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4ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER

Le Christ Bon Pasteur (Jn 10,27-30)

En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Le Père et moi, nous sommes UN. »

           

 BonPasteur          

            « Mes brebis écoutent ma voix », dit Jésus. Or en St Jean, le thème de la voix est lié à l’action de l’Esprit Saint, cette Troisième Personne de la Trinité qui travaille avec le Fils à l’accomplissement de la volonté du Père : le salut de tous les hommes. « L’Esprit souffle où il veut, et tu entends sa voix », dit Jésus (Jn 3,8). Et c’est ainsi qu’il rend témoignage à la Parole donnée par Jésus : il joint sa voix à la sienne. « L’Esprit de vérité me rendra témoignage » (Jn 16,26). Et comment fait-il, quel est donc le ‘contenu’ de sa voix ? Il est de l’ordre de la Vie. L’Esprit Saint parle en communiquant à celles et ceux qui écoutent la Parole de Jésus « quelque chose » qui est de l’ordre de la Vie éternelle : « C’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6). Ecouter la voix de Jésus, c’est donc vivre de sa Vie… Jésus est en effet « le Chemin, la Vérité, et la Vie » (Jn 14,6). Il est le Chemin qui, par la Vérité qu’il nous dit, conduit à la Vie, car « l’Esprit de Vérité » rend témoignage à cette Vérité révélée par Jésus en communiquant justement la réalité de cette Vie que Jésus évoque par ses Paroles…

            Bien sûr, l’Esprit de Vérité ne rendra jamais témoignage à quelqu’un qui serait en désaccord, de cœur, avec cette Vérité. Jésus, « les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix » : elles vivent avec lui « quelque chose » qui est de l’ordre de la Vie, grâce à l’action de l’Esprit Saint dans leur cœur. Mais rien de tel pour « les étrangers » : « Elles ne suivront pas un étranger ; elles le fuiront au contraire, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers »… Avec eux, pas de « Vie »…

            Ce Mystère de Vie est en fait un Mystère de Communion qui existe en Dieu de toute éternité. Le Père est Plénitude de Vie, et gratuitement, par amour car « Dieu Est Amour », il ne cesse de donne cette Vie à son Fils, l’engendrant ainsi en Fils « né du Père avant tous les siècles ». « Je vis par le Père », nous dit Jésus. Etant ainsi « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu », le Fils est lui aussi « Amour », et donc « Don de Lui-même ». Et du Don éternel du Père et du Fils « procède » l’Esprit Saint, comme nous l’affirmons dans notre Crédo. Les Trois vivent dans la Communion d’une même Plénitude, qui Est Amour, Lumière et Vie, le Fils la recevant du Père de toute éternité, l’Esprit Saint la recevant du Père et du Fils de tout éternité, en un Mystère d’Amour, de Don gratuit… Et Jésus affirme ici : « Moi et le Père, nous sommes un », bien différents l’un de l’autre, mais unis l’un à l’autre dans la Communion d’une même Lumière, d’une même Vie…                                                                                DJF

 

       

           




3ième Dimanche de Pâques- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Le toucher divin du Ressuscité

sur notre condition humaine

« Simon Pierre dit : ‘Je pars à la pêche’ ». Et le visionnaire de l’Apocalypse écrit : « J’entends monter l’acclamation de toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre et dans la mer ». Quel contraste étonnant entre ces deux réalités ! Pierre, quelque temps après les événements de Jérusalem, est reparti en Galilée et a tout l’air de relancer l’entreprise de pêche qu’il avait abandonnée pendant quelques années : il invite ses compagnons à se recycler dans ce domaine comme si l’aventure avec Jésus paraissait sans lendemain. Et de l’autre côté, cette louange cosmique de toutes les créatures qui sont sur la terre, sous la terre, dans le ciel et sur la mer. Pourtant il s’agit exactement de la même réalité. Quand Pierre part à la pêche et quand toutes les puissances de la création se mettent à louer Dieu, c’est du même mystère qu’il s’agit. Et c’est ce que je voudrais méditer quelques instants avec vous.

Jésus ressuscité apparait aux disciplesEn effet, l’un des aspects qui me semblent frappants dans tous les récits de résurrection est le suivant : qu’il s’agisse des femmes qui s’en vont au tombeau pour oindre le corps avec des parfums, qu’il s’agisse des apparitions où les apôtres, par peur, sont terrés dans le Cénacle, qu’il s’agisse encore des apparitions sur le bord du lac de Tibériade ou encore sur la montagne d’où Jésus envoie les Douze annoncer l’Évangile, dans tous les cas il est tout à fait étonnant de constater la familiarité et la proximité de Jésus par rapport à la vie que mènent ses disciples. Tout se passe comme si le principal souci du Christ ressuscité était pour ainsi dire de se glisser, de se couler dans leur vie la plus ordinaire et la plus quotidienne : « Je pars à la pêche ». Ainsi le mystère de la résurrection n’est pas arrivé à la connaissance de ces hommes-là comme une réalité, comme une nouvelle qui les aurait foudroyés. Non, Jésus a été infiniment proche d’eux, dans la plus grande simplicité. Vous l’avez remarqué, dans le récit que nous lisons ce dimanche, Jésus se manifeste sur le bord du rivage : « Les enfants, vous n’avez pas du poisson ? » Et ensuite quand ils commencent à le reconnaître, Il a déjà préparé le repas comme Il pouvait déjà le faire avant sa mort. Et puis devant la gêne, devant le silence, personne n’ose le questionner, et c’est Jésus qui tout simplement dénoue la tension de l’atmosphère en posant la triple question à Pierre : « M’aimes-tu ? » Les disciples savaient bien ce que ça voulait dire : « Toi qui M’as renié trois fois, Je vais confirmer en toi mon amour par trois fois ». Ainsi, ce qui est surprenant, c’est la capacité qu’a la puissance de Jésus ressuscité de se couler dans ce moment de la vie des apôtres déçus, lassés et qui se sont remis à vivre comme tout le monde en Galilée. Le mystère de la Résurrection de Jésus est un mystère de proximité. Et pourtant en même temps, nous est donné le témoignage d’un Agneau immolé : « Celui qui est au-dessus de toute la création », qui la récapitule par sa mort et à qui toute la louange cosmique s’adresse. « Tout être sur la terre, dans le ciel, sur la mer, sous la terre », c’est-à-dire la totalité même du cosmos tel qu’on le concevait à cette époque-là, le monde visible et invisible rend gloire à Dieu.

Et vous comprenez alors le rapport entre les deux. C’est précisément parce que dans les apparitions de Jésus ressuscité, Il a été capable de rejoindre les apôtres au plus simple, au plus élémentaire de leur existence que nous avons ainsi reçu le signe que Jésus mort et ressuscité était capable de rejoindre tout homme, toute la création, tout le cosmos dans leur réalité la plus intime.

Michel-Ange-creation-d-AdamJe voudrais illustrer cela par une image. Vous connaissez sans doute la célèbre fresque de la création peinte par Michel-Ange où l’homme tend la main vers son Dieu qui l’a créé. Cette fresque a quelque chose de dramatique au sens où les deux mains ne se touchent pas, elles sont là dans une sorte d’imperceptible mouvement de distance et de tension. Et ce qui fait la beauté de cette œuvre de Michel-Ange dit en même temps ce qui constitue le caractère provisoire du projet créateur. Dans la création, nous sommes en tension vers Dieu, toutes choses ont été créées bonnes pour chercher Dieu, mais précisément chercher ce n’est pas encore tenir. Je pense que Michel-Ange a voulu évoquer ce mystère d’une création où l’homme dans son autonomie est en train de tendre la main vers le Dieu qui l’a créé, mais la jonction n’est pas encore faite. Or, dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, que se passe-t-il ? C’est que la main de Dieu, la main crucifiée de Dieu vient toucher la main de l’homme. Certes ce n’est pas encore la totale prise de possession de nous-mêmes, telle qu’elle se fera dans le Royaume, mais désormais la résurrection est comme le toucher divin du Christ ressuscité sur toutes les réalités de la création. Désormais la création n’est plus simplement en quête de Dieu, elle est effleurée, elle est touchée au plus intime d’elle-même, comme le geste d’une main qui nous touche simplement peut signifier la profondeur de l’attachement, de l’affection. Ici, dans le mystère de la résurrection, c’est le Christ qui vient comme toucher, effleurer, non pas pour nous lâcher, mais pour nous conduire à la plénitude de son Royaume.

Et nous chrétiens, nous sommes dans toute cette histoire un peu comme Pierre au moment où le toucher de Dieu, de cette main créatrice de Dieu vient maintenant toucher son œuvre restaurée. En même temps, de ce contact jaillit la question : « M’aimes-tu ? » Au fond, toute notre existence est simplement le déploiement de cette question : « Simon, M’aimes-tu ? » m-aime-tuLes chrétiens et l’Église sont ceux-là mêmes qui, se sachant touchés par le mystère même de la présence du Christ ressuscité, par sa main ressuscitée, ont à cœur de vivre le plus simplement, le plus fidèlement possible, et même en y incluant leur faiblesse et leur péché, de méditer ces paroles que le contact de la main de Jésus mort et ressuscité fait jaillir dans notre cœur. Chacun d’entre nous est ainsi interrogé : « M’aimes-tu ? » Notre réponse, c’est la réponse de notre foi et de notre baptême, c’est la réponse de nos assemblées eucharistiques et de notre communion au corps du Christ. Tous ces gestes que nous accomplissons, c’est Dieu qui les inscrit en nous. Et c’est à ce moment-là, dans ces gestes mêmes que nous pouvons dire : « Oui, Seigneur, Tu sais tout, tu sais bien que je T’aime ».

Tâche redoutable et merveilleuse que celle de l’existence chrétienne tendue entre le sens d’une intimité de la présence de Dieu « qui a posé sa main sur nous » comme le dit le psaume, et la splendeur à laquelle nous sommes appelés parce que Celui qui est mort et ressuscité est le point de rassemblement, le point de jonction, vers lequel toute la création marche et s’en va, même sans le savoir.

Qu’aujourd’hui nous soit donné de mieux approfondir ce mystère du Christ Ressuscité. Ce n’est pas simplement l’espérance de notre survie, même si c’est tout à fait valable et important. Mais c’est beaucoup plus radicalement la réorientation de toute l’humanité, de tout le cosmos vers une vie nouvelle, vers le mystère même de la présence de Dieu qui maintenant nous touche de sa main pour nous ressusciter. Amen.




