Jésus disait encore aux disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens.
24ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)
Lecture : Luc 15, 1-32
Nous connaissons tous par cœur ces paraboles, nous les avons entendues dans toutes les célébrations pénitentielles, c’est presque ressassé, remâché, et j’imagine la difficulté de certains prédicateurs en se disant que ces paraboles déjà entendues pendant le temps du carême, doivent à nouveau être expliquées !
Je voudrais attirer votre attention sur un tout petit aspect auquel on prête rarement attention pour expliquer ces trois paraboles. Vous avez remarqué le contexte, c’est pour cela que c’est bien de lire ce chapitre de saint Luc en entier. Le contexte est clair : Jésus a largement commencé sa mission d’annonce du Royaume de Dieu. Jésus prend là un parti extrêmement audacieux et dangereux. Alors que Jean-Baptiste annonçait une venue de Dieu terrifiante en faisant venir les gens vers lui au Jourdain et les invitant à la conversion et à la pénitence, Jésus, et c’est son originalité, a pris exactement le contre-pied en allant voir les gens. Le risque de cette option est très simple : si Jésus va rencontrer les membres du peuple de Dieu, et même d’autres personnes étrangères au peuple de Dieu, il se risquait à rencontrer tout le monde, et par conséquent, d’être invité par tout le monde. C’est bien ce que fait remarquer l’introduction des trois paraboles : « Les pharisiens voyant qu’il était invité et qu’il répondait à l’invitation des pécheurs, font des remarques ». Ce n’est pas « casher » d’aller manger chez un percepteur d’impôts. On dit bien que Jésus allait chez les publicains et les pécheurs, c’est-à-dire les deux classes d’hommes publics les plus détestés de la population juive de l’époque.
Il est très difficile pour Jésus de se justifier, il faut qu’il y mette tout son génie de conteur et de sage pour ceux qui sont persuadés d’avoir raison, car ils ne reprochent pas à Jésus d’annoncer le Royaume de Dieu, ils ne contestent même pas les premiers signes de sa messianité, mais ils n’acceptent pas qu’il aille chez des pécheurs, des gens qui exploitent la société, des profiteurs qui se débrouillent au détriment de tout respect de la Loi et du vivre ensemble. Les trois paraboles ont un point commun que l’on ne souligne pas assez. Il faut expliquer cette chose paradoxale et choquante, que Jésus va chez les pécheurs sans poser de conditions.
Pourquoi cette attitude ? C’est la pointe commune aux trois paraboles. Nous, comme nous avons orienté maintenant ces paraboles vers ce problème si difficile de la reconnaissance de notre péché, de la nécessité de demander pardon à Dieu, de faire cette démarche extrêmement désagréable qui consiste à raconter ses petites histoires à un prêtre, nous essayons de tirer la parabole du côté subjectif : que dois-je faire, moi qui suis le mouton perdu, la drachme perdue, le fils prodigue ? Nous utilisons cette parabole dans le sens de l’application subjective, qui fait insister davantage sur le fils perdu que sur les deux autres paraboles.
Que voulait donc dire Jésus à travers ces trois paraboles que Luc a très astucieusement réunies ? Le but est simple. Il y a cent brebis, s’il en manque une, rien ne va plus ; il y a dix drachmes, si l’une est perdue, rien ne va plus ; il y a deux fils, s’il y en a un qui part, rien ne va plus. C’est tout le problème de la parabole qui échappe à la compréhension des pharisiens. Jésus ne peut pas accepter d’annoncer le Royaume sans bouleverser, appeler, et rassembler tout le monde. Ces trois paraboles ont pour but de dire que le salut est non seulement une démarche individuelle mais c’est aussi une démarche qui nous introduit et nous restaure dans la plénitude du projet de Dieu qui était blessé par un élément absent.
Là, il y a quelque chose d’important qui peut nous aider à mieux saisir ce qu’est le pardon. Le deuxième élément commun de ces trois paraboles, consiste en ce qu’ils font la fête. Le berger qui revient avec sa brebis sur les épaules invite ses amis, la femme qui a retrouvé la drachme invite ses voisines, et le père fait une fête dans sa maison, et dès que le fils aîné reviendra des champs, il faut que lui aussi participe à la fête, mais la fin de la parabole est dramatique. Normalement, si vous faites un bilan et qu’il est bien égalisé, vous en êtes satisfait et c’est tout. Mais ici, au moment où arrive celui qui manque au banquet, cela provoque une sorte de débordement, c’est la fête. Ni le berger, ni la femme, ni le père ne peuvent se contenter de réintégrer leur bien. Le pardon n’est pas une opération blanche, la confession n’est pas une « mise en règle », c’est bien davantage. Ce n’est pas retourner à la situation antérieure, ce n’est pas un retour au début. La fragilité, l’échec temporaire, le manque, la perte, lorsqu’ils redeviennent des éléments du projet global, on fait la fête à cause de la globalité et de la totalité. Comment pourrait-on faire la fête quand on sait qu’il y a encore une brebis qui est en train de se perdre dans les buissons ? En revanche, quand ce qui manquait est réintégré à la plénitude du projet primitif de Dieu, alors pour Dieu, c’est la fête.
