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6ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (10 Mai)

« Demeurez dans mon amour » (Jn 15,9-17)

 En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.
Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. 

AIMER VOUS LES UNS LES AUTRES

 

Nous allons reprendre pas à pas ce passage pour en admirer la cohérence… Le point de départ nous ramène aux sources premières de notre foi, l’amour du Père : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». Comment le Père aime-t-il donc le Fils ? « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » ; « comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 3,35 ; 5,26), et c’est ainsi qu’il l’engendre de toute éternité en Fils « né du Père avant tous les siècles », en lui donnant tout ce qu’Il Est, jusqu’à sa vie même… Or « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), et « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Rm 8,2.11). Le Père aime donc le Fils en lui donnant la Plénitude de son Esprit, un Esprit qui est vie (Ga 5,25), un Esprit qui l’engendre en Fils éternel…

            Or le Fils nous aime comme le Père l’aime, c’est-à-dire en nous donnant, gratuitement, par amour, cette vie qu’il reçoit du Père depuis toujours et pour toujours : « Père, glorifie ton Fils afin que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés », et le Père a donné au Fils le monde à sauver (Jn 3,16-17). « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10). Cette vie de Dieu nous sera communiquée à notre tour par le Don de « l’Esprit qui vivifie ». C’est pourquoi le Christ Ressuscité dit à ses disciples : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), gratuitement, par amour… Mais bien sûr, pour le recevoir, il s’agit maintenant, avec son aide et son soutien, de nous retourner de tout cœur vers Lui en nous détournant au même moment de tout ce qui lui est contraire. « Repentez-vous » (Mc 1,15) !

            Et « demeurez en mon amour », accueillant instant après instant, de tout cœur, le Don de l’Amour, « l’Esprit qui vivifie »… L’aventure est possible car nous sommes aimés d’un Amour de Miséricorde infini, totalement pur, totalement gratuit, un Amour qui ne recherche que notre bien. Et puisque notre seul vrai bien est que nous soyons comblés de sa grâce et de sa vie, l’Amour ne cessera de nous proposer son pardon pour que, de miséricorde en miséricorde, nous puissions atteindre ce but pour lequel nous avons tous été créés…

            « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour ». Or, « son commandement est vie éternelle » (Jn 12,50). « Garder les commandements » c’est donc « garder sa vie », « garder l’Esprit qui vivifie », et l’Esprit de Dieu est aussi Lumière (1Jn 1,5). Ce qui revient à dire avec St Paul : « N’éteignez pas l’Esprit, mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez le ; gardez vous de toute espèce de mal » (1Th 5,19-22), ce mal de l’égoïsme ou de l’orgueil, contraire à la dynamique de l’Amour qui est de « donner sa vie » pour les autres… Si nous y adhérons, nous nous priverons nous-mêmes du Don de Dieu (Rm 3,23 ; Jn 17,22)… Et Dieu à nouveau nous poursuivra pour nous proposer son pardon (Lc 15)… « Je vous dis cela pour que ma joie », « la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6), « soit en vous et que votre joie soit parfaite »…                      DJF




5ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 

 

 Commentaires des Lectures du dimanche 3 Mai 2015

 

Actes 9, 26-31 («Barnabé leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur»)

Traditionnellement, après le 4e dimanche de Pâques orienté par la prière pour les vocations, le 5e dimanche, dans la première lecture tirée des Actes des Apôtres, dirige l’attention sur les ministères dans l’Église et ce, en l’année B, à travers la figure de Paul.
Actes 9, 1-25 racontait la vocation de Paul et sa première mission à Damas. Chassé de cette ville, le converti rejoint l’Église de Jérusalem qui l’accueille mal. Pudiquement, Luc voit dans cette hostilité une méfiance envers celui qui était naguère un persécuteur. Les confidences personnelles de Paul donnent un autre son de cloche : il s’agit de divergences avec les Douze au sujet du style de l’apostolat (voir Galates 2 ; 1 Corinthiens 9, 1-7).
Étienne (Actes 6–7) a payé de sa vie sa prédication missionnaire auprès des « Juifs de langue grecque » dans les synagogues de Jérusalem et les Douze n’ont guère soutenu ses positions. Paul (encore appelé « Saul ») avait participé à la persécution des amis d’Étienne qu’on appelle les « Hellénistes » (Actes 6, 1) et qui ont fondé l’Église d’Antioche (Actes 11, 19-21). Maintenant « retourné » par le Christ, il prend la relève de la mission d’Étienne auprès de ces mêmes Grecs. « Les frères » de Jérusalem, ne tenant pas à se trouver devant une seconde lapidation, expédient donc Paul à Tarse, sa patrie.
Paul n’a pas pu ou pas su s’intégrer à la communauté chrétienne de Jérusalem, malgré les efforts de *Barnabé. Bientôt, ce dernier comprendra que c’est dans l’Église d’Antioche que Paul pourra donner sa pleine mesure (Actes 11, 19-26). Car, dès les origines, la mise en place des ministères chrétiens, l’apparition de personnages hors pair, s’accompagne de conflits qui obligent l’Église à se remettre en question. En attendant, puisque Paul est devenu disciple, Luc conclut que la persécution est terminée. Donc, «l’Église était en paix».
* Barnabé (Actes 4, 36-37; 11, 19-26; 13, 1 – 15, 40) est un Juif chypriote qui s’est intégré à l’Église de Jérusalem, mais qui, sans doute ami d’Étienne, est allé jusqu’à Antioche. Cet homme généreux, conciliant, cousin de Marc (selon Colossiens 4, 10), fait le pont entre l’Église de Jérusalem et celle d’Antioche. C’est lui qui introduira Paul à Antioche. C’est lui qui, dans son sillage, fera de Paul un vrai missionnaire. Mais une tension entre eux se dessine dès leur premier voyage (Actes 13, 13 ; 15, 36-40). Et ce sera la rupture. Dans les services de l’Église, il y aura toujours des Barnabé pour lancer des Paul et se trouver dépassé par eux.

1 Jean 3, 18-24 (« Voici mon commandement : mettre notre foi dans le nom de Jésus Christ et nous aimer les uns les autres »)

En 1 Jean 3, 10-17, l’Apôtre rappelait le devoir de l’amour fraternel. Si nous remplissons ce devoir, prenons maintenant conscience de notre belle relation avec Dieu :
1. Aimons vraiment. L’amour fraternel n’est pas affaire de paroles ou de sentiment, mais d’actes et de vérité – vérité, c’est-à-dire à la manière de Jésus : (lire 3, 16). En aimant ainsi, nous savons que « nous appartenons à la vérité », à la vraie foi, laquelle n’est rien d’autre que l’amour qui retraduit l’amour de Jésus.
2. Alors, « devant Dieu nous apaiserons notre cœur ». Deux éventualités : Notre cœur nous dit que nous sommes pécheurs ; mais, en sa miséricorde, Dieu est plus grand que nos craintes. Il « connaît toutes choses », notre désir d’aimer selon sa volonté. Second cas, nous nous voyons fidèles aux commandements. Nous n’en tirons pas orgueil. Nous savons simplement que Dieu écoute notre prière, puisque nous lui demandons ce qui nous permet de faire ce qui lui plaît.
3. Ces commandements se résument en un seul : croire en Jésus comme au Fils qui a donné sa vie, et traduire cette foi par l’amour mutuel. Celui qui agit ainsi connaît une parfaite communion avec Dieu, traduite par le verbe « demeurer » qui, dans l’évangile, implique la communion avec le Christ. Cette communion relève pas du sentiment. Elle est une révélation de l’Esprit qui suscite notre foi et notre amour.