3ième Dimanche de Pâques par P. Claude Tassin (10 Avril 2016)

Actes 5, 27-32.40b-41 (« Nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint »)

Les notables sadducéens sont majoritaires au grand conseil de Jérusalem, le sanhédrin présidé par le grand prêtre. Ce parti se méfie des innovations sociales et religieuses. À l’inverse, parce que les chrétiens défendent la foi en la résurrection, certains pharisiens du conseil restent ouverts à la jeune Église de Jérusalem, tel Gamaliel qui prendra ici la défense des apôtres (voir les versets 34-39). Relevons deux traits :

Les témoins de la foi pascale

Pierre proclame un résumé du message qu’on adressait aux Juifs pour leur révéler la foi chrétienne : Jésus a été crucifié selon les prophéties, «en le pendant au bois», selon l’interprétation juive et chrétienne de Deutéronome 21, 23. Le Dieu des patriarches l’a ressuscité et a fait de lui, littéralement, le «chef de file» et le Sauveur. Il suffit alors à Israël de se convertir, de reconnaître qu’on a eu tort de condamner Jésus, et le pardon de Dieu sera assuré. Les apôtres sont témoins de la vérité de ce message, puisqu’ils ont reçu l’Esprit qui leur donne l’assurance de la parole et la capacité d’opérer des miracles.

Le témoignage du «Nom»

Pour saint Luc, les tribunaux ne sont pas des lieux où les chrétiens persécutés se défendent, mais une tribune, l’occasion de témoigner bien haut de leur foi dans «le Nom» (de Jésus). Dans la Bible, le nom c’est la personne elle-même, comme lorsque nous disons : «Ce nom-là ouvre toutes les portes.» Les Actes des Apôtres évoquent souvent le nom de Jésus – ou simplement «le Nom», sans qu’il soit besoin d’en dire plus : «Nous vous avions interdit d’enseigner en ce Nom-là», fulmine le grand prêtre. Ce nom par la force duquel les apôtres baptisent, guérissent et exorcisent, triple activité illustrant cette certitude : «Il n’y a pas sous le ciel d’autre Nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés» (Actes 4, 12). Le Nom de Jésus, c’est son agir en tant que sauveur, un agir qui, dans l’histoire de nos Églises, se conjugue avec la force de l’Esprit, guide la mission.

Après leur flagellation, les apôtres «allaient, se réjouissant d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom». Quel sujet de fierté, en effet, que le fait de vivre les mêmes épreuves que celui dont on porte et dont on défend le nom ! Cette identité de destin est la gloire du chrétien.

Psaume 29 (« Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme »)

De nouveau, ce poème n’a pas grand rapport avec la lecture qui précéde, sinon que les apôtres ont vécu une expérience «pascale» à travers leur flagellation et leur libération. Au vrai, ce psaume propose un modèle de prière au long du temps pascal. Les versets retenus par la liturgie cumulent les «ingrédients» de l’action de grâce biblique.

Strophe 1 : Le psalmiste a été gravement malade. Mais sa foi a crié vers le Seigneur qui l’a fait remonter du bord de la fosse où il allait tomber.

Strophe 2 : Le psalmiste invite ses proches, les «fidèles», à partager son expérience. Certes, l’épreuve est douloureuse et semble être un coup de colère de la part de Dieu. Mais ce n’est qu’un moment. La bonté du Seigneur, elle, dure «toute la vie».

Strophe 3 : Le psalmiste persiste dans sa reconnaissance, à travers des oppositions poétiques : les larmes des sombres soirs et les chants du joyeux matin ; le triste accoutrement du moribond et le beau vêtement du retour à la vie.

Un de mes amis, mort d’un cancer, répétait cette strophe à haute voix dans ses derniers jours. Son épouse lui disait : «Thierry, comment peux-tu dire cela, en ton état ?» Il répondait «Si ! Je le sais : je vais l’avoir, ma parure de joie.»

Strophe 4 : Le psalmiste, sauvé de la mort, sait maintenant qu’il est un «survivant» ; il sait à qui il doit sa vie. Désormais sa vie ne peut plus être qu’une perpétuelle action de grâce : «Que sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce !»

Selon la lecture chrétienne du psaume, c’est le Christ qui dit «je» dans ce psaume, louant son Père pour sa résurrection. Ce «je» est aussi celui de tout chrétien, uni au Christ qui rend grâce à Dieu pour ses expériences quotidiennes de résurrection.

 

Apocalypse 5, 11-14 (« Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse »)

S’ennuie-t-on à la messe ? Qu’explose alors le toit de l’église, qu’on lise l’Apocalyse, chap. 4 et 5, et qu’on suive le visionnaire dans le Temple du ciel ! Dieu y siège sur un trône que soutiennent les quatre Vivants, c’est-à-dire les piliers de la création vivante. Autour de lui, voici les vingt-quatre Anciens, c’est-à-dire les patriarches et les prophètes de la Bible. Alors s’ouvre une liturgie cosmique dans laquelle, en fait, l’univers chante les cantiques des assemblées chrétiennes terrestres de la fin du 1er siècle. A qui s’adresse leurs louanges ? « Il est digne, l’Agneau immolé » (avec ses sept titres solennels) et « celui qui siège sur le trône ». »

Pourquoi cette cérémonie ? C’est que Dieu tient un « livre scellé », l’Ancien Testament, et personne ne peut l’ouvrir pour qu’on en comprenne le vrai sens (Apocalypse 5, 1-6). Mais arrive l’Agneau immolé, le Christ ; le véritable Agneau pascal dont parlait la Bible. Lui nous expliquera tout.

Que nous nous réunissions dans une cathédrale ou une église rurale, chaque dimanche célèbre la Pâque, la victoire sur la mort. Nous chantons le Christ avec l’univers entier, dans une louange de tout le cosmos. Quand vient la routine, l’Apocalypse nous aide à retrouver le souffle du monde en marche vers la Pâque définitive qui rassemblera « des myriades de myriades » de croyants.

 

Jean 21, 1-19 (« Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne, et de même pour le poisson »)

L’évangile d’aujourd’hui est une libre et fine broderie sur un épisode de la tradition évangélique : la pêche miraculeuse (cf. Luc 5, 1-11). Dimanche dernier, nous lisions la fin de l’évangile de Jean. Mais, à la fin du 1er siècle, devant de nouveaux problèmes, Dieu inspire à un disciple de l’évangéliste cet épilogue qui met en relief *Pierre et «le disciple que Jésus aimait». L’épisode comprend trois séquences.

La pêche

L’épisode de la pêche, symbole de la mission chrétienne, souligne d’abord la stérilité des efforts des disciples en l’absence du Seigneur. Puis, comme lors de la course au tombeau, «le disciple que Jésus aimait» découvre le premier la présence du Seigneur, mais laisse Pierre se précipiter à sa rencontre. Cent cinquante-trois poissons ! comme si on avait compté les preuves de la merveille : voilà la puissance du Seigneur pour son Église ! Mais, nouvelle époque, Pierre va perdre sa figure de missionnaire au profit de celle de «pasteur»…

Le repas

Vient la scène du repas. Elle rappelle les gestes de la multiplication des pains (cf. Jean 6 ,11) et, par là, de l’eucharistie : les chrétiens savent que «c’est le Seigneur» qui les nourrit et les attend en même temps sur le rivage de la Pâque à venir.

Le dialogue final

Voici enfin le dialogue entre Jésus et Pierre. Simon répare son triple reniement par une triple déclaration d’amour qui lui vaut la charge de pasteur, c’est-à-dire, on le verra dimanche prochain, une intime participation à la fonction que le Christ joue vis-à-vis de l’Église. Scène poignante, car Pierre est déjà mort quand cette scène est rédigée («Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu»). Pierre est, lui aussi, un vrai disciple, un amoureux du Christ. Pourquoi cette insistance ?

Notre lectionnaire, hélas, omet la finale, Jean 21, 20-23, qui est la clé de l’épisode. L’Église ne fut jamais une au départ. L’unité fut toujours à construire. Il y eut, entre autres, un groupe se réclamant du «Disciple que Jésus aimait» et dont l’évangile de Jean se fait le défenseur, une Église imbibée de l’idée d’une communion personnelle de chaque chrétien avec Jésus, une Église qui boudait les communautés se réclamant de Pierre, avec leur sens de l’organisation «pastorale». Le groupe avait cru que «ce Disciple ne mourrait pas». Erreur ! et des déviations sont vite apparues dans ce groupe ecclésial. L’auteur de notre épilogue, successeur du Disciple, dit ceci : ne perdons pas notre sens de l’amour du Christ, mais rallions-nous aux Églises de Pierre : lui aussi était un «disciple que Jésus aimait», et son martyre l’a prouvé.

C’est un premier exemple de discernement sur les courants opposés, voire douloureux, qui ne cesseront jamais de parcourir l’Église de manière féconde.

Pierre et Jean : «L’Église connaît deux genres de vie à elle révélés par Dieu. L’une est dans la foi, l’autre dans la vision ; l’une pour le temps du voyage, l’autre pour la demeure d’éternité ; l’une dans le labeur, l’autre dans le repos ; l’une dans le travail de l’action, l’autre dans la récompense de la contemplation.

La première est symbolisée par Pierre, la seconde par Jean. La première est en action jusqu’à la fin du monde, avec laquelle elle trouvera sa propre fin ; la seconde doit attendre son accomplissement après la fin de ce monde, mais dans le monde futur elle n’a pas de fin. Ainsi il est dit à Pierre : « Suis-moi », et au sujet de Jean « Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, est-ce ton affaire ? Mais toi, suis-moi »…. Ce qu’on peut dire plus clairement ainsi : Que l’action parfaite me suive, modelée sur l’exemple de ma passion; que la contemplation, qui commence seulement, reste jusqu’à ce que je vienne, pour trouver son accommplissement lorsque je viendrai » (saint Augustin, sur saint Jean).

Qui donc est là, sur la rivage,

Après la nuit de vaine pêche ?

Qui donc est là ?

À mon filet de gros poissons,

J’ai reconnu le Seigneur.

Tu sais tout, Seigneur,

Tu sais que je t’aime. (chant I 120)

 




3ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER

L’Eglise Missionnaire (Jn 21,1-19)… 

En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment.
Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples.
Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui.
Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. »
Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons.
Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau.
Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres.
Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain.
Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. »
Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré.
Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur.
Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson.
C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.
Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. »
Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. »
Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis.
Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »
Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »

           

 pierre-maimes-tu           

            Cet épisode résume la vie de l’Eglise, jusqu’à la fin des temps… Au début, les disciples partent à la pêche avec Simon-Pierre ; ils sont sept, un chiffre symbole de plénitude : c’est vraiment toute l’Eglise qui est évoquée ici, et c’est à elle que le Christ ressuscité va se manifester. Mais « ils passèrent la nuit sans rien prendre » car le Christ « Lumière du monde » n’était pas avec eux, et « la nuit, nul ne peut travailler » au salut du monde, car « sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 8,12 ; 9,4 ; 15,5) …

            Mais « au lever du jour, Jésus était là ». Le Ressuscité les a rejoints… Ce « lever du jour » évoque cette situation intermédiaire qui est la nôtre, dans la foi : « Les ténèbres s’en vont, la véritable Lumière brille déjà » (1Jn 2,8), mais Lui, nous ne le voyons pas encore. Pourtant, il est là, mais sa Présence n’est pas évidente. Au début, les disciples « ne savaient pas que c’était lui ». Mais St Jean saura leur donner l’exemple du regard de foi : « C’est le Seigneur ! » 

            « Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez ». Ils obéissent, ils font tout simplement ce que le Ressuscité leur demande de faire. Ce filet peut symboliser la Parole de Dieu que l’Eglise, aujourd’hui encore, est invitée à lancer largement et par tous les moyens possibles jusqu’aux « extrémités de la terre » (Ps 2)… Et Jésus l’a promis, l’Esprit Saint rendra témoignage à cette Parole de Vie en communiquant justement à tous ceux et celles qui l’accueilleront « quelque chose » qui est de l’ordre même de la Vie éternelle… « L’Esprit me rendra témoignage, l’Esprit qui vivifie » (Jn 15,26 ; 6,63). St Pierre en a fait l’expérience : en écoutant Jésus de tout cœur, il vivait « quelque chose » d’unique, d’indescriptible, de formidable, une intensité de vie : « Tu as les Paroles de la vie éternelle ». De cette expérience est née sa foi : « Et nous, nous croyons et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6,68-69).