Ce que Jésus a voulu nous dire dans ces paraboles, hormis son exhortation à la pénitence et à la conversion, c’était de nous montrer que le pardon n’est que le moyen de réintégrer la plénitude du projet divin.
Quand les pécheurs font pénitence, pourquoi cela procure-t-il plus de joie à Dieu que ceux qui n’ont pas besoin de repentir, c’est parce que grâce à ce retour des pénitents qui est le fruit de sa grâce, il retrouve la plénitude de son projet. C’est comme si la totalité du peuple venait authentifier la vérité du projet primitif de Dieu. Quand on demande pardon, on ne se contente pas de rentrer dans le rang, c’est ce qui fait l’amertume du fils aîné. Le pardon vu du côté de Dieu est encore plus heureux pour celui qui pardonne que pour celui qui est pardonné. C’est toute la grandeur du mystère chrétien.
Ces paraboles sont révélatrices de notre cœur. Nous avons deux conceptions du pardon, l’une qui consiste à remettre les choses en place et à ranger la vaisselle dans l’armoire, ce qui n’est d’ailleurs pas méprisable, l’autre qui est ce que Jésus propose. Si le salut n’est pas la totalité, il manquera toujours quelque chose. Et la question demeure : comment Dieu voit-il l’enfer ? Comment Dieu voit-il le refus des hommes ? Il le voit certainement comme un manque, car si le salut n’est pas total et universel, il y aura comme une sorte de blessure même dans la joie du Royaume.
Frères et sœurs, nous n’en sommes pas là, mais ce qui compte pour l’instant, c’est que pour nous, lorsque nous faisons cette démarche de demande de pardon, c’est d’essayer de bien la resituer, de notre point de vue à nous, certes, mais du point de vue de la globalité et de la totalité du salut que Dieu veut pour tous les hommes. Amen.
24ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER
«Consentir à ce Dieu et Père
qui nous cherche tous» (Lc 15, 1-32)
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter.
Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »
Alors Jésus leur dit cette parabole :
« Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?
Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux,
et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !”
Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. »
Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’àce qu’elle la retrouve ?
Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !”
Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »
« Un homme avait deux fils.
Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.
Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.
Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin.
Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.
Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !
Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.”
Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.”
Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds,
allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,
car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.
Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses.
Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait.
Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.”
Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier.
Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.
Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !”
Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” »
Dieu qui a l’initiative Trois récits s’enchaînent ici : la brebis « perdue » et « retrouvée »(Lc 15,4-7), la pièce de monnaie « perdue » et « retrouvée » (Lc 15,8-10), puis l’épisode de ce plus jeune fils qui, ayant choisi au début un chemin de perdition, décide de se repentir et de revenir chez son Père (Lc 15,11-32). Et ce dernier dira en l’accueillant les bras grands ouverts : « Mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ».
Trois récits, et pourtant, juste avant le premier, St Luc écrit : « Jésus leur dit cette parabole », au singulier… Autrement dit, tout ce qui suit est comme une seule parabole. Ces trois récits renvoient donc à une seule et même réalité…
Or, dans les deux premiers, le pasteur et la femme sont deux images qui renvoient à Dieu, ce « Père » qui nous aime avec des « entrailles » de Mère (Is 63,15‑17).Entre Dieu et l’homme pécheur qui l’a abandonné et si souvent offensé, c’est et qui, le premier, le « cherche avec soin, jusqu’à ce qu’il le retrouve ». Voilà comment il se comporte envers tout homme sur cette terre, car « il veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4) ! Nous sommes donc tous des « cherchés par Dieu », des « voulus par Dieu », car il est notre Père à tous, un Père qui aime infiniment chacun de ses enfants. Non, « ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés». (1Jn 4,10). « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,8).
« Je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien, je trouverai ma joie à leur faire du bien » (Jr 32,40-41). Voilà ce que fait Dieu vis-à-vis de l’homme, quel qu’il soit, qui se perd dans les ténèbres de son péché… Et quand ce dernier dresse enfin l’oreille de son cœur, il ne peut qu’entendre la Voix de Celui qui n’a cessé de le suivre pour lui offrir toute sa Tendresse, son Amour et sa Miséricorde infinie… S’il accepte de se laisser rejoindre, de se laisser aimer tel qu’il est, il s’entendra dire alors : « Je t’ai suivi jusqu’à maintenant dans tous tes errements. Maintenant, lève-toi, détourne-toi de tout ce qui en fait te détruit, et suis-moi ! ». Et au même moment Dieu lui offrira la Force de son Esprit sans laquelle il ne peut rien… Avec Elle et par Elle, c’est Lui qui le portera et le ramènera à la Maison (les deux premiers récits). Mais rien ne se fera sans le consentement libre et responsable de ce fils perdu (le troisième récit), qui, une fois retrouvé par son Dieu et Père, décide de consentir à cet Amour qui le précède : « Je vais retourner chez mon Père, et je lui dirai : « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi »… Et il se retrouvera aussitôt dans les bras de son Père, « couvert de baisers », et vite revêtu de « la plus belle robe » de la Maison du Père, celle du Père Lui-même, une Robe de Splendeur, de Majesté, de Lumière et de Gloire… DJF
23ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER
« Porter sa croix à la suite du Christ»
(Lc 14, 25-33)
De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple.
Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui :
“Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !”
Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ?
S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple.
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. »
Notre traduction liturgique a tout de suite bien interprété le verbe employé ici par St Luc, « miséô, haïr », en le traduisant par « préférer ». Quand Dieu nous dit : « Honore ton père et ta mère » (Ex 20,12), et que Jésus se bat pour qu’il en soit vraiment ainsi (cf. Mc 7,8-13 ; Mt 19,16-22), il ne peut être question de les haïr ! De même pour mettre en pratique le cœur de la vie chrétienne, « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mc 12,31), il est impensable de « haïr » sa propre vie.
« Préférer » suppose l’existence de deux réalités entre lesquelles nous avons à choisir. Suivre le Christ, entrer avec Lui dans le Royaume de l’Amour, du Service, du Don de soi, suppose que l’on mette l’Amour de Dieu et toutes les exigences qui en découlent à la première place… Et comme nous sommes tous pécheurs, si nos proches les plus proches nous invitent à adopter une attitude contraire à celle de l’Evangile, il nous faudra choisir… A qui obéirons-nous ? Et nous savons bien que si nous montrons notre désaccord, nous pouvons être rejetés par ceux-là même que nous aimons le plus, ce qui sera, humainement parlant, une grande souffrance… Jésus en était bien conscient lorsqu’il disait, en pensant à ces cas précis : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison » (Mt 10,34-36 ; Lc 12,51-53).
Et puisque nous sommes tous pécheurs, des désirs égoïstes de toutes sortes, contraires bien sûr à l’Esprit de l’Evangile, peuvent naître en nos cœurs… Et le Christ nous invite ici sans ménagements à y renoncer, ce qui est toujours difficile pour notre être blessé… « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même », à son égoïsme, à son orgueil, à son amour propre, « qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive » (Lc 9,23).
Et par les deux paraboles qui suivent, Jésus nous invite à regarder bien en face toutes ces difficultés et les forces qui sont à notre disposition. Sur qui allons-nous compter pour mener un tel combat. Sur nous-mêmes ? Nous n’irons pas bien loin… Mais si nous nous appuyons, par la prière du cœur, sur le Christ et sur sa grâce (Mt 11,28-30), nous pouvons espérer, qu’envers et contre tout, ce vœu s’accomplira : « Seigneur, que ma faiblesse à ton service tienne bon » (Guillaume de St Thierry)… DJF
22ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)
Lecture : Luc 14, 1.7-14
C’’est une chose bien connue que les manières de table sont le lieu privilégié d’expression d’une culture ou d’une civilisation. C’est pourquoi, aujourd’hui, quand on va au restaurant ou dans un self-service, on sait qu’il y a une différence dans le menu, non seulement par la finesse des plats qui sont préparés, mais selon qu’on est servi dans des assiettes en plastique ou des assiettes en porcelaine à filet doré ou bien que l’on a des fourchettes en plastique ou de l’argenterie Louis XV.
En réalité, si les manières de table ont une telle importance, ce n’est pas simplement pour étaler un luxe et impressionner les invités. Les manières de table sont d’abord un rite de société : elles révèlent la manière dont nous nous abordons les uns les autres ou peut-être plus fondamentalement dont nous nous accueillons les uns les autres. Ceci est un vieil héritage de l’humanité et il n’est pas étonnant que lorsque le Seigneur est venu parmi nous, Il se soit permis de donner son avis sur cette question-là.
La convivialité, la joie d’être à table, ce n’est pas simplement la joie de manger ensemble des bonnes choses, mais c’est aussi un moment intense de l’existence humaine dans lequel nous nous accueillons les uns les autres. C’est pourquoi, au lieu de donner quelques préceptes qui pourraient davantage relever du registre culinaire, le Christ donne plutôt quelques conseils qui relèvent du registre de l’accueil. Ces conseils sont au nombre de deux.
