOB) ou par « Amour » (Bible de Jérusalem) ; cf Psaume 103(102),17-18 ; 25(24),10 ; 89(88),25-29 ; 106(105),43-45 ; Deutéronome 7,12). Dieu se constituera ensuite un Peuple avec Abraham et sa descendance, pour qu’ils soient au service de cette Alliance universelle (Genèse 12,1-4 ; Actes 3,25). Il s’engagera avec eux par une Alliance perpétuelle (Genèse 15,7-11.17-21 ; 17,1-8) qu’il renouvellera de siècle en siècle, avec Isaac (Genèse 17,19.21), Jacob (Genèse 28,10-17 ; Exode 2,24), Moïse (Exode 19,3-8 ; 24,1‑11 ; 31,16-17 ; 34,10 ; 34,27-28 ; Deutéronome 4,13 ; 5,2-3), David (Psaume 89(88),4-5 ; 2Chroniques 13,5 ; 21,7)… Mais hélas, tout au long de son histoire, Israël sera infidèle à cette Alliance, une infidélité qui est en fait « notre » infidélité à tous (Isaïe 24,5 ; 33,8 ; Jérémie 11,10 ; Osée 8,1 ; Psaume 78(77),10)…

dieu est fidèle

Cependant, « si nous sommes infidèles », écrit St Paul, « Dieu, lui reste fidèle, car il ne peut se renier Lui-même », et il n’est qu’Amour (2Timothée 2,13)… Dans son amour (Isaïe 54,10), cette Alliance envers les hommes et envers Israël est donc bâtie pour toujours (Psaume 105(104),8-10 ; Lévitique 26,9 ; Jérémie 31,20-21). Pour exprimer le mystère de cette fidélité, les auteurs bibliques emploieront l’expression reprise par Zacharie : « Il se souvient de son Alliance » (Genèse 9,15-16 ; Exode 2,24 ; 6,5 ; Lévitique 26,44-45 ; Deutéronome 4,31 ; 1Maccabées 4,8-11 ; 2Maccabées 1,2-3 ; Psaume 106,43-45 ; 111,5 et 111,9 ; Ezéchiel 16,60). Dieu, en effet, ne nous abandonne jamais lorsque nous, nous l’abandonnons (Osée 11,7-9). Il ne nous oublie jamais lorsque nous, nous l’oublions (Isaïe 49,13-16[6]). Lorsque nous nous éloignons de lui, Il part à notre recherche (Luc 15,4-7 ; 19,10) et frappe à la porte de notre cœur (Apocalypse 3,20). Il ne cesse de nous faire du bien alors même que nous commettons le mal (Matthieu 5,43-45). Pour sceller définitivement ce mystère d’Alliance et d’Amour, Dieu répondra ainsi aux multiples infidélités des hommes par la promesse d’une Alliance Nouvelle et Eternelle (Isaïe 55,3) où il nous apportera tout d’abord le pardon de toutes nos fautes (Jérémie 31,31-34 ; Ezéchiel 16,60-63 ; Romains 11,25-27), et cette guérison intérieure qui nous permettra petit à petit, de pardon en pardon, avec le soutien de son Esprit, de lui être fidèles (Ezéchiel 36,24-28 ; 37,26-27). Alors l’humanité pourra retrouver avec lui le chemin de l’unité et de la paix intérieures, fondement du vrai bonheur (Jérémie 32,40-41 ; Osée 2,20-21).

