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19ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 «Veiller à recevoir, sans cesse, le Don de l’Amour (Lc 12,32-48)…»  

     Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.
Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas.
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.
Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées.
Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.
Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir.
S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !
Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison.
Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? »
Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ?
Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi !
Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens.
Mais si le serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde à venir”, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer,
alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles.
Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.
Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, celui-là n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.

     homme en prière

 

 

            L’Evangile de ce Dimanche commence par cette invitation de Jésus : « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » Tout de suite, Jésus nous met donc en présence du Père : son Père de toute éternité, et notre Père à tous dans l’ordre de la création (Jn 20,17)… Et ce qui est bon à ses yeux, ce qu’il désire, ce qu’il veut, c’est « nous donner le Royaume », gratuitement, par amour, comme un Père « trouve bon » ce qui est le meilleur pour ses enfants…

            Mais ce Royaume, quel est-il ? En quoi consiste-t-il ? St Paul nous aide à répondre : « « Le Royaume des Cieux ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Et il écrit encore : « Dieu vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8). St Luc parlera de l’homme comme étant appelé à être « rempli par l’Esprit Saint » (Lc 1,15.41.67 ; 4,1 ; Ac 2,4), « le Don de Dieu » (Ac 8,20 ; 2,38 ; Jn 4,10) : « La paix soit avec vous… Recevez l’Esprit Saint », dit le Ressuscité à ses disciples et, à travers eux, à tout homme (Jn 20,19-22). « L’Esprit se joint alors à notre esprit » (Rm 8,16), et nous établit ainsi dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3) qui est avant tout « paix », « joie » profonde (Ga 5,22 ; Ac 13,52). 

            Tel est donc le Royaume des Cieux : avoir part gratuitement, par Amour, à l’Esprit de Dieu, l’Esprit qui « remplit » les cœurs du Père et du Fils de toute éternité. Et Dieu veut qu’il en soit de même pour chacun d’entre nous, car l’Amour est Partage. Tel est le vrai Trésor de la vie, offert dès maintenant à notre foi, en attendant la Plénitude à venir. C’est pour cela que Dieu nous a tous créés…

            Face à lui, les richesses de ce monde font pâle figure : « Le Royaume des Cieux est semblable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme vient à trouver : il le recache, s’en va ravi de joie vendre tout ce qu’il possède, et achète ce champ » (Mt 13,44). « Vendez vos biens et donnez les en aumône », dit ici Jésus, car telle est la logique de l’Amour : donner pour le seul bien de l’autre… Et « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35).Telle est donc le chemin de la vraie joie : donner, servir. C’est ce que fait ici « l’intendant fidèle » : « donner en temps voulu la ration de blé. Heureux ce serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera occupé de la sorte » (Lc 12,43) !                                     DJF                                       




18ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Nous sommes exposés à l’amour de Dieu

amour de dieu

Cet homme riche est traité d’insensé, c’est-à-dire qu’il manque de sagesse. En relisant cette parabole, en la méditant, je me disais ceci : au fond, à première lecture, cette parabole nous rappelle simplement cette vieille sagesse sémitique qui a le sens de la fragilité de toute chose. Tout, dans l’histoire humaine, est pratiquement imprévisible, ou presque. Parce que nous savons que les projets que nous faisons, la plupart du temps sont contrecarrés, sont modifiés par des événements, des circonstances. Parce que nous éprouvons, dans notre propre vie, cette fragilité fondamentale de notre désir, de notre vouloir qui n’arrivent jamais à se réaliser pleinement et complètement. Parce qu’aussi nous voyons sans cesse dans notre vie la fragilité de cette vie physique, biologique que nous possédons et qui, à un certain moment, disparaît. Nous avons ce regard sur toute chose qui est que chaque chose n’a pas sa plénitude et sa consistance propre, qu’elle n’arrive pas à se tenir debout toute seule de manière stable et définitive. Dans toute la Bible, les affirmations concernant soit la nature, le monde créé, soit notre propre existence, vont sans cesse dans ce sens : le monde ne tient pas debout tout seul. Heureusement que Dieu l’a fixé sur des colonnes, autrement il s’écroulerait sans cesse. Et puis, « l’homme, ses jours sont comme l’herbe. Comme la fleur des champs il fleurit, un coup de vent passe et il n’existe plus ! »

Dans d’autres cultures, dans d’autres civilisations, dans d’autres philosophies, on l’avait déjà pressenti. Dans la tradition philosophique, on appelle cela la contingence, c’est-à-dire le fait que toute chose n’arrive pas à tenir dans une sorte d’autosuffisance. Elle ne s’explique pas toute seule. Elle ne tient pas debout absolument toute seule. Même si Dieu lui a conféré une autonomie, en réalité, elle est vouée à un moment ou l’autre, à une mort, à une destruction.

Et l’on pourrait croire que cette petite parabole que le Christ nous livre en ce jour, ne veut dire que cela. Au fond, cet homme avec ses richesses, tout le blé qu’il a engrangé et qu’il projette encore d’enfermer dans ses granges qu’il envisage d’agrandir est le symbole de ce désir de vouloir tenir, tout seul, dans l’existence, de se donner à soi-même sa propre sécurité, sans pouvoir y arriver. Cela c’est la face négative de cette parabole.

Mais je me disais en même temps, qu’il y a quelque chose d’extrêmement consolant dans toute cette affaire. Car cette fragilité et cette inconsistance du monde n’ont-elles pas aussi une face positive ? En effet, dire que ce monde est fragile, dire que nous ne pouvons pas nous assurer la vie par nous-mêmes et pour nous-mêmes, cela ne veut-il pas dire que Dieu prier_Dieu_Lumi_re_dans_nos_vieest si proche qu’à tout instant, il peut faire irruption dans nos vies ? Est-ce que, au fond, dans la vie de cet homme qui était en train de se construire une sorte d’énorme barrage vis-à-vis de ses propres projets, vis-à-vis des autres, vis-à-vis de Dieu, est-ce qu’il n’y a pas là le signe que cette fragilité même de sa vie et de ses projets, et qui montre que Dieu, à tout instant, est proche de lui et peut intervenir au cœur de sa propre vie, même s’il s’agit de ce moyen radical qui est de le rappeler à Lui ?