Le premier est de ne pas rechercher les premières places. Quand un homme invite, dans le monde sémitique, cela veut dire que l’espace familial dans lequel il vit habituellement s’ouvre à un certain nombre d’hôtes, d’amis qui y répondent. Par conséquent l’invitation c’est une sorte de mise à disposition de la convivialité, de l’espace privé de la maison à un certain nombre de gens qui précisément reçoivent l’appel à venir partager la joie, la communion, la fête. Par conséquent il est très important que le jeu de l’invitation se fasse jusqu’au bout, que les invités ne profitent pas de cette offre d’entrer dans la maison de celui qui les accueille pour y prendre leur place à leur gré. En réalité, le fait d’être invité ne signifie pas une prise de possession, ni que désormais chacun des invités va gérer cette possibilité qui lui est offerte de s’asseoir à la table. Il faut que l’invitation se fasse jusqu’au bout. On ne prend pas sa place avant que le maître de maison l’ait véritablement donnée, offerte, que, d’une certaine manière le maître de maison ait été aussi le maître de l’agencement de la communion des invités. C’est sans doute là l’erreur de ceux qui se précipitent sur les divans des premières places, dans la salle du banquet en se disant : « Chic alors, je vais avoir les premières places, et surtout le buffet ».
En réalité ils n’ont pas compris qu’ils étaient invités. Ils n’ont pas compris que c’était par pure grâce de la part du maître de maison qu’ils pouvaient entrer, avoir accès à cet espace privé qui est le lieu même de la fête qu’il ouvre à ceux qu’il considère comme ses amis. Autrement dit, ils ont trahi le sens de l’amitié qui fondait l’invitation. Il n’y a aucun droit à « une place déterminée » lorsque les hommes sont invités à la table de Dieu. Il n’y a pas de prérogative, il n’y a pas de mérite qui ferait valoir des fauteuils d’orchestre et non pas des loges de poulailler. Il n’y a qu’une offre fondamentale de la part du maître de maison pour dire : « Venez dans ma maison ! » Mais après, par le fait même d’entrer et de répondre à l’invitation, on est à la merci du maître de maison qui, lui-même, vous fonde dans la communion de tous les invités et de tous ses amis.
Ce n’est pas non plus un encouragement à ces espèces de fausse modestie des publicains qui restent toujours au fond des églises, mais c’est plus profondément le fait que, lorsqu’on est invité, on ne peut pas imposer sa propre personne : tout le mystère de l’invitation c’est que celui qui vient, celui qui est invité est reconnu, accueilli, et même célébré personnellement par le maître de maison. C’est le mystère même de Dieu. Dieu est un maître de maison qui nous invite à son banquet et à son festin. Dieu Lui-même donne du prix à la personne de ses invités uniquement et gratuitement en fonction de son amour.
C’est la raison pour laquelle la deuxième petite parabole s’enchaîne si rigoureusement avec la première. Le Christ dit : « Quand tu invites, invite ceux qui ne peuvent pas « rendre » la pareille ». Non pas simplement pour montrer que tu es plus généreux que d’autres, mais pour montrer véritablement le sens de l’invitation. Le sens de l’invitation, cela veut tellement dire que c’est le maître lui-même qui devient le porteur de la communion, de la relation entre tous les hommes, qu’il faut que cette relation et cette invitation soient les plus gratuites et les plus généreuses possibles pour montrer que le principe d’unité, de communion entre tous les invités vient vraiment du maître et du maître seul : finalement, une invitation est toujours à fonds perdus, il ne faut pas attendre la réponse. Il faut inviter les pauvres, les estropiés et les boiteux, non pas pour organiser des soupes populaires, mais parce que le geste même de l’invitation n’exige pas une sorte de réciprocité. Pour que la réciprocité vienne ensuite, il faut d’abord qu’il y ait une gratuité fondamentale pour accueillir le cœur de l’autre et la personne de l’autre.
C’est pourquoi chaque fois que nous célébrons l’eucharistie nous vivons la plupart du temps, hélas sans nous en rendre compte, ces lois fondamentales de l’hospitalité. C’est exactement le principe de la table eucharistique. Aucun d’entre nous n’a plus droit qu’un autre à l’eucharistie. Et vous savez, à certains moments, à quel point il y a eu des ambiguïtés sur le fait de se croire digne de l’eucharistie ou de ne pas l’être. Personne, absolument personne n’est digne de l’eucharistie. Et souvent hélas, ceux qui s’en croient dignes ne sont pas les plus dignes. Personne n’est digne de l’eucharistie parce que l’eucharistie est une invitation du Christ qui nous donne notre place dans la communion des enfants du Père. Par conséquent nous n’avons aucun droit à la réclamer. Commencer à vouloir la réclamer ou avoir ses places à l’eucharistie, c’est commencer à fausser le jeu même de l’invitation du maître de maison. Si nous ne vivons pas dans cette radicale gratuité de l’invitation du maître de maison, si nous faussons le jeu des invitations, nous faussons la communion de l’Église, nous faussons le visage de l’Église.