christ-souriant-04

Ce projet que Dieu s’efforce de mettre en œuvre pour tous les hommes a été pleinement manifesté et réalisé par le Christ. Il sera tout d’abord cet homme qui vivra enfin en parfaite Alliance avec Dieu (Isaïe 42,6‑7 ; 49,8‑10), uni de cœur à son Père dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour (Jean 10,30 ; 8,29 ; 15,10). Par amour du Père (Jean 14,31) et par amour des hommes (Jean 13,1), il donnera sa vie, il versera son Sang pour que nous puissions vivre nous aussi en Alliance avec son Père et notre Père (Matthieu 26,26-28 ; Marc 14,22-25 ; Luc 22,19-20 ; 1Corinthiens 11,25 ; 2Corinthiens 3,5-6). Pour cela, il nous demande tout simplement de croire en lui, de lui faire confiance, de lui ouvrir notre cœur et de tout lui offrir, le bien comme le mal. Il accomplira alors en nous son œuvre de salut par l’Esprit Saint, cette Puissance de Salut qu’il a répandue en abondance sur le monde par sa mort et sa Résurrection (Jean 7,37-39 ; 20,19‑23 ; Actes 2,1-4 ; 2,17-18 ; 2,33-39 ; 10,44-45 ; Tite 3,6-7). Et maintenant, grâce au don de cet Esprit, nous sommes invités, dans la foi, à vivre avec le Christ une relation semblable à celle qu’il vit avec son Père (1Thessaloniciens 5,9-10, avec 1Corinthiens 6,17 et Jean 10,30 ; puis noter toutes les fois où St Jean emploie le mot « comme » : Jean 17,11 ; 17,18 ; 17,20-24 ; 15,9‑10 ; 10,14-15 ; 6,57 où la Bible de Jérusalem a « de même »). Avec le Fils et par le Fils (1Timothée 2,5), nous sommes ainsi conviés à devenir des fils et des filles de Dieu vivant en Alliance avec Dieu notre Père dans la communion d’un même Esprit (Ephésiens 1,17-18[7]).

miséricorde divine

            Le Cantique de Zacharie se termine par un regard sur le Christ. Le premier cadeau qu’il nous apporte est de pouvoir « connaître le salut par la rémission de nos péchés », c’est-à-dire « faire l’expérience de l’Amour et de la Miséricorde de Dieu au cœur même de notre fragilité et de nos misères ». Dieu veut que nous lui offrions tout le mal que nous avons pu commettre dans notre vie, et Lui, le premier, nous assure qu’il sera entièrement pardonné, lavé, purifié (Isaïe 1,18 ; 55,7 ; Jérémie 3,12-13 ; 3,22 ; 31,34 ; 33,8 ; 50,20 ; Ezéchiel 16,62-63 ; Daniel 9,8-9 ; Néhémie 9,17 ; Psaume 32,5 ; 86,5 ; 103,3 ; 130,4 ; Siracide 21,1 ; 2Chroniques 16,14 ; Nombres 14,19‑20 ; Ephésiens 4,32 ; Colossiens 2,13 ; 3,13 ; 1Jean 1,9). « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance ; je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent »…

« Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui » (Ste Thérèse de Lisieux)…

miséricorde de dieu

            Zacharie présente d’ailleurs tout l’événement « Jésus Christ » à la seule lumière de la Miséricorde de Dieu. Littéralement, il loue ces « entrailles de Miséricorde de notre Dieu dans lesquelles nous a visité l’Astre d’en Haut », le Christ Jésus… Le mot « entrailles » est ici très fort car son sens premier est « viscères, tripes ». Appliqué à Dieu, il nous le présente comme remué jusqu’au plus profond de lui-même par le spectacle de tout ce mal que nous, les hommes, nous semons dans le monde (Osée 11,8[8]). Le péché, la haine, le refus de pardonner, le désir de vengeance… tout cela détruit, mais aussi nous détruit… Face à cette situation, Dieu, le Père de tous les hommes, est « intérieurement bouleversé » : « ému de compassion » (Luc 15,20, traduction littérale), il réagit et envoie son Fils dans le monde non pas pour le condamner mais pour le sauver (Jean 3,16-17 ; 8,11 ; Romains 8,1 ; par contre, le Christ, Lui, sera condamné (Matthieu 27,37 avec Luc 23,4.14.22), et il le supportera en silence pour le salut de chacun d’entre nous). Le mystère de l’Incarnation s’enracine donc dans « les entrailles de Miséricorde de notre Dieu ». De plus, le Fils va nous visiter « dans » ces mêmes entrailles : dès lors, tout ce qu’il dira, tout ce qu’il fera jaillira de ces « entrailles de Miséricorde » et manifestera l’Amour de Dieu pour le monde.