 

Jean 15, 1-8 (« Celui qui demeuire en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit »)

Chez Jean, les Adieux de Jésus après la Cène juxtaposent plusieurs discours d’origines diverses, de relectures successives, mises par la tradition sous l’unique nom de l’évangéliste Jean. Le second discours (15, 1 – 16, 4a) s’ouvre par l’image de la vigne et des sarments. Il s’adresse sans doute à des chrétiens rejetés par les synagogues juives, menacés dans la persévérance de leur foi en Jésus.
La vigne et le vigneron
Dans l’Ancien Testament, la vigne est un symbole fréquent pour désigner Israël, choyé par Dieu pour produire une belle récolte (ainsi Isaïe 5, 1-7 ; 27, 2-5 ; Jérémie 2, 21 ; Ézékiel 10 ; Psaume 79 (80), 9-12). Mais l’évangéliste enrichit l’image : si les croyants forment le peuple de Dieu, c’est en tant que sarments qui tirent leur vie de la vigne, ici identifiée à Jésus. Celui-ci est la vraie vigne, comme il est le vrai pain (6, 32) et le vrai berger (10, 11), c’est-à-dire le seul qui accomplisse pleinement cette fonction. Il y a beaucoup à méditer dans ces titres… À travers Jésus, c’est le Père qui déploie toute son œuvre pour la fécondité de la plante. D’emblée, le but est annoncé : donner du fruit.
Demeurez en moi
L’émondage en vue d’un fruit fécond est déjà accompli, puisque nous avons reçu la parole de Jésus, comme le rappelait l’épisode du lavement des pieds (Jean 13, 10). Il s’agit maintenant de persévérer dans le don reçu que traduit le verbe *demeurer employé en une relation de réciprocité (celui qui demeure en moi et en qui je demeure). Celui qui aime se repose sur l’autre, veut rester et durer avec lui, sans pour autant perdre son identité. De même, le croyant n’existe et n’est pleinement lui-même qu’en persévérant dans sa foi en Jésus, en son amour pour lui.
La vigne et les sarments
Revenant à l’image de la vigne, Jésus insiste : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (cf. Jean 1, 3) ni porter aucun fruit. La suite, dimanche prochain, aidera à préciser de quel « fruit » il s’agit. Disons que ce fruit consiste précisément à montrer, par notre amour (cf. 2e lecture, du même rédacteur), que le Christ habite en nous et se révèle au monde d’aujourd’hui à travers nous. La menace contre le sarment desséché, jeté dehors comme « le Prince de ce monde », le diable (Jean 12, 31), ne vise pas les flammes de l’enfer. Simplement, les chrétiens tentés par l’apostasie, par la perte de la foi, doivent savoir qu’en perdant leur relation au Christ, ils deviennent stériles et comme morts. L’avertissement valait d’abord pour des chrétiens sollicités par leurs frères juifs de rompre avec l’Église.
La gloire du Père
Demeurer en Jésus, c’est garder en nous ses paroles qui culminent dans le commandement de l’amour. Alors nous obtiendrons de Dieu tout ce que nous demanderons (cf. Jean 14, 12-13). Car ce que nous demanderons, c’est de donner le fruit que le Père attend de nous. Par là, nous témoignerons de celui dont nous voulons être les disciples. Par là, Dieu pourra être fier (ce qui fait la gloire de mon Père) de son œuvre à lui et de notre conduite fructueuse.
* Demeurer (celui qui demeure en moi et en qui je demeure). Curieuse image, si l’on prend le verbe «demeurer», comme il convient, au sens d’ «habiter» ! Qui habite chez ou en l’autre ? Mais, chez Jean, il faut aussi songer, chez lui, au verbe «rester» désignant ce qui est stable, apaisant, permanent, contre ce qui est provisoire et ne tient pas. C’est le langage de l’amour : en Jésus, Dieu est présent à jamais. Jésus nous envahit comme sa résidence privilégiée et amène Dieu chez nous, et nous trouvons en Jésus le havre espéré au milieu de nos errances. C’est, encore plus simplement, le langage des amoureux : «à chaque instant de la journée, tu habites mes pensées ; et toi, est-ce que j’habite aussi ta vie ?»

 

 




5ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (3 Mai)

« Je Suis la vigne, et vous les sarments » (Jn 15,1-8).  

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.
Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite.
Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.
Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous.
Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples.

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         « Nous avons contemplé sa gloire », dit St Jean de Jésus, « gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14). Or, « si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ » (Jn 1,18). Toute la mission de Jésus consiste donc à nous inviter à recevoir ce dont il est rempli, ce qu’il tient de son Père de toute éternité en tant que « Fils unique », « engendré non pas créé »… « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée pour qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17,22)…

            Au moment de son baptême par Jean-Baptiste, « le ciel se déchira et l’Esprit descendit sur lui comme une colombe. Et une voix partit du ciel : « Tu es mon Fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » » (Lc 3,21-22). Avec Jésus, cet « aujourd’hui » a valeur d’éternité. Il est en effet ce « Fils unique » que le Père engendre à sa vie « avant tous les siècles » en se donnant totalement à Lui par amour, en lui donnant tout ce qu’il a (Jn 16,15 ; 17,10), tout ce qu’il est, et il « Est Esprit » (Jn 4,24). Jésus est ainsi « rempli d’Esprit Saint » (Lc 4,1) par le Père, et cela depuis toujours et pour toujours, un Don par lequel il est engendré en Fils. Et toute la mission de Jésus consiste à nous proposer de recevoir ce dont il est rempli : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22).

            « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 5,26). Engendré par le Père qui lui donne la vie, sa vie, et cela de toute éternité, Jésus « vit par le Père » (Jn 6,57). Et toute sa mission consiste à nous aider à recevoir ce dont il est rempli : « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10). Mais nous, nous sommes pécheurs, blessés, notre cœur est compliqué et malade (cf Jr 17,9 ; Mc 7,21), il n’est pas toujours tourné vers le Père, comme l’est celui du Fils (cf. Jn 1,18). Mais « ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades ; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, pour qu’ils se convertissent » (Lc 5,31-32). Et cet appel, il ne cesse de le lancer à tout homme, partant à sa recherche comme s’il était le seul à s’être perdu, et cela « jusqu’à ce qu’il le retrouve » (Lc 15,1-7), jusqu’à ce qu’enfin, il se laisse retrouver en acceptant d’être aimé (cf. Ap 3,20). Et comme « revenir » à Dieu est encore au-delà de ses forces, c’est à nouveau Lui qui va se proposer de le ramener à la Maison du Père en le mettant sur ses épaules. Et c’est une joie pour Lui (cf. So 3,16-18) !

            « Dieu, fais-nous revenir, fais luire ta face et nous serons sauvés » (Ps 80,4). Oui, « aux païens aussi », à tout homme, « Dieu a donné la repentance », de pouvoir se repentir, une « repentance qui conduit à la vie » (Ac 11,18). Oui, « c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,19-20).

            Alors, grâce à Lui, le sarment peut de nouveau être rattaché à la vigne, et recevoir d’elle la sève de la paix et de la vie qui lui permettra de porter beaucoup de fruit… Et cela en s’abandonnant tout simplement à l’Amour, envers et contre tout, et en le laissant accomplir inlassablement, dans nos cœurs et dans nos vies, son œuvre de réconciliation et de Vie !