            Les filets de la Parole sont donc lancés… Et ils se remplissent : « 153 gros poissons », un chiffre qui peut symboliser tout à la fois la Plénitude de l’humanité appelée au salut, et l’œuvre de Dieu. C’est en effet l’action de Dieu qui donne à la mission de l’Eglise de pouvoir porter du fruit, car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6), et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait » (Ps 135,6), avec son Eglise et par elle. A nous maintenant de semer sa Parole le plus largement possible, et nous nous émerveillerons des fruits du travail du Seigneur…           DJF




L’Annonciation du Seigneur par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures de la messe du lundi 4 Avril 2016

 

Isaïe 7, 10-16 (Voici que la Vierge concevra)

Rappelons d’abord que la solennité de «l’Annonciation» n’est pas une fête mariale, mais une fête du Seigneur Jésus, la célébration de son «incarnation» en Marie (le 25 mars et le 25 décembre se font chronologiquement pendant, évidemment).

Les circonstances historiques de l’oracle

«Les deux rois» (finale du texte) de Damas et de Samarie vont assiéger Jérusalem pour forcer le roi Acaz à se coaliser avec eux contre l’Assyrie. S’il refuse, ils le déposeront, le remplaceront par un inconnu de leur choix, et ce sera la fin de l’alliance de Dieu avec la «maison de David», la dynastie de David. Acaz a choisi de se soumettre à l’Assyrie. Dans la culture de l’époque, cela signifie que ce traité de vassalité soumet le Dieu d’Israël aux dieux assyriens.

La position du prophète Isaïe

La position d’Isaïe, qui s’affronte à son roi, est claire : Pas d’alliance avec l’Assyrie ! Il faut tenir bon dans la confiance envers le Dieu qui a juré fidélité à David. Et si Acaz doute, qu’il demande à Dieu un signe extraordinaire. Mais le roi ne veut pas faire marche arrière ; il se dérobe au conseil d’Isaïe par un argument de fausse piété : il ne faut pas tenter le Seigneur, dit-il, en lui demandant un signe.

La promesse de l’Emmanuel

Dans ce cas, répond le prophète, Dieu fournira son propre signe aux incrédules, puisque c’est le Seigneur lui-même qui propose son signe : «la jeune femme», la reine, femme d’Acaz, est enceinte. Le fils qui naîtra s’appellera *Emmanuel, car on verra que «Dieu est avec nous». Sa nourriture sera le lait et le miel, signe d’abondance et de paix pastorale. Il aura le discernement qui manque à Acaz, son père. Et avant même qu’il ait atteint l’âge de raison, l’Assyrie aura châtié Damas et Samarie. Pour nous, la promesse de l’Emmanuel trouvera tout son sens dans la venue de Jésus, né de la Vierge Marie.

* L’Emmanuel (en hébreu Immanou-El = «Avec nous Dieu») rendrait Dieu présent «avec nous» par ses qualités. Ainsi naquit Ézékias, fils et successeur d’Acaz ; mais il fut un souverain décevant. Pourtant, la Bible conserva l’oracle de l’Emmanuel. Si aucun roi, dans l’histoire, ne réalisait l’idéal annoncé par Isaïe, pensait-on, on devait encore attendre avec confiance celui qui serait le vrai Messie. Puis les Juifs d’Alexandrie traduisirent Isaïe en grec. «Voici que la jeune femme conçoit», lisait-on en hébreu. Ce qui devint, en grec : « oici que la vierge concevra.» Cette vierge est l’Israël idéal qui donnera le Messie au monde. La Bible grecque offrait aux évangélistes un dernier chaînon pour rendre compte de la conception virginale de Jésus (cf. Matthieu 1, 22-23 ; Luc 1, 31).

Hébreux 10, 4-10 (« Je suis venu pour faire ta volonté »)

L’auteur anonyme de la Lettre aux Hébreux s’adresse à des chrétiens qui fondaient trop leur foi sur le culte du Temple de Jérusalem ; il leur montre que la venue du Christ doit changer notre lecture de l’Ancien Testament. Dans ce passage, il raisonne ainsi, sur trois plans.

1) Selon notre auteur, dans le Psaume 39 [40], c’est le Christ qui, prophétiquement, parle par avance. Il dit que Dieu n’attend pas de lui, pour montrer la fidélité de sa mission terrestre, des sacrifices matériels, mais l’offrande de son corps, de toute sa personne, en totale obéissance à sa volonté : «Me voici, je suis venu pour faire ta volonté.» Dans ces quelques mots se résument le mystère et le sacrifice de la Croix, aboutissement de l’Incarnation.

2) L’auteur précise alors : les sacrifices du Temple de Jérusalem étaient prescrits par la Loi de Moïse. Or, avec la venue du Christ, Dieu «n’en a plus voulu». C’est donc qu’un nouveau culte, l’offrande de soi du Christ, remplace l’ancien.

3) De fait, par cette volonté de Dieu accomplie jusqu’au bout, par le don de soi du Christ en sa Passion, nous sommes «sanctifiés», c’est-à-dire de nouveau en relation vraie avec Dieu – et cela «une fois pour toutes», alors qu’avant, à Jérusalem, il fallait refaire chaque année les mêmes sacrifices pour obtenir le pardon divin, la restauration de bonnes relations avec lui.

Ainsi, l’Incarnation annoncée à Marie (évangile) inaugure la route du *sacrifice de la Croix qui aboutit à notre rédemption. Dieu n’attend plus que nous lui offrions «des choses», mais que nous nous offrions sans cesse à son vouloir, à la suite d’un Christ «frère des hommes».

* Le sacrifice de la Croix. « En souffrant pour nous, [le Fils de Dieu] ne nous a pas seulement donné l’exemple, afin que nous marchions sur ses pas, mais il a ouvert une route nouvelle : si nous la suivons, la vie et la mort deviennent saintes et acquièrent un sens nouveau (Vatican II, Gaudium et Spes, n° 22).

 

Luc 1, 26-38 (Marie comblée par Dieu)

Pour présenter *l’incarnation du Messie et la mission de sa Mère, Luc utilise le schéma biblique des récits d’Annonciation (voir le même schéma dans l’Annonciation à Joseph, ci-dessus, le 19 mars). On en repère aisément les éléments principaux :

Manifestation du messager de Dieu.

L’ange Gabriel s’est présenté à Zacharie (Luc 1, 11.19). La seconde Annonciation, à Marie, ne se situe plus dans le Temple illustre de Jérusalem, mais dans un lieu retiré, en Galilée. Jésus sera le Messie des humbles, le Galiléen. Luc présente Marie comme une vierge (cf. 1ere lecture) et comme accordée en mariage à «un homme de la maison de David», la famille dont doit naître le Messie. Selon la coutume, un temps notable s’écoulait entre la conclusion du mariage et l’installation de l’épouse chez son époux. L’ange salue Marie en lui donnant pour nom «Comblée de grâce», un titre dans lequel la Tradition catholique voit le signe de sa conception immaculée. «Le Seigneur est avec toi» : cette formule, dans maints récits de vocation (Moïse, Exode 3, 12 ; Gédéon, Juges 6, 12), signifie que Dieu confie une mission à quelqu’un et lui apporte son soutien.

Réaction de Marie.

Zacharie était saisi de crainte (Luc 1, 12). Le bouleversement de Marie tient simplement à une interrogation sur ce que Dieu attend d’elle. Luc signale la non-foi de Zacharie (Luc 1, 20) et la foi de Marie (1, 45). Mais il serait vain de chercher les indices de ce contraste : le récit n’en livre aucun.

Le message de l’ange.

Voici en quoi Marie est «comblée de grâce» : Dieu la charge d’enfanter le Messie. Car l’ange assemble, dans son annonce, une mosaïque d’expressions qui renvoient notamment à la prophétie de l’Emmanuel : «Voici que la vierge enfantera et concevra un fils» (Isaïe 7, 14, selon la Bible grecque ; voir aussi Isaïe 9, 6). Le messager céleste s’exprime selon les clichés de l’Ancien Testament, même si, en profondeur, «le règne qui n’aura pas de fin» évoque déjà le règne du Christ ressuscité (Actes 2, 29-36).

Objection, réponse et don d’un signe.

Si Marie connaît, imaginons-le, les merveilleuses naissances de la Bible, comme celle d’Isaac (voir Genèse 17). Si elle sait que sa mission s’impose, son actuelle virginité n’est-elle pas un obstacle insurmontable au projet divin ? L’objection de l’élue permet à l’ange Gabriel d’approfondir, pour nous lecteurs, le mystère du Messie : nouvelle Ève, Marie enfantera le Vivant (Luc 24, 5) par un acte de l’Esprit qui présidait à la première création (Genèse 1, 2). La puissance de Dieu investira Marie, telle la nuée du désert «prenant sous son ombre» la Demeure de Dieu (Exode 40, 35). Et puisque l’Esprit créateur est «saint», l’enfant sera «Saint», consacré. Cet adjectif, chez les premiers chrétiens, est un des titres les plus anciens du Messie (cf. Luc 4, 34 ; Actes 3, 14).

Déjà – tel est le signe donné par l’ange et que Marie vérifiera par la bouche de sa cousine –, Dieu a réalisé pour Élisabeth, stérile et âgée, ce qu’il avait accompli pour Sara (cf. Genèse 18, 14). Marie croit-elle que Dieu peut faire plus encore, et introduire son Fils, grâce à elle, par une création qui enracine Jésus en «Adam, fils de Dieu» (Luc 3, 38) ?

La foi de Marie

Oui, selon le récit de Luc, elle le croit ! Elle est la figure de l’Église chargée d’enfanter son Sauveur au monde d’aujourd’hui. Elle est le modèle de tout croyant qui se fait serviteur de la parole du Seigneur, qui sait que «rien n’est impossible à Dieu».