            Ainsi, le Christ, qui « est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière » disons-nous dans notre Crédo, sera lumière pour tous ceux et celles qui, par leurs péchés, étaient dans les ténèbres. Avec lui, gratuitement, ils découvriront toute la tendresse de Dieu qui les appelle à quitter leurs chemins de ténèbres et de mort pour trouver avec Lui la Lumière, la Vie et la Paix (Au verset 79, St Luc parle littéralement de « redresser nos pas »). Puissions-nous être de ceux-là pour contempler, dès aujourd’hui, dans la foi, le visage de Celui qui ne cesse de nous regarder avec Amour…

                                                                                                 D. Jacques Fournier

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Ste Thérèse de Lisieux : le petit oiseau au Soleil de l’Amour

Comment une âme aussi imparfaite que la mienne peut-elle aspirer à posséder la plénitude de l’Amour ?… O Jésus ! mon premier, mon seul Ami, toi que j’aime uniquement, dis-moi quel est ce mystère ? Pourquoi ne réserves-tu pas ces immenses aspirations aux grandes âmes, aux Aigles qui planent dans les hauteurs ?… Moi je me considère comme un faible petit oiseau couvert seulement d’un léger duvet ; je ne suis pas un aigle, j’en ai simplement les yeux et le cœur car malgré ma petitesse extrême, j’ose fixer le Soleil Divin, le Soleil de l’Amour et mon cœur sent en lui toutes les aspirations de l’Aigle … Le petit oiseau voudrait voler vers ce brillant Soleil qui charme ses yeux, il voudrait imiter les Aigles ses frères qu’il voit s’élever jusqu’au foyer Divin de la Trinité Sainte… Hélas ! Tout ce qu’il peut faire, c’est de soulever ses petites ailes, mais s’envoler, cela n’est pas en son petit pouvoir ! Que va-t-il devenir ? Mourir de chagrin en se voyant aussi impuissant ?… Oh non ! Le petit oiseau ne va même pas s’affliger. Avec un audacieux abandon, il veut rester à fixer son divin Soleil ; rien ne saurait l’effrayer, ni le vent ni la pluie, et si de sombres nuages viennent à cacher l’Astre d’Amour, le petit oiseau ne change pas de place, il sait que par delà les nuages son Soleil brille toujours, que son éclat ne saurait s’éclipser un instant. Parfois, il est vrai, le cœur du petit oiseau se trouve assailli par la tempête, il lui semble ne pas croire qu’il existe autre chose que les nuages qui l’enveloppent ; c’est alors le moment de la joie parfaite pour le pauvre petit être faible. Quel bonheur pour lui de rester là quand même, de fixer l’invisible lumière qui se dérobe à sa foi !!!…

Jésus, jusqu’à présent, je comprends ton amour pour le petit oiseau, puisqu’il ne s’éloigne pas de toi… mais je le sais et tu le sais aussi, souvent, l’imparfaite petite créature tout en restant à sa place (c’est-à-dire sous les rayons du Soleil), se laisse un peu distraire de son unique occupation, elle prend une petite graine à droite et à gauche, court après un petit ver… puis rencontrant une petite flaque d’eau elle mouille ses plumes à peine formées, elle voit une fleur qui lui plaît, alors son petit esprit s’occupe de cette fleur… Enfin ne pouvant planer comme les aigles, le pauvre petit oiseau s’occupe encore des bagatelles de la terre. Cependant après tout ces méfaits, au lieu d’aller se cacher au loin pour pleurer sa misère et mourir de repentir, le petit oiseau se tourne vers son Bien-Aimé Soleil, il présente à ses rayons bienfaisants ses petites ailes mouillées, il gémit comme l’hirondelle et dans son doux chant, il confie, il raconte en détail ses infidélités, pensant dans son téméraire abandon  acquérir ainsi plus d’empire, attirer plus pleinement l’amour de Celui qui n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs… Si l’Astre Adoré demeure sourd aux gazouillements plaintifs de sa petite créature, s’il reste voilé… eh bien ! la petite créature reste mouillée, elle accepte d’être transie de froid et se réjouit encore de cette souffrance qu’elle a cependant méritée…

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

O Jésus ! Que ton petit oiseau est heureux d’être faible et petit, que deviendrait-il s’il était grand ?…  Jamais il n’aurait l’audace de paraître en ta présence, de sommeiller devant toi… Oui, c’est là encore une faiblesse du petit oiseau lorsqu’il veut fixer le Divin Soleil et que les nuages l’empêchent de voir un seul rayon, malgré lui ses petits yeux se ferment, sa petite tête se cache sous sa petite aile et le pauvre petit être s’endort, croyant toujours fixer son Astre Chéri. A son réveil, il ne se désole pas, son petit cœur reste en paix, il recommence son office d’amour, il invoque les Anges et les Saints qui s’élèvent comme des Aigles vers le Foyer dévorant, objet de son envie et les Aigles prenant en pitié leur petit frère, le protègent, le défendent et mettent en fuite les vautours qui voudraient le dévorer. Les vautours, images des démons, le petit oiseau ne les craint pas, il n’est pas destiné à devenir leur proie, mais celle de l’Aigle qu’il contemple au centre du Soleil d’Amour. »