Nous n’avons pas à nous précipiter aux premières places car c’est Dieu qui donne du prix à notre vie, à notre cœur et à notre existence. C’est Dieu qui accueille et c’est Lui qui nous donne notre propre place dans son cœur. Par conséquent, ce n’est pas une affaire de conquête. Et la deuxième chose, c’est que chaque fois que nous sommes invités au repas du Seigneur, Il invite ces hommes que nous sommes, et nous sommes des pauvres, des boiteux, des aveugles, incapables de rendre la pareille à notre Dieu. C’est Dieu Lui-même qui nous accueille et le don de son corps et de son sang est un don gratuit, à fonds perdus. Et c’est précisément à cause de la gratuité du don de Dieu que nous pouvons vivre nous-mêmes en action de grâces.
Qu’à travers ces paraboles apparemment si simples, de bon sens, j’allais dire presque de convenances, nous ne restions pas à une lecture superficielle, mais que nous y découvrions un des aspects les plus fondamentaux de notre propre situation lorsque nous venons recevoir le corps et le sang du Seigneur. Amen.
22ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER
« Dieu élève les humbles »
(Lc 14,1a.7-14)
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient.
Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit :
« Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi.
Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : “Cède-lui ta place” ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place.
Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : “Mon ami, avance plus haut”, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi.
En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé. »
Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour.
Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Invité à un repas chez un Pharisien, Jésus remarque que certains« choisissaient les premières places », les places d’honneur, soit pour se mettre en avant, soit dans la certitude qu’ils étaient, eux, des invités de marque… Tel est bien « le levain des Pharisiens » (Mc 8,15) : l’orgueil qui pousse à se croire au dessus des autres. « Mon Dieu », disait un Pharisien dans le Temple de Jérusalem, « je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères… Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne » (Lc 18,11-12). Il se vante lui-même de ses bonnes œuvres, et il les accomplit non pas par amour, mais uniquement pour se mettre en avant. La conséquence immédiate d’une telle attitude ne peut qu’être le mépris pour tous ceux et celles qui vivent et agissent différemment. « Cette foule qui ne connaît pas la Loi, ce sont des maudits ! » (Jn 7,48-49). Hélas, c’est justement par un tel jugement si complaisant à leur égard et si dur envers les autres, qu’ils s’excluent eux-mêmes du Royaume des Cieux…
Un autre jour, Jésus fut invité à manger, non pas comme ici chez un Pharisien, mais chez Matthieu, le collecteur d’impôts, le collaborateur avec l’occupant Romain, le pécheur (Lc 5,29-32). Les Pharisiens récriminèrent aussitôt contre lui et ils disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? ». Eux, les purs, les justes, restaient bien sûr dehors pour ne pas se souiller au contact de ces « maudits »… Mais Jésus, qui avait entendu, leur dit de l’intérieur : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que signifie : « C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices » qui, accomplis par orgueil, ne font que nourrir l’orgueil…
Tout homme est pécheur, blessé, spirituellement malade, de beaucoup ou de peu (Lc 7,36-50). Telle est la vérité : « Il n’en est pas de juste, pas un seul… Tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu » (Rm 3,9-26 ; 7,1-25). Ne pas le reconnaître, c’est refuser de faire la vérité, c’est être encore dans l’illusion de son orgueil… Avec un tel état d’esprit, l’irruption dans la vérité de Dieu, au dernier jour de la mort, ne pourra qu’être vécu comme un abaissement, une humiliation, alors que Dieu, répétons-nous, ne cherche, de son côté, que le bien de tous : « Dieu veut que tous les hommes », ses enfants, « soient sauvés » (1Tm 2,3-6 ; Jn 3,16-17)… Par contre, celui qui accepte de faire cette démarche de vérité sur lui-même en reconnaissant dès maintenant ses faiblesses, ses misères, s’ouvre aussitôt au même moment à Celui qui, en tout son être, est « la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), Vérité d’un Amour infini, d’une Miséricorde toute Puissante qui n’a qu’un seul désir : élever tous les hommes au ciel pour les faire asseoir à sa droite, aux places d’honneur (Lc 22,28-30), là où le plus petit est le plus grand dans le Royaume des Cieux (Mt 11,11)… DJF
21ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)
Lecture : Luc 13, 22-30
« Vous vous mettrez à dire : Nous avons mangé et bu devant Toi et Tu as enseigné sur nos places. » Ces paroles de Jésus s’adressent aux juifs qui n’ont pas voulu accueillir son message. Le Seigneur les place dans la seule perspective qui soit pour être à Lui et avec Lui, c’est-à-dire l’entrée du peuple dans la salle du festin où le roi veut rassembler tous ses enfants. Le Christ ajoute qu’à partir du moment où le maître se sera levé et aura fermé la porte, signe du début du festin, alors un certain nombre de gens viendront en récriminant : « Seigneur, ouvre-nous ! », en faisant valoir des arguments : « Nous avons mangé et bu devant Toi », mais que, pour toute réponse ils auront cette parole : « Je ne sais d’où vous êtes ! »
En réalité, cette parole s’adresse non seulement aux juifs qui n’ont pas cru en Jésus, mais aussi à chacun de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont reçu l’appel et la Parole de Dieu. En effet, il ne suffit pas d’avoir mangé et bu avec le Christ, il ne suffit pas de l’avoir laissé enseigner sur les places publiques pour entrer dans le Royaume. Le seul critère de notre appartenance, ce n’est pas ce dont nous pouvons nous prévaloir, le seul critère de notre appartenance au Christ c’est précisément d’avoir voulu, avec Lui, entrer dans sa Pâque et dans le festin du Royaume.