* L’incarnation. «Parce que [dans le Christ] la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché» (Vatican II, Gaudium et Spes, n° 22).

 

 




2ième Dimanche de Pâques- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

LA CARESSE ET L’ADORATION

 

st thomas 3

« Thomas, avance ta main et mets ton doigt dans la marque des clous. Avance ta main et mets-la dans la plaie de mon côté. Et ne sois plus incrédule mais croyant ».

 

Frères et sœurs, il y a beaucoup de gens qui disent lorsqu’ils ont des doutes ou lorsqu’on leur donne une information qui n’est pas certaine : « Moi, je suis comme Thomas, je ne crois qu’à ce que je vois ». Personnellement, je trouve que cette interprétation de la réaction de Thomas est fausse. Car Jésus ne lui dit pas : « Vois », Il lui dit : « Mets ta main ». La première apparition, le soir de la Pâque, Jésus s’est montré à ses disciples, Il a été vu par eux. Et les disciples rapportent fidèlement l’événement à Thomas : « Nous avons vu le Seigneur ».

Mais Thomas entend ses frères, il demande quelque chose de plus. Non seulement il veut voir, mais il veut toucher, porter sa main dans la plaie du côté. Thomas n’est pas un homme qui veut voir, c’est un homme qui veut toucher. C’est tout différent. Mais avant d’aborder ce problème, demandons-nous ce qu’il veut voir ou plus exactement ce qu’il veut toucher ? De quoi s’agit-il dans les apparitions du Ressuscité ?

Les apparitions du Ressuscité ne sont pas des espèces de montages cinématographiques dans lesquels tout à coup, grâce à des « effets optiques », le Christ se serait manifesté. A ce titre-là, je n’aime pas beaucoup le mot « apparitions », car c’est le même mot que celui qu’on emploie, par exemple, pour désigner les apparitions de la Vierge à Lourdes. Or les apparitions de Jésus aux disciples et les apparitions de la vierge Marie à Lourdes n’ont pas, entre nous soit dit, grand-chose à voir entre elles, non pas que les apparitions de Lourdes soient fausses, mais précisément, dans les apparitions de Jésus ressuscité, il ne s’agit pas d’abord d’un spectacle, au sens de quelque chose qui se donne à voir. Dans les apparitions de Jésus ressuscité, ce n’est pas Jésus qui tout d’un coup était caché je ne sais où et qui se montre. C’est plutôt le fait que les yeux, l’esprit ou le cœur et toutes les capacités de rencontrer Dieu qu’ont les apôtres soient tout à coup mis en œuvre de telle sorte que les disciples soient mis en contact réel avec cette réalité toutefois inaccessible à notre faculté de connaissance dans son fonctionnement habituel, avec la réalité du Royaume nouveau, en la personne de Jésus ressuscité.

christ ressuscité

Voilà ce que sont les apparitions. Ce qui change dans les apparitions, ce n’est pas le Christ, Il est ressuscité, Il est à la droite du Père. Ce qui change, ce sont les apôtres qui, à certains moments après la Pâque, ont vu, ont été mis en contact réel avec la réalité que nous contemplerons, nous, seulement après notre mort, c’est-à-dire Jésus ressuscité, glorifié. Autrement dit, les apparitions de Jésus ressuscité ne sont pas des moments où le Christ se « ferait voir » pour prouver aux apôtres que le mauvais moment de sa crucifixion est passé et que désormais tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… Mais c’est le moment où il a été donné par grâce à des hommes qui, normalement constitués comme nous, ne peuvent pas connaître les réalités du Royaume, de les découvrir à ce moment-là. Les apôtres ont réellement été mis en contact avec la réalité même de Jésus dans sa gloire. Au cœur de ce monde, dans une vie de tous les jours, en allant à la pêche, en marchant entre Jérusalem et Emmaüs, ou bien en étant rassemblés dans un endroit où ils mouraient de peur, tout à coup, il leur a été donné de toucher, d’appréhender, d’être en contact avec la réalité même du Royaume de Dieu.

Tel est l’enjeu des apparitions de Jésus ressuscité. Et donc ce qui s’est accompli à ce moment-là c’est le remaniement, le bouleversement total de leur être, de leur existence. Ils croyaient qu’il n’y avait plus rien à attendre de Jésus ressuscité et voilà qu’ils ont reçu le Royaume ! Ils ont reçu les signes de l’existence réelle du Royaume. C’est pour cela que notre foi est apostolique : cette expérience n’est arrivée qu’à eux seuls. Nous, nous nous fondons simplement sur leur témoignage. Tout cela peut vous paraître extrêmement fragile, mais c’est pourtant là-dessus que tout repose. En réalité, quand les apôtres ont été saisis par la présence de Jésus ressuscité, ils n’ont pas été simplement fascinés par une vague forme ectoplasmique qui serait venue devant eux déguster quelques morceaux de poisson grillé. Mais ils ont été saisis par la présence totale de Jésus ressuscité, glorifié, du Seigneur de l’univers. Ils ont vu ce qu’était le Royaume de Dieu en la personne de Jésus. C’est précisément cela qui est important : à la différence du moment où ils ont connu Jésus durant son existence terrestre durant laquelle ils le reconnaissaient avec les contours précis d’une humanité qui était, comme la vôtre et la mienne, en train de se promener, de parler, de prier. Ici, ils ont été mis en contact avec une humanité tout à fait réelle, plus réelle encore, d’une certaine manière, que celle que Jésus avait sur la terre, car c’est une humanité parvenue totalement à sa plénitude glorifiée. Ils ont été saisis par cette humanité nouvelle et ils ont alors compris que Jésus était vraiment ressuscité.

st thomas 1Passons maintenant à ce qui est intéressant dans le cas particulier de l’apparition à Thomas, puisque c’est de cette apparition de Jésus à Thomas que nous faisons mémoire aujourd’hui et que nous célébrons. Je vous disais tout à l’heure qu’elle est très importante car, à la différence des autres, (même celle qui concerne Marie Madeleine qui essayait de saisir Jésus sans y parvenir), c’est la seule apparition où Jésus s’est laissé toucher.

Ici, vous me permettrez de faire un éloge de la caresse. En effet, la caresse est un mode tout à fait particulier de relation à autrui. La caresse et le toucher, à la différence de l’audition ou de la vision, impliquent une immédiateté de présence, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on voit ou lorsqu’on entend quelqu’un. Lorsqu’on voit, il y a dans le voir même une distance qui fait que les choses sont « les choses », posées là en face de nous, lorsqu’on entend quelqu’un, il est à distance et le sens de l’audition nous donne généralement une certaine notion de distance et d’éloignement. On entend si la voix de celui qui nous parle est proche ou au contraire lointaine. Or, dans le cas de la vision comme dans le cas de l’audition, il y a comme un intermédiaire entre la réalité que l’on voit et nous-mêmes. Il y a des images entre les « choses » et nous, il y a des sons, des mots et des paroles entre ceux qui nous parlent et nous.

Dans la caresse, il n’y a pas d’intermédiaire ; quand une mère touche son petit enfant (et c’est pour cela que les petits enfants ont grandement besoin de caresses), c’est la présence immédiate de la mère qui se donne à son enfant. Et en même temps, ce qui est tout à fait étonnant, c’est que dans la caresse et le sens du toucher, l’autre cesse d’être un « objet », un « corps posé en face de moi » pour être quelqu’un d’autre. C’est là le sens même du geste de donner une caresse, d’embrasser ou de toucher la main, à ce moment-là, l’autre n’est plus cet « objet posé en face de moi », il est quelqu’un qui rayonne à travers sa corporéité et qui est présent d’une présence qui est différente d’une boîte de conserve par exemple : c’est la raison pour laquelle on ne caresse pas les boîtes de conserve ! Elles ne sont que des choses tandis que s’il y a des êtres personnels et des corps, ils se donnent comme corps et ils se donnent non seulement comme corps, mais comme corps vivants. C’est pourquoi la caresse est liée par exemple à toutes les manifestations profondes de l’amour, car elle relève d’un registre lié à la fécondité, à la vie, à la relation de la sexualité, c’est-à-dire ce par quoi nous nous apparaissons les uns aux autres comme ce que nous sommes vraiment : des vivants sexués, hommes et femmes.

Alors, à moins de supposer que Thomas ait eu des gestes de kinésithérapeute ou de masseur musclé pour toucher les mains et le côté de Jésus, c’est-à-dire manipuler son corps comme si c’était une chose, il me semble qu’il faut au contraire imaginer le geste de Thomas comme une caresse d’une infinie délicatesse pour atteindre le mystère même de son Dieu. Si l’apparition de Thomas est si importante, ce n’est précisément pas parce que Thomas aurait essayé de faire une vérification de « leçon de choses » ou de physique nucléaire. Mais c’est plutôt parce que dans le geste même de toucher le corps de Jésus ressuscité, il lui a été donné d’être présent au mystère même de Jésus d’une façon infiniment plus proche, infiniment adorante dans la mesure où adorer veut dire poser sa bouche vers quelque chose, vers la réalité du mystère de l’adoration, c’est le contact, presque le corps à corps mystique et amoureux du disciple avec la gloire de Dieu. Et donc, dans ce geste de Thomas que nous taxons d’incrédule, que nous taxons d’esprit fort, sceptique, distant, c’est tout le contraire qui s’accomplit, c’est le geste même de la reconnaissance de la proximité du mystère. Le Christ ressuscité ne s’est jamais donné d’une façon aussi immédiate que lorsque la main de Thomas a touché le mystère de la gloire de son Seigneur. Encore faut-il ne pas comprendre ce geste comme une opération de « vérification des poids et mesures », mais précisément comme le geste même de l’adoration.

mains1Aujourd’hui encore, frères et sœurs, il nous est donné chaque jour, quand nous le voulons, de refaire ce geste lorsque nous ouvrons nos mains pour recevoir le corps du Christ. C’est pour cela d’ailleurs que je trouve ce geste si beau, même s’il y en a qui pensent que les mains sont faites pour autre chose que pour toucher le corps du Christ. En réalité, quand on comprend ce qu’a été le geste de Thomas, on comprend la beauté du geste qui consiste à recevoir le corps du Christ dans sa main. C’est la caresse de la gloire de Dieu, c’est la proximité même du mystère de Dieu qui se livre d’une façon absolument ineffable, car dans ce geste-là, il n’y a plus de mots. Et quand on vous donne le pain et qu’on vous dit : « le corps du Christ », c’est effectivement le mystère même par lequel, de tout votre être, vous touchez le mystère du Royaume. Et nous sommes pour ainsi dire dans la proximité infinie du Christ ressuscité.