O Verbe Divin, c’est toi l’Aigle adoré que j’aime et qui m’attires ! C’est toi qui t’élançant vers la terre d’exil as voulu souffrir et mourir afin d’attirer les âmes jusqu’au sein de l’Éternel Foyer de la Trinité Bienheureuse, c’est toi qui remontant vers l’inaccessible Lumière qui sera désormais ton séjour, c’est toi qui restes encore dans la vallée des larmes, caché sous l’apparence d’une blanche hostie… Aigle Éternel, tu veux me nourrir de ta divine substance, moi, pauvre petit être, qui rentrerais dans le néant si ton divin regard ne me donnait la vie à chaque instant… O Jésus ! Laisse-moi dans l’excès de ma reconnaissance, laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie… Comment veux-tu devant cette Folie, que mon cœur ne s’élance pas vers toi ? Comment ma confiance aurait-elle des bornes ?… Ah ! pour toi, je le sais, les Saints ont fait des folies, ils ont fait de grandes choses puisqu’ils étaient des aigles

Jésus, je suis trop petite pour faire de grandes choses… Ma folie consiste à supplier les Aigles mes frères, de m’obtenir la faveur de voler vers le Soleil de l’Amour avec les propres ailes de l’Aigle Divin

Aussi longtemps que tu le voudras, ô mon Bien-Aimé, ton petit oiseau restera sans forces et sans ailes, toujours il demeurera les yeux fixés sur toi, il veut être fasciné par ton regard divin, il veut devenir la proie de ton Amour…  Un jour, j’en ai l’espoir, Aigle Adoré, tu viendras chercher ton petit oiseau, et remontant avec lui au Foyer de l’Amour, tu le plongeras pour l’éternité dans le brûlant Abîme de Cet Amour…

[1] Ceux qui savaient lire et écrire ; on venait les voir pour demander conseil ou résoudre un problème à la lumière de la Loi de Moïse.

[2] Le mouvement pharisien regroupait tous ceux qui voulaient vivre le plus parfaitement possible selon les commandements de la Loi et la Tradition des anciens.

[3] Les publicains devaient collecter les taxes et les impôts pour l’occupant romain. Ils étaient considérés comme des voleurs, car beaucoup en profitaient pour demander plus et s’enrichir personnellement.

[4] Texte ancien où la polygamie était encore de règle, et où l’on attribuait tout à Dieu, le bien comme le mal. Mais ce n’est pas Dieu qui a rendu le sein d’Anne stérile (1,5 et 1,6) ! Attention aussi à ne pas confondre le prêtre Eli avec le prophète Elie…

[5] En 587 avant Jésus Christ, Nabuchodonosor assiégea pour la deuxième fois Jérusalem en 10 ans. Il détruisit ses remparts, son Palais Royal, son Temple, et déporta environ 20.000 personnes à Babylone. Mais en 538 avant Jésus Christ, il sera à son tour battu par le roi Perse Cyrus qui permettra aux Israélites de retourner dans leur pays.

[6] Pour Is 49,16, « Vois, je t’ai gravée sur les paumes de mes mains », on peut penser aux mains du Christ qui porteront éternellement les marques de sa passion vécue pour notre salut à tous (Jean 20,19-29).

[7] « Ceux qui étaient loin » sont les païens, « ceux qui étaient proches », les Juifs.

[8] Et la Bible de Jérusalem d’écrire en note pour « mon cœur en moi est bouleversé » : Le mot est très fort ; précisément celui qui est employé à propos de la destruction des cités coupables, (Gn 19, 25) ; (Dt 29, 22). Osée laisse entendre que » les conséquences malheureuses du péché sont « comme vécues d’avance dans le cœur de Dieu ».

Fiche 2M n°7 – Lc 1,57-80 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir ou imprimer le document PDF