                                                                                                                                    DJF

 

 

 




4ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 Commentaires des Lectures du dimanche 26 Avril 2015

 

Actes 4, 8-12 (En dehors du Christ, il n’y a pas de salut)

« Par quel Nom avez-vous fait cela » (Actes 4, 7) ? Cette question des grands prêtres renvoie à la guérison du paralytique opérée par Pierre au Temple (cf. Actes 3, 1-10) et met en avant le thème du *«Nom». Pour notre auteur, la comparution des témoins du Christ, «remplis de l’Esprit Saint», devant les tribunaux est moins l’occasion de se défendre que de donner à l’Évangile, c’est-à-dire au Christ ressuscité, toute la publicité qu’il mérite (cf. Luc 21, 12-15). Dans l’histoire ultérieure de l’Église, combien de témoins persécutés et traduits en justice ont fait de leur douloureuse expérience, involontairement sans doute, une digne tribune pour le message chrétien !

Dans le message de Pierre, les mots « salut » et « sauver » sont la clé de lecture. Dieu avait, littéralement, «relevé» Jésus (verset 10). De même, Pierre a «relevé» l’infirme (Actes 3, 7), en invoquant la puissance de Jésus, de son Nom. L’agir de Jésus en cet événement montre donc qu’il est vivant et qu’il sauve ceux que, par la maladie, la mort voudrait tenir en son pouvoir. Or, si le don de la vie est la prérogative de Dieu seul, c’est que, depuis Pâques, Dieu « a donné aux hommes » son Fils ressuscité pour qu’il les sauve de la mort.

Pierre en voit la prophétie dans l’image de la pierre qui, au Psaume 117 (118), 22, évoque le Messie. Celui-ci, selon le psaume en son sens premier, a failli périr au combat. Mais, Dieu lui ayant donné la victoire, il devient source de fête et de joie pour son peuple libéré.

* Le Nom. En certaines cultures, le nom, c’est la personne elle-même. Dans un pays d’Afrique, j’ai entendu sous ma fenêtre deux adolescents se battre. Au terme de la dispute, l’un a crié à l’autre : «Et maintenant, ne dis plus mon nom» Nous disons nous-mêmes : «Untel, c’est un nom !» Le nom que j’emploie («mon général» ou «mon ami»…) précise ma juste relation avec quelqu’un. Jésus (Ieshoua) signifie «Dieu sauve». En invoquant ce Nom, je m’adresse à celui par qui Dieu me sauve. Pour le judaïsme, on parle de Dieu en disant, entre autres termes : « le Nom», pour éviter, par respect, de prononcer directement le mot «Dieu». Pour le chrétien, Dieu se révèle dans le nom de Jésus, et il lui donne son propre nom, celui de «Seigneur», selon Philippiens 2, 9.

 

1 Jean 3, 1-2  (« Nous verrons Dieu tel qu’il est »)

Comment sauriez-vous que je ressemble à mon père si vous ne l’avez jamais rencontré ? Mais peut-être, en me voyant à côté de mon frère, découvrirez-vous que nous avons « un air de famille ». Dans la foi, le mystère est plus complexe encore. Je sais bien que, depuis mon baptême, le Christ me transforme à sa ressemblance, mais je ne l’ai pas encore vu face à face.

Les membres de la communauté de Jean se définissent comme « enfants de Dieu ». C’est le grand amour du Père qui, pour nous, a fait de cette dignité une vocation (« appelés ») et une réalité (« nous le sommes »), et c’est pour cette mission que Jésus est venu : « Ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jean 1, 12). Mais *« le monde » ne nous comprend pas, puisqu’il n’a pas découvert en Jésus le Dieu qui veut faire de nous ses enfants. Il reste qu’en cherchant à agir selon notre vocation filiale, nous étonnons le monde. En outre, les vrais croyants ne saisissent pas eux-mêmes combien ils ressemblent au Fils de Dieu.

Notre vocation comporte donc une ultime étape, lorsque paraîtra le Fils de Dieu, «quand cela sera manifesté». Nous serons alors transfigurés en sorte de le connaître tel qu’il est. Tel est le véritable aboutissement du temps pascal qu’est l’histoire des humains.

* Le monde. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jean 3, 14). Nous partageons donc son amour pour tous les humains. Cependant, chez Jean, le terme «monde» a souvent un sens négatif. Il représente ceux qui refusent le Fils de Dieu, la sphère de la non-foi. Au départ, il s’agit de ceux des Juifs qui refusent Jésus. En 1 Jean, «le monde» inclut même des chrétiens qui s’égarent, infidèles à l’esprit du fondateur de leur Église. La foi ne fait pas l’unanimité, rappelle l’Apôtre, et nous devons être lucides sur nos complicités possibles avec l’incrédulité.

 

Jean 10, 11-18 (« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »)

Chaque année liturgique, le quatrième dimanche de Pâques découpe en trois sections l’autoportrait de Jésus comme bon pasteur, selon l’évangile de Jean : année A : Jean 10, 1-10 ; B : 10, 11-18 ; C : 10, 27-30. À l’évidence, le rythme des lectures liturgiques ne permet pas de lire ce discours d’une seule traite. On peut le regretter. L’Église romaine fait de ce dimanche une journée de prière pour les «vocations». Le choix de ces textes évangéliques laisse entendre qu’il s’agit sans doute des vocations dites «pastorales» et que cette prière plaide pour un accroissement du nombre des séminaristes. En tout état de cause, on retiendra d’abord la dimension pascale du discours, selon la belle et concise demande de la prière d’ouverture du Missel «Que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux.»

Le roi pasteur

Dans la Bible, comme dans d’autres civilisations orientales, le berger est la figure du roi (ainsi en Ézékiel 34 ou Jérémie 23, 5) Dans ce chapitre 10 de Jean, Jésus a d’abord évoqué le rôle typique du berger (versets 1 à 6). À présent, il se présente comme ce vrai berger. Vrai berger parce que, sans poser de limites, il risque sa vie pour ses brebis. En fonction du génie de l’évangéliste, nous pouvons lire le texte deux fois : La première fois, on verra ce que fut la mission terrestre de Jésus allant vers sa Passion. La seconde fois, on entendra le Christ ressuscité nous disant qui il est aujourd’hui pour nous, si nous le suivons. Au cœur du temps pascal, c’est sur ce second aspect que nous devons insister.

Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis

Littéralement, selon l’esprit grec, Jésus est « le beau berger », c’est-à-dire l’idéal de ce qu’on attend d’un «vrai berger . Ce vrai berger «expose» sa vie (mieux que la traduction « donne sa vie »). Pensons au jeune David, figure du Messie, qui exposait sa vie pour les brebis de son père (1 Samuel 17, 34-35). La traduction « mercenaire » est excessive. Il s’agit plutôt de l’opposition entre le propriétaire du troupeau et le « salarié » qui n’a pas d’intérêt direct dans le cheptel. Mais la relation se complique. Celui qui connaît vraiment une personne, c’est celui qui aime cette personne. Jésus aime les brebis, non parce qu’il en est propriétaire, mais parce qu’il aime Dieu son Père et qu’il sait ce que ce Père attend de lui. En fait, la parabole rurale continue. Le berger qui a des moutons les connaît un par un, et ces moutons ont une réelle relation avec lui, en sorte qu’ils ne suivront pas un autre homme. La parabole s’estompe quand Jésus la fait passer à la relation entre lui et son Père, entre lui et les croyants, selon l’exigence de toute relation ministérielle et « pastorale ».

Que dire, en clair, quand Jean écrit son évangile, plus de cinquante ans après la Pâque ? Des « loups », pasteurs intéressés et cupides (cf. Matthieu 7, 15 ; Actes 20, 28-29), ne sont pas prêts à risquer leur vie pour défendre un visage du Christ qui suscite l’opposition des Juifs, la risée des Grecs, et l’irritation de certaines Églises à la foi ambiguë. Ils préfèrent abandonner leur troupeau…

Un seul troupeau, un seul pasteur

Quelles sont ces « autres brebis » qui ne connaissent pas encore leur vrai berger ? Pour maints commentateurs, il s’agit des païens, par rapport aux Juifs auxquels s’était adressé Jésus. Mais cette interprétation oublie que l’évangéliste écrit à la fin du 1er siècle.