En réalité, si notre vie est fragile, il faut que nous sachions que cette fragilité signifie deux choses. Elle est sans cesse un rappel de ce que nous ne pouvons pas tenir en nos propres mains notre existence. Mais, en même temps, elle est le signe qu’en réalité, comme le dit saint Paul, « rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu ! » Si fortes que soient les barrières dont nous voulons nous prémunir, si fortes que soient les richesses dont nous croyons nous assurer, si grandes que soient les sécurités morales ou spirituelles que nous voulons essayer de nous bâtir et qui, la plupart du temps, sont fausses parce qu’elles sont l’ouvrage de nos mains, en réalité, cette fragilité profonde de notre vie fait que, sans cesse, nous sommes exposés à l’amour de Dieu.

Alors, je crois qu’il est bon de rendre grâces, à certains moments, pour cette fragilité que Dieu nous a donnée. C’est vrai qu’elle est une sorte d’ascèse et de pénitence car il s’agit sans cesse de remettre nos vies entre les mains de Dieu. Mais, en même temps elle a quelque chose d’extrêmement beau et éblouissant, c’est de dire que la lumière de Dieu est si proche qu’elle nous est cachée, simplement, par un voile, le voile de l’obscurité de notre regard, le voile de notre dureté de cœur, mais qu’à tout moment Dieu peut briser ce voile et nous dire : « Voici, je viens ! » Amen.ESPRIT SAINT 1




18ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 «Vivre non pas pour soi, mais pour les autres (Lc 12,13-21)…»  

     En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. »
Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? »
Puis, s’adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. »
Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté.
Il se demandait : “Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.”
Puis il se dit : “Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens.
Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.”
Mais Dieu lui dit : “Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?”
Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. »

Dieu est amour 2

         Un conflit oppose ici deux frères sur une question d’héritage… L’un voudrait en avoir une part, alors que son frère a déjà tout pris pour lui. Ce dernier était peut-être l’aîné à qui tout revenait de droit… Mais il ne veut rien partager ! Et son frère de son côté ne veut rien lâcher ! Nous le constatons, les deux sont habités par cette « âpreté au gain » vis-à-vis de laquelle Jésus nous met ici en garde…

            En effet, « la vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne dépend pas de ses richesses ». Il est vrai que celles-ci lui permettent de subvenir aux besoins de son corps. Il en faut donc un minimum, et « le Père sait de quoi nous avons besoin avant même que nous ne lui ayons demandé » (Mt 6,8). « Ne cherchez donc pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez… Ne vous tourmentez pas. Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez donc son Royaume, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Lc 12,29-31). Et « qui cherche » son Royaume le« trouve » (Lc 11,10) car « votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32), « Lui qui vous a fait le Don de son Esprit Saint » (1Th 4,8)… Le Royaume de Dieu est en effet Mystère de Communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit (cf. Rm 14,17 ; 2Co 13,13).

            Or, écrit St Paul, « l’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et cet Amour ne peut qu’être une Force qui entraîne les pécheurs que nous sommes sur les chemins de la conversion, c’est-à-dire du partage et de la solidarité, à contre sens de tout égoïsme… Deux logiques s’opposent donc : celle de la recherche de soi, sans se préoccuper des autres… Celle de la recherche du bien de l’autre, au prix parfois de quelques sacrifices…

            Ces deux frères, chacun ne pensant qu’à lui-même, sont plutôt dans la première. Pour les aider à en prendre conscience, Jésus va leur offrir la parabole de cet homme « dont les terres avaient beaucoup rapporté ». « Que vais-je faire ? Je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands. J’y entasserai tout mon blé… et je me dirai à moi-même : repose-toi, jouis de l’existence »… Je, je, je, je, mon, me, moi-même… Cet homme ne pense qu’à lui-même, à ses richesses, à son bien-être personnel… Aucune pensée pour autrui, et donc aucune marque d’attention… Mais il a oublié que nous ne sommes que de passage ici-bas : « Tu es fou : cette nuit même, on te redemande ta vie. Et ce que tu as amassé, qui l’aura ? »… Certainement pas lui ! Dépossédé des biens de ce monde, que lui restera-t-il lorsqu’il arrivera en l’autre ? « Tout passe, l’amour seul demeure » (Ste Thérèse d’Avila)…                DJF




17e dimanche ordinaire – Année C – Claude WON FAH HIN

Évangile : Luc 11, 1–13

Jésus en prière1Jésus prie quelque part. Il prie en réalité partout où il se trouve et il est constamment en relation avec son Père. C’est une prière continuelle. De même, pour nous, il nous faut faire une prière continuelle pour rester en contact avec le Christ. –  Mais dire ou réciter une prière ne suffit pas pour rester en lien avec Jésus.  Ce n’est pas le fait de réciter ou de lire une prière qui fait la prière, il faut vraiment le dire avec cœur, avec sincérité, en vérité, en prenant son temps. Il faut même aller encore plus loin et le Pape François nous dit (« Méditations quotidiennes – P.242) : « si l’on veut obtenir quelque chose de Dieu, il faut avoir le courage de négocier » avec Lui à travers une prière insistante et convaincue, faite de peu de mots. Faire comme Abraham, avec sa manière de parler avec Dieu, exactement comme s’il était en train de négocier avec un autre homme ; Il a insisté auprès de Dieu à Sodome et Gomorrhe et est passé de cinquante à dix justes. Si une personne veut que le Seigneur lui accorde une grâce, elle doit aller avec courage et faire ce qu’a fait Abraham, avec insistance ». Cette insistance va jusqu’à ce que l’on ait obtenu la grâce demandée, et ne comptez pas la durée, cela peut être très rapide comme cela peut être très long, sur plusieurs années. Mais si vous voulez absolument une grâce, il faut prier aussi longtemps que nécessaire sans jamais douter que vous l’obtiendrez. 1 Jn 5,14-15 : « 14 Nous avons en Dieu cette assurance que, si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. 15 Et si nous savons qu’il nous écoute en tout ce que nous lui demandons, nous savons que nous possédons ce que nous lui avons demandé ». « Et si Dieu semble tarder à nous réponde (P.251 – «  Grâce et Miséricorde » – Michel Hubaut), ce n’est pas par indifférence, mais pour nous laisser le temps d’arriver là où il veut que nous allions ». Cela fait partie de ses desseins de salut pour nous. Quand nous prions Dieu, Dieu ne vient pas à nous, c’est nous qui allons vers Lui, « ce n’est pas Dieu qui se plie à mes projets, à mes désirs mais ce sont mes désirs qui rejoignent peu à peu le Désir de Dieu ». Et c’est pour cela que Dieu semble parfois prendre du temps pour nous exaucer, le temps pour nous d’arriver là où Dieu veut nous conduire.