Qui sommes-nous ? Que faisons-nous sur la terre ? Est-ce que nous sommes des spectateurs du mystère de Dieu, ou bien est-ce que nous avons compris que ce mystère de Dieu était pour nous, et qu’il nous demandait, dès maintenant, d’y répondre de tout notre cœur pour marcher, dès maintenant, vers le but où Dieu nous mène ? La question décisive de notre foi chrétienne a toujours cette particularité de se poser maintenant. Dieu ne cesse, maintenant, de nous interroger, de nous appeler, de nous convoquer. Et en même temps que la question se pose, la manière dont nous devons y répondre s’impose, nous devons y répondre pour le festin des noces. Il n’y a pas d’autre raison d’être avec le Christ, que de désirer être avec Lui toujours. Le simple fait d’avoir entendu son enseignement ne suffit pas. Le simple fait d’avoir participé à ses banquets, d’avoir mangé et bu avec Lui, ne suffit pas. Ce qui compte, c’est de vouloir être totalement au Christ, pour le but où Il nous conduit.
Notre propre relation au Christ est toujours la question de notre salut. Voulons-nous être à Lui ? Ou au contraire, est-ce que nous nous contentons simplement de l’avoir comme nous disons, de notre côté ? De pouvoir en tirer le parti ou le profit que nous voudrions ? Alors qu’en réalité c’est nous qui devrions être à Lui, car nous avons été créés en Lui et pour Lui.
Chaque fois que nous participons à l’eucharistie, chaque fois que nous recevons et accueillons dans notre cœur l’évangile, la Parole de Dieu qui sauve, c’est encore le Christ qui mange et boit avec nous, qui se donne en nourriture et en breuvage, et c’est encore le Christ qui prêche sur la place publique du monde que sont les églises. Mais il faut que nous sachions pourquoi nous le faisons. Si c’est simplement pour être là, cela ne suffit pas. Il faut que nous le fassions parce que nous désirons, de tout notre cœur, répondre à l’appel de Dieu et entrer dans le festin du Royaume. C’est pourquoi, comme le dit le Christ, « il faut lutter pour entrer ». Il faut lutter contre tout ce qui peut nous détourner de Lui, et il faut lutter surtout contre tout ce qui en nous peut nous détourner de Dieu. C’est seulement à travers cette tension permanente de notre être vers le Christ, qu’effectivement, petit à petit, se réalise en nous toute l’œuvre de la grâce et de la miséricorde de Dieu. Et c’est pour cela que, jour après jour, à travers le sacrement de l’eucharistie, à travers la méditation de la Parole de Dieu, nous sommes sans cesse recentrés, nous sommes sans cesse remis en direction, non pas vers l’instant présent, mais vers le moment où Dieu nous accueillera dans son Royaume. Amen.
21e dimanche ordinaire – Année C – Claude WON FAH HIN
Lc 13, 22-30
Ce texte regroupe les paroles de Jésus sur l’entrée dans le Royaume, et la question est de savoir : « est-ce qu’il n’y aura que peu de gens qui seront sauvés ? ». Le problème du nombre de personnes sauvées ou non est un faux problème. Au fond, cela nous importe peu de le savoir ; car, s’il y a beaucoup de pécheurs sauvés, rien dit que nous ferons partie de ce nombre; et s’il y en a très peu, il est tout à fait possible que nous y soyons. Et la question peut revenir sous une autre forme: et si nos enfants n’étaient pas sauvés, et si nos frères et sœurs non plus, et nos parents…etc…comment pourrions-nous être heureux au Ciel, si ceux que nous aimons n’y sont pas aussi ? Jésus ne répond pas directement à la question. Mais nous savons que (1Tm 2,4) Dieu veut que tous les hommes soient sauvés». Jésus nous dit : « 24 Luttez pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas ». La porte c’est le Christ. Jn10, 9 : « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé… ».