L’Église à laquelle il s’adresse est, depuis longtemps, composée de Juifs et de Grecs. En Jean 21, 15-23, appendice de l’évangile, deux groupes se font face : ceux, d’une part, qui se réclament du « Disciple que Jésus aimait », l’auteur de cet évangile, et qui a maintenant disparu et, d’autre part, la grande Église qui suit Pierre. Mais tous peuvent à présent former un seul troupeau derrière Pierre, puisque celui-ci, par son martyre, a prouvé son amour de Jésus.

Le secret de la  « pastorale »

Le commandement particulier que Jésus a reçu de Dieu, c’est de donner sa vie librement pour la reprendre ensuite, comme le Maître « déposait » et « reprenait » son vêtement pour laver les pieds des siens, les servir jusqu’au bout (cf. Jean 13, 4.12). En Jésus qui dépose sa vie et la reprend, le Père montre son amour sans limites et le triomphe de cet amour qui donne la vie. Ce don de soi, que le Père aime, est le fondement même de la fonction pastorale.

 

 




4ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (26 Avril)

Jésus est le Bon Pasteur de l’Humanité tout entière (Jn 10,11-18)

En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis.
Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse.
Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.
Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent,
comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau.
Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

bon pasteur1

            « Tout fut par Lui, et sans Lui, rien ne fut » (Jn 1,3). « Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui » (Col 1,16-17). Jésus, le Fils, est ainsi « la Lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9). Il est donc proche de tout homme, il vit en « alliance éternelle » avec « toute chair » (Gn 9), et cela, depuis que le monde existe. Et comme « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et qu’Il n’est qu’Amour, il ne cesse de rechercher le bien de « tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14), et cela gratuitement, par Amour. « Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24).

            Les hommes ne vivent pas une relation de cœur avec Lui, se privant du même coup de cette Plénitude de Vie qu’il voulait leur communiquer dans une relation d’amour librement consentie ? Le Père va envoyer son Fils dans le monde, avec une seule Parole à leur transmettre de sa part : « Revenez ! Car le Père lui-même vous aime » (Jr 3,22 ; Mc 1,15 ; Mt 4,17 ; Jn 16,27)… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime » (Lc 2,14).

            Or aimer, c’est vouloir le bien profond de celui, de celle qu’on aime… Tel est le désir de Dieu pour chacun de ses enfants, pour tout homme ici-bas… « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43,4). Et « aimer » pour Dieu, c’est « rassasier de biens », combler de biens, pour le seul bien de l’être aimé : « Il te couronne d’amour et de tendresse », dit le Psalmiste, « il rassasie de biens ton existence » (Ps 103(102),4). Or le mot « bien » employé ici peut aussi prendre le sens de « beau », de « bon », de « bonheur »… Ainsi Dieu, qui Est « le Bon », « le Bien » par excellence, et la source de tout « bien », ne cesse-t-il de proposer à l’homme ce qui est « bien » pour lui, ce qui est « bon », et si ces « biens » sont effectivement accueillis, ils ne pourront que lui apporter le vrai « Bonheur », car Dieu nous a tous créés pour cela : nous partager sa Plénitude !

            « Je suis le Bon Pasteur » nous dit ici Jésus. Il « se soucie de ses brebis », c’est-à-dire de tout homme, quel qu’il soit, et il continue à faire en son humanité ce que Dieu ne cesse de faire de toute éternité : se donner par amour, se donner lui-même, donner sa vie pour ses créatures, cette vie qu’il reçoit du Père de toute éternité, et cela pour leur seul bien, pour les combler, gratuitement, par amour. « Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis », et il le fera jusqu’au don ultime de la Croix, pour le salut et la vie de tous…         DJF

 


 

 

 




3ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

Commentaires des Lectures du dimanche 19 Avril 2015

 

Actes 3, 13-15.17-19 (Dieu a donné sa gloire à son serviteur Jésus)

 Au Temple, Pierre guérit un impotent, par la puissance de Jésus. Il a «relevé» l’infirme (3, 7), comme Dieu a «relevé» Jésus d’entre les morts. Il est temps pour l’Apôtre d’éclairer la foule assemblée. Son discours instruit le procès de la foi chrétienne : par sa bouche, Dieu plaide sa propre cause et son bon droit ; les accusés sont les gens de Jérusalem ; l’Écriture, l’Ancien Testament, est la preuve, la pièce à conviction du débat.

1. En donnant « sa gloire » à Jésus, « le Dieu de nos pères » n’a fait « qu’accomplir sa parole » qui promettait à son peuple « *le Prince de la vie ». Il avait même prévu que ce « Messie souffrirait » et qu’il devrait lui rendre justice par la résurrection.

2. Les gens de Jérusalem ont « livré » et « renié » Jésus. Il y a quelque ironie empathique, de la part de l’auteur, à placer dans la bouche de Pierre ce verbe qui dénonçait son propre reniement (Luc 22, 57). Tous, à commencer par Pierre, se sont trompés, aveugles aux prophéties.

3. Des titres résument ici l’Écriture : Jésus est « le Saint », le Messie consacré par Dieu. Il est « le Juste » persécuté, « le Serviteur » annoncé par le poème du Serviteur souffrant (Isaïe 53, 11).

À la différence des tribunaux, le procès de la foi ne condamne pas. Si nous ne savons pas lire l’histoire et le projet de Dieu, nous sommes toujours invités à changer notre regard, à faire demi-tour quand la puissance du Ressuscité nous interpelle dans les événements.

* Le Prince de la vie. Le mot grec archègos traduit par « prince » ne revient que quatre autres fois dans le Nouveau Testament, appliqué toujours au Christ ressuscité. Selon ses emplois divers dans l’Ancien Testament de langue grecque, la Septante, le terme désigne la tête, en tout cas un personnage de haut rang. Ici, tel un nouvel Adam, le Ressuscité ouvre une noucelle ère de vie. En Actes 5, 21, il est à la fois « Prince et Sauveur ». En Hébreux 2, 10, il est « le prince du salut » et Hébreux 12, 2 le salue, avec le même mot, comme « l’initiateur de la foi ».

1 Jean 2, 1-5a (« C’est lui qui obtient le pardon de nos péchés et de ceux du monde entier»)

La communauté à laquelle s’adresse cette lettre a ses dissidents. Ils prétendent connaître le Christ, ils discourent sur le Christ, mais leur vie morale laisse à désirer. Avec la tendresse d’un pasteur, l’Apôtre met en garde ses « petits enfants » contre ces mauvais exemples. L’expression « mes petits enfants » indique que la lettre est un testament, une manière pour l’auteur d’indiquer à ses adeptes comment sauvegarder son héritage spirituel. Jésus employait le même terme dans son discours d’adieu (Jean 13, 33). Jean situe d’abord le rôle présent de Jésus, puis il précise en quoi consiste la vraie connaissance du croyant.

Nul ne peut prétendre être sans péché. Mais Jésus a estimé qu’il valait la peine de mourir par amour pour les pécheurs que nous sommes. Sa mort est un sacrifice supérieur à ceux qu’offraient les Juifs pour obtenir le pardon de Dieu (voir Exode 29, 36-37). C’est un thème que développera la lettre aux Hébreux 9–10. Il est notre Défenseur *le Paraclet, parce que Dieu ne peut rien refuser au Juste.

Connaître Dieu comme étant vraiment Dieu, c’est savoir et faire ce qu’il attend de nous, c’est-à-dire ses commandements. Et ceux-ci se résument dans le commandement de l’amour. Or Dieu s’est exprimé totalement dans la mission de Jésus : c’est en lui que Dieu nous dit son amour. Cet amour, nous devons le traduire dans nos relations mutuelles (lire 1 Jean 4, 19-20). Si le croyant sort de cette logique de l’amour, si sa connaissance du Christ n’est qu’intellectuelle, il vit dans le mensonge.

* Le « paraclet » (Défenseur) est l’avocat défendant un accusé. Dans l’Évangile de Jean, le Paraclet est le Saint Esprit (cf. Jean 14, 16.26 ; 15, 26 ; 16, 7). Le croyant est en procès avec un « monde » qui conteste la foi. L’Esprit le soutient dans ce combat, il lui révèle un Jésus qui n’est plus limité par sa condition terrestre. Mais l’Esprit ne remplace pas Jésus. Il est « un autre Paraclet » (Jean 14, 16) qui ne fait rien de lui-même. Le premier Paraclet est toujours Jésus. L’Esprit prolonge sa mission.

Luc 24, 35-48 (« Aussi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait des morts le troisième jour »)

Chez Luc, l’Ascension du Seigneur se situe le soir de Pâques, avant qu’en Actes 1, il la situe quarante jours après Pâques.. Voici la dernière entrevue de Jésus avec les Apôtres que les disciples d’Emmaüs viennent de rejoindre. L’épisode se divise en quatre séquences.

La présence de Jésus ressuscité

Le vocabulaire de l’expérience pascale est riche : Jésus se fait voir, se rend manifeste, les rencontre…. Ici, comme chez Jean, le texte dit simplement : « Il se tint debout ». Jésus souhaite la paix aux siens. Cette paix est sérénité, pardon, réconciliation. C’était le message des anges de Noël (Luc 2, 14). Mais, pour les lecteurs de Luc, c’était aussi une formule de la liturgie. Les premiers chrétiens découvraient la présence du Ressuscité dans la paix qui caractérisait leurs célébrations.

La reconnaissance

Stupeur, crainte et bouleversement sont les réactions des humains devant le surgissement du surnaturel. Comme lors de la marche sur les eaux, annonce symbolique de la Résurrection (cf. Marc 6, 49-50), les disciples se croient en présence d’un fantôme. Dans la nouveauté de son être glorieux, Jésus doit se faire reconnaître. En montrant ses mains et ses pieds, il se révèle comme l’homme qui a été crucifié. Persiste le doute que, courtoisement, Luc attribue à la joie des disciples. La manducation du poisson insiste sur le réalisme de la résurrection, en des termes que d’autres auteurs sacrés éviteraient (comparer Tobie 12, 19). Il s’agit de souligner que le Ressuscité appartient bien à la condition humaine. Mais, s’il est permis de critiquer avec une grande et humble révérence l’évangéliste saint Luc, il faut remarquer que son insistance sur la présence physique du Ressuscité qui mange et boit aura contribué au long des générations chrétiennes à un malentendu sur le sens de la résurrection du Seigneur, par là assimilée à une reviviscence semblable à celle de Lazare en Jean 11, 44. Heureusement, certains des discours attribués à Pierre par ce même évangéliste dans les Actes des Apôtres corrigent cette myopie trop apologétique.

L’éclairage de l’Écriture

Au vrai, la foi au Christ ressuscité ne se fonde pas seulement sur ses apparitions. Jésus avait invité les Douze à comprendre sa Passion comme l’accomplissement des prophéties (Luc 18, 31-34) : « *Il ouvrit leur intelligence à la compreéhension des Écritures » (24, 31). Il insiste de nouveau : toute la Bible, l’Ancien Testament, en ses trois parties traditionnelles (la Loi, les Prophètes et les Psaumes), écrit la destinée du Christ. Aujourd’hui, Jésus nous ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures, pour que nous comprenions le projet de Dieu signifié par le verbe « il faut ».

La mission

La mission est inséparable de la foi qui fait de nous des témoins. Ici, l’envoi des disciples par le Christ « mord » par avance sur le temps présent de la proclamation de l’Évangile. L’Écriture nous révèle la Passion, la résurrection le troisième jour. C’est une vie nouvelle qui s’offre à tous les humains, « à toutes les nations ». Nous ne pouvons pas garder pour nous ce message. Tous sont appelés à changer de vie et à se libérer du péché. En fait, l’Église découvre la présence du Christ vivant lorsque, à son appel, des gens découvrent le bonheur de croire et de tourner la page sur une vie jusque là stérile. C’est bien pourquoi l’évangéliste ne craint pas de mettre sur les lèvres du Ressuscité ce que prêchent les apôtres (cf. 1ère lecture). C’est dans la mesure où nous sommes témoins que s’approfondit notre foi en un Christ vivant et agissant.

* Il ouvrit leur intelligence… Dans la synagogue ancienne, le mot « ouverture », en hébreu petihah, désigne d’abord le verset biblique et le thème par lesquels l’homéliaste commence sa prédication. Mais le terme en est venu à désigner l’homélie dans son ensemble, et c’est selon cette signification que Luc utilise quatre fois le verbe « ouvrir » : ouvrir les Écritures en leur sens actuel pour l’esprit des auditeurs ; ouvrir les cœurs au sens des Écritures (Luc 24, 31, 32, pour Jésus ressscité ; Actes 16, 14 ; 17, 3, pour les prédications de Paul.

 




3ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (19 Avril)

Les Apôtres, témoins du Ressuscité pour le salut de tous (Lc 24,36-48)

En ce temps-là, les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ?
Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi !
Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. »
Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? »
Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux.
Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : “Il faut que s’accomplisse  tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.” »
Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. »

3iè dimanche pâques1

         Le Christ Ressuscité apparaît ici à ses disciples et leur dit, une fois de plus : « La paix soit avec vous ! » Dans le langage de la Bible, le mot « paix » est synonyme de « plénitude » et il renvoie ici à la Plénitude même de Dieu. « En Lui », le Christ, « habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité, et vous vous trouvez, en lui, associés à sa Plénitude » (Col 2,9). En effet, si « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « il vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8). « Cherchez donc dans l’Esprit votre Plénitude » (Ep 5,18) ! Et elle sera avant tout « paix » au plus profond du cœur : « Que la paix du Christ règne donc dans vos cœurs : tel est bien le terme de l’appel qui vous a rassemblés en un même Corps » (Col 3,15). Cette Paix, synonyme de silence intérieur et de repos, est le premier critère de l’action du Ressuscité en nos vies : tout ce que fait « le Dieu de la Paix » par son Fils « doux et humble de cœur » (Rm 15,13 ; Mt 11,29) se réalise très concrètement dans la douceur et dans la paix : « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, douceur » (Ga 5,22-23)…

            Mais les disciples, ici, sont « frappés de stupeur et de crainte », une réaction qui ne va pas durer et que le Christ va apaiser ! En le voyant, « ils croyaient voir un esprit », « l’esprit » d’un mort, et ils ont peur, bien sûr, de ce monde des morts, source inépuisable de tant de superstitions… Mais non, Jésus n’est pas un mort venu les chercher pour les entraîner dans la mort… Il est le Vivant venu leur offrir la Plénitude de sa Vie, de sa Paix et de sa Joie par le Don de l’Esprit Saint (Jn 14,27 ; 15,11). Et les disciples commencent à l’accueillir : « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire »…

            Alors, pour bien les convaincre qu’il est « le Premier-Né d’entre les morts », le même et pourtant « le tout autre » dans sa chair glorifiée, il va les inviter à le toucher : « Voyez mes mains et mes pieds », ils ont encore les marques de la Passion, signes de sa victoire sur la mort. « Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, et vous constatez que j’en ai. » Et il mangera devant eux « un morceau de poisson grillé »…

            Une fois apaisés, il pourra leur expliquer le sens de sa mort et de sa résurrection annoncées depuis bien longtemps par les prophètes. Par amour, il a voulu « porter lui‑même nos fautes dans son corps » (1P 2,21-25) : il a vécu ce que vivent les plus grands pécheurs, pour que nous tous, pécheurs, nous puissions vivre ce que Lui vit de toute éternité : cette Plénitude de Vie, de Lumière et de Paix et qu’il reçoit du Père avant tous les siècles. C’est pourquoi il enverra ses Apôtres en « témoins » de sa Miséricorde et du Pardon des péchés donné en surabondance à quiconque se repent de tout cœur !         DJF

 

 

 




2ième Dimanche de Pâques – Dimanche de la Miséricorde Divine par P. Claude TASSIN (Spiritain)

Commentaires des Lectures du dimanche 12 Avril 2015

Actes 4, 32-35  (Un seul cœur et une seule âme)

Luc décrit la première communauté chrétienne de Jérusalem. Chaque 2e dimanche de Pâques, on lit un de ses trois «sommaires» ou résumés – aujourd’hui, le 2e (le 1er se trouve en Actes 2, 42-47, le 3e en 5, 12-16).

Ici, Luc insiste sur le partage communautaire. En fait, il n’a qu’un exemple à rapporter, celui de Barnabé (voir Actes 4, 36-37), aussitôt suivi d’un contre-exemple, dans le drame d’Ananie et Saphira (voir Actes 5, 1-11). Il n’évoque donc pas un idéalisme qui aurait mal tourné, mais un projet. La première Église s’efforçait de réaliser un double idéal :

1. L’idéal de l’amitié grecque que vantait déjà Aristote : «Les amis n’ont qu’une âme entre eux et les biens sont propriété commune.» C’est ce qu’essayaient aussi de vivre les groupes se réclamant du philosophe Pythagore.

2. L’idéal du peuple de Dieu proclamé par le livre du Deutéronome : «Il n’y aura pas de pauvre chez toi» (15, 4). C’est ce qu’essayaient de vivre les esséniens de Qumrân. Et puisqu’on doit aimer Dieu «de tout son cœur et de toute son âme» (Deutéronome 6, 5), les croyants auront «un seul cœur et une seule âme».

Ces chrétiens s’approprient le projet d’unité inscrit dans la Parole de Dieu et dans toute expérience humaine allant en ce sens. Telle était «la puissance de la grâce (de Dieu)». Stimulés par leurs apôtres témoignant du Christ ressuscité, ils osaient s’engager sur des voies nouvelles.

1 Jean 5, 1-6 (Celui qui croit est né de Dieu)

Dans les Églises de Jean, certains prédicateurs refusaient d’annoncer Jésus comme Fils de Dieu. En deux temps, L’Apôtre encourage les fidèles qui résistent à ces perturbateurs :

Tout homme qui croit

L’auteur s’adresse à «celui qui croit (vraiment)». Croire, c’est voir en Jésus «le Christ». Par cette foi, on naît de Dieu (cf. Jean 1, 12). Croire, c’est se lier, donc aimer Dieu et ceux qui sont nés de lui. L’amour fraternel n’est pas un sentiment saisonnier: il vient de la foi qui voit dans les autres des «enfants de Dieu». Aimer Dieu, vouloir lui plaire, c’est accomplir les commandements qui, selon 1 Jean 3, 23, demandent la foi et l’amour. Ainsi sommes-nous vainqueurs du «monde», c’est-à-dire ces ténèbres de la non-foi où prospèrent les faux prophètes (cf. 1 Jean 4, 1-5).

Le triple témoignage divin

L’auteur rappelle un triple témoignage : Jésus «est venu par l’eau» : son baptême annonçait le don de l’Esprit Saint (Jean 1, 33). Mieux, *«l’eau et le sang» jaillis du côté ouvert (Jean 19, 34) témoignent d’un amour sans limites. Ces deux signes s’unissent dans l’Esprit de «Vérité». Donné dans le baptême et l’eucharistie, l’Esprit réalise en nous l’œuvre de Jésus : nous croyons, nous aimons, notre vie se transforme.

Thomas proclamait, en germe, cette profondeur de la foi pascale (évangile), une foi qui entraîne un amour mutuel (1ère lecture).

* L’eau et le sang. «Le soldat lui ouvrit le côté d’un coup de sa lance et il en jaillit de l’eau et du sang. Cette eau était le symbole du baptême et le sang celui des mystères [= le sacrement de l’eucharistie]. C’est pourquoi l’évangéliste ne dit pas : Il en jaillit du sang et de l’eau ; mais l’eau jaillit d’abord et ensuite le sang, car d’abord vient le baptême et ensuite les mystères. Ce soldat, donc, lui ouvrit le côté : il a percé le rempart du temple saint et c’est moi qui ai trouvé le trésor et m’en suis enrichi. Ainsi en fut-il de l’Agneau : les Juifs égorgeaient la victime, et moi j’ai recueilli le salut, fruit de ce sacrifice» (saint Jean Chrysostome).

Jean 20, 19-31 (« Huit jours plus tard, Jésus vient »)

Cette page constituait primitivement la fin de l’évangile de Jean. Quatre séquences nous conduisent pas à pas à saisir notre situation de croyants :

L’apparition aux disciples le soir de Pâques

Jean ne précise pas l’identité du groupe à qui se montre le Ressuscité. Il vise toute la communauté chrétienne des lecteurs, et pas seulement les Onze. C’est une réunion liturgique, « le premier jour de la semaine », ou « jour du Seigneur ». Alors Jésus « vint », « il était là ». Il se fait reconnaître comme le Crucifié. On ne dit pas qu’il traverse les portes en passe-muraille, mais qu’il se rend présent dans une totale liberté. C’est pour les disciples une bénédiction (ils sont « remplis de joie »), et un acte de foi car ils voient non seulement l’homme Jésus, mais « le Seigneur ». Celui-ci apporte la paix naguère promise (cf. Jean 14, 27) et il les recrée : comme Dieu « insuffla dans les narines (d’Adam) le souffle de vie », Jésus « souffle sur eux » et leur donne mission de remettre ou de maintenir les péchés, de discerner le bien et le mal dans ce monde divisé. Ceci se réalisera, grâce au baptême et au combat contre le péché, par exemple par la prière (cf. 1 Jean 5, 16).

Ainsi s’accomplissent les grandes promesses de la Bible : la nouvelle création, la venue de l’Esprit qui purifie (Ezékiel 36, 25-27) et le pardon des péchés inaugurant l’Alliance nouvelle (Jérémie 31, 34).

Une transition

Les disciples ont vu et ils ont cru. Ils communiquent à Thomas leur credo pascal : «Nous avons vu (celui qui est maintenant) le Seigneur.» *Thomas repousse leur témoignage; il exige des signes miraculeux (voir le reproche de Jean 4, 40).

La seconde apparition, avec Thomas

«Le huitième jour» est le dimanche suivant. Déjà dans la tradition juive ancienne, ce huitième jour signifiait l’entrée dans la nouvelle création, après les sept jours symboliques de la première création (Genèse 1). L’évangéliste suggère que c’est l’assemblée dominicale qui retrempe notre foi pascale.

Grâce à la parole de Jésus, Thomas accède à la vraie foi. Les militaires romains, au temps où l’évangéliste rédigeait son œuvre, saluaient l’empereur Domitien comme «notre Seigneur et notre Dieu». C’est Jésus que Thomas confesse ainsi : «mon Seigneur et mon Dieu», c’est-à-dire les titres mêmes du Dieu d’Israël. Les autres avaient reconnu le Seigneur ; Thomas confesse enfin le Verbe de Dieu qui est retourné en Dieu, dans la gloire qu’il avait «avant le commencement du monde» (Jean 17, 5).

Thomas est donc à la croisée de deux générations de croyants. Il est béni comme le dernier de ceux qui ont vu et qui ont cru. «Mais, en regardant un vrai homme, il a proclamé que celui-ci était Dieu, et cela, il n’avait pas pu le voir » (Saint Grégoire le Grand). Depuis que ces témoins ont disparu, nous sommes bénis par Dieu comme «ceux qui croient sans avoir vu».

La première conclusion de l’Évangile

«Il y a encore beaucoup d’autres signes…» Jean ne dit pas que le Christ se sépare des disciples. Car il nous reste en présence invisible, grâce à l’Esprit qui apporte le pardon, qui nous rappelle et nous fait comprendre ce que Jésus a fait et dit «en présence des disciples». Ce souvenir nous conduit à la foi en Jésus comme Fils de Dieu, et la foi nous conduit à une vie en plénitude.

* Thomas fait partie de la liste des Douze (Matthieu 19, 3 ; Marc 3, 18 ; Luc 6, 15 ; Actes 1, 13). Sans commentaire, Jean (11, 16 ; 20, 24) rappelle le sens du nom de Thomas en araméen : «le jumeau». En revanche, à la différence des autres évangélistes, il lui confère des traits de caractère : à la fois, Thomas est un disciple ardent et bouillant (Jean 11, 16), mais ne comprenant pas bien son Seigneur (14, 5) et demandant les signes de sa résurrection, bref, un disciple qui nous représente bien. Selon Eusèbe de Césarée, Thomas fut l’évangélisateur des zones iraniennes et fut enseveli à Édesse. Selon les chrétiens syro-malabars, il porta l’Évangile en Inde et ils honorent son tombeau dans la cité de Madras. On ignore pourquoi, vers 150 de notre ère, apparut en Syrie un évangile apocryphe gnostique attribué à Thomas et enregistrant 114 paroles attribuées à Jésus. Était-ce en raison d’une supposée «gémellité» entre Thomas et Jésus ? Le texte n’en dit rien.

 

 

 

 

 




Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (5 Avril)

 

  « Christ est ressuscité ! » (Jn 20,1-9)

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat,
ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

         résurrection2

« Celui à qui on remet peu montre peu d’amour » (Lc 7,47), mais celui à qui on remet beaucoup montre beaucoup d’amour… Marie Madeleine, dont Jésus « avait chassé sept démons » manifeste ici l’intensité du lien qui l’unit à son Seigneur en arrivant à son tombeau « de grand matin », la première, « alors qu’il faisait encore sombre »… Mais surprise… « La pierre a été déplacée »… Elle n’entre pas et court aussitôt prévenir Pierre et Jean : « On a enlevé le Seigneur ». Arrivé le premier, Jean s’arrêtera à l’entrée pour laisser Pierre passer devant lui. Il est ainsi déjà celui que les disciples ont reconnu comme la Pierre sur laquelle le Christ bâtira son Eglise (Mt 16,18)…

Mais le plus grand a besoin du plus jeune… Le regard de foi de Pierre n’est pas celui de Jean. Tous les deux, en effet, voient « le linge qui avait recouvert la tête ». Mais il n’est pas « posé avec le linceul » comme il l’aurait été si quelqu’un l’avait dénoué pour s’emparer ensuite du corps de Jésus. Il est toujours « roulé à part, à sa place », celle qu’il avait sur le corps… Personne en fait ne l’a touché… Le corps a subitement disparu, et tous les linges qui l’entouraient se sont affaissés, chacun « à sa place »… Seul Jean comprend… « Il vit et il crut »… « On a vraiment enlevé le Seigneur », mais c’est le Père, par la Puissance de l’Esprit Saint, qui a ressuscité son Fils d’entre les morts, et qui lui donnera peu après de se manifester à Pierre et à Jean…

Peu après, ils partiront en effet pécher, à une centaine de mètres du rivage, mais ce jour-là, les poissons n’étaient pas au rendez-vous. Jésus leur apparaît, mais ils ne le reconnaissent pas tout de suite… « Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez », leur dit-il. Ils le firent et de fait, il se remplit à craquer, une situation qu’ils avaient déjà vécue autrefois avec lui (Lc 5). Jean le comprend aussitôt de ce regard du cœur qui sait percevoir la Présence et l’Action de l’Invisible au cœur des réalités les plus simples de la vie. « C’est le Seigneur », dit-il à Pierre… Et ce dernier, le premier, encore une fois, plongera à l’eau pour aller le rejoindre (Jn 21,1-14)…

« Les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts », manifestant ainsi la victoire de l’Amour sur la haine, de la Douceur sur la violence, de la Vie sur la mort… Maintenant, ils vont partir sur les routes du monde en témoins de sa Résurrection, invitant les foules à se repentir pour recevoir le pardon de toutes leurs fautes. Car l’Amour est vainqueur, ils l’ont vécu, ils l’ont vu… DJF

 




Messe du jour de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 

Actes des Apôtres 10, 34a.37-43 (Les Apôtres témoins de la résurrection)

Pierre a déjà annoncé la résurrection du Christ à des Juifs, au jour de la Pentecôte (cf. Actes 2 – 4). Ici, il s’adresse pour la première fois à un païen, un officier romain de Césarée, capitale de la Judée-Samarie. Là résidait le gouverneur romain, tel Pilate, qui ne venait résider à Jérusalem que lors des pèlerinages, afin de parer à d’éventuelles agitations populaires.

Pierre résume l’Évangile qui commence par le baptême conférant au Christ la force prophétique de l’Esprit saint. Il ne s’attarde pas sur les faits et gestes de Jésus : il lui suffit de dire que les apôtres ont été témoins de son œuvre de libérateur, qu’il y a une continuité entre son ministère et la passion et la résurrection.

Les Juifs ont « pendu Jésus au bois », allusion à Deutéronome 21, 23, un texte que l’on interprétait alors comme une malédiction des crucifiés : Jésus a pris sur lui le destin des maudits, comme le rappellera saint Paul en Galates 3, 10. Mais « Dieu l’a ressuscité *le troisième jour », c’est-à-dire selon la symbolique juive ancienne, la résurrection générale de la fin des temps. Les apôtres en sont témoins. Les paroles de Pierre laissent entendre que des objections ont cours parmi les Juifs : s’il est vivant, pourquoi ne l’avons-nous pas vu ?

L’essentiel tient en ceci : Jésus est désormais le « Juge des vivants et des morts », la référence ultime de notre histoire, parce que Dieu lui a rendu justice contre la condamnation prononcée à son égard. « Quiconque croit en lui », Juif ou païen, se voit libéré de ses péchés parce qu’il reconnaît la justice de Dieu dans les relèvement du Christ.

* Le troisième jour. Le Nouveau Testament ne dit pas que Jésus s’est ressuscité, mais que Dieu l’a ressuscité, rendant par là justice à l’accomplissement de sa mission. D’autre part, la mention du « troisième jour » est moins chronologique que théologique. Dans la Bible, nombre d’événements importants se passent « le troisième jour », et, dans le judaïsme, l’expression en vint à désigner, sur la base d’Osée 6, 2, l’espérance de la résurrection finale de tous. Dans la résurrection de Jésus, c’est la nôtre qui commence.

Colossiens 3, 1-4 (Vivre avec le Christ ressuscité)

L’Apôtre vient de s’en prendre, en Colossiens 2, 8-23, à des déviations qui dénaturent la foi chrétienne de ses lecteurs. Il s’agit apparemment de l’influence de pratiques juives, d’un culte des anges mêlé de spéculations grecques sur les puissances cosmiques. Peut-être même certains rites d’initiation font-ils concurrence au baptême. Aux yeux de l’auteur, tout cela insulte à la place centrale due au Christ dans l’existence chrétienne.

Baptisés, nous sommes morts à ces fausses sécurités d’hier et d’aujourd’hui. Nous devons nous en dégager, parce que seul le Christ est « notre vie » et, selon le psaume pascal (109, 1), il siège auprès de Dieu. Nous sommes donc orientés désormais vers « les réalités d’en haut ». « Nous sommes ressuscités. » Le verbe est au passé : c’est chose faite ! Mais, dans le gris du quotidien, nous voyons mal les effets de cette nouveauté encore « cachée » dans le secret de Dieu. D’où notre difficulté à oser décoller, à oser nous élever. Mais viendra le jour de la manifestation du Christ et, en belle et pleine lumière, la révélation de notre être profond, pourvu que nous n’ayons pas laissé se briser notre élan vers *« les réalités d’en haut ».

* Les réalités d’en haut. Ici, nul mépris des réalités terrestres, puisque, selon l’auteur, Dieu a voulu « tout réconcilier » par le Christ « sur la terre et dans les cieux » (Colossiens 1, 20). Il blâme seulement les idéologies et autres discours religieux qui asservissent le monde à des intérêts inavouables. Ces perversions empêchent la terre de tendre vers sa réalisation authentique dans le Christ, dans la lumière de la Pâque du Christ. Victor Hugo racontait qu’en son enfance, il aimait se cacher dans les arbres parce que les adultes… ne regardent jamais en haut.

2e lecture, au choix :

1 Corinthiens 5, 6b-8 (La Pâque, exigence de renouvellement)

Paul écrit cette lettre depuis Éphèse, aux environs de la célébration de Pâques (cf. 1 Corinthiens 16, 8). Nos deux versets reprennent sans doute un passage de l’homélie qu’il a prononcée à l’occasion de la fête de Pâques et qu’il adapte ici à un problème précis (voir 1 Corinthiens 5, 1 ss.) : Un membre de l’Église de Corinthe a mal compris la liberté chrétienne prônée par Paul. Il a épousé sa belle-mère, contre la Loi mosaïque (Lévitique 18, 8) et contre le Code romain. La communauté n’a pas réagi, admirant peut-être l’audace de l’individu (à Corinthe, il fallait s’attendre à tout, semble-t-il). Mais, pour Paul, ce cas est le *levain qui corrompt la pâte de façon malsaine.

Dans les rites de la Pâque juive aujourd’hui encore, on débarrasse la maison de tout levain, en signe de renouveau (cf. Exode 12, 15). L’Apôtre transpose l’image : la communauté doit devenir ce qu’elle est réellement, une nouvelle pâte pascale. Chaque jour est Pâques, puisque le Christ, « notre agneau pacal, a été immolé », comme le nouvel ageau pascal libérateur. Il faut nous libérer des traces « de la perversité et du vice », en l’occurrence un usage vicié et égoïste de notre liberté, et nous engager dans une « droiture » et une « vérité » de tous les instants : voilà le premier pas de notre renouveau, de notre résurrection avec le Christ.

* Le levain. L’image positive du levain vient de la parabole (Matthieu 13, 33) dans laquelle, par paradoxe, Jésus compare la puissance du Règne de Dieu à l’infime pincée de levain qui fait lever une quantité de pâte incroyable. Mais d’ordinaire, dans le Nouveau Testament, le levain apparaît comme un agent corrupteur. Songeons à l’exclamation de Jésus : « Méfiez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens » (Matthieu 16, 6).

 

Jean 20, 1-9  (« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts»)

L’épisode de la course au tombeau, connu par un célèbre tableau, met en relief le disciple «que Jésus aimait», qui court plus vite que Pierre, mais qui, comme par déférence institutionnelle, s’efface derrière lui.

Le premier jour de la semaine

Jésus a été enseveli le vendredi soir, avec les honneurs dus à un roi, selon la mise en scène de saint Jean. Marie Madeleine laisse passer le repos du sabbat, puis elle se rend au tombeau pour pleurer le Disparu. C’est « le premier jour de la semaine », manière pour l’évangéliste d’annoncer une création nouvelle, « de grand matin », à l’aube de la vie – « c’était encore les ténèbres », car cette vie est encore cachée. Ainsi s’ouvrent les quatre épisodes dans lesquels Jean présente les manifestations du Ressuscité : la découverte du tombeau ouvert, l’apparition à Marie Madeleine, l’apparition aux disciples le soir du même jour et l’épisode de Thomas (2e dimanche de Pâques). L’évangile de Jean s’achèvera par un appendice plus tardif dans la composition de cet évangile : la rencontre au bord du Lac (Jean 21).

La course au tombeau

Quelle nouvelle peut faire courir un adulte sérieux ? Tout le monde court dans l’évangile de ce jour, à commencer par Marie Madeleine qui s’imagine qu’il y a eu rapt du corps, un fléau de l’époque. Sous sa désolation se profile l’émoi de la Bien-aimée du Cantique des Cantiques (3, 2) : « Je veux chercher celui que mon cœur aime ; je l’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé. »

C’est ensuite la course entre Pierre et « le disciple que Jésus aimait ». Ce dernier va plus vite, parce que, suppose-t-on, il aime davantage. Mais il laisse à Pierre, le chef des Douze, la primeur de la découverte des lieux.

Il vit et il crut

Le Disciple entre à son tour : « il vit* et il crut. » Il voit la parure funéraire soigneusement déposée : il ne s’agit donc pas d’un rapt précipité ; le Seigneur est sorti de la mort et n’a plus besoin de la vêture des morts. Le Disciple croit que, dans le secret de la nuit, Dieu l’a ressuscité. Il est en cela le premier des disciples qui croiront à leur tour, qui n’ont pas encore lu l’Écriture (l’Ancien Testament) correctement et n’y ont pas vu inscrit un plan de Dieu annonçant la résurrection du Seigneur. Il faut prendre le temps de se souvenir des paroles du Christ. Il avait annoncé que serait relevé « le Temple de son corps. » « Aussi quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela : ils crurent aux prophéties de l’Écriture… » (Jean 2, 22).

Pierre et l’autre disciple

Cet épisode de la course au tombeau, l’évangéliste l’a composé en reprenant la tradition de la visite de Pierre au sépulcre (cf. Luc 24, 12) et en introduisant le personnage du « Disciple que Jésus aimait », celui qui, lors de la Cène, « se penchait sur la poitrine de Jésus » (Jean 13, 25). L’évangéliste n’établit pas une rivalité entre Pierre et l’autre Disciple ; il souligne dans la découverte du Ressuscité, la primauté de l’amour sur la légitime solidité de l’Institution, représentée par Pierre. Plus nous aimons le Jésus des évangiles, plus nous croirons qu’il ne peut être que le Vivant, « le Juge des vivants et des morts » (1ère lecture).

* Voir n’est pas une simple opération des globes oculaires ; c’est aussi comprendre les choses, leur donner un sens. Ne dit-on pas :  «je vois ce que vous voulez dire»?  L’évangile de Jean accorde une grande importance à ce verbe. Jésus pose des signes pour que les humains puissent voir ce qu’il faut voir, c’est-à-dire que Dieu est à l’œuvre en lui. Au tombeau, le Disciple bien-aimé découvre une absence. Mais cette absence atteste pour lui une résurrection correspondant à ce qu’il a su voir finalement dans les Écritures. Notre foi consiste en un regard en profondeur des signes qui, au jour le jour, disent la présence active du Vivant.