personne en prière

Un de ses disciples lui demande de leur apprendre à prier. Jésus nous rappelle que nous sommes les enfants de Dieu. Et parce qu’il est notre Père, nous devons avoir recours à Lui autant de fois que nous avons besoin de Lui, comme un petit enfant a besoin de son Père, sinon il se sent perdu. Et c’est parce qu’on ne fait pas assez appel au «  Père », que nous nous perdons dans la vie de tous les jours.   Adorer le Père nous fait renaitre à sa Vie en tant qu’enfants de Dieu. Saint Ambroise nous dit : «  Dis «  Notre Père » pour mériter d’être son fils » (CEC 2783). Etre fils adoptif de Dieu implique de notre part une conversion continuelle et une vie nouvelle de chaque instant (CEC 2784). Nous ne pouvons pas appeler notre Père le Dieu de toute bonté si nous gardons en nous un cœur cruel et inhumain envers les autres, car à ce moment-là nous n’avons plus en nous la marque de la bonté du Père. L’expression « Notre Père » laisse entendre que tous ceux qui le disent forment un seul et même peuple. Nous sommes « son » peuple et il est « notre » Dieu, « notre » Père. C’est pourquoi, malgré les divisions des chrétiens, prier le « Notre Père », c’est participer à la prière de Jésus pour l’unité de ses disciples. – « Que ton Nom soit sanctifié ». Il dépend de notre manière de vivre et de notre prière que son Nom soit sanctifié. CEC 2814 Nous demandons que ce Nom de Dieu soit sanctifié en nous par notre vie, par notre manière de vivre. Car si nous vivons bien, c’est-à-dire si nous nous comportons en vrai chrétien,  le Nom de Dieu est béni par tous ceux qui ont une foi tiède ou par ceux qui ne connaissent pas Dieu (et qui nous regardent vivre en tant que chrétiens); mais si nous vivons mal, c’est-à-dire si en tant que chrétien, nous nous comportons mal,  le Nom de Dieu est blasphémé, selon la parole de l’Apôtre : ‘Le Nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations (Rm 2, 24 ; Ez 36, 20-22).  Ceux qui ne sont pas chrétiens ne sont pas des aveugles, ils voient bien comment les chrétiens se comportent. notre père2Et selon leur comportement, le Nom de Dieu sera sanctifié ou  non par eux–mêmes et aussi par nous.   « Que ton règne vienne » : Dans la prière du Seigneur, il s’agit principalement de la venue finale du Règne de Dieu par le retour du Christ (cf. Tt 2, 13). Mais ce désir du retour du Christ à la fin des temps ne distrait pas l’Église de sa mission dans ce monde présent, il l’y engage plutôt. Car depuis la Pentecôte, la venue du Règne est l’œuvre de l’Esprit du Seigneur  » qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification.   Que le règne de  Dieu arrive dans le monde et dans nos cœurs pour que nous soyons tous sanctifiés en Dieu. Les trois dernières demandes concernent les intérêts de l’homme. – Dans cette prière, le disciple se situe  comme un pauvre qui reçoit tout de Dieu, aussi bien sur le plan matériel (le pain de chaque jour)  que sur le plan spirituel (le pardon  des péchés). Enfin, cette prière exprime l’humilité du fils qui n’a pas la présomption de croire qu’il peut se réaliser tout seul et qui demande à son Père la force de ne pas céder aux tentations du Mal et surtout d’avoir la force de les affronter, comme Jésus, l’épreuve de la souffrance et de la mort.  « Notre pain quotidien » – CEC 2831 Le drame de la faim dans le monde appelle les chrétiens qui prient en vérité à une responsabilité effective envers leurs frères, tant dans leurs comportements personnels que dans leur solidarité avec la famille humaine. CEC 2835 Cette demande, et la responsabilité qu’elle engage, valent encore pour une autre faim dont les hommes dépérissent :  » L’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu  » (Dt 8, 3 ; Mt 4, 4), c’est-à-dire sa Parole et son Souffle. Les chrétiens doivent mobiliser tous leurs efforts pour  » annoncer l’Evangile aux pauvres « . Il y a une faim sur la terre,  » non pas une faim de pain ni une soif d’eau, mais d’entendre la Parole de Dieu  » (Am 8, 11). C’est la mission du chrétien que de faire connaître notre Dieu au monde et de les baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.  « Notre pain de ce jour » c’est aussi le sacrement de l’eucharistie. L’Eucharistie est notre pain quotidien. C’est une force d’union : elle nous unit au Corps du Sauveur et fait de nous ses membres afin que nous devenions ce que nous recevons… Ce pain quotidien est encore dans les lectures que vous entendez chaque jour à l’Église, dans les hymnes que l’on chante et que vous chantez.

pardonner– « Pardonne-nous nos péchés ».  CEC 2838 : notre demande ne sera exaucée que si nous avons d’abord répondu à une exigence, celle de pardonner nous aussi à ceux qui nous ont offensés.  CEC 2810 « …Nous ne pouvons pas aimer le Dieu que nous ne voyons pas si nous n’aimons pas le frère, la sœur, que nous voyons (cf. 1 Jn 4, 20). Dans le refus de pardonner à nos frères et sœurs, notre cœur se referme, sa dureté le rend imperméable à l’amour miséricordieux du Père ; dans la confession de notre péché, notre cœur est ouvert à sa grâce. Souvent, le chrétien, celui qui ne reconnaît jamais son manque de pardon, continue à réciter « pardonne-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé », tout en sachant parfaitement que cela n’est pas vrai dans sa vie quotidienne.  Cela s’appelle l’hypocrisie et il est toujours possible de changer cette attitude avec la grâce de Dieu.  Dans la parabole du débiteur impitoyable (Mt 1821-35),  celui qui n’a pas pardonné est livré à des tortionnaires. CEC 2843 : Mt 18,35 :  » C’est ainsi que vous traitera mon Père céleste, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur « . C’est là, en effet,  » au fond du cœur  » que tout se noue et se dénoue. Il n’est pas en notre pouvoir de ne plus sentir et d’oublier l’offense ; mais le cœur qui s’offre à l’Esprit Saint retourne la blessure en compassion et purifie la mémoire en transformant l’offense en intercession ». L’esprit Saint a le pouvoir de nous convertir.

tentation1

–  « Ne nous laisse pas entrer en tentation » (Michel Hubot : « Grâce et Miséricorde » – P.147) : « Ce que nous demandons à Dieu, c’est de nous donner la force de ne pas céder à la tentation,  de ne pas céder à la séduction du Mal, au découragement dans les épreuves, à ne pas pactiser avec le Malin qui cherche à défigurer l’homme et à le détourner de sa vocation de fils de Dieu ». CEC 2846. Nos péchés sont les fruits du consentement à la tentation. Nous lui demandons de ne pas nous laisser prendre le chemin qui conduit au péché. Nous sommes engagés dans le combat  » entre la chair et l’Esprit « . Cette demande implore l’Esprit de discernement et de force. CEC 2847 : «  L’Esprit Saint nous fait discerner entre l’épreuve, nécessaire à la croissance de l’homme intérieur (cf. Lc 8, 13-15 ; Ac 14, 22 ; 2 Tm 3, 12), et la tentation, qui conduit au péché et à la mort (cf. Jc 1, 14-15). Nous devons aussi discerner entre  » être tenté  » (qui n’est pas un péché) et  » consentir  » à la tentation (qui est un péché). Dans notre prière, demandons le discernement de la tentation (afin de reconnaître toute tentation qui peut nous mener au péché) et aussi la force de lutter immédiatement contre cette tentation qu’on a pu discerner. Le discernement démasque le mensonge de la tentation : apparemment, son objet est  » bon, séduisant à voir, désirable  » (Gn 3, 6), alors que, en réalité, son fruit est la mort ». Le tentateur nous fait miroiter de bonnes choses agréables, pour  mieux nous mener au  péché. Tout le monde sait que l’on n’attrape les mouches avec du vinaigre. CEC 2849 Or un tel combat et une telle victoire ne sont possibles que dans la prière. C’est par sa prière que Jésus est vainqueur du Tentateur, dès le début (cf. Mt 4, 1-11) et dans l’ultime combat de son agonie. Et le Pape François le sait très bien quand il nous dit dans ses « Méditations quotidiennes » (2/9/2013) : « Pour qu’il y ait la paix dans une communauté, dans une famille,  dans un pays, dans le monde,  nous devons commencer par être avec le Seigneur (c’est-à-dire le Christ, et personne d’autre). Et là où se trouve le Seigneur, il n’y a pas d’envie, il n’y a pas de criminalité, il n’y a pas de jalousies (dans le cas contraire, c’est que le Seigneur n’est pas avec vous). Là où il y a le Seigneur, il y a fraternité ».  CEC 2849 La vigilance du cœur  est rappelée avec insistance. Mc 13,9 : « soyez sur vos gardes » ; 13,23 : « Pour vous, soyez en garde : je vous ai prévenus de tout »; 13,33 : « Soyez sur vos gardes, veillez, car vous ne savez pas quand ce sera le moment ». L’Esprit Saint cherche à nous éveiller à cette vigilance  (1Co  16,13) : « Veillez, demeurez fermes dans la foi, soyez des hommes, soyez forts »; Col4,2 : « Soyez assidus à la prière; qu’elle vous tienne vigilants, dans l’action de grâces ; 1Th 5,6 : « ne nous endormons pas, comme font les autres, mais restons éveillés et sobres » ; 1P5,8 : « Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le Diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer ».  On ne peut pas dire que nous ne  sommes pas prévenus.

–  C’est une invitation à persévérer dans la prière, à être « têtu dans la prière », comme il est dit dans l’Évangile d’aujourd’hui,  jusqu’à ce que nous  nous ayons ce dont nous avons besoin.  Dieu ne nous accordera pas toujours aussi facilement les dons, les grâces ou les bienfaits que nous lui demandons. Surtout après chaque prière, n’allez pas vérifier dans les jours qui suivent si vos prières ont été exaucées. Priez et oubliez. Priez de nouveau et oubliez. Prier encore et oubliez. Cela signifie que vous faites une confiance totale en Dieu qui finira par vous exaucer un jour ou l’autre, mais à sa manière. C’est Lui qui décidera du moment où Il nous exaucera et de quel type de grâce nous avons besoin. Priez tant que votre prière n’est pas exaucée à condition que ce que vous demandez s’accorde avec la volonté de Dieu. Jc 5,16 : « La supplication fervente du juste a beaucoup de puissance ».perséverez




17ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Que ton nom soit sanctifié

 

 

que ton nom soit sanctifiéNous venons d’entendre dans la version de saint Luc les mots qui, depuis vingt siècles, n’ont jamais cessé de porter la prière de l’Église. En effet, tout ce qui anime la prière de l’Église, incessamment et en tout lieu n’est jamais qu’un développement, un commentaire qui puise ses racines dans la prière de Jésus : « Père ! Que ton Nom soit sanctifié ! » Je voudrais que nous réfléchissions un instant sur le caractère paradoxal de cette première démarche.

« Père ! Que ton Nom soit sanctifié ! » La première demande du Pater a l’allure d’une demande mais elle n’est pas exactement une demande, car que signifierait de dire à quelqu’un : « Que ton Nom soit sanctifié ! » Quand on sait que, dans la tradition biblique, le nom signifie l’être même de la personne et que personne n’est plus saint que Dieu Lui-même. Par conséquent : « Que ton Nom soit sanctifié ! » Comment peut-on vouloir que Dieu dans sa personne, dans son être devienne plus saint, soit rendu plus saint ?

En réalité, il ne s’agit pas exactement là d’une demande mais plutôt d’une sorte de reconnaissance fondamentale. « Tu es le Dieu qui est quelqu’un et qui manifeste qu’Il est quelqu’un à travers deux choses : la paternité et la sainteté ». Et le croyant ne demande pas quelque chose en plus de cela, il demande simplement que cette réalité-là soit reconnue pour ce qu’elle est, la totalité du mystère de Dieu. Dieu est le Nom. Il est quelqu’un. Il est une personne. Et si nous le savons c’est précisément parce que Jésus Lui-même nous a communiqué la capacité d’entrer dans ce mystère de relation personnelle. La révélation trouve son achèvement, son plus haut point dans ce moment où Jésus initie ses disciples à ce type nouveau de relation personnelle avec le Père. Non pas qu’auparavant il n’y ait pas eu de relation personnelle avec le Père, mais là, nous en recevons l’assurance, la certitude dans la présence même de Jésus. Désormais toute relation avec le mystère de la personne du Père s’enracine dans le fait que Jésus nous l’a révélé, nous l’a dite et nous y initie, nous y conduit et nous y introduit.89341035_o

C’est précisément la raison pour laquelle cela se manifeste par la paternité. Lorsque nous prions, nous sommes engendrés à Dieu. Finalement la prière est l’acte de genèse de nous-mêmes en face de Dieu. La prière n’est pas simplement une activité de la pensée. La prière n’est pas simplement une certaine manière d’envisager Dieu, de lui parler ou de nous adresser à Lui. La prière, c’est notre propre genèse à Dieu. Par la prière, nous sommes engendrés comme fils, nous laissons se déployer en nous notre être de fils. Et par ce biais de la paternité qui nous engendre au mystère de Dieu comme notre Père, nous découvrons la sanctification, nous découvrons la sainteté, c’est-à-dire l’inaccessibilité de Dieu. Mais c’est précisément là où toutes les religions païennes qui à certains moments mettaient l’accent sur la transcendance d’un dieu inaccessible trouvent une sorte de revirement total. C’est à l’intérieur de la reconnaissance de Dieu comme Père, de Dieu avec qui nous avons une relation que nous disons qu’Il est saint, qu’Il nous dépasse infiniment.

Le chrétien vit cette relation avec son Père, il est engendré à la relation par laquelle il est fils du Père, et au cœur même de cette relation il s’aperçoit que cette relation n’est pas une sorte de simple symétrie ou de réciprocité de tu à toi, mais que, en réalité, au cœur même de cette intimité, l’homme est mis devant le secret de la personne de Dieu, le secret de son nom. C’est la raison pour laquelle nous n’avons jamais fini d’être engendrés à Dieu. Bien sûr c’est une aventure qui, déjà sur terre, est pleine de rebondissements, de progrès et parfois aussi de chutes, parce que nous sommes des êtres de chair et de temps. Mais en même temps, parce que nous cherchons le secret même du cœur de Dieu, c’est une aventure qui n’a jamais fini et qui ne cessera jamais, même dans le mystère de la contemplation du Nom divin. Parce que, là encore, l’éternité n’est pas ce long moment interminable, mais elle est simplement ce temps où continue, sur un autre mode encore plus réel, encore plus fort, la sanctification du nom, c’est-à-dire cette fascination du secret même du cœur de Dieu qui nous a été ouvert en Jésus-Christ. Amen.notre père2




17ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 « Quand vous priez, dites : « Père »

(Lc 11,1-13)…»  

     Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. »
Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui nous ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation.»
Jésus leur dit encore : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : “Mon ami, prête-moi trois pains,
car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.”
Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : “Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose.”
Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.
Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira.
En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira.
Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ?
ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

que ton nom soit sanctifié            « Seigneur, apprend-nous à prier ». Lui qui est toujours « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), il invite ici ses disciples, et à travers eux tout homme, à faire de même. Tous, en effet, « nous avons été créés à son image et ressemblance », comme un fils ressemble à son papa (Gn 1,26-28 ; 5,3). « Et Dieu veut que tous les hommes », ses enfants, « soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Alors, « que ta volonté soit faite » !

            « Père, que ton Nom soit sanctifié ». Or, la notion de « sainteté » dans la Bible renvoie à ce que Dieu Est en Lui-même. Quand il dit « Je Suis » (Ex 3,14) ou « Je Suis Saint » (Lv 19,2), il dit en fait la même chose. La notion de« Nom » elle aussi renvoie directement au mystère de celui qui le porte. Lorsque Marie dit « Saint est son Nom » elle évoque simplement le Mystère de « Celui qui Est » (Ex 3,14)… Et les deux termes qui entourent cette déclaration nous disent alors qui Est Dieu pour Marie : « Miséricorde » (Lc 1,50) « Toute Puissante » (Lc 1,49).

            Dire « que ton Nom soit sanctifié » revient donc à souhaiter que Dieu soit connu en vérité tel qu’Il Est. Or, dans la Bible, il est le premier à «sanctifier » son Nom en manifestant, par ses actions, « qui » Il Est : « Je sanctifierai mon nom que vous avez profané au milieu des nations. Alors elles sauront que je suis le Seigneur – oracle du Seigneur Dieu – quand par vous je manifesterai à leurs yeux  ma sainteté», c’est à dire « qui » je suis… Et dans la suite, nous le voyons agir avec une incroyable Miséricorde : « Je vous prendrai du milieu des nations,… je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon Esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles » (Ez 36,23-27), enfin !

            Et puisque Dieu Est« Miséricorde Toute Puissante » dire « que ton règne vienne » revient à souhaiter le salut, la paix et les cris de joie pour tout homme pécheur, pourvu qu’il accepte que Dieu règne dans sa vie sur toutes ses misères, en toutes ses ténèbres : « Qu’ils sont beaux les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui dit à Sion : Ton Dieu règne. Ensemble poussez des cris de joie, ruines de Jérusalem ! car le Seigneur a consolé son peuple, il a racheté Jérusalem. Il a découvert son bras de sainteté aux yeux de toutes les nations, et tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu » (Is 52,7-10).                                DJF




16ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Pourquoi t’inquiéter ?

 

Enmarthe et marietre nous, ce n’est pas très gentil de choisir un évangile pareil pour évoquer la figure de sainte Marthe. Pour peu qu’on y réfléchisse, c’est comme si on choisissait le triple reniement de Pierre pour parler du premier des apôtres. Mais, après tout, peut-être que cet évangile de Marthe veut dire autre chose que ce que l’on pense habituellement. On pense que c’est comme dans tous les ménages, il y en a qui arrivent et qui se mettent directement devant la télévision, en l’occurrence c’était devant le Seigneur ce qui est bien mieux, et puis il y a l’épouse, la mère au foyer qui s’occupe des casseroles et du ménage. Et dans une vue des choses qui n’est pas très chrétienne mais profondément païenne, on extrapole en disant que, après tout, dans la vie, il y a deux métiers, deux vocations. Il y a une sorte de vocation contemplative dans laquelle on ne s’occupe de rien, on vit toujours un tout petit peu au-dessus du niveau du sol. Et puis, il y a une vocation active qui, au contraire, est celle où l’on s’occupe de toutes les tâches les plus humbles, où l’on s’arrange pour que la vie familiale puisse se dérouler le plus harmonieusement possible. D’où, à partir de ce moment-là, un certain ressentiment et quelques murmures de la part des maîtresses de maison qui n’auraient plus la liberté d’esprit et de cœur pour écouter le Seigneur comme Marie.

Si vous avez remarqué la manière dont le Christ reprend sainte Marthe, il ne lui dit pas qu’elle travaille beaucoup trop. Il lui dit simplement : « Tu t’agites et tu t’inquiètes trop ». Il ne lui reproche pas de l’accueillir à la maison et de préparer le repas. Il lui reproche de le faire dans un certain esprit qui n’est peut-être pas le meilleur. Le Seigneur lui lance un appel à la conversion en lui expliquant que le problème n’est pas une répartition des tâches. L’histoire du salut n’est pas une division du travail. Le problème est de savoir que, quelle que soit la situation dans laquelle on est, il y a toujours une seule chose qui est nécessaire : c’est la présence du Christ. Effectivement il est possible, et c’est cela que Marthe ne comprenait pas, il est possible de faire ces petites tâches en sachant que même si l’on est un peu éloigné du Christ au plan matériel, on n’est pas à ses pieds, une certaine attitude du cœur permet un véritable accueil de l’unique nécessaire.

dieu parle

Dans notre vie, contrairement à ce que nous pensons, nous vivons la plupart du temps, même les plus contemplatifs, au niveau de Marthe. Nous avons des tas de choses auxquelles nous devons faire face et l’on se trouve toujours être la Marthe de quelqu’un parce que notre égoïsme nous fait penser que peut-être on en fait trop et nous souhaitons un peu de calme. Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que dans toutes ces activités, il s’agit toujours d’accueillir le Seigneur. Ce que Marthe ne comprenait pas, c’est qu’au moment où elle préparait la table, elle était en train d’accueillir le Christ. Elle avait dissocié les deux choses. Elle n’avait pas su intégrer les gestes même nécessaires dans l’unique amour du Seigneur. C’est, je crois, ce dont nous avons le plus besoin.

Une véritable sagesse chrétienne n’est pas détournée du monde, n’est pas une sorte de mépris de toutes ces petites choses quotidiennes qui recèlent une certaine profondeur et une certaine sagesse de la vie. Mais là où la foi chrétienne met quelque chose de merveilleux, c’est qu’elle apprend à Marthe à ne pas se perdre, mais au contraire à retrouver le Seigneur même dans ce qu’elle fait. Alors demandons à sainte Marthe d’intercéder pour que le Seigneur nous donne cette grâce de conversion qui a dû alors irradier son cœur en présence du Seigneur. Amen.




16ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 « Ecoute » (Lc 10, 32-42) »  

     En ce temps-là, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut.
Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. »
Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses.
Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »

 

dieu parle

Marthe reçoit Jésus chez elle et commence à accomplir son devoir de maîtresse de maison avec toutes les obligations qu’elle pense être indispensables en de telles circonstances. Sa sœur Marie, elle, ne fait rien. « Assise aux pieds du Seigneur, elle écoute sa Parole », ce qui laisse supposer que Jésus parle, et que Marthe ne l’écoute pas… Elle ne le peut pas, elle a trop à faire ! Et elle est scandalisée par l’attitude de sa sœur, scandalisée et surprise que Jésus ne le soit pas lui aussi ! Elle est en effet si sûre de son bon droit qu’elle se permet de lui faire des reproches : « Cela ne te fait rien ? ». Qu’il retrouve donc son bon sens et qu’il corrige avec elle cette Marie insouciante en lui demandant de venir « l’aider » dans « les multiples occupations du service » !

            Mais non ! Ce n’est pas Marie qui se trompe… Et Jésus va interpeler Marthe en l’appelant deux fois par son nom, comme Dieu le fait lorsqu’il invite quelqu’un à le servir : « Marthe, Marthe », « Moïse, Moïse » (Ex 3,4), « Samuel, Samuel » (1Sm 3,10), « Saül, Saül » (Ac 9,4)… 

            Mais Marthe est déjà, semble-t-il, à son service ! Semble-t-il, car ce qu’elle fait pour Jésus correspond-il vraiment à ce qu’il attend d’elle ? « Tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses »… Ces « choses », qui lui a demandé de les faire : le Christ, ou bien elle-même, ou une tradition toute humaine (Mc 7,1-13) ?

            N’aurait-elle pas dû d’abord demander à Jésus ce qu’il attend d’elle ? Qu’aurait-elle « fait » alors ? Elle se serait assise à ses pieds, comme sa sœur Marie,  et elle aurait « écouté sa Parole ». Alors, en se tournant vers lui, elle aurait compris qu’il est lui-même tout entier tourné vers le Père (Jn 1,18), à l’écoute de sa Parole, avec un seul désir : accomplir sa volonté (Jn 4,34 ; Lc 22,42). Et quelle est-elle ? « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4), gratuitement, par Amour…  Aussi, est-il venu les inviter, avec son Fils et par Lui, à manger à sa Table au grand festinde la Vie (Lc 14,15-24), et Lui-même les servira (Lc 12,37) !

            Marie s’est laissée invitée… Que Marthe fasse donc de même ! Alors, en accueillant cette Parole donnée par le Fils (Jn 17,8), elle recevra aussi avec elle« l’Esprit donné sans mesure » (Jn 3,34), « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63) en communiquant « la vie éternelle » (Jn 6,47 ; 6,68), cette Plénitude d’Être et de vie qui est celle de Dieu Lui-même ! Telle est « la meilleure part » qui ne leur sera pas enlevée, car Dieu nous a tous créés pour elle…                                   DJF




15ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Le bon Samaritain

bon samaritain« Mais un Samaritain qui était en voyage le vit, fut saisi de compassion, s’approcha de lui et soigna l’homme qui était tombé aux mains des brigands ». Ce texte du bon Samaritain est un texte que nous croyons connaître, et pourtant il nous dit des choses extrêmement profondes que peut-être nous ne soupçonnons pas, parce qu’elles nous touchent de si près, parce qu’elles révèlent quelque chose de notre cœur qui est si difficile à voir parce que c’est tout simple et tout proche. Nous croyons connaître la parabole et notre sensibilité ou même notre intelligence sont pour ainsi dire blindées à la simplicité même de ce que ce récit et cette parabole du Seigneur veulent nous dire.

Il s’agit d’un voyage. Il s’agit de nous qui sommes en voyage. Quand nous regardons notre propre vie, n’avons-nous pas l’impression que nous sommes toujours sur un chemin, n’avons-nous pas toujours l’impression d’être jetés dans le temps, avec derrière nous le chemin parcouru et avec devant nous le chemin à parcourir ? Nous sommes en voyage et quand nous regardons notre propre vie, n’y a-t-il pas en nous une part de cet homme blessé tombé aux mains des brigands, avec toutes les épreuves et les difficultés qui nous sont tombées dessus, avec tous les malheurs, avec toutes les failles de notre propre existence auxquelles nous avons dû nous confronter et desquelles nous ramenons trop souvent plaies et bosses ? Et quand nous regardons notre existence, n’y a-t-il pas aussi cet homme en voyage qui ne fait pas beaucoup attention à ceux qui sont tombés à côté de lui ? Et puis il y a peut-être aussi, plus discret, plus étonnant, cet homme en voyage qui sait s’arrêter, qui sait se laisser toucher le cœur, ému de compassion, parce qu’il voit son prochain tombé et frappé ? Ce prochain pouvant d’ailleurs être soi-même, tant il est vrai qu’à certains moments nous n’avons pas beaucoup de compassion ou de tendresse pour notre propre existence ou notre propre voyage.

2ièm D AVENT ANNEE C

Nous sommes tous sur le chemin qui va de Jérusalem à Jéricho, nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, sur ce chemin qui descend vers la vallée de la mort. Nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, dans cette solitude du voyageur qui avance pas à pas, aux risques et aux périls de son expérience, aux risques et au défi de ce mal qui sans cesse nous talonne, nous menace et nous tracasse. Simplement, comment vivons-nous ce voyage ? Comment marchons-nous sur ce chemin ? Et d’abord, où nous mène-t-il ? Ce chemin part de Jérusalem, et pour nous tous, nous savons que Jérusalem représente l’Église. Nous savons que, jour après jour, lorsque nous quittons l’assemblée de l’eucharistie, nous nous engageons sur ce chemin dans lequel nous affronterons au cours de la semaine un certain nombre de dangers, de difficultés, d’épreuves et de tentations. Mais nous savons aussi que nos racines sont dans l’Église, que nos racines sont à Jérusalem, que tout notre être est enraciné dans cette présence de Dieu.

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Mais alors, où allons-nous ? C’est vrai que l’on peut dire que nous descendons à Jéricho, que nous descendons vers la mort. C’est vrai cela. Le sens profond de notre existence, ce jour après jour, ce temps qui s’use et ces épreuves qui nous blessent et nous meurtrissent, tout cela est, d’une manière ou d’une autre, la marque de la mort. Le temps nous use et notre pauvre cœur s’use, avec son désir. Mais en même temps, et c’est peut-être là que nous ouvrons les yeux, en même temps que nous marchons jour après jour vers cette mort, il y a quelque chose d’étonnant. Nous marchons aussi, heureusement et c’est là notre foi et notre espérance, nous marchons vers Dieu. Le chemin de Jérusalem à Jéricho n’est pas n’importe quel chemin. C’est un chemin déjà tracé. Nous marchons toujours un peu sur les sentiers battus, c’est comme cela que nous menons notre existence. C’est un chemin déjà tracé parce que Dieu, heureusement, d’une manière nous l’a déjà tracé. Il est « le chemin, la vérité et la vie ». C’est Lui-même qui l’a dit. C’est un chemin de chair et de sang. C’est un chemin de croix. Et c’est aussi un chemin de résurrection.

Curieusement, au bord de ce chemin, à tout moment, il nous est donné de le rencontrer. Dieu n’est pas au bout du chemin. Dieu n’est pas à la fin de notre voyage sur la terre. Dieu est déjà là, sur ce chemin que nous parcourons, sur ce chemin que nous portons, sur ce chemin de notre cœur. Et c’est sans doute l’erreur du lévite et du prêtre d’avoir cru que Dieu était au bout du chemin, et qu’il fallait se dépêcher, se hâter pour ne pas regarder de trop près le cadavre qu’il y avait au bord de la route, de peur de se souiller et de ne pouvoir accomplir les prescriptions rituelles.

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L’erreur du prêtre et du lévite c’est de croire que Dieu est au bout du chemin, alors qu’en réalité, Il était là sur le bord du chemin. La parabole du bon Samaritain est la manière même dont Dieu se fait le plus pauvre, le plus démuni, au bord du chemin. C’est la manière dont Il veut que nous le rencontrions, dès maintenant, de façon souvent impromptue, improvisée, imprévisible. C’est la manière même dont Dieu surgit tout à coup comme celui qui n’est pas attendu et surtout comme celui que, dans un premier mouvement, nous ne voulons pas reconnaître, parce qu’Il porte encore les coups et les stigmates de sa passion.

L’histoire du bon Samaritain, c’est l’histoire d’un Dieu qui s’est fait proche à ses risques et périls, et surtout à nos risques et périls. Risque de ne plus le voir, risque de le méconnaître, risque de passer outre. L’histoire du bon Samaritain c’est précisément Dieu qui se met sur notre chemin pour que nous Le rencontrions, dans la simplicité même de ce geste par lequel nous sommes tout simplement pris de pitié et que nous avons envie de secourir le frère qui est au bord du chemin.

Voyez-vous, nous disons souvent que « Le Verbe s’est fait chair ». Nous disons souvent que Dieu s’est fait homme, mais Il s’est fait l’homme tombé au pouvoir du mal. Il s’est fait celui qui est tombé et mort sur la croix, pour nous relever. Il est dans le cœur du frère qui incarne pour nous, d’une manière ou d’une autre, la présence du Christ qui a besoin de notre amour, de notre attention. Ce que Jésus voulait faire comprendre dans cette parabole, c’est que le visage du prochain n’est pas simplement la misère du monde en général, qu’il faudrait secourir par de grands organismes caritatifs ou philanthropiques. La manière dont Jésus voulait nous faire comprendre le prochain, c’était qu’il y avait comme une surimpression, comme on parle en langage photographique de deux photos qui ont été prises l’une sur l’autre, une sorte de surimpression du visage de Dieu sur le visage de l’homme.

Le bon Samaritain est le moment où nous savons voir dans toute blessure ou toute souffrance humaine, quelque chose du mystère de Dieu qui a souffert pour nous. Le mystère du bon Samaritain est le moment où nous savons deviner qu’Il est là, tout simplement sur le chemin de notre cœur. Alors si nous entrons dans ce chemin de vacances, dans cette route un peu plus détendue où l’on peut flâner, où l’on peut musarder d’un côté ou d’un autre de la route, peut-être qu’il faut que nous laissions s’attarder notre cœur, comme à l’école buissonnière. Peut-être que nous avons à regarder autour de nous, si proche de nous que la plupart du temps nous ne le voyons pas, le visage d’un conjoint, le visage d’un enfant, le visage d’un voisin qui porte en lui les coups de la vie et qui a peut-être besoin que nous nous penchions sur lui, que nous soignions ses plaies, avec un amour qui ne vient pas de nous, parce qu’à ce moment-là, lorsque nous nous penchons sur le visage de l’autre qui est déjà le visage du Christ transfiguré, nos mains déjà, ne sont plus nos mains, mais les mains du Christ Ressuscité.

l'amour de dieuC’est ce mystère profond de la configuration de celui qui souffre et de celui qui aide, par lequel le Christ nous dit le double visage de la pauvreté, du dénuement dans lequel Il est entré pour nous sauver de la mort. Et d’autre part ce visage de la richesse et de l’infinie miséricorde par laquelle Il nous donne les trésors de sa bonté et de sa douceur. Que cela soit notre chemin de vacances. Que les autres ne soient pas seulement ceux qui sont extérieurs à nous, mais ceux que, mystérieusement, Dieu a placés sur le chemin de notre propre vie et de notre propre cœur. Amen.

 

 

 




15ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 « Aime et tu vivras » (Lc 10, 25-37) »  

     En ce temps-là, voici qu’un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? »
L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. »
Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. »
Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? »
Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté.
De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté.
Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion.
Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui.
Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.”
Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? »
Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

 

envoyés pour servir

Par la question qu’il pose à Jésus, ce Docteur de la Loi révèle son attitude de cœur vis à vis de Dieu : « « Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? ». Il s’agit donc avant tout pour lui de « faire », en obéissant à la Loi religieuse de l’époque. Et s’il « fait » bien, il aura en récompense, comme un dû, comme un salaire, cette vie éternelle qu’il pense mériter, après tous ses efforts ! Dans cette logique, Dieu n’a pas sa place. L’homme peut très bien se débrouiller tout seul et être son propre juge : « J’ai fait ceci et cela ; objectivement, c’est bien. Je suis quelqu’un de juste, un bon croyant. Je mérite donc la vie éternelle »… Dieu n’a rien à dire. Il ne peut qu’acquiescer et s’exécuter en silence en donnant ce qui lui revient : la vie éternelle. Telle est en fin de compte l’attitude de l’orgueilleux, seul avec lui-même.

            Finesse de Jésus. A sa question, il répond par une autre question, sur la Loi, et il sait très bien que ce Docteur de la Loi la connaît par cœur : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Comment lis-tu ? » Et il répond parfaitement bien : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » Il ne s’agit donc pas de « faire » mais « d’aimer », de tout son être… Et le premier à « aimer », c’est Dieu, Lui qui, de son côté, ne cesse de nous aimer de tout son Être, puisqu’Il Est Amour (1Jn 4,8.16) : « Je trouverai ma joie à leur faire du bien, de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,41). Notons le verbe employé : ici, c’est Dieu qui « fait », par amour, et non pas l’homme… Et que fait-il ? « Il nous a donné de son Esprit » (1Jn 4,13), un « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), un « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), vie éternelle…

            Dans un tel contexte, que faut-il donc faire pour avoir part à la vie éternelle ? Accepter la relation d’Amour que Dieu veut vivre avec chacun d’entre nous, nous laisser aimer tels que nous sommes, dans la vérité de notre être blessé, et le laisser agir en « médecin » (Lc 5,31), en « Bon Pasteur » : « La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai » (Ez 34,16). Voilà qui est Dieu, et voilà comment « l’homme créé à son image et ressemblance » devrait être (Gn 1,26-28). Et c’est bien l’exemple que donne ici Jésus : un Samaritain, ennemi traditionnel d’Israël, « fut bouleversé de compassion » devant un Israélite blessé par des bandits. « Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin » Alors, « toi aussi : va, et, fais de même !»DJF