Il faut donc passer par le Christ. Passer par le Christ signifie avoir foi en Lui, être son disciple, appliquer ce qu’il nous demande de faire : aimer Dieu et aimer son prochain. Et quand il dit « aimer Dieu et aimer son prochain », il s’agit d’aimer en actes et pas seulement de cœur et de paroles. Il faut malgré tout noter qu’ « aimer Dieu » vient en première position. Donc avoir foi en Dieu, faire sa volonté de Dieu, obéir à ses commandements. Et les trois premiers commandements concernent Dieu : « Tu adoreras Dieu seul et tu l’aimeras plus que tout » ; « Tu prononceras le Nom de Dieu avec respect », et « tu sanctifieras le jour du Seigneur ». Adorer et sanctifier Dieu se traduit par le recours à Dieu, les prières, l’adoration, les sacrements dont la messe. Prononcer le Nom de Dieu avec respect, c’est éviter (CEC 2146) « tout usage inconvenant du nom de Dieu, de Jésus Christ, de la Vierge Marie et de tous les saints », (CEC 2147) éviter « les promesses faites à autrui au nom de Dieu engagent l’honneur, la fidélité, la véracité et l’autorité divines », (CEC 2148) éviter « le blasphème qui consiste à proférer contre Dieu – intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi, à dire du mal de Dieu, à manquer de respect envers Lui dans ses propos, à abuser du nom de Dieu ».
La porte est étroite, et il faut cependant lutter pour entrer. Mais s’il faut lutter pour entrer, cela veut dire que le salut n’est pas automatique et qu’il n’est pas accordé d’office parce qu’on est chrétien. Il ne suffit pas d’être chrétien pour être sauvé. Jésus renvoie donc chacun à ses responsabilités, et chacun doit faire des efforts pour y entrer. En plus des pratiques citées pour adorer, sanctifier et respecter le nom de Dieu, il faut lutter pour rester fidèles à Dieu, pour garder ses commandements d’aimer. Et s’il faut lutter c’est qu’il y a une force qui nous empêche d’enter par la Porte et qui veut toujours nous éloigner de Dieu. Longtemps, on a évité de parler de l’Esprit du Mal car disait-on, il faut parler toujours de Dieu et oublier l’Esprit du Mal pour ne pas donner le sentiment que nous sommes dans une religion de la peur. Mais il semble bien que la plus grande victoire du démon est de faire croire qu’il n’existe pas, et de se faire complètement oublier. De plus en plus, que ce soit les saints, et surtout le Pape François, on en parle, et même souvent, car pour terrasser l’ennemi il faut le connaitre, connaitre sa façon d’agir, le traquer par l’observation des mauvais fruits que nous pouvons produire afin de le rejeter, autrement dit savoir discerner ses tentations et avoir la force de le combattre immédiatement en recourant à Jésus, à Marie, à des saints. Ep 6,11-13 : « 11 Revêtez l’armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable. 12 Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes.13 C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes ». Ces paroles seront toujours d’actualité. Ne pas en tenir compte, faire comme si le démon n’existe pas serait une grave erreur. Il suffit de voir la vie de quelques saints ou futurs saints pour comprendre : Padre Pio, Marthe Robin, Miriam Baouardy, sœur Faustine, saint François d’assise et bien d’autres. Toute leur vie a été une lutte pour contrer l’Esprit du Mal afin de rester uni au Christ. Le Pape François – Joie de l’Evangile – §51 – nous dit : « Il est opportun de clarifier ce qui peut être un fruit du Royaume et aussi ce qui nuit au projet de Dieu. Cela implique non seulement de reconnaître et d’interpréter les motions de l’esprit bon et de l’esprit mauvais, mais – et là se situe la chose décisive – de choisir celles de l’esprit bon et de repousser celles de l’esprit mauvais ». C’est une réalité de chaque instant dont il faudra tenir compte. Celui qui oublie l’Esprit du Mal aura du mal à lutter, car il aura l’impression qu’il n’est jamais tenté par le Malin alors qu’il en est victime déjà depuis longtemps, devenant incapable de reconnaitre le Malin agissant en lui. Chacun doit veiller en permanence sur sa propre vie intérieure, pour ne jamais s’éloigner du Christ. Le Pape François insiste sur cette lutte dans ses « Méditations quotidiennes » du 11/10/2013 – P.344-346 – et dont le thème est « comment vaincre la stratégie du démon » : « Nous ne devons pas être naïfs…Ou tu es avec Jésus ou tu es contre. Il en est ainsi…Nous devons toujours veiller, veiller contre la tromperie, contre la séduction du malin….Nous pouvons poser la question : est-ce que je veille sur moi ? sur mon cœur ? sur mes sentiments ? sur mes pensées ? Est-ce que je protège le trésor de la grâce ? Est-ce que je protège la présence de l’Esprit Saint en moi ? Si on ne le conserve pas, quelqu’un de plus fort arrive et gagne… Il faut garder à l’esprit que le démon est astucieux : il n’est jamais chassé pour toujours, il ne le sera que le dernier jour ». Il ne faut donc jamais oublier que cet Esprit du mal rôde toujours, en permanence, autour de chacun de nous. Voilà pourquoi, seule une prière continuelle, pratiquée d’ailleurs par tous les saints, peut l’éloigner de nous parce que cette prière continuelle nous permet de rester continuellement unis au Christ. Et tant que nous restons avec le Christ, il n’y aura aucun problème. Le Pape François nous dit encore (« Méditations quotidiennes » du 2/9/2013) – P.264) : « Pour qu’il y ait la paix dans une communauté, dans une famille, dans un pays, dans le monde, nous devons commencer par être avec le Seigneur (c’est-à-dire le Christ). Et là où se trouve le Seigneur, il n’y a pas d’envie, il n’y a pas de criminalité, il n’y a pas de jalousies (dans le cas contraire, c’est que le Seigneur n’est pas avec vous). Là où il y a le Seigneur, il y a fraternité ». Padre Pio conclut (« Saint Pio de Pietrelcina » – Jean Derobert – P.195) : « Il y a toujours ces attaques diaboliques. Ne craignez pas, je vous le répète pour la millième fois, la guerre de Satan, parce que Jésus est avec vous, même lorsque votre esprit peut se voir sur le bord du précipice ». Donc, faire une totale confiance en Jésus Christ. Avoir une telle attitude de vigilance nous conduit également à recevoir de façon permanente les grâces de Dieu qui sont très nombreuses mais que nous ne savons pas toujours détecter. Car finalement, tout est « grâce », tout ce que nous vivons de bien, de beau, de paisible, de joie, de bonheur, toutes nos bonnes actions, tout nous vient de Dieu. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » nous dit Jésus en Jn15, 5, et tout ce que nous pouvons faire sans Jésus ne peut que nous mener à notre perte comme le Fils prodigue qui s’est éloigné du Père.