Qu’à travers ce geste de Thomas, ce ne soit pas en nous le remue-ménage de ces vieux doutes ou de ce scepticisme fait de distance, de méfiance et de peur, mais que ce soit au contraire la beauté du geste de cette main qui s’avance, infiniment respectueuse, infiniment adorante du corps ressuscité et glorieux du Christ qui se donne à Thomas ! Essayons nous-mêmes, à notre tour, dans chaque geste eucharistique d’en retrouver toute la beauté et, surtout, toute la vérité. Amen.




2ième Dimanche de Pâques par P. Claude Tassin (3 Avril 2016)

Actes des Apôtres 5, 12-16 (La communauté des premiers chrétiens)

L’Église unit des gens qu’a priori rien ne rassemble, sinon le fait qu’ils vivent une communion sans pareille parce qu’ils éprouvent au milieu d’eux la présence de celui qui, depuis l’Ascension, est l’Absent. Dans les Actes des Apôtres, Luc résume cette expérience en *trois sommaires (égrenés au 2° dimanche de Pâques des années A, B, C) montrant comment les chrétiens découvrent cette présence de l’Absent. Le 3° sommaire, aujourd’hui, souligne trois traits :

Signes et prodiges

Les Apôtres continuent les «signes et prodiges» accomplis par Jésus. Le contact physique de Pierre guérit, et même son ombre, comme naguère le contact de Jésus (Marc 6, 56). Partout où l’Église s’occupe de la santé des humains, le Christ ressuscité révèle sa présence.

Crainte et attachement

La communauté, dit Luc, produit une double réaction dans l’environnement : de crainte sacrée (on n’osait pas se joindre à eux) et d’attirance (on s’attachait au Seigneur par la foi). Les vraies Églises révèlent toujours une présence mystérieuse et attirante, celle du Christ. Ce sentiment ambigu du sacré se traduit dans certaines traditions animistes par cette boutade (que j’ai entendue) adressée aux chrétiens : «Nos fétiches ne peuvent rien contre vous, car les vôtres sont plus forts que les nôtres.»

Le portique

Luc montre les croyants déambulant, au Temple de Jérusalem, sous le «portique» de Salomon. Les philosophes grecs les plus populaires de ce temps étaient ceux du Portique, ou stoïciens. Ils déambulaient sous les portiques pour délivrer leur enseignement à leurs adeptes. l’Église essaie toujours de participer aux meilleurs courants de pensée de son temps.

* Les trois sommaires sur la première Église. Luc parsème ses Actes des Apôtres de « sommaires », des résumés ou refrains, soit qu’il se trouve à court de documents pour présenter les premières Églises, soit qu’il veuille nous livrer par là, dans les années 80, son interprétation des origines chrétiennes. Ainsi a-t-il bâti trois sommaires sur l’Église de Jérusalem, trois tableaux subtils dont se serviront ensuite, parfois sans grand discernement, certaines Églises et maints instituts religieux. Le 1er sommaire (Actes 2, 42-47), année A, insiste sur la communion fraternelle. Le second sommaire, Année B, toujours au 2e dimanche de Pâques (Actes 4, 32-35), insiste sur le partage concret incarnant cet idéal de communion. Les trois sommaires reprennent une même expression : «d’un même cœur». Ces tableaux de l’Église primitive ne décrivent pas un l’âge d’or du christianisme. Cet âge d’or n’a jamais existé. Luc indique simplement à quelles conditions les Églises à venir seront des témoins authentiques du Christ ressuscité.

 

Psaume 117 (« Le jour que fit le Seigneur »)

Nous retrouvons ce psaume que nous chantions en la veillée pascale et au matin de Pâques. En ce dimanche, le poème a peu à voir avec la lecture des Actes qui le précède. Il s’agit d’une prière « phare » pour l’ensemble du temps pascal. Rappelons la mise en scène proposée par le livre des psaumes : un roi, après une victoire difficile, vient rendre grâce au Temple. Il converse rituellement avec le peuple qui l’entoure et les prêtres qui accueillent le souverain. Cette forme de dialogue apparaît mieux dans les versets retenus aujourd’hui :

Le roi : Oui, que le dise Israël !

Le peuple : Éternel est son amour !

Le roi : Oui, que le dise la maison d’Aaron [= les prêtres]^ :

Le prêtre  :  Éternel est son amour !

Le roi :  Qu’ils le disent ceux qui craignent le Seigneur [= le peuple et les prêtres] :

Tous :  Éternel est son amour !

Le prêtre :  La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle.

Tous : C’est là l’œuvre du Seigneur, La merveille devant nos yeux.

Le prêtre : Voici le jour que fit pour nous le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

Tous : Donne, Seigneur, donne le salut !  Donne, Seigneur, donne la victoire !

[Que] Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! [= Bénis-nous avec le roi sui vient.]

Le prêtre : De[puis] la maison du Seigneur, nous vous bénissons !

Tous : Dieu, le Seigneur, nous illumine !

Inutile d’expliciter le sens pascal chrétien de ce psaume, à moins d’une totale absence de sens poétique. Cependant, rappelons que dans le prêtre, nous entendons la voix de Dieu le Père ; que, par la voix du roi, c’est le Christ ressuscité qui s’exprime, et que, par le tous, c’est nous qui disons notre foi pascale.

Ajoutons un détail : l’expression «donne le salut» a été rendu curieusement dans la Bible grecque par Hosanna, une version conservée pour l’entrée de Jésus à Jérusalem, à savoir une annonce de la victoire pascale :  Hosanna au Fils de David !  Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» (Matthieu 21, 9). Ce texte est passé dans notre liturgie eucharistique, avec une transposition. Car, au départ, il faut comprendre ceci : Que soit beni par le nom du Seigneur – par les prêtres – celui qui vient, c’est-à-dire le roi qui va entrer dans le Temple. La tradition juive et chrétienne a compris : «celui qui vient au nom du Seigneur», c’est-à-dire le Messie.

 

Apocalypse 1, 9-11a.12-13.17-19 (« J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles »)

Les visions de l’Apocalyse présentent des icônes littéraires : elles dépeignent des tableaux du Christ ressuscité en collant ensemble, de manière inattendue et poétique, des citations de l’Ancien Testament.

Aujourd’hui, nous lisons la vision inaugurale qui éclaire tout le livre. Jean, auteur inconnu (ce n’est pas l’évangéliste du même nom), est déporté sur l’île de Patmos en raison de la persécution menée par l’empereur Domitien (81-96). L’assemblée eucharistique, «le jour du Seigneur», est pour l’auteur l’occasion d’une vision : derrière lui s’ouvre le Temple du ciel aux sept chandeliers (le Temple de Jérusalem n’avait qu’un chandelier à sept branches). Si Jean tombe «comme mort» d’émotion (un cliché des apocalypses juives), c’est en découvrant le «Fils d’homme» annoncé par Daniel 7, 13-14 et le grand prêtre céleste ; car la ceinture d’or barrant la poitrine est un insigne sacerdotal. Il s’agit surtout du Ressuscité qui détient les clés de la Mort et ouvre les portes de la vie à ceux qui meurent par fidélité à leur foi. Le dimanche, *«jour du Seigneur», nous n’avons sans doute pas de visions, mais la certitude répétée que notre foi au Ressuscité nous sauvera de la mort.

* Le jour du Seigneur. C’est le grand jour ! «Le jour de gloire est arrivé», chante la Marseillaise. Dans l’Ancien Testament, sous la plume des prophètes, le «jour du Seigneur», espéré comme un jour de victoire, devint un jour de jugement divin sans concession (voir Amos 5, 18). Chez les chrétiens, le dimanche, c’est-à-dire, selon l’étymologie latine (dominica dies), le jour du Seigneur redevient un jour d’espérance, dans la suite du Christ, premier-né de notre future résurrection.

 

Jean 20, 19-31 (« Huit jours plus tard, Jésus vient »)

Cette page d’évangile, lue chaque année en ce dimanche, constituait sans doute primitivement la fin de l’évangile de Jean et son sommet. Quatre séquences nous conduisent pas à pas à saisir notre situation de croyants.

Il était là

C’est l’apparition de Jésus aux disciples, le soir de Pâques. Jean ne précise pas l’identité du groupe : il vise toute la communauté chrétienne, et pas seulement les Onze. C’est une réunion liturgique, «le premier jour de la semaine» (cf. «le jour du Seigneur», 1ère lecture). Alors Jésus «vint», *«il était là» et se fait reconnaître comme le Crucifié. On dit pas qu’il traverse les portes verrouillées, mais qu’il se rend présent dans une totale liberté. C’est pour les disciples une bénédiction (ils sont «remplis de joie») et un acte de foi, car ils voient non pas seulement Jésus, mais «le Seigneur». Celui-ci apporte la paix qu’il avait promise (cf. Jean 14, 27) et les recrée : comme Dieu «insuffla dans les narines (d’Adam) le souffle de vie», Jésus répand sur eux son souffle et leur donne mission de remettre ou de maintenir les péchés, de discerner le bien et le mal dans ce monde divisé. Ce qui se réalisera, grâce au baptême et à la lutte contre le péché, par exemple par la prière (cf. 1 Jean 5, 16-17).

Ainsi s’accomplissent les grandes promesses de la Bible : la nouvelle création, **la venue de l’Esprit qui purifie (Ezékiel 36, 25-27) et le pardon des péchés inaugurant l’Alliance nouvelle (Jérémie 31, 31-34).

Une transition

Les disciples ont vu et ils ont cru. Ils communiquent à Thomas leur credo pascal : «Nous avons vu (celui qui est maintenant) le Seigneur». Thomas repousse leur témoignage ; il lui faut des signes miraculeux (voir le reproche de Jean 4, 40).

Avec Thomas

C’est la seconde apparition avec la présence de Thomas, «le huitième jour». Grâce à la parole de Jésus, Thomas accède à la vraie foi. Les païens saluaient l’empereur Domitien comme «notre Seigneur et notre Dieu» ; c’est Jésus que le disciple confesse ainsi : «mon Seigneur et mon Dieu», les titres mêmes du Dieu d’Israël. Les autres avaient reconnu le Seigneur ; lui confesse le Verbe de Dieu qui est retourné en Dieu, dans la gloire qu’il avait «avant le commencement du monde» (Jean 17, 5).

Thomas est béni comme le dernier de ceux qui ont vu et qui ont cru. Depuis que ces témoins ont disparu, nous sommes bénis comme «ceux qui croient sans avoir vu».

Conclusion

«il y a encore beaucoup d’autres signes…» Jean ne dit pas que le Christ se sépare des disciples. Car il nous reste une présence invisible, grâce à l’Esprit qui apporte le pardon, qui nous rappelle et nous fait comprendre ce que Jésus a fait et dit «en présence des disciples». Ce souvenir nous conduit à la foi en Jésus comme Fils de Dieu, et la foi nous conduit à la vie.

* «Il était là». Les récits d’apparitions pascales tentent de rendre ce qui dépasse l’expérience ordinaire. Les témoins constatent que Jésus est vivant, que sa présence s’impose et qu’il leur donne une mission. Leur vocabulaire est riche et varié : Il se fit voir, il vint, il se tint au milieu d’eux, il les rencontra, il s’approcha d’eux, il se manifesta. L’expérience des premiers témoins fut sans pareille ; mais les mots qu’ils emploient disent que, dans notre vie aussi, le Ressuscité se rend présent.

* La venue de l’Esprit. On ne date pas la venue de l’Esprit Saint sur un calendrier et les évangélistes cherchent seulement à déployer la richesse du don de cet Esprit. Si on traduit Jean 19,30 par «il transmit l’Esprit», alors cet Esprit, signifié par l’eau et le sang, est offert dans le don suprême de la croix. En Jean 20, c’est au soir de Pâques que le Christ souffle l’Esprit de la création nouvelle. La Pentecôte juive célébrant l’alliance du Sinaï, c’est ce jour-là que Luc situe l’irruption de l’Esprit de la nouvelle alliance (Actes 2).

 

 

 

 

 

 

 




2ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER

Vivre du Ressuscité (Jn 20,19-31) 

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.

           

suivre jésus christSt Jean connaît la distinction entre « les Douze », les colonnes de l’Eglise, et « les disciples » (Jn 6,66-67). Cette manifestation du Ressuscité s’adresse ici aux disciples, c’est-à-dire à toute l’Eglise, et à travers eux, ce sont tous les disciples de tous les temps qui sont concernés, et donc chacun d’entre nous…

            Jésus accomplit ici ses promesses… Il avait dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai vers vous »… Ici, « Jésus vint »… Il avait dit : « Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi, vous vivrez » (Jn 14,18-23). Ici, « il leur montra ses mains et son côté », une expérience fondatrice qui lancera l’Eglise sur les chemins de la mission universelle. Mais nous sommes tous appelés à vivre nous aussi une rencontre avec le Ressuscité. Certes, nous ne verrons pas « ses mains et son côté », mais « nous verrons qu’il vit ». Nous prendrons conscience, par une expérience qui engage toute notre vie, qu’Il est Vivant… Et cela se fera dans la mesure où « nous aussi, nous vivrons ». Autrement dit, c’est en vivant de la vie nouvelle du Ressuscité que nous pourrons reconnaître, sans le voir explicitement, qu’il est vivant.

            Cette vie nouvelle en nous sera le fruit de l’accueil par notre foi de l’Esprit Saint, le Souffle créateur et vivifiant de Dieu : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). Le Christ Ressuscité reprend ici ce geste : « Il répandit sur eux son souffle et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » . Avec lui et par lui, le projet créateur de Dieu s’accomplit : l’homme participe à ce qu’Il Est, car « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Et grâce à ce Don, il vit dès maintenant, dans la foi, de sa vie car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63).…

            Il aura fallu à Thomas l’expérience forte de la vision des plaies du Ressuscité pour entrer dans la foi. Mais St Jean sait que cette expérience est exceptionnelle. Par contre, il sait aussi que tous les disciples de Jésus sont appelés à vivre de sa vie, et par elle, à reconnaître sa Présence. Aussi conclut-il son récit par cette affirmation universelle : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! », car par leur foi, ils accueillent dès maintenant l’Esprit, source de la vraie vie et du vrai bonheur… DJF




La Résurrection du Seigneur- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

La divine surprise

christ est vivant« Nous sommes ressuscités avec le Christ ».

Frères et sœurs, aujourd’hui Pâques, c’est littéralement la divine surprise. C’est divin parce que c’est Dieu qui agit. C’est une surprise parce que nous ne nous y attendions pas. En effet, qui aurait pu croire à une histoire pareille : un rabbi galiléen qui fait deux années de ministère public, qui se brouille avec les autorités du temple qui dictent la vérité des choses, et qui termine comme un prophète assassiné. C’est normalement le point final.

À cette époque-là, mourir sur la croix, c’était pire que mourir sur la chaise électrique aux Etats-Unis. Qui aurait pu croire qu’après une histoire pareille, pratiquement deux mille ans après, les églises seraient encore pleines ? Si nous sommes là, il n’y a pas d’autre raison, c’est parce que Dieu nous a fait une divine surprise. Dieu nous surprend toujours, mais là on ne pouvait pas s’y attendre. Comment un pauvre homme qui a subi un supplice pendant plusieurs heures, qui a été mis au tombeau, et dont on a considéré que l’affaire était terminée, dont les disciples pour la plupart se sont enfuis ou se sont cachés, comment croire que le matin de Pâques ils ont proclamé qu’il était vivant ?

Effectivement, frères et sœurs, ce n’est pas facile de croire. Pourquoi ? Parce que notre foi est un vrai paradoxe. C’est quelque chose que nous ne maîtrisons pas. Ce n’est pas simplement un système, et c’est cela la surprise. Ce ne sont pas des idées, ce n’est pas une idéologie, c’est un fait. Si dans la nuit et le jour de Pâques nous baptisons des catéchumènes, c’est parce que nous croyons que ce que disait l’apôtre Paul dans l’épître aux Colossiens (3, 1-4) est encore vrai aujourd’hui : nous sommes ressuscités avec le Christ. C’est cela qui est étonnant. La plupart du temps dans les religions, nous avons l’impression qu’on nous donne des idées que nous n’aurions pas pu avoir par nous-mêmes.

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Vous, nous, nous nous débrouillons avec l’informatique, avec la technique avec les biotechnologies, avec l’automobile, on gère tous les jours depuis les soucis les plus matériels du ménage jusqu’aux fusées qu’on envoie dans l’espace. Nous, nous considérons que c’est cela notre domaine. C’est le domaine de la terre et nous avons les pieds, les mains et les yeux sur terre. Nous considérons que la religion est une sorte de petit supplément d’imagination, de choses étranges, et la preuve c’est qu’il y a tellement de religions et chacun pense ceci et cela, on sera vivant après, notre âme sera immortelle, on sera réincarné dans un moustique etc. Les religions nous apparaissent comme des systèmes, des idées qui gèrent l’inconnu. Voilà les idées que nous nous faisons sur les religions : les religions, ce sont des idées.

Or, depuis que Paul a dit : « Nous sommes ressuscités avec le Christ », il a dit une chose inouïe que personne n’avait imaginée jusque-là. Désormais, la véritable relation avec Dieu n’est plus une idée, mais un transfert de vie. Que les messieurs me pardonnent, je vais parler plus spécialement aux dames qui ont eu un enfant. Ce mystère extraordinaire des premiers temps de la grossesse, lorsqu’elles sentent tout à coup qu’il y a quelque chose qui se passe. Il y a de la vie qui est née en soi, de la vie qui mystérieusement a germé. On y est pour quelque chose, on sait en général d’où cela vient, mais c’est vrai qu’il y a ce moment extraordinaire dans lequel j’imagine qu’une femme peut dire à celui qu’elle aime : « Je suis enceinte ». Quand elle dit cela, elle n’explique pas une idée ou une théorie, elle ne dit pas : « J’ai fait un nouveau petit citoyen français ! » Elle dit : « Je suis enceinte », c’est-à-dire « je suis prise par la vie, je suis saisie par quelque chose qui me dépasse ». Bien sûr on peut expliquer toutes les raisons physiologiques, la biologie, les cellules, l’ADN et la génétique, mais il y a ce moment où une femme se sent saisie par la vie.

Toutes proportions gardées, parce que nous les messieurs nous bénéficions du même avantage vis-à-vis de la résurrection : c’est la même chose. C’est comme si tout à coup nous étions, pardonnez-moi l’expression, enceints de Dieu. C’est comme si nous percevions tout à coup que la vie de Dieu, loin d’être une idée que nous projetons au-dessus de nous, loin d’être un projet de transformation du monde qu’on n’arrive d’ailleurs jamais à transformer, car c’est de plus en plus fatigant de transformer le monde, tout à coup, on s’aperçoit qu’on est ressuscités avec le Christ avec toutes les difficultés, les ennuis qu’on rencontre tous les jours, avec le mari qui n’a pas descendu les poubelles et la femme qui a raté son rôti, avec les enfants qui ont des mauvais résultats à l’école. C’est vrai qu’il y a tout cela, et pourtant, nous sommes ressuscités avec le Christ. Il y a quelque chose d’une vie nouvelle qui a germé en nous. Nous ne sommes pas à la hauteur, nous ne pouvons pas comprendre comme je pense la première fois qu’une femme a conçu, elle sait que l’événement la dépasse et surtout pour le premier, elle a des angoisses pour l’accouchement.

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Mais ici c’est la même chose. Nous sommes riches d’une vie, non pas d’une idée, mais d’une vie qui est passée en nous. Cette nuit, aujourd’hui – et c’est si bouleversant et si beau de pouvoir célébrer les baptêmes maintenant en pleine assemblée eucharistique –, les catéchumènes qui ne se rendront compte de rien, seront visités par une vie nouvelle. Eux-mêmes sont déjà rayonnants et heureux, ils ont des mines épanouies, resplendissantes, et ils jouissent de la vie humaine qu’ils ont reçue de leurs parents, mais tout à l’heure, ils vont recevoir comme une nouvelle vie. Une vie si discrète, si simple, si douce, si tendre qu’on ne la remarquerait pas et pourtant, elle est là. Vous comprenez bien que dès demain on ne va pas leur faire le catéchisme pour leur expliquer des idées sur Dieu. Mais dès aujourd’hui, ils sont déjà saisis par la réalité de la vie du Christ ressuscité.

Oui, frère et sœurs, quand nous célébrons la résurrection, nous célébrons notre propre résurrection, pas simplement celle du Christ il y a environ deux mille ans, mais nous célébrons notre résurrection. L’intuition, la certitude que les premières communautés chrétiennes ont eue, ce n’était pas que le Christ consistait simplement en une histoire à raconter, un projet sur le monde, mais que c’était tout à coup qu’il était vivant. C’est pour cela que lorsqu’ils se saluaient ils se disaient : « Christ est ressuscité », et ils se répondaient les uns aux autres : « Oui, vraiment il est ressuscité ». Ce « vraiment » ne signifiait pas qu’ils étaient d’accord l’un avec l’autre, cela signifiait : « Vraiment, en moi aussi, Il est ressuscité ». C’est la seule force du christianisme. Tout le reste, tout ce que l’on met habituellement sous l’étiquette de l’Église, la hiérarchie, les grands pouvoirs, les grandes idées, les grandes institutions, tout cela est très respectable et très important, l’Église essaie de défendre cela bec et ongles, et ce n’est pas très facile. Mais nous, à notre place, là où nous sommes, nous avons à laisser percer en nous ce mystère de vie.

Je voudrais ajouter une dernière petite réflexion. Nous avons parlé de bébés et de la naissance. Mais je voudrais parler aussi des membres de nos familles qui sont malades, peut-être de maladies graves, c’est la même chose. Nos frères qui sont sur leur lit de souffrance, qui s’interrogent sur leur avenir proche, qui se demandent comment cela va finir, ce qu’ils attendent de nous à ce moment-là, non pas de façon tapageuse, bruyante, avec des espèces de convictions un peu à la matraque, c’est simplement d’être auprès d’eux comme ceux qui leur disent en les accompagnant : « Pour toi aussi, Christ est ressuscité ».

Frères et sœurs, laissons-nous saisir par cette joie, laissons-la éclater en nous, laissons-la éclater dans nos familles, dans nos enfants, dans tous ceux et celles qui ont été touchés par ce mystère extraordinaire de la présence du Christ. Oui, Christ est ressuscité. Alleluia. Il est vraiment ressuscité. Alleluia.JESUS-CHRIST_EST_JOIE




La veillée Pascale par P. Claude Tassin (26 Mars 2016)

(Les trois premières lectures de l’Ancien Testament s’imposent normalement).

 

Genèse 1, 1 – 2, 2 (« Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon « )

Au seuil du carême, nous avons médité  sur les origines de l’homme. La veillée pascale propose le grand récit de la création, un joyau de la littérature mondiale. Le texte, dépourvu de toute prétention scientifique, a été composé par des prêtres juifs exilés à Babylone. Les Babyloniens adoraient le soleil et la lune. Ces astres sont ici ravalés au rang de luminaires, et la lumière naît, à l’origine et avant les astres, d’un simple mot de Dieu : « Que la lumière soit ». Sa Parole crée, en nommant les choses et en les séparant. Séparer, c’est distinguer ; distinguer, c’est comprendre. Ainsi, Dieu donne à l’homme un monde bien fait dont on peut comprendre l’ordre, *la beauté, pour s’en servir à bon escient. Les religions anciennes voient, dans les créatures de la nature, des images des dieux auxquelles l’homme se soumet avec crainte. Pour la foi d’Israël et la nôtre, au contraire, c’est l’homme qui est l’image de Dieu, chargé de gouverner la création avec sagesse.

  Mais celui qui a dit : « Que la lumière soit » a relevé le Christ d’entre les morts. C’est « le premier jour » d’une semaine nouvelle inaugurant un monde nouveau qui va vers le Sabbat de Dieu, la fête sans fin. Par le baptême, le Souffle de Dieu, l’Esprit Saint, nous recrée plus merveilleusement à l’image du Christ ressuscité, premier homme de la nouvelle création.

* La beauté. « Les cieux, l’air, la terre, les mers, sont revêtus de splendeur, et le cosmos tout entier doit son nom à sa magnifique harmonie. Nous apprécions cette beauté des choses d’instinct, naturellement, mais la parole qui l’exprime est toujours inférieure à ce que notre intelligence a saisi. À plus forte raison le Seigneur de la beauté est-il au-dessus de toute beauté ; et si notre intelligence ne peut concevoir sa splendeur éternelle, elle garde pourtant l’idée de splendeur… » (Saint Hilaire de Poitiers [4e siècle]).

  1. NB. Avant l’apparition des « cosmonautes », le terme grec kosmos, le monde, avait chez les anciens le sens de bel ordre et de beauté (ce sens a perduré dans notre mot « cosmétique »).

Genèse 22, 1-13.15-18 (Sacrifice et délivrance d’Isaac, le fils bien-aimé)

L’ordo liturgique impose cette lecture pour la veillée pascale. Les équipes liturgiques et les pasteurs qui l’omettent manifestent leur absence de culture théologique.

« Dieu mit Abraham à l’épreuve. » Épreuve barbare ! Sacrifier un fils unique ! Le Créateur de la vie se contredirait-il ?

  L’auteur compose ce récit bien des siècles après la mort d’Abraham. Il sait que son humour tragique interpellera ses lecteurs. Il sait que Dieu interdit tout sacrifice humain. Il suppose même qu’Abraham le sait. D’ailleurs, dans ce récit, Dieu empêche Abraham d’aller au bout de son obéissance. Alors, que veut dire notre conteur ?

1) La naissance d’Isaac était le moyen par lequel Abraham put se survivre dans l’histoire. Or, cette naissance miraculeuse était le don de Dieu. Si Abraham refusait de sacrifier l’enfant, il se constituait en propriétaire (il est à moi !) et oubliait que c’est Dieu qui donne tout. En même temps, il ne pouvait pas penser que Dieu annulait ce qu’il avait juré. Il ne lui restait qu’à « craindre Dieu », à s’en remettre à lui dans cette situation insensée.

2) Selon une lecture théologique correcte, nous devons tout à Dieu ; nous vivons par lui. C’est cela qu’exprimait le sacrifice juif de l’holocauste. Dieu nous demande de nous offrir nous-mêmes, non pas en nous tuant, mais en cherchant à chaque instant quelle est sa volonté (voir Romains 12, 1-2).

La tradition juive ancienne fait dIsaac un jeune adulte de trente-sept ans s’offrant lui-même librement à Dieu, en communion avec Abraham. Les auteurs du Nouveau Testament le savaient. Ils ont vu ainsi un parallèle entre le sacrifice d’Isaac et celui de Jésus, le « Fils bien-aimé » que le Père a tiré de la mort, lui « qui n’a pas épargné son propre Fils » (Romains 8, 32). L’expression fait écho à la déclaration divine adressée à Abraham : « Tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Genèse 22, 16 ; cf les versets 2 et 12). Les traditions légendaires juives anciennes faisaient d’Abraham le premier *croyant en la résurrection.

* Abraham, croyant en la résurrection. La légende juive humoristique, relayée par saint Éphrem, raisonnait en ces termes : Abraham, juste et saint, ne pouvait désobéir à Dieu. Il allait donc immoler son fils. Mais il ne pouvait pas non plus mentir. Si donc il dit à ses serviteurs, au pluriel : « Restez ici avec l’âne (…) puis nous reviendrons vers vous », c’est dans la conviction, à travers ce « nous », que Dieu ressusciterait son garçon. D’où cette formule, dans les Dix-Huit Bénédictions synagogales : « Béni es-tu, Bouclier d’Abraham ! Tu es puissant éternellement, Seigneur. Tu fais vivre les morts, débordant de salut. »

Exode 14, 15 – 15, 1a (« Les fils d’Israël avaient marché à pied sec au milieu de la mer »)

Pharaon s’est repenti d’avoir renvoyé les Israélites, et les voici coincés entre la mer Rouge et l’armée égyptienne. Certains reprochent à Moïse de ne pas les avoir laissés à leur esclavage, préférable à la mort qui les attend (cf. Exode 14, 11-12). Difficile apprentissage de la liberté ! Alors Dieu intervient.

  Ce récit biblique est une sorte d’acte de naissance de la communauté des sauvés ne s’est pas écrit en un jour : les auteurs sacrés l’a remanié d’âge en âge, tant l’événement semblait important, et les traditions ne s’y harmonisent pas toujours. Pour l’une, Dieu fait souffler un vent qui assèche la mer ; pour une autre, Dieu fend la mer en deux murailles, et cette dernière tradition domine l’état actuel du récit. Par là, Dieu agit en Créateur : il sépare la mer, symbole du Mal et du néant, comme il avait séparé les eaux d’en haut et les eaux d’en bas (cf. Genèse 1, 7), et dans cette fente créatrice, le peuple s’engouffre vers la vie. Quand Dieu nous sauve, c’est en nous recréant et en nous délivrant des forces de mort ; c’est pourquoi ce passage de la Mer est pour nous le symbole du baptême. Mais rappelons aussi la portée finale de l’Exode dans la foi juive, foi exprimée dans *la quatrième nuit du Poème des Quatre Nuits.

  Le Cantique qui suit la lecture est d’époque postérieure : il prolonge l’événement jusqu’à l’entrée en Terre promise, à l’ombre du Temple.

* « La quatrième nuit, quand le monde arrivera à sa fin pour être dissous : les jougs de fer seront brisés et les générations perverses seront anéanties. Et Moïse montera du milieu du déert et le Roi Messie viendra d’en-haut. L’un marchera à la tête du troupeau et sa Parole marchera entre les deux, et Moi et eux marcherons ensemble. »

Isaïe 54, 5-14 (L’amour de Dieu pour Jérusalem son épouse)

Dans ce chant d’amour de Dieu, l’épouse est Jérusalem, c’est-à-dire, à la fois, les habitants de la ville exilés à Babylone, et la cité elle-même, vidée par cette déportation.

  « Ton époux, c’est Celui qui t’a faite… » Le Créateur peut agir partout, jusqu’en Babylonie. Il est aussi « rédempteur ». Ainsi appelait-on celui qui avait la charge de venger l’honneur familial bafoué. Ce Dieu-là prend fait et cause pour l’épouse momentanément répudiée (le prophète caractérise l’exil comme une répudiation) et il ouvre l’ère d’une pleine réconciliation.

  Quand l’homme s’égare, il pense facilement que c’est Dieu qui s’écarte et lui cache sa face – qu’il est en « colère », selon nos mots humains. Mais, selon le Psaume 29 [30], 6, « sa colère ne dure qu’un instant, sa bonté, toute la vie. » C’est un amour éternel, inébranlable, une grande tendresse.

  Le poète se tourne vers la ville elle-même, « Jérusalem, malheureuse ». Elle va devenir une cité rutilante de pierres précieuses. Elle vivra dans une paix totale, ses enfants se laissant instruire par Dieu en personne, selon la prophétie de l’Alliance nouvelle* (Jérémie 31, 31-34). Dans cette épouse et cette cité renouvelée, l’Apocalypse verra l’Église, l’épouse de cet Agneau dont le sang versé a permis le mystère de paix et de réconciliation (cf. Apocalypse 21).

* L’Alliance nouvelle. Paul prolongera cette prophétie de Jérémie. Il dira aux nouveaux baptisés de Thessalonique : « Vous avez appris vous-mêmes de Dieu [littéralement : vous êtes des “théo-didactes”] vous aimer les uns les autres » (1 Thessaloniciens 4, 9).

Isaïe 55, 1-11 (Le mystère de l’eau et de la parole)

Voici l’épilogue du Livre de la Consolation (Isaïe 40 – 55). Le prophète a longuement annoncé la libération des Juifs déportés à Babylone. Il suffit maintenant d’y croire.

  1. « Vous tous qui avez soif… » C’est le cri du porteur d’eau. Sans argent, les assoiffés se fatiguent pour ne rien gagner. Tels sont les Exilés (cf. Isaïe 41, 17). Qu’ils aient simplement soif de Dieu, de sa parole, source de vie, et le bonheur viendra : vin, lait et viandes savoureuses. Qu’ils aient soif de sa Sagesse (comparer Proverbes 9, 1-5) qui s’exprime dans l’histoire des hommes.

  2. Dieu promet « une alliance éternelle ». Le peuple entier rayonnera de la grandeur qu’avait le roi David. il convoquera les nations à son gré car Jérusalem deviendra le centre de l’univers, résidence du « Saint d’Israël ».

  3. Ce Dieu si grand est proche, il se laisse trouver. Ceux qui, dans leur exil, s’étaient laissé aller à l’infidélité, par découragement, doivent se convertir. Nulle rancune possible en Dieu, tant ses pensées sont nobles et élevées.

  4. C’est par sa Parole que le Créateur agit, lorsqu’il fait pleuvoir et neiger pour donner à l’homme sa subsistance. C’est la même Parole qui annonce la délivrance : elle dit ce que Dieu veut, elle fera ce que Dieu dit.

  Exode et Exil sont les symboles de l’événement pascal. Par l’eau et l’eau vive du baptême, nous sommes recréés, selon les promesses annoncées par les prophètes.

Baruc 3, 9-15.32 – 4, 4 (Marche vers la splendeur du Seigneur)

Baruc, secrétaire du prophète Jérémie, est censé s’adresser aux Juifs déportés à Babylone. En réalité, sous ce pseudonyme, un sage juif du 2e siècle avant notre ère, s’adresse à ses frères dispersés dans les royaumes d’Orient, et qui s’interrogent : Pourquoi Dieu nous laisse-t-il vivre dans un environnement païen qui nous opprime et nous pervertit ? Comment survivre de manière intelligente dans ce milieu ?

  Une longue méditation répond à ces problèmes. Si vous en êtes arrivés là, dit-elle, c’est que vous avez oublié Dieu, « la Source de la Sagesse » ; vous la cherchez là où elle n’est pas. La véritable sagesse s’exprime dans la création d’un monde bien fait, bien rythmé par le mécanisme de la nature dont vous ne percez pas le mystère, mais qui vous révèle une pensée supérieure.

  La Sagesse, art de Dieu pour faire vivre, est aussi un art de vivre, puisque, depuis la manifestation du Seigneur au Sinaï (Exode 19 – 24), « la Sagesse est apparue sur la terre », elle se condense dans « le livre des commandements de Dieu ». Suivre ceux-ci, voilà la seule manière intelligente de vivre, le privilège des croyants.

  Pour nous, « la Sagesse apparue sur la terre » est le Christ qui nous invite à suivre ses commandements. Par le baptême, il nous tire « du séjour des morts », de tout ce qui, en ce monde, menace notre foi.

Ézékiel 36, 16-17a.18-28 (« Je répandrai sur vous une eau pure et je vous donnerai un cœur nouveau « )

Le prophète révèle trois choses aux « gens d’Israël » : pourquoi ils sont déportés à Babylone, pourquoi Dieu les ramènera sur leur terre, et comment il opérera.

  1. Le pays donné par Dieu, Israël, le Peuple l’a souillé par ses injustices (le sang versé) et sa perversion religieuse (ils installaient chez eux des cultes d’idoles). En conséquence, Dieu a nettoyé la Terre sainte en la débarrassant des pécheurs, en les dispersant dans les nations païennes.

  2. Mais Dieu ne peut pas laisser durer la situation. La présence des Israélites chez les païens signifie la victoire de ces derniers et la défaite de Dieu. C’est l’honneur de Dieu qui est en jeu, sa sainteté : « Je montrerai *la sainteté de mon grand nom, qui a été profané dans les nations. » En rassemblant de nouveau son Peuple sur sa terre, Dieu montrera qu’il est bien le plus grand.

  3. Mais Dieu doit aussi rendre son peuple digne de lui. Pour cela, il va le purifier, avec une eau pure, mais de l’intérieur. Il va mettre en l’homme « un cœur nouveau », une nouvelle intelligence, « un esprit nouveau », un nouveau souffle, et ce souffle sera l’Esprit de Dieu lui-même. Alors, l’homme sera comme un complice aimant du vouloir de Dieu, de ses commandements. Tel est le mystère de notre baptême qui, du péché, nous conduit vers la Terre promise de la Pâque de Jésus, pour l’honneur de Dieu.

* La sainteté de mon grand nom. Littéralement : « Je sanctifierai mon grand nom ». C’est ce que redit le Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ». C’est-à-dire, fais-toi reconnaître, manifeste-toi comme le Dieu Saint qui accomplit ce qu’il dit. Dans la prière des baptisés, c’est avant tout l’honneur du Père qui nous tient à cœur.

 

 

Romains 6, 3b-11 (Le baptême nous donne la vie nouvelle du Christ mort et ressuscité)

En Romains 5, Paul disait que le Christ nous a introduits dans l’amour gratuit de Dieu. Alors comment nous situer vis-à-vis du péché ? Pour répondre à cette question, on partira de la fin du texte : « Pensez que vous êtes morts au péché. »

  C’est l’occasion pour l’Apôtre se redéfinir le baptême : l’eau ne donne pas le pardon ; elle y conduit, en nous plongeant dans la mort du Christ. De quelque manière, « notre mort ressemble à la sienne » : il est mort à cause du péché des hommes qui l’ont condamné. Nous, nous avons à faire mourir en nous « l’homme ancien », « notre être de péché ». De fait, dans le *baptême qui nous unit à la mort du Christ, nous tuons cet être ancien dominé par la puissance du mal.

  Ainsi « affranchis », rendus libres, nous nous tournons vers l’avenir : nous ressusciterons, nous vivrons avec lui. « Le Christ ne meurt plus » et il ne veut pas non plus que meure notre être nouveau, né au baptême et orienté vers Dieu. Pour Paul, le baptême est un point de départ, une libération pour que nous accédions à l’essentiel : nous laisser guider par l’Esprit Saint qui met dans nos cœurs l’amour de Dieu (cf. Romains 8) et qui nous libère de ces tendances égoïstes que Paul appelle « la chair ».

* Baptême et tombeau. « Vous avez été conduits par la main [par les parrains ?] à la piscine du baptême, comme le Christ est allé de la croix au tombeau qui est là devant vous [= au lieu du Saint Sépulcre].(..) Nous n’avons pas été véritablement morts ni véritablement ensevelis (…) Le Christ a été réellement crucifié, réellement enseveli, et il a ressuscité véritablement. Et tout ceci nous est accordé par grâce. Unis par la représentation de ses souffrances, c’est en toute vérité que nous gagnons le salut » (Catéchèse de Jérusalem aux nouveaux baptisés, vers l’an 350).

Psaume 117 ( » La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle « )

Ce psaume est un Te Deum, selon le titre proposé par la Bible de Jérusalem. La mise en scène est la suivante : le roi vient de remporter une difficile victoire (« on m’a poussé, bousculé pour m’abattre, mais le Seigneur m’a défendu », verset 13). Le voici à présent aux portes du Temple où il vient pour rendre grâce. Dans son ensemble, Le psaume a une forme dialoguée entre le discours du vainqueur, la réaction des assistants et les monitions des prêtres. Ainsi, au début, le souverain invite le peuple à s’unir à son triomphe qu’il doit à Dieu : « Que le dise Israël ; Éternel est son amour ! »

  Les versets retenus ici n’ont pas de rapport direct avec l’épître qui précède. Simplement, c’est un programme de louange du temps pascal, le partage de notre joie avec le Ressuscité qui, selon la lecture chrétienne, s’exprime en ces termes : « Non, je ne mourrai pas, je vivrai, pour annoncer les actions du Seigneur. » Oui ! Le Seigneur Dieu a ressuscité son Fils, notre roi. « La pierre », Jésus, que les autorités juives et romaines (les bâtisseurs) avaient mis au remblai, est devenue « la pierre d’angle », la clé de voûte de la foi chrétienne.

  Ce poème est champion ! Il n’est cité pas moins de seize fois dans le Nouveau Testament, toujours en lien explicite ou implicite avec la résurrection du Seigneur. Dans la liturgie des heures, ce psaume, soit à laudes, soit au milieu du jour, revient chaque dimanche, le jour qui célèbre la résurrection du Seigneur : « Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie » (verset 24).

Luc 24, 1-12 (« Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? « )

La Résurrection, mystère de foi

Certains voient dans la découverte du tombeau vide une scène de « preuve » : l’absence du corps prouverait la résurrection de Jésus. Après tout, cependant, d’autres explications de cette disparition sont possibles, comme celle de l’enlèvement du corps (cf. Matthieu 28, 11-15). En fait, le sommet de la scène se trouve dans le message des anges. Portant un « vêtement éblouissant », ils sont forcément des anges ! voir Luc 24, 23. Ce message s’adresse à nous et proclame ceci : seul le Ciel peut nous révéler comme un mystère la résurrection du Christ et son sens, et c’est à notre foi seulement, non à des preuves matérielles, que s’adresse cette révélation de Dieu.

Une révélation

Alors que les disciples masculins ont disparu de la scène, les femmes viennent honorer un défunt aimé. Elles l’ont suivi et servi en Galilée (cf. Luc 8, 3), elles étaient présentes au Calvaire et elles ont suveillé l’ensevelissement. C’est par elles que les disciples vont retrouver le chemin de la foi (Luc 24, 12.22-24). Entrées dans le tombeau, elles ne trouvent pas le corps « du Seigneur Jésus ». Ici la foi desaint Luc anticipe sur le cours du récit : qu’elles cherchent le corps de Jésus, soit ! Mais celui du Seigneur, non !

  La première parole des anges joint une révélation à un reproche : Il est le Vivant et ne peut se trouver chez les morts. Elles devraient le comprendre : « Rappelez-vous… » La suite du message reprend ce que diront les premières Églises confessant le Christ ressuscité ; réciproquement, cette mise en scène affirme que la foi pascale des Églises vient d’une révélation divine.

La foi pascale est mémoire

Selon la perspective de Luc, ces femmes auraient dû, au contact de Jésus et de son Évangile, se préparer à une telle révélation. Mais, en fin de compte, les anges réussissent leur mission : « Alors, elles se rappelèrent ses paroles. » Toujours dans l’optique de Luc, et à la différence de Marc et Matthieu, on ne trouve pas ici l’annonce d’apparitions du Christ en Galilée : c’est à Jérusalem qu’a commencé la Bonne Nouvelle du salut, avec l’annonce à Zacharie ; de même, c’est à Jérusalem, la ville du salut, que doit naître l’Église pascale et missionnaire.

Épilogue

D’abord les femmes rapportent leur expérience : on ne les croit pas. Il faudra que le Seigneur lui-même, dans cette journée pascale, réveille la foi de ses disciples. Pierre cependant veut bien constater, sans conclure, les signes rapportés. Sa découverte du linceul est mieux exploité par Jean 20, 6-7 qui semble dire symboliquement que le Seigneur n’a plus besoin de cette parure mortuaire.

  Au seuil du temps pascal, les anges nous renvoient à notre mémoire croyante, à la nécessité de retrouver sans cesse dans les paroles et les gestes de Jésus les bases de notre foi en sa résurrection.