Aimer Dieu, aimer son prochain, c’est connaitre Dieu. 1 Co 4,7 : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu et que quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu ». « Quiconque aime connait Dieu ». Dès lors, le Christ ne pourra plus nous répondre comme il est dit dans l’évangile d’aujourd’hui (v.25) « je ne sais d’où vous êtes ». Dieu connait ses brebis, surtout ceux qui le suivent ou qui font de gros efforts pour essayer de le suivre en prenant le chemin de l’amour. Rm13, 8.10 : « 8 celui qui aime son prochain a pleinement accompli la Loi, 10 La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude ».. Lc7, 47 : « … je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont remis parce qu’elle a montré beaucoup d’amour …». Cet amour voulu par Dieu demande de notre part qu’on sache faire un choix : nous désencombrer de tout ce qui est inutile pour s’unir au Christ, désencombrement qui, selon Saint Ignace (Exercices Spirituels – §142 –P.93), inclut « les richesses, l’honneur mondain et l’orgueil à partir desquels on est précipité dans tous les autres genres de vices ». Mieux encore Saint François d’Assise nous dit (« Sagesse d’un pauvre » – Eloi Leclerc – P.124-125) : « …l’homme lutte tout seul dans la nuit avec l’Insaisissable. Il a cru qu’il lui suffirait de faire ceci ou cela pour être agréable à Dieu. Mais c’est à lui que l’on en veut. L’homme n’est pas sauvé par ses œuvres, si bonnes soient-elles. Il lui faut encore devenir lui-même (P.125) l’œuvre de Dieu. Il doit se faire plus malléable et plus humble entre les mains de son Créateur que l’argile dans les mains du potier. Plus souple et plus patient que l’osier entre les doigts du vannier. Plus pauvre et plus abandonné que le bois mort dans la forêt au cœur de l’hiver. A partir seulement de cette situation de détresse et dans cet aveu de pauvreté, l’homme peut ouvrir à Dieu un crédit illimité, en lui confiant l’initiative absolue de son existence et de son salut. . Il entre alors dans une sainte obéissance. Il devient enfant et joue le jeu divin de la création ». – A ce moment-là, le Seigneur ne pourra que dire (Ap3,8) : « Je connais ta conduite : voici, j’ai ouvert devant toi une porte que nul ne peut fermer, et, disposant pourtant de peu de puissance, tu as gardé ma parole sans renier mon nom ». La porte n’est donc pas fermée et peut même s’ouvrir sans problème pour tous ceux qui, du fond du cœur, sans aucun calcul, se mettent réellement à la suite du Christ en tenant compte des luttes à mener, à la vigilance pour ne jamais perdre de vue le Christ, et à se laisser guider par l’Esprit Saint. Tournons-nous résolument, sans regarder en arrière et de manière définitive, vers l’amour. C’est l’unique clé pour ouvrir toutes les portes, principalement cette unique porte nommée Jésus-Christ. En cette Année de la Miséricorde Divine, nous avons quatre portes dans l’île, c’est très bien et très beau de voir les chrétiens y faire leur pèlerinage, mais n’oublions pas d’ouvrir la porte de notre cœur pour que les nombreuses grâces venant de cette Porte unique qu’est Jésus puissent nous conduire véritablement à Lui et faire de nous des frères et sœurs en union de prière avec le Christ.
21ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER
«Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. » (Lc 13,22-30)…»
Tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant.
Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit :
« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas.
Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes.”
Alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.”
Il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.”
Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors.
Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu.
Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »